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LES PROCÉDURES ACCÉLÉRÉES EN DROIT COMMERCIAL (RÉFÉRÉ, COMME EN RÉFÉRÉ, AVANT DIRE DROIT, TOUTES AFFAIRES CESSANTES) : PRINCIPES, CONDITIONS ET CARACTÉRISTIQUES par Hakim BOULARBAH Avocat, maître de conférences à l’Université libre de Bruxelles et Xavier TATON Avocat, assistant à l’Université libre de Bruxelles 1. Introduction 1. Objet de la présente étude. C’est un lieu commun que d’encore écrire aujourd’hui que la vie des affaires ne peut supporter le rythme, souvent très lent, avec lequel l’œuvre de justice est rendue. Pour pallier notamment cet écueil, le législateur a très tôt créé une juridiction spécifique au « droit des marchands », le tribunal de commerce. Son président, saisi par voie de référé et, en cas d’absolue nécessité, par voie de requête unilatérale, a été pendant longtemps le garant du traitement des cas urgents qui ne pouvaient être réglés en temps opportun par le tribunal. Progressivement, la recherche d’efficacité a conduit à la création, à côté de ces voies classiques, de nouvelles procédures dérogatoires, se déroulant tantôt « comme en référé », tantôt « toutes affaires cessantes ». 7

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LES PROCÉDURES ACCÉLÉRÉES ENDROIT COMMERCIAL (RÉFÉRÉ, COMME

EN RÉFÉRÉ, AVANT DIRE DROIT,TOUTES AFFAIRES CESSANTES) :

PRINCIPES, CONDITIONS ETCARACTÉRISTIQUES

par

Hakim BOULARBAH

Avocat, maître de conférences à l’Université libre de Bruxelles

et

Xavier TATON

Avocat, assistant à l’Université libre de Bruxelles

1. Introduction

1. Objet de la présente étude. C’est un lieu commun que d’encoreécrire aujourd’hui que la vie des affaires ne peut supporter le rythme,souvent très lent, avec lequel l’œuvre de justice est rendue. Pour palliernotamment cet écueil, le législateur a très tôt créé une juridictionspécifique au « droit des marchands », le tribunal de commerce. Sonprésident, saisi par voie de référé et, en cas d’absolue nécessité, par voiede requête unilatérale, a été pendant longtemps le garant du traitementdes cas urgents qui ne pouvaient être réglés en temps opportun par letribunal. Progressivement, la recherche d’efficacité a conduit à lacréation, à côté de ces voies classiques, de nouvelles procéduresdérogatoires, se déroulant tantôt « comme en référé », tantôt « toutesaffaires cessantes ».

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La présente étude a pour objet l’examen des principes, conditionset caractéristiques de ces différentes procédures « accélérées » existantdevant les juridictions commerciales 1. Cette analyse pourra s’appuyersur deux récents ouvrages qui ont traité de manière très complète etgénérale les procédures urgentes 2. Aussi, il ne sera pas proposé unexposé complet et exhaustif de toutes les questions suscitées par lamatière examinée mais un rappel de ses aspects les plus importants, touten développant certaines questions qui demeurent les plus délicates ouimportantes dans la pratique.

2. Plan. Après avoir rappelé les principes régissant les procédures en référé, soit celles dans lesquelles la juridiction s’exerce au provisoiredans les formes de l’urgence (2), nous examinerons ceux qui gouvernent les procédures initiées sur requête unilatérale en raison de l’absoluenécessité (3). Il conviendra ensuite d’étudier le régime des actions aufond mais formées et instruites « comme en référé » (4) et celui desdécisions provisoires rendues par le juge du fond (5). Enfin, onmentionnera brièvement l’existence de quelques procédures accéléréestout à fait spécifiques (6).

2. Le référé devant les juridictions commerciales –Le provisoire dans les formes de l’urgence

3. Objet de la présente section. Parmi les contributions qui suivent,plusieurs sont consacrées à l’intervention du juge des référés dans desdomaines primordiaux de la vie commerciale. En guise d’introduction àces développements particuliers, la présente section a pour objet derappeler de manière synthétique les principes, les conditions et lescaractéristiques du référé commercial en général, en insistantnotamment sur les principales controverses subsistant en la matière.

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(1) Par « juridictions commerciales », on entend le tribunal de commerce, sonprésident ainsi que la cour d’appel, siégeant au second degré de juridiction ou dans lecadre de l’une de ses compétences directes.(2) Le référé judiciaire, J. ENGLEBERT et H. BOULARBAH (dir.), éd. J.B.Bruxelles, 2003, ainsi que Les actions en cessation, J.-F. van DROOGHENBROECK(coord.), CUP, Volume 87, mai 2006, Bruxelles, Larcier.

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2.1 Questions de recevabilité

4. Influence des clauses contractuelles. L’insertion par les partiesde clauses contractuelles précisant une procédure alternative derèglement de leur litige, peut avoir une influence sur la recevabilité decertaines demandes en référé. En effet, la demande en référé ne permetpas aux parties de méconnaître la procédure convenue de règlement deslitiges. À titre d’exemple, si un contrat de bail prévoit qu’un inventairede sortie et un état des lieux seront établis conjointement au moment dela résiliation ou de l’expiration du bail, chacune des parties est en droitde réclamer l’application de cette procédure contractuelle et des’opposer à une demande en référé tendant à la désignation d’un expertjudiciaire 3.

5. Référé et arbitrage. En vertu de l’article 1679, alinéa 2, du Codejudiciaire, une convention d’arbitrage n’est pas incompatible avec unedemande en référé tendant à obtenir des mesures conservatoires ouprovisoires 4. L’introduction d’une demande en référé n’impliqueaucune renonciation à la clause d’arbitrage 5.

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(3) J.P. Mons (1er canton), 8 décembre 1997, R.G. 1549/97, inédit, faisant droit à latierce opposition formée contre l’ordonnance prononcée par la même justice de paix le10 octobre 1997 sur requête unilatérale. Nous n’apercevons pas de raison de retenir unesolution différente à l’égard d’une procédure en référé contradictoire devant le présidentdu tribunal de commerce.(4) Pour des cas d’application, voy. notamment : comm. Hasselt (réf.), 16 février 2004, R.D.C., 2005, p. 86, et la note de J. DECOKER, « Kort geding en arbitrage in driestappen », p. 88 et suiv. ; comm. Anvers (réf.), 24 septembre 2001, R.W., 2005-2006,p. 557 (abrégé). La question demeure ouverte de savoir si les parties peuventconventionnellement exclure la compétence du juge des référés étatique au profit desarbitres (voy. réc. G. de LEVAL, « L’arbitre et le juge étatique : quelle collaboration ? »,Rev. Dr. intern. et dr. Comp., 2005, p. 11).(5) À ce sujet, voy. M. HUYBRECHTS et I. VEROUGSTRAETE, « Relations avecles juges. Relatie met de rechters », in X., Macht en onmacht van de arbiter. L’arbitre :pouvoirs et statut, Bruylant, Bruxelles, 2003, p. 354.

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2.2 Questions de compétence matérielle

6. Compétence au fond du tribunal de commerce. En vertu del’article 584, alinéa 2, du Code judiciaire, le président du tribunal decommerce est compétent pour statuer au provisoire dans les cas dont ilreconnaît l’urgence, dans les matières qui sont de la compétence dutribunal de commerce 6 7.

Il existe une controverse sur la question de savoir si, en cas delitige au fond porté à juste titre devant le tribunal de commerce, leprésident de ce tribunal devient automatiquement compétent pour les« incidents » urgents liés à ce litige 8. À notre estime, en l’absence dedisposition particulière en ce sens, la compétence matérielle duprésident du tribunal de commerce doit s’apprécier indépendamment detout litige pendant au fond qui serait lié à la demande en référé.

7. Compétence de la cour d’appel de Bruxelles en matièred’offres publiques d’acquisition. En vertu de l’article 18ter, § 1er, de la loi du 2 mars 1989 relative à la publicité des participations importantesdans les sociétés cotées en bourse et réglementant les offres publiquesd’acquisition 9, la cour d’appel de Bruxelles dispose d’une compétenceexclusive pour toute demande, au provisoire vu l’urgence, fondée entout ou en partie sur la réglementation des OPA, ou qui a pour objet ou

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(6) Voy. les articles 573 à 576 du Code judiciaire. Le président du tribunal decommerce n’est donc pas compétent pour des infractions au droit d’auteur et aux droitsvoisins, et ce quelle que soit la qualité des parties (comm. Hasselt (réf.), 24 décembre2004, I.R.D.I., 2005, p. 123). Voy. également : comm. Hasselt (réf.), 14 janvier 2000,Limb. Rechtsl., 2000, p. 144.(7) La compétence du président du tribunal de commerce n’exclut jamais celle duprésident du tribunal de première instance, auquel l’article 584, alinéa 1er, du Codejudiciaire attribue une plénitude de juridiction en matière de référé.(8) Dans une ordonnance du 3 juin 2003, le président du tribunal de commerce deHasselt a considéré que, lorsqu’une cause est portée à juste titre devant le tribunal decommerce et qu’une partie saisit le juge des référés d’un incident, le président du tribunalde commerce peut s’estimer compétent, même si la défenderesse en référé est une sociétécivile, parce que le « cas » relève de la compétence du tribunal de commerce (comm.Hasselt (réf.), 3 juin 2003, R.D.J.P., 2003, p. 309). À l’inverse, une ordonnance du mêmeprésident du 15 décembre 2003 a estimé, sur la base d’une application analogique del’article 564 du Code judiciaire relatif aux demandes en intervention, que seul le présidentdu tribunal de première instance est compétent pour connaître d’une demande tendant àdéclarer commune une ordonnance de ce président (comm. Hasselt (réf.), 15 décembre2003, RABG, 2004, p. 1200).(9) Introduit par l’article 5 de la loi du 2 août 2002 complétant la loi du 2 août 2002relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers et modifiantdiverses autres dispositions légales (M.B., 4 septembre 2002, p. 39.174).

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est susceptible d’avoir pour effet de provoquer l’ouverture d’une OPAou de modifier le résultat, les conditions ou le déroulement d’une telleoffre 10.

8. L’urgence comme condition de compétence. Il est aujourd’huibien établi que l’urgence constitue à la fois une condition de compétence matérielle du juge des référés, et une condition de fond 11. En tant quecondition de compétence, l’urgence s’apprécie en fonction de l’objet dela demande, tel qu’il est libellé dans la citation introductived’instance 12. Par conséquent, dès que le demandeur en référé invoquel’urgence, de manière explicite ou implicite, dans sa citation, le juge desréférés est compétent pour connaître de sa demande 13.

Si le demandeur en référé n’invoque pas l’urgence en termes decitation, il y aura lieu à incident de répartition 14 ou à déclinatoire decompétence 15, selon que le juge du fond compétent fait ou non partie dela même juridiction que le président initialement saisi.

En degré d’appel, il résulte des articles 643 et 1068 du Codejudiciaire que, si l’urgence n’était pas invoquée dans la citation mais que le juge d’appel constate qu’il est lui-même le juge d’appel du jugecompétent au fond, il doit statuer sur la demande en tant que juge dufond 16. S’il n’est pas le juge d’appel du juge compétent au premier

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(10) Voy. également les articles 605ter et 633bis du Code judiciaire, insérés par lesarticles 8 et 9 de la loi du 2 août 2002. Sur la compétence de la cour d’appel de Bruxelles de connaître d’une telle demande au fond, voy. infra le chapitre 6.(11) Cass., 11 mai 1990 (deux arrêts), Pas., I, 1045 et 1050 ; comm. Courtrai (réf.),25 juin 2001, R.W., 2003-2004, p. 476.(12) Cass., 8 septembre 1978, Pas., 1979, I, 29.(13) J. ENGLEBERT, « Le référé judiciaire : principes et questions de procédure », inX., Le référé judiciaire, Jeune Barreau, Bruxelles, 2003, p. 5 et suiv., spéc. p. 10, n° 9.L’urgence doit néanmoins être invoquée dans la citation elle-même. À titre d’exemple, lefait que l’urgence ait été invoquée dans une ordonnance désignant un expert ne permet pasde déduire l’urgence d’une demande ultérieure en déclaration d’ordonnance commune(comm. Anvers (réf.), 2 décembre 2002, R.D.J.P., 2002, p. 342).(14) Au sein du tribunal de commerce, l’incident de répartition se règle en applicationde l’article 726 du Code judiciaire, selon lequel le président du tribunal de commercedistribue, s’il y a lieu, les causes à une autre chambre que la chambre d’introduction.(15) Articles 639 et suivants du Code judiciaire.(16) Cass., 11 mai 1990, Pas., I, 1045 ; Bruxelles, 13 avril 1999, Rev. prat. soc., 2000,p. 83 ; Bruxelles, 15 février 1995, Pas., 1994, II, 45 ; H. BOULARBAH, « Variationsautour de l’appel des ordonnances ‘sur référé’ », in X., Imperat lex. Liber AmicorumPierre Marchal, Larcier, Bruxelles, 2003, p. 225 et suiv., spéc. p. 244, n° 15.

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degré, il doit renvoyer la cause au juge d’appel de ce dernier pour qu’ilstatue au fond 17.

2.3 Questions de compétence territoriale

9. Compétence internationale. Si le défendeur en référé estdomicilié sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne, lacompétence internationale du juge des référés doit être vérifiée auregard des dispositions du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance etl’exécution des décisions en matière civile et commerciale 18. Dans cecas, les demandes de mesures provisoires relèvent de la juridiction dujuge belge des référés soit lorsque le litige au fond relève de lajuridiction des cours et tribunaux belges en vertu des articles 2 et 5 à 23du règlement 19, soit lorsqu’il existe un lien réel entre l’objet desmesures demandées et la compétence territoriale du juge belge saisi,attribuée en vertu du droit national de la procédure. Ce lien existeranotamment si la mesure demandée doit sortir ses effets en Belgique 20.

Si aucun instrument international ne s’applique, le pouvoir dejuridiction du juge des référés est déterminé par le Code de droitinternational privé 21. Sur le modèle du système prévu par le règlement(CE) n° 44/2001, l’article 10 du Code précise que dans les casd’urgence, les juridictions belges sont compétentes pour prendre desmesures provisoires ou conservatoires et des mesures d’exécution soitlorsqu’elles sont compétentes pour connaître du fond, soit lorsque lesmesures demandées concernent des personnes ou des biens se trouvanten Belgique lors de l’introduction de la demande 22.

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(17) Cass., 24 décembre 1987, Pas., 1988, I, 510 ; Bruxelles, 7 juin 1995, Pas., II, 33 ;P. MARCHAL, Les référés, Bruxelles, Larcier, 1992, p. 53, n° 22.(18) La Convention de Lugano du 16 septembre 1988 est en vigueur vis-à-vis del’Islande, de la Suisse et de la Norvège. Les dispositions de ces instruments internationaux sont cependant fort similaires.(19) Comm. Courtrai (réf.), 25 juin 2002, R.W., 2004-2005, p. 29 ; comm. Courtrai(réf.), 22 janvier 2001, R.W., 2002-2003, p. 785.(20) Article 31 du règlement (CE) n° 44/2001 ; Comm. Courtrai (réf.), 25 juin 2001,R.W., 2003-2004, p. 476.(21) Loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé, M.B., 27 juillet2004, p. 57.344.(22) Voy. sur cette disposition, H. BOULARBAH, « Le nouveau droit commun desincidents de compétence », R.D.J.P., 2004, p. 192-193 ; P. WAUTELET, « Le Code de

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10. Compétence interne. En règle, la demande de référé estintroduite devant le président dont le tribunal est territorialementcompétent pour connaître du fond. Il est cependant généralement admisque la demande peut également être introduite devant le président dutribunal du lieu où la mesure demandée doit être exécutée, en tout ou enpartie, même si ce tribunal est territorialement incompétent pourconnaître du fond 23.

2.4 Questions de fond

2.4.1 L’urgence comme condition de fond

11. Définition. Selon la définition traditionnellement admise, il y aurgence « dès que la crainte d’un préjudice d’une certaine gravité,voire d’inconvénients sérieux, rend une décision immédiatesouhaitable » 24. L’urgence n’est pas établie si le litige peut être tranchéavec la même efficacité dans le cadre de la procédure ordinaire 25.

Comme l’urgence constitue également une condition defondement de la demande en référé, si, après s’être déclaré compétent au vu du libellé de la citation, le président du tribunal constate quel’urgence n’est pas réellement établie, il doit déclarer la demande nonfondée 26.

12. Applications pratiques. La condition d’urgence s’apprécied’abord par référence à la durée de la procédure au fond qui a ou aurait

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droit international privé et le procès international », in Actualités de droit judiciaire, CUP,volume 87, Bruxelles, Larcier, 2005, p. 339 et s.(23) Cass., 22 décembre 1989, Pas., 1990, I, 504 ; comm. Anvers (réf.), 19 octobre2001, R.W., 2002-2003, p. 872 ; P. MARCHAL, Les référés, op. cit., p. 78, n° 48.(24) Cass., 21 mai 1987, R.W., 1987-1988, p. 1425 ; Bruxelles, 29 juin 1994, R.W.,1994-1995, p. 259 ; civ. Bruxelles (réf.), 10 novembre 2003, R.G. 2003/1211/C, inédit.(25) En effet, le juge des référés doit rester un recours exceptionnel pour le justiciable,qui ne peut saisir celui-ci que s’il ne peut pas obtenir un résultat utile en suivant laprocédure ordinaire (Liège (réf.), 15 novembre 1991, J.L.M.B., 1992, p. 396 ; J. VANCOMPERNOLLE et G. CLOSSET-MARCHAL, « Examen de jurisprudence (1985 à1998). Droit judiciaire privé », R.C.J.B., 1999, p. 59 et suiv., spéc. p. 153, n° 356).(26) Cass., 10 avril 2003, J.L.M.B., 2003, p. 581 ; Cass., 6 mai 1991, Pas., I, 78 ; civ.Charleroi (réf.), 8 avril 1997, R.R.D., 1997, p. 304. Contra : comm. Bruxelles (réf.),21 mars 2000, J.L.M.B., 2001, p. 469, et les observations critiques de J. ENGLEBERT,« Référé et urgence », p. 470. Cette ordonnance a considéré, à tort, que si l’urgence,invoquée en citation, fait défaut, il appartiendrait au juge des référés de renvoyer la causeau juge du fond compétent.

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pu être introduite par le demandeur en référé 27. Ainsi, le fait que lacause principale soit en délibéré ou sur le point d’être plaidée devant lejuge du fond au moment où l’ordonnance de référé va être prononcée,ôte toute urgence à la procédure en référé 28. Il n’y a pas davantageurgence lorsque le juge du fond pourrait statuer dans un délai limitécomparable 29. Certaines ordonnances de référé témoignent cependantd’une sévérité excessive en rejetant l’urgence au seul motif que ledemandeur pouvait demander une mesure provisoire à l’audienced’introduction devant le juge du fond, sur pied des articles 19, alinéa 2,et 735 du Code judiciaire 30.

Inversement, la seule invocation de l’arriéré judiciaire et deslenteurs de la procédure ordinaire ne suffit pas à établir l’urgence,celle-ci devant être étayée par des éléments de fait propres à la cause 31.

Les présidents des tribunaux de commerce s’attachent d’ailleurs àprendre en considération les conditions commerciales particulières dans lesquelles se déroule le litige. Ainsi, l’urgence de la vie économique enmatière de distribution de produits liés à un phénomène de mode, apermis à une partie se plaignant d’actes de contrefaçon de sa marque,d’obtenir une décision en référé 32. De même, la radiation d’unintermédiaire de crédit, même limitée à quinze jours, a été considérée

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(27) En présence d’une clause d’arbitrage, la comparaison doit être faite avec la duréerequise pour la prise de mesures efficaces au sein de la procédure d’arbitrage, en cecompris le temps nécessaire pour obtenir l’exequatur de la sentence arbitrale (comm.Hasselt (réf.), 16 février 2004, R.D.C., 2005, p. 86, et la note précitée de J. DECOKER,spéc. p. 89 et 90, n° 5).(28) Liège, 17 juin 2002, J.T., 2002, p. 667 ; Liège, 31 août 1995, J.L.M.B., 1995,p. 1523.(29) Comm. Charleroi (réf.), 11 décembre 2002, Bull. ass., 2003, p. 383.(30) J. ENGLEBERT, « Le référé…», op. cit., p. 16 à 18, n° 16 et 17, et les réf. citées.Adde comm. Bruxelles (réf.), 18 décembre 2003 et 27 mai 2004, R.G. RK 252/2003,inédit. Dans cette espèce, la demanderesse avait introduit sa demande en référé par citation du 22 août 2003. Par une ordonnance interlocutoire du 18 décembre 2003, le président dutribunal de commerce de Bruxelles a ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de déposer d’autres pièces. Néanmoins, dans son ordonnance du 27 mai 2004, lemême président a exclu l’urgence à statuer, aux motifs qu’une procédure au fond était déjàpendante devant le tribunal de commerce de Bruxelles, que le tribunal pouvait aménagerune situation d’attente sur la base des articles 19, alinéa 2, et 735 du Code judiciaire, et que l’économie processuelle exigeait de renvoyer l’affaire au juge du fond. Cette décisionnous paraît critiquable, dans la mesure où le président du tribunal n’a pas vérifié si lademande était ou non de nature à être traitée en débats succincts et que, s’il rejetaitl’urgence, il devait déclarer la demande en référé non fondée. Sur les mesures provisoiresau sens de l’article 19, alinéa 2, du Code judiciaire, voy. infra le chapitre 5.(31) J. ENGLEBERT, « Le référé…», op. cit., p. 14 et 15, n° 15, et les réf. citées.(32) Comm. Liège (réf.), 13 octobre 2000, Ing.-Cons., 2001, p. 131.

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comme susceptible d’emporter des inconvénients sérieux pour la société demanderesse 33. Par contre, il n’y a pas urgence à désigner un expertsur la demande d’un actionnaire, lorsque des administrateursprovisoires ont déjà été désignés pour prendre des mesuresconservatoires et qu’il n’existe aucune menace de disparition desmatériaux de preuve 34.

Pour s’assurer qu’une mesure d’instruction ordonnée en référésoit mise en œuvre en temps utile, un délai est parfois imposé audemandeur, sous peine de déchéance de la mesure ordonnée 35.

13. Inertie du demandeur. Il est admis qu’il n’y a pas lieu à référélorsque le demandeur a trop tardé à introduire son action, ou s’il aprovoqué lui-même la situation d’urgence dont il se prévaut 36. Ainsi, lefait que l’administration fiscale attende plus de deux ans pour contrôlerles revenus imposables d’un contribuable, de sorte qu’elle ne disposeplus que de cinq mois pour effectuer ce contrôle au moment de sacitation, ne lui permet pas d’invoquer l’urgence pour saisir le juge desréférés 37. De même, l’action d’un associé en suspension d’une décisiondu conseil d’administration a été rejetée pour manque d’urgence, parcequ’elle avait été intentée avec neuf mois de retard, que le demandeurconnaissait la portée de la décision et avait adopté une attitude ambiguëà cet égard 38.

Il ne faut cependant pas assimiler inertie du demandeur et absenced’introduction de la demande en référé. En effet, le retard n’exclut pasl’urgence lorsqu’il peut être justifié par un motif légitime 39. Ainsi, undélai de plus de deux ans entre la naissance du dommage etl’introduction de la demande en référé n’a pas été jugé comme

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(33) Comm. Charleroi (réf.), 11 avril 2003, J.T., 2003, p. 469, et la note.(34) Comm. Ypres (réf.), 22 décembre 2000, T.R.V., 2001, p. 44, et la note deJ. VANANROYE, « De vordering van een aandeelhouder tot aanstelling van eendeskundige ».(35) Comm. Courtrai (réf.), 19 juin 2003, T.G.R., 2003, p. 267.(36) Comm. Liège (réf.), 3 juillet 2002, R.D.C., 2004, p. 295 ; comm. Nivelles (réf.),19 avril 2002, Res Jur. Imm., 2002, p. 303, et la note de J. LAMBERS et D. RAES ;P. MARCHAL, Les référés, op. cit., p. 50, n° 16.(37) Comm. Namur (réf.), 3 novembre 2000, Juristenkrant, liv. 21, p. 10 (refletDE RAEDT).(38) Comm. Louvain (réf.), 11 octobre 2001, T.R.V., 2003, p. 601.(39) J. VAN COMPERNOLLE et G. CLOSSET-MARCHAL, « Examen dejurisprudence… », op. cit., R.C.J.B., 1999, p. 152 et 153, n° 355.

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constituant une inertie coupable dans le chef du demandeur, car celui-ciavait, dans l’intervalle, recherché une solution amiable 40.

Enfin, l’inertie du demandeur en référé n’exclut pas l’urgencelorsque des faits nouveaux ont récemment aggravé la situation existanteou encore lorsque celle-ci empire sous l’effet de la durée 41.

14. Disparition de l’urgence en cours d’instance. En tant quecondition de fond, l’urgence à statuer doit subsister jusqu’au moment de la décision du juge des référés 42. En cas de disparition de l’urgence encours d’instance, le juge des référés doit donc déclarer la demande nonfondée 43.

15. Abréviation du délai de citation. Si l’urgence à statuer est telleque le délai de citation de deux jours apparaît trop long, le demandeurpeut obtenir, sur requête unilatérale, une ordonnance d’abréviation dudélai de citer 44.

16. Urgence en degré d’appel. En cas d’appel, l’urgence doits’apprécier au moment de la décision du juge d’appel 45. Parconséquent, l’urgence à statuer peut disparaître en degré d’appel, ou, aucontraire, apparaître ou s’accroître pendant la procédure d’appel, par lasuite de l’aggravation des circonstances ou de l’écoulement du temps 46.

Si une mesure provisoire a été accordée en première instance etque le juge d’appel constate que l’urgence a disparu au moment où ilstatue, il appartient, à notre estime, au juge d’appel de statuer sur la

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(40) Bruxelles, 27 janvier 2000, J.T., 2001, p. 28. Voy. également : civ. Liège (réf.),4 juillet 2002, J.L.M.B., 2003, p. 212.(41) Liège, 19 mai 1996, R.G.A.R., 1996, n° 12.763, et les observations de J-F. vanDROOGHENBROECK, « La désignation de l’expert par la juridiction des référés.Réflexions sur l’urgence et le provisoire » ; civ. Liège (réf.), 2 décembre 2002, J.L.M.B.,2003, p. 1017 ; civ. Namur (réf.), 31 juillet 2000, J.T., 2001, p. 33 ; civ. Bruxelles (réf.),15 septembre 2000, J.T., 2001, p. 30 ; civ. Bruxelles (réf.), 21 octobre 1999, J.T., 2001,p. 35.(42) Cass., 11 mai 1998, Pas., I, 536.(43) J. ENGLEBERT, « Le référé… », op. cit., p. 19, n° 19.(44) Article 708 du Code judiciaire.(45) J. ENGLEBERT, « Le référé judiciaire… », op. cit., p. 21, n° 21.(46) Bruxelles, 9 janvier 1987, J.L.M.B., 1987, p. 338 ; H. BOULARBAH,« Variations… », op. cit., p. 235, n° 8 à 10.

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confirmation ou la réformation de l’ordonnance dont appel 47, et dansl’hypothèse où il confirme cette décision, de dire pour droit qu’il n’y aplus lieu à référé à ce stade 48.

17. Contrôle de la Cour de cassation. Selon la jurisprudence de laCour de cassation, l’urgence est une question de fait laissée àl’appréciation souveraine du juge des référés. Le contrôle de la Cour selimite dès lors à vérifier si le juge des référés a pu légalement déduirel’existence ou l’absence d’urgence de ses constatations de fait 49.

2.4.2 Le provisoire

18. Étude récente. L’évolution de la notion de « provisoire » a faitl’objet d’une étude particulièrement fouillée de J. Englebert lors d’unprécédent colloque organisé par le Jeune Barreau en octobre 2003 50.Dans le cadre de la présente contribution, nous nous limiterons dès lors à résumer l’état de la question, à l’illustrer par des cas récents et à yajouter certaines réflexions complémentaires. Pour le surplus, nousnous permettrons de renvoyer à l’analyse de J. Englebert, dont nouspartageons entièrement les conclusions.

19. Définition actuelle. Il est aujourd’hui admis en doctrine et enjurisprudence que la précision de l’article 584, alinéas 1er et 2, du Codejudiciaire, selon laquelle le juge des référés statue au provisoire, signifieuniquement que l’ordonnance de référé n’est pas revêtue de l’autorité de chose jugée à l’égard du juge du fond 51. La notion de « provisoire » n’adonc pas d’autre portée que d’annoncer la règle inscrite à l’article 1039,alinéa 1er, du même code, selon laquelle les ordonnances de référé ne

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(47) Notamment en appréciant l’urgence au moment de l’ordonnance dont appel.(48) H. BOULARBAH, « Variations… », op. cit., p. 240 à 243, n° 13. La Cour decassation considère cependant que, lorsqu’un défendeur en référé interjette appel del’ordonnance qui lui a imposé une mesure provisoire, le juge d’appel n’est pas tenu destatuer sur la mesure ordonnée, mais peut se borner à statuer eu égard au caractère urgentde la cause (Cass., 19 janvier 2006, R.G. C.04.0544.N, http://www.cass.be ; Cass.,19 septembre 2002, R.G. C.01.0527.F, http://www.cass.be ; Cass., 9 juin 2000, Pas., I,1051).(49) M. REGOUT, « Le contrôle de la Cour de cassation sur les décisions de référé », inX., Le référé judiciaire, Jeune Barreau, Bruxelles, 2003, p. 123 et suiv., spéc. p. 124 et125, n° 2 et 3 ; D. LINDEMANS, Kortgeding, Kluwer, Anvers, 1985, n° 113.(50) J. ENGLEBERT, « Le référé judiciaire… », op. cit., p. 25 à 50, n° 27 à 57, et lesnombreuses réf. citées.(51) J. ENGLEBERT, «Le référé judiciaire…», ibid., p. 25, n° 27.

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portent pas préjudice au principal.

20. Controverse. Cependant, selon la jurisprudence et la doctrineclassiques, il résulterait également de la notion de « provisoire » que lejuge des référés ne pourrait prononcer des mesures d’anticipation qu’enprésence de droits évidents, tandis que seules des mesuresconservatoires pourraient être ordonnées si les droits allégués ne sontqu’apparents 52. Cette thèse classique continue à être appliquéemajoritairement par la jurisprudence 53.

Dans son étude précitée, J. Englebert s’est opposé de manièreconvaincante à cette thèse classique, en proposant de retenir uneconception extensive du « provisoire » qui mette un terme à ladistinction floue entre droits apparents et droits évidents. Sonraisonnement est notamment fondé sur les arguments suivants.Premièrement, la distinction entre droits apparents et droits évidentsn’est pas conforme à l’acception actuellement admise de la notion de« provisoire », qui signifie uniquement que les ordonnances de référé ne portent pas préjudice au principal 54. Ensuite, il est paradoxal demaintenir la distinction entre droits évidents et droits apparents alorsque cette théorie restrictive s’est développée à partir d’unejurisprudence obsolète selon laquelle la notion du « provisoire »interdirait au juge des référés de se prononcer sur le fond du droit 55. Enréalité, le juge des référés apprécie, comme chaque juge, les droits desparties au regard des arguments développés devant lui, à la seuledifférence qu’il effectue cet examen sous le bénéfice de l’urgence 56.D’autre part, la plus grande confusion règne en doctrine et enjurisprudence sur la distinction entre droits apparents et droits évidents,ce qui laisse une marge d’appréciation considérable au juge des

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(52) Voy. notamment : Cass., 25 novembre 1996, Pas., I, 1158 ; Cass., 13 mai 1991,Pas., I, 797 ; Cass., 22 février 1991, Pas., I, 607 ; Cass., 29 septembre 1983, Pas., 1984, I,84 ; J. VELU, conclusions précédant Cass., 21 mars 1985, op. cit., p. 915 ; J. VANCOMPERNOLLE, «Actualité du référé», Ann. dr. Louvain, 1989, p. 141 et suiv., spéc.p. 149.(53) Voy. comm. Anvers (réf.), 10 juin 2002, Dr. eur. transp., 2003, p. 108 ; comm.Courtrai (réf.), 22 janvier 2001, R.W., 2002-2003, p. 785. Le prononcé de mesuresprovisoires comme la désignation d’un séquestre ou d’un expert judiciaire ne susciteévidemment aucune difficulté (comm. Bruxelles (réf.), 6 décembre 2005, J.L.M.B., 2006,p. 480, et la note de G. de LEVAL ; comm. Anvers (réf.), 21 juin 2002, Dr. eur. transp.,2003, p. 112).(54) J. ENGLEBERT, «Le référé judiciaire…», op. cit., p. 28 et 29, n° 34.(55) Voy. Cass., 13 janvier 1972, Pas., I, 469.(56) J. ENGLEBERT, ibid., p. 29 à 31, n° 35 à 36.

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référés 57. Enfin, le référé-provision ne constitue qu’un cas particulierde mesure d’anticipation, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’y retenirl’exigence d’un droit évident, alors que cette condition n’est pas retenuepour d’autres mesures d’anticipation 58.

21. L’examen des droits des parties. La Cour de cassation admetaujourd’hui que le juge des référés peut examiner les droits des parties, à la condition qu’il n’ordonne aucune mesure susceptible de porterdéfinitivement et irrémédiablement atteinte à ceux-ci 59. Cette limiteimposée au juge des référés se comprend aisément. En effet, une mesurecausant un préjudice définitif et irréparable priverait d’intérêt laprocédure subséquente au fond 60, de sorte que le juge du fond seraitde facto lié par l’ordonnance de référé.

L’application pratique de cette condition est nettement plusdélicate, et les sensibilités divergent au sein de la jurisprudence. Au vude la justification de cette limite au pouvoir du juge des référés, nouspensons qu’il y a lieu de retenir le critère suivant. La mesure ordonnéeen référé ne doit pas priver la partie condamnée de la possibilitéd’obtenir, en cas de jugement contraire du juge du fond, le respect de ses

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(57) J. ENGLEBERT, ibid., p. 31, 32, 36 à 45, n° 37, 43 à 52.(58) J. ENGLEBERT, ibid., p. 45 à 50, n° 53 à 57.(59) Cass., 31 janvier 1997, Pas., I, 148 ; Cass., 9 septembre 1982, Pas., 1983, I, 48.Voy. également la remarque pertinente de X. Dieux, selon laquelle « il eut été sans intérêtde prévoir que le juge du fond n’est pas lié par les appréciations du juge des référés, s’ilétait interdit à ce dernier de se pencher sur les droits des parties » (X. DIEUX, « Laformation, l’exécution et la dissolution des contrats devant le juge des référés », note sousciv. Liège (réf.), 2 février 1984, R.C.J.B., 1987, p. 250 et suiv., spéc. p. 254).(60) Cass., 14 juin 1991, Bull. Cass., p. 899 ; J. ENGLEBERT, ibid., p. 31, n° 36.

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droits pour l’avenir 61 62. En d’autres termes, les effets de l’ordonnancede référé doivent pouvoir être anéantis pour le futur, fût-ce par le biaisd’une réparation par équivalent.

22. L’application des règles de droit par le juge des référés. Selonla jurisprudence de la Cour de cassation, si le juge des référés peutexaminer les droits des parties, il n’est, par contre, pas soumis à la mêmeobligation que le juge du fond d’appliquer correctement les règles dedroit au litige urgent qui lui est soumis. En effet, la Cour ne se reconnaîtqu’un contrôle marginal sur la légalité des décisions de référé 63, envertu duquel le juge des référés ne peut pas appliquerdéraisonnablement des règles de droit ni refuser déraisonnablementd’appliquer celles-ci dans le cadre de son raisonnement 64. SelonM. Regout, le rôle spécifique du juge des référés justifierait qu’il lui soitainsi reconnu « un certain droit à l’erreur » 65.

Cette thèse n’emporte cependant pas notre conviction. Aucontraire, il nous semble qu’en tant que juge, le juge des référés est tenu

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(61) Par contre, le fait qu’un dommage soit subi entre-temps par la partie condamnéen’exclut pas que la mesure se voie reconnaître un caractère provisoire. Nous ne pouvonsdonc pas nous rallier à une ordonnance du président du tribunal de commerce d’Anvers du10 juin 2002, qui a admis l’urgence de statuer sur les frais de traitement d’une cargaisonavariée pour éviter l’accroissement du dommage, mais qui a considéré ensuite qu’il ne luiappartiendrait pas de statuer au provisoire sur la responsabilité pour le dommage causéaux biens (comm. Anvers (réf.), 10 juin 2002, Dr. eur. transp., 2003, p. 108). Dans cetteespèce, l’octroi d’une provision au demandeur en référé n’aurait pas pu causer undommage irréparable au défendeur. En effet, en cas de jugement contraire du juge du fond, cette partie pouvait demander la restitution de la provision payée et bénéficier del’exclusion de sa responsabilité pour l’avenir.(62) Il résulte de cette condition que le juge des référés ne peut pas dire pour droit queles parties ont mis fin à leur litige (comm. Hasselt (réf.), 29 mars 2005, R.D.J.P., 2005,p. 168).(63) La Cour n’exerce d’ailleurs ce contrôle marginal que par le prisme d’une violationalléguée de l’article 584 du Code judiciaire. Elle considère en effet que, si le juge desréférés méconnaît une règle de droit, il considère à tort qu’il y a des apparences de droitsuffisantes pour prendre des mesures conservatoires. Par conséquent, il dépasse les limites de ses compétences de juge des référés telles que définies à l’article 584 du Code judiciaire (Cass., 4 juin 1993, Pas., I, 542 ; S. RAES, « De toepassing van het recht door de rechter in kort geding », note sous Cass., 4 juin 1993, R. Cass., 1993, p. 167 et suiv., spéc. p. 169,n° 14).(64) Cass., 5 juin 2003, R.G. C.01.0181.F, http://www.cass.be ; Cass., 17 octobre 2002,R.G. C.01.0268.F, http://www.cass.be ; Cass., 5 mai 2000, Pas.., n° 275 ; Cass., 31 janvier 1997, Pas.., n° 56 ; M. STORME, « Arbeidsrecht en gerechtelijk recht verstaan zij zichmet elkaar ? », T.P.R., 1999, p. 61 et suiv., spéc. p. 67 et 68.(65) M. REGOUT, « Le contrôle de la Cour de cassation », op. cit., p. 139, n° 23.

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d’appliquer correctement les règles de droit aux litiges qui lui sontsoumis 66. D’ailleurs, d’un point de vue pratique, s’il y a urgence àstatuer judiciairement sur le litige, les parties n’ont pas d’autre choixque de saisir le juge des référés. Dans cette mesure, nous n’apercevonspas quel principe justifierait de réserver délibérément à ces litigesurgents un traitement juridique de moindre qualité 67.

23. Le prononcé d’une décision constitutive ou déclarative dedroits. Il est également traditionnellement enseigné, à tort selon nous,que le juge des référés ne pourrait pas prononcer une décisionconstitutive ou déclarative de droits. P. Marchal justifie cette règle par le fait que l’absence d’autorité de la déclaration ou constitution de droitspar le juge des référés, rendrait celle-ci inefficace et dépourvued’intérêt 68.

Cependant, dans la mesure où le juge des référés peut apprécier les droits des parties, nous n’apercevons pas de raison de lui refuser lapossibilité de déclarer, au provisoire, quels sont ces droits. Cettedéclaration ne nous paraît d’ailleurs pas dépourvue d’intérêt, dans lamesure où l’ordonnance rendue au provisoire dispose d’une autorité dechose décidée entre les parties 69. Il est évident cependant que cettedéclaration de droit ne liera pas le juge du fond qui pourra la remettre encause.

24. Le provisoire en degré d’appel. En matière de référé, l’effetdévolutif de l’appel signifie uniquement que le juge d’appel est saisi del’intégralité du provisoire. Par conséquent, si le juge d’appel considèrequ’une demande excède les limites du provisoire, il doit déclarer la

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(66) J-F. van DROOGHENBROECK, « Aspects actuels du référé-provision », in X.,Les procédures en référé, CUP, vol. 25, Larcier, Bruxelles, 1998, p. 19, n° 16.(67) Certes, comme le juge des référés doit se prononcer dans l’urgence, il ne peut pasapprécier le litige avec autant de finesse que le juge du fond. Ces conditions matériellesplus difficiles justifient que l’ordonnance de référé n’ait pas d’autorité de chose jugée àl’égard du juge du fond. De même, tous les magistrats n’interpréteront pas les règles dedroit de la même manière ni ne les appliqueront identiquement aux cas qui leur sontsoumis. C’est précisément ce qui justifie l’instauration de voies de recours. Cette situationne justifie cependant pas que l’on reconnaisse au juge des référés le droit de commettre des erreurs de droit, fut-ce de manière non déraisonnable…(68) P. MARCHAL, Les référés, op. cit., p. 66, n° 32.(69) Voy. infra n° 33.

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demande non fondée, et ne peut pas statuer sur cette demande qui nerelève pas de la juridiction du juge des référés 70.

2.4.3. L’étendue du pouvoir de juridiction du juge des référés

25. Interdiction préventive. Les juges des référés ont parfoisconsidéré qu’ils ne pouvaient pas interdire préventivement la diffusiond’images télévisées 71. Dans un récent arrêt de principe du 2 juin 2006,la Cour de cassation a cependant considéré que le juge des référés quitient provisoirement en suspens la diffusion d’une émission téléviséeafin de garantir une protection effective de l’honneur, de la réputation etde la vie privée d’autrui, ne contrevient pas à l’article 19 de laConstitution. Au contraire, le juge des référés puise dans l’article 144 de la Constitution et dans les articles 18, alinéa 2, 584 et 1039 du Codejudiciaire, le pouvoir d’ordonner les mesures aptes à prévenir une telleviolation des droits d’autrui 72.

26. Intervention en matière contractuelle. Il est de jurisprudence etde doctrine constantes que le juge des référés peut intervenir dans lecadre de l’exécution de contrats, en ordonnant la poursuite des relationscontractuelles qu’il constate, ou en ordonnant des injonctions 73 ou desdéfenses 74. Le juge des référés a notamment le pouvoir d’ordonnerl’exécution forcée d’une obligation contractuelle à titre de mesured’anticipation 75.

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(70) Cass., 26 novembre 1998, Pas., I, 1159 ; Cass., 14 juin 1991, Pas., I, 899 ;H. BOULARBAH, « Variations… », p. 243, n° 14.(71) Comm. Bruxelles (réf.), 26 octobre 2001, AM, 2002, p. 372.(72) Cass., 2 juin 2006, R.G. C.03.0211.F, http://www.cass.be.(73) Pour un exemple d’instructions ordonnées dans le cadre d’un conflit entre unmaître de l’ouvrage et un entrepreneur, voy. comm. Tongres (réf.), 30 octobre 2001,R.D.C., 2003, p. 259.(74) P. MARCHAL, Les référés, op. cit., p. 132 et 133, n° 135 et 13, et les nombreusesréférences citées. Pour reprendre les termes de X. Dieux, « le droit positif belge autorise le juge des référés à intervenir dans la formation, l’exécution ou la dissolution des contrats,par des mesures qui ont pour objet ou pour effet d’allouer à une partie le bénéfice desdroits dont elle se prétend titulaire envers l’autre » (X. DIEUX, « La formation... »,op. cit., p. 269 et 270).(75) Liège, 28 juin 1984, J.L., 1984, p. 547 ; civ. Charleroi (réf.), 5 juin 1989, R.R.D.,1990, p. 87 ; comm. Mons (réf.), 14 septembre 1984, R.D.C., 1986, p. 303 ; civ. Liège(réf.), 2 février 1984, R.C.J.B., 1987, p. 245, et la note précitée de X. Dieux. Contra :comm. Anvers (réf.), 8 mai 2002, Dr. eur. transp., 2003, p. 99.

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Les juges des référés se sont également reconnus compétents pourordonner la poursuite de l’exécution de contrats à durée indéterminéeillégalement suspendus ou résiliés 76.

27. Intervention en droit des sociétés et en droit financier.L’intervention du juge des référés en droit des sociétés et en droitfinancier est également communément admise 77. Nous nous permettons de renvoyer sur ce point aux interventions spécifiquement destinées cesujet tant dans le cadre de la présente contribution, que dans celui duprécédent colloque de 2003 78.

28. Discovery américaine. Dans une intéressante ordonnance du3 janvier 2000, le président du tribunal de commerce de Termonde aconsidéré, à juste titre, qu’il ne lui appartenait pas de juger d’un éventuel abus de procédure commis dans le cadre d’une procédure de discoveryaux États-Unis, ni d’ordonner des mesures dans l’intention de suspendre cette procédure étrangère 79.

29. Principe dispositif. Le juge des référés doit respecter le principedispositif, en vertu duquel il ne peut modifier ni l’objet ni la cause desdemandes introduites devant lui. Dans cette mesure, nous ne pouvons

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(76) Comm. Anvers (réf.), 24 juillet 2002, R.D.J.P., 2002, p. 272 ; comm. Louvain(réf.), 8 août 2000, A.J.T., 2000-2001, p. 476. Contra: comm. Namur (éf.), 1er février 2002, DAOR, 2003, liv. 66, p. 37, et la note de O. POELMANS et D. BLOMMAERT, « Lebanquier teneur de compte ». Pour un état de la question, voy. F. GLANSDORFF etC. DALCQ, « Du pouvoir d’intervention du juge en cas de résiliation unilatérale descontrats à durée indéterminée », in X., Mélanges offerts à Pierre Van Ommeslaghe,Bruylant, Bruxelles, 2000, p. 71 et suiv.(77) Pour des cas d’application, voy. notamment: comm. Bruxelles (réf.), 15 avril 2002,R.D.C., 2002, p. 753, et la note de T. L’HOMME, « Développements jurisprudentiels enmatière d’offre de reprise » ; comm. Bruxelles (réf.), 7 septembre 2000, T.R.V., 2000,p. 375 ; comm. Bruxelles (réf.), 7 novembre 2000, R.D.C., 2002, p. 742, et la note deE. POTTIER, « L’intérêt de désigner un administrateur provisoire au sein d’une société en commandite par actions à la suite d’une divergence de vues profonde survenue entre deuxbranches familiales ».(78) P.A. FORIERS, « Le référé en droit des sociétés et des offres publiques », in X., Leréféré judiciaire, Jeune Barreau, Bruxelles, 2003, p. 231 et suiv.(79) Comm. Termonde (réf.), 3 janvier 2000, R.W., 2000-2001, p. 1095, et la note deM. NEUT, « De eenzijdige extraterritoriale toepassing van procedureregels –Discovery », p. 1097 et suiv. Voy. ég. dans ce sens, Bruxelles, 9e ch., 21 octobre 2005, àparaître à la R.D.C., 2006, avec une note J. ENGLEBERT, « La demande d’injonction dene pas introduire ou de ne pas poursuivre une procédure à l’étranger (anti-suit injonction)est-elle admissible en Belgique ? ».

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approuver l’ordonnance prononcée par le président du tribunal decommerce de Hasselt le 11 décembre 2001, selon laquelle, en réponse àune demande de nomination d’administrateur provisoire, le juge desréférés pourrait désigner d’office un expert, dans la mesure où ils’agirait d’une mesure moins drastique que celle demandée 80. En effet,en prononçant une mesure différente que celle qui lui était demandée,cette ordonnance nous paraît avoir modifié l’objet de la demande.

2.5 Questions de procédure

30. Mode d’introduction. En principe, la demande principale enréféré est formée par voie de citation. Par dérogation, les demandes deréféré en matière d’offres publiques d’acquisition « sont introduites, àpeine d’irrecevabilité prononcée d’office, par requête signée et déposée au greffe de la cour d’appel de Bruxelles en autant d’exemplaires quede parties à la cause » 81. Le choix de la requête comme modeintroductif d’instance nous paraît regrettable en matière de référé. Eneffet, dans les procédures urgentes, l’exploit d’huissier offre davantagede garanties quant à la réception de l’acte introductif d’instance par ledéfendeur 82.

31. Computation du délai de citation. Le délai de citation de deuxjours en référé se compte en « jours pleins ». Ce n’est donc qu’à l’issuedu délai, soit le troisième jour, que l’audience d’introduction pourraavoir lieu 83.

En outre, depuis un arrêt de la Cour de cassation du 9 décembre1988, l’application de l’article 53 du Code judiciaire 84 impose deconsidérer que, lorsque le deuxième jour du délai de citation tombe unsamedi, un dimanche ou un jour férié légal, l’échéance est reportée au

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(80) Comm. Hasselt (réf.), 11 décembre 2001, T.R.V., 2003, p. 428, et la note deA. MAURAU, « Onenigheid binnen de vennootschap : de opschorting van een besluit totontslag van een bestuurder en de voorlopig bewindvoerder versus de deskundige ».(81) Article 18ter, § 3, de la loi du 2 mars 1989. Sur cette disposition, voy. égalementinfra n° 131.(82) D’autant plus que l’article 18ter de la loi du 2 mars 1989 n’oblige pas le requérant à annexer à sa requête un certificat de domicile du(des) défendeur(s), comme le prévoitl’article 1344bis du Code judiciaire.(83) J. ENGLEBERT, « Les pièges de la procédure civile », in X., Les pièges desprocédures, Jeune Barreau, Bruxelles, 2005, p. 7 et suiv., spéc. p. 20, n° 17.(84) Selon cette disposition, le jour de l’échéance est compris dans le délai et, lorsque ce jour est un samedi, un dimanche ou un jour férié, le jour de l’échéance est reporté au plusprochain jour ouvrable.

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prochain jour ouvrable, l’audience d’introduction ne pouvant avoir lieuque le jour suivant 85.

32. Mise en état. En matière de référé, l’affaire se plaide à l’audienced’introduction ou à bref délai 86. Dans la pratique, il convientd’encourager l’habitude de fixer un calendrier (rapproché) d’échangede conclusions à l’audience d’introduction, et d’y déterminersimultanément la date de l’audience de plaidoiries 87.

2.6 L’ordonnance de référé

33. Autorité de chose décidée. Dans la mesure où elle épuise lajuridiction du juge des référés, l’ordonnance est définitive au sens del’article 19 du Code judiciaire 88. Elle ne dispose cependant que d’uneautorité de chose décidée « rebus sic stantibus », de sorte que le juge des référés peut la modifier ou la rétracter en cas de changement decirconstances 89.

34. Opposabilité aux tiers. Une mesure d’instruction ordonnée enréféré peut être rendue opposable à un tiers par le biais d’une action endéclaration d’ordonnance commune, pour autant que les droits de ladéfense de ce tiers ne soient pas méconnus. Si l’expert a déjà accomplides actes qui peuvent avoir une influence négative sur la partie tierce, lademande doit être rejetée 90.

25

(85) Cass., 9 décembre 1988, Pas., 1989, I, 406. Contra : J. ENGLEBERT, « Lespièges… », op. cit., p. 20, n° 18 ; J. ENGLEBERT, « Le référé… », p. 53 et 54, n° 62, et les réf. citées.(86) P. MARCHAL, Les référés, op. cit., p. 83, n° 57.(87) À ce sujet, voy. J. ENGLEBERT, « Les pièges… », op. cit., p. 54 à 58, n° 63 à 68.(88) Comm. Bruges (réf.), 22 mars 2001, TWVR, 2002, p. 92.(89) P. MARCHAL, Les référés, op. cit., p. 68, n° 35.(90) Comm. Hasselt (réf.), 2 juin 2003, Limb. Rechtsl., 2004, p. 56, et la note de H. VAN GOMPEL et V. SWINNEN, « De vordering tot bindendverklaring : enkel mits respectvoor de rechten van verdediging » ; Comm. Bruges (réf.), 22 mars 2001, TWVR, 2002,p. 92. Sur cette question, voy. également : article 812, alinéa 1er, du Code judiciaire ;Cass., 25 novembre 1992, Pas., I, 1304 ; Cass., 4 janvier 1984, Pas., I, 473 ; Cass., 3 mars1980, Pas., I, 812 ; Cass., 10 avril 1970, Pas., I, 683 ; Bruxelles, 5 mai 1987, J.L.M.B.,1987, p. 918 ; civ. Nivelles, 27 avril 1993, Entr. et Dr., 1995, p. 315 et les observations deP. SOURIS, p. 319 ; civ. Liège (réf.), 2 mars 1992, J.L.M.B., 1994, p. 1340 ; civ. Bruxelles (réf.), 30 mai 1990, R.G.D.C., 1991, p. 189 ; J. VAN COMPERNOLLE etG. CLOSSET-MARCHAL, « Examen de jurisprudence (1985 à 1996). Droit judiciaire

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35. Exécution provisoire de plein droit. En vertu de l’article 1039,alinéa 2, du Code judiciaire, les ordonnances de référé sont de pleindroit exécutoires par provision.

2.7 Les voies de recours

36. Voies de recours ordinaires. L’ordonnance de référé peut êtrefrappée d’appel, ou d’opposition si elle a été prononcée par défaut.

Remarquons qu’en cas d’appel par requête, le nouvel article 53bisdu Code judiciaire, inséré par l’article 2 de la loi du 13 décembre2005 91, ne fait courir le délai de comparution qu’à partir de la réceptiondu pli judiciaire par l’intimé, soit à un moment inconnu du greffe. Trèsconcrètement, les premiers commentateurs de cette dispositionconseillent au greffier de laisser un délai supplémentaire de trois joursouvrables entre la date de remise du pli aux services de la poste et la datede l’audience d’introduction 92. Par contre, cette disposition n’est pasapplicable à la signification de l’acte d’appel par voie d’huissier 93, cequi peut conférer un avantage pratique non négligeable à l’appel parexploit d’huissier dans les affaires urgentes.

2.8 Sort de l’ordonnance de référé en cas de décision contraire du juge du fond

37. Principe. Il est constant que l’ordonnance de référé constitue untitre d’exécution valable jusqu’au jour du jugement au fond 94. Ladécision contraire du juge du fond rend l’ordonnance de référé caduque

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privé », R.C.J.B., 1997, p. 495 et suiv., spéc. p. 555, n° 78 ; G. CLOSSET-MARCHAL,« Demande principale et demande incidente : dépendance ou autonomie ? », in X., Hetproces in meervoud. Le procès au pluriel, IUCGR/CIUDJ, Bruylant, Bruxelles, 1997,p. 27 et suiv., spéc. p. 44, n° 29.(91) M.B., 21 décembre 2005, p. 54.532.(92) H. BOULARBAH et J. ENGLEBERT, « Questions d’actualité en procédurecivile », in X., Actualités en droit judiciaire, CUP, vol. 87, Larcier, Bruxelles, 2005, p. 43et suiv., spéc. p. 46, n° 15 et la note 47.(93) Sauf peut-être lorsqu’elle intervient par la voie recommandée sur pied del’article 40 du Code judiciaire.(94) S. BRIJS, « L’intervention du juge des référés dans l’exécution. L’exécution desdécisions du juge des référés », in X, Le référé judiciaire, Jeune Barreau, Bruxelles, 2003,p. 309 et suiv., spéc. p. 353, n° 35 ; E. DIRIX et K. BROECKX, Beslag, APR, 2001,p. 162, n° 256 ; G. de LEVAL, « Le problème de l’exécution de l’ordonnance rendue parle juge des référés », in X., Les mesures provisoires en droit belge, français et italien,Bruylant, Bruxelles, 1998, p. 399 à 402 ; P. MARCHAL, Les référés, op. cit., p. 73, n° 41.

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pour l’avenir, ce qui implique que la partie qui l’a exécutée est tenue derestituer ce qu’elle a reçu en vertu de ladite ordonnance. Restecontroversée la possibilité d’engager la responsabilité objective de cettepartie sur pied de l’article 1398, alinéa 2, du Code judiciaire afin de lacondamner à indemniser le dommage né de l’exécution 95.

38. Sort de l’ordonnance de référé pendant l’appel d’un jugement contraire au fond. Le juge des saisies d’Anvers a été récemment saiside la question de savoir si l’injonction du juge des référés cesse deproduire ses effets au moment du jugement contraire au fond prononcéen première instance, ou seulement lorsque la décision au fond devientcoulée en force de chose jugée. Dans son ordonnance du 27 juillet 2006,le juge des saisies a considéré, à juste titre, que l’ordonnance de référéne constituait plus un titre exécutoire, dès que le juge du fond s’étaitprononcé de manière définitive, même si sa décision était encoresusceptible d’appel ou était, le cas échéant, frappée d’appel 96. La mêmesolution a également été consacrée par la cour d’appel de Bruxelles dans un arrêt inédit du 25 novembre 2004 97.

En effet, conformément aux articles 19 et 26 du Code judiciaire, lejugement de première instance au fond est définitif 98 et dispose d’uneautorité de chose jugée subsistant jusqu’à son infirmation éventuelle.Par conséquent, la décision du juge du fond, même frappée d’appel etnon exécutoire par provision, annihile les effets d’une ordonnancerendue au provisoire 99.

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(95) En faveur de cette possibilité, J. ENGLEBERT, « Le référé judiciaire… », op. cit.,p. 63 et 64, n° 74 ; G. de LEVAL, « Le problème de l’exécution de l’ordonnance renduepar le juge des référés », in X. Les mesures provisoires en droit belge, français et italien.Étude de droit comparé, Bruylant, Bruxelles, 1998, p. 395 et suiv., spéc. p. 400 et 401.(96) Civ. Anvers (j. saisies), 27 juillet 2006, R.G. 06-4530-A, inédit.(97) Bruxelles, 25 novembre 2004, R.G. 2002/KR/24, inédit.(98) Un jugement est définitif au sens de l’article 19, alinéa 1er, du Code judiciairelorsqu’il épuise la juridiction du juge sur une question litigieuse (Cass., 28 juin 2001, Pas., I, 1247 ; Cass., 18 novembre 1997, Pas., I, 1212 ; Cass., 18 juin 1993, Pas., I, 593 ; Cass.,26 juin 1992, Pas., I, 968 ; Cass., 2 avril 1990, Pas., I, 896). Voy. également nosdéveloppements infra n° 93.(99) Cass. fr., 10 mars 2005, Bull.civ., II, n° 60, p. 56; THÉRY, « À propos de l’autoritéde la chose jugée en référé ou les distinctions élémentaires… », note sous Cass. fr.,10 mars 2005, Rev. trim. dr. civ., 2005, p. 142.

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2.9 L’interruption de la prescription

39. Objet de la demande. L’effet interruptif ou non d’une demandeen référé dépend de son contenu. En effet, pour qu’une demande enréféré interrompe la prescription, il faut qu’elle tende, fût-ce auprovisoire, à la reconnaissance du droit menacé par la prescription 100.Par conséquent, il y a interruption de la prescription si la demande enréféré porte sur une mesure d’anticipation, mais non si elle a pour objetd’obtenir des mesures conservatoires et/ou de faire acter des réservesquant au principal 101.

3. La requête unilatérale devant les juridictions commerciales –Le provisoire dans les formes de l’absolue nécessité

40. Objet de la présente section. La présente section a pour objet derappeler brièvement les conditions, principes et caractéristiques relatifsaux procédures introduites par requête unilatérale devant le président du tribunal de commerce.

3.1 Questions de recevabilité

41. Absolue nécessité. En vertu de l’article 584, alinéa 3, du Codejudiciaire, le président du tribunal de commerce peut, en cas d’absoluenécessité, être saisi par voie de requête unilatérale pour statuer auprovisoire dans les matières qui sont de la compétence du tribunal decommerce.

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(100) A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, 2e édition, Liège, 1987, n° 446;M. REGOUT, « La prescription en droit civil », in La prescription, CUP, volume XXIII,avril 1998, p. 52.(101) Cass., 17 février 1989, Pas., I, 621; Cass., 5 avril 1957, Pas., I, 959; cour trav.Mons, 17 décembre 1981, R.D.S., 1982, p. 220; Gand, 29 avril 1969, Bull. ass., 1971,p. 508, et les observations de A.T., p. 510 et suiv., spéc. p. 517; Gand, 29 avril 1968,R.G.A.R., 1970, n° 8.372; comm. Ostende, 14 mars 1968, Bull. ass., 1971, p. 503;J. LINSMEAU, « Le référé. Fragments d’un discours critique », Rev. dr. ULB, 1993, p. 7et suiv., spéc. p. 14 et 15, n° 12 et 13; J.F. LECLERCQ, conclusions avant Cass., 3 juin1991, Pas., I, 868; A. VAN OEVELEN, « Algemeen overzicht van de bevrijdendeverjaring en de vervaltermijnen in het Belgisch privaatrecht », T.P.R., 1987, p. 1755 etsuiv., spéc., p. 1808 et 1809, n° 48; H. DE PAGE et R. DEKKERS, Traité élémentaire dedroit civil belge, tome 7, 2e édition, Bruylant, Bruxelles, 1957, p. 1065, n° 1173.

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Lorsqu’elle est fondée sur l’absolue nécessité, la requêteunilatérale ne constitue pas un mode d’introduction du référé qui est paressence contradictoire (art. 1035 et s. C. jud.) 102. L’absolue nécessitéest une condition de recevabilité de la requête unilatérale, qui s’apprécie au moment du dépôt de la requête et qui doit être vérifiée d’office et demanière souveraine par le président saisi 103.

Trois hypothèses d’absolue nécessité sont généralement admises : l’extrême urgence, l’impossibilité d’identifier la partie adverse et le faitque la nature même de la mesure demandée impose l’utilisation d’uneprocédure unilatérale pour garantir son efficacité.

42. Extrême urgence. Justifiant une dérogation importante auprincipe fondamental de la contradiction des débats, l’extrême urgencedoit être appréciée de manière particulièrement rigoureuse. En effet, lesarticles 708 et 1036 du Code judiciaire permettent d’organiser un référécontradictoire par une citation d’heure à heure, moyennantl’introduction d’une requête unilatérale en abréviation des délais. Laprocédure sur requête unilatérale pour extrême urgence est donc uneprocédure tout à fait exceptionnelle, limitée aux hypothèses danslesquelles un référé contradictoire, même avec un délai de citationabrégé, serait inefficace ou impossible 104.

L’extrême urgence a été admise dans de nombreux cas :

– lorsqu’un créancier, au mépris du principe de l’égalité entre lescréanciers 105 ou de la poursuite de l’activité de la société 106,

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(102) H. BOULARBAH, « L’intervention du juge des référés par voie de requêteunilatérale : conditions, procédure et voies de recours », in X., Le référé judiciaire, JeuneBarreau, Bruxelles, 2003, p. 65 et suiv., spéc. p. 68 et 69, n° 3.(103) Cass., 13 juin 1975, Pas., I, 984 ; Bruxelles, 5 octobre 1999, A.J.T., 1999-2000,p. 454 ; Bruxelles, 27 juin 1997, T.R.V., 1997, p. 577 et la note de S. RAES, « Volstrektenoodzakelijkheid », p. 580 ; W. DERIJCKE, « Faillite, référé-provision, administrateurde fait et droits de la défense », observations sous Bruxelles, 10 février 1997, Rev. prat.soc., 1997, n° 6721, p. 173 et suiv., spéc. p. 174, n° 4.(104) S. RAES, « Volstrekte noodzakelijkheid », ibid., p. 580 ; J. VANCOMPERNOLLE et G. CLOSSET-MARCHAL, « Examen de jurisprudence… »,op. cit., R.C.J.B., 1999, p. 155, n° 358. Comme le souligne à juste titre le président dutribunal de commerce d’Anvers, il y a extrême urgence lorsque tout retard peut léser lesdroits d’une des parties de manière telle que même la réduction des délais ne peut suffirepour prévenir un danger imminent (comm. Anvers (réf.), 13 janvier 2003, Dr. eur. transp.,2002, p. 780).(105) Comm. Liège (prés.), 10 septembre 1991, J.L.M.B., 1991, p. 1214.(106) Comm. Charleroi (prés.), 28 octobre 1999, J.L.M.B., 2000, p. 121.

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entreprend une voie d’exécution individuelle contre une société qui adéposé une requête en concordat ;

– lorsqu’il y a absolue nécessité à disposer des fonds nécessaires auredémarrage de l’entreprise et ce compte tenu d’une échéance fixée,en l’occurrence, par les curateurs à la faillite 107 ou encore lorsqu’ils’agit de permettre à une société en concordat judiciaire d’obtenir lasuspension d’une saisie, réalisée avant l’obtention du sursisprovisoire, afin de faire face à une échéance immédiate 108 ;

– lorsque le défendeur est établi à l’étranger et que le délai de citation,même abrégé, retarderait trop la mise en œuvre de la mesureprovisoire si celle-ci était demandée par voie de référé 109 ;

– afin de prévenir l’imminence d’une activité d’extraction 110 ;

– lorsqu’un important transfert de fonds au profit du gérant d’unesociété est sur le point d’être effectué 111 ;

– afin d’empêcher la publication, le lendemain du dépôt de la requête,d’un article dans un quotidien dont le requérant n’a appris la parutionque le jour même 112.

En revanche, l’extrême urgence n’a pas été admise dans les cassuivants :

– une demande fondée sur le simple fait que le cocontractant nerespecte pas ses obligations contractuelles 113 ;

– lorsque le requérant entend obtenir la suspension de décisions del’assemblée générale et du conseil d’administration d’une société

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(107) Bruxelles, 10 février 1997, J.L.M.B., 1997, p. 300. En l’occurrence, les fondsdevaient être obtenus pour le dimanche 19 janvier au plus tard et « eu égard à ce délaiextrêmement bref et à la proximité du week-end, il n’eût point été possible d’obtenir unetelle décision au moyen d’une procédure contradictoire entre le jeudi 16 janvier et ledimanche 19 janvier dans la soirée ».(108) Com. Charleroi (prés.), 28 octobre 1999, J.L.M.B., 2000, p. 121. En l’espèce, larequête unilatérale déposée le 28 octobre 1999 était motivée par l’absolue nécessité depayer le 5 novembre 1999 d’importantes avances sur salaires.(109) Comm. Anvers (prés.), 31 mai 1974, J.P.A., 1974, p. 250. Voy. à propos de lasuspension de l’appel à une garantie à première demande par un défendeur établi àl’étranger, Comm. Liège (prés.), 20 novembre 2000, R.R. n° 00/222, inédit, qui octroieégalement une abréviation du délai de citer en référé.(110) Comm. Charleroi (prés.), 10 mai 2000, inédit.(111) E. POTTIER et M. DE ROECK, « L’administration provisoire : bilan etperspectives », R.D.C., 1997, p. 224, n° 107.(112) Comm. Bruxelles (prés.), 6 mars 1995, Mediaforum, 1995-4, p. B55.(113) Bruxelles, 25 septembre 2003, R.P.S., 2004, p. 162, obs. W. DERIJCKE.

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lorsque ces décisions n’exigent pas une intervention immédiate 114.

43. « Référé unilatéral conditionnel ». Dans la pratique, lesprésidents ont parfois tendance à accorder au requérant la mesure qu’ilsollicite sur requête unilatérale, moyennant l’obligation pour celui-cid’introduire, dans un délai déterminé et à peine de caducité de la mesureordonnée, un référé contradictoire ou une procédure au fond. Cettepratique du « référé unilatéral conditionnel » 115 est cependantcritiquable pour trois raisons. Tout d’abord, il paraît absurde decontraindre le requérant à poursuivre en référé la confirmation de cequ’il a déjà obtenu sur requête unilatérale 116. Deuxièmement, le référéunilatéral conditionnel aboutit à une « abdication de responsabilité » 117

de la part des présidents, qui octroient de manière quasi-automatique lamesure sollicitée par le requérant et remettent à plus tard l’examen de lacause 118. Enfin, pour que ce procédé du référé unilatéral conditionnelprésente quelque efficacité pratique, il faut lier la validité des mesuresaccordées sur requête unilatérale à la fixation d’une date d’audiencedans un délai déterminé 119.

En matière d’OPA, le législateur du 2 août 2002 a cependantinstitutionnalisé cette pratique regrettable en prévoyant, aux articles584bis et 633ter du Code judiciaire, que le président du tribunal de

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(114) Comm. Bruxelles, 28 juillet 2004, T.R.V., 2005, p. 40.(115) L’expression est de N. DIAMANT, « Le référé ‘conditionnel’ – Témoignage etréflexion », R.D.C., 2001, p. 714 et suiv. Pour des exemples de référé unilatéralconditionnel, voy. Anvers, 10 mars 1997, A.J.T., 1997-1998, p. 517 et la note deD. LINDEMANS, « Verval van voorlopige maatregelen wegens niet tijdig adiëren van debodemrechter », p. 519 et suiv. ; civ. Namur (réf.), 9 août 2000, J.L.M.B., 2000, p. 1182 etles observations de F. JONGEN, p. 1187 ; comm. Bruxelles (réf.), 29 janvier 1997,R.D.C., 1999, p. 248.(116) N. DIAMANT, ibid., p. 714 ; D. LINDEMANS, « Verval… », note précitée,p. 519.(117) N. DIAMANT, ibid., p. 715.(118) H. BOULARBAH, « L’intervention du juge des référés… », op. cit., p. 74 à 76,n° 8 ; N. DIAMANT, ibid., p. 715. Il serait préférable que les présidents suggèrent auxplaideurs de ne pas déposer leur requête unilatérale, et de citer après avoir obtenu uneordonnance abréviative du délai de citer, qu’ils accordent librement (voy. J. LINSMEAU,« Le référé… », op. cit., p. 18, n° 20).(119) En effet, si la validité des mesures accordées sur requête unilatérale est liée àl’introduction d’une requête en référé contradictoire dans un délai déterminé, la requêtepourrait être notifiée dans le délai imposé mais ne prévoir qu’une audience éloignée(H. BOULARBAH, « L’intervention du juge des référés… », op. cit., p. 107, n° 44 ;E. MONARD et D. DEGREEF, La requête unilatérale (art. 584, al. 3 C. jud.), Kluwer,Bruxelles, 2000, p. 33, n° 19).

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commerce de Bruxelles reste exclusivement 120 compétent « pourordonner, sur requête, en cas d’absolue nécessité, toute mesureprovisoire, jusqu’à ce qu’il soit statué de manière contradictoire par lacour d’appel de Bruxelles » 121.

44. Impossibilité d’identifier la partie adverse. Dans son arrêt du25 février 1999, la Cour de cassation a confirmé que l’absolue nécessitévisée à l’article 584, alinéa 3, du Code judiciaire, peut consister dans lacirconstance qu’aucune partie adverse n’est connue du demandeur 122.Cependant, le caractère exceptionnel de la procédure sur requêteunilatérale impose de n’autoriser celle-ci qu’en cas d’impossibilitétotale de déterminer l’identité précise des parties défenderesses, et nonen cas de simples difficultés 123.

Les conflits collectifs du travail sont devenus une hypothèseclassique d’application de la procédure sur requête unilatérale pourimpossibilité d’identifier la partie adverse. Dans ces circonstances, lesprésidents admettent de manière presque unanime que le nombre et lamobilité des auteurs de voies de fait rendent impossible le recours à laprocédure contradictoire 124. Nous ne pouvons cependant nous ralliertotalement à cette jurisprudence. En effet, lorsque le demandeur est enmesure d’identifier certaines des parties défenderesses, il est tenud’introduire une procédure contradictoire à leur égard, quand bienmême il agirait sur requête unilatérale à l’égard des autres parties

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(120) Il s’agit d’une compétence exclusive puisque l’article 584bis du Code judiciaireprévoit que la plénitude de juridiction dont bénéficie le président du tribunal de premièreinstance en vertu de l’article 584, alinéa 1er, n’est pas applicable en matière de demandesOPA.(121) Les travaux préparatoires de la loi du 2 août 2002 confirment la consécration parces dispositions de la pratique du « référé unilatéral conditionnel ». À ce sujet, voy.X. TATON, « Les nouvelles procédures contentieuses en matière d’offres publiquesd’acquisition », R.D.J.P., 2003, p. 319 et suiv., spéc. p. 338 et 339, n° 44 à 47.(122) Cass., 25 février 1999, R.D.J.P., 1999, p. 94 et la note de H. BOULARBAH,« L’absence de partie adverse ou l’impossibilité d’identifier celle-ci, conditions del’introduction de la demande par voie de requête unilatérale », p. 97 et suiv.(123) K. BROECKX, « Ontruimigsvorderingen tegen krakers », note sous J.P. Gand,25 février 1994, J.J.P., 1997, p. 470 et suiv., spéc. p. 471 et 472, n° 7 et 8 ; J. LINSMEAU,« Le référé… », op. cit., p. 24 et 25, n° 29.(124) Pour une analyse approfondie de la jurisprudence développée par les présidentsdes tribunaux de première instance à l’occasion des récentes grèves à l’encontre du « pacte des générations », voy. B. ADRIAENS et D. DEJONGHE, « De rechterlijke tussenkomstbij stakingen. Een analyse van de rechtspraak inzake de oktoberstakingen tegen hetgeneratieproject », J.T.T., 2006, p. 69 et suiv., spéc. p. 71.

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défenderesses 125. Or, il ne nous paraît pas absolument impossibled’identifier certains manifestants, notamment lorsque le mouvement estorganisé et annoncé par les représentants des organisations syndicales,de sorte que la procédure peut être introduite de manière contradictoire à leur encontre.

45. Nature de la mesure demandée. Pour qu’une telle demandepuisse être introduite par requête unilatérale, il faut que l’effet desurprise recherché soit indispensable à l’effectivité de la mesuresollicitée, de sorte que le caractère contradictoire de la procédure, même avec abréviation du délai de citation, compromettrait de manièrecertaine et irréversible les droits du requérant 126.

Sur la base de ce motif, de nombreuses mesures peuvent ainsi êtreordonnées sur requête unilatérale en cas de conflits entre actionnaires.Nous pouvons notamment penser à une mesure d’instruction, telle uneexpertise, à la désignation d’un séquestre ou à celle d’un administrateurprovisoire 127.

À nouveau, nous devons insister sur la rigueur avec laquelledoivent être appréciées les craintes du requérant de voir compromisel’efficacité de la mesure demandée en cas de procédure contradictoire.Ces craintes doivent être démontrées dans les circonstances de l’espèce,et le président ne peut se contenter de simples suppositions 128.

Dans un arrêt du 9 janvier 2006 129, la cour d’appel de Monsconsidère ainsi qu’il n’était pas nécessaire d’agir sur requête unilatéralepour solliciter des mesures d’investigation visant à obtenir d’une grande

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(125) Cass. fr., 17 mai 1977, J.C.P., 1977, IV, p. 178 ; H. BOULARBAH,« L’intervention du juge des référés… », op. cit., p. 96, n° 28. Contra : civ. Verviers (réf.), 2 décembre 1999, J.L.M.B., 1999, p. 1829 ; civ. Liège (réf.), 2 décembre 1999, J.L.M.B.,1999, p. 1824 ; civ. Marche-en-Famenne (réf.), 1er décembre 1999, J.L.M.B., 1999,p. 1843.(126) Comm. Tongres (réf.), 16 octobre 2001, T.R.V., 2002, p. 648 et la note de D. VANGERVEN et J. VERBIST, « De volstrekte noodzakelijkheid als grond voor het eenzijdigverzoekschrift in vennootschapzaken », p. 651 et suiv. ; civ. Liège (réf.), 15 juin 1998,A.J.T., 1999-2000, p. 453.(127) Voy. notamment : P. VAN OMMESLAGHE, « Le séquestre judiciaire en droitcommercial », R.D.C., 1999, p. 228 et suiv. ; E. POTTIER et M. DE ROECK,« L’administration provisoire : bilan et perspectives », R.D.C., 1997, p. 203 et suiv., spéc.p. 223 à 225, n° 103 à 107.(128) H. BOULARBAH, « L’intervention du juge des référés… », op. cit., p. 92 et 93,n° 25.(129) Mons (1re ch.), 9 janvier 2006, n° 2003/RG/293, inédit.

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chaîne de distribution commerciale toutes les informations utilesconcernant les quantités vendues, offertes en vente ou toujours en stockd’un produit litigieux. La cour relève en effet que la chaîne dedistribution commerciale « est tenue de respecter des normescomptables qui imposent des écritures comptables et/ou informatiquesdont l’analyse est de nature à déjouer utilement les risques dedisparition de preuve et/ou les obstacles qui pourraient éventuellementêtre dressés à la recherche de la vérité lorsque l’on ne reste pas sansréagir pour obtenir l’accès à ces éléments d’information » et conclutpartant que la situation de la requérante « n’aurait pas été gravementdétériorée si la décision de référé avait, à la suite d’un débatcontradictoire succinct, été rendue quelques heures plus tard que ne l’aété l’ordonnance rendue sur requête unilatérale ».

46. Autres demandes sur requête unilatérale. L’absolue nécessitén’est pas la seule circonstance dans laquelle le président du tribunal decommerce peut être saisi par voie de requête unilatérale. Au contraire,l’article 588 du Code judiciaire énumère une série de demandes qui ysont également soumises, parmi lesquelles figurent notamment lesdemandes de réalisation de warrants, gages commerciaux et gages surfonds de commerce.

Les conditions d’urgence et de provisoire ne s’appliquent pas à ces demandes.

3.2 Questions de compétence et de fondement

47. L’urgence. Lorsque le président du tribunal de commerce est saisi par voie de requête unilatérale, sur pied de l’article 584, alinéa 3, duCode judiciaire, il n’en reste pas moins saisi de mesures provisoires eturgentes au sens de l’alinéa 2 de la même disposition. Comme enmatière de référé contradictoire, l’urgence constitue donc une conditionde compétence du président et de fondement de la demande.

Certes, la solution est évidente dans l’hypothèse d’une requêteunilatérale pour extrême urgence. Elle n’en est cependant pas moinsétablie dans les cas où le recours à la procédure unilatérale est justifié

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par l’impossibilité d’identifier la partie adverse ou par la nature de lamesure demandée 130.

À notre estime, la controverse qui subsiste à cet égard ne constitued’ailleurs qu’un faux problème. Si le demandeur n’est pas en mesured’identifier la partie adverse, c’est parce qu’il y a urgence à statuer.Dans le cas contraire, le demandeur disposerait du temps nécessairepour procéder à l’identification du défendeur adéquat, le cas échéant aumoyen de l’intervention d’un huissier de justice chargé de contrôlerpréalablement l’identité des personnes auxquelles il y a lieu de signifierla citation. De même, l’article 588, 1°, du Code judiciaire permet ladésignation d’un expert ou d’un séquestre par voie de requêteunilatérale, sans devoir démontrer l’urgence 131.

Le défaut d’urgence emporte les mêmes conséquences qu’en casde référé contradictoire 132.

48. Le provisoire. Saisi sur requête unilatérale en raison de l’absoluenécessité, le président du tribunal de commerce ne statue égalementqu’au provisoire. Il est cependant paradoxal de constater quecontrairement à la tendance majoritaire des présidents siégeant enréféré, les présidents saisis sur requête unilatérale n’hésitent pas àapprécier les droits des parties et à prononcer des décisions constitutives ou déclaratives de droits 133.

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(130) H. BOULARBAH, « L’intervention du juge des référés… », ibid., p. 102 et 103,n° 34. Contra : J. LINSMEAU, « Le référé… », op. cit., p. 20, n° 23.(131) L’expert désigné sur cette base doit cependant se limiter à des constatationsmatérielles (voy. mutatis mutandis à propos de l’article 594, 1°, du Code judiciaire : Cass., 21 mars 1979, Pas., I, 846 ; Cass., 12 novembre 1990, Pas., 1991, I, 268). Voy. égalementen droit français la possibilité prévue par l’article 145 NCPC d’octroyer des mesuresd’instruction in futurum sur requête ou en référé : I. DESPRÉS, Les mesures d’instructionin futurum, Dalloz, Paris, 2004, p. 243 à 262, n° 378 à 411.(132) Voy. supra n° 8 et n° 11.(133) À titre d’exemple, une ordonnance du 16 mai 2006 du président du tribunal depremière instance de Bruxelles a décidé que, comme les procurations d’un actionnaireavaient été communiquées tardivement, celui-ci n’avait plus le droit de choisir son modede comparution à l’assemblée générale du lendemain, qui ne pouvait plus être quepersonnelle (civ. Bruxelles (réf.), 16 mai 2006, R.R. 06/3790/B, inédit).

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3.3 Questions de procédure

49. Les mentions et le dépôt de la requête unilatérale.L’article 1026 du Code judiciaire énumère les mentions que la requêteunilatérale doit contenir à peine de nullité. Celle-ci doit être déposée augreffe par un avocat et en double exemplaire, pour être visée par legreffier, inscrite dans le registre des requêtes et versée au dossier de laprocédure 134. L’inventaire des pièces doit être reproduit au pied de larequête 135.

50. L’instruction de la requête unilatérale. L’article 1028 du Codejudiciaire prévoit que le président vérifie la demande et peut convoquer,à cet effet, le requérant et les parties intervenantes en chambre duconseil.

L’intervention volontaire ou forcée de tiers est permise, mais ellene peut être ni ordonnée d’office ni suggérée par le président 136.

3.4 L’ordonnance sur requête unilatérale

51. Autorité de chose décidée. Comme l’ordonnance de référé,l’ordonnance prononcée sur requête unilatérale a une autorité de chosedécidée, qui ne fait pas obstacle à sa rétractation ou à sa modification encas de changement de circonstances (art. 1032 C. jud.) 137.

52. Exécution provisoire. En vertu de l’article 1029, alinéa 2, duCode judiciaire, l’ordonnance prononcée sur requête unilatérale estexécutoire par provision, sauf si le président en décide autrement.

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(134) Article 1027, alinéas 1er et 2, du Code judiciaire. En cas d’extrême urgence, larequête peut cependant être présentée en l’hôtel du président et instruite en l’absence dugreffier (H. BOULARBAH, « L’intervention du juge des référés… », op. cit., p. 104,n° 37).(135) Article 1027, alinéa 3, du Code judiciaire.(136) En vertu de l’article 811 du Code judiciaire, selon lequel les cours et tribunaux nepeuvent ordonner d’office la mise en cause de tiers. Cette disposition exclut égalementtoute jonction entre un référé contradictoire et une procédure sur requête unilatérale(X. TATON, « Les nouvelles procédures… », op. cit., p. 340, n° 49).(137) H. BOULARBAH, « L’intervention du juge des référés… », op. cit., p. 108 et 109,n° 45 et 46.

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3.5 Les voies de recours

53. Appel du requérant et de la partie intervenante. Le requérant et la partie intervenante peuvent faire appel de l’ordonnance par requêteunilatérale déposée dans le mois de la notification de l’ordonnance 138.

54. Tierce opposition du tiers condamné. En vertu des articles 1033et 1034 du Code judiciaire, toute personne qui n’est pas intervenue à lacause peut faire tierce opposition contre l’ordonnance qui lui causegrief, par citation dans le mois de la signification de l’ordonnance.

55. Sort de l’ordonnance en cas de décision contraire du juge desréférés ou du juge du fond. L’ordonnance prononcée sur requêteunilatérale ne sort ses effets que jusqu’au prononcé de l’ordonnance deréféré ou du jugement au fond 139. En matière d’OPA, le président dutribunal de commerce de Bruxelles a néanmoins méconnu ceprincipe 140 en ordonnant la suspension d’une offre publique jusqu’audeuxième jour ouvrable suivant la date du prononcé de l’arrêt de la courd’appel de Bruxelles statuant au fond 141.

Comme pour les ordonnances de référé, la question se pose desavoir si le tiers condamné peut obtenir, sur pied de l’article 1398,alinéa 2, du Code judiciaire, la réparation du préjudice causé parl’exécution de l’ordonnance 142.

3.6 L’interruption de la prescription

56. Pas d’interruption de la prescription. À notre estime, à défautde manifestation à l’égard du débiteur de la volonté du créancier de faire reconnaître en justice le droit menacé de prescription, la requêteunilatérale n’emporte pas d’effet interruptif de prescription 143.

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(138) Article 1031 du Code judiciaire.(139) H. BOULARBAH, « L’intervention du juge des référés… », op. cit., p. 74, n° 8.(140) Ainsi que le texte de l’article 584bis du Code judiciaire.(141) Comm. Bruxelles (réf.), 7 novembre 2005, Dr. banc. fin., 2006, p. 22.(142) Voy. supra n° 37.(143) Contra : P. ROUARD, Traité élémentaire de droit judiciaire privé, tome 2,Bruylant, Bruxelles, 1975 p. 489 et 490, n° 607.

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4. Les procédures « comme en référé » devant les juridictions commerciales –Le fond dans les formes de l’urgence

57. Objet de la présente section. De très nombreuses dispositionslégales attribuent au tribunal de commerce, à son président ou encore àla cour d’appel de Bruxelles, le pouvoir de statuer, dans des contentieuxcommerciaux particuliers, « selon les formes du référé » ou « encoreselon la procédure prévue aux articles 1035, 1036, 1038 et 1041 duCode judiciaire », mais avec l’autorité de chose jugée d’une décisionrendue « au fond » ou « au principal » 144.

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(144) S’agissant des procédures « comme en référé » devant les juridictionscommerciales, on signalera principalement :- Relevant de la compétence du tribunal de commerce :

le remplacement du commissaire au sursis en matière de concordat judiciaire(art. 19 L. 17 juillet 1997) ;- Relevant de la compétence du président du tribunal de commerce :

1° Actions en cessation prévues par (ordre chronologique) : l’article 4, § 2, de laloi du 16 novembre 1972 concernant l’inspection du travail ; l’article 220 de la loi du4 décembre 1990 relative aux opérations financières et aux marchés financiers ;l’article 109 de la loi du 12 juin 1991 sur le crédit à la consommation ; les articles 95 à 100de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et la protection duconsommateur ; l’article 31 de la loi du 16 février 1994 régissant l’organisation devoyages et le contrat d’intermédiaire de voyages ; l’article 2 de la loi du 11 avril 1999relative à l’action en cessation des infractions à la loi relative aux contrats portant surl’acquisition d’un droit d’utilisation d’immeubles à temps partagé ; l’article 2 de la loi du11 avril 1999 pour les infractions à la loi du 9 mars 1993 tendant à réglementer et àcontrôler les activités d’entreprises de courtage matrimonial ; la loi du 26 mai 2002relative aux actions en cessation intracommunautaires en matière de protection desintérêts du consommateur ; les articles 16 et 17 de la loi du 17 juillet 2002 relative auxopérations effectuées au moyen d’instruments électroniques de fonds ; l’article 8 de la loidu 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactionscommerciales ; les articles 9 et 10 de la loi du 20 décembre 2002 relative au recouvrementamiable des dettes du consommateur ; la loi du 25 février 2003 tendant à lutter contre ladiscrimination ; le décret de la Communauté française du 27 février 2003 sur laradiodiffusion ; l’article 3 de la loi du 11 mars 2003 sur certains aspects juridiques desservices de la société de l’information ; les articles 9 et 10 de la loi du 24 mars 2003instaurant un service bancaire de base ; les articles 4 et 5 de la loi du 12 mai 2003concernant la protection juridique des services à accès inconditionnel et des servicesd’accès conditionnel relatifs aux services de la société d’information ; la loi du 26 juin2003 relative à l’enregistrement abusif des noms de domaine ; la loi du 25 avril 2004insérant un article 17bis dans la loi du 10 avril 1990 sur les entreprises de gardiennage, lesentreprises de sécurité et les services internes de gardiennage ; la loi du 13 août 2004relative à l’autorisation d’implantations commerciales ; la loi du 1er septembre 2004complétant les dispositions du Code civil relatives à la vente en vue de protéger leconsommateur ;

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Un inventaire récent de ces diverses procédures a été établi parMmes Dalcq et Uhlig qui ont en outre tenté d’établir une théorie généraledu « comme en référé » 145. Plusieurs d’entre elles font l’objet d’uneanalyse approfondie dans le présent ouvrage 146.

Il ne sera pas question dans les lignes qui suivent de détaillerchacun de ces contentieux mais bien d’examiner, de manière générale,les principes, conditions et caractéristiques communs de ces

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2° Actions diverses en matière de droit financier et de droit des sociétés prévuespar (ordre chronologique) : la loi du 2 mars 1989 relative à la publicité des participationsimportantes dans les sociétés cotées en bourse et réglementant les offres publiquesd’acquisition (art. 8) ; la loi du 22 mars 1993 relative au statut et au contrôle desétablissements de crédit (art. 24, § 5, et 25) ; le Code des sociétés (art. 131, 157, 160, 335,340, 426, 516, 566, 637, 642, et 922 – Certaines des actions prévues par le Code dessociétés sont certes formées et instruites « comme en référé » mais n’ont pas d’autorité auprincipal : art. 317, 331, 426, 613, 684, 766 et 933) ; la loi du 20 juillet 2004 relative àcertaines formes de gestion collective de portefeuilles d’investissement (art. 159, § 5) ;- Relevant de la compétence de la cour d’appel de Bruxelles :

Jusqu’à ce que ces compétences soient, le cas échéant, transférées au Conseil de laconcurrence conformément à l’article 32 de la loi du 10 juin 2006 instituant un Conseil dela concurrence, les recours contre les décisions de : l’Institut belge des postes ettélécommunications (loi du 17 janvier 2003 concernant les recours et le traitement deslitiges à l’occasion de la loi du 17 janvier 2003 relative au statut du régulateur des secteursdes postes et télécommunications), la Commission de régulation de l’électricité et du gaz(loi du 27 juillet 2005 organisant les voies de recours contre les décisions prises par laCommission de régulation de l’électricité et du gaz), l’autorité de régulation économique,visée à l’article 1, 6°, de l'arrêté royal du 27 mai 2004 relatif à la transformation de BIACen société anonyme de droit privé et aux installations aéroportuaires.

Par contre, les recours dont connaît la cour d’appel de Bruxelles en matière desurveillance financière ne sont pas instruits « selon les formes du référé » mais en vertud'une procédure accélérée tout à fait spécifique (X. TATON, « Les procéduresdérogatoires et accélérées en droit bancaire et financier », in Les actions en cessation,op. cit., p. 177, n° 32). Voy. ég. infra, note 396.(145) C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’ : le point sur les questions transversales de compétence et de procédure », in Lesactions en cessation, op. cit., p. 11-28. Voy. ég. S. UHLIG, « Questions actuelles enmatière de compétence », in Actualités et développements récents en droit judiciaire,CUP, Volume 70, Bruxelles, Larcier, 2004, p. 56-58; C. DALCQ, « Les actions ‘commeen référé’», in Le référé judiciaire, op. cit., p. 147-164. Restent également d’actualité lescontributions suivantes: J.-F. van DROOGHENBROECK, « La nature et le régime de lacompétence exercée ‘comme en référé’. L’exemple de l’action en dommages et intérêts »,J.T., 1996, p. 554 et s.; G. CLOSSET-MARCHAL, « Éléments communs aux procédures‘comme en référé’ », in Le développement des procédures comme en référé, Bruxelles,Bruylant-Kluwer, 1994, p. 17 et s. et J. van COMPERNOLLE, « La rançon d’un succès :le développement des procédures ‘comme en référé’. Conclusions générales », ibidem,p. 207 et s.(146) Voy. ég. les diverses contributions publiées dans Les actions en cessation, J.-F. van DROOGHENBROECK (coord.) , CUP, Volume 87, Bruxelles, Larcier, 2006.

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procédures 147. Dans le cadre de cet examen, on ne développera quequelques questions controversées ou d’actualité ; celles faisant l’objetde règles précises ou d’interprétations constantes ne feront que l’objetd’un simple rappel 148. Les règles propres aux procédures particulièresseront, le cas échéant, étudiées dans le cadre des contributions qui leursont consacrées dans ce volume.

4.1 Questions de recevabilité

58. Actions ordinaires, attitrées ou mixtes. Si de nombreusesactions exercées « selon les formes du référé » sont soumises aux règlesordinaires des articles 17 et 18 du Code judiciaire qui énoncent lesconditions de l’action, d’autres constituent des actions « attitrées »,c’est-à-dire que leur exercice est réservé à certains titulaireslimitativement énoncés par la loi à l’exclusion des autres personnesphysiques ou morales. Si tel est le cas, le demandeur doit justifier, souspeine de se voir opposer une fin de non-recevoir, de la qualitéparticulière qui lui permet d’agir. Par exemple, s’agissant de la loi du25 février 2003 tendant à lutter contre la discrimination, l’action ne peutêtre introduite que par la victime de la prétendue discrimination ou parun groupement visé à l’article 31 de la loi 149. Certaines actions sont« mixtes », en ce sens qu’elles peuvent être exercées par tout intéressémais également par certains acteurs déterminés 150. Dans cettehypothèse, la qualité en laquelle le demandeur agit est importantepuisque, selon le cas, il peut être dispensé de démontrer son intérêt àagir 151. À l’inverse, s’il ne figure pas parmi les titulaires désignés par la

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(147) Cet exercice est particulièrement périlleux car ces procédures, d’une part, sontsoumises chacune à des règles particulières qui dérogent, parfois de manière substantielle,aux règles de la procédure « en référé » organisée par les articles 1035 et s. du Codejudiciaire et, d’autre part, poursuivent des objectifs fort différents (il y a ainsi peu de points communs entre une action en cessation d’une pratique illégale, une action en retrait d’unesociété anonyme et un recours dirigé contre une décision de l’I.B.P.T.).(148) Sur de nombreux points, on se permettra partant de renvoyer purement etsimplement le lecteur aux études exhaustives précitées de Mmes Dalcq et Uhlig.(149) Prés. Comm. Anvers, 30 avril 2004, Ann. Prat. Comm. & Conc., 2004, p. 264. Voy. S. et J.-F. van DROOGHENBROECK, « L’action en cessation de discriminations », inLes actions en cessation, op. cit., p. 360, n° 71.(150) Sur tout ceci, voy. C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du‘comme en référé’ », op. cit., p. 29-31.(151) Voy. par ex. s’agissant de la question de savoir quel est le ministre compétent pouragir en cessation en vertu de l’article 98 de la loi du 14 juillet 1991, Prés. Comm. Gand,24 mai 2004, R.A.B.G., 2005, p. 961, note P. WYTINCK.

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loi, il doit nécessairement justifier d’un intérêt direct et personnel 152.

59. Actions préventives ou déclaratoires. En vertu de l’article 18,alinéa 2, du Code judiciaire, l’action peut être admise lorsqu’elle a étéintentée, même à titre déclaratoire, en vue de prévenir la violation d’undroit gravement menacé. Cette disposition, peu connue et utilisée dansla pratique, connaît certainement son plus grand nombre d’applicationsdans le cadre des compétences exercées « comme en référé » lorsqu’ilconvient de faire face à une menace actuelle et objective de litige.S’agissant des actions en cessation, il est désormais bien établi quel’action peut être introduite après que les faits litigieux ont pris fin dèslors que le risque de réitération n’est pas exclu 153. Il est égalementenvisageable d’introduire une action en cessation préventive en vue defaire cesser une pratique qui n’a pas encore eu lieu mais dont le caractère imminent est certain 154. Par contre, la jurisprudence refuse qu’unedemande de déclaration de conformité d’une pratique à une législationdéterminée soit soumise à titre préventif au juge des cessations 155.

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(152) Lorsque la loi prévoit qu’une action est ouverte aux « intéressés », elle ne fait selon nous que renvoyer au droit commun des articles 17 et 18 du Code judiciaire sans exiger enoutre la démonstration d’une qualité particulière dans le chef du demandeur. AvecA. PUTTEMANS (Droits intellectuels et concurrence déloyale, Bruxelles, Bruylant,2000, p. 118, n° 76), on ne peut dès lors approuver la jurisprudence qui décide que seulsles vendeurs sont admis à agir en cessation d’une acte de concurrence déloyale (Voy. parex. à propos de l’action en cessation intentée par le nu-propriétaire d’un fonds decommerce qui est déclarée non recevable parce que ce dernier ne possède pas la qualité devendeur au sens de la loi du 14 juillet 1991, Prés. Comm. Neufchâteau, 24 septembre2002, Ann. Prat. Comm. & Conc., 2002, p. 718).(153) Voy. par ex. Prés. Comm. Nivelles, 2 juin 2000, A.J.T., 2001-02, p. 443, noteP. DE VROEDE ; Prés. Comm. Courtrai, 16 septembre 2002, Ann. Prat. Comm. & Conc.,2002, p. 650 ; H. DE BAUW, « Het bevel tot staken van inbreuken op de W.H.P.C. die een einde hebben genomen », in Liber amicorum Paul De Vroede, Tome II, Anvers, Kluwer,1994, p. 387. Par contre, lorsqu’un tel risque n’est ni allégué, ni établi, l’action« ad futurum » est irrecevable (Bruxelles, 19 juin 2006, R.G. n°199/AR/247, inédit).(154) C. DALCQ, « Les actions ‘comme en référé’ », op. cit., p. 169. Voy. en matière depratiques de commerce, J.-F. MICHEL, « Les actions en cessation en droit de laconsommation », in Les actions en cessation, op. cit., p. 120 et les réf. citées et, en matièrede lutte contre les discriminations, S. et J.-F. van DROOGHENBROECK, op. cit., p. 354,n° 62 et les réf. citées.(155) Voy. réc. Prés. Comm. Bruxelles, 9 décembre 2004, R.A.B.G., 2005, p. 966, et lanote I. BUELENS, qui propose de reconnaître la possibilité d’une action déclaratoirenégative lorsqu’il existe une menace sérieuse de contestation de la pratique concernée ;Bruxelles, 13 octobre 1995, J.T., 1996, p. 27 ; Ann. Prat. Comm.& Conc., 1996, p. 96, note A. PUTTEMANS.

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4.2 Questions de compétence matérielle

4.2.1 Principes généraux

60. L’urgence est présumée. C’est un truisme que de rappeler quel’urgence est « légalement présumée » dans le cadre des procédures aufond organisées « selon les formes du référé » et qu’elle ne doit parconséquent être ni alléguée, ni a fortiori démontrée 156. Elle n’est pasune condition de compétence, de recevabilité 157 ou du bien-fondé de lademande formée comme en référé 158.

61. Nature et caractéristiques des compétences exercées « commeen référé ». Au terme d’une longue évolution qui puise ses originesdans les travaux de C. Cambier 159 et dans la jurisprudence de la Cour decassation 160 au sujet de l’action en cessation devant le président dutribunal de commerce en matière de pratiques de commerce, doctrine etjurisprudence s’accordent aujourd’hui à considérer que la compétencedu juge siégeant « comme en référé » est à la fois exclusive etrestrictive 161.

62. Compétence exclusive. Le caractère exclusif de la compétenceattribuée au juge siégeant « selon les formes du référé » signifie quecelui-ci est seul compétent pour l’exercer de la manière prévue par la loi

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(156) Voy. J. van COMPERNOLLE, « La rançon d’un succès… », op. cit., p. 217, n° 18.(157) Prés. Comm. Gand, 24 mai 2004, Ann. Prat. Comm. & Conc., 2004, p. 574.(158) C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 60.(159) C. CAMBIER, Droit judiciaire civil, Tome II – La Compétence, Bruxelles,Larcier, 1981, p. 520, note (44).(160) Cass., 20 octobre 1972, Pas., 1973, I, 179 ; Cass., 16 novembre 1973, Pas., 1974, I, 295.(161) À l’origine, C. Cambier attribuait une double signification à l’exclusivité de lacompétence du juge des cessations commerciales : « d’une part, l’action en cessation,avec les caractéristiques et les sanctions qui s’y attachent, ne peut être soumise à aucuneautre juridiction ; d’autre part, le président ne peut exercer, comme juge des actions encessation, aucun autre pouvoir » (op. cit., p. 520, note 44). À sa suite, J.-F. vanDROOGHENBROECK a affiné la définition de ce deuxième attribut en le qualifiant de« restrictivité » de la compétence (« La nature et le régime… », op. cit., p. 555). Cetteterminologie est aujourd’hui largement reprise par la doctrine, voy. not. C. DALCQ etS. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme en référé’ », op. cit., p. 37 ;S. UHLIG, « Questions actuelles en matière de compétence », op. cit., p. 47.

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et avec les attributs particuliers que celle-ci attache à sa décision 162.Cette exclusivité tient en échec les différents mécanismes deprorogation de compétence dont pourraient profiter les autresjuridictions 163. Dégagée à propos de l’action en cessation en matière depratiques du commerce et des conséquences très particulières qui s’yattachent 164, la règle doit cependant être bien comprise. Elle ne signifiepas qu’une demande identique, spécialement une demande de cessation, ne puisse pas être demandée au juge du fond ou au juge des référés. Saportée est uniquement d’interdire à ces magistrats d’exercer cettecompétence avec les attributs qui s’attachent légalement aux procédures « comme en référé » 165. Ainsi, il n’est nullement exclu qu’un ordre decessation puisse être demandé au juge du fond à titre de réparation ennature. Mais cette décision, rendue à l’issue d’une procédure ordinaire,ne sera pas revêtue de l’autorité et des conséquences particulières quisont celles des jugements rendus au principal « selon les formes duréféré » 166. De même, il est concevable en cas d’urgence alléguée etdémontrée de solliciter l’intervention du juge des référés ordinaire 167.Mais, dans ce cas également, la décision prononcée sera une ordonnance de référé qui ne portera pas préjudice au fond (art. 1039 C. jud.) 168.

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(162) G. CLOSSET-MARCHAL, « Éléments communs aux procédures ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 20, n° 5.(163) Voy. infra, n°64 et s. Par contre, une telle exclusivité ne fait pas obstacle parelle-même au caractère arbitrable du litige. Comp. en matière de pratiques du commerce,Prés. Comm. Bruxelles, 9 décembre 2004, Ann. Prat. Comm. & Conc., 2004, p. 655, noteE. MONARD (mais qui paraît fonder l’inarbitrabilité de la demande de cessation d’unepublicité sur le caractère d’ordre public des dispositions de la loi du 14 juillet 1991).(164) Spécialement les sanctions pénales en cas de non-respect d’un ordre de cessationainsi qu’une autorité de chose jugée du civil sur le pénal.(165) J. van COMPERNOLLE, « La rançon d’un succès… », op. cit., p. 213, n° 11.(166) J. LAENENS, « De vordering tot staking herbezocht », in De nieuwe wethandelspraktijken, Diegem, Kluwer, 1992, p. 154.(167) Prés. Comm. Courtrai, 21 décembre 2000, R.W., 2002-2003, p. 597 ; Prés. Comm.Hasselt, 24 mars 2000, I.R.D.I, 2000, p. 147. En cas d’absolue nécessité, il est égalementpossible de saisir le président du tribunal de commerce par voie de requête unilatérale(art. 584, alinéa 3, C. jud.). Voy. supra, n° 41 et s.(168) J. LAENENS, « Overzicht van rechtspraak – De Bevoegdheid (1993-2000) »,T.P.R., 2002, p. 1561, n° 108.

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63. Compétence restrictive. À l’inverse, il est interdit au jugestatuant « comme en référé » de connaître de demandes qui ne relèventpas strictement de sa compétence d’attribution et ce, même en raison des règles autorisant la prorogation de compétence 169. Cette règle doitégalement être bien comprise. Elle signifie exclusivement que lajuridiction siégeant « selon les formes du référé » ne peut exercerd’autres pouvoirs, c’est-à-dire connaître d’autres demandes que cellesqui relèvent de sa compétence matérielle limitée 170. Elle ne lui interditpar conséquent pas d’acter la réserve d’une partie de réclamerultérieurement des dommages-intérêts devant le juge du fond puisqu’ilne s’agit pas à proprement parler d’une demande mais d’un simpledonné acte 171. Elle ne l’empêche pas non plus d’examiner un moyen dedéfense qui échappe à sa compétence « comme en référé » 172. Enfin,elle n’exclut pas non plus que le juge des cessations appelé à vérifier la

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(169) Voy. infra, n° 64 et s.(170) C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 37 ; J. van COMPERNOLLE, « La rançon d’un succès… », op. cit.,p. 214, n° 14. Ainsi, le président du tribunal de commerce saisi d’une demande fondée surla loi du 25 février 2003 tendant à lutter contre la discrimination ne peut déclarer la nullitéd’un acte juridique ou statuer sur une demande de remboursement (Prés. Comm.Bruxelles, 7 mars 2005, R.D.C., 2005, p. 675, note Y. Thiery). De même, le présidentsiégeant comme en référé dans le cadre d’une procédure de retrait d’un actionnaire n’estpas compétent pour condamner le défendeur au paiement de dommages et intérêts, mêmepar le biais d’une adaptation du prix des actions (Prés. Comm. Charleroi, 15 janvier 2001,R.D.C., 2001, p. 765). Le président connaissant d’une action en cessation en matière depratiques du commerce ne peut pas prononcer la nullité du dépôt d’une marque et enordonner la radiation (Prés. Comm. Gand, 6 décembre 2004, Ann. Prat. Comm.& Conc.,2004, p. 641). Il ne peut pas non plus faire droit à une demande de dommages et intérêts(Prés. Comm. Courtrai, 5 mai 2003, Ann. Prat. Comm. & Conc., 2003, p. 184 ; Prés.Comm. Courtrai, 30 avril 2003, Ann. Prat. Comm. & Conc., 2003, p. 791 ; Prés. Comm.Bruxelles, 5 décembre 2001, A. & M., 2001, p. 93). Il ne peut pas plus ordonner lacessation d’une faute contractuelle (Liège, 8 janvier 2004, J.L.M.B., 2004, p. 718).S’agissant plus largement des limites à la compétence du juge des cessationscommerciales, voy. P. DE VROEDE et H. DE WULF, « Overzicht van rechtspraak.Algemeen handelsrecht en handelspraktijken 1998-2002 », T.P.R., 2005, p. 265-267,n° 285.(171) Voy. Prés. Comm. Courtrai, 30 avril 2003, Ann. Prat. Comm. & Conc., 2003,p. 791 ; Gand, 15 novembre 2000, Ann. Prat. Comm & Conc., 2000, p. 455. Comp. ég.Prés. Comm. Mons, 13 janvier 2006, R.D.J.P., 2006, p. 85 (à propos des réservesformulées par le demandeur quant à la possibilité d’introduire une demande en cessationfondée sur d’autres actes de concurrence déloyale). Voy. contra, Prés. Comm. Hasselt,26 janvier 2001, Ann. Prat. Comm. & Conc., 2001, p. 517 à propos du donné acte à unepartie de son intention de rendre certains biens.(172) Cass., 30 mai 1996, Pas., I, 552 ; Liège, 8 septembre 2005, R.D.C., 2006, p. 662.Contra, Bruxelles 3 avril 1998, R.D.C., 1999, p. 119, note critique A. Puttemans. Sur cettequestion, voy. A. PUTTEMANS, Droits intellectuels et concurrence déloyale, Bruxelles,

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légalité d’un comportement autorisé par un acte administratif examine,à titre incident, sur pied de l’article 159 de la Constitution, la validité decet acte 173.

4.2.2 Paralysie des mécanismes de prorogation de compétence et de jonction

64. Principe. Il est fermement établi 174 que le caractère exclusif etrestrictif de la compétence du juge appelé à statuer « comme en référé »tient en échec les différents mécanismes de prorogation de compétenceet de jonction prévus par le Code judiciaire 175. Une seule exception estadmise s’agissant de l’article 563, alinéa 3, du Code pour les demandesreconventionnelles pour action téméraire ou vexatoire 176.

65. Les demandes incidentes. Le caractère exclusif de la compétence du juge du « comme en référé » s’oppose tout d’abord à ce qu’une autrejuridiction puisse être saisie d’une demande incidente (nouvelle,

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Bruylant, 2000, p. 252-254, n° 154. Il ne faut cependant pas confondre moyen de défenseinvoqué à titre incident et demande reconventionnelle, ce que nous paraît faire le président du tribunal de commerce de Louvain lorsqu’il accepte de connaître, à titrereconventionnel, de la nullité d’une marque et la radiation de son inscription au motif qu’il s’agit d’un moyen de défense (Prés. Comm. Louvain, 4 novembre 2003, Ing.-Cons., 2003,p. 305). En d’autres termes, le juge des cessations peut par exemple examiner à titreincident la nullité de la marque invoquée par le demandeur mais ne peut pas prononcerl’annulation du brevet et ordonner sa radiation. Comp. à propos de la compétenceexclusive pour connaître de la validité d’un brevet au regard de l’article 16-4 de laConvention de Bruxelles du 27 septembre 1968 (art. 22-4 du règlement Bruxelles I),C.J.C.E., 13 juillet 2006, GAT c. Lamellen, C-4/03, inédit, qui décide que le chef decompétence exclusive trouve à s’appliquer que la question de la validité soit soulevée parvoie d’action ou d’exception.(173) La solution est admise de manière constante dans le cadre de l’action en cessationcréée en matière de protection de l’environnement par la loi du 12 janvier 1993, voy.F. TULKENS, « Le point sur l’action en cessation en matière d’environnement », in Lesactions en cessation, op. cit., p. 88-89. Contra, Prés. Comm. Tongres, 18 janvier 2000,Ann. Prat. Comm. & Conc., 2000, p. 463.(174) Voy. not. C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘commeen référé », op. cit., p. 38 et s. ; G. CLOSSET-MARCHAL, « Éléments communs auxprocédures ‘comme en référé’ », op. cit., p. 20, n° 6.(175) C’est-à-dire par les articles 563 (demande reconventionnelle), 564 (demande enintervention), 565 (litispendance), 566 (connexité) et 568 (compétence ordinaire dutribunal de première instance).(176) Voy. infra, n° 66.

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reconventionnelle ou en intervention) qui relève des attributions de cejuge 177.

À l’inverse, le caractère restrictif de sa compétence tient en échecles mécanismes de prorogation de compétence prévus par lesarticles 563 et 564 du Code judiciaire que le juge siégeant « selon lesformes du référé » ne peut utiliser à son profit. Par conséquent, il ne peut statuer sur les demandes nouvelle, reconventionnelle et enintervention formées incidemment devant lui que si elles entrentelles-mêmes dans le champ de sa compétence matérielle limitée 178.

Ainsi, le président du tribunal de commerce saisi d’une action encession forcée n’est pas compétent pour connaître de la demandereconventionnelle tendant à la révocation pour cause d’ingratituded’une donation consentie 179. De même le président du tribunal decommerce saisi d’une action en cessation fondée sur la loi du 14 juillet1991 ne peut connaître de la demande reconventionnelle en annulationdu dépôt d’une marque 180.

66. Le cas particulier de la demande reconventionnelle pouraction téméraire et vexatoire. Cette dernière règle reçoit une exception en ce qui concerne la demande reconventionnelle en dommages etintérêts du chef de procédure téméraire et vexatoire (art. 563, alinéa 3,C. jud.). Doctrine 181 et jurisprudence 182 s’accordent en effet àconsidérer que le juge du « comme en référé » peut en connaître dès lors

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(177) C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 40. Voy. par ex. Civ. Bruxelles (réf.), 25 janvier 2002, A. & M., 2004,p. 333 s’agissant d’une demande reconventionnelle fondée sur l’article 95 de la loi du14 juillet 1991.(178) G. CLOSSET-MARCHAL, « Éléments communs aux procédures ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 20, n° 6.(179) Liège, 23 septembre 1999, J.L.M.B., 2000, p. 1289.(180) Prés. Comm. Mons, 9 novembre 2004, J.T., 2005, p. 152. Contra, Prés. Comm.Louvain, 4 novembre 2003, Ing.-Cons., 2003, p. 305.(181) C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 33 et p. 42 ; J.-F. van DROOGHENBROECK, « La nature et lerégime… », op. cit., p. 556 ; G. CLOSSET-MARCHAL, « Éléments communs auxprocédures ‘comme en référé’ », op. cit., p. 24, n° 21.(182) Voy. par ex. Prés. Com. Hasselt, 11 octobre 1996, Ann. Prat. Comm. & Conc.,1996, p. 370 ; Anvers, 22 juin 1998, Ann. Prat. Comm. & Conc., 1998, p. 308. On fondesouvent cette solution sur l’arrêt de la Cour de cassation du 4 octobre 1979 (Pas., 1980, I,157 ; R.D.C., 1981, p. 247, note J. Billiet). À notre avis, cet arrêt ne peut toutefois servir de fondement à cette exception dès lors que la Cour y confirme uniquement la possibilitépour la cour d’appel, connaissant d’un recours contre un jugement rendu par le président

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qu’il est le mieux placé pour en apprécier le bien-fondé et que l’examende cette demande n’est pas de nature à entraver l’efficacité de laprocédure 183.

67. La litispendance. Le caractère exclusif de la compétenced’attribution exercée par le juge siégeant « comme en référé » fait pardéfinition disparaître toute hypothèse de litispendance puisque celle-cisuppose que deux juges également compétents 184 soient saisis dedemandes identiques 185.

68. La connexité. La connexité permet de joindre directement(art. 701 C. jud.) ou suite à un renvoi (art. 565 C. jud.) devant un juge des demandes qui relèvent en principe de la compétence de deux tribunauxdifférents.

Le caractère exclusif de la compétence exercée « comme enréféré » s’oppose ici aussi à ce qu’une autre juridiction que celle prévuepar la loi puisse connaître, même par connexité, d’une demande relevant de cette compétence 186. Il fait également obstacle à ce que le jugesiégeant « selon les formes du référé » puisse proroger sa compétence

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du tribunal de commerce siégeant « comme en référé », de condamner l’appelant du chefd’appel téméraire et vexatoire. Or, il ne fait aucun doute que la cour d’appel, dont lespouvoirs ne sont pas restreints comme ceux du président (voy. infra, n° 75), estcompétente pour connaître d’une demande reconventionnelle ayant un tel objet. Il est plushasardeux de déduire de l’arrêt du 4 octobre 1979 que la Cour de cassation aurait décidéqu’il en va de même s’agissant du président statuant au premier degré.(183) Comme le relevait C. Cambier (op. cit., p. 527, note 67), l’exception se justifie enréalité par le fait que « pareille demande se greffe sur l’action elle-même et y trouve sacause. Elle n’implique aucune prorogation de compétence et est à traiter comme unaccessoire indissociable du procès engagé ».(184) C. CAMBIER soulignait à ce propos que « là où il y a compétence exclusive il nepeut y avoir d’autre juridiction compétente que celle dont les pouvoirs sont, de la sorte,consacrés. La condition même imposée à la litispendance vient alors à manquer : lesjuridictions en concours ne sont pas également compétentes » (op. cit., p. 111, note 68).(185) C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 43 ; Voy. ég. Prés. Civ. Bruxelles, 13 mars 2002, I.R.D.I., 2002,p. 124. On peut cependant envisager une litispendance territoriale dans la mesure oùplusieurs juges appelés à statuer « selon les formes du référé » seraient compétents envertu des règles de compétence territoriale (voy. infra, n° 77).(186) Il faut toutefois préciser que, dans un arrêt du 23 décembre 1988 (Pas., 1989, I,469), la Cour de cassation a admis que le tribunal de première instance puisse connaître, en raison de la connexité, d’une demande subsidiaire relevant de la compétence exclusive dutribunal de commerce. Cet arrêt – isolé – semble avoir ainsi considéré que la prorogationdu chef de connexité n’est pas tenue en échec par le caractère exclusif de la compétence, à

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pour connaître d’une demande qui échappe en principe à sa compétencerestrictive. Cette solution doit s’appliquer quelles que soient lesjuridictions et les compétences concernées.

Ainsi, il ne peut y avoir théoriquement de connexité entre unedemande introduite « en référé » et une demande formée « comme enréféré » 187.

Il ne peut pas non plus y avoir de connexité entre deux demandesrelevant de la compétence « comme en référé » de deux juges

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tout le moins lorsque les demandes connexes sont portées devant le tribunal de premièreinstance. Les conséquences à déduire de cet arrêt en ce qui concerne la matière examinéesont particulièrement délicates. Faut-il considérer que le tribunal de première instancepourrait connaître, par connexité, d’une demande relevant de la compétence exclusive dujuge du comme en référé ? Cette hypothèse de prorogation de compétence peut-elle êtreétendue à d’autres tribunaux, voire au juge siégeant « comme en référé » lui-même ? (voy.sur ces questions, C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du‘comme en référé’ », op. cit., p. 44-45).(187) Bruxelles, 10 novembre 1998, A.M., 1999, p. 221. On sait toutefois que M. vanDrooghenbroeck a suggéré que le demandeur puisse procéder, par jonction directe, à unedouble saisine du président siégeant « en référé » et « comme en référé » (« La nature et lerégime… », op. cit., p. 556). En réalité, selon nous, les deux thèses sont en grande partieréconciliables sur un plan pratique. En effet, dans la solution qu’il préconise, M. vanDrooghenbroeck admet qu’en toute hypothèse le président devra d’abord statuer sur lademande introduite « comme en référé » avec les attributs qui lui sont propres et que cen’est qu’ensuite qu’il pourra statuer, le cas échéant, « en référé » pour ordonner, aprèsavoir constaté l’urgence, les mesures auxquelles il ne peut pas faire droit en sa qualité dujuge du « comme en référé ». À notre sens, la circonstance que le président entende lesplaidoiries dans les deux causes formellement jointes ou dans les deux causes plaidéesl’une après l’autre ou qu’il se prononce « matériellement » sur ces demandes dans uneseule et même décision ou dans un jugement et une ordonnance séparés n’a en réalité pasbeaucoup d’importance en terme d’efficacité. Le seul intérêt d’une jonction directeconsisterait finalement dans la possibilité d’utiliser un seul et même acte introductifd’instance en lieu et place de deux citations distinctes. Mais lorsqu’on connaît lesincertitudes qui demeurent au sujet de la possibilité de joindre diverses demandes dans unseul et même acte ainsi que de la sanction qui est applicable en cas de violation del’article 701 du Code judiciaire (voy. J. ENGLEBERT, « Citations collectives et autresproblèmes de procédure liés à l’action collective », in Les actions collectives devant lesdifférentes juridictions, CUP, vol. 47, Liège, 2001, p. 129 et s.), il est en toute hypothèse àconseiller de privilégier l’utilisation de deux actes séparés. Reste enfin, il est vrai, que leprocédé ne peut être théoriquement utilisé, à défaut de connexité, devant les juridictionsqui, comme à Bruxelles ou Liège, tiennent des audiences séparées pour les actions en etcomme en référé. Mais ceci peut encore être aisément contourné car il ne résulteraitévidemment aucune irrégularité du fait que les causes « en référé » et « comme en référé »auraient été plaidées à une audience qui, selon le règlement du tribunal, serait consacrée àl’une ou à l’autre des actions. Voy. par ex., Prés. Comm. Liège, 19 mai 2006, n° R.F.2995/05, inédit, qui décide, lors de l’audience consacrée à l’examen des actions « commeen référé », de requalifier la demande et d’en connaître comme juge des référés ordinaires.

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différents 188. En cas de demandes connexes relevant de compétenced’un seul et même juge appelé à statuer « selon les formes du référé »,celui-ci peut évidemment les rassembler le cas échéant d’office(art. 856, alinéa 2, C. jud.) 189.

Enfin, il n’est pas possible de joindre, directement ou par renvoi,des demandes relevant de la compétence ordinaire de la juridictioncommerciale et de celle du juge siégeant « selon les formes du référé ».Contrairement à ce qui est enseigné, cette dernière solution ne nousparaît pas résulter de l’autonomie propre des actions « comme enréféré » 190 191 mais uniquement de l’exclusivité, dans la doublesignification rappelée ci-avant, de la compétence du juge statuant aufond mais dans l’urgence 192.

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(188) Contra, Prés. Comm. Bruxelles, 8 mars 2000, Ann. Prat. Comm. & Conc., 2000,p. 549 ; S. UHLIG, « Questions actuelles en matière de compétence », op. cit., p. 51. Voy.ég. C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme en référé’ »,op. cit., p. 43-45 qui analysent l’incidence de l’arrêt de la Cour de cassation du23 décembre 1988 précité sur cette question. Selon nous, à supposer même que l’onconsidère, ce qui paraît très hasardeux, que cette décision permet d’éluder le caractèreexclusif de la compétence d’un des juges concernés, il n’en reste pas moins que lecaractère restrictif de la compétence du juge auquel les deux causes seraient soumisess’oppose encore à cette jonction. En d’autres termes, si l’obstacle déduit de l’exclusivitépeut être levé, il demeure celui de la restrictivité. Comp. toutefois, S. Uhlig qui relèvepertinemment que « les arguments développés par la doctrine pour dénier aux juges de lacessation le droit de connaître d’autres demandes que celles pour lesquelles leurcompétence a été créée visent spécifiquement des demandes ‘classiques’ au fond et sontpeu pertinents à l’égard d’une autre demande comme en référé » (« Questions actuellesen matière de compétence », op. cit., p. 49, note 144).(189) C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 44.(190) C. DALCQ, « Les actions ‘comme en référé’ », op. cit., p. 182, n° 8 ; C. DALCQ etS. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme en référé’ », op. cit., p. 43.(191) Voy. en effet Cass., 29 mai 1998, Pas., I, 667, qui admet l’existence d’une situation de litispendance entre une demande provisoire portée devant le juge fond en applicationde l’article 19, alinéa 2, du Code judiciaire et la même demande pendante devant le jugedes référés alors même que ces deux procédures sont généralement qualifiéesd’autonomes l’une par rapport à l’autre. Il n’y a pas de raison de retenir une solutiondifférente en cas de connexité entre le fond et le « comme en référé ».(192) Ceci implique à notre estime qu’il est possible de concevoir une connexité en degré d’appel entre le recours formé contre un jugement rendu par le président du tribunal decommerce siégeant « comme en référé » et un jugement rendu au fond par le tribunal decommerce. En effet, comme on le rappellera ci-après, à l’inverse des juges de la premièreinstance, la cour d’appel bénéficie d’une compétence élargie qui lui permet de connaîtreau second degré de juridiction des deux types d’actions (voy. infra, n° 75). Voy. toutefoiscontra, Bruxelles, 8e chambre, 12 septembre 2005, n° 2004/AR/689, inédit, qui refuse de

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69. Surséance à statuer. Comme C. Cambier le relevait déjà en 1981, l’absence de jonction pour connexité entraîne des instances parallèlesqui peuvent conduire au prononcé de décisions contraires 193. Afind’éviter tout risque de jugements inconciliables, certaines juridictionsde fond 194 décident de surseoir à statuer dans l’attente de la décision dujuge des cessations 195. Même si elle paraît justifiée par des motifspragmatiques 196, une telle solution nous paraît critiquable car ellerevient à créer un motif de surséance à statuer non prévu par la loi 197. En outre, les risques qu’elle prétend éviter sont en grande partie théoriquespuisque la première décision rendue – qu’il s’agisse de celle « commeen référé », le plus vraisemblablement, ou de celle au fond ordinaire –aura autorité de chose jugée et pourra être invoquée 198 dans le cadre dela procédure non encore vidée 199. En outre, l’éventuelle contrariété

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joindre les deux appels aux motifs que « de ene zaak betreft een behandeling ten grondevolgens de gewone regels van rechtspleging, terwijl de andere zaak een behandeling zoals in kort geding uitmaakt ». La remarque se justifierait s’il pouvait apparaître que la jonction de deux causes est de nature à retarder l’examen de l’appel de la décision rendue commeen référé conformément au vœu de l’article 1066, alinéa 2, du Code judiciaire. Mais dèslors que, comme cela est fréquemment le cas, cette disposition n’est pas appliquée, on nevoit pas quelles autres règles légales feraient obstacle à ce que les deux causes soientjointes en degré d’appel, le cas échéant d’office par application de l’article 856, alinéa 2,du Code judiciaire (voy. sur ce point, X. TATON et F. DANIS, « Le ‘comme en référé’ etle fond ordinaire devant le même juge d’appel : la jonction pour connexité oulitispendance reste possible », à paraître à la R.D.C., 2006, n° 9). Ainsi, dans l’affaireprécitée, l’arrêt concernant l’appel du jugement du tribunal de commerce a été rendu lemême jour par la même chambre de la cour d’appel (Bruxelles, 8e chambre, 12 septembre2005, R.G. n° 2003/AR/2528, inédit).(193) C. CAMBIER, op. cit., p. 528.(194) Et même certains présidents appelés à statuer comme en référé (voy. par ex. Prés.Comm. Bruxelles, 8 mars 2000, Ann. Prat. Comm. & Conc., 2000, p. 549 qui envisage desurseoir à statuer dans l’attente de la décision du président du tribunal de première instance siégeant en cessation sur la base de la loi du 30 juin 1994).(195) Voy. Civ. Gand, 23 novembre 2001, I.R.D.I., 2002, p. 92 qui sursoit à statuer enattendant que l’appel contre le jugement comme en référé soit tranché par un arrêt ayantforce de chose jugée. Une telle décision méconnaît selon nous le prescrit de l’article 26 duCode judiciaire.(196) Voy. C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 45, note 132 qui paraissent admettre la légalité du procédé.(197) Voy. ég. C. CAMBIER, op. cit., p. 258.(198) Si les délais pour conclure sont expirés, l’article 748, § 2, du Code judiciaire peutêtre mis en œuvre et si les débats ont déjà été clôturés, une requête en réouverture desdébats peut être déposée par la partie la plus diligente (art. 772 C. jud.).(199) C. CAMBIER, op. cit., p. 528. Pour ces mêmes raisons, on ne peut approuverl’arrêt précité de la cour d’appel de Bruxelles (chambre, 12 septembre 2005,n° 2004/AR/689, inédit) qui déclare sans objet l’appel dirigé contre le jugement du 27 juin

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pourra le cas échéant encore être effacée par la voie de l’appel qui serasoumis à un juge unique 200.

4.2.3 Le règlement des incidents

70. Moment et critère d’appréciation de la compétence matérielle.Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation 201,également applicable aux procédures « comme en référé », lacompétence doit s’apprécier au moment de l’introduction de la demande et au regard de l’objet de la demande tel que formulé par le demandeurdans l’exploit introductif d’instance 202. Si au terme de cettevérification, le juge saisi « comme en référé » est d’avis que la demande(quelle qu’elle soit : subsidiaire, connexe, nouvelle, reconventionnelleou en intervention) 203 ne relève pas de sa compétence d’attribution, illui appartient de régler l’incident qui peut être de compétence ou derépartition.

71. Incident de compétence. Un incident de compétence au sens desarticles 639 et s. du Code judiciaire se produit dans l’hypothèse où lademande paraît relever de la compétence d’une autre juridiction que

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2000 du président du tribunal de commerce siégeant « comme en référé » dès lors qu’il adéjà statué sur l’appel des jugements des 3 octobre 2000 et 9 avril 2002 du tribunal decommerce rendus au fond dans la même cause. En effet, dans la mesure où la décision duprésident a autorité de chose jugée sur la procédure ordinaire au fond, le juge d’appel nepeut statuer d’abord sur l’appel dirigé contre la décision ultérieure du juge du fond sansavoir d’abord vidé l’appel dirigé contre le jugement du président du tribunal (voy. ég.X. TATON et F. DANIS, op. cit., n° 23). En effet, tant qu’elle n’a pas été réformée, cettedernière décision conserve son autorité de chose jugée (art. 26 C. jud.) et s’impose partantau juge d’appel. Ceci conduit à privilégier, sur le plan pratique, la jonction pour cause deconnexité des deux appels (voy. supra, note 192).(200) Qui, le cas échéant, ordonnera la jonction des appels du chef de connexité.(201) Voy. le plus réc. Cass., 13 juin 2003, Pas., I, 1162.(202) Prés. Comm. Gand, 5 février 2001, T.G.R., 2001, p. 199 ; Bruxelles, 18 février2002, R.W., 2003-2004, p. 1467 ; Prés. Comm. Hasselt, 22 novembre 2002, Limb.Rechtsl., 2003, p. 282, note E. MONARD ; Prés. Comm. Anvers, 6 novembre 2003, Ann.Prat. Comm. & Conc., 2003, p. 815 ; Liège, 8 janvier 2004, J.L.M.B., 2004, p. 718.(203) L’incident peut donc concerner exclusivement une des demandes portées devant lejuge. Il y aura le cas échéant lieu à disjonction et à renvoi de la seule demande qui échappeà la compétence de la juridiction saisie « comme en référé » (Sur cette possibilité, voy.C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme en référé’ »,op. cit., p. 51).

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celle qui a été saisie 204. Selon les cas, l’incident sera tranché par le jugesaisi (art. 639 C. jud.) ou par le tribunal d’arrondissement (art. 640C. jud.).

72. Incident de répartition. Lorsque la demande principale,subsidiaire, nouvelle, connexe, reconventionnelle ou en interventionressort d’une autre chambre de la juridiction commerciale, il y a parcontre uniquement lieu à un incident de répartition au sein de lajuridiction concernée 205. Le règlement de cet incident est régi aupremier degré par l’article 726 du Code judiciaire 206 et, en appel, parl’article 109, alinéa 2, du Code judiciaire qui renvoie à l’article 88, § 2,du même code. Par analogie avec cette dernière disposition, il noussemble que, bien que l’article 726 ne le prévoie pas expressément,l’incident doit être soulevé par le défendeur in limine litis, c’est-à-diredans son premier acte de procédure (sans hiérarchie obligatoire entre lesmoyens de défense) 207 ou par le juge « à l’ouverture des débats ». Il sera tranché par le président de la juridiction qui distribuera la cause à lachambre compétente pour en connaître. Lorsque c’est le président dutribunal lui-même et non un juge faisant fonction qui préside la chambredes référés ou des actions « comme en référé », il n’y a pas d’obstacle à

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(204) C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 52 ; G. CLOSSET-MARCHAL, « Éléments communs auxprocédures ‘comme en référé’ », op. cit., p. 22, n° 12.(205) G. CLOSSET-MARCHAL, « Éléments communs aux procédures ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 22, n° 13.(206) Et non par l’article 88, § 2, qui ne concerne que le tribunal de première instance(Prés. Comm. Courtrai, 5 mai 2003, Ann. Prat. Comm. & Conc., 2003, p. 184). C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme en référé’ », op. cit., p. 53 ;G. CLOSSET-MARCHAL, « Éléments communs aux procédures ‘comme en référé’ »,op. cit., p. 22, n° 13. Voy. pour des applications récentes de l’article 726 au sujet de lademande en nullité du dépôt Benelux d’une marque portée devant le président du tribunalde commerce siégeant comme en référé en matière de pratiques de commerce, Prés.Comm. Mons, 9 novembre 2004, J.T., 2005, p. 152 ; Prés. Comm. Gand, 6 décembre 2004, Ann. Prat. Comm. & Conc., 2004, p. 641. Voy. ég. à propos d’une demande de dommageset intérêts portée devant le président du tribunal de commerce siégeant en référé sur la base des articles 589, 1°, C. jud. et 95 de la loi du 14 juillet 1991, Prés. Comm. Courtrai, 5 mai2003, Ann. Prat. Comm. & Conc., 2003, p. 184. Contra, Prés. Comm. Liège, 19 mai 2006,R.F. n° 2995/05, inédit, qui considère à tort que l’article 726 du Code judiciaire régitexclusivement la distribution des causes au sein du tribunal de commerce et non lesincidents de répartition. Le président ne tire pas ensuite les conséquences de cette décisionpuisqu’il se déclare incompétent mais sans renvoyer la cause au tribunald’arrondissement. Il n’existe pourtant pas en droit judiciaire privé de constatd’incompétence sans renvoi au juge compétent.(207) Prés. Comm. Courtrai, 5 novembre 2001, D.A.O.R., 2002, n° 63, p. 307.

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ce que, contrairement au tribunal de première instance 208, il statueimmédiatement sur l’incident et se renvoie directement, par simplemention à la feuille d’audience, la cause à lui-même mais siégeant enune autre qualité.

73. Cas particulier de la saisine « en référé » en lieu et place de« comme en référé ». La jurisprudence démontre que, malgré lesnombreuses études publiées sur le sujet 209, les plaideurs ou leurshuissiers commettent encore fréquemment des erreurs ou, à tout lemoins, font preuve d’un manque de précision lors de la rédaction del’acte introductif d’instance ou de l’inscription de la cause au rôle. Il estainsi fréquent qu’une demande relevant de la compétence du juge saisi« comme en référé » soit portée devant le président siégeant « enréféré » et inscrite au rôle spécial des référés ou, inversement, qu’unedemande relevant de la compétence du juge des référés soit portéedevant le président siégeant « comme en référé » après le paiement dudroit de rôle ordinaire. Selon certains auteurs 210, il y aurait lieu dedistinguer selon qu’il s’agit ou non d’une erreur matérielle 211. En cas desimple erreur de plume (par exemple, une action en cessation introduitepar une citation qui mentionne erronément que le président est saisi « enréféré » et inscrite au rôle des référés), il y aurait uniquement lieu à unerectification formelle ainsi qu’à une éventuelle régularisation des droitsde mise au rôle 212. Cette solution – pragmatique et appliquée par le

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(208) Devant lequel il convient de respecter les exigences de l’article 88, § 2, du Codejudiciaire, voy. A. FETTWEIS, « Une disposition légale souvent méconnue : l’article 88,§ 2, du Code judiciaire », in Mélanges Jean Baugniet, Bruxelles, Fac. Dr. ULB, 1976,p. 279. En revanche, ces règles ne doivent pas être respectées lorsque c’est le président dutribunal de commerce qui tranche l’incident (Cass., 30 avril 1999, Pas., I, 613). Surl’absence de justification objective de la différence de traitement entre le tribunal depremière instance et le tribunal de commerce, voy. H. BOULARBAH, « La Courd’arbitrage et le droit judiciaire privé », Rev. Dr. ULB, 2002-1, p. 300, n° 33.(209) Voy. not. les nombreuses références citées par J. ENGLEBERT, « La demande dediffusion d’une réponse dans la pression audiovisuelle (loi du 23 juin 1961). Questions deprocédure », in Les actions en cessation, op. cit., p. 423 et s.(210) C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 58.(211) Voy. ég. dans ce sens, Gand, 15 mai 1997, A.J.T., 1997-98, p. 155, noteB. DE VUYST.(212) C. DALCQ et S. UHLIG, «Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’», op. cit., p. 58.

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tribunal de première instance de Bruxelles 213 et récemment par letribunal de commerce de Liège 214 – ne nous paraît pas légale. À notresens, dès qu’un président est saisi « en référé » ou « comme en référé »d’une demande qui ne relève pas de la compétence en laquelle il estappelé à siéger, il y a lieu à un incident de répartition conformément àl’article 726 du Code judiciaire 215. Comme le relève J. Englebert, cettesolution constitue en outre la seule voie de régler l’incident sans susciterdes difficultés irrémédiables au regard de la saisine du juge saisi « enréféré » d’une demande relevant de sa compétence « comme enréféré » 216. Pour trancher cet incident, le président aura égard,conformément aux règles rappelées ci-dessus, à la demande telle quequalifiée par le demandeur dans la citation sans se limiter, cela va de soi,au seul intitulé de la citation ou à la qualité en laquelle il est saisi mais envérifiant quelles sont les mesures postulées ainsi que les motifs qui lesjustifient 217.

74. Obligation pour le juge de régler l’incident. Dans tous les cas, ilest exclu que le juge se borne à constater que la cause ne relève pas de sacompétence matérielle sans mettre en œuvre les mécanismes derèglement prévus par la loi à cet effet 218. On ne peut dès lors approuverles décisions qui constatent l’incompétence du juge saisi comme enréféré pour connaître de la cause sans renvoyer celle-ci au jugecompétent, au tribunal d’arrondissement ou encore au président chargé

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(213) Civ. Bruxelles (réf.), 10 septembre 1997, J.L.M.B., 1999, p. 893 ; Civ. Bruxelles(réf.), 2 octobre 1997, J.L.M.B., 1999, p. 895 ; Civ. Bruxelles (réf.), 27 avril 1999,J.L.M.B., 1999, p. 897, note F. Jongen.(214) Prés. Comm. Liège, 19 mai 2006, R.F. n° 2995/05, inédit.(215) H. BOULARBAH, «L’introduction de l’instance et la notification», in Le point sur les procédures (2e partie), CUP, Volume 43, Liège, 2000, p. 72, n° 23 ; J. ENGLEBERT,« La demande de diffusion… », op. cit., p. 426-429, n° 35-38.(216) J. ENGLEBERT, « La demande de diffusion… », op. cit., p. 429-439, n° 39-50.L’auteur y démontre qu’à défaut de règlement de l’incident de répartition, le jugeconnaissant « en référé » d’une demande relevant de sa compétence « comme en référé »n’est pas valablement saisi dès lors que les droits de mise au rôle dus pour une telledemande au fond n’ont pas été correctement réglés avant l’audience d’introduction (voy.aussi, infra, n° 80).(217) Voy. par ex. Prés. Comm. Hasselt, 17 mars 2000, I.R.D.I., 2000, p. 143.(218) C. DALCQ et S. UHLIG, «Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’», op. cit., p. 49 ; Bruxelles, 18 février 2002, R.W., 2003-2004, p. 1467.

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de trancher l’incident de répartition 219.

75. Sort des incidents de compétence en degré d’appel. Au seconddegré de juridiction, le caractère restrictif de la compétence « comme enréféré » disparaît puisque la cour d’appel est également le juge d’appeldu juge ordinaire. « La cour d’appel, juge d’appel des jugements destribunaux de première instance et de commerce et des décisions de leurs présidents respectifs dispose d’une compétence élargie qui, en raisonde l’effet dévolutif de l’appel, lui permet de se prononcer au fond dèsque la cause qui lui est soumise relevait en première instance de lacompétence d’une de ces juridictions » 220. Partant, elle peut connaîtrede la demande portée en première instance devant le juge saisi « commeen référé » même si ce dernier n’était pas compétent pour enconnaître 221.

Dans un arrêt du 8 janvier 2004, la cour d’appel de Liège s’estprononcée sur le sort de la demande nouvelle formée en degré d’appelsur pied de l’article 95 de la loi du 14 juillet 1991 alors qu’en premièreinstance, la demande originaire avait été formée en référé ordinairedevant le président du tribunal de commerce 222. Après avoir constatéque cette demande était devenue sans objet dès lors que l’urgence avaitdisparu, la cour a déclaré la demande nouvelle irrecevable dès lorsqu’elle relève de la compétence exclusive du président du tribunal decommerce. Cette solution nous paraît critiquable. Dès lors qu’ellerépondait aux conditions de l’article 807 du Code judiciaire, cettedemande incidente était bien évidemment recevable. La cour d’appel

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(219) Voy. par ex. réc. Prés. Comm. Liège, 19 mai 2006, n° R.F. 2995/05, inédit, qui,bien que siégeant « comme en référé », estime avoir en réalité été saisi « en référé » et sedéclare partant incompétent pour connaître de la demande reconventionnelle relevant dela compétence du président siégeant « comme en référé » mais sans renvoyer la cause aujuge compétent ni mettre en œuvre les mécanismes de règlement de l’incident. Voy. ég.Prés. Comm. Malines, 13 octobre 1994, Ann. Prat. Comm. & Conc., 1994, p. 474, quifonde cette solution sur le fait qu’il est saisi de deux demandes connexes, dont une partieest de sa compétence et une autre non, qui ne peuvent être scindées.(220) H. BOULARBAH, « L’effet dévolutif de l’appel et le sort en degré d’appel desdéclinatoires de la compétence du juge siégeant en référé et comme en référé en matièrecommerciale », R.D.C., 1999, p. 103, n° 17 ; X. TATON et F. DANIS, op. cit., n° 13.(221) Bruxelles, 18 février 2002, R.W., 2003-2004, p. 1467 à propos d’une action encession forcée basée sur un contrat de reprise d’actions ; Liège, 8 janvier 2004, J.L.M.B.,2004, p. 718, à propos d’une action en cessation basée sur un contrat de cession de fondsde commerce ; Bruxelles, 3 avril 1998, R.D.C., 1999, p. 119 à propos de la validité d’unemarque.(222) Liège, 8 janvier 2004, J.L.M.B., 2004, p. 721.

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était à notre sens compétente pour en connaître dès lors qu’il luiappartenait, en vertu de l’article 643 du Code judiciaire, de la renvoyerau juge d’appel compétent, soit elle-même 223.

4.3 Questions de compétence territoriale

76. Compétence internationale. La compétence internationale dujuge siégeant comme en référé doit d’abord être vérifiée, lorsque ledéfendeur a son domicile dans un État membre de l’Union européenne,au regard du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000, dit« Bruxelles I » 224. Lorsque ni ce règlement, ni aucun autre instrumentinternational ou national spécifique ne trouvent à s’appliquer, le pouvoir de juridiction des cours et tribunaux belges est déterminé par le Code dedroit international privé 225.

77. Compétence interne. S’agissant de la compétence territoriale surle plan interne, il faut distinguer selon qu’il existe ou non des règlesspécifiques dans la procédure concernée. C’est notamment le cas enmatière de droit des sociétés 226 et de droit financier 227 ou encore pourles actions en cessation intracommunautaires 228. En l’absence dedispositions dérogatoires, il y a lieu d’appliquer le droit commun del’article 624 du Code judiciaire 229, lequel offre des possibilités trèslarges. Le demandeur peut notamment porter son action devant le juge

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(223) H. BOULARBAH, « L’effet dévolutif… », op. cit., p. 103, n° 17. Voy. dans cesens, Anvers, 5e ch., 19 décembre 1995, inédit, A.R. 280/93, rapporté par l’auteur.(224) Voy. par ex. Prés. Comm. Termonde, 3 janvier 2000, R.D.C., 2000, p. 242, noteP. WAUTELET ; Prés. Comm. Hassett, 3 novembre 2000, Ann. Prat. Comm. & Conc.,2000, p. 586 ; Prés. Comm. Bruxelles, 8 novembre 2000, Ann. Prat. Comm. & Conc.,2000, p. 596 ; Prés. Comm. Courtrai, 5 novembre 2001, D.A.O.R., 2002, n° 63, p. 307, tous rendus à propos de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 qui a été remplacéepar le règlement « Bruxelles I » dont l’article 5-3, souvent appliqué en matière decessation, revêt la même portée que l’article 5-3 de la Convention de Bruxelles.(225) Sur l’application de ce code aux matières commerciales, voy. les diversescontributions publiées dans le numéro de juin 2005 de la Revue de droit commercial belge, p. 607 et s.(226) Voy. par ex. art. 637 C. soc., qui prévoit la compétence du président du tribunal decommerce dans le ressort duquel la société concernée a son siège social.(227) Voy. art. 8 de la loi du 2 mars 1989 relative aux offres publiques d’acquisition et516, § 2, C. Soc.(228) Art. 6 de la loi du 26 mai 2002, qui prévoit la compétence du président du tribunalde commerce de Bruxelles (Prés. Comm. Bruxelles, 6 décembre 2004, J.T., 2005, p. 343).(229) G. CLOSSET-MARCHAL, « Éléments communs aux procédures ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 21, n° 7. Sur l’application des règles de droit commun en matière de

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du domicile du défendeur mais aussi devant celui du lieu où lesobligations sur lesquelles porte le litige, ou l’une d’entre elles, sont néesou bien sont ou doivent être exécutées 230. En matière de cessation, cecivise le ou les lieux où la pratique commerciale concernée a été posée ousort ses effets ainsi que le lieu ou les lieux où l’obligation de cessationest née 231. La demande peut encore être portée devant le juge du lieu oùse produisent les conséquences préjudiciables des actes attaqués 232.

Selon une partie de la doctrine, le juge appelé à statuer « commeen référé » pourrait également être celui du lieu où la mesure doit êtreexécutée 233 par analogie avec la jurisprudence de la Cour de cassationrelative à la compétence territoriale en matière de référé 234.

4.4 Questions de procédure

78. Modes d’introduction. En règle, les actions exercées « selon lesformes du référé » sont introduites par citation conformément au droitcommun de l’article 1035, alinéa 1er, du Code judiciaire 235.

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pratiques du commerce, voy. P. DE VROEDE et H. DE WULF, op. cit., T.P.R., 2005,p. 294, n° 342-345.(230) Prés. Comm. Gand, 6 décembre 2004, Ann. Prat. Comm. & Conc., 2004, p. 641 ;Prés. Comm. Courtrai, 30 avril 2003, Ann. Prat. Comm. & Conc., 2003, p. 791.(231) Prés. Comm. Courtrai, 5 novembre 2001, D.A.O.R., 2002, n° 63, p. 307.(232) Voy. Prés. Comm. Courtrai, 5 novembre 2001, D.A.O.R., 2002, n° 63, p. 307 ; Prés. Comm. Hasselt, 15 avril 2005, Ing.-Cons., 2005, p. 167 ; Prés. Comm. Gand, 6 décembre2004, Ann. Prat. Comm. & Conc., 2004, p. 641. Contra, Prés. Comm. Gand, 7 janvier2002, T.G.R., 2002, p. 230.(233) Une divergence semble toutefois exister parmi les auteurs sur le caractèrecomplémentaire (G. CLOSSET-MARCHAL, « Éléments communs aux procédures‘comme en référé’ », op. cit., p. 21, n° 8) ou, en revanche, exclusif (C. DALCQ etS. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme en référé’ », op. cit., p. 49 et« Questions actuelles en matière de compétence », op. cit., p. 51) de la compétence du juge du lieu où la mesure doit être exécutée. Il nous paraît que, si l’on pousse jusqu’au boutl’analogie avec le référé, il ne peut s’agir là que d’un chef de compétence supplémentairequi n’empêche pas le recours aux fors prévus par l’article 624 du Code judiciaire.(234) Voy. Cass., 22 décembre 1989, Pas., 1990, I, 504 et les conclusions du ministèrepublic publiées dans Arr. Cass., 1989-1990, p. 564.(235) C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 54 ; G. CLOSSET-MARCHAL, « Éléments communs auxprocédures ‘comme en référé’ », op. cit., p. 27, n° 31.

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Mais certaines législations prévoient la possibilité d’utiliserconcurremment ou exclusivement la requête contradictoire 236. Lajurisprudence a eu l’occasion de rappeler que le non-respect des règlesde forme prévues par ces réglementations particulières est soumis audroit commun des articles 860 et s. du Code judiciaire 237 238.

79. Délai de citation. Conformément au droit commun, le délai decitation est en règle celui prévu par l’article 1035, alinéa 2, du Codejudiciaire, soit deux jours au moins 239. Il est susceptible de prolongation lorsque le défendeur n’a ni domicile, ni résidence, ni domicile élu enBelgique. En vertu de l’article 1036, ce délai peut, sur requêteunilatérale du demandeur, être abrégé lorsque le cas requiert célérité.

Certaines procédures particulières prévoient des délais quidérogent au droit commun, notamment lorsqu’elles autorisentl’introduction par voie de requête contradictoire. Ainsi, l’article 100,alinéa 3, de la loi du 14 juillet 1991 prévoit que le greffier du tribunal decommerce « avertit sans délai la partie adverse par pli judiciaire etl’invite à comparaître au plus tôt trois jours, au plus tard huit joursaprès l’envoi du pli judiciaire ». Bien que cela ne soit pas prévu par laloi, le président du tribunal de commerce de Bruxelles a considéré quelorsque le défendeur est domicilié à l’étranger ce délai doit être prolongé conformément à l’article 55 du Code judiciaire 240. La même juridiction

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(236) C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 55 ; G. CLOSSET-MARCHAL, « Éléments communs auxprocédures ‘comme en référé’ », op. cit., p. 28, n° 32.(237) Sur ce que les articles 860 et s. du Code judiciaire s’appliquent en cas denon-respect des mentions d’une requête prescrites à peine de nullité par une législationparticulière, voy. Cass., 24 mars 2003, Pas., I, 598.(238) Prés. Comm. Bruxelles, 9 juillet 2004, Ann. Prat. Comm. & Conc., 2004, p. 582 ;Prés. Comm. Hasselt, 6 juillet 2000, Ann. Prat. Comm. & Conc., 2000, p. 175. Comp. àpropos d’une requête non datée, Prés. Comm. Bruxelles, 12 mai 2004, Ann. Prat. Comm.& Conc., 2004, p. 735 qui considère, à tort selon nous, que le cachet apposé par le greffesur l’acte ne permet pas de régulariser l’omission.(239) C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 56.(240) Prés. Comm. Bruxelles, 9 juillet 2004, Ann. Prat. Comm. & Conc., 2004, p. 582.Cette solution nous paraît critiquable dès lors que la prolongation des délais visée àl’article 55 du Code judiciaire n’a lieu que lorsque la loi le prévoit expressément. Or, sil’article 1035 du Code judiciaire prévoit une telle prolongation s’agissant du délai decitation de deux jours, l’article 100, alinéa 3, de la loi du 14 juillet 1991 ne contient pas deprécision similaire.

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a également décidé que ce délai n’est pas prescrit à peine de nullité 241.

80. Mise au rôle. La question de savoir si les actions « comme enréféré » doivent être inscrites au rôle général de la juridiction ou au rôlespécial des référés a été discutée en doctrine 242. La pratique des greffesainsi que la majorité de la doctrine et de la jurisprudence sont fixées ence sens que la cause doit être inscrite au rôle ordinaire et faire l’objet desdroits complets 243. Demeure dès lors une controverse sur la sanctionapplicable en cas d’inscription de la cause formée « comme en référé »au rôle des référés plutôt qu’au rôle général 244. La jurisprudence seprononce généralement en faveur de la régularisation de la procédurepar le paiement du complément des droits de mise au rôle 245. En réalité,deux situations paraissent devoir être distinguées. La première vise lecas où le demandeur voulant agir devant le juge du « comme en référé »cite erronément « en référé », fait inscrire la cause au rôle particulier desréférés et introduit la cause devant la chambre qui, selon le règlement dutribunal saisi, connaît des actions « en référé ». Comme on l’a déjàrelevé 246, ce problème doit être résolu sous la forme d’un incident derépartition 247 et non par une correction matérielle de la citation suivied’une régularisation des droits de rôle. La seconde hypothèse, plus rare,est celle où le demandeur saisit le juge « comme en référé », inscrit lacause au rôle général mais en refusant de payer les droits ordinaires.Dans ce cas, il faut considérer avec J. Englebert que la citation est de nul

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(241) Prés. Comm. Bruxelles, 9 juillet 2004, Ann. Prat. Comm. & Conc., 2004, p. 582.Cette solution est également critiquable dès lors que l’article 710 du Code judiciaire quiconstitue le droit commun des procédures (art. 2 C. jud.) prévoit que « les délais fixés pour les citations sont prescrits à peine de nullité » et que « la même règle est applicable auxautres formes de convocations prévues par la loi ». Or, l’article 100, alinéa 3, de la loi du14 juillet 1991 constitue une forme de convocation prévue par la loi au sens de cettedisposition.(242) Voy. J.-F. van DROOGHENBROECK, « L’inscription de l’action en cessation,formée et instruite selon les formes du référé : quand la mise au rôle appelle une mise aupoint », R.D.C., 1995, p. 272-280.(243) C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 57.(244) Voy. J. ENGLEBERT, « La demande de diffusion… », op. cit., p. 430, n° 40.(245) Civ. Bruxelles (réf.), 27 avril 1999, J.L.M.B., 1999, p. 897, note F. Jongen ; Prés.Comm. Namur, 30 septembre 1998, J.T., 1999, p. 139 (il faut préciser que dans cetteaffaire le demandeur avait décidé de modifier en cours d’instance sa demande en référépour la transformer en une demande en cessation au fond).(246) Supra, n° 73.(247) Suite auquel la cause est distribuée « sans frais » à la chambre compétente de lajuridiction saisie.

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effet sans régularisation possible 248.

81. Mesures avant dire droit. Comme on le développeraci-après 249, le juge siégeant « comme en référé » peut, à l’instar de toute autre juridiction, faire usage de l’article 19, alinéa 2, du Code judiciaireet décider de mesures avant dire droit. Il peut ainsi prononcer un ordrede cessation provisoire, décréter la suspension des droits attachés auxactions dont la cession forcée est demandée, ordonner des mesuresd’instruction 250…

82. Mise en état. La mise en état devant le juge appelé à statuer« comme en référé » se déroule selon les règles applicables pour leréféré. Le cas échéant, il est envisageable de recourir à l’application desarticles 747 et 748 du Code judiciaire 251.

83. Inapplication ou renversement de la règle selon laquelle « lecriminel tient le civil en état ». Certaines législations, spécialementcelles instituant des actions en cessation, prévoient un renversement dela règle suivant laquelle « le criminel tient le civil en état ». Dans ceshypothèses, le juge pénal est en effet tenu par ce qui a été décidé par lejuge siégeant « comme en référé » 252. Ce n’est toutefois pas le cas detoutes les procédures exercées « selon les formes du référé » en sortequ’il y a lieu dans chaque cas de procéder à une vérification préalable de

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(248) J. ENGLEBERT, « La demande de diffusion… », op. cit., p. 430, n° 40.(249) Infra, n° 92.(250) G. CLOSSET-MARCHAL, « Éléments communs aux procédures ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 29, n° 38 qui rappelle que, conformément à l’article 1038 du Codejudiciaire, le juge siégeant « comme en référé » pourra abréger tous les délais de procédure prévus par le Code judiciaire pour l’exécution des mesures d’instruction.(251) Comp. C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 59-60 qui paraissent exclure, de manière difficilementcompréhensible, l’application de ces dispositions au premier degré de juridiction maisl’admettre pour l’appel. En réalité, l’application – déformalisée – des articles 747 et 748du Code judiciaire n’est nullement incompatible avec une procédure abrégée ou urgente(H. BOULARBAH, « Questions d’actualité relatives aux débats succincts », in Actualitéset développements récents en droit judiciaire, CUP, Volume 70, Bruxelles, Larcier, 2004,p. 99, n° 19).(252) G. CLOSSET-MARCHAL, « Éléments communs aux procédures ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 33, n° 51.

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l’existence d’une dérogation au droit commun 253, laquelle doitnécessairement être expresse. Par exemple, il n’est pas dérogé à la règlegénérale dans le cadre de la procédure de cession forcée d’actions 254.

84. Questions préjudicielles. Depuis la modification, par la loi du9 mars 2003, de l’article 26, § 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 surla Cour d’arbitrage, il ne fait plus de doute que le juge siégeant « comme en référé » est, comme tout autre juge appelé à statuer au fond, tenu deposer une question préjudicielle sauf lorsqu’il se trouve dans l’un descas de dispense prévus par le § 2 de cette disposition 255. Ce même jugepeut également poser, le cas échéant, une question préjudicielle à laCour de justice des Communautés européennes ou à la Cour de justiceBenelux. Si cela se justifie eu égard aux circonstances de la cause, lejuge peut prendre des mesures avant dire droit sur pied de l’article 19,alinéa 2, du Code judiciaire afin d’aménager la situation des parties dans l’attente de la réponse à la question posée 256.

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(253) C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 64.(254) Bruxelles, 26 septembre 2000, J.L.M.B., 2001, p. 820.(255) C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 63.(256) Voy. infra, n° 98 et s.

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4.5 Le jugement comme en référé

85. Autorité de chose jugée au principal. Le jugement prononcé parle juge siégeant « comme en référé » possède une pleine et entièreautorité de chose jugée au sens des articles 1350, 3°, du Code civil et des articles 23 et s. du Code judiciaire 257. L’on enseigne souvent que ladécision rendue « dans les formes du référé », en tout cas par un juge des cessations, devrait en outre se voir reconnaître une autorité de chosejugée erga omnes relativement aux faits ayant donné lieu à l’action 258.Cette doctrine peut être approuvée si elle entend viser par cetteexpression le fait que la décision s’imposera à toutes les juridictionsappelées à statuer ultérieurement sur le litige 259 et que, dans certainscas, elle s’imposera également au juge pénal. À notre sens, il ne peut enaucun cas s’agir d’une autorité de chose jugée absolue au sens propre duterme, c’est-à-dire impliquant que la décision ne pourrait plus êtreremise en cause par des tiers au procès, à l’égard desquels elle aurait parconséquent la valeur d’une présomption irréfragable. Une telle solutionserait évidemment contraire à l’article 6 de la CEDH 260.

En cas d’instances parallèles au fond et « comme en référé », lejuge du fond, qu’il s’agisse de celui du premier degré ou du juged’appel 261, devra partant respecter l’autorité qui s’attache au jugementrendu « selon les formes du référé ».

86. Exécution par provision. Soit en vertu de dispositions expressesqui, le cas échéant, suppriment également la caution 262, soit en vertud’un renvoi implicite mais certain au droit commun de l’article 1039,

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(257) Cass., 15 décembre 1978, Pas., 1979, I, 460 ; X. TATON et F. DANIS, op. cit.,n° 4 ; C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 61 ; G. CLOSSET-MARCHAL, « Éléments communs auxprocédures ‘comme en référé’ », op. cit., p. 32, n° 46.(258) J. van COMPERNOLLE, « La rançon d’un succès… », op. cit., p. 212, n° 10 etp. 218, n° 21. Voy. ég. mais avec une très importante nuance, J.-F. vanDROOGHENBROECK, « La nature et le régime… », op. cit., p. 554 et p. 555, note 17.(259) J.-F. van DROOGHENBROECK, « La nature et le régime… », op. cit., p. 555.(260) Comp. C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 61 qui écrivent que « l’autorité erga omnes de telles décisions devraêtre conciliée avec le respect des droits de la défense des parties qui n’étaient pas à lacause dans le cadre de la procédure ‘comme en référé’ ».(261) X. TATON et F. DANIS, op. cit., n° 21.(262) G. CLOSSET-MARCHAL, « Éléments communs aux procédures ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 32, n° 48.

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alinéa 1er, du Code judiciaire 263, le jugement rendu « selon les formesdu référé » est de plein droit revêtu de l’exécution provisoire. Il n’estpartant pas nécessaire que celle-ci soit sollicitée par une partie ouordonnée expressément par le juge 264. Cette exécution provisoire nepeut en outre être suspendue par le juge d’appel 265. Dans certaineslégislations particulières, il est fait exception au caractère exécutoire par provision de la décision de première instance 266. Enfin, à défautd’exclusion expresse, le cantonnement reste de droit, ce qui peut êtreutile lorsque le juge siégeant « comme en référé » assortit d’astreintes lacondamnation principale 267.

4.6 Les voies de recours

87. Application du droit commun. Les recours contre les jugementsrendus « selon les formes du référé » sont largement soumis au droitcommun 268. On relève toutefois quelques particularités dans certainesprocédures spécifiques. Ainsi, l’article 220, § 5, de la loi du 4 décembre1990 prévoit une dérogation en ce qui concerne le taux du ressort 269.Dans d’autres cas, certaines des décisions rendues par le juge siégeant« comme en référé » ne sont pas susceptibles de recours 270.

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(263) J. van COMPERNOLLE, « La rançon d’un succès… », op. cit., p. 218, n° 22.(264) C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 62 ; G. CLOSSET-MARCHAL, « Éléments communs auxprocédures ‘comme en référé’ », op. cit., p. 32, n° 49.(265) C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’ », op. cit., p. 62.(266) Art. 221, § 4, in fine, de la loi du 4 décembre 1990 s’agissant des mesures depublicité qui accompagnent la décision (voy. X. TATON, «Les procéduresdérogatoires…», op. cit., p. 175, n° 29).(267) C. DALCQ et S. UHLIG, «Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’», op. cit., p. 62 qui rappellent que le juge d’appel peut être saisi, avant dire droit,d’une demande tendant à la suppression de ce cantonnement ou, au contraire, à sonrétablissement. Cette demande doit être traitée avec célérité par le juge d’appel avantmême qu’il statue sur un déclinatoire de compétence dont il est saisi et qui est fondé surl’incompétence du premier juge (Cass., 17 mars 2005, J.L.M.B., 2005, p. 1314).(268) C. DALCQ et S. UHLIG, «Vers et pour une théorie générale du ‘comme enréféré’», op. cit., p. 65.(269) Voy. X. TATON, «Les procédures dérogatoires…», op. cit., p. 176, n° 30.(270) Voy. par ex. dans le cadre de la procédure de cession forcée, la décision avant diredroit du président du tribunal de commerce faisant interdiction au défendeur d’aliéner sestitres ou suspendant les droits attachés aux actions (art. 638 C. soc.). Il en va évidemmentde même lorsque le contentieux est directement confié à la cour d’appel elle-même

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88. Débats succincts en degré d’appel. Sauf accord des parties, ilconvient en principe de faire application en degré d’appel de laprocédure des débats succincts assimilés (1066, alinéa 2, C. jud.) 271.

4.7 Interruption de la prescription

89. Interruption limitée à la demande portée devant le jugestatuant « comme en référé ». La demande formée au fond mais« dans les formes du référé » interrompt la prescription pour la demande qu’elle contient ainsi que les demandes qui y sont virtuellementcomprises 272.

Compte tenu de la nature restrictive de la compétence du jugestatuant « comme en référé », il faut considérer que la citation donnéedevant cette juridiction n’interrompt la prescription que pour lesdemandes qui relèvent de sa compétence limitée et non pour desdemandes connexes qui pourraient être formées ultérieurement devantun autre juge. On ne peut en d’autres termes considérer que cesdemandes seraient virtuellement comprises dans la demandeintroductive d’instance portée devant la juridiction appelée à seprononcer « selon les formes du référé ».

Ainsi, une demande en cessation n’interrompt pas la prescriptionde l’action en paiement de dommages et intérêts fondée sur les actesdont la cessation est demandée et ensuite prononcée par le président dutribunal de commerce.

90. Réserves. Relevons encore que le fait qu’une partie ait demandéau juge siégeant « comme en référé » d’acter qu’elle se réserve dedemander ultérieurement des dommages et intérêts devant le juge dufond compétent n’interrompt pas non plus la prescription de cette

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(C. DALCQ et S. UHLIG, «Vers et pour une théorie générale du ‘comme en référé’»,op. cit., p. 66).(271) H. BOULARBAH, « L’effet dévolutif… », op. cit., p. 103, n° 16 ;G. CLOSSET-MARCHAL, « Éléments communs aux procédures ‘comme en référé’ »,op. cit., p. 35, n° 61 ; J. van COMPERNOLLE, « La rançon d’un succès… », op. cit.,p. 219, n° 2.4.(272) Voy. not. Cass., 24 avril 1992, Pas., I, 745 ; Cass., 10 janvier 1992, Pas., I, 403.

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action 273.

91. Interruption de la prescription de la demande portée à tortdevant le juge du « comme en référé ». Par contre, si une demande estintroduite devant le président du tribunal siégeant « comme en référé »mais que ce dernier n’est pas compétent pour en connaître, elle produitnéanmoins un effet interruptif puisque selon l’article 2246 du Codecivil, la citation en justice, donnée même devant un juge incompétent,interrompt la prescription.

5. Les mesures avant dire droit devant les juridictions commerciales — Le provisoire dans les formes du fond

5.1 Introduction – rappel de quelques principes

92. Principe. Comme tout autre juge, les juridictions commerciales,appelées à statuer au fond, selon la procédure ordinaire ou, comme celavient d’être exposé, selon les formes du référé 274, peuvent recourir àl’article 19, alinéa 2, du Code judiciaire afin de prononcer des mesures« avant dire droit » 275. Il s’agit là d’une compétence « incidente » 276

qui permet au juge du fond d’adopter des mesures préalables destinéessoit à instruire la demande, soit à régler provisoirement la situation desparties. Les avantages de cette voie procédurale ont été mis en exergue à

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(273) Cass., 3 juin 1991, Pas., I, 867, avec les concl. de M. le premier avocat général,alors avocat général, J.-F. LECLERCQ.(274) Sur ce que l’article 19, alinéa 2, du Code judiciaire s’applique également au jugedes cessations, voy. par ex. Bruxelles, 17 septembre 1997, R.D.C., 1999, p. 250 (quiprécise toutefois que c’est uniquement à la condition que la mesure provisoire relève de sacompétence matérielle, laquelle est restrictive, voy. supra, n° 63)(275) Outre les ouvrages généraux, les études de référence en la matière restent celles deD. LINDEMANS, « Voorlopige maatregelen door de rechter ten gronde : art. 19Ger.W. », R.D.C., 1989, p. 218 et s., de P. LEMMENS, « De voorlopige regeling van detoestand der partijen door de rechter ten gronde na een behandeling ter inleidendezitting », R.W., 1984-85, col. 2011-2016 et A.-C. VAN GYSEL, « Le référé est les autresmesures provisoires (spécialement en matière familiale) : unité ou diversité ? », Rev. Dr.ULB, 1993, p. 95 et s. Comme l’ont relevé ces auteurs, les travaux préparatoires du Codejudiciaire et, en particulier, le rapport du Commissaire royal à la réforme judiciaire necontiennent guère de développements sur cette question mais se limitent à renvoyer auxsolutions admises sous l’empire du Code de procédure civile et à faire référencespécialement à l’étude de J. GILSON, « Provision et provisoire », Pand. Pér., 1930, p. 613 et s., elle-même essentiellement basée sur les anciens travaux de Pigeau.(276) J. van COMPERNOLLE, « Introduction générale », in Les mesures provisoires endroit belge, français et italien, Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 8.

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de nombreuses reprises : limitation des procédures (et donc des frais),pas d’urgence à démontrer, absence de limitation aux pouvoirsd’appréciation des droits des parties du juge du fond… 277

93. Jugement définitif et avant dire droit. Le Code judiciairedistingue ainsi, s’agissant du degré d’intervention du juge du fond, lesdécisions qu’il prend avant dire droit (art. 19, alinéa 2, C. jud.) de cellesdéfinitives par lesquelles il épuise son pouvoir de juridiction sur unequestion litigieuse (art. 19, alinéa 1er, C. jud.) 278. L’intérêt de cettedistinction est fondamental. D’une part, lorsqu’il prononce un jugementdéfinitif, le juge est dessaisi et ne peut plus, sous peine de commettre unexcès de pouvoir 279, revenir, même avec l’accord des parties, sur sadécision laquelle est en outre revêtue, dès son prononcé, de l’autorité dechose jugée (art. 24 C. jud.). D’autre part, sur le plan de la procédure et,spécialement, des voies de recours, les décisions définitives et avant dire droit sont soumises à des règles différentes en raison de leur nature 280.

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(277) Voy. le plus réc., A.-C. VAN GYSEL, op. cit., p. 100. Par contre, on peut sedemander si, comme l’expose cet auteur, la meilleure connaissance de la cause lorsque lejuge statuera au fond après avoir ordonné des mesures provisoires constitue réellement un« avantage » dès lors que ce « pré-jugement » risque dans certaines hypothèses de mettreen cause son impartialité objective (voy. infra, n° 115). De manière plus générale, il estpermis de s’interroger aujourd’hui sur l’efficacité réelle de cette voie procédurale comptetenu de l’encombrement des rôles des juridictions de fond et du développementconsidérable de la juridiction des référés combiné à l’assouplissement progressif desconditions d’urgence et de provisoire.(278) Un jugement est partant définitif dès qu’il épuise la juridiction du juge sur unequestion litigieuse quelle qu’elle soit (exception, incident de procédure, recevabilité de lademande, bien-fondé d’une partie de la demande, …). Il ne s’agit dès lors pasnécessairement du jugement par lequel le juge met fin à tout le litige et clôture l’instance. Il est en effet parfaitement concevable que le juge statue au fond « sur différents chefs dedemande par des jugements successifs, qui épuisent chacun partiellement sa juridiction »(A.-C. VAN GYSEL, op. cit., p. 100). On parle alors de jugement définitif « sur incident »ou de jugement définitif « interlocutoire ».(279) Cass., 15 septembre 1994, Pas., I, 732 ; Cass., 22 novembre 1993, Pas., I, 979 ;Cass., 26 juin 1992, Pas., I, 968. On précise ici que lorsque l’article 19, alinéa 1er, in fine,du Code judiciaire réserve « les voies de recours », il vise en réalité les seules voies derétractation (opposition, tierce opposition, requête civile, rétractation après le prononcéd’un arrêt d’annulation de la Cour d’arbitrage) qui permettent bien entendu au juge saisid’une telle voie de recours de rétracter sa précédente décision bien qu’elle soit définitive(Rapport sur la réforme judiciaire, Doc. Parl., Sénat, S.O. 1963-64, n° 60, p. 28 ;P. TAELMAN, Het gezag van het rechterlijke gewijsde, Kluwer, Malines, 2001, p. 106,n° 149).(280) Voy. infra, n° 120 et s.

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À l’instar de la détermination du caractère contradictoire ou pardéfaut d’une décision 281, il nous paraît que la circonstance que le jugequalifie, le cas échéant, son jugement de définitif ou d’avant dire droitn’est pas déterminant. Il convient dans chaque cas de procéder àl’analyse des décisions adoptées pour mesurer, au regard des questionsformulées, débattues et tranchées, la portée de la décision et le degré dedessaisissement qu’elles emportent 282 283 284.

94. Jugement « mixte ». L’analyse d’un jugement peut parfois êtredélicate puisque celui-ci peut être « mixte » et comporter à la fois desdispositions définitives et des dispositions avant dire droit. Tel est le caslorsque la décision épuise la juridiction du juge saisi sur une ouplusieurs des questions litigieuses qui lui étaient soumises et comporte,par ailleurs, un avant dire droit 285. Une hypothèse fréquente de nature àsusciter des difficultés est celle où le jugement ordonne une mesure

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(281) À propos de laquelle, voy. Cass., 5 novembre 1993, Pas., I, 931 ; Cass.,15 décembre 1995, Pas., I, 1173 [sommaire].(282) Une analyse superficielle de la décision peut en effet parfois laisser penser que lejuge se limite à ordonner une mesure d’expertise alors qu’il peut à cette occasion avoirtranché une ou plusieurs des questions litigieuses (voy. Cass., 18 juin 1993, Pas., I, 593 :« dans la mesure où il rejette la thèse de la demanderesse, suivant laquelle les défendeurs, avant de pouvoir refuser d’acheter des marchandises à la demanderesse, devaientprouver que les prix pratiqués par cette dernière étaient excessifs, est définitif le jugementqui déclare la demande de la demanderesse recevable et, pour le surplus, désigne unexpert ayant pour mission de donner son avis quant à la question de savoir si les prixdemandés par la demanderesse pouvaient ou non être considérés comme étantconcurrentiels ». Par contre, est avant dire droit la décision par laquelle le juge se borne àordonner un expertise sans trancher aucune autre question litigieuse et ce mêmelorsqu’une partie conteste que les faits à prouver sont pertinents pour la solution du litige(Cass., 14 mai 1987, Pas., I, 1110).(283) Dès lors, le jugement, qui contient des considérations contradictoires ne permettant pas de déduire avec certitude le sens de sa décision, n’épuise pas la juridiction du juge quil’a rendu (Cass., 6 mars 1998, Pas., I, 300).(284) Certains jugements sont particulièrement délicats à classer au sein de la distinctionbinaire définitif/avant dire droit. Il en va ainsi par exemple du jugement qui acte uneréserve. Il est généralement admis qu’un tel jugement doit être considéré comme définitifau sens de l’article 19, alinéa 1er, du Code judiciaire bien qu’il ne tranche en réalité aucunequestion litigieuse (voy. par ex. Prés. Comm. Mons, 13 janvier 2006, R.D.J.P., 2006,p. 85). Mais la Cour de cassation décide néanmoins qu’une telle décision n’est passusceptible de faire l’objet d’un pourvoi en cassation (Cass., 30 mars 2006, C.03.0193.N,www.cass.be). Cette solution se justifie selon nous par le motif qu’une telle décision necause aucun grief à la partie adverse.(285) Ce qui est le cas lorsque le juge tranche définitivement l’un ou l’autre pointlitigieux et, pour le surplus, ordonne une mesure d’instruction ou une réouverture desdébats. Voy. pour un exemple, Cass., 2 avril 1990, Pas., I, 896.

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d’instruction après avoir déclaré recevable une demande dont larecevabilité n’était pas (encore) contestée. Il est aujourd’hui admis quesi le juge fait droit à la demande avant dire droit sans que la recevabilitéde la demande principale ait été contestée ou sans que cette question aitpu faire l’objet de débats contradictoires, sa décision ne peut êtredéfinitive sur ce dernier point 286.

95. Jugement d’accord. Il a été soutenu que, lorsqu’à l’audienced’introduction ou en cours de procédure, les parties demandent au juged’acter un accord qu’elles ont conclu sur une mesure d’instruction (parex. une expertise) ou sur une partie de la demande principale (par ex. unpaiement partiel de la partie incontestée de la dette), la décision quiconstaterait cet accord ne serait pas un jugement avant dire droit au sensde l’article 19, alinéa 2, du Code judiciaire mais un jugement « surconclusions consenties » régi par l’article 1043 du même code 287. Cetteaffirmation mérite d’être nuancée. La nature avant dire droit oudéfinitive du jugement ne se détermine pas en raison de l’existence d’unaccord entre les parties mais bien à l’aune des questions sur lesquellescet accord porte (le juge saisi a-t-il épuisé ou non sa juridiction surcelles-ci ?). À notre sens, si les parties concluent un accord sur leprononcé d’une mesure d’instruction ou provisoire, la décision quientérine cette convention est avant dire droit et non définitive.

Il faut encore relever que la Cour de cassation a décidé que lejugement d’expédient est uniquement celui qui constate l’accord des

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(286) Dans un arrêt du 6 décembre 1974 (Cass., 6 décembre 1974, Pas., 1975, I, 377), laCour de cassation a décidé qu’une telle décision n’était pas définitive sur incident en cequi concerne la question de la recevabilité. La Cour suprême est toutefois revenue sur sajurisprudence dans un arrêt du 10 septembre 1981 (Cass., 10 septembre 1981, R.C.J.B.,1984, p. 236, et la note critique de J. van COMPERNOLLE) décidant, au contraire, qu’untel jugement est définitif. Ainsi que le professeur van Compernolle l’a démontré, leprincipe du contradictoire s’oppose à une telle solution ; la chose non contestée et nondébattue ne peut se voir revêtir d’une quelconque autorité. Par son arrêt du 15 février 1990(Cass., 15 février 1990, Pas., I, 698), la Cour de cassation est toutefois revenue à sapremière jurisprudence confirmant que n’est pas, en matière civile, une décision définitive sur incident, au sens de l’article 19 du Code judiciaire, celle qui déclare recevable uneintervention dont la recevabilité n’a pas été contestée. Dans un important arrêt du8 octobre 2001 (Pas., I, 1600 ; R.C.J.B., 2002, p. 231, note G. CLOSSET-MARCHAL), laCour a confirmé que la notion de décision définitive implique qu’ait été soumis au débat le point sur lequel porte la décision. Dans un autre arrêt du 2 novembre 2000, la Cour avaitdéjà confirmé que « ne constitue pas une décision définitive, l’arrêt qui pourvoit auremplacement d’un expert sans qu’une contestation n’ait été élevée à cet égard » (Pas., I,1661).(287) D. LINDEMANS, « Voorlopige… », p. 225, n° 15.

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parties sur la solution de l’intégralité du litige 288, ce que n’est pas parexemple une décision qui acte leur accord uniquement sur le prononcéd’une mesure d’instruction 289. On comprend mal les raisons pourlesquelles la Cour limite ainsi l’application de l’article 1043 du Codejudiciaire à la décision par laquelle les parties mettent fin à tous lespoints du litige qui les oppose. Il est parfaitement envisageable deconclure un accord partiel sur certains points litigieux ou encore surcertaines mesures provisoires, telle une expertise ou la mise d’un biensous séquestre. Dans une telle situation, il est totalement justifiéd’appliquer l’article 1043 et de refuser aux parties le droit d’interjeterappel du jugement qui acte leur accord.

5.2 Les mesures et leurs conditions

5.2.1 Les mesures d’instruction

96. Notion. En vertu de l’article 19, alinéa 2, du Code judiciaire, lejuge peut tout d’abord ordonner, même d’office, toutes les « mesurespréalables destinées à instruire la demande ». Il s’agit ici de l’ensembledes moyens prévus par le Code judiciaire afin de recueillir des élémentsde preuve : expertise 290, enquête, descente sur les lieux, audition desparties, production de documents, constats… mais aussi plussimplement afin d’instruire la cause comme par exemple la réouverture

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(288) Cass., 4 octobre 2004, R.D.J.P., 2005, p. 73.(289) Cass., 20 septembre 2001, Pas., I, 1430. Contra, Bruxelles, 16 décembre 2003,J.L.M.B., 2004, p. 1507 (sommaire). La motivation de l’arrêt du 20 septembre 2001 nousparaît critiquable. En l’espèce, les parties avaient marqué leur accord lors d’une premièreaudience sur la désignation avant dire droit d’un expert. Dans son jugement, le tribunalavait non seulement entériné cet accord mais avait également déclaré recevables lesdemandes principale et reconventionnelle. Or, ultérieurement la défenderesse en cassation avait contesté la recevabilité de la demande reconventionnelle sur la base de l’article 1648du Code civil. Elle avait dès lors interjeté appel du jugement avant dire droit pour ce motif. La cour d’appel avait déclaré cet appel recevable dès lors que le jugement entreprisn’apportait pas de solution globale au litige. Le moyen de cassation critiquait cettedécision sur la base de l’article 1043 du Code judiciaire et faisait notamment valoir que« l’accord des parties quant à la désignation de l’expert implique leur accord préalablequant à la recevabilité de la demande reconventionnelle ». La Cour rejette le moyen aumotif que « le jugement ordonnant une mesure d’instruction conformément à l’accord des parties n’est pas une décision non susceptible de recours ». Elle aurait été mieux avisée de constater très simplement que, contrairement à ce que soutenait le moyen, l’accord desparties portait exclusivement sur la mesure d’instruction et non sur la recevabilité de lademande reconventionnelle en sorte que la défenderesse en cassation était recevable àinterjeter appel de cette partie du jugement sur laquelle elle n’avait pas marqué son accord.(290) Voy. par ex. Liège, 16 mai 2002, R.G.A.R., 2003, n° 13673.

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des débats (art. 774, alinéa 1er, C. jud.) 291.

97. Conditions. La loi n’énonce pas les critères justifiant le prononcéd’une mesure d’instruction, celui-ci relevant très largement del’appréciation souveraine du juge du fond 292.

La doctrine et la jurisprudence considèrent toutefois que la partiequi requiert une telle mesure doit faire la démonstration de son utilité 293

et de son opportunité 294 surtout lorsqu’elle est susceptible d’entraînerdes frais 295. Le juge prendra donc en considération la pertinence desfaits allégués ainsi que l’efficacité et la proportionnalité de la mesuresollicitée pour rapporter la preuve de ceux-ci.

Reste très discutée la question de savoir si la partie qui solliciteune telle mesure doit déjà apporter un début de preuve des faits qu’elleallègue ou s’il suffit qu’elle invoque avec vraisemblance les faits dontelle se propose d’apporter la démonstration 296. La jurisprudence de laCour de cassation en matière de preuve testimoniale semble conduire àprivilégier la seconde solution 297 mais on peut se demander si celle-cine revient pas à renverser la charge de la preuve en imposant au

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(291) On précise que si la réouverture des débats est une mesure avant dire droit au sensde l’article 19, alinéa 2, du Code judiciaire (voy. Cass., 2 avril 1990, Pas., I, 896), elle neconstitue pas une « mesure d’instruction » au sens de l’article 1068, alinéa 2, du Codejudiciaire (Cass., 23 octobre 1992, Pas., I, 1197).(292) Dans l’exercice de ce pouvoir, le juge ne peut toutefois pas méconnaître le droit des parties d’apporter la preuve du fait allégué (voy. par ex. Cass., 4 mars 1999, Pas., I, 130).Par ailleurs, il paraît résulter de l’arrêt de la Cour de cassation du 2 juin 2005 (J.T., 2006,p. 149) que les parties peuvent conclure, de manière expresse ou tacite mais certaine, unaccord procédural par lequel elles interdisent au juge de prononcer une mesured’instruction déterminée (en l’espèce, une production de documents sur la base del’article 877 C. jud.).(293) Comm. Nivelles, 19 septembre 2002, Res Jur. Imm., 2002, p. 311, noteJ. LAMBERS et D. RAES. Sur ce que le juge du fond est mieux placé que le juge desréférés pour apprécier l’utilité de la mesure d’instruction à la solution du litige, voy. Liège25 mai 1999, R.D.C., 2000, p. 195.(294) Liège, 17 juin 1999, R.P.S., 1999, p. 260, note M. DELVAUX.(295) Ibidem.(296) Voy. sur cette question qui dépasse très largement les limites de la présentecontribution, G. de LEVAL, Éléments, 2e éd., 2005, p. 192, note 56 (caractèrevraisemblable suffit) et, pour l’opinion inverse, J. van COMPERNOLLE,G. CLOSSET-MARCHAL, J.-F. van DROOGHENBROECK, A. DECROËS etO. MIGNOLET, « Examen de jurisprudence (1991 à 2001). Droit judiciaire privé »,R.C.J.B., 2002, p. 765, n° 695 (début de preuve exigé pour obtenir une expertise).(297) Voy. not. Cass., 16 septembre 1996, Pas., I, 808.

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défendeur à la mesure d’instruction de démontrer le caractère nonvraisemblable des faits invoqués par le demandeur.

5.2.2 Les mesures réglant provisoirement la situation des parties

98. Notion. L’article 19, alinéa 2, du Code judiciaire permetégalement au juge du fond de prononcer avant dire droit une mesuredestinée « à régler provisoirement la situation des parties ». Il s’agit icipour le juge d’assurer, par une mesure adéquate, la protection d’intérêtsqui seraient compromis par la durée du procès qu’il doit trancher aufond 298.

99. Mesure provisoire et jugement définitif partiel. Il paraîtessentiel de rappeler la différence entre un jugement avant dire droit parlequel le juge aménage, « tous droits saufs des parties », leur situationdurant l’instance et celui par lequel le juge fait déjà droit partiellement àla demande principale. Cette distinction n’est pas toujours facilitée parl’usage des formules « à titre provisionnel » ou « provisionnellement »qui figurent parfois dans de telles décisions. On parle aussi parfois decondamnation « sous réserve d’un dommage ultérieur » ou encore decondamnation « à l’incontestablement dû ».

En réalité, il convient de vérifier si le juge accorde définitivementle montant à titre de provision (en réalité d’avance) à valoir sur unmontant plus important dont le quantum ne pourra être fixéqu’ultérieurement ou si le juge alloue à titre purement provisoire etprécaire une somme d’argent qui devra être remboursée ultérieurementsi la demande est finalement rejetée 299. Lorsque, dans le premier cas, lejuge accorde déjà une partie des sommes réclamées, fût-ce « à titreprovisionnel », dans l’attente de la fixation du montant définitif dudommage, sa décision est sur ce point définitive et non avant dire droitau sens de l’article 19, alinéa 2, du Code judiciaire 300.

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(298) J. van COMPERNOLLE, « Introduction générale », op. cit., p. 7 ; A. FETTWEIS,Manuel, p. 257, n° 342 ; J.P. Schaerbeek (1er canton), 23 mars 2006, J.T., 2006, p. 417.(299) Voy. sur cette question, la note de D. FEVERY, « Nog over de provisie : vervolgzonder gevolg », note sous Gand, 4 janvier 1996, T.G.R., 1996, p. 94, n° 1.(300) Contra, voy. Comm. Courtrai, 6 mars 1995, A.J.T., 1994-95, p. 372 qui qualifie àtort d’avant dire droit le jugement par lequel il condamne le défendeur à payer la moitié

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100. L’urgence n’est pas requise. Il est très largement admis que lejuge du fond dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour décider s’ily a lieu de faire droit à la demande de mesures provisoires. L’urgencen’est théoriquement pas requise 301. Il faut uniquement que la mesureprésente un intérêt raisonnable au regard de la situation des parties 302.Elle doit être destinée à limiter les conséquences préjudiciables duprocès, compte tenu de sa durée, pour une partie, le plus souvent ledemandeur 303. Comme en référé, le juge procédera à une balance desintérêts en présence et comparera l’opportunité de la mesure sollicitéeavec la gravité des conséquences pour la partie adverse 304. Dans cecadre, il veillera à être particulièrement attentif à la possible« réversibilité » de la mesure ordonnée 305.

101. Étendue du contrôle du juge sur le bien-fondé de la demandeprincipale. Est en revanche plus discutée la question de savoir ce que lejuge du fond doit vérifier pour faire droit à une demande de mesureprovisoire. Il est certain que pour accorder la mesure, le juge ne doit pasdéjà se prononcer sur le bien-fondé du droit invoqué 306. Mais peut-il secontenter de simples apparences de droit ? Ou doit-il se limiter àintervenir lorsque les droits sont évidents ? L’existence d’unecontestation sérieuse fait-elle obstacle à l’octroi de la mesure ? Diversesopinions ont été émises.

102. Première opinion : droits évidents et absence de contestationsérieuse. Une partie importante de la jurisprudence 307 paraît reprendrela solution retenue sous l’empire du Code de procédure civile, et bien

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des sommes réclamées par le demandeur dès lors que le défendeur s’est déclaré prêt àpayer, sans condition, un tel montant. Une telle décision qui condamne d’ores et déjà ledéfendeur au paiement de l’incontestablement dû est, selon nous, définitive.(301) G. de LEVAL, Éléments, 2e édition, p. 138, n° 94 ; A.-C. VAN GYSEL, op. cit.,p. 100 ; Civ. Tongres, 6 septembre 1993, R.W., 1994-95, p. 196 ; D. LINDEMANS,« Voorlopige », op. cit., p. 224, n° 14 ; P. LEMMENS, « De voorlopige… », op. cit., col.2014, n° 5, conclut cependant que l’urgence et l’intérêt des parties ont en réalité la mêmeportée sur le plan pratique.(302) Gand, 4 janvier 1996, T.G.R., 1996, p. 91, note D. FEVERY.(303) T.T. Bruxelles, 18 juin 1991, J.D.S., 1991, p. 473.(304) Civ. Bruxelles, 27 juin 2002, J.L.M.B., 2004, p. 775.(305) Voy. infra.(306) Civ. Bruges, 4 mai 2001, T.W.V.R., 2002-03, p. 128, note.(307) Comm. Bruxelles, 23 avril 1992, J.T., 1992, p. 780 ; Comm. Gand, 22 janvier1993, T.G.R., 1993, p. 62 ; Civ. Bruxelles, 27 juin 2002, J.L.M.B., 2004, p. 775, quiréserve toutefois « les nécessités impérieuses qui exigeraient une solution immédiate ».

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avant déjà dans la pratique du Châtelet, à laquelle renvoient les travauxpréparatoires du Code judiciaire, selon laquelle le juge ne peutprononcer une mesure provisoire (alors qualifiée de « provision ») quelorsque le droit de la partie demanderesse « est présomptivement établi,fondé ou certain » 308. À l’inverse, il suffit, pour ordonner une simplemesure d’instruction que « la demande ne paraisse pasfrustratoire » 309. En d’autres termes, le prononcé d’une mesureprovisoire requiert que les droits invoqués soient évidents ou à tout lemoins que la demande principale ne soit pas sérieusement contestée.

103. Deuxième opinion : parallèle avec les pouvoirs du juge desréférés. Selon plusieurs auteurs 310 et tribunaux 311, les pouvoirs du juge du fond dans le cadre de l’article 19, alinéa 2, du Code judiciaire et ceuxdu juge des référés seraient identiques. Il ne pourrait partant être faitdroit à une demande de mesure provisoire qu’en présence d’apparencesde droit suffisantes 312. Et encore, faudrait-il, comme en référé, procéder à la détermination de l’étendue de la mesure en fonction de l’intensité de la démonstration du bien-fondé de la demande principale. Ainsi, pourune simple mesure conservatoire (désignation d’un séquestre ou d’unadministrateur provisoire…), de « simples » apparences de droitsuffiraient même si la demande est par ailleurs sérieusement contestée.En revanche, pour une mesure d’anticipation (allocation d’uneindemnité provisionnelle, injonction de faire ou de ne pas faire…), ilconviendrait, à l’instar du référé, que le juge puisse se fonder sur desdroits non sérieusement contestables. Selon le tribunal de premièreinstance de Namur, le magistrat investi du pouvoir d’ordonner, parapplication de l’article 19, alinéa 2, du Code judiciaire, une mesurepréalable destinée à régler provisoirement la situation des parties devrait même exercer celui-ci de manière plus stricte que celui qui échoit aujuge des référés et « avec une particulière circonspection afin de ne pascompromettre l’impartialité objective qu’il doit présenter jusqu’à

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(308) J. GILSON, op. cit., p. 621.(309) Ibidem.(310) P. LEMMENS, «De voorlopige…», op. cit., col. 2014, n° 6 ; J. vanCOMPERNOLLE, «Introduction générale», op. cit., p. 7.(311) Civ. Namur, 24 août 1994, J.T., 1994, p. 693.(312) Par exemple, un rapport d’expertise provisoire, fût-il critiqué, Comm. Louvain,19 février 2002, R.A.B.G., 2004, p. 1172.

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épuisement de sa juridiction » 313.

104. Troisième opinion : appréciation prima facie. Enfin, d’autresjuridictions, plus isolées, recourent uniquement à une appréciationprima facie de la demande principale 314. Dans un obiter dictum, la courd’appel de Bruxelles a notamment retenu un tel critère en matière dedélivrance d’un ordre de cessation provisoire 315.

105. Approche critique. À notre sens, c’est à tort que l’on entendappliquer au juge du fond, statuant sur pied de l’article 19, alinéa 2, duCode judiciaire, les règles dégagées pour la juridiction des référés.D’abord, comme nous l’avons indiqué, ces principes sont eux-mêmescontestables et leur application particulièrement hasardeuse (quand undroit est-il évident ou non sérieusement contesté ? comment distingueravec certitude une mesure conservatoire de celle qui anticipe sur lefond ?) 316. Mais encore et surtout, comme cela a été récemmentdémontré 317, ceux-ci ont à l’origine été conçus afin de pallierl’interdiction pour le juge des référés d’aborder le fond du litige. Il va desoi que ces principes ne peuvent partant être transposés au juge du fondauquel revient précisément cette tâche. Ensuite, contrairement au jugedes référés, le juge du fond qui aura prononcé une mesure provisoiredevra encore statuer ensuite sur le bien-fondé de la demande principaleen sorte que son impartialité objective 318 pourrait être mise en cause si àl’occasion de l’examen de la mesure provisoire, il se livre déjà à un

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(313) Civ. Namur, 24 août 1994, J.T., 1994, p. 693.(314) Sent. Arb., 23 janvier 2002, R.D.J.P., 2002, p. 347 ; Sent. Arb., 17 mai 2002,R.D.J.P., 2002, p. 350.(315) Bruxelles, 17 septembre 1997, R.D.C., 1999, p. 250.(316) Supra, n° 20.(317) J. ENGLEBERT, « Le référé judiciaire…», op. cit., p. 28, n° 33.(318) Sur l’impartialité objective du magistrat qui ordonne une mesure provisoire et quistatue ensuite au fond dans la même cause, voy. not. P. MARTENS, « La tyrannie desapparences», R.T.D.H., 1996, p. 647 et s., spéc. n° 8 ; J. van COMPERNOLLE, « Lecumul du provisoire et du fond au regard du principe d’impartialité», in Les mesuresprovisoires en droit belge, français et italien, op. cit., p. 240 et s. et « L’impartialité dujuge », in Finalité et légitimité du droit judiciaire, Bruges, La Charte, 2005, p. 14 et s. ;B. BEELDENS, « L’impartialité et la problématique du cumul de fonctions judiciaires »,Ann. dr. Louvain, 2001, p. 302 et s. ; J.-F. van DROOGHENBROECK e.a., « Les avatarsde l’article 660 du Code judiciaire », in Mélanges Jacques van Compernolle, Bruxelles,Bruylant, 2004, p. 792 et s. ; J. NORMAND, « L’impartialité du juge en droit judiciairefrançais », in L’impartialité du juge et de l’arbitre. Étude de droit comparé, Bruxelles,Bruylant, 2006, p. 76-77.

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examen approfondi de l’existence des droits évidents 319 320. Enfin, onpeut se demander quel est encore, dans ce cas, l’intérêt de dissocierl’avant dire droit et le définitif. Si les droits sont à ce point évidents ounon sérieusement contestés, il appartient selon nous au juge du fond deles trancher définitivement et non pas provisoirement.

Tout ceci nous conduit à considérer que pour faire droit à lademande de mesure provisoire, le juge du fond doit nécessairement selimiter à une appréciation sommaire et superficielle (prima facie) desdroits invoqués par les parties 321. En d’autres termes, il se contentera dela vérification marginale du caractère sérieux de la demande telle quepermise par un examen rapide du dossier 322. À l’analyse approfondiedes droits des parties, il paraît préférable que le juge privilégie celle de la

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(319) C’est manifestement le cas lorsque le juge déboute le demandeur au motif qu’il n’ya pas de droit évident et ce au terme d’une analyse déjà fouillée de la demande. Voy. Civ.Namur, 24 août 1994, J.T.¸1994, p. 693 qui traduit parfaitement le malaise du magistratqui à la fois ne veut pas anticiper, en raison de son impartialité, sur la décision au fond mais en même temps exige, comme en référé, des apparences de droit suffisantes et que le droitpuisse apparaître comme « vraisemblable, sérieux ou non véritablement contesté ». Endéfinitive, au terme d’une appréciation des apparences de droit, le juge refuse d’accorderau provisoire la mesure sollicitée au fond, à savoir la suspension et la résiliation d’uncontrat au motif qu’une telle demande ne pourrait être accordée par le juge du fond. Ilpréjuge ainsi directement et définitivement du fond… Voy. ég. Comm. Bruxelles,16 février 1989, R.D.C., 1989, p. 738 qui, à propos d’un ordre de cessation provisoire,analyse déjà la portée de la marque des demanderesses et conclut que celle-ci ne peut faireobstacle à l’utilisation du slogan par la défenderesse.(320) Comp. toutefois Cass., 28 février 2003, Pas., I, 438 ; R.A.B.G., 2004, p. 145, noteP. VANLERSBERGHE qui décide « qu’il ne suit pas de la seule circonstance qu’il aordonné une mesure provisoire avant de statuer sur un point de la contestation que le juge n’est plus en état de statuer définitivement sur ce point de la contestation d’une manièreobjectivement impartiale ; c’est également le cas lorsqu’en prononçant la décisiondéfinitive, il se réfère à la décision concernant la mesure provisoire ». Pour une critiquesévère de cet arrêt, voy. J. van COMPERNOLLE, « L’impartialité du juge », op. cit., p. 20, n° 26 et J.-F. van DROOGHENBROECK e.a., op. cit., p. 806, n° 18.(321) Voy. supra, n° 104. Comp. en matière de suspension des droits attachés aux partsou actions qui font l’objet d’une action en rachat forcée, E. SMIT, « Les mesuresprovisoires prévues par l’article 190ter, § 4 », D.A.O.R., 1997, n° 44, p. 93, n° 4, qui relève que « une telle exigence d’apparence de droit suffisante n’implique pas que le dossier soitcomplètement en état pour que la mesure de suspension des droits du défendeur puisseêtre octroyée. Elle nécessite toutefois que le demandeur puisse produire suffisammentd’éléments précis et concordants pour laisser apparaître d’une part, que sa demande decession forcée des actions ou parts du défendeur est sérieuse et d’autre part, qu’il y a unrisque important d’une utilisation abusive par le défendeur des droits liés aux actions ou parts qu’il détient » (nous soulignons).(322) La seule constatation d’une apparence de droit n’empêche en effet pas quel’existence du droit puisse encore être contestée au fond (Comm. Courtrai, 6 mars 1995,A.J.T., 1994-95, p. 372). Comp. avec le pouvoir exercé par le juge des saisies sur pied de

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nécessité de la mesure au regard des situations respectives des partiesainsi que sa « réversibilité », c’est-à-dire qu’il vérifie si, en cas dejugement de débouté ultérieur au fond, les effets de la mesure provisoireaccordée pourront être facilement annulés et ses conséquences réparées(remboursement, indemnisation…) 323. Dans le cadre de cettevérification, le juge procédera notamment à l’examen des éventuellesgaranties qui pourraient être fournies par le demandeur au provisoire ouencore de sa solvabilité. Pour reprendre une formule ancienne, en bref,« le juge doit bien peser les circonstances, examiner les raisons desparties, souvent leur solvabilité et toujours les suites de la décisionqu’on lui demande » 324.

Rien n’empêche évidemment le juge du fond d’approfondird’emblée l’examen des droits des parties si ceux-ci paraissent évidentsou non sérieusement contestés, fût-ce partiellement 325, mais alors il estpréférable qu’il statue de manière définitive et non avant dire droit.

106. Recevabilité de la demande principale. La doctrine est diviséesur le point de savoir si le juge doit examiner préalablement larecevabilité de la demande principale avant de statuer sur la mesureavant dire droit. Pour D. Lindemans une telle vérification n’est pasrequise 326. Par contre, selon le professeur van Compernolle, la demande principale doit nécessairement être « recevable et exempte de causes denullité » 327. La réponse à cette question dépend à notre sens du débatqui se noue entre les parties. Si le défendeur conteste d’emblée larecevabilité de la demande principale, le juge devra trancher ce pointavant de statuer avant dire droit. Par contre, en l’absence decontestation, le juge n’est pas tenu de vérifier d’office la recevabilité dela demande principale. Dans ce cas, s’il admet la demande avant diredroit sans s’être prononcé sur cette question et que celle-ci n’a pas fait

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l’article 1127 du Code judiciaire (voy. G. de LEVAL, Traité des saisies, Liège, 1988,p. 38, n° 21) ou encore par le tribunal de première instance sur la base de l’article 1714 dumême Code.(323) Voy. infra, n° 119. Comme un auteur l’a relevé, contrairement à l’ordonnance deréféré, le jugement avant dire droit est nécessairement temporaire puisqu’il n’existe qu’àtitre d’aménagement d’une situation d’attente d’une décision finale (A.-C. VAN GYSEL,op. cit., p. 108).(324) PIGEAU, La procédure civile du Châtelet de Paris et de toutes les juridictions duRoyaume, Tome I, Paris, 1779, p. 110.(325) Il prononcera alors un jugement définitif partiel. Voy. supra, n° 94.(326) D. LINDEMANS, «Voorlopige…», p. 226, n° 16.(327) J. van COMPERNOLLE, «Introduction générale», op. cit., p. 8.

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l’objet de débats contradictoires, sa décision ne peut être définitive surce dernier point 328.

107. Mesures susceptibles d’être prononcées. Limites. Selon ladoctrine, la mesure peut, comme en référé, être de nature conservatoireou anticipatoire 329. On admet notamment que le juge du fond puisseaccorder une « provision » en se fondant sur les apparences de droitinvoquées par le demandeur 330. Comme en référé, le juge ne sauraittoutefois allouer au provisoire ce qu’il ne peut ordonner au fond 331.

108. Exemples de mesures provisoires. La jurisprudence récente desjuridictions commerciales fournit de nombreux exemples de mesuresprovisoires ordonnées par le juge du fond : condamnationprovisionnelle au paiement d’arriérés de charges 332, allocation d’uneindemnité provisionnelle 333, ordre de cessation provisoire 334,désignation d’un séquestre 335, suspension des droits attachés auxactions dont le rachat forcé est demandé 336, suspension d’un contrat 337,constitution d’une garantie bancaire 338.

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(328) Voy. supra, n° 94.(329) J. van COMPERNOLLE, « Introduction générale », op. cit., p. 8.(330) Ibidem.(331) Civ. Namur, 24 août 1994, J.T., 1994, p. 693.(332) J.P. Schaerbeek (1er canton), 23 mars 2006, J.T., 2006, p. 417.(333) Comm. Louvain, 19 février 2002, R.A.B.G., 2004, p. 1172.(334) Comm. Bruxelles, 16 février 1989, R.D.C., 1989, p. 738, note D. LINDEMANS ;Comm. Bruxelles, 2 avril 1993, R.D.C., 1994, p. 40 ; Bruxelles, 17 septembre 1997,R.D.C., 1999, p. 250. Voy. ég. A. PUTTEMANS, Droits intellectuels et concurrencedéloyale, op. cit., p. 271, n° 166.(335) Prés. Comm. Bruxelles, 17 mars 1997, R.D.C., 1999, p. 249.(336) Contra mais à tort Prés. Comm. Bruxelles, 24 mars 1997, D.A.O.R., 1997, n° 44,p. 85 avec la note critique de E. Smit (et les nombreuses références citées p. 92, n° 3).(337) Liège, 7 octobre 1996, J.L.M.B., 1997, p. 4.(338) Sent. Arb., 17 mai 2002, R.D.J.P., 2002, p. 350.

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5.3 Compétence et pouvoir de juridiction

109. Compétence. Le pouvoir du juge du fond de prononcer unemesure avant dire droit dérive directement de sa compétence pourconnaître de la demande principale. Il s’agit, comme on l’a relevé, d’une compétence incidente ou accessoire. Il en découle qu’une telle mesurene peut être prononcée que si le juge du fond constate qu’il estcompétent pour connaître de la demande principale 339.

Mais faut-il en outre que l’objet de la mesure provisoire entreégalement dans sa compétence matérielle ? Dans un arrêt du17 septembre 1997, la cour d’appel de Bruxelles a refusé que le juge descessations puisse ordonner avant dire droit une mesure de séquestre dèslors qu’il ne pourrait ordonner, en raison de sa compétence limitée, unetelle mesure au fond 340. Cette décision a été critiquée parMme Puttemans qui considère qu’une telle solution « ôte une grandepartie de son intérêt à la règle, souple et générale, de l’article 19,alinéa 2, du Code judiciaire » 341. En réalité, même si cette solution peut être déplorée 342, il faut considérer que cette disposition 343 n’est pasattributive de compétence. Elle ne donne pas au juge du fond despouvoirs supplémentaires qui lui permettraient de prononcer toutes lesmesures nécessaires à l’aménagement de la situation des parties dansl’attente de sa décision sur le fond des droits. Il ne peut avant dire droitque prononcer des mesures qui entrent également dans sa compétencematérielle.

110. Provisoire. Par opposition au juge des référés qui ne peutdépasser les frontières du provisoire en accordant à une partie unemesure définitive et irréparable 344, les pouvoirs du juge du fond ne sontévidemment pas limités 345. « On ne peut en effet reprocher au juge du

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(339) J. van COMPERNOLLE, « Introduction générale », op. cit., p. 8.(340) Bruxelles, 17 septembre 1997, R.D.C., 1999, p. 250, note.(341) A. PUTTEMANS, Droits intellectuels et concurrence déloyale, op. cit., p. 272,n° 166.(342) En réalité, elle ne concernera en pratique que le juge des cessations dont lacompétence est, comme on l’a indiqué, restrictive (voy. supra, n° 63).(343) Contrairement à l’article 584 du Code judiciaire s’agissant du juge des référés.(344) Voy. supra, n° 21.(345) Contra, Civ. Namur, 24 août 1994, J.T., 1994, p. 693. Bien qu’à notre sens, ladiscussion à cet égard au sujet du juge des référés soit aujourd’hui dépassée. Ce juge aégalement le pouvoir de procéder à une analyse, même approfondie et complète, des droits des parties (voy. supra, n° 21).

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fond de statuer au fond » 346. Cette règle doit toutefois être biencomprise. Rien n’interdit évidemment au juge du fond de déjà allouer àune partie le bénéfice de certains chefs de la demande principale. Dansce cas, sa décision sera sur ces points définitive. Par contre, lorsqu’ilentend uniquement statuer avant dire droit, le juge du fond doit veiller àpréserver la « réversibilité » de la mesure préalable qu’il ordonne. Ils’agit en effet de la seule manière de garantir le caractère provisoire desa décision.

5.4 Procédure

111. Sauf s’il s’agit d’une mesure d’instruction, la mesure doit êtresollicitée par une des parties. S’il est permis au juge d’ordonner de sonpropre chef une mesure d’instruction 347, il ne peut par contre jamaisprononcer d’office une mesure destinée à aménager provisoirement lasituation des parties, sous peine de violer le principe dispositif etl’article 1138, 2°, du Code judiciaire. Par contre, il nous semble que,même si aucune demande expresse en ce sens ne lui est soumise, le jugepourrait décider d’allouer au demandeur le bénéfice de sa demandeprincipale uniquement avant dire droit et sans préjudice du fond dulitige. Ce faisant, le juge ne modifie en effet pas l’objet de la demandeintroduite devant lui mais uniquement l’intensité de la décision parlaquelle il y fait droit.

112. Forme et moment de la demande. La demande de mesure avantdire droit peut être formée dans la même procédure que celle concernantla demande principale mais également dans une procédure séparée 348.Cette demande peut être introduite à tout moment : elle peut être forméedans l’acte introductif d’instance, à l’audience d’introduction ou encore

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(346) A.-C. VAN GYSEL, op. cit., p. 100 et p. 104, qui relève à juste titre (p. 100, note20) que « son jugement ne sera plus alors ‘avant dire droit’ sur ce point, ce qui n’estnullement un obstacle : un juge peut parfaitement statuer au fond sur différents chefs dedemande par des jugements successifs, qui épuisent chacun partiellement sa juridiction ».Précisons toutefois que, dans une telle hypothèse, il est interdit au juge de revenir sur lesdécisions définitives qu’il aurait prises (voy. supra, n° 93). Il est donc important depouvoir qualifier le jugement intervenu en cours de procédure pour mesurer l’étendue dela saisine du juge et les points qui restent à trancher (voy. supra, n° 93).(347) Pour le rappel de ce principe, voy. G. de LEVAL, Eléments, 2e édition, p. 192,n° 134.(348) Voy. pour un exemple d’action séparée, J.P. Schaerbeek (1er canton), 23 mars2006, J.T., 2006, p. 417.

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après 349, en cours de procédure par le biais d’une demande incidente(art. 13 C. jud.) 350, et, même pour la première fois en degré d’appel 351

(ce que confirme implicitement l’article 1072, alinéa 1er, du Codejudiciaire).

113. Instruction de la demande. Lorsqu’elle est formée dans l’acted’introductif d’instance ou à l’audience d’introduction, la demande demesure provisoire doit en principe pouvoir être traitée dans le cadre de la procédure des débats succincts (art. 735 C. jud.). Elle doit partant êtreplaidée à l’audience d’introduction ou, le cas échéant, à une audience deremise, même si l’autre partie s’y oppose 352. En effet, compte tenu de ce qu’elle doit uniquement faire l’objet d’un examen sommaire 353 et de ceque la mesure ne porte pas préjudice à la cause elle-même 354, « il doitêtre relativement facile d’accepter qu’il puisse être plaidé sur cettequestion déjà lors de l’audience d’introduction » 355. On sait toutefoisqu’en pratique, il est particulièrement difficile, compte tenu del’encombrement des rôles, de plaider à l’audience d’introduction ou àune audience de remise, spécialement lorsque la partie adverse contestele bien-fondé de la mesure avant dire droit.

Le cas échéant, si la demande est formée incidemment en cours deprocédure, elle devrait, à la requête d’une partie conformément àl’article 747, § 2, du Code judiciaire, pouvoir faire l’objet de brefs délais

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(349) G. de LEVAL, Éléments, 2e édition, p. 138, n° 94.(350) Voy. par ex. Prés. Comm. Bruxelles, 17 mars 1997, R.D.C., 1999, p. 249 (demandereconventionnelle).(351) G. de LEVAL, Éléments, 2e édition, p. 138, n° 94 ; C.T. Bruxelles, 31 octobre1991, J.T.T., 1992, p. 411. On ne confondra évidemment pas la demande tendant à obtenirpour la première fois le prononcé d’une mesure d’instruction ou provisoire en degréd’appel avec la demande formée sur pied de l’article 1401 du Code judiciaire et tendant àl’obtention de l’exécution provisoire du jugement de première instance ou, à l’inverse,dans les cas limités où cela est autorisé par la Cour de cassation, la suppression del’exécution provisoire ordonnée en première instance (art. 1402 C. jud.) ou encore larestauration du droit de cantonner.(352) D. LINDEMANS, « Voorlopige… », p. 226, n° 18. (353) Voy. supra, n° 104 et 105.(354) Voy. infra, n° 115.(355) P. LEMMENS, « De voorlopige… », op. cit., col. 2016, n° 9.

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de conclusions et d’une fixation prioritaire 356. Ici aussi, ce souhaits’apparente, devant de nombreuses juridictions, à un vœu pieux.

5.5 Le jugement accordant la mesure provisoire

114. Autorité – Distinctions. S’agissant de l’autorité du jugementavant dire droit rendu par le juge du fond, il convient de distinguercelle-ci selon qu’elle porte sur le fond ou sur le provisoire 357.

115. Absence d’autorité de chose jugée. Sur le fond, le jugementavant dire droit ne bénéficie pas de l’autorité de chose jugée 358. Il ne liepartant pas le juge qui l’a rendu lorsque celui-ci, en prosécution decause, est amené à vider le fond du litige 359, voire même la question dela recevabilité de la demande principale 360. À l’occasion de l’examen au fond, le juge peut donc revenir totalement sur sa décision 361 et, le caséchéant, considérer que les apparences de droit précédemment relevéesn’existent en réalité pas 362.

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(356) D. LINDEMANS, « Voorlopige… », p. 226, n° 18. Voy. dans ce sens,l’avant-projet de loi visant à lutter contre l’arriéré judiciaire qui propose notamment demodifier l’article 19, alinéa 2, du Code judiciaire pour prévoir qu’en cours de procédure, la partie la plus diligente qui sollicite une mesure avant dire droit peut faire ramener la causedevant le juge par simple déclaration écrite déposée ou adressée au greffe et qu’ensuite legreffier convoque les parties ou, le cas échéant, leur avocat par lettre missive ou, lorsque la partie a fait défaut à l’audience d’introduction et qu’elle n’a pas d’avocat, par plijudiciaire.(357) Voy. pour un rappel de cette distinction, Sent. Arb., 17 mai 2002, R.D.J.P., 2002,p. 350.(358) Cass., 12 avril 2000, Pas., I, 775 ; Cass., 4 septembre 1987, Pas., 1988, I, 10 ;Cass., 13 février 1978, Pas., I, 683.(359) J. van COMPERNOLLE, « Introduction générale », op. cit., p. 8.(360) G. de LEVAL, Eléments, 2e édition, p. 138, n° 94. Voy. supra, n° 106.(361) Civ. Bruges, 4 mai 2001, T.W.V.R., 2002-03, p. 128, note. Cette possibilité estévidemment plus rare lorsque le juge a ordonné ou autorisé une mesure d’instruction. Lejuge qui a prononcé une telle mesure est tenu par sa décision et ne peut statuer au fondavant que celle-ci n’ait eu lieu (G. de LEVAL, Éléments, 2e éd., p. 193, n° 134). Toutefois,lorsque la partie autorisée à tenir une mesure d’instruction néglige de mettre en œuvrecette mesure dans le délai fixé, le juge peut, suite à une fixation demandée par la partie laplus diligente, statuer comme de droit (art. 875 C. jud.). Comp. ég. Cass., 20 septembre2001, Pas., I, 1434 qui estime que le juge peut, sans violer l’article 19, alinéa 1er, du Codejudiciaire, ordonner à nouveau la même mesure d’expertise (mais en l’espèce, cela sejustifiait par l’irrégularité du premier rapport d’expertise du chef de violation des droits dela défense).(362) P. LEMMENS, « De voorlopige… », op. cit., col. 2015, n° 7.

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Dès lors qu’il est possible au juge qui a statué avant dire droit derevenir sur sa précédente décision, son impartialité pour siéger enprosécution de cause ne peut en règle être contestée et ce magistrat nepeut être récusé au seul motif qu’il a déjà connu de la cause au mêmedegré de juridiction (art. 828, 9°, 1, C. jud.) 363. Il faut toutefois réserverl’application de l’article 6, § 1er, de la Convention européenne desauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l’homme. Si, àl’occasion de l’examen de la demande de mesure provisoire, il apparaîtque le juge s’est déjà formé un jugement sur le fond de l’affaire, sonimpartialité objective peut, selon nous, être mise en cause 364. C’est undes motifs pour lesquels nous avons défendu qu’au stade de l’avant diredroit le juge du fond doit se borner à examiner de manière marginale etsommaire le bien-fondé de la demande principale et ne doit pas procéder à une analyse du caractère évident ou non sérieusement contestable desdroits invoqués 365.

116. Autorité de chose décidée. Au provisoire, le jugement avant diredroit épuise la juridiction du juge du fond « rebus sic stantibus » 366.Cela signifie que, à événements inchangés, le juge ne peut modifier lamesure prononcée ou encore que celle-ci ne peut être accordée par unjuge lorsqu’un autre l’a déjà refusée 367. Lorsque les circonstances enconsidération desquelles la mesure provisoire a été ordonnée se sontmodifiées, il est possible d’envisager un « nouveau provisoire » 368.Encore faut-il relever que, sauf effet dévolutif de l’appel le cas échéant,seul le juge qui a ordonné la mesure provisoire peut la modifier lorsque

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(363) Voy. Cass., 28 février 2003, Pas., I, 438.(364) Voy. ég. J. VAN COMPERNOLLE, « L’impartialité du juge », op. cit., p. 19, n° 25 et J. NORMAND, « L’impartialité du juge… », op. cit., p. 76, n° 26, faisant tous deuxréférence aux deux arrêts de l’assemblée plénière de la Cour de cassation de France du6 novembre 1998. Comp. avec A. SALETTI, « La connaissance anticipée du litige etl’impartialité du juge du fond », in L’impartialité du juge et de l’arbitre. Étude de droitcomparé, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 122 et s., qui analyse l’impartialité du juge statuant sur la base de l’article 669quater du Code de procédure civile italien, qui met en place unsystème qui peut être comparé avec l’article 19, alinéa 2, du Code judiciaire et conclut àl’absence de partialité dès lors que le juge qui statue au fond en prosécution de cause nejoue pas le rôle d’un juge d’appel chargé de réviser sa propre décision. Cette thèse ne nousparaît pas conforme à l’enseignement de la Cour européenne des droits de l’homme.(365) Voy. supra, n° 105.(366) D. LINDEMANS, note sous Comm. Bruxelles, 16 février 1989, R.D.C., 1989,p. 743, n° 3.(367) Bruxelles, 16 janvier 2003, Res. Jur. Imm., 2003, p. 27, note.(368) J. GILSON, op. cit., p. 616.

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la situation a changé 369.

117. Couverture des nullités et des déchéances. Pour autant qu’il soit contradictoire, le jugement avant dire droit couvre les nullités, mêmeabsolues, des actes de procédure accomplis antérieurement ainsi que leséventuelles déchéances 370 lorsque l’exception n’a pas été soulevée parle juge ou proposée par une des parties avant que le jugement ait étérendu (art. 864, alinéa 2, C. jud.) 371.

118. Sauf s’il s’agit d’une mesure d’instruction, le jugement n’estpas exécutoire de plein droit. Malgré le libellé de l’article 1397 duCode judiciaire 372, le jugement avant dire droit n’est pas de plein droitrevêtu de l’exécution provisoire 373, sauf s’il ordonne une mesured’instruction (art. 1496 C. jud.). S’agissant des autres mesuresprovisoires, il convient donc de demander au juge du fond d’accorderexpressément l’exécution provisoire conformément à l’article 1398,alinéa 1er, du Code judiciaire 374. Si une telle demande n’a pas été formée en première instance ou qu’elle a été rejetée, elle peut encore êtreintroduite, avant dire droit, devant le juge d’appel (art. 1401 C. jud.).

119. Sort de la mesure provisoire exécutoire par provision en cas de débouté au fond. La loi ne règle pas les conséquences d’un éventueldébouté au fond sur la mesure provisoire ordonnée avant dire droit. Il est certain que la mesure prend fin avec le jugement définitif qui rejette lademande principale 375. Ceci entraîne donc par exemple la restitution dela chose mise sous séquestre, la fin de l’ordre de cessation provisoire, la

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(369) Cass., 19 février 1993, Pas., I, 196.(370) À l’exclusion de celles découlant du non-respect des délais pour former un recours(art. 865 C. jud.).(371) Dans un arrêt du 28 avril 2006 (C.05.0460.F, www.cass.be), la Cour de cassation apar ailleurs décidé que lorsque le défendeur étranger comparaît à l’audienced’introduction et marque lors de celle-ci son accord verbal sur le principe d’une mesured’instruction, il est présumé accepter la compétence internationale du juge belge en vertude l’article 18 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 (art. 24 du règlementn° 44/2001 dit « Bruxelles I ») et ne peut plus décliner celle-ci en prosécution de cause.(372) Lequel prévoit uniquement que l’opposition et l’appel dirigés contre le jugementdéfinitif en suspendent l’exécution.(373) D. LINDEMANS, p. 226, n° 17 ; P. LEMMENS, « De voorlopige… », op. cit., col. 2015, n° 8.(374) G. de LEVAL, Éléments, 2e édition, p. 138, n° 94.(375) Comp. supra, n° 37, avec la question de savoir à quel moment prennent fin leseffets de l’ordonnance ou de l’arrêt rendus en référé.

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libération d’une garantie bancaire, le remboursement des fondsalloués 376…

Mais la partie qui a dû subir l’exécution de la mesure provisoiredans l’intervalle peut-elle en outre mettre en cause la responsabilité dudemandeur qui a procédé à l’exécution de celle-ci et réclamer laréparation du dommage causé par cette mesure ? Doit-elle dans ce cadre démontrer la faute du demandeur ? À suivre la dernière jurisprudence de la Cour de cassation, le débouté au fond ultérieur ne permet pasd’engager la responsabilité objective de la partie qui a sollicité, obtenuet exécuté le jugement avant dire droit au motif que seules l’annulationou la réformation de ce jugement peuvent conduire à l’application del’article 1398, alinéa 2, du Code judiciaire 377. Pour obtenir la réparationdu préjudice subi en raison de la mesure provisoire, le défendeur doitdonc démontrer la faute du demandeur, ce qui risque d’êtreparticulièrement difficile, voire impossible. Cette solution a fait l’objetde critiques récentes en cas de débouté au fond postérieur au prononcéd’une ordonnance de référé qui avait fait droit à la demande 378. À notresens, ces critiques peuvent être parfaitement transposées à l’hypothèsed’un jugement au fond qui rejette les prétentions du gagnant avant diredroit. À nos yeux, le plaideur qui prend le risque de solliciter etd’exécuter une mesure provisoire doit, en cas de rejet de sa demande aufond, indemniser le défendeur pour toutes les conséquencespréjudiciables découlant de cette exécution sans qu’il soit démontréqu’il a commis une faute engageant sa responsabilité civileextracontractuelle 379.

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(376) Dans cette hypothèse, et sous réserve de ce qui sera dit ci-après concernant laresponsabilité de la partie gagnante avant dire droit, les intérêts moratoires sur la sommeallouée ne sont dus qu’à compter du jour du jugement au fond qui met fin à la mesureprovisoire et non depuis le jour du paiement.(377) Cass., 10 septembre 2004, Pas., I, 1294 (cas d’une ordonnance du juge des saisiesrétractée en raison d’un changement de circonstances sur la base de l’article 1419 du Codejudiciaire, à savoir le rejet de la demande par le juge du fond) et Cass., 11 mars 2005,A.&M., 2005, p. 396 avec la note F. DE VISCCHER (à propos d’une saisie contrefaçon etd’un débouté ultérieur par le juge du fond).(378) G. de LEVAL, « Le problème de l’exécution de l’ordonnance rendue par le jugedes référés », in Les mesures provisoires en droit belge, français et italien, Bruxelles,Bruylant, 1998, p. 399-401 ; S. BRIJS, « L’intervention du juge des référés dansl’exécution – l’exécution des décisions du juge des référés », in Le référé judiciaire,JB Bruxelles, 2003, p. 353, n° 36.(379) Ainsi, en cas de condamnation au paiement d’une somme à titre provisionnel, ledemandeur au principal, débouté au fond, devrait être tenu de rembourser non seulementcette somme mais également des intérêts (compensatoires) depuis le jour du paiement.

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Dans tous les cas de figure, cette indemnisation n’est pasautomatique et il convient que la partie condamnée au provisoiresollicite, dans ses conclusions en prosécution de cause, la condamnation du gagnant au provisoire à l’indemniser du préjudice subi dansl’hypothèse du rejet de la demande au fond.

5.6 L’appel 380

120. Moment. En vertu des articles 1050, alinéa 1er, et 1055 du Codejudiciaire, le jugement avant dire droit peut faire l’objet d’un appelimmédiat même si le premier juge n’a pas encore statué définitivementsur le litige 381. Il peut également faire l’objet d’un appel différé mais auplus tard (c’est-à-dire le même jour) avec l’appel interjeté contre lejugement définitif 382 même s’il y a eu acquiescement ou exécution sansréserve 383. L’appel contre le jugement avant dire droit interjeté aprèsl’appel contre le jugement définitif est partant irrecevable 384. Il en va demême lorsque cet appel est interjeté en même temps que l’appelprincipal qui est lui-même tardif 385.

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(380) Sur la matière de l’appel en général, on consultera la récente chronique deG. CLOSSET-MARCHAL, J.-F. van DROOGENBROECK, S. UHLIG et A. DECROËS, « Examen de jurisprudence (1993 à 2005). Droit judiciaire privé. Les voies de recours »,R.C.J.B., 2006, p. 83 et s.(381) Cass., 26 mai 2003, Pas., I, 1071(382) Cass., 22 avril 1983, Pas., I, 942.(383) Cass., 23 mars 1990, Pas., I, 858.(384) C.T. Gand, 21 décembre 1994, P.&B., 1995, p. 123. Mais, selon la Cour decassation, cette obligation ne s’impose qu’à l’auteur de l’appel principal et non à l’auteurde l’appel incident dont le recours est nécessairement limité à la décision attaquée parl’appel principal (Cass., 20 septembre 2001, Pas., I, 1430). Concrètement, si l’appelprincipal est dirigé contre le jugement définitif, l’intimé qui forme appel incident par voiede conclusions contre ce jugement peut encore former ultérieurement appel principal(également par voie de conclusions) contre le jugement avant dire droit.(385) Cass., 15 février 1991, Pas., I, 575.

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121. Délai. L’appel contre le jugement avant dire droit doit en règleêtre interjeté dans le mois de sa signification ou, le cas échéant, de sanotification 386 (art. 1051 C. jud.). Toutefois l’appel peut encore êtreinterjeté en même temps que l’appel contre le jugement définitif mêmesi le délai pour interjeter appel de la décision avant dire droit est expiré(art. 1055 C. jud.) 387.

122. Instruction en degré d’appel. En vertu de l’article 1066, alinéa 2, 2°, du Code judiciaire, sauf accord des parties, l’appel dirigé contre lejugement contenant un avant dire droit ou une mesure provisoire doitêtre retenu et plaidé lors de l’introduction et à défaut dans les trois moisau plus 388. Toutefois, en cas d’appel d’un jugement « mixte », la règlede l’article 1066 ne s’applique que si l’on peut dissocier l’examen dubien-fondé de la mesure avant dire droit de celui de la décisiondéfinitive 389. Par ailleurs, on sait que cette disposition, dont lenon-respect est sans conséquence sur la régularité de la procédure et dela décision d’appel 390, est peu appliquée en pratique compte tenu del’encombrement des rôles des juridictions du second degré.

123. Effets de l’appel – Jugement ordonnant une mesured’instruction. En cas de confirmation même partielle en degré d’appeld’un jugement ordonnant une mesure d’instruction, il est fait exceptionà l’effet dévolutif de l’appel et la cause doit être renvoyée au premierjuge (article 1068, alinéa 2, C. jud.). La règle est d’ordre public et le juge d’appel ne peut y déroger même avec l’accord des parties 391. Lorsque le jugement entrepris contient des dispositions avant dire droit « mixtes »,mesure d’instruction et allocation provisionnelle, le juge d’appel quiconfirme la mesure doit également renvoyer le tout au premier juge afin

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(386) On rappelle à cet égard que selon une jurisprudence constante de la Cour decassation la notification peut donner lieu à la prise de cours du délai de recours même dansdes matières qui ne sont pas visées par l’article 704, § 2, du Code judiciaire auquel renvoiel’article 792, alinéa 2 et 3, lorsque cela peut « se déduire des dispositions légalesapplicables à la matière » (voy. not. Cass., 22 mars 2004, Pas., I, 492 ; Cass., 10 mars2003, Pas., I, 504).(387) Cass., 6 décembre 1974, Pas., 1975, I, 377.(388) Voy. ég. art. 1066, alinéa 2, 6°, C. jud. s’agissant de l’appel des décisionsexécutoires par provision sans caution, ni cantonnement.(389) Voy. réc. H. BOULARBAH, « Questions d’actualité relatives aux débatssuccincts », op. cit., p. 92, n° 7 et les réf. citées.(390) Cass., 14 mars 1974, Pas., I, 729.(391) Cass., 5 janvier 2006, R.W., 2005-2006, p. 1264, note S. MOSSELMANS.

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qu’il statue définitivement sur la base des résultats de la mesured’instruction 392.

124. Effet de l’appel – Jugement ordonnant une mesure provisoire.En vertu de l’article 1072, alinéa 1er, du Code judiciaire, lorsqu’unemesure destinée à régler provisoirement la situation des parties a étéordonnée en première instance, le juge d’appel peut décider qu’il nestatuera définitivement que lorsque cette mesure aura été accomplie 393.

5.7 L’interruption de la prescription

125. Demande de mesure avant dire droit autonome. Il fautconsidérer, conformément aux principes qui ont déjà été rappelés 394,que, formée indépendamment d’une demande principale au fond, lademande de mesure avant dire droit n’est en règle pas interruptive deprescription sauf lorsqu’elle sollicite le prononcé d’une mesured’anticipation qui tend à la reconnaissance du droit menacé par laprescription.

126. Demande de mesure avant dire droit, accessoire à unedemande principale ou incidente. Par contre, lorsqu’elle est forméeaccessoirement à la demande principale, la demande de mesure avantdire droit bénéficie bien évidemment de l’effet interruptif qui s’attache à la citation introductive d’instance. Il en va de même lorsqu’elle estformée de manière incidente 395 puisqu’il faut, selon nous, considérerqu’une telle demande de mesure avant dire droit est virtuellementcomprise dans la demande principale.

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(392) Bruxelles, 13 décembre 2001, J.L.M.B., 2004, p. 200.(393) Concl. proc. gén. Krings avant Cass., 13 janvier 1972, Pas., I, 467.(394) Voy. supra, nos 39, 56 et 89.(395) C’est-à-dire dans le cadre d’une demande additionnelle ou nouvelle. La demandede mesure avant dire droit formée par voie reconventionnelle ou dans le cadre d’uneintervention ne profite évidemment pas de l’effet interruptif de prescription attaché à lademande principale.

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6. Les procédures dérogatoires devant les juridictions commerciales — Le fond dans les formes accélérées

127. Objet de la présente section. À côté des actions « comme enréféré », le droit commercial connaît également des procédures au fondqui, sans être soumises aux formes du référé, font l’objet de dispositionsdérogatoires au droit commun, destinées à en accélérer le traitement 396.À notre connaissance, il s’agit principalement des recours en matière desurveillance financière 397, des demandes fondées sur des droitssubjectifs en matière d’offres publiques d’acquisition 398 et des recourscontre les décisions du Conseil de la concurrence 399. Ces procéduresrelèvent toutes de la compétence de la cour d’appel de Bruxelles. Auniveau de la mise en état, elles seront également comparées au régimedes questions préjudicielles en interprétation du droit de la concurrence,

(396) Ces dispositions dérogatoires ne suffisent pas à rendre les formes du référéapplicables à la procédure. Voy. en matière de surveillance financière : X. TATON, « Lesprocédures dérogatoires et accélérées en droit bancaire et financier », in X., Les actions encessation, CUP, vol. 87, Larcier, Bruxelles, 2006, p. 161 et suiv., spéc. p. 176 et 177,n° 32. Contra : C. DALCQ et S. UHLIG, « Vers et pour une théorie générale du ‘commeen référé’ : le point sur les questions transversales de compétence et de procédure », in X.,Les actions en cessation, ibid., p. 7 et suiv., spéc. p. 13 et 14.(397) Articles 120, 121 et 123 de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers (M.B., 4 septembre 2002, p. 39.121). Pour des casd’application, voy. notamment: Bruxelles, 10 février 2006, Lendit et Lendit Louise contreCommission bancaire, financière et des assurances, R.G. 2004/SF/5, inédit ; Bruxelles,19 janvier 2006, Lendit contre Commission bancaire, financière et des assurances, R.G.2004/SF/4, inédit, à paraître dans la R.D.C., 2006, avec une note de D. DE ROY, « Lecontrôle des amendes infligées par la Commission bancaire, financière et des assurances et les pouvoirs de la cour d’appel de Bruxelles ».(398) Article 18ter de la loi du 2 mars 1989 relative à la publicité des participationsimportantes dans les sociétés cotées en bourse et réglementant les offres publiquesd’acquisition, introduit par l’article 5 de la loi du 2 août 2002 complétant la loi précitée dumême jour et modifiant diverses autres dispositions légales (M.B., 4 septembre 2002,p. 39.174). Pour des cas d’application, voy. notamment: Bruxelles, 10 novembre 2005,Dr. banc. fin., 2006, p. 21 ; Bruxelles, 10 novembre 2005, Dr. banc. fin., 2006, p. 17 ;Bruxelles, 8 novembre 2005, Dr. banc. fin., 2006, p. 13 ; Bruxelles, 7 novembre 2005, Dr.banc. fin., 2006, p. 10 ; M. FYON, « L’offre publique sur Electrabel et la jurisprudencenaissante de la cour d’appel de Bruxelles en matière d’offres publiques d’acquisition »,note sous les arrêts précités, Dr. banc. fin., 2006, p. 5 et suiv.(399) Articles 28 et 29 de la loi du 10 juin 2006 instituant un Conseil de la concurrence(M.B., 29 juin 2006, p. 32.746). Sur cette nouvelle législation, voy. notamment:G. ZONNEKEYN, « De hervorming van de Belgische mededingingswet: een nieuwe start of een gemiste kans ? », à paraître dans la R.D.C., 2006 ; P. NIHOUL, « Le projet de loibelge sur la protection de la concurrence économique. Les relations avec le règlementCE 1/2003 », R.C.B., 2006, n° 1, p. 4 et suiv. 88

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dont la connaissance a été récemment attribuée à la Cour decassation 400.

Ces procédures présentent des différences fondamentales quant àleur nature 401, et font l’objet d’une analyse spécifique dans le présentouvrage. Il ne sera donc pas question dans la présente section dedétailler chacun de ces contentieux mais bien d’examiner les quelquesquestions de procédure qui leur sont communes.

6.1 Questions de compétence matérielle

128. Compétences exclusives. Comme les actions « comme enréféré » 402, ces procédures dérogatoires font l’objet de compétencesexclusives 403, excluant toute prorogation de compétence au profit dutribunal de première instance.

129. Paralysie des mécanismes de prorogation de compétence et dejonction. Une autre similitude entre ces procédures dérogatoires et lesactions « comme en référé » réside dans la paralysie de certainsmécanismes de prorogation de compétence et de jonction prévus par leCode judiciaire.

Ainsi, l’article 18ter, § 5, de la loi du 2 mars 1989 précise que lacour d’appel de Bruxelles « n’est susceptible de connaître en premierressort d’aucune autre demande que [les demandes en matière d’OPA],étant entendu qu’il n’y a pas lieu d’appliquer les règles du Codejudiciaire relatives à la connexité et aux demandes

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(400) Articles 25 et 26 de la loi du 10 juin 2006 précitée. Avant le 1er octobre 2006, dated’entrée en vigueur de la loi du 10 juin 2006, le contentieux préjudiciel en droit de laconcurrence était également attribué à la cour d’appel de Bruxelles. Il s’agissait d’ailleursd’un contentieux obligatoire en application du droit de la concurrence. Voy. notamment:X. TATON, « Le contentieux préjudiciel interne en droit de la concurrence après l’entréeen vigueur du règlement 1/2003 », note sous Liège, 9 septembre 2004 et Bruxelles, 23 juin 2005, R.D.C., 2006, p. 648 et suiv.; H. VIAENE, « De prejudiciële vraag of hoe een vlagniet altijd de lading dekt », R.C.B., 2006, n° 2, p. 37 et suiv.(401) Voy. X. TATON, « Les procédures dérogatoires… », op. cit., p. 182 à 185, n° 40 à45; X. TATON, « Le contentieux préjudiciel… », op. cit., p. 651 à 653, n° 8 et 10. Voy.également : D. DE ROY, « Le pouvoir réglementaire des autorités administrativesindépendantes en droit belge », in X., XVIIe Congrès de l’Académie Internationale dedroit comparé, 16-22 juillet 2006, Utrecht, Pays-Bas,http ://www2.law.uu.nl/priv/AIDC/index2.asp, n° 35 à 54.(402) Voy. supra n° 62.(403) Voy. les articles 605bis et 605ter du Code judiciaire, et l’article 18ter, § 1er, de laloi du 2 mars 1989.

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reconventionnelles ». Le législateur a ainsi exclu l’application desarticles 563 et 566 du Code judiciaire, qui permettent à un tribunal saisid’une demande principale relevant de sa compétence, de connaîtresimultanément de demandes reconventionnelles et de demandesconnexes 404 405. À l’instar des actions « comme en référé » 406, cetteexclusion ne s’applique pas aux demandes reconventionnelles pourprocédure téméraire et vexatoire 407.

De même, dans son troisième arrêt Lendit du 10 février 2006, lacour d’appel de Bruxelles a considéré qu’il ne lui appartenait pas, dansle cadre d’un recours contre une décision de la Commission bancaire,financière et des assurances, de connaître d’une demande enresponsabilité contre la Commission 408.

6.2 Questions de compétence territoriale

130. Compétence territoriale d’ordre public. La cour d’appel deBruxelles bénéficie d’une compétence territoriale d’ordre public pourles recours en matière de surveillance financière et de concurrence, etpour les demandes en matière d’O.P.A. 409 Les parties ne sauraient doncl’attribuer à la cour d’appel d’un autre ressort, même par une clause dejuridiction postérieure à la naissance du litige 410.

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(404) Sur ces dispositions, voy. notamment : J. LAENENS, « Bevoegdheid. Ger.W. Art. 563 », in X., Gerechtelijk recht. Artikelsgewijze commentaar met overzicht vanrechtspraak en rechtsleer, feuillets mobiles, Kluwer, 1994; J. LAENENS,« Bevoegdheid. Ger. W. Art. 566 », in X., Gerechtelijk recht. Artikelsgewijze commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, feuillets mobiles, Kluwer, 1983.(405) Les demandes en intervention restent, quant à elles, régies par l’article 564 du Code judiciaire, selon lequel « le tribunal saisi d’une demande est compétent pour connaîtred’une demande en intervention ». À défaut de disposition dérogatoire, la cour d’appel deBruxelles est compétente pour connaître des demandes en intervention en matière d’OPA.Voy. de manière implicite : Bruxelles, 10 novembre 2005, précité; Bruxelles, 8 novembre2005, précité.(406) Voir supra n° 66.(407) Dans un arrêt du 24 mars 2006 (J.T., 2006, p. 345), la cour d’appel de Bruxelless’est déclarée compétente pour connaître d’une telle demande en estimant que lelégislateur n’avait pas pu vouloir exclure la règle générale selon laquelle le juge del’action est le mieux placé pour apprécier son éventuel caractère fautif.(408) Bruxelles, 10 février 2006, précité. Voy. également : Bruxelles, 8 novembre 2005,précité.(409) Voy. l’article 633bis du Code judiciaire.(410) Voy. l’article 630 du Code judiciaire.

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6.3 Questions de procédure

131. Mode d’introduction. Par dérogation aux articles 700 et 706 duCode judiciaire 411, la cour d’appel de Bruxelles est saisie par voie derequête signée et déposée à son greffe 412, et ce sous peined’irrecevabilité ou de nullité prononcée d’office 413.

La formalité de la requête est donc sanctionnée soit par une fin denon-recevoir d’ordre public 414, soit par une nullité absolue 415 416.

Le contenu de la requête est également prescrit à peined’irrecevabilité 417 ou de nullité 418. La sanction de l’irrecevabilité,prévue en matière de surveillance financière et d’OPA, est extrêmementsurprenante. En effet, le vice de forme entachant un acte de procédureentraîne habituellement la nullité de l’acte 419. En outre, cette sanctionest particulièrement sévère, puisqu’elle implique que l’omission de

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(411) Qu’il s’agisse de recours objectifs ou de demandes fondées sur des droitssubjectifs, il s’agit de demandes principales introduites en premier ressort (X. TATON,« Les procédures dérogatoires… », p. 183, n° 42).(412) La requête contradictoire est également un mode d’introduction concurrent ouexclusif de certaines procédures « comme en référé ». Voy. supra n° 78.(413) L’irrecevabilité est prévue en matière de surveillance financière et d’OPA(articles 120, § 3, 121, § 3, et 123, § 4, de la loi du 2 août 2002 ; article 18ter, § 3, de la loidu 2 mars 1989), tandis que la nullité l’est pour les recours contre les décisions du Conseilde la concurrence (article 29, § 2, alinéa 2, de la loi du 10 juin 2006).(414) Voy. Cass., 27 mai 1994, R.C.J.B., 1995, p. 639 et la note de G. CLOSSET-MARCHAL, « Exceptions de nullité, fins de non-recevoir et violation des règles touchantà l’organisation judiciaire », p. 643 et suiv., spéc. p. 660, n° 31 ; J. ENGLEBERT, « Lesnullités », in X., Le point sur les procédures (2e partie), CUP, vol. 43, Liège, 2000, p. 79 et suiv., spéc. p. 83 et 84, n° 3 et 4.(415) À notre estime, la « nullité prononcée d’office » prévue par l’article 29, § 2,alinéa 2, de la loi du 10 juin 2006, peut être couverte si elle n’est soulevée ni par les partiesni par la cour d’appel avant le prononcé d’un arrêt contradictoire autre que celuiprescrivant une mesure d’ordre intérieur ou si l’acte a réalisé le but que la loi lui assigne(articles 864, alinéa 2, et 867 du Code judiciaire).(416) Sur les sanctions du choix d’un mode erroné d’introduction de l’instance enl’absence de disposition spécifique, voy. H. BOULARBAH et J. ENGLEBERT,« Questions d’actualité en procédure civile », in X., Actualités en droit judiciaire, CUP,vol. 83, Larcier, Bruxelles, 2005, p. 43 et suiv., spéc. p. 51, n° 9, et les références citées ;E. LEROY, « Repenser le formalisme », note sous Cass., 19 avril 2002, R.C.J.B., 2003,p. 25 et suiv., spéc. p. 347 à 356.(417) Article 120, § 3, 121, § 3, et 123, § 4, de la loi du 2 août 2002 ; article 18ter, § 3, dela loi du 2 mars 1989.(418) Article 29, § 2, alinéa 3, de la loi du 10 juin 2006.(419) J. ENGLEBERT, « Les délais », in X., De sanctieregeling in het gerechtelijk recht. Les sanctions en droit judiciaire, IUCGR / CIUDJ, Kluwer, Diegem, 1994, p. 45 et suiv.,spéc. p. 50, n° 10 ; G. BLOCK, « L’exception de nullité après la réforme du Codejudiciaire », in X., De sanctieregeling…, ibid., p. 16 et suiv., spéc. p. 43, n° 43.

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l’une des mentions précitées entraîne le débouté définitif durequérant 420. Par contre, la nullité permet au requérant d’introduirevalablement une nouvelle requête, pour autant que les délais de recoursne soient pas expirés 421.

132. Mise en état. La mise en état de ces procédures dérogatoires ne sedéroule pas selon les règles applicables pour le référé, mais estcaractérisée par la fixation des délais d’échange des « observationsécrites » dès l’audience d’introduction 422.

133. Observations écrites. Il est étonnant que ces dispositions neparlent pas de « conclusions », mais bien d’« observations écrites ».Les travaux préparatoires ne proposent d’ailleurs aucune définition decette dernière notion. Celle-ci nous semble devoir s’interpréter commeun terme générique englobant tous les écrits que les parties soumettent àl’examen de la Cour, que ceux-ci constituent de véritables conclusions,c’est-à-dire « des écrits sous seing privé, signés par les parties ou leursmandataires ad litem, qui contiennent leurs moyens de fait et de droit etl’exposé des prétentions juridiques qui en découlent » 423, ou de simplesnotes de plaidoirie non signées. Cependant, étant donné qu’aucunesanction n’est prévue pour la communication ou le dépôt tardifd’observations écrites, seules les conclusions communiquéestardivement peuvent être écartées des débats, conformément àl’article 747, § 2, alinéa 6, du Code judiciaire. En outre, l’article 149 dela Constitution n’impose à la cour d’appel que de répondre aux moyens

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(420) Une telle sévérité n’a pas été voulue par le législateur du 2 août 2002. Les travauxpréparatoires se réfèrent en effet à un arrêt de la Cour de cassation du 9 novembre 1973(Pas., 1974, I, 274), qui sanctionne de nullité l’absence d’énonciation de griefs dans unacte d’appel (Exposé des motifs, Doc. parl., Chambre, S.O., 2001-2002, n° 1842/1 et1843/1, p. 133).(421) G. BLOCK, « L’exception de nullité… », ibid., p. 43, n° 43.(422) Article 120, § 3, de la loi du 2 août 2002 ; article 18ter, § 3, de la loi du 2 mars1989 ; article 29, § 2, alinéa 9, de la loi du 10 juin 2006. Il s’agit donc d’uneinstitutionnalisation de la pratique d’acter un calendrier d’échange de conclusions austade de l’audience d’introduction. Sur cette pratique, voy. notamment : Cass., 1er juin2001, A.J.T., 2001-2002, p. 528, et la note de E. BREWAEYS, « De conclusietermijn-regeling op de inleidende zitting », p. 529 et suiv.(423) E. GUTT et J. LINSMEAU, « Examen de jurisprudence (1971 à 1978). Droitjudiciaire privé (suite) », R.C.J.B., 1983, p. 63 et suiv., spéc. p. 79, n° 83. Voy. égalementla définition retenue par B. MAES, De motiveringsverplichting van de rechter, Kluwer,Anvers, 1990, p. 45, n° 35.

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développés par les parties dans leurs conclusions proprement dites 424.

134. Questions préjudicielles devant la Cour de cassation. Dans lecadre des questions préjudicielles en interprétation du droit de laconcurrence, l’article 26, § 2, alinéa 2, de la loi du 10 juin 2006 prévoitque « le greffier près la Cour de cassation invite les parties, le ministre[de l’économie] et la Commission européenne 425 à formuler leursobservations écrites dans le mois de la notification de la questionpréjudicielle, à peine d’irrecevabilité » 426. Ce délai unique pour toutesles parties nous semble cependant contraire au principe ducontradictoire – qui a la valeur d’un traité international directementapplicable 427 – puisqu’il ne garantit pas aux parties la possibilité deconnaître, par écrit, l’argumentation ou l’avis des autres intervenants au

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(424) B. MAES, De motiveringsverplichting…, ibid., p. 43, n° 34 ; F. DUMON, « Demotivering van de vonnissen en arresten en de bewijskracht van de akten », R.W.,1978-1979, col. 257 et suiv., spéc. col. 260 à 263, n° 2 à 5.(425) Ainsi que l’auditeur du Conseil de la concurrence lorsque la question préjudicielleest posée par cette juridiction administrative (article 29, § 3, alinéa 2, de la loi du 10 juin2006). Le ministre de l’économie, la Commission européenne et l’auditeur du Conseil dela concurrence agissent dans ce cadre en tant qu’« amici curiae » et soumettent un avisnon contraignant à la Cour de cassation, sur un modèle similaire à celui de l’interventiondu Ministère public en matière civile (voy. articles 764 à 768 du Code judiciaire ;E. PAULIS et C. GAUER, « La réforme des règles d’application des articles 81 et 82 duTraité », J.T.dr.eur., 2003, p. 65 et suiv., spéc. p. 72 et 73, n° 79 à 81 ; H. NYSSENS, « Lerèglement 1/2003 CE : vers une décentralisation et privatisation du droit de laconcurrence », R.D.C., 2003, p. 286 et suiv., spéc. p. 291 ; P. HENRY, « De lacontradiction des avis du ministère public », observations sous C.E.D.H., 20 février 1996,J.L.M.B., 1996, p. 911 et suiv., spéc. p. 911).(426) Mal qualifiée, cette sanction nous semble devoir être comprise comme unécartement des observations déposées hors délai. En effet, il serait absurde de frapper laquestion préjudicielle d’irrecevabilité en cas de dépôt tardif d’observations par l’un desintervenants. D’ailleurs, la loi ne précise pas si une telle « irrecevabilité » des observations peut ou non être prononcée d’office par la Cour de cassation.(427) C.E.D.H., 18 mars 1997, J.T., 1997, p. 495. Ce principe prime donc les dispositions contraires de droit interne (Cass., 27 mai 1971, Pas., I, 888, et les conclusions conformesde W. Ganshof van der Meersch).

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procès, en temps utile pour y préparer une réponse écrite 428 429.

135. Délai pour statuer. En matière de surveillance financière etd’OPA, la cour d’appel de Bruxelles statue, sauf circonstances dûmentmotivées, dans un délai de 60 jours à compter de l’introduction de lademande 430 431. Cette disposition, qui déroge à l’article 770 du Codejudiciaire, n’est cependant pas davantage sanctionnée que celui-ci.

À titre d’exemple, dans son premier arrêt Lendit du 25 février2005, la cour d’appel de Bruxelles a considéré que comme la dernièredate utile de fin de l’O.P.A. était dépassée au jour de l’introduction desrecours, ceux-ci ne présentaient plus d’urgence, de sorte que l’arrêt neserait pas prononcé dans les 60 jours 432.

En ce qui concerne les questions préjudicielles en droit de laconcurrence, la Cour de cassation statue « toutes affairescessantes » 433.

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(428) J. ENGLEBERT, « Du droit de plaider et de l’obligation de se taire », Cah. dr.jud., 1993, p. 105 et suiv., spéc. p. 110, n° 41. Voy. également : Cass., 6 septembre 1999,Bull. Cass., n° 436 ; Cass., 16 mars 1982, Pas., I, 835. La cour d’appel de Bruxelles avaitdéjà consacré ce principe dans le cadre du contentieux préjudiciel en droit de laconcurrence (Bruxelles, 23 juin 2005, R.D.C., 2006, p. 640, et la note précitée deX. TATON, spéc. p. 654, n° 16 ; Bruxelles, 9 mars 1995, Ing.-Cons., 1995, p. 376, et lesobservations de P. DE VROEDE, « L’interprétation de l’article 42, § 1, de la loi du 5 août1991 sur la protection de la concurrence économique », p. 394 et suiv. ; Bruxelles, 23 juin1994, J.T., 1995, p. 8).(429) L’absence de réponse écrite cause, en soi, un grief aux autres parties, dans lamesure où le juge n’est tenu de répondre qu’aux conclusions régulièrement déposées.(430) Articles 120, § 5, 121, § 5, et 123, § 6, de la loi du 2 août 2002 ; article 18ter, § 4, dela loi du 2 mars 1989. Ces dispositions ne visent cependant pas les recours formés contreles décisions de la C.B.F.A. infligeant des amendes administratives ou des astreintes, carde tels recours ont un effet suspensif. Dans ce cas, la cour d’appel est néanmoins tenue destatuer dans un délai raisonnable en vertu de l’article 6 de la C.E.D.H.(431) Selon C. Dalcq, les nouvelles procédures prévues en matière de surveillancefinancière constituent des procédures comme en référé, en raison de leur caractèreaccéléré (C. DALCQ, « Les actions ‘comme en référé’ », in X., Le référé judiciaire, JeuneBarreau, Bruxelles, 2003, p. 145 et suiv., spéc. p. 150 et 151). Nous doutons cependantque l’obligation de respecter le calendrier d’échange d’observations écrites et le délai nonsanctionné de 60 jours dans lequel la cour d’appel de Bruxelles devrait statuer, suffisentpour considérer que ce contentieux est traité selon les formes du référé.(432) Bruxelles, 25 février 2005, précité.(433) Article 26, § 3, alinéa 3, de la loi du 10 juin 2006. Avant le 1er octobre 2006, la courd’appel de Bruxelles statuait sur les questions préjudicielles en droit de la concurrenceselon une procédure « comme en référé ». À défaut de référé devant la Cour de cassation,il a été désormais prévu que la Cour statuerait « toutes affaires cessantes » (Avis du

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6.4 Voies de recours

136. Application du droit commun. En l’absence de dérogation auxarticles 608 et 609 du Code judiciaire, les arrêts prononcés par la courd’appel de Bruxelles en matière de surveillance financière, d’OPA et derecours contre les décisions du Conseil de la concurrence, peuvent fairel’objet d’un pourvoi en cassation 434.

La cassation d’un arrêt prononcé par la cour d’appel de Bruxellesentraîne le renvoi de la cause devant la même cour 435, mais autrementcomposée. Un magistrat qui a participé à la décision cassée ne peut eneffet pas siéger dans la juridiction de renvoi 436.

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Conseil d’État, n° 38.502/1 du 5 juillet 2005, Doc. parl., Chambre, 2005-2006, n° 2.180/1, p. 161 et suiv., spéc. p. 163). Cette expression lapidaire insiste, certes, sur l’exigence decélérité dans le traitement de la question préjudicielle, mais ne résout pas la question desrègles applicables à la mise en état de la cause (voy. supra note 397).(434) J-M. NELISSEN GRADE, « Kroniek van de openbare overnamebiedigingen(1996-2003) (Deel I) », Dr. banc. fin., 2004, p. 30 et suiv., spéc. p. 42, n° 23 ; D. VANGERVEN, « Verhaalmiddelen tegen de beslissingen van de toezichtorganen », Dr. banc.fin., 2003, p. 160 et suiv., spéc. p. 161, n° 2 ; P.A. FORIERS, « Le référé en droit dessociétés et des offres publiques », in X., Le référé judiciaire, Jeune Barreau, Bruxelles,2003, p. 231 et suiv., spéc. p. 261, n° 16.(435) Article 1110 du Code judiciaire ; Cass., 23 janvier 1978, Pas., I, 596 ; Cass.,23 octobre 1974, Pas., 1975, I, 232 ; Cass., 14 mars 1973, Pas., I, 662 ; F. DUMON,« Voorziening in cassatie », in X., Gerechtelijk recht. Artikelsgewijze commentaar metoverzicht van rechtspraak en rechtsleer, feuillets mobiles, Kluwer, 1987, p. 27, n° 47 à49 ; A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, Faculté de droit de Liège, Liège, 1987,p. 561, n° 875 ; A. LE PAIGE, « Rechtsmiddelen », in X., Handboek voor gerechtelijkrecht, 4e partie, Standaard wetenschappelijke uitgeverij, Anvers, 1973, p. 146 et 147,n° 148.(436) Article 828, 9° du Code judiciaire ; Cass., 19 octobre 1983, Pas., 1984, I, 175.