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Les paras de l'Afrikakorps

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Page 1: Les paras de l'Afrikakorps
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LES PARAS DE L'AFRIKAKORPS

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HISTOIRE DE LA N O R M A N D I E ( F r a n c e - E m p i r e ) a v e c J e a n - R o b e r t R a g a c h e .

LA SAGA DE GODEFROY LE BOITEUX ( C o p e r n i c ) .

HISTOIRE SECRÈTE DE LA N O R M A N D I E ( A l b i n M i c h e l ) .

LES DUCS DE N O R M A N D I E ( L a v a u z e l l e ) .

GUILLAUME LE CONQUÉRANT ( A r t e t H i s t o i r e d ' E u r o p e ) .

L a M e r

L A M A R É E NOIRE DU « TORREY C A N Y O N » ( A l b i n M i c h e l ) .

ÉVASIONS FANTASTIQUES ( É d i t i o n s m a r i t i m e s e t d ' o u t r e - m e r ) .

PÊCHEURS DU COTENTIN ( H e i m d a l ) .

LES CONQUÉRANTS DES MERS POLAIRES ( V e m o y , G e n è v e ) .

« M O R B I H A N » AUTOUR DU MONDE ( É d i t i o n s m a r i t i m e s e t d ' o u t r e - m e r ) .

LA M Â O V E , r o m a n ( P r e s s e s d e l a C i t é ) .

C a r t e s e t m i s e e n p a g e s : R . H u l e u x .

I.S.B.N. 2-73390-390-X

© 1993, by Jacques Grancher, Éditeur

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Un parachutiste au « Présentez armes » sur un terrain d'aviation de la Méditerra- née. En arrière-plan, un avion de transport et de largage « Junker 52 » (docu- ment ECPA).

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Maréchal Erwin Rommel (1891-1944) (document «Signal»).

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AVANT-PROPOS

A u début de l'année 1941, la situation des forces italiennes d'Afrique est devenue telle que l'Allemagne décide d'intervenir en faveur de sa partenaire de l'axe Rome-Berlin. Pour aider son allié Mussolini, le Führer Adolf Hitler signe, le 11 janvier 1941, l'Ordre N° 22 qui va engager la Wehrmacht dans une redoutable aventure africaine, dont Tunis deviendra un jour un second Stalingrad...

« La situation en Méditerranée exige pour des raisons straté- giques, politiques et psychologiques une action de soutien alle- mande. La Tripolitaine doit être défendue. »

Un mois plus tard, les troupes britanniques font leur entrée à Benghazi. Deux divisions allemandes sont envoyées en Afrique, la 5 légère et la 1 5 Panzer. Ce corps d'armée blindé reçoit un nom que la propagande du Reich va faire connaître au monde entier: l'Afrikakorps. A sa tête un général qui n'a pas cinquante ans : Erwin Rommel ; déjà célèbre pour avoir mené comme une charge de cavalerie la campagne de sa 7e Panzer sur le front de l'Ouest.

Le général Rommel débarque à Tripoli au début du mois de mars 1941. Il survole le désert aux commandes d'un avion de reconnaissance Fieseler Storch et décide d'entrer immédiatement en campagne.

En moins de trois semaines, la Cyrénaïque est reconquise. Les forces germano-italiennes atteignent la frontière d'Égypte à Bar- dia et à Sollum. Pourtant, sur leurs arrières, Tobrouk résiste toujours. Le canal de Suez paraît à la portée de Rommel. Mais il n'en a pas les moyens. Deux ou trois divisions blindées ou même seulement motorisées supplémentaires lui seraient indis- pensables pour faire sauter le verrou britannique. Mais le haut- commandement a d'autres soucis. D'abord, la guerre dans les

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Balkans que termine victorieusement la prise de la Crète à la fin du mois de mai 1941 par les parachutistes et les chasseurs de montagne du Reich. Ensuite, la grande attaque contre l'Union Soviétique, le 22 juin 1941.

L'Afrikakorps ne reçoit pas l'aide que demande son chef. Pire encore, ses adversaires passent à la contre-offensive. Wavell attaque sans succès à la mi-juin et ne parvient pas à dégager Tobrouk. Mais son successeur, Auchinleck, repart en campagne à la mi-novembre.

La 8 armée britannique brise toutes les réactions des forces germano-italiennes. Au début de l'année 1942, Rommel se re- trouve sur ses positions d'El Agheila.

C'est un échec. Indéniable. Mais un échec provisoire. Hitler nomme à la tête du Théâtre d'Opérations Sud un aviateur, le maréchal Kesselring, et lui donne les moyens de soutenir l'Afri- kakorps. Les convois de l'Axe peuvent franchir la Méditerranée sans difficulté majeure.

Rommel attaque à nouveau. En quinze jours, il va avancer de plus de 40 kilomètres par 24 heures, mais il a été contraint

Les hommes destinés à servir dans l'Afrika- korps débarquent sou- vent en Libye par voie aérienne.

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Contraste entre deux mondes : deux Bédouins et leurs chameaux déambulent devant un appareil de la Luftwaffe.

d'allonger considérablement ses voies de ravitaillement et doit s'arrêter pour reprendre haleine.

Au mois de mai, Kesselring lui ordonne de reprendre l'offen- sive. Le 10 juin, les Français Libres, qui tenaient, à Bir Hakeim, le sud du front britannique, sont contraints d'évacuer leur camp retranché, après une héroïque résistance. A l'issue d'une gigan- tesque bataille de chars dans le Grand Désert, qui oppose les blindés britanniques et les panzers allemands, Rommel s'empare le 21 juin 1942 de Tobrouk. Sous le soleil d'Afrique, les Germa- no-italiens célèbrent le solstice d'été ! Les flammes des véhicules ennemis incendiés jalonnent la marche vers l'Est des panzers comme autant de bûchers de victoire.

Le commandant de l'Afrikakorps exulte. Il croit, cette fois, que la route de l'Égypte lui est ouverte. Les troupes de l'Axe s'em- parent de la petite ville portuaire de Marsa-Matrouh. Rommel poursuit son avance.

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Les troupes allemandes servant dans le Grand Désert doivent se proté- ger du vent de sable et de la réverbération qui rendent la vie quotidien- ne très pénible.

Après avoir parcouru près de huit cents kilomètres à la pour- suite des Britanniques en pleine retraite, il arrive devant El Ala- mein le 30 juin 1942.

Ses panzers ne sont plus qu'à cent kilomètres d'Alexandrie. Mais il n'a presque plus de panzers ! Il n'en reste plus que quelques-uns en état de combattre. Et il manque de carburant et de munitions. Ses lignes de communication avec les bases de ravitaillement sont démesurément étirées.

Pourtant, le désarroi est grand dans le camp allié. Alexander remplace Auchinleck. Et la 8 armée britannique est placée sous les ordres d'un nouveau chef : le général Montgomery. Rommel va trouver avec lui un adversaire à sa pointure...

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Pour encourager le chef de l'Afrikakorps, le grand quartier- général du Führer lui annonce sa nomination au grade de Gene- ral-Feld-Marschall. Ses adversaires se contentent de lui donner un surnom : « le Renard du Désert ».

Face aux Britanniques, aux Australiens et aux Néo-Zélandais qui défendent El Alamein, Rommel ne dispose que de cent mille hommes, dont la moitié de soldats italiens, souvent mal équipés et mal commandés. Son Afrikakorps est cependant passé de deux à quatre divisions: deux blindées: la 1 5 et la 2 1 panzer, une division d'infanterie motorisée, la 9 0 et une division d'infante- r i e o r d i n a i r e , l a 1 6 1

Les servants d 'une pièce de Pak antichars s 'apprêtent à engager le combat contre les blindés britanniques.

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Le maréchal Rommel juge toujours indispensable l'envoi de nouveaux renforts. Il est, sans nul doute, un des généraux favoris du Führer. Le haut-commandement de la Wehrmacht décide d'envoyer en Afrique une troupe de choc de toute première qualité : la Fallschirm-Jäger-Brigade « Ramcke », une brigade de chasseurs parachutistes rassemblant quelques-uns des meil- leurs bataillons des troupes aéroportées du Reich.

La bande de bras portée par les membres de l'Afrikakorps.

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LA BRIGADE RAMCKE A EL ALAMEIN

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Général Bernhard Ramcke (1889-1968) (document Imperial War Museum).

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CHAPITRE I

L e maréchal Erwin Rommel a besoin d'une infanterie de choc pour accompagner l'offensive de ses panzers vers l'Égypte. Le «Renard du Désert» se croit désormais capable d'atteindre le canal de Suez. La jonction avec les forces allemandes progres- sant vers le Caucase semble un rêve fou. Et pourtant cette opération, qui peut modifier le sort de la guerre, est à la portée du commandant de l'Afrikakorps. Mais il lui faut rameuter à tout prix des fantassins. Et des meilleurs !

Une troupe, c'est d'abord un chef. Celui-ci se nomme Bernhard Ramcke. Il vient d'avoir cinquante-trois ans depuis le 24 janvier de cette année 1942. C'est un dur d'entre les durs.

Né à Friedrichsburg, dans le Schleswig, il appartient à une vieille famille de cultivateurs qui fait valoir depuis le X V siècle les terres sablonneuses de cette région de l'Allemagne septentrio- nale, dont le ciel est souvent alourdi de gros nuages sombres que chasse un vent furieux venu de la mer du Nord.

La mer ! C'est le grand rêve de ce fils de paysan. Quand il était gamin, à l'école de son village natal, l'instituteur demandait un jour à chacun de ses élèves ce qu'il voulait faire dans la vie. Quand vint le tour du petit Bernhard Ramcke, l'enfant se redres- sa fièrement :

- Je serai amiral, répondit-il. - Et si tu n'y arrivais pas ? demanda le maître. - Alors, il faudra bien me contenter d'être général. - Tu ne me sembles pourtant pas bien robuste pour faire un

matelot ou un soldat ! Bernhard baissa le nez et ne répondit pas. Il croyait que la

volonté pouvait pallier tous les handicaps physiques. Malgré sa petite taille, il était sec et nerveux. Qu'on lui donne sa chance et

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A cinquante-deux ans, le colonel Bernhard Ramc- ke a sauté en parachute sur Malémé, pour mener à la conquête de la Crète les parachutistes du Sturm-Regiment, le régi- ment d 'assaut de la divi- sion aéroportée.

les ennemis de l'Allemagne impériale n'auraient qu'à bien se tenir sur tous les champs de bataille comme sur toutes les mers du monde !

Aussi se présenta-t-il sans inquiétude, quelques années plus tard, devant les militaires du conseil de révision de Friedrichs- ort-bei-Kiel.

Son aplomb impressionna les officiers. Mais les médecins se montrèrent plus réservés.

- Trop petit ! laissèrent-ils tomber dédaigneusement. Et pas assez de poids.

L'adolescent ne se démonta pas pour autant. - Laissez-moi seulement prendre la mer. Et vous verrez bien ce

dont je suis capable. Une telle confiance en soi impressionna quand même l'aréopa-

ge des galonnés qui décelèrent dans l'attitude du volontaire Ramcke une fantastique volonté.

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– Bon pour le service à la mer dans la marine impériale ! Tel fut le verdict. Quelques semaines plus tard, Bernhard Ramcke mettait son sac

à bord de la frégate Stosch. Il y fut embarqué comme mousse et avec consigne aux quartiers-maîtres de le dresser à la dure, tout au long d'une navigation autour du monde.

Quand le Stosch s'amarra dans le port de Kiel, après de longues semaines sans toucher terre, le jeune Ramcke n'avait certes pas grandi, mais il avait pris de l'étoffe et du métier. De mousse, il fut nommé matelot sans spécialité. Il embarqua alors sur un autre bâtiment, le Prinz Albrecht, avant d'être transféré sur le Blücher.

Maintenant, le petit paysan du Schleswig était devenu un vrai marin, fier de servir sur les bâtiments battant pavillon de guerre, blanc à croix noire, de Sa Majesté Guillaume II, roi de Prusse et empereur d'Allemagne.

Quand éclate la Première Guerre mondiale, Bernhard Ramcke a déjà vingt-cinq ans et de longues années de service à la mer derrière lui. Pourtant, ce n'est pas à bord d'un bâtiment qu'il va servir pendant le conflit.

La marine allemande a mis sur pied une brigade d'infanterie destinée à se battre sur terre. Les matelots, servant comme fusi- liers ou mitrailleurs, sont considérés comme des combattants d'élite, capables d'affronter les plus coriaces des ennemis, sous la pluie et dans la boue des Flandres. Dans les deux camps, on parle avec admiration de la résistance des marins bretons de l'amiral Ronarc'h à Dixmude. Leurs exploits font rêver aussi bien les Britanniques de la Royal Navy que les Allemands de la Kriegsmarine.

Promu officier marinier, Ramcke va gravir tous les grades de la hiérarchie. Il est nommé au feu « adjudant-chef en premier », ce qui correspond à maître principal dans la « Royale » et constitue le grade le plus élevé avant celui d'officier.

En 1916, il reçoit pour sa vaillance au combat la croix prus- sienne en or du mérite militaire et la Croix de fer de 1 classe. Mieux encore, il entre dans le corps des officiers. Cet ancien mousse sorti du rang est promu sous-lieutenant.

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Des volontaires du Frei- korps de la Brigade de Marine hissent dans les rues de Berlin, lors d 'une tentative de putsch, le drapeau de guerre de l'Empire alle- mand qui battait autre- fois sur les navires de combat de Guillaume II.

La guerre terminée, il refuse de déposer les armes et part se battre dans les pays Baltes, dans les rangs des Corps-Francs. Il est alors nommé lieutenant, après avoir été un des plus rudes guer- riers parmi les « Réprouvés » du Baltikum, dont un certain cadet nommé Ernst von Salomon devait plus tard célébrer l'épopée.

Malgré des positions politiques très marquées et fort peu con- formes à la modération prudente de la république de Weimar, très surveillée par les Alliés, il parvient à entrer dans la petite « armée de cent mille hommes », la Reichswehr, où les places sont chères. Tous les volontaires qui s'y retrouvent sont conscients de consti- tuer les cadres d'une future armée nationale allemande, où la conscription redeviendrait obligatoire.

Excellent instructeur et patriote convaincu, le lieutenant Ramc- ke est promu capitaine, puis major. Il sert désormais dans l'infan- terie, « reine des batailles ». Plus de quatre ans de guerre dans les rangs de la brigade de Marine ont fait de lui un grand spécialiste du combat à terre.

L'arrivée d'Adolf Hitler au pouvoir et le rétablissement du service militaire, lors de la transformation de la Reichswehr en Wehrmacht, ne peuvent que réjouir un officier de métier comme

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Ramcke. Il est promu lieutenant-colonel et reçoit le commande- ment du camp d'instruction de Gross-Born, en Poméranie.

Il va pouvoir transmettre aux jeunes recrues son expérience du feu.

Toujours à l'affût de nouvelles techniques de combat, l'ancien mousse du Kaiser découvre avec un intérêt passionné les exploits des unités parachutistes du III Reich. Les sauts sur le Danemark et la Norvège, l'intervention des paras à Narvik, la prise du fort d'Eben-Emael et des ponts sur le canal Albert, les combats de Hollande, tout cela a de quoi enthousiasmer un officier de choc comme le colonel Ramcke.

Il demande sa mutation pour une unité de Fallschirmjâger, les fameux chasseurs parachutistes de la Luftwaffe.

- Mais vous êtes largement quinquagénaire ! lui font observer les gratte-papiers des bureaux de l'état-major.

- Je le sais bien. Et je sais aussi que je ne suis pas très grand ! s'exclame Ramcke. On me l'a déjà dit au début de ma carrière, lors d'un conseil de révision de la Marine.

Il semble qu'aucune commission d'avancement ou de mutation n'ait jamais pu s'élever contre la volonté et l'obstination de cet incroyable têtu de Bernhard Ramcke.

Le général Student (1890- 1978), créateur de l'arme parachutiste allemande à la veille de la Secon- de Guerre mondiale.

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- Mutation pour les troupes aéroportées acceptée ! lui annonce un jour un message officiel.

Ramcke se présente aussitôt au général Student qui commande les paras du Reich - que l'on surnomme parfois « les étudiants », par allusion au nom de leur chef (Student voulant dire étudiant en allemand).

- Je vous nomme chef des troupes de réserve des unités para- chutistes, lui annonce son nouveau chef.

Le 20 mai 1941, les paras sautent sur la Crète.

Quatre régiments de chasseurs parachutistes sont engagés dès le premier jour dans la bataille : le 1 du colonel Brâuer, le 2 du colonel Sturm, le 3 du colonel Heidrich et le Sturm-Regiment ou régiment d'assaut du colonel Meindl. Cet officier supérieur est grièvement blessé dès le saut des paras et le poser des planeurs aux abords du terrain d'aviation de Malémé, le secteur le plus à l'ouest de l'île. S'emparer de la piste et de la hauteur 107 qui la domine est capital pour les Allemands. Ainsi seulement pourront atterrir les unités de renforts, composées de chasseurs de monta- gne à qui incombe la mission d'achever la conquête de l'île.

Pour remplacer Meindl, le général Student, installé dans son quartier-général d'Athènes, décide d'expédier le colonel Ramcke qui piaffe d'impatience depuis qu'il a appris que l'opération Merkur a débuté en Crète. Théoriquement, il avait pour seule mission d'assurer la coordination entre les paras et les alpins. Le voici maintenant chargé de prendre sous le feu, le 21 mai, le commandement du régiment d'assaut. Il n'est pas question pour un avion de se poser à Malémé : le colonel de cinquante-deux ans sautera donc en parachute, avec un demi millier de chasseurs envoyés en renfort.

Ramcke n'a même pas de bottes de saut et arrive brutalement au sol en bottes d'équitation, sans protège-genoux, sans protège- coudes et même sans son casque d'acier ! La voilure de son « pépin » se prend dans un agave de trois mètres de haut.

La situation qu'il trouve en arrivant au sol n'est guère encou- rageante. Son chef d'état-major est hors de combat, ainsi que deux de ses chefs de bataillon sur quatre.

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Mais, en cette après-midi du 21 mai, deuxième jour de la bataille, le régiment d'assaut vient de trouver un patron ! Il s'ins- talle au poste de commandement de Tavronitis, dans un bois d'oliviers non loin du terrain d'aviation, situé en bordure de mer. Ses paras se battent sur les pentes de la cote 107 qu'ils doivent bientôt entièrement contrôler et tentent de progresser vers l'est en direction du village de Malémé. Ramcke se rend aux avant-postes pour se faire une idée de la situation. Les pertes apparaissent considérables, mais le sacrifice des paras permet aux premiers alpins d'arriver à pied-d'œuvre.

Dès le lendemain, le colonel accueille sur le terrain d'aviation le général Schlemm qui représente leur chef, le célèbre Student, resté encore à Athènes, d'où il coordonne l'arrivée de tous les renforts vers la Crète.

Le 24 mai, Ramcke ordonne l'attaque générale du régiment d'assaut en direction du village de Platanias, véritable forteresse naturelle au-dessus du rivage. Ses paras, au coude à coude avec les alpins, doivent attaquer par la montagne, à une demi-douzaine de kilomètres à vol d'oiseau à l'intérieur des terres. Ramcke, qui commande tout le groupe «Ouest» de l'opération Merkur, va enfin pouvoir participer à l'assaut contre la ville de La Canée.

Des parachutistes allemands viennent de faire quelques prisonniers britanniques sur les pentes de la hauteur 107, au-dessus de Malémé, dans les premières heures de la bataille de Crète.

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Le dimanche 25 mai est celui de la grande bataille pour le nid d'aigle de Galatas. Elle va se poursuivre toute la journée du lundi. Et toute la nuit du lundi au mardi.

Enfin le 27 mai 1941, après huit jours de durs combats, le pavillon de guerre du Reich flotte sur La Canée.

La bataille de Crète est terminée et le colonel Ramcke y a joué un rôle décisif.

A l'issue de la campagne de Crète, le colonel Bernhard Ramcke est promu Generalmajor (équivalent à général de brigade dans l'armée française). Il est décoré de la croix de chevalier de la Croix de fer, le 21 août 1941.

C'est l'époque la plus glorieuse de l'Axe. Allemands et Italiens luttent côte à côte en Russie comme en Libye et obtiennent d'indéniables succès contre les Soviétiques et les Britanniques. La Wehrmacht possède un meilleur entraînement, un meilleur armement et un meilleur encadrement que la Regio Exercito. Certains spécialistes sont détachés auprès des armées du Duce, avec pour mission de transmettre leur expérience aux camarades de combat fascistes.

Le général Ramcke reçoit ainsi une mission auprès de la divi- sion parachutiste Folgore, incontestablement une des meilleures, si ce n'est la meilleure unité italienne.

Tandis qu'il occupe son poste en Italie, les nouvelles d'Afrique passionnent tous les officiers de l'état-major, qu'ils soient Alle- mands ou Italiens.

Un officier de liaison donne à son chef les dernières nouvelles du front d'Outre-Méditerranée :

- Herr Generalmajor, lui dit-il, l'armée germano-italienne, sous le commandement du maréchal Rommel est passée à l'offensive contre Tobrouk. Les défenses ennemies sont percées. Nos avant- gardes ont atteint El Alamein.

- El Alamein ! Mais c'est en Égypte ! La chute du Caire ne saurait tarder.

Les officiers italiens félicitent bruyamment leurs camarades allemands. Ce soir, au «casino» des officiers, il ne sera question que de la ruée des forces de l'Axe sur le canal de Suez.

On lèvera force verres en l'honneur de Rommel.

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Le général Ramcke se ronge d'occuper un poste certes néces- saire mais bien paisible quand des camarades se couvrent de gloire en Afrique.

Il reçoit alors un ordre de mission le convoquant de toute urgence à Berlin.

- Ramcke, lui annonce d'emblée le général Student, vous par- tez pour l'Afrique.

- Rien ne peut me réjouir davantage, Herr Generalleutnant. - Pas moi, rétorque Student. - Et pourquoi donc ? - Vous devez y conduire au feu une brigade de parachutistes.

J'estime qu'il est stupide d'employer comme des fantassins ordi- naires nos paras.

- Mais ce sont des combattants de choc ! - Justement. Ils méritent d'être réservés pour des opérations

correspondant à leur entraînement particulier et à leur valeur opérationnelle. J'en ai parlé au Führer. Mais il estime que nos pertes ont été trop lourdes en Crète, tant en ce qui concerne les hommes que les avions. Aussi, il ne veut plus entendre parler du moindre saut sur les arrières de l'ennemi.

La conquête de la Crète a coûté si cher en avions et en vies humaines que le haut- commandement de la Wehrmacht a décidé de renoncer désormais aux grandes opérations aéroportées.

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- C'est pourtant notre mission ! - Je le sais encore mieux que vous, Ramcke. Mais un ordre est

un ordre. Et Student explique à l'ancien mousse de la marine impériale

l'essentiel de sa tâche : - Vous allez former une brigade à quatre bataillons de chas-

seurs parachutistes et un groupe d'artillerie et vous vous mettrez à la disposition du maréchal Rommel. Il sera le seul juge de la manière dont il conviendra d'employer votre unité.

Et le créateur de l'arme parachutiste allemande ajoute : - Je sais que vos hommes et vous-même ferez honneur au

corps des Fallschirmjâger du Reich.

Le 21 juin 1942, pour le solst ice d'été, le général Rommel et son chef d'état-major, le colonel Bayerlein, font leur entrée, à cinq heures du matin, dans les rues de Tobrouk. Hitler décide alors d'élever Rommel au rang de Feldmarschall.

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CHAPITRE II

L e général Bernhard Ramcke doit précéder ses paras sur la terre d'Afrique. Il sait que ses hommes vont jouer un rôle capital dans la grande bataille qui s'engage au-delà de la frontière égyptienne, en renforçant les troupes de Rommel, épuisées par les durs combats des mois précédents.

Tandis que les premiers éléments de sa brigade sont déjà en route par voie ferrée des Balkans vers Athènes, leur chef s'em- barque dans un avion Heinkel 111 et se rend en personne auprès des services de la Luftwaffe en territoire grec occupé par les forces allemandes.

- Pouvez-vous assurer le transport aérien de ma brigade ? leur demande d'emblée Ramcke.

- Il faudra prévoir une escale en Crète, Herr Generalmajor. - Cela me semble en effet indispensable. A la fin du mois de juillet 1942, Ramcke est le premier de toute

sa brigade à se poser sur un aérodrome crétois. Il ne découvre pas sans émotion le terrain de Malémé, où les paras allemands se sont si durement battus quatorze mois auparavant. Le sort des armes a été longtemps incertain et tant de braves sont alors tombés.

Le général gravit à pied la cote 107, point-clé de la bataille menée par le Sturm-Regiment, le régiment d'assaut parachutiste de la division aéroportée. Il s'attarde longuement au pied du monument, où un aigle de pierre tenant en ses serres la croix gammée pique vers le sol, dans une gigantesque transposition de l'insigne des paras du Reich. Le général marche lentement entre les rangées de tombes, rassemblées sur des terrasses entourées de petits murs, tout autour du sommet si âprement disputé pendant quatre rudes journées du brûlant mois de mai 1941.

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– Adieu, vieux camarades, murmure à mi-voix l'ancien marin, qui n'oublie jamais qu'il a été un sous-officier puis un officier du rang, menant ses hommes à l'assaut, loin des bureaucrates confi- nés des besognes d'état-major.

Ramcke descend lentement les pentes assez raides de la colline et regagne le terrain d'aviation de Malémé.

Il aperçoit des pistes nouvelles, des baraquements, des posi- tions de défense antiaérienne. La Crète est devenue un gigantes- que porte-avions immobile au cœur de la Méditerranée orientale, d'où s'envolent sans cesse vers l'Afrique dans de lourds nuages de poussière ocre, appareils de combat et de transport.

Allemands et Italiens possèdent une relative maîtrise du ciel d'Afrique et de nom- breux appareils britanniques sont abattus par les pièces antiaériennes de Flak.

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Le sacrifice des paras et des alpins tombés pour la conquête de la Crète n'a pas été vain. C'est sur cette île, désormais inexpu- gnable que se joue le sort ultérieur de l'Afrikakorps et l'avenir des forces militaires de l'Axe germano-italien en Afrique.

L'appareil du chef de la nouvelle brigade destinée à combattre en Egypte décolle à son tour.

Très vite, le pilote prend le cap vers le sud, sous un soleil éclatant qui fait miroiter les ailes et le fuselage aux croix noires.

En quelques heures, l'appareil arrive au-dessus de Tobrouk. Le général Ramcke aperçoit la côte d'Afrique qui raye l'horizon d'un trait jaune d'or, marquant une nette séparation entre le bleu clair du ciel et le vert sombre de la mer. Le Heinschel survole le petit port, si important pour le ravitaillement des troupes de l'Axe en Libye. On distingue des épaves de navires et des bâtiments en ruines. On s'est durement battu pour la conquête de Tobrouk. La plupart des maisons, de couleur ocre, ont été détruites.

Au-delà de la bande littorale rocheuse, Ramcke découvre l'in- fini désert de sables et de pierres, où ses paras vont devoir maintenant se battre. Le général distingue des réseaux de tran- chées, en zigzag, et des pistes, toutes droites qui se perdent dans la poussière et la brume de chaleur.

Sur le terrain d'aviation où se pose l'appareil, le vent fait voler d'épais nuages de sable. Le soleil tape dur.

- Herr Generalmajor, annonce le premier officier de liaison qui se présente pour accueillir le chef de la brigade parachutiste, il fait ici 42° à l'ombre.

Et il ajoute aussitôt : - Voulez-vous vous restaurer un peu avant de reprendre l'air? - J'aurais surtout besoin d'une douche, grogne Ramcke. Il gagne une tente et avale une assiette de riz et une tasse de

thé. Quand il se dirige à nouveau vers l'avion, il remarque le personnel au sol qui s'active dans des tranchées protégées par des sacs de sable.

- Ils sont si brunis par le soleil qu'ils ressemblent à des Arabes, fait-il remarquer à son officier d'ordonnance.

L'équipage du Heinkel a fait le plein et l'appareil ne tarde pas à décoller, poursuivant sa route par Sollum et Capuzzo. Il survole maintenant la passe de Halfaya. Un des aviateurs explique à Ramcke :

- C'est ici qu'un groupe de soldats allemands, encerclés, a

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L'Impression de cet ouvrage a été réalisée sur les presses offset

de l'Imprimerie Bussière à Saint-Amand-Montrond (Cher)

en février 1993

N° d'impression : 154. Dépôt légal : février 1993.

Imprimé en France