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Les TransforMiM Zé'aventure ntatnefnat^q^e de la géoméii rie à l'art EDiTiONS POLE HS 35 ISSN 0987-0806

Les transformations : de la g©om©trie   l’art

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Page 1: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

Les

TransforMiM

Zé'aventure ntatnefnat^q^e

de la géoméiirie à l'art

EDiTiONS

POLEHS n° 35ISSN 0987-0806

Page 2: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

Bibliothèque

:eIj'avenizzire yna'fcHé'ma'tique

Tangente Hors-série n° 35

Les

Transformationsde la géométrie à Fart

Sous la direction de Hervé Lehning

ËDiTiONS

POLE

© Editions POLE - Paris 2009

Toute représentation, traduction, adaptation ou reproduction, même partielle, par tous procédés, en

tous pays, faite sans autorisation préalable est illicite, et exposerait le contrevenant à des poursuites

judiciaires. Réf. : Loi du 11 mars 1957.

I.S.B.N. 9782848840970 I.S.S.N. 0987-0806 Commission paritaire 1011 K 80883

Page 3: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

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Page 4: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

Les Transformations

SommaireDOSSIER Les origines artistiques de la géométrie

Qui a inventé les notions de point, de ligne et de surface ? Des arpenteurs, des artistes ? L'étude de la préhistoire des formes mathématiques houscide les idéesreçues.

Transformations géométriques, tout un artQue voyons-nous dans l'eau ?Image dans une boule de Noël

Transformations à l'Âge de pierreRéflexions sur le miroir

Découpages siamoisProjection et photographie

L'anamorphose

DOSSIER Le regard du mathématicien

À quoi servent les transformations géométriques enmathématiques ? La réponse se trouve dans le programme d'Erlangen. Les groupes de transformationsstructurent la géométrie en ses diverses branches : affine, métrique...

Les isométries

Les similitudes et les transformations affines

Les groupes, concrets et abstraitsLa transformation du boulanger

Formes, déformations et invariancesTransformer, c'est gagner !Les formes du second degré

L'œil du topologue et le morphingLa projection centrale et l'homographie

La géométrie projective

(suite du sommaire au verso)

Hors série n"35. Les Transfc rmations Tangente

Page 5: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER

L'inversion et l'arbelos

L'inversion et la chasse au lion

Coxeter, de la géométrie à l'artHistoire de bouchons

Translater, c'est quarrerPoints et figures invariants

Formes des groupes d'ordre six

Transformer pour créer

Que ce soit pour représenter l'éloignement spatial dansun tableau à deux dimensions, pour paver une surfaceà l'aide d'un motif sans trou ni chevauchement, ou pour"tricoter" des entrelacs magnifiques mais complexes,on utilise une transformation !

Peintres et géomètresFuites et perspectives

la perspective cavalièreLa géométrie descriptive

La géométrie des fortificationsReprésenter et déformer un objet en 3D

Les «Imajustages» de Myriam LabadieCalissons et perspectives

L'art de paverDes groupes pour construire des pavages

Entrelacs

Jeux et problèmes

Problèmes

Solutions

En Bref

Tangente Hors série n°35. Les Transformatic

29, 33,46, 79

156

15, 19,47, 87,91, 95,99, 135

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Page 6: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

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DOSSIER

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Page 7: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS par Elisabeth Busser

Les transformations géométriques,

tout un artDes céramiques « Rubané » du Néolithique à Vart contemporain, quel artiste n'a pas utilisé de transformation géométrique ? Panorama de la mise en œuvre graphique d'unconcept mathématique.

Au Néolithique, entre le 8*^ et le7® millénaire avant notre ère,l'homme, devenu sédentaire,

avait besoin de jarres pour la conservation et la cuisson des aliments. Il se mit

donc à fabriquer des vases en poteriemais il fit bien plus : il les décora.Mieux : il choisit comme motifs de

décoration des objets géométriques et

les combina en de savants entrelacs.

On vit ainsi fleurir sur des vases

retrouvés par exemple le long duDanube de véritables frises formant un

ruban autour du récipient : ce sont lescéramiques du « rubané ». Les motifsde base sont élémentaires : points, seg

ments, cercles. Quelques figures géométriques simples les accompagnent :triangles, losanges et même spirales,comme sur le dessin ci-après. Le dessin de base est reproduit autour de la

« panse » du récipient soit par transla-

Transformer une image c'est simplement la dupliquer ou alors lamodifier pour obtenir un effet artistique. Nos ancêtres de l'Age depierre combinaient des motifs géométriques simples pour orner despoteries, les céramistes arabes du XIP siècle inventaient sans lesavoir les groupes de pavages pour dessiner les plafonds del'Alhambra de Grenade, Holbein cachait dans l'un de ses tableauxun crâne méconnaissable, Vasarely et bien d'autres tordent et déforment carrés, cercles et triangles pour le plaisir des amateurs d'artaujourd'hui. Tous ces artistes utilisent abondamment dans leursœuvres des transformations géométriques. Faisons ensemble le tourde leurs techniques.

iyvte Hors-série n°35. Les transformations

Page 8: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER : LES ORIGINES ARTISTIQUES

Vase décoré du Néolithique.

tion soit par symétrie, s'il n'est pasdéformé, soit par homothétie pour donner par exemple des losanges emboîtés. Raffinement suprême : on saitdécorer deux vases de taille différente

avec le même motif : il suffit de le

transformer par similitude.

Esthétiquedes frises et pauages

Loin d'abandonner l'idée de motifs

répétitifs, les artistes ont continué au fildes siècles à l'utiliser en décoration,

créant sans cesse de nouveaux modèles

offrant symétrie et régularité. Dentellesà l'aiguille ou au fuseau de laRenaissance, « dentelles de bois » ou

lambrequins ornant les maisons créolesdu XIX® siècle, autant d'exemples dece que les mathématiciens appellent« frises ». L'esthétique de ces joliesréalisations, qui semblent présenterd'infinies variantes, réside plus dans labeauté et l'originalité des dessins de

base que dans la variété de leur agencement. La géométrie nous dit en effetque le nombre possible de leurs dispositions est limité à sept.

i Pour paver le plan au lieu deremplir des rubans, les possibilités sont là aussi limitées, mais

à dix-sept. On trouve de magnifiques exemples de tous ces

pavages sur les mosaïques ou lesfresques ornant les plafondsdu palais de l'Alhambra àGrenade. Commencé au XIL

siècle, le magnifique édifice avu les artistes arabes se succé

der pendant environ quatrecents ans pour peaufiner leurs

ornementations, s'ingéniant àreprésenter la totalité des dix-sept possibilités de styles de pavages.

Camouflage par anamorphose

Les peintres ont traité la symétrie debien d'autres façons qu'en complétantun ruban ou en remplissant le plan.Certains ont inclus dans leurs œuvres

des dessins cachés, n'en représentantque l'image déformée par un miroir deforme particulière. Ils ne deviennentvisibles qu'en regardant le tableau àtravers ce miroir ou en se déplaçantpour le voir sous un certain angle.L'une des astuces de ces représentations se nomme « anamorphose » et denombreux artistes l'ont utilisée :

Léonard de Vinci vers 1488, dans un

dessin de visage d'enfant avec un œil.

Poterie du

Néolithique.

Une des mosaïques

de l'Alhambra.

.ngen±e

Page 9: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

Babytood de

J. Beever,

l'envers du décor

§

« Œil en anamorphose » ou, plus prèsde nous, Salvador Dali.

Le tableau-phare de l'anamorphose estcependant celui de Holbein, LesAmbassadeurs, de 1533. Sur ce

tableau, deux

'' ' •" figurent de partet d autre d'une

table couverte d'instruments symbolisant d'une part les sciences du ciel,

d'autre part les choses terrestres.Jusque là, rien que de conventiormel.Pourtant, au bas du tableau, im étrange« os de seiche » blanchâtre qui apparemment n'a rien à faire là et ne représente rien... sauf si on regarde letableau de biais en incidence rasante.

L'objet incongru devient alors identifiable : pas de doute, c'est un crâne quinous regarde à notre insu, rappel àl'ordre du peintre sans doute pourdénoncer la vanité du monde.

L'anamorphose est aussi utilisée par denombreux artistes contemporains,comme Julian Beever, qui trace magistralement sur les trottoirs des dessins

ou très évocateurs ou très bizarres

selon le point de vue du spectateur, telce Babyfood, terrifiant de réalismed'un côté et complètement insignifiantd'un autre.

Traitement de ['image d'aujourd'hui

Les artistes contemporains, on vientd'en voir un exemple, n'hésitent pas à

Tangen-te Hors-série n°35. Les transformations

Page 10: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER: LES ORIGINES ARTISTIQUES

Les sept types de frisesOn peut compter les types de frises en faisant appel aux transformations du plan et à leur composition. Les mathématiciens les répertorient comme le feraient les cristallographes :• avec un « f » , comme « frise », pour la translation horizontale, qu'on retrouve dans tous lesmodèles,

• un « 2 » si dans la répétition des motifs on trouve une symétrie centrale, un « 1 » sinon,• un « m » à gauche si on y trouve une symétrie-miroir (réflexion) d'axe vertical,• un « m » ou un « g » à droite s'il y a réflexion ou symétrie glissée (composition d'uneréflexion et d'une symétrie d'axes parallèles) d'axe horizontal.Il n'y a donc que sept dispositions possibles : fl, flg, flm, fml, f2, fm2 et f2m. Cette notation a le mérite d'être claire ; dans le type f2m, on fait par exemple subir au dessin de baseune symétrie d'axe vertical puis à l'ensemble obtenu un demi-tour ou symétrie centrale puison translate le tout jusqu'à reconstituer la frise entière.

Un lambrequin du type f2m

déformer les images et pas seulementpar anamorphose. Ils sont nombreux -sans être mathématiciens - à utiliser la

géométrie des transformations pourdonner à leurs œuvres un caractère ori

ginal.On pense immédiatement au cas dugraveur M.C. Escher (1898 - 1972),

paveur extraordinairement inventif quirecouvrait le plan de motifs jointifs

déduits les uns des autres par symé

Un lambrequin

du type fml.

Dentelle de

type flm.

tries, translations, rotations, homothé-

ties. Il savait si bien jongler avec toutesces transformations et les combiner

que ses dessins, pavages réguliers ounon, hanteront longtemps notre imaginaire.

Autre magicien des formes géométriques et de leurs transformations,Victor Vasarely (1906-1997) nous alaissé d'inoubliables ensembles où

Tungen±e

ir

Page 11: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS Les transformations...

L'anamorphoseL'anamorphose est un procédé per-mettant de représenter les objets réelsde façon géométriquement déforméepour qui les regarde de face. L'imagevéritable ne peut se rétablir que parun déplacement de l'œil du spectateur.Mathématiquement, l'anamorphoseassociée à une eertaine courbe c, prisecomme miroir, et à un point O, le« point de vue », transforme un pointM en son symétrique M'par rapport àla tangente à c au point Td'intersection entre (OM) et e. Ainsi,un observateur dont l'œil serait en O,croirait voir M alors qu'il voit M'puisque le rayon lumineux provenant de M'lui arrive droitdans l'œil via la courbe c.

Voir les articles sur le sujet, pages 12,16 et 36.

Tangente Hors-série n°35. Les transformations

Page 12: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

1INES ARTISTIQUES

cubes pour représenterdes personnages... àcondition de les regardersous un certain angle.

IliANCJ posrri ig?i

VASARELY

L'un des pavages les plus connus de Escher.

Mathématiques et artssont indiscutablement

liés, cela nous le savions

déjà. Nous venons, aprèscette promenade à tra

vers ces quelque œuvresapparaissent souvent très claire- d'art, de voir quel rôle essentielment les transformations mises en

jeu. Il a su mieux que tout autre« mettre en mouvement », tout sim

plement en utilisant les transformations du plan, des formes géométriques simples comme le carré, lecercle, le triangle.La plasticienne Irène Rousseaus'inspire, elle, des transformationsde la géométrie hyperbolique endonnant à ses sculptures et ses

peintures « l'illusion d'épaisseurd'un espace tri-dimensionnel ».Elle rejoint en cela certaines desgravures d'Escher comme la série

des Circle Limit.

Paul Kichilov, un autre artiste

d'aujourd'hui qui marie arts etmathématiques, utilise à fondl'anamorphose dans ses sculptureséclatées enchâssées à l'intérieur de

jouent les transformations géométriques dans cette « osmose », cequi nous permettra peut-être,comme le disait Vasarely, de« reconnaître la géométrie intérieure de la nature ».

E.B.

Timbre

Hommage à

l'hexagone

de Vasarely.

L'une des ana

morphoses de

Paul Kichilov.

Hors-série n° 35. Les transformations Tangente

Page 13: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS par Manuel Luque

Que uoyons-nous

dans feau ?Les jambes des baigneurs dans une piscine semblent minuscules. Les objets sous Veau nous apparaissent déformés.Pourquoi ?

Comment attra

per un poisson

quand on est

oiseau ? Comment

éviter l'oiseau

quand on est

poisson ?

n petit poisson, un petit oiseauS'aimaient d'amour tendre

Mais comment s'y prendreQuand on est dans l'eau

Un petit poisson, un petit oiseauS'aimaient d'amour tendre

Mais comment s'y prendreQuand on est là-haut

Cette chanson de Juliette Gréeo

(paroles de Jean-Max Rivière (1926-1996)) expose le problème avec poésie. De façon prosaïque, nous pouvonspenser au héron guettant le poisson, età celui-ci cherchant à l'éviter.

Peut-être avez-vous le souvenir de vos

premiers pas dans l'eau et de

l'angoissante question que vous vousposiez ; « Jusqu'où puis-je avancer,

aurais-je encore pied si je vais plusloin ? » Les apparences sont trompeuses. Le fond de l'eau apparaît plusprès qu'il n'est en réalité, le poissonque l'on croit pouvoir attraper facilement est un peu plus loin qu'onl'imagine. Les images des objets et despoissons dans l'eau, que nous observons depuis notre espace aérien, nousapparaissent différentes de ce qu'ilssont en réalité : ils nous semblent plusproches, plus petits, distordus. Ce quiest en cause est le phénomène de laréfraction. Pour comprendre ce phénomène, nous considérons un point lumi-

Tangenize Hors-série n°35. Les transformations

Page 14: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER : LES ORIGINES ARTISTIQUES

neux A dans l'eau et un point B dansl'air. Parmi tous les rayons lumineuxémis (ou diffusés) par ce point A,essayons de déterminer la trajectoiredu rayon qui après avoir traversé lasurface de l'eau passe par B. Ensuite,dans une deuxième étape nous considérerons un objet ou un poisson dansl'eau et un spectateur au-dessus del'eau dont nous essayerons de reconstituer l'image qu'il en perçoit. Pour terminer nous inversons la situation, quevoit un poisson qui regarde ce qui sepasse de l'autre côté de la surface, dansl'espace aérien ?

Trajet d'un rayon lumineux

y

B

1 \1 \

1 \(21

1 \ I p n

Q \ 11i\ 1

\ 1\ 1

\ 1

Trajet d'un rayon lumineux partant de

A et passant par B.

Il s'agit de calculer les coordonnées dupoint d'intersection I (de coordonnéesXj et y,) d'un rayon lumineux émis parun point A (x^, y^) situé dans la piscine, par rapport à la surface de l'eau,pour qu'après réfraction en I (le trajetdu rayon suit les lois de la réfraction deDescartes : «, sin /, = rij sin cerayon parvienne au point B (xg, yg)censé représenter un observateur. Onprend «2=1 pour l'air et «j = 1,33 pourl'eau. /, et sont les angles mesurés

par rapport à la normale. Les donnéessont donc A (x^, et B (Xg, yg). Ils'agit de trouver I (xj,yj).Si P et Q sont les projections orthogonales de A et B sur la surface de l'eau

n, le point d'incidence I appartient ausegment [PQ] d'où : PI = tPQ oùr £ [0, I]. La figure précédente se situedans le plan vertical passant par lespoints A et B. Le problème est donc detrouver I aligné avec les projections de

A et B sur II. n = «j /«j est l'indice del'eau par rapport à l'air. Les relationstrigonométriques dans le triangle rectangle montrent que la racine x, del'équation :

+ ^6

comprise dans l'intervalle [x^, Xg]donne la solution du problème.

• i.d'jifii lie f iitidyepoisi l'obseruateur

On considère un point A, situé dansl'eau, émettant des rayons lumineux

dans toutes les directions et on isole.

Un bâton dans

l'eau semble cassé

au niveau de ia

surface. On peut

distinguer le reflet

de la partie supé

rieure (à gaucbe)

de la réfraction de

la partie inférieu

re (à droite) grâce

à l'anneau noir.

Hors-série n° 35. Les transformations Tangente

Page 15: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS Les transformations...

par la pensée, un mince pinceau lumineux qui après réfraction à la surfacede l'eau pénètre par la pupille dansl'œil d'un observateur. L'œil ne

« voit » pas les lignes brisées et interprète les rayons qu'il reçoit commes'ils venaient tout droit. L'observateur

voit A' qui est l'image, virtuelle, de Apar réfraction. En appliquant ce principe à tous les points de l'objet observé,on peut reconstituer l'image totale. Surles figures, la position réelle est grisée,l'image observée est en couleurs.

À l'extérieur de

l'eau, l'œil voit le

poisson en couleurs

alors que sa po.sition

réelle est en gris.

Tangentean fil de

l'eau

Comment un poisson perçoit-ilnotre iiniuers ?

Grâce aux lois de la réfraction, nous

pouvons reconstituer ce qu'un poissonpeut voir au-delà de la surface del'eau.

Un poisson ne voit pas l'oiseau où il est.

M.L.

'14 Tangenize Hors-série n°35. Les transformations

Page 16: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

par E. Busser

Paul Kichllou,l'anamorphose en actes

Cet artiste contemporain, né à Moscou,Français vivant en Grèce, aimerait, nousdit-il, « revenir en arrière, s'en retourner,pour quitter ce monde de lois mathématiques pour un monde oublié de riresmathématiques ».Apparemment fasciné par l'algèbrelinéaire, il dessine des espaces vectoriels enforme de rosaces et des matrices dont les

éléments sont des totems et des paysages.Il cherche alors à « obtenir une tête sur

l'élément en haut à gauche soit en échangeant deux totems soit en échangeant deuxpaysages ». Nous retiendrons de lui surtout de lui son usage « abusif » de l'anamorphose : dehors, c'est le bâti d'un cubeen bois. Dedans, c'est le monde intérieurd'un poète. De quoi est-il fait ? A priori dedivers objets suspendus à des fils de pêche,à l'intérieur du cuhe. Un écran est fixé sur

l'une des faces. Sur la face opposée, un spotprojette une lumière violente sur les objets.Leur ombre reconstitue le visage du poètesur l'écran. Magique, non ?

Paul Kichilov

et son anamorphose de Henri Thomas

EN BREF

Julian Beeuer,champion du trompe |

l'œil par anamorphoseDessinateur de trottoir depuis plus de dixans, l'artiste britannique Julian Beever atravaillé dans le monde entier, représentant aussi bien des tableaux de maîtres que desdessins originaux trèsinventifs. Sa spécialit >et son originalité, c'estl'anamorphose donnant une parfait illusion de 3D. Vu sousun certain angle, celane ressemble à rien,mais vu sous l'angleadéquat, c'est autrechose...

1

Julian Beever par David Shankhone

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente "15

Page 17: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS par Manuel Luque

Images dans une

boule de iloëlRegardez une boule déeorant un sapin de Noël. Le mondealentour s'y reflète, mais defaçon déformée. Quelle loi régiteette réflexion ?

Reflet d'une

sculpture de

Jacques Coquillay

dans une boule de

Noël. La différen

ce de proximité

avec la boule rend

son buste démesu

ré par rapport à

ses jambes,

comme le montre

l'original photo

graphié de face.

C'est la belle nuit de NoëlLa neige étend son manteaublanc

Et les yeux levés vers le ciel,A genoux, les petits enfants.Avant de fermer les paupières,Font une dernière prière.

Cette chanson de Tino Rossi (parolesde Raymond Vincy (1904-1968)) faitpenser aux arbres de Noël et à leursdécorations : les fameuses boules.

Dans les villes, lorsque la visibilité à la

sortie d'un garage ou à un carrefour estinsuffisante, ou bien dans certains

magasins pour des motifs de surveillance, on voit également desmiroirs bombés donnant de

l'environnement un panorama très

large. On peut prendre aussi une bouleargentée ou dorée que l'on suspend aux

branches des sapins de Noël, pour voirle décor se réfléchir dans la boule avec

une distorsion bien particulière.

Les Égyptiens et les Phéniciens fabriquaient des miroirs en verre et

d'après Pline, cité par LouisFiguier dans son livre LesMerveilles de l'industrie, c'est

en Phénicie que furent inven

tés les miroirs de verre : « Ils

sont circulaires et ont cinq àsix centimètres de diamètre.

Leur face extérieure estlégèrement convexe » (voirl'encadré « Les miroirs de

sorcières »).

16 Tangen-te Hors-série n°35. Les transformations

Page 18: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER : LES ORIGINES ARTISTIQUES

Les miroirsde sorcièresLes miroirs de verre qu'évoquent quelquesauteurs du Moyen Âge sont de petitsmiroirs bombés, de médiocre qualité,mais déjà jugés supérieurs aux miroirs demétal. Ce sont ces miroirs, appelés miroirsde sorcières, que représentent les tableauxflamands : celui qui est posé sur la tabledu Prêteur et safemme, 1514, de Quentin jMetsys (1466-1530) ; celui qui pend aumur de la chambre du Mariage deGiovanni Arnolfini, 1434, de Jan van Eyck(1390-1441) ; c'est aussi dans un miroir Le prêteur et sa femme, 1514,bombé que se mire, fascinée, la licorne de de Quentin Metsys. Remarquez le petitl'allégorie de la vue dans la tapisserie La miroir sphérique.Dame à la licorne... Pas plus grands qu'unesoucoupe et toujours bombés, ils déforment l'image. Ces miroirs étaient fabriqués ensoufflant une boule de verre fixée à un pointil et à laquelle était imprimée une rotationrapide : le verre s'évase alors en une sorte de plateau dans lequel on peut découper depetits carreaux. Pour obtenir un miroir, il fallait ensuite pratiquer l'étamage, c'est-à-dire appliquer du plomb à froid dans la partie concave. Cette dernière opération a évolué lentement. On a d'abord remplacé le plomb par l'étain puis, au début du XVI® siècle,les miroitiers ont utilisé le mercure, comme semble l'indiquer le grand trafic de vif-argent transitant alors par Anvers.

Sabine Melchior-Bonnet, Histoire du miroir (1988).

Description du phénomène

L'œil interprète tous les rayons

comme droits, il imagine donc le

point A en A'.

On considère un point lumineux Aémettant des rayons lumineux danstoutes les directions et on isole, par lapensée, un mince pinceau lumineuxqui après réflexion sur le miroirpénètre par la pupille dans l'œil d'unobservateur. L'œil ne « voit » pas leslignes brisées et interprète les rayonsqu'il reçoit comme s'ils venaient toutdroits. Il s'agit d'étudier la réflexiond'un mince pinceau conique émis parA se réfléchissant sur le miroir sphérique et pénétrant dans l'oeil del'observateur. Ce problème est complexe et a été étudié exhaustivement

Hors-série n° 35. Les transformations Tangente 17

Page 19: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS

Expérience de

vision dans une

boule.

Le quadrillage

de la feuille

apparaît défor

mé en barillet.

Images dans une boule de Noël

par Henri Bonasse (1866-1953) au débutdu XX® siècle (voir son livre : Optiquegéométrique supérieure, Delagrave

(Paris), 1917). De nos jours, il est possible de l'étudier de façon approchée,grâce à la puissance de calcul des ordinateurs. Nous pouvons également effectuer quelques calculs simplifiés.

Expérience de uislon dans une boule

Pour effectuer l'expérience, on se sertd'une boule de jardinachetée dans le com

merce, ou d'un petitballon de verre de

5cm de diamètre envi

ron dont on argente lasurface extérieure. On

peut également argen-ter extérieurement une

bille. Sur une très gran

de feuille de carton

blanc E, on trace un

quadrillage en traits noirs épais. Onregarde l'image de ce quadrillage parun petit trou percé au centre du carton(voir la figure « Expérience de vision

dans une boule »).La distance D = TB est prise d'unetrentaine de centimètres. Le quadrillage apparaît déformé en barillet, maisparfaitement net.

Pour avoir une idée de la loi de défor

mation supposons l'oeil assez loinpour que les rayons réfléehis qui y parviennent soient quasi-parallèles.Appelons p' la distanee d'un rayon à ladroite (TB). Soit R le rayon de laboule. L'angle d'incidence / vérifie :sini-i

Le point où le rayon eonjugué coupel'écran E est à une distanee p de (TB)

donnée par la formule :p = D tan 2i.

Une relation entre p et p' en découlevia les formules de trigonométrie. Lenombre p devient infini quand l'angle iest égal à 45° ce qui correspond à

p' = 0,7 R environ. En eonséquence, sigrand que soit le earton, son imageoccupera moins des sept dixièmes dudiamètre de la boule.

Cette formule a permis de eréer

l'image de « Tangente » ci-dessous.

M.L.

On écrit « Tangente » sur une feuille de

papier quadrillé vertieale et « l'aventure

mathématique » sur une feuille horizontale,

ensuite on place ces deux feuilles devant la

boule avec le texte du côté du miroir. Par un

petit trou pereé au centre de la feuille verti

cale, on observe l'image obtenue dans le

miroir, c'est celle-ci qui est reproduite.

18 Tangente Hors-série n°35. Les transformations

Page 20: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

par B. Hauchecorne et J.-J. Dupas

Architecteset mathématiciens !Savez-vous que l'architecte de l'église Sainte Sophied'Istanbul, joyau de l'art byzantin, était aussi unmathématicien ? Lorsque l'empereur Justinien décidede reconstruire cette basilique pour montrer sa puissance, il souhaite la surmonter de la plus grande coupole jamais construite. Il fait appel à Anthemios deTralles connu pour ses travaux mathématiques sur lesconiques. On doit à celui-ci la méthode de construction d'une ellipse avec une ficelle et une étude despropriétés du foyer d'une parabole. La construction commencée en 532 s'acheva cinq ansLa fin des travaux furent l'œuvre d'Isidore de Milet, Anthemios étant décédé en 534.

EN BREF

plus tard.

Plus de onze siècles plus tard, la reconstruction de la cathédrale Saint Paul à Londres, suite àl'incendie qui ravagea la capitale anglaise en 1666, fut aussi l'œuvre d'un mathématicien. ChristopherWren a calculé la longueur de certaines courbes et a montré que l'hyperboloïde à une nappe estengendré par une droite qui tourne autour d'une autre droite non située dans un même plan.

Les larves de moucheset les mathsHubert Duprat est né en 1957, il vit et travaille au sud de la France,c'est à partir des années quatre-vingt qu'il s'est fait connaître parson travail sur les larves des mouches utilisées par les pêcheurs.

Mais ici son inspiration est géométrique comme avec ce magnifique polyèdre hlanc qui sembleêtre un cristal. Si on regarde deplus près, des coniques (cercles,ellipses, paraboles, hyperboles)apparaissent. Comme si les plansdu polyèdre avaient coupé unmonde fait de cônes. Car si pourPlaton, les éléments sont despolyèdres réguliers, pour HubertDuprat, dans cette œuvre, lamatière est faite de cônes.

Hors-série n° 35. Les transformations Tangente 19

Page 21: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

HISTOIRES par Olivier Keller

Transformations

à l'Age de pierreL'homme préhistorique a-t-il inventé la géométrie ?Plusieurs transformations géométriques se trouvent déjàdans Vart de l'Âge de pierre.

Galet taillé sur deux

faces. Hadar,

Éthiopie, vers-2,3millions d'années.

Depuis la Préhistoire, rhommeimpose des régularités auxmatériaux qu'il utilise. La

taille des outils de pierre en est unepreuve aux périodes les plus reculées(Paléolithiques inférieur et moyen :jusque vers -40 000). L'art pariétal etmobilier en sont deux autres au

Paléolithique supérieur (à partir de-40 000 en Europe). Ces régularitéssont des embryons de géométrie.

Symétrie et similitude dans les bifaces

Les premiers outils connus sont deséclats tranchants informes, provenantdu débitage d'un galet au moyen de

gestes réguliers. Très vite, on passe auxpremiers façonnages de galets : untranchant est créé par enlèvement de

quelques éclats de chaque côté. Lasymétrie existe, au moins dans le gestedu tailleur. Elle crée deux surfaces,

dont l'intersection donne le tranchant.

Cependant, cette symétrie gestuelle ne

se traduit guère en une symétrie réelledu galet taillé (voir la figure « Galettaillé »).

Il en est autrement lors de la grandeépoque des bifaces, que l'on trouve parmilliers dans de nombreux sites. Elle a

duré un million d'années jusque vers-500 000 en Afrique et plus tard encore

en Europe. Le façonnage s'étend alorsau galet tout entier, et tend à produiredeux symétries orthogonales par rapport à deux plans perpendiculaires :une symétrie en vue de profil et unesymétrie en vue de face (voir la figure« Biface »).

D'abord outils grossiers, puis de plusen plus perfectionnés au cours dutemps, il semble que les tailleurs ont

20 Tangente Hors-série n°35. Les transformations

Page 22: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER : LES ORIGINES ARTISTIQUES

Biface, avec ses deux plans de symétrie

perpendiculaires. Aurillac, vers

-300 000 ?

cherché à réaliser des symétries parfaites et, par conséquence, les objetsles plus beaux. Dans les symétries lesplus réussies, le pourtour du bifacecontenant le tranchant utile est

situé dans le plan de la symétrieen vue de profil. Les premièreslignes planes que sont les tranchants des bifaces sont créées

par l'action symétrique dutailleur. Les préhistoriens ontrepéré quelques formes standards de bifaces (voir la figure« Quelques types de bifaces »).

Qui dit formes standards dit proportions déterminées, donc similitudes. Le simple relevé de lalargeur maximale et de la hauteur de bifaces peut montrer unecorrélation remarquable (voir lafigure « Diagramme »), même sila recherche sur la question estloin d'être achevée.

Les tailleurs du Paléolithiqueinférieur ont créé, avec un cer

tain sens de la similitude, des

lignes planes, ayant dans certainscas des formes prédéterminées.Mais la ligne proprement diten'apparaît qu'avec l'art pariétal.

Projections et symétriesdans l'art pariétal

Les chevaux, bisons, rennes, mam

mouths, rhinocéros etc. que nous admirons dans les grottes ornées duPaléolithique supérieur peuvent êtreconsidérés comme des projections. Ilsreproduisent sur la paroi rocheusel'image visuelle de ces animaux, c'est-à-dire la projection de l'animal réel surla rétine. Mais ce n'est que partiellement vrai, et dans ce « partiellement »réside tout l'intérêt de l'étude géométrique de l'art pariétal.Une fois la direction choisie (vue dedessus, de profil, de face, de trois-

quarts etc.), la projection, au sensmathématique, ne fait correspondre àchaque point de l'objet projeté qu'un

Quelques types

de bifaces :

triangulaires

(ligne du haut),

cordiformes

(ligne du milieu),

ovalaire, limande

et discoïde

(ligne du bas).

Hors-série n° 35. Les transformations Tangente

Page 23: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

HISTOIRES Transformations à l'Âge...

Diagramme illus

trant une assez

bonne similitude

des bifaces du site

de Kilombe

(Kenya),

vers -700 000.

point de la surface de

représentation ; d'un pointde vue strictement géométrique, nous n'avons àprendre en compte ni les

couleurs, ni les effets de

relief éventuels, et nous ne

devons considérer qu'une

tache uniforme, une ombre

projetée. Une peinture debison avec ses riches

nuances est par conséquentbien davantage qu'uneprojection. Il n'y a guère

que les « mains », négatives ou positives, qui puissent être qualifiées deprojections au sens strict (voir la figure« Main négative »).

Main négative.

Grotte de Pecb-Merie (Lot), vers -16 000

Mais il y a aussi, et en très grandnombre, des images pariétales limitéesà des contours gravés, peints ou dessinés au charbon de bois ; et ces images-là, quant à elles, sont bien moinsqu'une projection, puisque nous n'enavons que le contour, et que celui-cin'est que le signe d'une projection.C'est une frontière qui est ainsi marquée, une limite entre l'image projetéeet son extérieur, matérialisation de

l'idée de ligne. Si l'on accepte ce raisonnement, nos ancêtres de la

Préhistoire ont inventé la ligne sous saforme de contour, symbole de l'image

projetée. Et comme l'art pariétalmontre aussi des contours pointillés,ils ont aussi inventé le point ensymbolisant la ligne (voir la figure« Bouquetins »).

Bouquetins affrontés, dont un en poin

tillé. Noter la symétrie des deux bouque

tins et le signe rectangulaire. Grotte de

Lascaux (Dordogue), vers -15 000.

Par ailleurs les artistes du Paléolithiquesupérieur, loin de se laisser guider parl'impression visuelle spontanée, utilisent au contraire librement diverses

projections dans une même image pourconstruire une figure. C'est parexemple ce que l'on appelle la « perspective tordue », où le corps d'un bisonest représenté de profd, alors que lescornes sont vues de face ou de trois-

quarts (voir la figure « Bison gravé »).

Certains chevaux de Lascaux représen

tés de profil semblent montés sur roulettes, comme les rhinocéros de la

grotte Chauvet ; il est probable qu'ils'agit de sabots en vue de face ou dedessous. On connaît même des cas

extrêmes avec ces représentations dechars mis à plat, fréquents en Chine, auSahara et enEurope duNordà l'Âge dubronze (voir la figure « Chars de l'Âgedu bronze »). Sans discuter les raisonsde ces constructions, il est clair qu'ellessont volontaires, puisque les peintres etdessinateurs de l'époque savaient trèsbien reproduire l'impression visuellespontanée.

22 Tangen±e Hors-série n°35. Les transformations

Page 24: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER : LES ORIGINES ARTISTIQUES

Frises et rondelles dans l'art mobilier

Le décor en frise apparaît sur desobjets allongés en os ou en bois animal(baguettes, propulseurs, harpons etc.)dès les débuts du Paléolithique supérieur. Dans les premières périodes, ilne s'agit que d'une successiond'entailles perpendiculaires à l'axe dela pièce ; plus tard, ces frises s'affinentcomme si une longue pratique avaitprovoqué une analyse isolant et combinant les transformations possibles.Expliquons-nous. Une frise est faited'une succession théoriquement illimi

Types de frises

HH

U

IT

U

/ /

r f/ /

tée de motifs qui se déduisent l'un del'autre par une même translation lelong d'un axe ; le type d'une frise estdéfini par les transformations qui laissent celle-ci invariante. On démontre

qu'il y en a sept (voir le tableau « Lessept types de frises ») ; le type I est letype « maximal », invariant par la totalité des transformations possibles :translations, symétrie orthogonale parrapport à l'axe, symétries orthogonalespar rapport à des droites perpendiculaires à l'axe, symétries par rapportà des points de l'axe et symétriesglissantes (produits d'une symétrie

Transformations présentes

Toutes : translation parallèle à l'axe(t), symétrie par rapport à l'axe (s),

symétries par rapport à certains axesperpendiculaires à l'axe de la pièce(s'), symétries par rapport à certainspoints de l'axe (p), symétries glissantes (sg).

Toutes sauf s.

t et p.

t, s et sg.

t et s'.

t et sg.

Les sept types

de frises.

Hors-série n° 35. Les transformations Tangente 1531

Page 25: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

HISTOIRES Transformations à l'Âge...

Objet Types de frises

Os gravé de La-Roche-

Lalinde. Périgord.

Alignements de chevrons(type IV) et zigzags (type11). Bois de rerme gravé,Laugerie-Basse, Périgord.

Incisions obliques (type111). Bois de rerme gravé,grotte des Espélugues,Pyrénées.

Chevrons superposés etalignés (type V).Gravure sur os du Placard,

Charente.

Frise d'animaux (type VI).Bois de cervidé, Laugerie-Basse, Périgord.

Gravure sur baguette d'os

(typeVll). Saint Marcel,Indre.

Exemple de

« perspective

tordue ». Bison

gravé, La Grèze

(Dordogne), vers

-18 000.

orthogonale par rapport à l'axe etd'une translation parallèle à cet axe).

Tangente Hors-série n°35. Les transformations

Le type VI est le type « minimal », invariant uniquementpar des translations. Entre lesdeux figurent les autres typesinvariants par deux, trois ouquatre transformations.

Or, le type 1 « maximal » est

le seul présent dans les premières frises, simples suitesd'entailles perpendiculaires àl'axe, alors que les autres necontenant qu'une partie des

transformations possiblesn'apparaissent que dans ladernière période duPaléolithique supérieur. Toutse passe comme si unelongue pratique avait provoqué une analyse de la frise detype 1, la plus « globale »,conduisant ainsi à la décou

verte empirique des divers

types de frises, tous présentsdans l'art mobilier comme on

peut le constater dans le

tableau « Exemples defrises ».

La plupart des frises structurent la surface de l'objetdécoré suivant deux direc

tions, l'axe de la pièce et saperpendiculaire, alors que les

compositions géométriques sont raresdans l'art pariétal ; dans ce sens, à travers l'art mobilier, on trouve l'idée de

surface comme objet « de dimensiondeux ». Les graveurs préhistoriquesavaient une idée de symétrie orthogo

nale, et donc une idée de ligne droite etd'angle droit. Dans ces conditions, sil'on accorde le statut de frise à un

motif tel que celui de l'os gravé deLalinde (voir le tableau « Exemples defrises »), les quatre figures centrales

Page 26: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER : LES ORIGINES ARTISTIQUES

que l'on y voit peuvent être appelées rectangles. L'analyse de l'artmobilier amène à attribuer aux

décorateurs de la fin du

Paléolithique l'invention desfigures standard en dimensiondeux. Nous avons parlé de certainsrectangles, il y en a d'autres àLascaux par exemple (voir les

figures « Rectangles » et« Rondelles »), et il y aurait unerecherche intéressante à faire sur

les triangles gravés découverts en2005 dans la « Grotte du Triangle »(voir le site Internethttp ://www.cavemes-saintonge.info/rcdec.htm) en Charente-Maritime.Il nous reste à dire un mot des

cercles.

Exemple de l'un des nombreux

chars de l'âge du bronze en Chine,

en Afrique et en Europe. Gravure

rupestre, Chine.

C'est principalement dans les dernières périodes du Paléolithiquesupérieur que l'on trouve de nombreuses rondelles d'os, d'ivoire ou

de bois animal, généralementconsidérées comme des objets deparure. L'intérêt pour nous estqu'elles ont presque toujours untrou en leur centre et que nombred'entre elles ont un décor rayonnant ; il est difficile de ne pas y voirla matérialisation de l'idée de

cercle, ou au moins de disque, sur-

®(>0,

tout lorsque les rayons contiennentle même nombre de points commedans une rondelle de Sungir (voir lafigure « Rondelles »).

De longs développements serontencore nécessaires, au Néolithiqueet dans les empires primitifs(Égypte et Mésopotamie), pourtransformer ces inventions en

concepts et en systèmes deconcepts, et doimer enfin naissanceau plus ancien texte connu de

science de la géométrie : lesEléments d'Euclide, à Alexandrie,vers -300.

O.K.

Rectangles, grotte

de Lascaux.

Rondelles d'ivoire

de Sungir

(Russie),

vers -23 000.

POUR EN SAVOIR PLUS

• Keller, Olivier. Aux origines de la géométrie. LePaléolithique et le monde des chasseurs-cueilleurs.Paris ; Vuibert, 2004.

• Keller, Olivier. Lafigure et le monde. Une archéologie de la géométrie. Peuples paysans sans écriture etpremières civilisations. Paris : Vuibert, 2006.

Hors-série n° 35. Les transformations Tangente

Page 27: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

ACTIONS par Thierry de La Rue

Réflexionssur le miroirPourquoi le miroir échange-t-il notre bras gauche avec notrebras droit mais pas notre tête avec nos pieds ? Si, avant depasser au travers, Alice avait d'abord tenté de discuter avec lemiroir, ce dernier lui aurait sans doute expliqué quelquesproblèmes de symétries...

En général,un objet

et son rejletne sont pas

superpo-

sables.

Tout en mettant saboucle d'oreille

droite, Alice s'amu

sait de voir que son refletdans le miroir exécutait les

mêmes gestes qu'elle, maisau niveau de son oreille

gauche. Laissant maladroite

ment tomber son autre

boucle, Alice se baissa pourla ramasser. Naturellement

son reflet fit de même, et cela

suscita chez Alice une inter

rogation qu'elle ne put s'empêcher de formuler à voixhaute.

— Dis-moi miroir, pourquoi inverses-tutoujours la droite et la gauche, maisjamais le haut et le bas ?Ayant toujours considéré le miroircomme un objet un peu magique, Alicene s'étonna pas de l'entendre répondre.— Tu vois, Alice, je suis doté du pou

voir de dupliquer l'image des objets et

Il est impossible de superposerun objet à son reflet dans unmiroir.

des gens, mais un phénomène empêcheen général que l'objet réel et son refletsoient superposables : dans l'imagereflétée, l'espace a changé son sens

d'orientation.

Tangen±e Hors-série n°35. Les Transformations

Page 28: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER; LES ORIGINES ARTISTIQUES...

— Qu'est-ce que cela veut dire ?

— Imagine trois arêtes partant d'unsommet d'un cube. Elles représentent

les trois directions de l'espace : droite-gauche, haut-bas, devant-derrière.Colorie-les de trois couleurs diffé

rentes, et représente-toi le reflet de cetobjet : il est impossible de le superposer à l'objet de départ, car si tu faiscoïncider deux des trois couleurs, la

troisième arête part toujours du mauvais côté !

— Tu as raison, confirma Alice aprèsavoir essayé toutes les possibilités. Mais

je constate aussi que je peux choisircelle des trois arêtes qui se trouverareflétée du mauvais côté. Cela ne m'ex

plique pas pourquoi, dans l'image que tume renvoies, ce sont toujours la droite etla gauche qui sont échangées.

miroir, mon beau miroir

— Oh, je n'y suis pour rien, répondit lemiroir. Pour moi, les directions droite-

gauche et haut-bas me sont absolumentindifférentes. Cela tient plutôt à la géométrie du corps humain : la droite et lagauche du corps étant à peu près symé

triques l'une de l'autre, il est possible, àquelques détails près, de superposer lavraie Alice à son image reflétée en échan

geant les côtés droit et gauche. C'estcomme si l'une des trois arêtes du cube

avait été prolongée de manière symétrique de l'autre côté du sommet : le refletdevient alors superposable à l'objet réel,si on échange les deux extrémités del'arête symétrique. En résumé : lagauche et la droite sont inversées pourton image dans le miroir parce que le

Illustration de John Tenniel pour la suite des aventures d'vMice,De l'autre côté du miroir de Lewis Carroll.

Hors-série n°35. Les Transformations Tangen-te IZ71

Page 29: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

ACTIONS Réflexions sur le miroir

(//Un miroir

double

n'inverse pasles images

corps humain possède une symétriegauche-droite, mais pas haut-bas !

— Bon, dit Alice, si ta théorie est bonne,

tu devrais donc pouvoir échanger le haut

et le bas d'un objet qui possède une symétrie par rapport à un plan horizontal...— C'est un défi ?

— Exactement, dit Alice qui cherchait

déjà des yeux un objet qui posséderaitune telle symétrie.Ne trouvant rien qui convienne dans lapièce, elle se retouma et regarda par lafenêtre.

— Ah ! Voilà qui devrait faire l'affaire !dit-elle. Vois-tu ce croissant de lune ? Le

haut et le bas sont symétriques, mais

certainement pas la droite et la gauche,puisque seule la moitié gauche est éclai

rée. Voyons ce que tu peux faire avec untel objet.

Lorsqu'elle se retourna, l'image de lalune que lui renvoyait le miroir rendit

Alice encore plus perplexe.— Décidément, tu ne sais vraiment

qu'inverser la droite et la gauche !Pour le reflet de la lune, c'est mainte

nant la moitié droite qui est éclairée ;

mais le petit nuage qui voilait le hautdu croissant lorsque je regardais par lafenêtre est toujours en haut !

Une main droite est toujours unemain droite

— Euh, oui... Tu semblés avoir raison,

convint le miroir. C'est bizarre, laisse-

moi réfléchir un peu... Oui, il me semblevoir une différence essentielle entre toi

et ce croissant de lune : pour toi, ladroite et la gauche sont définies de

manière intrinsèque, c'est-à-dire que tamain droite est toujours ta main droite,

peut importe d'où l'on te regarde. Maispour le croissant de lune, c'est différent :ce que toi tu nommes la moitié gauchede la lune serait la moitié droite pourquelqu'un qui serait de l'autre côté !— Bon, dit Alice, mais le haut et le bas

ne sont toujours pas échangés !— Là encore, je n'y suis pour rien !C'est toi seule qui dans ce cas peuxdécider d'inverser Tune ou l'autre

direction.

— Je ne vois vraiment pas comment...— En fait, tu observais la lune par la

fenêtre et tu t'es retournée pour voir lereflet. Naturellement tu es restée debout

et tu as pivoté autour d'un axe vertical

pour me faire face. Cela n'a pas changépour toi le haut et le bas, mais les objetsqui étaient à ta gauche sont maintenant àta droite. Imagine que pour te retoumer,tu aies pivoté autour d'un axe horizontal(une barre fixe, comme en gymnastique,

placée parallèlement au miroir). La têteen bas, regarde le reflet de la lune ; c'esttoujours la moitié gauche qui est éclairée,mais cette fois le nuage est en bas.

Comme tu vois, je suis tout aussi capabled'échanger le haut et le bas que la droiteet la gauche !

T.R.

Bibliographie

Martin Gardner, L'Univers ambidextre,

Dunod, 1967.

rzsi Tangente Hors-série n°35. Les Transformations

Page 30: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

par Michel Criton

Essais à

transformer

JEUX & PROBLEMES

HS3501 - La frise O

Une frise est constituée d'une figure d'uneforme curieuse qui se répète 40 fois.

1 2 3

Sachant qu'un petit carreau représente Icui^, quel est lepérimètre delafrise ainsi construite ?

HS3502 - Une frise qui défrise ✓

Thomas a découpé quarante formesidentiques à celle représentée ci-contre.Il a commencé à les assembler en une

frise régulière.

Lorsqu'il aura fini de poser la 40®

forme,

quel sera

le périmètre de

la frise

ainsi for

mée ?

3 cm

1 cm

0,0»

Niveau de difficultéo

✓✓

✓✓✓

très facile

facile

pas faciledifficile

✓✓✓✓ très difficile

HS3503 - Les dents de la mer o

Ce puzzle est constitué de deuxpièces identiques posées sur un

support plan. Lesseuls mouve

ments autorisés

sont les mouve

ments de transla

tion dans le plan commun desdeux figures.En combien de mouvements, au

minimum, peut-on les désolida

riser l'une de l'autre ?

HS3504 - Les iiesaminos ✓

Un hexamino est un assemblage de sixpetits carrés identiques (l'assemblagese faisant par les côtés des carrés). Ilexiste 35 hexaminos différents (sanscompter les symétriques).Quels sont ceux qui possèdent un ouplusieurs axes de symétrie ?Quels sont ceux quipossèdent un centre

de symétrie ? 1234 567 8 9 10

m

0 0 0 i,

Source des problèmesChampionnat des Jeux Mathématiques et Logiques (HS3501, HS3502)Revue Ciibismforfun (HS3503) Manuel Aventore Math (HS3504)

Suite en page 33.

Hors-série n°35. Les Transformations Tangen±e |

Page 31: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

ACTIONS par Michel Criton

DécoupagessiamoisKimmo Eriksson a trouvé un algorithme permettant de vérifier si une figure est composée de deux parties superposables.

Un simplepuzzle peutêtre à l'ori

gine d'unalgorithme

Les problèmes de découpagessont considérés plutôt comme

des puzzles que comme devéritables problèmes. La raison en estque très peu de méthodes existent pourétudier les découpages, et que l'intuition inspirée est souvent plus utile quele raisonnement pur. Il existe cependant quelques pistes pour les étudiersystématiquement.

Nous considérerons les découpages

d'une figure en deux parties superposables. Nous ne citerons que pourmémoire les figures présentant un axe

de symétrie, qui, demanière évidente,

sont « découpables »(sécables) en deux

parties superposables (après retournement de l'une des

deux). On notera

cependant qu'un teldécoupage selon un

axe de symétrie n'exLa carafe.

clut pas l'existence d'un autre découpage, comme le montre Lm Carafe.De même, toute figure admettant un

centre de symétrie peut être partagéeen deux parties congruentes, et ced'une infinité de façons (sans retournement). Un exemple en est donné par

les symboles yin et yang.

Le Taijitu (symbole du YînYang).

Le jeu devient plus intéressant, maisplus difficile aussi, pour des figures neprésentant aucune symétrie. Ainsi, la« silhouette d'usine » (voir L'Usine)

peut être découpée en deux partiessuperposables.Il est facile de construire un tel problème : on assemble deux exemplairesd'une même figure, l'un des deux ayant

1301 Tangente Hors-série n°35. Les Transformations

Page 32: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER: LES ORIGINES ARTISTIQUES.

éventuellement été retourné au préalable. Il est beaucoup moins facile dele résoudre.

L'usine.

La méthode de Kimmo Eriksson

Kimmo Eriksson, brillant et éclectiquemathématicien suédois, a imaginé uneméthode systématique de résolution de ceproblème. Pour cela, on considère l'ensemble S des « sommets » (A, D, F et H

sur la figure) auxquels on adjoint lesmilieux des « côtés » (B, E, G et I) dupolygone à découper. On choisit deuxpoints de l'ensemble S (D et F ici) et unsens de déplacement à partir de chacunde ces deux points (il y a donc quatrechoix possibles).

On se déplace alors« parallèlement »sur le bord de la

figure en partantdes deux points. Lemot « parallèle-

Préliminaire de ment » ne doit pasla méthode de gtj-g p^s dans leK. Eriksson. ggjjg littéral, il

signifie que les trajets engendrent des tracés superposables. L'algorithme deKimmo Eriksson repose sur le fait que, siune figure T est décomposable en deuxparties superposables (on dira que cesdeux parties se correspondent), alors ilexiste deux parties du bord de T qui secorrespondent. Autrement dit, l'image dubord de T dans la correspondance entreles deux parties ne peut être entièrementincluse dans l'intérieur de T.

La seule difficulté, non négligeable,réside dans le choix des deux points de

départ parmi les points de l'ensemble S,et, dans une moindre mesure, dans le

choix des sens de déplacement (il n'y aque quatre possibilités à essayer).Lorsqu'une tentative n'aboutit pas, dedeux choses l'une. Soit on se trouve

confronté à une impossibilité de déplace

ment pour l'un des deux tracés avant queceux-ci ne se soient refermés (il y aimpossibilité si chacun des deux tracés,par exemple, doit sortir de la figure poursuivre l'autre). Soit les deux tracés se

referment, formant ainsi deux partiessuperposables, mais il reste une partie dela figure qui n'est incluse dans aucune desdeux parties.

Questions ouuertes

Afin que vous puissiez vraiment testercette méthode, nous avons rassemblé

pour vous 38 figures à partager en deuxparties superposables. Quelques questions demeurent ouvertes :

1 - Existe-t-il des cas où la méthode de

Kimmo Eriksson est inapplicable ?2 - Est-U toujours suffisantde prendre lessommets et les milieux des côtés ?

3 - Existe-t-il des figures non trivialesdécomposables de plus de deux façons ?

M.C.

Kimmo Eriksson né en 1967 enSuède est professeur de mathématiques à l'université deMâlardalen en Suède. Il est

notamment spécialiste de combinatoire et de théorie des jeux.

Méthode de

Kimmo

Eriksson.

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente I3n

Page 33: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS Découpages siamois

Solutions en page 156.

Tangente Hors-série n°35. Les Transformations

Page 34: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

par Michel Crlton JEUX & PROBLEMES

HS3505 - Symdoku ✓

La grille ci-dessous est une grille desudoku classique dans laquelle on a larègle supplémentaire suivante :la somme des nombres situés dans deux

cases symétriques par rapport au centre

de la grille est toujours égale à 10.

Complétez cette grille.

HS3506 - L'effet miroir ✓✓

Anna est en train de se

faire belle, car elle sort

aujourd'hui... Soudain,

elle aperçoit sa penduledans le miroir (c'est une

pendule à aiguilles et elleest à l'heure). Horreur, il

est exactement l'heure où

elle devrait partir et elle

n'est pas prête ! Elle jette alors un coupd'œil à l'horloge de l'église (qui est àl'heure), par la fenêtre, et elle constatequ'elle dispose encore d'exactement uneheure pour se préparer.

Dessinez les positions de la petite etde la grande aiguille de l'horloge del'église.

HS3507 - Symétrie à trois chiffres ✓✓

L'affichage de cette calculatrice est àcristaux liquides. Chacun des chiffres

de 0 à 9 s'affiche grâce àl'allumage de certains cristaux dans une matrice fixe

de sept cristaux liquides(voir figure ci-dessus). Les

matrices de l'écran sont

régulièrement espacées.

L'affichage de certains nombres à troischiffres, lorsqu'il apparaît sur l'écran,présente un centre de symétrie.Combien y a-t-il de nombres à trois

chiffres (ne commençant pas par unzéro) présentant cette propriété ?Remarques ; Le chiffre 1 s'affiche toujours à droite dans la matrice. Dans lasymétrie, on ne prend en compte queles cristaux allumés.

HS3508 - Symétrie sans retournement✓✓

On veut découper le triangle ABC,puis déplacer les morceaux sans lesretourner et les réarranger de façon àrecouvrir exactement le triangle DBF.

C E

À vous de jouer !

Niveau de difficultéo

✓✓

✓✓✓

✓✓✓✓

très facile0

facile

pas facile

difficile

très difficile

Source des probièmesChampionnat des Jeux Mathématiques et Logiques(HS3506,HS3507)

Waaaéi Aventure Math (HS3505)121 rapidos et autres énigmes mathématiques (HS3508)

Suite en page 46.

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente

Page 35: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS par Hervé Lehning

Projectionet photographieComme la peinture, la photographie consiste à représenter l'espace sur un plan, donc à réaliser une projection, dans le sensgénéral utihsé en cartographie par exemple.

La projection de M

sur P est le point m

tel que (mM) soit

orthogonale à F.

Lanotion de projectionaun sensprécis en géométrie. Elle esttrès utilisée en dessin industriel

(et en géométrie descriptive) commeen infographie. La peinture et la photographie utilisent une transformationtrès proche de celle-ci.

Projection orthogonale

Par définition, la projection d'un pointM sur un plan P est l'unique point m deP telle que la droite (mM) soit orthogonale à P.

34 Tangente Hors-série n° 35

Cette définition point par point permet de visualiser la projection d'objets plus compliqués. Son principaldéfaut est de ne pas permettre de

voir l'éloignement et l'épaisseur desobjets. Par exemple, l'image d'untétraèdre peut être un quadrilatèreavec ses diagonales intérieures ou untriangle, ou encore d'autres figures.

Projections de tétraèdres sur un plan.

Page 36: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER : LES ORIGINES ARTISTIQUES...

Photographie

La photographie n'utilise pas une projection orthogonale mais la transformation décrite sur la figure « Visualisationen photographie ».Si l'objet photographié est situé à l'infini, les rayons passant par O sont pratiquement parallèles, l'image estalors la projectionde l'objet sur P.

Visualisation en photographie. Le plande vision F est sjanétrique du capteurnumérique ou de la pellicule par rapportà l'objectif 0. Les rayons issus de Odécoupent l'image (triangle en jaune) del'objet (triangle en vert) sur P.

En première approximation, nous pouvons donc considérer cette transforma

tion comme une projection orthogonale.

Rngle de prise de oue

En photographie, nous avons le choix dela position de l'objectif et du plan ducapteur (O et F sur la figureVisualisation en photographie). Cela

donne des effets « naturels ». Le

même objet pourra apparaîtredans ses dimensions normales,

allongés ou rétrécis suivantl'angle de prise de vue.

H.L.

Photogi-aphie : Hei-vé Lehning

Sculpture deFrançoise Naudetvue sous différents

angles.Sous un même

éclairage, les couleurs sont de plusmodifiées.

La vue en stéréo Une projection cartographique consiste àétablir une correspondance biunivoque entre la surface de la terre etune surface qui puisse être étalée sans déformation surun plan, une surface développable. L'intersection d'une droite etd'une surface fermée strictementconvexe définit deux points. Àchaque droite passant par un point fixe, le pôle de la projection, correspond alors un point unique de notre surface. La projection stéréographique de pôle Sétablitsimplement une bijection entre un point Mde la surface,autre que S,et la trace de la droite (SM)sur une surface, que l'on choisit développable pour eneffectuer une carte exploitable.Cette surface de projection est habituellement un plan, perpendiculaire au diamètre passant par le pôle,dans le cas d'une sphère. Cette projection conserve les cercles, hormis les méridiennes qui sonttransformées endroites, et les angles, ce qui facilite letracé des loxodromies, courbes maritimesà cap constant. L'apogée dela notoriété decette projection sesitue à l'époque médiévalepuisque les cercles constituant le tympan d'un astrolabe correspondent aux projections stéréo-graphiques des éléments constitutifs de la voûte céleste :cercles des tropiques, de l'équateur etdel'écliptique (projection dela trajectoire du soleil). Elle estencore actuellement utilisée encristallographie. Une magnifique illustration animée de la projection stéréographique setrouve sur le site ;http://www,dimensions-math.org/Dim_fr.htm.

François Lavallou

Astrol<:ib6

Hors-série n° 35. Tangen-te 35

Page 37: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS par Alain Zalmanski

L'anamorphoseou l'art de la perspectiue secrète

Comment peindre un objet au sol ? Comment cacher une imagedans un tableau ? Aucune magie dans la réponse, maisl'anamorphose.

Ôblasphème del'art ! ô suiprise fatale !La femme au corps divin, promettant le bonheur,Par le haut se termine en monstre bicéphale !

Charles Baudelaire, Le masque.

L'anamorphose est une particularité étonnante de la perspective, que Charles Baudelaire

évoque dans ces vers extraits des Fleursdu mal. Découverte dans l'art dès le

Moyen Âge, c'est l'une desapplicationsdes travaux liant la vision des objets etleur projection de Piero délia Francesca

en 1469. Elle fut analysée et étudiée parun disciple de Mersenne, le Père Jean-François Nicéron en 1636, en tant quedéfonnation réversible d'une image àl'aide d'un système optique - tel immiroir courbe - ou par un procédé mathématique (voir l'article Image dans uneboule de Noël). Déjà en 1525, Dûrer mentionnait avec admiration cet « art de la

perspective secrète » qui permet à la foisde rendre compte de la vision réelle d'unobservateur tout en trompant son œil.

L'anamorphose est un facteur de réalisme,car elle restitue la troisième dimension.

36 Tangen-te i!ors-série n° 35 Les transforma

Une question d'ombre

L'anamorphose est un facteur de réalisme, car elle restitue la troisième

dimension. Au contraire de la perspec

tive, avec qui elle partage cette propriété,elle entraîne une déformation « fantas

tique » et « aberrante » qui a passionnénombre d'artistes, de Léonard de Vinci

(1452-1519) à Salvador Dali(1904-1989) ou Maurits CornelisEscher (1898-1972).

Léonard de Vinci a donné une méthode

pour obtenir une image plane anamor-phique : « On place une source lumineuse derrière une plaque de ferpercée d'un trou en son milieu, on posel'objet ou la figure à dessiner prèsd'un mur, on trace le contour de

l'ombre sur le mur... » La représenta

tion murale ne restituera une image

fidèle de l'objet que si l'on se place àl'endroit où se trouvait la source lumi

neuse.

Autrement dit, les premières anamor

phoses sont les ombres portées sur lesol ou les murs (voir la photographieTaureau chargeant).

Page 38: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

LES ORIGINES ARTISTIQUES DE LA GÉOMÉTRIE

De même, le tableau Les ambassadeurs,

de Hans Holbein le Jeune (1497-1543),contient l'anamorphose d'une tête demort que l'on ne peut voir qu'en regardant le tableau avec une vue rasante

(voir l'article Transformations géométriques, tout un art). Il s'agit d'un message caché. Ce tableau et les

anamorphoses ont fasciné le psychanalyste Jacques Lacan (1901-1981), qui ena fait le thème de son séminaire sur le

regard et la subjectivité de la visionimmédiate, illustration de son schéma R

(pour Réalité). Dans ce concept, le fan

tasme s'intercale entre le Sujet etl'Autre (son image déformée ou subliminale). La Réalité est à distinguer duRéel, puisqu'elle sert, via le fantasme, à s'en préserver.

Hnamorphosesindirectes

Il existe d'autres

types d'anamorphoses, où l'oninterpose unmiroir quelconque sphé-

rique, coniqueou cylindriqueentre l'observa

teur et le dessin qui,déformé, s'y reconstitue. C'est le phénomènedes miroirs déformants quel'on trouve dans les animations

foraines où des cuillères dont les

enfants se servent pour examiner leurpropre reflet (voir l'article Image dansune boule de Noël et la figureAnamorphose conique de la Joconde).Le sphinx des glaces contient ainsi unétrange paysage polaire. En y plaçantun miroir cylindrique à la place de lalune, on peut y voir le visage de l'auteur ; Jules Verne (1828-1905).

Paysage polaireoù se cache le

portrait de JulesVerne. Pour le

voir, il est nécessaire de placer

un miroir cylindrique à la place

de la lune.

Taureau chargeant un toréador, àgauche, et son ombre portée au

sol, à droite (redressée poursembler verticale). Corrida àArles, 2007. Photographie :

Hervé Lehning;

Anamorphose conique de laJoconde, réalisée grâce à unlogiciel de simulation.

-es transformations Hors-série n° 35. Tangente 37

Page 39: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS L'anamorphose

Restitution du portrait de Jules Verne.

Mur peint par anamorphose à GentiUy.Réalisation :

Dominique Antony(voir l'encadré L'Artde la peinturemurale).

De nos jours, les anamorphoses possèdent des champs d'action très diversifiés, soit pour transformer l'image etmieux la restituer, soit pour la travestir

en réservant le décryptage aux seulsinitiés, soit enfin pour résoudre des

problèmes techniques.On les trouve dans les trompe-l'œil despeintures murales ou en architecture.Elles consistent à peindre d'une façondéformée et calculée une image qui sereconstituera en fonction d'un point devue donné et donnera à la peinturemurale une impression de relief et deréalité spatiale.

Projection cinématographique

Une salle de cinéma est toujours pluslarge que haute ; si l'on veut une imageplus grande, pour un « grand spectacle »,

Tangente rse

il faut projeter une image plus large.Les formats de projection larges peuvent être obtenus en réduisant la hau

teur de l'image sur la pellicule, et enl'agrandissant à l'écran. Mais si l'ongrossit trop l'image, on obtient uneimage de qualité médiocre car la résolution liée à la pellicule est limitée. Lesystème du CinemaScope consiste àcompresser l'image dans le sens de lalargeur sur la pellicule (soit à la prisede vue, soit lors du tirage), puis à ladécompresser à la projection.

Cartographie

Les anamorphoses sont utilisées encartographie statistique pour montrerl'importance d'un phénomène donné.La carte ne représente alors plus la réalité géographique mais la réalité duphénomène. Par exemple, une commune sera agrandie par rapport aux

autres si elle contient plus de chômeursque la moyenne des autres.

Br*»l •

^wrbourg

Rennes

/ \ \ ' Rouen

II/ /) / A

• Bordeaux

S.^sbou

ClennonIFerrandy"

/Montpellier

Toulouse

Perpignan

Carte de France où les distances représentent les temps de transport par le train.

On fabrique également des cartes enanamorphose pour percevoir les effetsdes réseaux de transport. C'est ainsique l'on a réalisé des cartes de Franceoù la distance entre les villes n'est pas

Page 40: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

liée au nombre de kilomètres qui lesséparent mais au temps nécessairepour aller de l'une à l'autre en train.Lyon est plus loin de Paris queVézelay par la route, cependant onpeut se rendre beaucoup plus rapidement à Lyon par le TGV. Ainsi, l'espace peut être différemment perçu sil'on considère la vitesse de transport.La signalisation routière peinte directement sur le sol fait également appel àl'anamorphose afin que les usagers dela route aient une vue non déformée

d'une image ou d'un texte lorsqu'il sesitue à une certaine distance. Dans de

nombreux pays, une anamorphose sertà indiquer une piste cyclable, par unvélo peint sur le sol et qui semble étiréen hauteur quand on le regarde du des-

M Am-ISTIQUES DE LA GÉOlVIÉTRiE

Signalisation sur le sol, telle qu'est vue par les usagers de la route(à gauche) et telle qu'elle est peinte (à droite).

sus. Dans le même esprit, sur les terrains de sport, on peint certains messages publicitaires par anamorphose,quand ils se trouvent à des endroits oùla prise de vue est rasante.

A.Z.

L'anamorphose consiste à peindre de façon déformée et calculée une image qui se reconstituera, vue d'un point de vue préétabli, et donnera à la peinture murale une impression derelief et donc de réalité spatiale. C'est l'effet de surprise créé par l'anamorphose : elle saute

l^as, vue sous cet angle. Le site de Dominique Antonytient davantage d'exemjples.

IAwl m tfv'vi 11h ii i • i iTTa TuTT

f Hîfp://www.peinturemurale.com/f

Les ombres montrent que l'homme sur cette imagene fait partie du trompe-I'œil. 6

•Hs'agit dfiJ'auteur (Dominique Antony).• rr l'une de ses réalisations.

Les transformations Hors-série n° 35. Tangen-te

Page 41: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS L'a rniorph«

ià i';:et séométri mAvant de construire une anamorphose, il estnéeessaire d'en analyser et d'en définirlesparamètres, telsquela taille ou la surfacede l'image anamorphique , la positionde l'observateurO^, la taille de l'image àtraiter P qui se trouve dansun plan p, en général orthogonal au plan a.

Les relations géométriquesentre les divers paramètressont données dans la

figure ci-après et legraphique montre

qu'à tout pointde P correspond un pointde P^.11 s'agit du cas le plus simple: celuid'une anamorphose plane,dans laquelle on chercheen fait l'intersectiond'un tronc de pyramideou de cône et d'un plan perpendiculaire à la base de ce solide. N'oublions pas quel'une des premières projec-lions déformantes fut celle de

Gerardus Mercator en 1569,

projection cylindrique duglobe terrestre sur une carte.

Les parallèles et les méridienssont des lignes droites et l'inévitable étirement Est-Ouest

en dehors de l'équateur estaccompagné par un étirement Nord-Sud correspondant, de telle sorte que l'échelleEst-Ouest est partout semblable à l'échelle Nord-Sud. Une carte deMercatorne peutcouvrirlespôles : ils seraientinfiniment hauts.À titre d'exemple, traitons leproblème inverse et supposons qu'uncône derévolutionréfléchissant, de sommet S, soit posé sur une table sur laquelle une figure P aété tracée. L'œil O, placé sur l'axe de révolution, au-dessus du sommet S, perçoit, après réflexion sur la surface latérale,une image P' qui lui paraît provenirégalement de la surface de la table.Comment déterminer F de manière telle que F' soit une figure préalablementimposée ? Les solutions analytiques existent, en polaire comme en paramétrique. Mais il est possible de traiter le problème graphiquement, en utilisantdes méthodes élémentaires de la géométrie descriptive dont les bases, énoncées par Durer, ont été formaliséespar Gaspard Monge (1746-1818).Le plan de projection est constitué par la table et le plan de projection sera unplan verticalpassant par l'axe du cône. Soit P un point de la table. Nous souhaitons trouverun point P' de la table tel qu'un rayon lumineuxissude P' soitréfléchi suivant la droite (PO). Les lois de la réflexion fournissent une solutionimmédiate pour les points P situés dans le plan de projection.Imposons à l'espace unerotation autour de l'axe de symétrie du cônequiamène le point P surun point Q situédansle planvertical. Le rayon réfléchi LFO" (quiprolonge Q'U') provient d'un rayon incident Rlf émanantd'un point R'' de la table. La rotation inverse de celle utilisée précédemment amène R'' en le point P''' recherché.L'avènement de l'informatique a bien entendu grandement facilité la constructiond'une très grande variétéd'anamorphoses.

40 Tangenlze r .30 Les Iran:

Page 42: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

Les Jijijjjjîirliii:Les similitudes aï i;ijjji:ijj;jjjii]Les groupes* aiLa tronsfdrmation ^Formes, iliJunjjîjilijjjj: si jjjyuj'Jijjj]Transformer, iju^us; JLes formes iJu iiimjjil iJiijriUœit du topologue aï jjjijjjjijjjjijLa projection centrale aïLa géométrie jjrojiiLijyijL'inuersion aï ïuibaïazL'inuersion aï lu i:ijui:i:ii uu IjujjCoxeter, ils lu -iiîujjjiirji; ii ru;iHistoire lia iiuuijjujjiTranslater, ijuurri;Points aï ij-uu/u^ juyu/iujjluForme ilii: ij/uujjiii: iJ'uriJji; jjiî

|j. 42!S p. 48

p. 50p. 54p. 56p. 62p. 66p. 74p. 80p. 82p. 84p. 88p. 92p. 96p. 100p. 104p.110

À quoi servent les transformations géométriques enmathématiques ? La réponse se trouve dans le programmed'Erlangen. Les groupes de transformations structurent lagéométrie en ses diverses branches : affine, métrique etc.Nicolas Bourbaki généralisa cette idée en plaçant la notion degroupe au centre des mathématiques.

série n° 35. Les transformations Tangente

Page 43: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS par Michel Criton

Les isométriesdu planL'usage du papier calque sur une planche à dessin donne unebonne idée de ce que sont les isométries du plan. Une figurequelconque peut être reproduite n'importe où sur la planche, àl'identique et sans aucune déformation, le calque ayant étéretourné ou non selon le cas.

Les taches du

pelage des zèbres

répondent à une

règle de forma

tion, que l'on

peut reproduire

de manière algo

rithmique, ce

qu'Alan Tiiring a

fait en 1952 (voir

Tangente 123).

Par endroits,

nous retrouvons

des trafislations.

Photographie :Hervé Lehning

L'e mot « isométrie » (des motsgrecs isos, « égal » et metron,

(« mesure ») est d'utilisationassez récente. Jusqu'au début des

années 1960, on employait plutôt lesexpressions « figures égales », « figuressuperposables » ou plus savamment« figures congruentes » pour parler defigures isométriques. Une isométrie estune bijection du plan sur lui-même quiconserve les distances : si M et N sont

deux points quelconques du plan et si

1

TdSrtjgjen'Ée+l<5FS-^rie _n^

Â

M' et N' sont leurs images respectivespar une certaine isométrie du plan,alors on a M'N' = MN.

Les isométries se classent en deux types.Dans les « déplacements » ou « isométries directes » (ou encore « positives »),les figures ne sont pas retournées dansla transformation. On peut imaginerqu'on a seulement fait glisser le papiercalque sur la planche à dessin, sans àaucun moment le soulever de la

planche, avant de reproduire ime figure.

Page 44: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER LE REGARD DU MATHEMATICIEN

Dans les « antidéplacements » ou « iso-métries indirectes » (ou « négatives »,ou encore « opposées »), les figuressont retoumées dans la transformation.

On peut imaginer qu'on a retourné la

feuille de papier calque sur la plancheà dessin avant de reproduire unefigure. Si une figure contient au moinstrois points non alignés, il est impos

Translation

sible de superposer cette figure et sonimage par une isomérie négative sansun retournement. Dans le plan, quatretypes d'isométries suffisent à décriretoutes les isométries. Toute isométrie

positive du plan est soit une translation, soit une rotation. Toute isométrie

négative du plan est soit une symétrieorthogonale, soit une symétrie glissée.

Rotation

Dans une translation de vecteur non nul, il n'ya aucun point qui soit sa propre image.Autrement dit, il n'y a aucun « point fixe » ou« point invariant ».

Symétrie axiale

Dans une symétrie orthogonale (ousymétrie « axiale » ou encore «réflexion ») d'axe (A), les seuls pointsinvariants sont les points appartenantà l'axedela symétrie. ^

Dans une rotation de centre O et

d'angle non nul, il existe un seul pointinvariant : le centre de rotation. La

symétrie centrale (symétrie par rapportà un point) est un cas particulier derotation d'angle égal à 180°.

Symétrie glissée

les quatre types

d'isométries

Dans une symétrie glissée de vecteurnon nul, il n'y a aucun point invariant,mais l'axe (A) est globalement invariant :la droite glisse sur elle-même.

Hors-série n° 35. Tangente 43

Page 45: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS

Composition de

deux symétries

orthogonales

d'axes parallèles.

Le lapin est trans

laté d'un vecteur

double de celui

de la translation

qui transforme lepremier axe en le

second.

La composition

de deux symétries

orthogonales

d'axes sécants en

un point O est

une rotation de

centre O.

Les isométries du plan

Isométries et structure de groupe

L'ensemble des isométries du plan,muni de la composition des applications (la composée de deux isométriesdu plan est toujours une isométrie duplan) possède une structure de groupe

(voir l'article Les groupes, abstraits etconcrets).

L'ensemble des translations constitue un

sous-groupe du groupe des isométries duplan. Toute isométrie du plan peuts'écrire comme composée d'au plus troissymétries orthogonales. La composée de

i44 Tangente Hors-série n° 35

Page 46: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER LE REGARD DU MATHEMATICIEN

Le groupe des isométries du

plan n'est pas commutatif

(S'j OS'2 + S'2o S'j).

deux symétries orthogonales d'axesparallèles est une translation tandis que lacomposée de deux symétries orthogonales d'axes sécants est une rotation.

Les isométries de l'espace

Les isométries du plan se généralisentaisément à l'espace : la translationassociée à un vecteur donné et la rota

tion associée à un axe et d'angle donnése transposent telles quelles à l'espaceà trois dimensions. La symétrie orthogonale ou réflexion devient symétrie

par rapport à un plan (au lieu de symé

52

S20 s.

trie parrapport à une droite). À la différence du plan, où l'on peut mentalementretourner une figure pour se représenterson image par une symétrie orthogonale

(mais on sort alors du plan), il n'est paspossible de se représenter un déplacement permettant de passer d'un solidenon plan à son image-miroir. La symé

trie glissée s'effectue également par rapport à un plan. A ces transformations, ilfaut en ajouter une : le vissage, composée d'une rotation et d'une translation

dont le vecteur a même direction quel'axe de la rotation.

M. C.

D

0

A

Le vissage d'axe.D, d'angle 0 etde vecteur u.

Hors-série n° 35. Tangen±e

Page 47: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

JEUX & PROBLEMES par Michel Criton

HS3509 - Le podium olympique ✓✓

Un podium olympique revêt, vu de

côté, la forme de la figure.Sauriez-vous le découper, selon leslignes du quadrillage, de façon àobtenir deux morceaux identiques, à

une translation et une rotation près, etun troisième morceau

similaire, à une trans

lation et un retourne

ment près, dont tousles côtés sont dilatés

d'un même facteur parrapport aux deux

autres ?

HS3510 - Une table tournante ✓✓

Pour ce repas, la maîtresse de maison

avait prévu la place des sept personnesprésentes en indiquant le prénom dechacune sur un carton.

Malheureusement, elle avait laissé les

cartons retournés de sorte que chacuns'est assis n'importe où et, lorsqu'on aretourné les cartons, on a pu constaterque personne n'était assis à la placeprévue pour lui.« Qu'à cela ne tienne, lança un invité,faisons tourner la table, nous évite

rons déjà à certains d'entre nous de

changer de place ! »

1. En choisissant la rotation imposéeà la table, les invités sont certains depouvoir mettre combien d'entreeux, au minimum, face au carton

portant leurs prénoms ?

Gérard

2. On suppose maintenant qu'un et un

seul des convives est en face du carton

portant son prénom.En tournant la table, est-on certain

d'améliorer la situation ? On consi

dérera que l'on a amélioré la situationsi le nombre de convives assis en face

du carton portant leur prénom a augmenté.

HS3511 - Le parchemin ✓✓✓

Sur ce parchemin

ne figurent qu'un

carré, trois segments et trois

indications de

longueur.Déterminer

l'angle 'AFD'.On pourra construire l'image de cettefigure par la rotation de centre Ad'angle 90° qui transforme le point Ben le point D.

Source des problèmesChampionnat des Jeux Mathématiques et Logiques (HS3509)Revue La Recherche (HS3510)Affaire de Logique, journal Le Monde (HS3511)

O

✓✓

✓✓✓

très facile

facile

pas faciledifficile

très difficile

Suite en page 79.

46 Tangente Hors-série n°35. Les Transformations

Page 48: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

par E. Busser EN BREF

Irène Rousseau : jeter des ponts« En tant qu'artiste, dit Irène Rousseau,peintre et scnlptenr américaine née en 1941,jeter des ponts entre arts, sciences etmathématiques m'intéresse. D'où messculptures, où j'explore la lumière commel'espace et le temps comme un "médium"

artistique. [...]Mes sculpturessont géométriques et j'explore le conceptd'ambiguïté etde paradoxe.Mes règles engéométrie sontles problèmes desymétrie utilisant des

modules et la

Sculpture monumentale tapologie,parfois les

de I. Rousseau :

Transformation.pavages.

Née à Londres en

1931, cette artiste,qui met la percep-

"•TlïiTlTl~B cœurde ses_ ~i I lllllllll I I tableaux, nous fait

CILB 11IJil111 I nous interroger sur• VlVlllII iVl ce que nousMouvement en carrés voyons, ou plu(B. Riley, 1961) ^êt ce que nous

croyons voir.Son œuvre est en effet basée sur les formes

géométriques et les effets d'optique. C'estvers 1950, en représentant des paysagesproches du pointillisme de Seurat (1859-1891), que B. Riley en est venue, subissantaussi l'influence de Vasarely, à travailler sur

Irène Rousseau ne se prive pas, dans sesœuvres, d'utiliser les transformations géométriques, au point même de donner le titreTransformation à l'une de ses sculpturesgarnies de mosaïques. Elle utilise couramment, comme elle dit, la symétrie mais aussila rotation ou la similitude, comme dans lasculpture murale Formes volantes.

Sculpture murale : Formes volantes.

les effets d'optique. Sesœuvres en noir et blanc

n'utilisant qu'un nombrelimité de formes géométriques, produisent à la foi;une sensation de mouve

ment, d'espace et d'effetslumineux. Ses tableaux uti

lisent en permanence desRespiration transformations géomé-(B. Riley, 1966) triques simples mais

spectaculaires comme latranslation et l'homothétie conjuguées. LeMusée d'art moderne de la Ville de Paris lui

a consacré une exposition rétrospective aucours de l'été 2008.

Hors-série n° 35. Les Transformations Tangente

Page 49: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

ACTIONS par Michel Criton

Les similitudeset les transformations affinesLes similitudes sont à la base de la géométrie métrique et lestransformations affines à la base de la géométrie affine.Comment sont-elles définies ?

Une similitude

est toujours lacomposée

d'une honio-

thétie et d'une

isométrie.

La classification des transformations du plan et del'espace se fait à partir des

propriétés de conservation. Lorsque lesdistances sont conservées, on a affaire

à des isométries. Lorsque ce sont lesrapports de distances, il s'agit de similitudes ; lorsque la conservation netouche que le parallélisme des droites,les transformations sont dites affines.

Similitudes

Si, dans une transformation, toutes les

distances sont multipliées par un même

»] El

coefficient k strictement positif (ce coef

ficient est appelé rapport de similitude),cette transformation est une similitude.

• Si 0 < /c < 1, la similitude est une

réduction,

»sik= 1, la similitude est une isométrie,

* sik> 1, la similitude est un agrandissement.

Une similitude est toujours la composée

d'une homothétie et d'une isométrie. On

rappelle qu'une homothétie de centre G

et de rapport r (non nul) est une transformation du plan qui à tout point Pdonne pour image le point F' tel que :

• G, P et F' sont alignés,

•OT' = rÔP.

Dans l'exemple ci-dessus, en B, le cavalier de la figure A a subi une similitudedirecte de rapport le < i ; en C, il a subi une similitude directe de rapport fc > l ;en D, il a subi une similitude indirecte de rapport fc < i.

Tangente Hors-série n°35. Les Transformations

Page 50: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

L'ensemble des similitudes forme un

sous-groupe du groupe des transformations, qui contient le sous-groupe des

isométries.

Transformations affines

Le terme « affinité » a été introduit par

Euler en 1748. Dans un texte dont le

titre est « De la similitude et de l'affinité des courbes », Leonhard Euler

remarque que si, dans un repère duplan, on change x en ax et y en by, lescourbes ne sont pas semblables lorsque

a ^ b, mais qu'elles ont néanmoinsentre elles une certaine « affinité ». Les

transformations affines sont des trans

formations qui conservent l'alignement des points, le parallélisme desdroites, les barycentres. De façon plussurprenante, elles conservent aussi les

rapports d'aires. Plus précisément,quand on la transforme, l'aire d'unefigure est multipliée par une constante.

L'ensemble des transformations

affines du plan ou de l'espace est unsous-groupe du groupe des transformations du plan ou de l'espace.

M.C.

Dans l'exemple représenté ci-dessus, l'échiquier a subi une

transformation affine.

DOSSIER: LE REGARD DU.

Des similitudes particulières : leshomotiiéties

Les homothéties sont des similitudes particulièresdéfinies de la façon suivante.Une homothétie se caractérise par la donné d'unpoint O, le centre de l'homothétie, et d'un nombreréel non nul k, le rapport de l'homothétie.L'homothétie est la bijection du plan sur lui-mêmequi, à tout point M, associe le point M'tel que :

OM' = fc X OM.

Si /t = 1, il s'agit de l'identité. Si ^ = -i, il s'agit de lasymétrie centrale.Lorsque /c it i, le seul point invariant est le centre del'homothétie.

L'image d'une droite (D) par une homothétie est unedroite parallèle à (D).Deux triangles dont les côtés sont deux à deuxparallèles sont homothétiques.Deux cercles quelconques du plan sont toujourshomothétiques.

L'image d'une droite et d'un cerclepar une homothétie de centre O

et de rapport k = 2,5.

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente

Page 51: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS par Hervé Lehning

Les groupes,concrets et abstraits

Invisibles, les groupes sont au centre de la géométrie, et desmathématiques en général.

Les notions

abstraites se

justifientpar leurs

applicationsconcrètes.

L'article«Formes, déformationet invariances » propose une

définition de la notion de forme,

utilisant celle de groupe. Pourquoi introduire une notion abstraite à propos d'unequestion concrète ?

notion de groupe

Pour répondre à cette question, il estnécessaire de définir correctement la

notion de groupe. Pour cela, nous nous

limiterons à celle, un peu plusconcrète, de groupe de transformationsdu plan (ou de l'espace) E.Un ensemble G de transformations de

E est dit un groupe s'il vérifie les troisaxiomes suivants :

• l'identité Id (la transformation qui netransforme rien !) fait partie de G,• si les transformations/et g appartiennent à G alors leur composée go/aussi,• si la transformation/appartient à G,soninversef~ ' aussi.

Définitions de l'identité,de la composée et de

l'inverse

gof

Malgré sa simplicité, la structure de groupe n'a été dégagée qu'au début du xix®siècle par Évariste Gaiois pourune question algébrique (la résolution des équations par radicaux, voir le Hors Série 22 sur les équations algébriques). Un demi-siècle plus tard, Félix Klein montra que cette notion était centrale en géométrie(voir i'articie Klein et le programme d'Erlangen). Ce ne fut qu'au xx® siècie queNicolas Bourbaki l'établit au centre des mathématiques. Cette conception est à iabase de la réforme dite des mathématiques modernes dans ies années soixante.Malheureusement, l'usage d'un formalisme stérilisant n'a pas permis au message d'arriver à leurs destinataires.

50 Tangente Hors-série n° 35

Page 52: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER : LE REGARD DU MATHEMATICIEN

À partir de la composition, on peutdéfinir les puissances entières de tout

élément du groupe :

/*=/r=/o/,/^=/o/o/,etc.

On ajoute la convention :/® = Id pourque la relation : ^ f o f msouffre d'aucun cas particulier (ici, pou q nul).Dans cet ouvrage, nous rencontrons

plusieurs groupes de transformations :ceux des translations, des isométries,

des similitudes ou des affinités. Nous

verrons que les trois derniers sontassociés à des notions de forme et à

des types de géométries.

Équiualence des formes

Quelle que soit sa définition, la relation « avoir la même forme » se doit

d'être une relation d'équivalence,c'est-à-dire posséder les trois propriétés suivantes :

• réflexivité : une figure a la mêmeforme qu'elle même,• symétrie : si la figure F a la mêmeforme que la figure F' alors F' a lamême forme que F,• transitivité : si la figure F a la même

forme que la figure F' et F' la mêmeforme que F" alors F a la même formeque F".Ces propriétés sont si triviales qu'onhésite à les étudier. Pourtant, elles

équivalent aux axiomes de groupes àtravers la définition suivante :

Soit G un groupe de transformationsde E. Une figure F de E est dite avoirla même forme (selon G) que la figureF' de E s'il existe un élément/de G telque F' =/(F). Les axiomes de groupecorrespondent alors exactement aux

propriétés énoncées ci-dessus.

Une figure a la même forme qu'elle-même car l'identité appartient à G. Siune figure a la même forme que F', ilexiste/dans G tel que F' =/(F) alors

F=/-i(F')et / ' appartient à G donc F' a lamême forme que F.Si la figure F a la même forme que F'(F' = /(F)) et F' la même forme queF" (F" = g (F')) alors F" = g o/(F) etgo/appartient à G donc F a la mêmeforme que F". Les axiomes de groupecorrespondent donc exactement à

ceux de relation d'équivalence. Cesnotions abstraites sont donc l'écriture

d'une notion très concrète : celle de

forme.

Groupes finis

Les groupes ayant un nombre finid'éléments ont une propriété importante. Si/est un élément d'un groupefini G, il existe un nombre entier N tel

que soit égal à l'identité. Pourdémontrer cette propriété, il suffit deremarquer que, comme le groupe est

fini, les puissances de / ne sont pastoutes distinctes. Il existe donc p < qtels que :fLa transformation / admet un inverse/ ^ ', en composant à gauche p foisl'égalité précédente, on obtient :

/'^ = Wpour :'H = q-p.

La théorie des sous-groupes permet demontrer que N est un diviseur du

nombre d'éléments du groupe.En itérant suffisamment une transfor

mation, on revient toujours à l'identité.La question peut sembler abstraite etsans intérêt pratique.Il n'en est rien.

Elle signifie la possibilité de revenir àl'image initiale, à partir d'une imagemodifiée par ce type de transformations.

Hors-série n" 35. Tangente 51

Page 53: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS

Photographie del'auteur et sa

transformation

par tourbillon. Cetype de transformation est bljec-tlve. Autrement

dit, la photographie transforméepermet de retrouver l'originale.

Le rétablissement

de l'Image originale n'est pasImmédiat. Aprèsavoir sélectionné

correctement le

rectangle oùs'opère la transformation, Il s'agitde trouver l'angleutilisé. Après plusieurs essais, on

retrouve une

Image proche dela réalité.

Les groupes

Transformations d'Images

Cette propriété se retrouve dans les

transformations bijectives d'image.Toutes admettent une réciproque, donc lapossibilité d'un retour à l'image initiale(voir l'article La transformation du boulanger). Méfiez-vous donc des méthodesde dissimulation offertes par les logicielsde retouches photographiques.

Retourà l'original

Comment faire pratiquement pourdécrypter une photo ainsi transformée ?Tout d'abord, remarquez que le centre dutourbillon est facile à détecter ainsi que lerectangle sur lequel il a été opéré. Il resteà déterminer l'angle, ce qui peut être fait àpartir de plusieurs essais.Voicice que celadonne sur la photographie précédente.

H. L.

Le criminel ((innocent»Chrlstopher Nell, un Canadien de

33 ans, surnommé VIco, a diffusé

sur Internet des centaines de pho

tos de lui-même commettant des

actes criminels. Il croyait se proté

ger en brouillant l'Image de son

visage par une sorte de spirale :

Une transformation mathématique

du plan a été appliquée. Il est pos

sible de la reconstituer à partir du

centre de rotation, l'angle dépend

visiblement de la distance au

centre.

À partir de ces éléments, on peutla reconstituer et trouver la trans

formation inverse. C'est ce qu'a

fait Interpol jusqu'à ce qu'un

visage humain apparaisse, le

même sur plusieurs photos.

Le portrait diffusé dans le monde

entier a permis de reconnaître

Chrlstopher Nell. On peut être cri

minel et d'une innocence qui

dépasse l'entendement.

Visage deVico

brouillé

en spirale

Visage deVico

débrouillé

52 Tangente Hors-série n° 35

Page 54: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER : LE REGARD DU MATHEMATICIEN

Générateurs d'un groupeToute permutation d'un nombre fini d'éléments est le produit d'un nombre fini de transpositions(voir l'article Formes des groupes d'ordre six). Autrement dit, le groupe des permutations estengendré par les transpositions. De même, le groupe des isométries du plan est engendré par lessymétries axiales.D'après la liste des isométries planes, pour le démontrer, il suffit de prouver que rotations et translations sont produits de deux symétries. Cela est facile en utilisant les résultats de l'article sur lesisométries, comme nous le voyons plus loin.De même, le groupe des isométries de l'espace est engendré par les symétries planes.Ces résultats permettent de trouver facilement la composée de deux isométries. Par exemple, lacomposée d'une rotation et d'une translation est une rotation, comme le montre la figure.

Décomposition d'une rotation^ ^Une translation t de vecteur V est le produit de deux symétries d'axes orthogonaux à V distantsde la moitié de ce vecteur. Mis à part cette condition, le choix des axes est arbitraire.De même, une rotation r de centre O et d'angle 0 est le produit de deux symétries par rapport à desaxes passant par O et faisant un angle moitié entre eux. Ici encore, le choix est arbitraire, mis à -part cette condition. Pour calculer le produit rot, nous nous arrangeonspour obtenir une décom- jposition sous la forme : = o 5, et r = 5| o i'2 car le carré d'une symétrie (ici ^j) est égal àl'iden- |jtité. La liberté du choix des symétries le permet, comme le montre la figure.Nous obtenons : r o t

Son centre est à l'intersection des axes de 5-

. ce qui correspond à une rotation d'angle 0.

2 •^3-

Hors-série n° 35. Tangente

J

Page 55: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

ACTIONS J par Alain Zaimanski

La transformationdu boulangerAvez-vous déjà fait de la pâte feuilletée ? Si oui, vous connaissez déjà le côté pratique de la transformation du boulanger.Mais en avez-vous percé tous les mystères ?

La transformation du

boulanger :un exempled'aventures

chaotiques.

Latransformation du boulangerfait partie des transformationsbijectives d'image, c'est-à-

dire qu'il s'agit d'une transformationd'une image finie às a x b pixels surelle-même. Chaque pixel est déplacé,aucun n'est perdu, ce qui s'appelle enmathématiques une permutation (oubijection) de l'ensemble des pixels et,en langage courant, un mélange.Par exemple, la transformation del'image {a x b) qui déplace le pixel{i,j) en {i + \,j) (où / + 1 = 0 si t = a)correspond à un décalage d'un pixelvers la droite, n applications de cettetransformation redonne l'image initiale.Cette propriété est générale : pourtoute transformation bijective d'image,il existe un plus petit entier k tel que,appliquée k fois, la transformationredonne l'image initiale.

Le groupe caché derrière

Ce résultat est une conséquence immé

diate du fait que l'ensemble des transformations bijectives d'une image a xb est un groupe fini (voir l'article Les

Tangente

Groupes, concrets et abstraits). Lenombre d'étapes avant de voir réapparaître l'image est parfois très grand etdépend d'une part de la transformationet d'autre part de la taille de l'image.Par exemple, une image carrée dont lecôté est une puissance de 2 reviendra

très vite, alors qu'avec deux nombresquelconques, le retour peut-être extrêmement long. Durant ces étapes, onpasse parfois par des reconstitutionstrès proches de l'image initiale.

Chaoset boulangerie

La « transformation du boulanger » estune transformation conservant l'aire

initiale de l'image, qui tire son nom del'assimilation avec le travail du bou

langer fabriquant de la pâte feuilletée :il prend un morceau de pâte de laforme d'un carré, par exemple, etl'étiré avec un rouleau à pâtisserie,replie les morceaux débordants dansles emplacements devenus vides ducarré puis recommence.À la manière de la pâte du boulanger,l'image est étirée, puis repliée en dessous.

Page 56: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER LE REGARD DU MATHEMATICIEN

Deux lignesconsécutives sont imbriquéesl'une dans l'autre (oj, Uj, Uy.. et by ôj'by.. donnent a,, i,, «2'^2» ^3- •obtient donc un rectangle deux fois pluslarge et deux fois moins haut. Celui-ci estcoupé en deux, la partie droite est placéeen dessous après avoir été retournée. Cequi redonne assez rapidementla taille initiale dans la mesure où l'image est deforme carrée ou rectangulaire avec descôtés puissances de 2. Ce « mélange » estsouvent utilisé pour décrire une application concrète de la théorie du chaos.

Étude du processus

L'étude théorique du processus a faitl'objet de très nombreux travaux, demême que sa programmation informatique et la détermination du nombre detransformations pour revenir à la figureinitiale. Elles illustrent la marche des

phénomènes chaotiques dont la principale caractéristique est d'être sensibleaux conditions initiales : des points voi

sins peuvent vivre des avenmres totale

Transformation du

boulanger sur LaJoconde.

ment différentes et inattendues. C'est

ainsi qu'avec une découpe de la figureinitiale en 256 x 256 cellules et un traite

ment par ordinateur,on retrouve la figureinitiale après 17 transformations, ce quine permet pas de préjuger de ce qui sepasse avec des découpages inférieurs,comme le montre le tableau suivant.

Passage aux crêpes

Une autre transformation, sensiblement

plus complexe que celle du boulanger,nous permet de rester dans le chaos et...la pâtisserie ! Il s'agit de la transformationappelée « crêpe » par Jean-PaulDelahayeet Philippe Mathieu. Ils traitent l'imageligne par ligne par paquets de 4 consécutives. La première est mise dans le paquetdu haut, la dernière dans le paquet du baset les deux du milieu restent dans le

paquet du milieu. Les images obtenuessont donc aplaties à la manière d'unecrêpe. Le nombre de lignes doit évidemment être un multiple de 4. Avec undécoupage en 256 lignes, il faut II 020cycles pour retrouver la figure initiale. Etpourtant, à de nombreuses reprises, l'étatinitial semble proche alors qu'à 20 cyclesdu but le découragement nous gagne !

A.Z.

16x16

18x18

20x20

240x160

256x256

9

15300

1 244880

27720023 335722958656

17

transformations Hors-série n° 35. Tangervte fssl

Page 57: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS par Hervé Lehning

Formes,déformation et Inuarlances

Quand dit-on que deux objets ont même forme ? La géométriepeut se bâtir sur les réponses à cette question. Ses théorèmessont conséquences des invariances qui en découlent.

\Quatre objets.

Lesquels ont la

même forme ?

Dire que deux objets ont mêmeforme dépend de la façon donton les regarde. Pour préciser la

question, considérons plusieurs figuressimples telles que celles du dessin« Quatre objets ». Peut-on dire qu'ilsont même forme ?

AlSi vous posez la question autour devous, tous penseront que les deux segments ont même forme. En revanche,

les avis seront partagés pour les triangles. Certains penseront que oui,d'autres que non.Pourquoi ?

La notion deforme est à lahase de la géométrie.

56 Tangente Hors-série n° 35

irmations

La notion de forme est liée à celle de

déformation. D'un point de vue mathématique, déformer un objet consiste àlui appliquer une transformation (duplan ou de l'espace). Après l'avoireffectué, dans certains cas, nous disons

que l'objet a changé de forme, dansd'autres, non. La question demandedes précisions.Si la transformation est une isométrie

(rotation, symétrie et translation du

plan, voir l'article sur le sujet), lesdeux objets sont dits superposables ou,par abus de langage, égaux. Chacuns'accorde pour dire qu'ils ont mêmeforme. Une première définition decette notion est donc :

Deux objets ont même forme si etseulement s'il existe une isométrie

faisant passer de l'un à l'autre.Faisons une remarque très abstraite :les isométries constituent un groupe(voir l'article sur les isométries).Concrètement, cela implique que larelation « avoir la même forme » est

Page 58: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER : LE REGARD DU MATHEMATICIEN

une relation d'équivalence. Autrementdit, elle partage avec l'égalité les trois

propriétés suivantes :• Un objet a la même forme que lui-même,• Si A a la même forme que B, alorsB a la même forme que A,• Si A a la même forme que B, et Bla même forme que C, alors A a lamême forme que C.Difficile d'imaginer propriétés plusbanales ! Il serait absurde de parler de« forme » sans elles ! Que pourrait-ondire par exemple d'un objet qui n'aurait

pas la même forme que lui-même ? Oud'un objet A qui aurait la forme de B,mais B n'aurait pas celle de A ? Lesmathématiques se construisent en mettant ce type d'axiomes en évidence.

La démonstration de cette propriété utilise directement celles des groupes (voirl'article « Les groupes, concrets et abs

traits »). De ce fait, les généralisationsde la notion de forme reposent toutessur un groupe incluant celui des isomé-tries. Chacune repose sur une vision

particulière du plan ou de l'espace.

Géométrie métrique

Limiter la notion de forme à celle

d'objets superposables n'est pas larègle commune. Un objet garde saforme si on le recopie à une certaineéchelle, comme dans les maquettes.Cela revient à troquer le groupe desisométries contre celui des similitudes.

On parle alors d'objets semblables (au

lieu de superposables). Ainsi, deuxsegments de droites sont toujours semblables (voir la figure « Déformationd'un segment »).Cette définition correspond à la géométrie métrique classique. Dans cecontexte, deux triangles n'ont pas forcément même forme (ne sont pas forcément semblables). On montre que

B

siVA

B

deux triangles sont semblables si etseulement si leurs angles sont égaux(ou leurs côtés proportionnels). Les

cercles sont tous semblables entre eux.

La forme au sens classique est invariantepar similitude. D'autres notions sont invariantes : parallélisme de droites, alignement de points, concourance de droites,rapports de longueurs ou d'aires, mesurealgébrique, barycentres (milieu, centre de

gravité, etc.), orthogonalité et angles. Lagéométrie euclidienne étudie ces propriétés invariantes par le groupe des similitudes. Nous voyons plus loin qu'unepartie d'entre elles sont également affines,et ont intérêt à être traitées dans ce cadre.

Ces invariances sont utiles pour prouver

Déformation d'un

segment en un

autre. Nous avons

appliqué successi

vement une rota

tion, une

translation puis

une homothétie de

rapport AB/CD

pour passer de

[CD] à [AB].

Hors-série n° 35. Tangente 57

Page 59: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS Formes

Le tliéorème de

Pythagore. Les trois

triangles ABC, ABH

et ACH sont sem

blables.

des théorèmes de géométrie euclidiennecomme celui de Pythagore par exemple.Voyons comment l'idée fonctionne. Soit

ABC un triangle rectangle en A et H lepied de la perpendiculaire menée de Asur (BC). Les trois triangles ABC, AHB

et CHA sont semblables.

L'invariance des rapports de longueursentraîne les trois égalités :

BC _ ACBH ~ AB ' AC ~ CH

AH

BH

CH

AH'

et

Les deux premières égalités donnent

des expressions des carrés de AB et de

AC:

AB^ = BC . BH et AC^ = BC . CH.En les additionnant, nous obtenons :

AB^ -H AC^ =BC . (BH + HC) = BC^.Le théorème de Pythagore est donc uneconséquence de l'invariance de la longueur (ou plus exactement des rapportsde longueur) en géométrie euclidienne.

Nous voyons plus loin que l'invariancedes aires permet de démontrer des théorèmes de géométrie affine.

Géomé:;:.

Il est légitime de dire que deux trianglesquelconques ont même forme puisqu'ilsont tous les deux des caractéristiquescommunes : trois côtés, trois angles. Il estpossible d'intégrer cette façon de voirdans notre modèle, en étendant le groupe

de transformations utilisé. Pour cela, on

Tangente Hors-série n° 35

s'autorise, en plus des isométries, deschangements d'échelle horizontaux etverticaux différents. On parle alors detransformation affine (voir l'article Les

similitudes et les transformations affines).Deux objets de même forme dans ce senssont dits affines (au lieu de semblables

dans le cas des similitudes et de superpo-sables dans celui des isométries).Deux triangles ont alors toujours mêmeforme. Pour le montrer, on prouved'abord que c'est le cas pour deux tri

angles rectangles en utilisant l'idée utilisée ci-dessus pour deux segments (voir lafigure « Déformation d'un triangle rectangle »).

Pour achever la preuve, il suffit de montrer qu'un triangle quelconque est demême forme qu'un triangle rectangle(voir la figure « Construction d'un tri

angle rectangle »).

B

A

Déformation

d'un triangle

rectangle en

un autre. Nous i

avons appliquésuccessivement

une rotation,

une translation

puis un changement d'échelle

différent selon

chaque côté de

l'angle droit.

Page 60: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER : LE REGARD DU MATHEMATICIEN

Ainsi, deux triangles se déduisent toujours l'un de l'autre par une transformation affine. Autrement dit, du pointde vue affine, deux triangles ont toujours même forme.

affines

Parmi les propriétés invariantes parsimilitude, lesquelles le sont également par transformation affine ?L'exemple des triangles montre quenous perdons longueur, orthogonaiitéet angles. De façon assez surprenante, nous conservons les notions de

mesure algébrique, de barycentre et

d'aire. Malgré l'intuition commune,elles sont affines. De ce fait, elles se

trouvent au centre des démonstra

tions de géométrie affine (voir l'encadré Théorème de Ménélaûs). De

façon encore plus primordiale,voyons l'intérêt de distinguer propriétés affines et métriques.Deux triangles quelconques sontaffines l'un de l'autre si bien qu'unepropriété affine démontrée pour un triangle particulier est vraie pour tout triangle.

En guise d'exemple, considérons lapropriété « les médianes d'un trianglesont concourantes ». Il s'agit d'une

propriété affine puisqu'elle n'impliqueque les notions de milieu et deconcourrance. Ainsi, pour démontrerce théorème, il suffit de le démontrer

pour un triangle particulier.Considérons donc un triangle équilaté-

ral, médianes et médiatrices se confon

dent. Le concours des médiatrices

entraînent donc celles des médianes !

Dans l'article Transformer, c 'est gagner,nous voyons d'autres exemples de cetteméthode de démonstration. Nous pou

vons approfondir la question en introduisant les homographies et les formesprojectives.

Construction d'un triangle rectangle A'BC affine

de ABCdans le cas où le pied de la hauteur H

menée de A est située entre B et C. A' est l'inter

section du cercle de diamètre BC et de la droite

AH. Le changement d'échelle le long de la per

pendiculaire est égal au rapport A'H / AH. Si H

n'est pas entre B et C, on recommence en privilégiant Bou C au lieu de A.

B P

Théorème des médiatrices. Le point O deconcours des médiatrices (AP) et (BQ) est équi-

distant de B et C d'une part, et de A et C d'autrepart. Ainsi, il est équidistant de A et B donc sur

la médiatrice de [AB].

Hors-série n° 35. Tange-nte

Page 61: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS Formes

Topo[ogie

Si nous remplaçons le groupe destransformations affines par celui deshoméomorphismes, c'est-à-dire desdéformations continues (dont l'inverseest continu), nous obtenons une notion

de forme où une droite a la même

qu'une parabole. Tout se passe commesi nous dessinions les objets sur unefeuille de caoutchouc et les défor

mions. Dans ce sens, un triangle et un

cercle ont la même forme qu'un carré.Quelles notions sont invariantes pardéformations continues ?

La plus simple est sans doute celled'intérieur et d'extérieur. En défor

mant continûment un cercle, nous

obtenons une courbe partageant le planen un intérieur et un extérieur. Ces

questions sont développées dans l'article L'œil du topologue.

H. L.

Le théorème de iénélaiisSi ABC est un triangle et D une droite coupant ses trois côtés en P, Q et R, alors :

PB ^ QC RÂ _ ,PC ^ QX W"

Pour le démontrer, nous devons distinguer deux cas defigure. Nous traitons le cas de la figure ci-contre. Les ^rapports de longueurs (sans signe) de la relationpeuvent être interprétés comme des rapportsd'aires. Plus précisément, les hauteurs des

triangles PBR et PCR étant identiques :

aire(PBR) _ PBaire (PCR) PC"

Au signe près, le premier membre de la relation de Ménélaùs s'écrit donc :

aire (PBR) ^ aire(QCR) ^ aire (PAR)Xaire (PCR) aire(QAR) aire (PBR) simpiitie en : - aire (PBR) '

D'après le principe précédent, chacun de ces rapports d'aire est un rapport de longueur. On

OR PRobtient : X qui est égal à 1. En tenant compte du signe de chacune des mesures algé

briques, on en déduit la relation de Ménélaùs.Il reste alors à analyser l'autre cas de figure où P, Q et R sont extérieurs aux côtés du triangleABC. Il est possible d'éviter l'analyse de ces différents cas de figure en introduisant une notion d'airealgébrique.

aire(QCR) aire (PAR)X

Tangente Hors-série n° 35

Page 62: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER : LE REGARD DU MATHEMATICIEN

Si le nom du mathématicien allemand Félix Klein (1849-1925) resteattaché à de nombreux objets mathématiques (groupe de Klein, bouteille de Klein...), la pensée de cet universitaire, d'abord professeur àErlangen puis à Munich, Leipzig et Gôttingen, rayonne encore sur lagéométrie d'aujourd'hui. On lui doit en effet lefameux Programme d'Erlangen qui a profondément modifié le développement et l'évolution de lagéométrie.C'est à l'occasion de sa nomination comme professeur à l'Université d'Erlangen, en Bavière, en 1872que Klein, alors âgé de 23 ans, présenta, sousforme de « dissertation », le programme derecherche publié dans le mémoire « Étude comparée de différentes recherches en géométrie »,connu désormais sous le nom de Programmed'Erlangen.Jusqu'alors coexistaient différentes géométries,classées comme telles selon que leurs axiomescontenaient ou non l'axiome d'Euclide : la géométrie euclidienne, puis celle de Bolyai-Lobatchevskioù par un point pris hors d'une droite on peutmener une infinité de parallèles à cette droite, celleaussi de Riemann où par un tel point on n'en peutmener aucune. Le mérite de Klein dans le programme d'Erlangen est d'avoir rapproché ces troisgéométries en les regardant sous un jour nouveau, celui des transformations et plus particulièrement des groupes de transformations.Introduite en 1830 par Évariste Galois, la notion de groupe s'appliquefort bien aux transformations, dont la propriété essentielle est précisément de redonner par composition une transformation du même type.Klein va fonder son programme sur une hiérarchisation de cesgroupes, les emboîtant les uns dans les autres (le « groupe principal »,celui qui n'altère pas les propriétés des figures, est contenu dans celuides similitudes, qui conservent la forme des figures, lui-mêmecontenu dans celui des transformations affines, qui conservent leparallélisme...). Sa ligne de conduite est désormais : « Étudier lesêtres du point de vue des propriétés qui ne sont pas altérées par lestransformations du groupe », c'est-à-dire s'intéresser aux invariantsde ces groupes. La distance euclidienne est par exemple un invariantdu groupe des isométries. Avec cet éclairage, toute géométrie seradonc la donnée d'un groupe de transformations opérant sur unespace et c'est la notion même de groupe de transformations, avecses invariants, qui devient essentielle.

E. B.

Félix Klein

Hors-série n° 35. Tangente

Page 63: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS par Hervé Lehning

Transformer,c'est gagner !Pour obtenir une ellipse, il suffît de transformer un cerclepar affinité. Les propriétés affines des cercles se transportent ainsi aux ellipses.

L'ellipse (en bleu)

est l'ensemble des

points M tels que

AM + BM = 20.

Elle se déduit du

cercle de diamètre

CD (en rouge) par

l'affinité d'axe (AB)

et de rapport

OE / CF.

u'est-ce qu'une ellipse ?IPlusieurs définitions sont possibles. La plus simple utilise

^uets et une ficelle.

On se donne deux points A et B, appelés foyers. On note c la moitié de lalongueur AB (AB = 2c) et on considère

a > c. On appelle ellipse l'ensembledes points M tels que : AM + BM = 2a.

Comme toutes les notions abstraites,

les groupes permettent de voir l'unité là oùsemble régner la différence.

E(5I2 Tangente Hors-série n° 35

On appelle cercle principal de l'ellipse,le cercle de diamètre CD (les deux

points de l'ellipse sur l'axe focal(AB)). On démontre que l'ellipse se

déduit du cercle par l'affinité d'axe(AB) et de rapport OE/OF, E et F étantles points de l'ellipse et du cercle sur lamédiatrice de [AB]. Bien entendu, uneaffinité est une transformation affme.

Cette remarque suffit pour transportertoutes les propriétés affines du cercleaux ellipses.

Tangente au cercle

A priori, les propriétés du cercle sontmétriques. Prenons celles liées à lanotion de tangente.Soient D une droite, C un cercle de

centre O et de rayon R et H la projection de O sur D,

si OH < R, D coupe C en deuxpoints distincts,si OH = R, D coupe C en un seulpoint, le point H,si OH > R, D ne coupe pas C.

De plus, la droite D est tangente à C siet seulement si OH = R.

Page 64: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER : LE REGARD DU MATHEMATICIEN

d'une ellipse, il suffit de partir de laconstruction métrique de la tangenteen un point d'un cercle ;

Si O est le centre du cercle C, R son rayonet H la projection de O sur D, D coupe Cen deux points si OH < R, en un point siOH = R et en aucun point si OH > R.Elle est tangente à D si et seulement sielle coupe C en un seul point.

La démonstration de cette propriétérepose sur le théorème de Pythagore(voir l'encadré Uneconséquence de

Pythagore). A priori,elle est vraie pourtous les cercles.

Comme sa démons

tration repose sur unepropriété métrique,

elle n'est pas applicable aux ellipses.Pour cela, une réécri

ture affine est néces

saire. En voici une :

Une droite D coupe

un cercle C en 0,1

ou 2 points. Elle esttangente à C si etseulement si elle le

coupe en un seul

point.

Cette deuxième propriété est donc vraiepour les ellipses.Pour en déduire la

construction de la

tangente en un point

Construction métrique de la tangente (en traits pleins) en unpoint M d'un cercle : on trace le rayon OM partant de M puis laperpendiculaire en M à (OM). Construction affine (en pointillés) : on trace ime parallèle à (OM) coupant le cercle en P et Q,on place le milieu I de [PQ] puis la parallèle en M à (01).

Une conséquence de PvtliagoreSoit M un point de D. D'après le théorème de Pythagore :

OM-^ = Off -f- HM^ >

D'où l'on déduit que si OH > Ralors OM > R pour tout point Mde D donc aucun de ces pointsn'appartient au cercle C puisque celui-ciest l'ensemble des points Mtels que OM = R.Si OH = R, le même

raisormement montre queH est le seul point de Dappartenant à C.

Si OH < R, M appartientà C si et seulement

si HM^ = R2 - OH^ ce quidonne deux points symétriquespar rapport à H définis par :

hm = ±Vr^-oh^

U if"

D'autre part, le seul cas où D est tangente à C est celui où OH ^à-dire où D coupe C en un seul point.

-• R c'est-

Hors-série n° 35. Tangente l£2j

Page 65: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS

Construction de la

tangente en un

point M d'une

ellipse : on trace le

rayon OM puis une

parallèle à (OM)

coupant l'ellipse en

deux points P et Q.

On place le milieu I

entre P et Q, on le

joint à O puis on

trace la parallèle à

(01) passant par M.

Transformer, c'est gagner !

Bien entendu, la méthode ne convient

pas pour une ellipse. Comment faire ?Une idée est de transformer la construc

tion métrique exposée précédemmenten construction affine c'est-à-dire ne

faisant intervenir que des notionsaffines comme celles de milieu ou de

parallélisme. Pour cela, il suffit de remarquer que la perpendiculaire menée ducentre à une corde [PQ] est la droite le joignant au milieu de [PQ]. Cette remarquenous foumit une constmction affine de la

tangente en un point d'un cercle.Comme elle est affine, cette construc

tion est valable pour toutes les ellipses.

Dans l'encadré Un problème de géométrie affine, nous voyons un exemplemontrant notre démarche à l'œuvre sur

un problème de géométrie affine.

L'unification des coniques

Ce passage d'une propriété du cercle à

une propriété de l'ellipse peut êtregénéralisé à toutes les coniques. Pourcela, on doit agrandir un peu le plan enajoutant un point à l'infini sur chaquedroite ce qui donne une droite à l'infini. Le plan ainsi agrandi est nomméle plan projectif. On considère alors lespropriétés projectives (alignement,

parallélisme ou concours, ces deux dernières ne formant qu'une propriété :deux droites parallèles sont deux

droites se coupant en un point à l'infini). On introduit alors les transforma

tions conservant l'alignement ce quipermet de montrer que :une droite D coupe une conique C en

0, 1 ou 2 points (dont un éventuelle

ment à l'infini) et, si D coupe C en unseul point alors elle est tangente à C.

Les propriétés projectives desconiques peuvent toutes être démon

trées dans le cas du cercle. Autrement

dit, une propriété projective vraie pourun cercle l'est pour toutes les

coniques.H. L.

Un problème de géométrie affine

Le centre de

gravité G dutriangleMPQ variesur le même

axe que M.

Isa Tangente Hors-série n° 35

Une ellipse E étant donnée,cherchons le lieu des pointsM tels que par M passentdeux tangentes à E en P et Q

telles que le centre de gravitédu triangle MPQ soit sur E.Nous remarquons que le problème ne fait intervenir quedes notions affines, il suffit

donc de le traiter pour uncercle C.

Page 66: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER : LE REGARD DU MATHEMATICIEN

Nous remarquons alors que le problème est invariant par rotation autour du centre O du cercle C. Ilsuffît donc de trouver les points M (s'il en existe) appartenant à une demi-droite d'extrémité O.Faisons voyager M sur cette demi-droite du point sur C à l'infini, le centre de gravité G du triangleMPQ est situé sur la même droite. Il part de l'intérieur de C pour aller continûment vers l'infini et son

abscisse est strictement croissante

P donc il existe une et une seule

position de M telle que G soit surC. Il nous reste à la trouver.

Considérons le cas de figure où OMest égal à deux fois le rayon R de C.Notons H l'intersection de OM et

de C. Le triangle OPH est équilaté-Q \ \ M rai et le triangle PHM isocèle. En

utilisant le fait que le triangle OPM

est rectangle, on en déduit que lesangles du triangle MPQ sont touségaux à 60°. Il s'agit donc d'un triangle équilatéral. Son centre de gravité est H qui est donc égal à G dansce cas particulier.

Donc le seul point M tel que G appartienne au cercle C est le point M tel que OM = 2R. Le lieu Ccherché est donc le cercle de centre O et de rayon 2R. Il reste à transcrire ce résultat en énoncéaffine pour pouvoir le transporter aux ellipses. Pour cela, il suffit de remarquer que C est l'homo-thétique de C dans l'homothétie de centre O et de rapport 2.Le lieu des points M tels que par M passent deux tangentes à E en P et Q telles que le centre degravité du triangle MPQ soit sur E est doncl'ellipse homothétique de E dansl'homothétie de centre O

et de rapport 2.

Lieu des pointsM par lesquelspassent deuxtangentes à Een P et Q telsque le centre degravité du triangle MPQ soitsur E.

\ \

H

Cas de figure où OM estle double du rayon de C.

Hors-série n° 35. Tcmgen±e m

Page 67: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS par Hervé Lehning

Les formesdu se( egréQuelle est la forme d'une courbe ou d'une surface du seconddegré ? La réponse tient en quelques transformations affineset un répertoire de formes simples.

Antenne parabolique.

i le plan est rapporté à un repère

cartésien (Oxy), l'ensemble C despoints de coordonnées (x, y)

vérifiant une équation du second degrételle :

+ 2xy + lOx- 14^^-1-28 = 0est, mis à part quelques cas dégénérés,

une courbe appelée conique. Si nous

Ce qui est valable pour les coniquesl'est aussi pour les quadriques

GG Tangente Hors-série n° 35

changeons le repère (Oxy) en un autre(AXY), nous changeons d'équation maispas de degré car les formules de changement de repère sont de degré un. Parexemple, dans le repère AXY défini par

les formules :

X = X - Y + 3

y = Y + 2

l'équation de C devient :{X- Y+3f + 2{X- Y+3){Y+ 2)

+ 2{Y+2f-\(i{X- F-t3)-14(7+2)+ 28 = 0.

Après réduction, nous obtenons :X^+Y^-\=0

qui, dans un repère orthonormal, est celledu cercle de centre A et de rayon 1.

7 7x

A \I X

j

0 i X

Définition géométrique du repère (AXY).

Page 68: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER ; LE REGARD DU MATHEMATICIEN

La transformationfaisantpasser d'un pointde coordonnées(x,y) dans un repère ortho-normal (Oxy)au point de mêmes coordonnées dans un repère cartésien quelconque(AXY) est une transformation affine. Pour

la visualiser, le plus simple est de considérer un maillage régulier du plan et sontransformé. Une telle transformation res

pecte les formes au sens affine du terme(voir l'article Formes, Déformations etInvariances). Plus précisément, elle faitpasser d'un cercle à une ellipse.

L

0

m

•• I

Dans notre cas particulier, nous sommestombés comme par miracle sur unrepère rendant la forme de la coniqueévidente. Comment faire dans le cas

général ?

Le plus simple est de s'occuper d'abordde la partie du second degré :

aif + 2bxy -F cy^où les nombres a, b et c ne sont pas tousles trois nuls. Cette expression peut êtrevue comme un produit scalaire.

Four solaire

Dans un repère cartésienquelconque, l'équation

X--hY^-i = o

représente une ellipse.

Hors-série n° 35. Tangente

Page 69: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS Les formes du second degré

Plus précisément :a:)?" + Ibxy+ =

x(ax +by) +y(bx +cy) =( '̂̂ \

où V et/(^) sont respectivement lesvecteurs de coordonnées (x, y) et (ax +by, bx + cy) c'est-à-dire :

y = xi +yj

et

fiV) ={ax +by)l+{bx +cy)J,

7 et 7 étant les vecteurs de base durepère (Oxv).L'application /jouit des propriétés delinéarité et de symétrie suivantes :

f{aXJ +0) =a/(Û)+

(Â7|/(Û)) =(Û|/m)pour tout couple de vecteurs et

tout couple denombres réels {oc,/i).

Ces deux propriétés ont un rôle centraldans ce qui suit. De façon générale, unetelle application stabilise les axes d'unrepère orthonormal.Autrement dit, siT et J sont les vecteursde base de ce nouveau repère, il existedeux nombres réels X et JU tels que :

fit) =Xt et

En posant =xT+yJ =-XT +yj ,parlinéarité :

f{^) =xfit)+YfO) =AJïî+//yJdonc :

ax^ + 2bxy + c}P-=

= XX^ +juY^compte tenu de l'orthonormalité du repère(OXY),

L'équation de G s'écrit donc :XX^ +juY^ +aX+b'Y +c=0

où a', b' et c' sont des constantes à détermi

ner.

Tangente Hors-série n'' 35

Si A et // sontnonnuls lesformules dechangementde rep

correspondant à un changement d'origine (donc à un repère (AAT)) fournissent l'équation :

OÙ d est une constante à déterminer quenous pouvons supposer positive en changeant les signes de tous les termes del'équation si besoin est Si cette constantedestnulle,nousobtenonsdes cas dégénérés :C est un point, une droite ou deux droites.De même, si A et // sont tous les deuxstrictementnégatifs,C est vide.Nous écartons tous ces cas et considérons donc celui

où l'un au moins des deux coefiBcients A

et fL est strictement positif.Au besoin enéchangeant les axes du repère, nous pouvonssupposer qu'il s'agit de A . En divisant par celui-ci, suivant le signe de //,nous obtenons l'une des deux équations :

e

où A: et 7? sont des constantes à déterminer

et où, pour simplifier les notations, nousavons noté (Oxy)notre nouveau repère.

Notons g l'affinité orthogonale d'axe(Ox) et de rapport k, c'est-à-dire l'application qui au point M de coordonnées(x, y) associe le point P de coordonnées(x, ky). Une telle transformation correspond à une dilatation suivant l'axe (Oy).La courbe C est la transformée par g dela courbe d'équation :x^±)P- = R^.La première (signe plus) est le cercle decentre O et de rayon R. La seconde(signe moins) l'hyperbole équilatèredont les asymptotes sont les deux bissectrices des axes.

Page 70: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER : LE REGARD DU MATHEMATICIEN

La courbe C est alors une ellipse ouune hyperbole. Les deux formes sontmises en évidence par celles du cercleet de l'hyperbole équilatère et l'affinité

g : il suffit pour les voir d'aplatir (ouallonger) la courbe d'origine suivantl'un des axes.

Si A ou // est nul, nous pouvons supposer jU =0 et X quitte,

au besoin, à échanger les axes (O^ et

(07)- De même que dans les cas nondégénérés, un changement d'originedu repère permet d'obtenir l'équation :

= 2pyoù p est une constante à déterminer. Ils'agit bien entendu d'une parabole.

Hyperbole afhne de'hyperbole équilatère

d'équation - y^ = R-dans le rapport k.

Ellipse affine du cerclede rayon R dans le rap-

Hors-série n° 35. Tangen±e

Page 71: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS Les formes du second degré

Une parabole

Il est facile de transfor

mer une droite en parabole et vice versa. La

même transformation

convient pour n'importe quel graphe d'rmefonction continue sur

IR. En revanche, il est

impossible de transformer une droite en un

cercle (voir l'encadré

Déformation d'unecourbe).

Tout ce qui vient d'être vu dans le cas

des coniques est également valabledans celui des surfaces du second

degré, c'est-à-dire les quadriques.Soit S une telle surface, dans un repèreorthonormal.

La partie du second degré de son équation s'écrit donc ;

XX'̂ +IdY^ +vZ'̂ .

Si les trois constantes A, // et V sontnon nulles, un changement d'originefoumit l'équation :

XX'^ + + VZ'^ = doù d est une constante à déterminer. Si

cette constante d est nulle, l'équationde S s'écrit :

A^'^ +//r2 +vZ'2 =0.

Si A, // et V sont du même signe, laquadrique S se réduit alors à un point.Sinon, en multipliant par - 1 et enéchangeant les axes au besoin, on peutsupposer les deux premières positiveset la troisième négative. En divisantpar X, on obtient l'équation ;

ITCl Tangen±e Hors-série n° 35

oàkttR sont des constantes à déter

miner. Notons g l'affinité orthogonalede plan (Oxz) et de rapport k, c'est-à-dire l'application qui, au point M decoordonnées {x, y, z), associe le pointP de coordonnées (x, ky, z).La surface S est la transformée par g

de la surface 2 d'équation :yf +y^ = z^.

2 est obtenue par rotation de la droited'équation :x = Rz autour de l'axe (Oz)(voir l'encadré Les Surfaces de révolution). C'est donc un cône de révolution. La quadrique S est l'image paraffinité de ce cône de révolution : il

s'agit d'un cône elliptique.

Si la constante d est non nulle, par lamême discussion que précédemmentsuivant les signes de X, jJ, et V, nousobtenons l'équation :

,,2

=±R^k^ K"-

où k,KetR sont des constantes à déter

miner. S est l'image par l'affinité précédente g de la surface de révolution :

x^ +y^±^=±R^

obtenue par rotation de la courbe d'équa-

2

tion •. x^± — =±R^ autour de (Oz)

(voir l'encadré Les Surfaces de révolution). Cette courbe est une ellipse ou unehyperbole suivant les cas. Cette rotationpermet de voir la forme de S.Dans le premier cas, nous obtenons unellipsoïde, dans le second un hyperbo-loide à une nappe et dans le troisième unhyperboloïde à deux nappes.Le deuxième se trouve dans notre paysage : il s'agit de la forme des tours derefroidissement des centrales électriques.

Page 72: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER : LE REGARD DU MATHEMATICIEN

Coniques engendrantles formes des quadriques non

dégénérées par rotation.

Nous rencontrons ensuite les cas où

l'un des trois coefficients A, // et Vest nul. Nous pouvons supposer qu'ils'agit de V. Comme précédemment,un changement d'origine du repèrefournit l'équation :

Àx^ +jly^+az = doù a et sont des constantes à détermi

ner. Si a est nulle, S est donc le

cylindre dont les direetrices sont parallèles à (Oz) et dont une génératrice estla courbe d'équation :

+lJ.y^ = d

I

HjqDerboloïde à une nappe.

Château d'eau en

forme d'hyperbo-loïde de révolution à

une nappe àB 0 u k a r a

(Ouzbéldstan).Un des intérêts de

cette surface est

qu'elle est engendrée par deuxfamilles de droites.

Hvperboloïde à deux nappes.

Hors-série n° 35. Tangente

Page 73: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS Les formes du second degré

Un paraboloïdeelliptique

Un paraboloïdehyperbolique

qui est soit un cercle, soit une hyperbole soit encore un couple de deuxdroites (voir l'encadré Les cylindres).Si a est non nulle, un changementd'origine permet de mettre l'équationsous l'une des deux formes :

Les cylindres

x^±^ =2pz .k

Une courbe plane C et une direction D étant données, onappelle cylindre de directrice C et de génératrices parallèlesà D la surface S engendrée par l'ensemble des droites parallèles à D passantpar im point de C.Si la direction est

(Oz) et si la courbe

C est dans le plan(Oxy), l'équation

de S est la même

que celle de C ! Eneffet, un point Mde coordonnées (x,

y, z) appartient à Ssi et seulement si

le point de coordonnées (x, y) du plan {Oxy) appartient à C.

Tangentte Hors-série n° 35

Dans le cas d'im signe plus, S se déduitpar une affinité de la surface de révolution : x^+ =2pz, elle même obtenuepar rotation d'une parabole autour de sonaxe. Il s'agit d'un paraboloïde elliptique.

Ce type de quadrique se trouve également dans nos paysages. Elle est utiliséepour les fours solaires et les parabolesde réception de télévision par satellite.

Dans le cas d'un signe moins, S sedéduit par une affinité de la surfaced'équation :

x^-y^ = 2pz.Il s'agit d'un paraboloïde hyperboliqueégalement nommé selle de cheval du

fait de sa forme. Il a été utilisé pour lestoits de certains monuments car, comme

l'hyperboloïde à une nappe, il peut êtreengendré par deux familles de droites,

ce qui est pratique en construction.Il reste ensuite à considérer les cas où

deux des trois coefficients X, JJ. qX Vsont nuls.

Nous pouvons supposer A = // = 0.Un changement de repère permet alorsde se ramener à l'équation :

x^ = 2pz.Il s'agit d'un cylindre parabolique.

H. L.

Page 74: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER : LE REGARD DU MATHEMATICIEN

En faisant tourner une courbe autour d'un axe de son plan, on obtientune surface de révolution. Une telle surface est facile à visualiser.

Par exemple, en faisant tourner une droite du plan (Oxz) passant parO (équation : x = Rz) autour de (Oz), on obtient un cône :On appelle méridienne d'une telle surface son intersection avec unplan méridien, c'est-à-dire un plan contenant l'axe de révolution. Dans le cas du

cône, la méridienne est composée de deuxdroites symétriques par rapport à (Oz).Dans (Oxz), les équations de ces droitessont •.x = ±Rz donc l'équation de la méri

dienne est : x^ = P?z^.Soit M un point de coordonnées (x, y, z).M appartient au cône si et seulement si ilappartient à l'une de ses méridiennes. Leplan méridien passant par M coupe (Oxy)

suivant un axe (Op).

Dans le plan (Opz), les coordormées de M

sont (p, z) où p^ = x^ + d'après le théorème de Pythagore. Mappartient aucône si et seulement si : p^ = donc si et seulementsi : x^ +y = i?^z^ quiconstitue ainsi l'équation de ce cône.De même, si la méridienne d'une surface de révolution a pour équation :

/(x^, z^) = 0, la surface derévolution a pour équation :/(x^+Z, z^) = 0.

Déformation d'une conmeSupposons que l'on puisse transformer une droite en un cercle. Il existe alors une application continue/de C (le cercle unité du plan) dans R telle que/(C) = R. Considérons alors la fonction g définie sur lesegment [0, 2n'\ par : g (i) =f(cos t, sin t).

Cette fonction est continue et l'image du segment [0, iTt] est R ce qui est absurde puisque l'imaged'un segment par une application continue est un segment. Ainsi, une droite ne peut se déformercontinûment en un cercle. Elle peut seulement être transformée en cercle privé d'un point au moyende la projection stéréographique.

Le cercle C est tangent à la droite D. On considèreP le point diamétralementopposé au point de contact.Àtout point Mde D, on associe/(M) l'intersection de ladroite (PM) etdu cercle. La transformation/est continue ainsi que son inverse et transforme la droite D en le cercle C privé du point P.

Hors-série n° 35. Tangente 73

Page 75: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

ACTIONS par Hervé Lehning

L'œil du topologueet le morphingLa géométrie métrique s'intéresse aux propriétés invariantespar déplacement, la topologie aux propriétés invariantes pardéformation continue. En pratique, cela débouche sur ce quel'on appelle le morphing.

Un topologueconfond tasses et

beignets.

Plaisanterie matheuse :comment reconnaître les topo-logues sur une plage bondée ?

La réponse : ils sont les seuls à

confondre bouée canard et ballon sau

teur. Si vous vous trouvez au bar de la

plage, c'est encore plus simple. Ilsprennent leurs tasses de café pour desbeignets aux ponunes.

Le topologuene distingue

pas

COUDE et

IDIOT

La uue des géomètres

Comme beaucoup de plaisanteries,bonnes ou mauvaises, celle-ci possèdeson fond de vérité. Pour les gens normaux, deux objets sont identiques si

on peut les superposer (voir l'article

Formes, Déformations et Invariances).Pour reprendre l'esprit de la plaisanterie, nous sommes tous géomètres. Plusprécisément, nous faisons de la géométrie euclidienne et nous nous inté

ressons aux objets définis à undéplacement près. Si nous étions des

spécialistes de géométrie affine, nousnous intéresserions aux objets définis àune transformation affine près. Ainsi,nous ne verrions pas de différenceentre cercle et ellipse, balle de tennis,ballon de football ou de rugby.

On peut passer d'une ellipse à uneautre au moyen d'une transformationaffine. Cette façon de voir donne unclassement des objets du plan et del'espace. En géométrie euclidienne,cercle et ellipse sont des objets appartenant à deux rubriques différentes.Les cercles sont caractérisés par leursrayons et les ellipses par la longueur deleurs axes. En géométrie affine, ilssont non seulement tous classés sous la

même rubrique, mais ils ne sont pasdistinguables l'un de l'autre.

74 Tangenie Hors-série n° 35 Les transformations

Page 76: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER LE REGARD DU MATHEMATICIEN

^ quoi ça sert ?

Ces abstractions ne sont pas gratuites.Les propriétés géométriques sont deplusieurs types. Certaines sont des propriétés métriques : elles concernent lesnotions de distance et d'angle. Dans cecas, si une propriété est vraie pour unobjet, elle est également vraie pourtous les objets superposables. Une propriété peut aussi être affine et neconcerner que les notions d'alignement, de mesure algébrique, de rapportd'aires, de barycentre (milieu, centrede gravité, etc.), de parallélisme oud'objets concourants. Dans ce cas, unepropriété vraie pour un objet l'est également pour tous les objets s'en déduisant par une transformation affine.Ainsi, une propriété de ce type vraiepour un cercle l'est également pourtoutes les ellipses. Ce procédé seretrouve dans tous les domaines des

mathématiques. L'avantage de l'abstraction est de voir la même chose là

où chaque cas peut sembler particulier.

Déformation continue (et réversible)d'une tasse en beignet.

La uue des topologues

Le topologue est un extrémiste : ilconfond les objets pouvant être obtenus l'un de l'autre par déformationcontinue. L'utilisation de l'expression« l'un de l'autre » signifie que la déformation est réversible. On peut passerde l'un à l'autre, puis revenir à l'un sion le désire. Voici par exemple ladéformation d'une tasse en un beignet(bas de page).

Propriété topologique du cercle

De même que les propriétés affines ducercle se transportent à toutes lesellipses (voir l'article Transformer,c 'est gagner !), les propriétés topologiques du cercle se transportent auxcourbes obtenues du cercle par déformation continue. L'exemple le plussimple est sans doute le suivant : lecercle sépare le plan en deux parties.Deux points de la même partie peuventêtre joints par une ligne continue, maispas un point de l'une des parties à unpoint de l'autre, car la ligne couperaforcément le cercle. C'est une consé

quence du théorème des valeurs inter-

Les transformations Hors-série n° 35. Tangente 75*

Page 77: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

ACTIONS Le morphïng

médiaires (voir l'encadré Passage del'intérieur à l'extérieur).

On ne peut pas passercontinûment d'un pointà l'intérieur du cercle à

un point à l'extérieur.

D'autre part, l'une de ces parties estbornée et l'autre non. La première senomme l'intérieur du cercle et l'autre

son extérieur. Ces propriétés sont invariantes par déformation continue, ellessont donc valables pour toutes lescourbes que l'on peut obtenir du cerclepar déformations continues réversibles

(c'est-à-dire images du cercle par unebijection continue dont l'inverse est

continu). On montre qu'il s'agit detoutes les courbes fermées (continues)sans point double. Les courbes possédant des points multiples, comme cellede la figure suivante, n'en font pas partie puisqu'elles ne possèdent pas lapropriété topologique des cercles vueci-dessus.

Courbe non déformable continûment en

cercle :

on ne peut passer d'une des parties grisées à l'autre sans couper le cercle.

Lecture déforméeLe topologue parfait a les plusgrandes difficultés à lire les textestapés dans certaines polices decaractères. Par exemple, en Arial,il ne distingue que neuf lettrescapitales sur vingt-six : A, B, C, D,E,H,P,QetX.

Plus précisément, voici les groupesde lettres confondues :

AR

B

C G IJ L M N S U VW Z

DO

EFTY

H K

P

QX

Comment distinguer alors coudeet IDIOT ?

Passage de l'intérieurà l'extérieurOn considère le cercle de centre G

et de rayon R, A un point intérieuret B un point extérieur. Si l'on peutpasser continûment de A à B entreun instant a et un instant b, soient

M(r) la position du point mobile àl'instant t etM(r)(v(r), y(t)) sescoordonnées dans un repère orthonorméde centre 0. Considérons la fonc

tion /définie sur le segment [a, U]par/{t)= [x(t)f+ [y(0]^- Cette fonction est continue et vaut OA^ <en a et OB^ > R^ en b. D'après lethéorème des valeurs intermé

diaires, il existe donc t dans [a, b]tel que [OM(t)]^ = R^. À cet instantt, le point mobile M(t) est sur le

cercle. Nous avons donc prouvé quel'on ne peut passer d'un point intérieur à un point extérieur au eerclesans le couper.

Tangente Hors-série n° 35 Les transformations

Page 78: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER LE REGARD DU MATHEMATICIEN

Classification des surfaces

La sphère possède exactement la mêmepropriété topologique dans l'espace :elle définit un intérieur bomé et un exté

rieur non bomé. La propriété se transporte à toutes les surfaces obtenues pardéformation continue réversible. Le tore

(la bouée) possède la même propriétébien qu'il soit impossible de passer

d'une sphère à un tore par déformationcontinue. Pourquoi ? Tout simplementparce que le tore ne partage pas uneautre propriété topologique de lasphère : sur une sphère, toute courbefermée est rétractable continûment en un

point. Ce n'est pas le cas sur le tore,

comme le montre la figure suivante.

Sur une sphere, toute courbe peut serétracter en un point, pas sur un tore.

Il existe bien entendu des surfaces bien

plus compliquées que celles qui peuventêtre déformées en une sphère ou un tore,

mais les topologues ont récemment réussià toutes les classifier. Ce n'est pas (encore)

le cas dans les dimensions supérieures,c'est-à-dire pour les objets de dimension 3dans un espace de dimension 4, etc.H. L.

Le morphing (1)Nous disposons des photographies de deux objets topolo-giquement équivalents. Comment définir la transformation qui fait passer de l'un à l'autre ? Admettons qu'ils'agisse de deux carrés. Une idée est de décomposer lepremier en une collection de triangles ne se coupant quele long de leurs côtés (voir la figure volontairement trèssimplifiée Triangulation d'un carré).

GP

Co

sa

Nous déformons alors cette triangulation tout en enconservant les caractéristiques principales. Plus précisément, nous déplaçons les sommets des triangles. Nousobtenons une nouvelle triangulation :

Les transformations Hors-série n° 35. Tangente

Page 79: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

ACTIONS Le morphing

le morphing (2)Sur chaquetriangledu premiercarré,nous utilisons alors une transformation affinepour passer au triangle correspondant (de même couleur sur la figure) dans le second. Cela est toujours possible(comme nous le voyons dans l'article Formes, Déformations et Invariances). Cette transformationcorrespondà la notion de barycentre(voir la figurePassage d'une triangle à un autre).

Passage d'un triangle à un autre. Les sommets des triangles intermédiaires sont barycentres des sommets des triangles extrêmes. En particulier, L, M et N sont les milieux de [AP], [BQ] et [CR].

Si les triangles extrêmes sont ABC et PQR, les sommets des triangles intermédiaires sont les barycentres de A et P, B et Q, C et R, donc les points :

f A+ (1 - 0 P, tB + (1 - 0 Q et /C + (1 - 0 Roù t varie entre 0 et 1.

Ceci définit une transformation d'un triangle en l'autre. En réunissant ces différentes transformationsaffines, nous obtenons une transformation continue d'un carré en l'autre. Les logiciels de morphingfonctionnent ainsi. Ils définissent automatiquement une triangulation à partir des sommetsdonnés destriangles. Bienentendu, une telle triangulation n'est pas uniqueet des surprises peuventsurvenir. Pourcorriger les erreurs, il suffit en général de distribuer les points dans un ordre logique. La figureTransformation d'un chamois en lion montre un exemple de ce que l'on peut réaliser ainsi. Bienentendu, il est facile de proposer des morphings plus troublants.

Tangente Hors-série n° 35 Les transformations

Transformation d'un cha

mois en lion par morphing. La triangulationutilisée suit les contours

des visages de ces animaux.

Photographies et trucage :Hei-vé Lehning.

Page 80: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

par Michel Crlton JEUX & PROBLÈMES

HS3512-Transcoloriage ✓✓✓

On dispose de soixante-quatre petitscubes de même taille numérotés de 1 à 64.

On les range de la manière suivantepour constituer un grand cube :

La seconde tranche est constituée de la

même façon en commençant par lecube 17 placé au-dessus du 1, le cube18 placé au-dessus du 2...Ordonnée de la même façon, la troisième tranche débute par le numéro33, la quatrième par le numéro 49...Une fois le grand cube constitué, on lepeint extérieurement en vert, sur ses sixfaces, puis on le démonte dès qu'il est sec.On utilise alors les petits cubes pourreconstituer un grand cube de lamanière suivante :

le cube numéro

1 2 3 4 59 60 61 62 63 64

se translate à la place qu'occupait lecube numéro :

6789 64 1 2 3 4 5

dans le 1" grand cube.Chaque déplacement se faisant par unetranslation, les orientations de cubes

sont conservées.

Ce deuxième grand cube étant constitué, on le peint extérieurement en

rouge, sur ses six faces.Après ce deuxième coloriage, combien de petits cubes comportent

exactement deux faces colorées,

l'une en vert, et l'autre en rouge ?

HS3513 - Cinq d'un coup ! ✓✓✓

Thomas Thématic a été capturé par lesterribles Logicos, qui veulent tester sonraisonnement. Il est enfermé dans une

salle dont la porte s'ouvre grâce au sys

tème suivant :

Trente-deux

cadrans circu

laires trico

lores, ne

pouvant tour

ner que dans lesens des

aiguilles d'une

montre, sont

placés « rougeen bas ».

La porte ne peut s'ouvrir que si les trente-deux cadrans sont placés « blanc en bas ».

Mais la manipulation des disques estsoumise aux conditions suivantes ;

• on doit, à chaque « coup », tourner

cinq cadrans à la fois, ces cadrans étant(ou non) consécutifs ;

• chaque cadran ne peut tourner qued'un tiers de tour à chaque « coup ».Dès que l'une de ces deux conditions esttransgressée, la porte devient irrémédiablement bloquée.

Quel est le nombre minimal de coupsnécessaires à Thomas pour ouvrir laporte ?

HS3514 - Partition du plan ✓✓✓

Est-il possible de partitionner leplan en trois ensembles A, B, et C, de

telle façon que :

une rotation de 120° autour d'un cer

tain point P applique A sur B, et qu'unerotation de 120° autour d'un certain

point Q applique B sur C ?

Source des problèmesChampionnat des Jeux Mathématiques et Logiques (HS3512, HS35I3)Revue Crux Mathematicorum (HS3514)

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente 1751

Page 81: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS par Jacques Lubczanski

La projection centraleet rtiomographieLa projection centrale est une modélisation de notre vision,ou plutôt de la photographie. Elle est au centre de la géométrie projective.

Le mot «homographie »vientdu grec. En linguistique, ilsignifie « s'écrire de la même

manière ». Ainsi, le verbe « être » eonju-gué à la troisième personne du singulierde l'indicatif présent et la directionopposée à l'Ouest sont homographes,même s'ils se prononcent différemment.Quel rapport avec l'homographie mathématique ? La réponse vient de l'hyperbole.

Projectioncentrale

La projeetion eentrale est l'une des transformations géométriques les plus simples.On se donne deux droites D et A se cou

pant en un point O, et un point P. À toutpointA, on associe B qui est l'intersectionde AP et de A.Ce point B est appelé la projeetion de A.

Géomètre, c'est sûr, il l'estNotre auteur venu de l'est.

Dissonances homographiques,Maxime de Ruelle

m Tangente Hors-série n° 35

Projection centrale autour du pivot P :A se projette en B, A' en B' et A" en B".Plus A s'éloigne de O, sur D, ^ aplus son image B serapproche an contrairede O, et vice versa.

LepointAq deD appartenant à laparallèleà A passant par P résiste à la projectioncentrale : il estsansimage. Demême, Bg,l'intersection de A et de la parallèleà Dpassant par P, est sans antécédent.Cesdeux points jouentdesrôles Aprivilégiés,commenous allons le voir.

f.a projection q ^centrale de

centre P, A,, le point Agde D sans image, etB„le point de Asans antécédent.

Page 82: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER LE REGARD DU MATHEMATICIEN

Recherche d'une formule

Peut-on trouver une formule reliant l'abs

cisse d'un point et celle de son image ? Laquestion est simple si on utilise O commeorigine, Aq le point sans image, et Bg lepoint sans antécédent pour former unrepère.

Les deux triangles en vertet bleu surlafigure ont leurs ^angles égaux, ils sont donc semblahit s.

Les deux triangles AAgP et PBgB ontleurs côtés parallèles et donc leursangles égaux : ils sont semblables.Leurs côtés sont ainsi proportionnels :

BoB AqP

BqF AoA

Si nous notons a, b,x et y les abscisses(d'origine O) deAg, Bg, A et B, cette relation s'écrit :

y-b b

x-a

que l'on peut également écrire(x - a){y -b) = ab.

Notre raisonnement, a priori valableseulement si x > a, se généralise aucas X < a.

La branche cachée de l'hyperbole

Quand A décrit D, le point M de coordonnées Xet y, dont les projections sur D et Aparallèlement à A et D sont A et B, décrit

une hyperbole d'asymptotes parallèlesà Det A, passant par P.

En fait, la courbe dessinée est incom

plète. n lui manque une branche : H_, cellequi estdécritepar les points symétriquesde

par rapport au point P. Michel Chasles(1793-1880) a introduit ce terme d'homographie à cause de la construction de cettecourbe. On obtient l'hyperbole complèteen traçant l'une de ses branches et en complétant le graphe en le reproduisant à l'envers de l'autre côté de P. La branche H_ est

une homographie de au sens littéral.

L'homographie générale

La projection centrale n'est qu'un cas par-ticuher d'homographie. De façon générale,

on appelle ainsi les transformations s'exprimant sous la forme :

ax + b

ex+ d

Si le nombre c est non nul, le graphe d'unetelle fonction est toujours une hyperbole,formée de deux branches symétriques.La transformation homographique segénéralise ensuite au plan complexe.Géométriquement, il s'agit de la composéed'une inversion et d'une similitude. Elle

joue un rôle important en analyse dansl'étude des fonctionscomplexes.

J.L.

Le point M decoordonnées

.Y et y décritune hyper

bole

Hors-série n° 35. Tangente

D

Page 83: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

HISTOIRE par Michel Criton

La géométrie projectlueou l'unification des coniquesOn peut définir les coniques(l'ellipse, dont le cercle est uncas particulier, la parabole etl'hyperbole) de plusieursfaçons : géométrique, analytique et enfin prcjective.

Le géomètre grecApollonius de Perge(iif siècle av. J.-C.)

entreprit une étude systématique des intersectionsd'un cône avec un plan,

appelées pour cela sections coniques, ou plussimplementconiques.

En géométrie projective,il n'existe qu'une

conique.

Une question de perspectiue

Cette conception des coniques resterala seule jusqu'au xvii" siècle. Lesmathématiciens Girard Desargues(1591-1661) et René Descartes (1596-1650) apporteront chacun un nouveaupoint de vue sur le sujet, le premier

Les coniquesdéfinies

comme

intersection

d'un cône

et d'un plan(ellipse, parabole

ou hyperbole selonque le plan est sécantavec les génératrices

du cône, est parallèle àune génératrice ducône, ou coupe les

deux nappes du cône,respectivement).

avec les prémices de ce qui deviendrala géométrie projective, et le secondavec l'invention de la géométrie analytique. Cette dernière connaîtra ungrand succès : chaque conique est définie par l'équation cartésienne de sa

82 Tangervte Hors-série n° 35 Les transformations

Page 84: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER LE REGARD DU MATHEMATICIEN

courbe dans un repère, et ses propriétés découlent d'égalités algébriques. Acontrario, l'œuvre de Desargues aurapeu de diffusion et tombera mêmedans l'oubli, jusqu'à ce qu'elle soitredécouverte au milieu du xix*^ siècle.

Desargues s'est appuyé sur les travauxdes peintres de la Renaissance (Pierodélia Francesca, Filippo Brunelleschi...)

qui ont codifié la perspective pourconstruire une théorie mathématique

rigoureuse, celle de la géométrie pro-jective. Ce n'est qu'en 1847 qu'onretrouvera une copie d'un de ses textesde 1639 intitulé Brouillon projet d'uneatteinte aux événements des rencontres

du cône avec un plan. Les mathématiciens Jean-Victor Poncelet (1788-1867),

Jakob Steiner (1796-1863) et Christianvon Staudt (1798-1867) redéfiniront lesbases de cette nouvelle géométrie, enabandonnant le vocabulaire par tropobscur de Desargues.En géométrie projective, on adjoint àl'espace affine (l'espace « ordinaire »dans lequel nous vivons) une droite àl'infini. Deux droites parallèles de cetespace affine ont alors toujours unpoint en commun, situé sur cette droiteà l'infini. Ce point en commun correspond au « point de fuite » bien connudes peintres en perspective centrale(dite aussi perspective conique).

Un observateur s'avance vers un

cercle dessiné sur le sol. Il voit

tout d'abord une ellipse, qui sedéforme jusqu'à devenir uncercle, puis une parabole et enfinune branche d'hyperbole.

Les homographies

Les applications bijectives d'un espaceprojectif dans lui-même s'appellentdes homographies.Dans le plan complexe, une homographiepeut se définir comme une bijection duplan complexe privé d'un point sur le plancomplexe privé d'un (autre) point, du type

az + b

cz + d

oùci^O, {a, b) et (c, d) ne sont pas proportionnels, die.Les homographies sont une généralisationdes similitudes à l'espace projectif. Ellesconservent certaines propriétés desfigures, notamment le birapport (voirencadré).

M.C.

Au Luxembourg, des balustrades circulaires du xviiF

siècle ferment la perspective des jardins. Vues del'intérieur, il s'agit doncd'une hyperbole parfaite,que l'on peut comparer avecla bouche d'égout elliptiqueau sol. La parabole quant àelle appartient au mondedes idées, cas limite entrel'hyperbole et l'ellipse, quel'on pouiTait voir en se positionnant parfaitement surla colonnade.

Le birapport de quatre points

A B C D

Cette notion de birapport (ou rapport anharmonique) a étédéfinie par le mathématicien Michel Chasles (1793-1880).

QA DAIl s'agit du rapport de mesures algébriques : .

CB DE

Ce rapport est indépendant du repère choisi sur la droite,et il est conservé dans toute projection.

Les transformations Hors-série n° 35. Tangente [831

Page 85: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS Par Michel Criton

L'inuersionet l'arbelos

Cette transformation peu connue trouve son origine dans

les travaux de Jean-Victor Poncelet (1788-1867), inventeur

de la géométrie projective, et de Jacob Steiner (1796-1863),

qui découvre l'inversion en 1824.

L'inversion

transforme

un cercle en

droite, ce quiadesapplica- Définition

tions en

mécanique

C'est ensuite le mathématicienitalien Giusto Bellavitis (1803-

1880), inventeur de la notion

d'équipollence, qui étudiera l'inversion de façon systématique (il la nommait « transformation par rayonsvecteurs réciproques »), dans son livreThéorie des figures. En 1847, JosephLiouville (1809-1882) démontrera quetoute transformation conforme de l'es

pace est réductible à une suite d'inver

sions et de similitudes.

Dans le plan, l'inversion de centre O

(ou de pôle O) et de puissance k (nonnulle) est l'application du plan privédu point O dans lui-même, qui à toutpoint M associe le point M' de la droite(OM) tel que ÔM~ X OM ' = k .L'inversion est dite positive si > 0 etnégative si â:< 0. Cette transformation

ne conserve pas les longueurs, maiselle conserve l'orthogonalité et lesangles. Les points invariants du plan

sont les points du cercle de centre O etde rayon \/| k \ (ce cercle, représentéen rouge sur la figure, est appelé le« cercle d'inversion »).

Le cercle d'inversion (en rouge)est invariant, connue les cerclesqui lui sont orthogonaux (enbleu). Le cercle de diamètre OM(en noir) se transforme en ladroite orthogonale à (OM) passant par M' (en hleu foncé).

84 Tangente Hors-série n°35. Les Transformations

Page 86: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

La droite (OM) privée du point O esttransformée en elle-même. Le cercle

de diamètre [OM], privé de O, s'ouvre

et se transforme en la droite perpendiculaire à (OM) passant par M'. Toutcercle passant par O, privé de O, se

transforme en une droite. Tout cercle

orthogonal au cercle de l'inversion estglobalement invariant : il se transformeen lui-même.

La définition de l'inversion se généralise

à l'espace à trois dimensions en remplaçant les cercles par des sphères et lesdroites par des plans. Les inversions

sont des involutions : une inversion est

sa propre réciproque et la compositiond'un inversion avec elle-même donne

l'application identique. Dans le plan, lesinversions conservent l'ensemble des

droites et des cercles : l'image d'une

droite ou d'un cercle par une inversionest une droite ou un cercle. Dans l'es

pace, elles conservent l'ensemble desplans et des sphères : l'image d'un planou d'une sphère par une inversion est unplan ou une sphère. Elles conservent lesangles : ce sont des transformationsdites « conformes ».

Un exemple : l'arbelos

Dans l'article « L'inversion et la

chasse au lion », nous voyons une utilisation humoristique de cette transformation. Donnons ici un exemple plus

sérieux d'utilisation pour résoudre unproblème. Dans la figure ci-après (onappelle cette figure, étudiée en son

temps par Archimède, un arbelos), ona construit une chaîne de cercles tan

gents entre eux et tangents aux bordsde l'arbelos. On appelle de telleschaînes de cercles des chaînes de

Steiner, du nom du mathématicien

suisse Jacob Steiner. Ces chaînes de

cercles tangents construits à l'intérieur

DOSSIER : LE REGARD DU...

de l'arbelos ont déjà été remarquées etétudiées par le mathématicien alexandrin Pappus au IV® siècle de notre ère.On veut démontrer que le centre du n®cercle de la chaîne (à partir du plusgrand) est situé à une distance de ladroite (AC) égale à 2n fois son rayon.

L'arbelos.

La démonstration de cette jolie propriété se fait facilement en utilisantl'inversion. Considérons l'inversion de

centre A et dont le rayon est choisi defaçon à laisser invariant le n® cercle dela chaîne. Cette inversion transforme la

droite (AC) privée du point A en elle-même, les cercles de diamètres [AD]

et [AC] en deux droites parallèles (voirla figure ci-dessous qui prendl'exemple du troisième cercle inscrit

dans l'arbelos). Elle transforme le n®cercle en lui-même, et tous les autres

cercles de la chaîne en des cercles tan

gents entre eux et tangents aux deuxdroites parallèles, donc de même diamètre, ce qui établit la propriété.

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente 85

Page 87: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS L'inversion et l'arbelos

Inversion et machines à vapeur

Un officier français, Charles Peaucellier(1832-1913) inventa un mécanisme qui, entransformant un mouvement circulaire en

mouvement rectiligne, réalisait une inversion géométrique. Ce mécanisme futensuite utilisé dans les machines à vapeuret améliora le système de transmission dûà James Watt (1736-1819).

A D C

L'inversion de centre A laissant invariant le n"

cercle (en rouge) transforme les deux cercles dediamètre AD et AC en les deux droites parallèles(en rouge) et les autres cercles en des cercles tangents à ces droites (en rouge), donc de mêmerayon. Cela prouve que la distance de son centreà la droite (AC) est égal à 2n fois son rayon.

Une propriété analogue peut être miseen évidence en partant non plus d'unarbelos, mais d'une « corne »,

c'est-à-dire d'un arbelos privé de sonplus petit demi-cercle.On peut alors démontrer, et de façonanalogue (voir la figure cicontre), quele centre du rf cercle de la chaîne (àpartir du plus grand) est situé à unedistance de la droite (AC) égale à2n - 1 fois son rayon.

M. r.

j 8G Tangente Hors-série n°35. Les Transformations

Page 88: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

par H. Lehning et F. Lavallou

tes géemétries cachée

Léda atomica (1949).Outre les nombreux sym

boles qu'elle contient,cette toile de Salvador

Dali a été construite sur

un pentagone régulier.

-

Salvador Dali (1904 - 1989)est connu pour ses provoca

tions et sa démesure. Il fut

aussi un excellent technicien

de la peinture, comme entémoignent ses trompe-l'œil etses anamorphoses (voirl'article « Les transformations

géométriques, tout un art »dans ce numéro). Les décelern'est pas chose facile. Parfois,quelques détails étonnent, desnuages étrangement disposéspar exemple. Faut-il y voir unmessage de l'auteur vu dansun miroir cylindrique ou sphé-rique ? (voir l'article « Imagedans une boule de Noël »).

Dans Léda atomica. Gala et lecygne s'inscrivent dans unpentagone régulier. Le soucides proportions est rappelé

par une équerre et l'ombre d'une règle. Les transformations géométriques sont une des clefs pour comprendreles œuvres de Salvador Dali.

EN BREF

Douce Perspective

Cet ouvrage n'est pas un traité didactique et

technique sur la géométrie projective, mais piu-

tôt une invitation à suivre ie ient cheminement

des idées sur ia perspective au cours des âges.

De Bruneiieschi, ie génial Florentin, à son coi-

iégue lyonnais Desargues, en passant par

Piero deila Francesca et Leonardo da Vinci,

nous suivons les avancées et errements d'une

notion pas toujours bien définie se situant entre

théorie et pratique, science et art, vision et géo

métrie. À une époque encore sous le joug desconceptions aristotéliciennes, et où les seg

ments n'osent se transformer en droites, de

peur de côtoyer un infini qui ne peut être que

divin, des peintres frôlent le sacrilège en intro

duisant sur leur fenêtres de toiles les points de

fuites de leurs perspectives. Nous découvrons

ia géométrie secrète de leurs tableaux au cours

de chapitres dont l'ordre de lecture peut obéir à

l'humeur du lecteur. Les auteurs, désireux de

raconter plutôt qu'expliquer,

ont manifestement cherché

à donner à voir « ia douce

perspective » à des géo

mètres, peintres, historiens

ou esprits ouverts, refusant

de choisir, pour reprendre

Descartes, entre « doctes et

curieux ». N'hésitez donc

pas à assister à cette excep

tionnelle rencontre entre

une science et un art !

Douce PerspectiveUne histoire de science et d'art

Définition de l'anamorphose

Les anamorphoses sont des représentations volontairement déformées

d'un objet, dont l'apparence réelle nepeut être retrouvée qu'en regardant

l'image sous un angle particulier ouau moyen d'un miroir courbe, souvent

conique ou cylindrique. Elles peuventêtre créées optiquement ou géométriquement. Il s'agit en fait d'une variationde la perspective dont chaque pointobservé se retrouve à l'intersection d'une

ligne de fuite et d'une courbe.

Déni» Fivennec

>'• Emmanuel RIboulel-Deyri»

'̂ lljpscfc

Denis Favennec en collaboration

avec Emmanuel Rlboulet-DeyrisÉditions Ellipses, 2007, 242 pages.

Hors-série n° 35. Les transformations Tangente 87

Page 89: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

ACTIONS Par Hervé Lehning

L'inuersionet la chasse au lionHector Pétard, gendre du divin Bourbaki, mathématiciende génie, sut appliquer les transformations géométriquesles plus abstraites à des domaines aussi concrets que lacynégétique.

Le lion est un animal constamment sur ses gardes. Comment

l'attraper vivant sans éveillerses soupçons ? Hector Pétard, illustre

mathématicien du XX" siècle, apportades réponses magistrales à ce problème. La principale concerne l'objet decet ouvrage.

Stratégie de capture d'un lion

L'idée géniale d'Hector Pétard pourchasser le lion sans danger est de disposer d'une cage dans laquelle ils'enferme seul. A l'instant initial, lelion est donc à l'extérieur. 11 opère

L'humour est mathématiqueCet article sur la chasse au lion est un exemple caractéristique d'humour

mathématique. Celui-ci frise souvent l'absurde. Hector Pétard est le pseu

donyme de Ralph P. Boas (1912-1992). Ses articles les plus cocasses ont été

rassemblés par la Mathematical Association ofAmerica dans Lion hunting

& other mathematical pursuits. Contemporain de la grande époque

Bourhachique (1930-1960), il s'est imaginé converger en justes noces avec

la fille du maître polycéphale. Son faire-part de mariage évoque ce temps

béni des structures abstraites. Tangente est née de leurs dégâts collaté

raux, quand leurs prosélytes ont créé un enseignement « moderne » des

mathématiques, oubliant leurs applications. Nous dédions cette sonnerie

aux morts à notre magistral chasseur de lions.

88 ?a.ngen-te Hors-série n°35. Les transformations

Page 90: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

Lionne en Namibie.

Cet animal est

constamment sur ses

gardes. Seule la ruse

permet de le eaptu-

rer vivant.

Photo Hervé

Lehning (prise de la

cage, avant mver-

iv

alors une transformation échan

geant intérieur et extérieur de lacage. De ce fait, le lion se trouve dans la cage et lui àl'extérieur. L'idée généraleétant trouvée, quelle cage etquelle transformation utiliser ?

Propriété d'une inuersion

%

L'étude des articles qui précèdent donne la solution : la cage

doit être sphérique et la transformation, une inversion, dont on com

prend à ce propos le nom. Il s'agitd'inverser cage et monde extérieur !

DOSSIER : LE REGARD.

•' 'C. - .

La transformation qui à

M associe M' vérifiant :

OM.OM' =

échange extérieur (en

bleu) et intérieur (en

rouge) de la sphère de

centre O et de rayon R.

Capture du (Ion

Prenez une inversion à effet limité afin

d'éviter la surpopulation dans votre

Hors-série n° 35. Les transformations Tangente

Page 91: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

ACTIONS L'inversion et la chasse i?ion

cage. Placez-la à proximité du lion,avec vous à l'intérieur. Opérezl'inversion. Vous vous trouvez à

l'extérieur, et le lion à l'intérieur.

Malgré la simplicité de la méthode,nous vous conseillons toutefois de

l'essayer d'abord sur un chat domestique avant de vous lancer dans lachasse au lion. La rédaction de

Tangente décline toute responsabilitéen cas d'accident de chasse.

Cette méthode fait honneur à l'espritmathématique le plus abstrait. Mais le

génie d'Hector Pétard ne s'arrêtait paslà. Il sut imaginer des méthodes purement physiques, par exemple celle-cique nous vous conseillons : un lion estde masse non nulle si bien qu'il a desmoments d'inertie. Attendez l'un

d'eux. Quand il se produira, vous

n'aurez aucun mal à l'attraper.

H.L.

Faire-part de mariage de Betii Bourbaki

Monsieur NICOLAS BOURBAKI, Membre Canonique de l'Académie Royale de Poldévie,Grand Maître de l'Ordre des Compacts, Conservateur des Uniformes, Lord Protecteur desFiltres, et Madame, née BIUNIVOQUE, ont l'honneur de vous faire part du mariage deleur fille BETTI avec Monsieur HECTOR PETARD, Administrateur Délégué de la Sociétédes Structures Induites, Membre Diplômé de l'Institute of Class Field Archeologist, secrétaire de l'Œuvre du Sou du Lion.

Monsieur ERSATZ STANISLAS PONDICZERY, Complexe de Recouvrement de PremièreClasse en retraite. Président du Home de Rééducation des Faiblement Convergents,Chevalier des Quatre U, Grand Opérateur du Groupe Hyperbolique, Knight of the TotalOrder of tbe Golden Mean, L.U.B., C.C., H.L.C., et Madame, née COMPACTENSOI, ontl'honneur de vous faire part du mariage de leur pupille HECTOR PETARD avecMademoiselle BETTI BOURBAKI, ancienne élève des Bien Ordonnées de Besse.

L'isomorphisme trivial leur sera donné par le P. Adique, de l'Ordre des Diophantiens, enla Cohomologie principale de la variété universelle le 3 Cartembre, an VI, à l'heure habituelle.

L'orgue sera tenu par Monsieur Modulo, Assistant Simplexe de la Grassmannienne Qemmechanté par la Schola Cartanorum). Le produit de la quête sera versé intégralement à la maison de retraite des Pauvres Abstraits. La convergence sera assurée. Après la congruence.Monsieur et Madame BOURBAKI recevront dans leurs domaines fondamentaux. Sauterie

avec le concours de la fanfare du 7® Corps Quotient. Tenue canonique (idéaux à gauche à laboutonnière)

C.Q.F.D.

lâOJ Tangenize Hors-série n°35. Les transformations

Page 92: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

par Elisabeth Busser EN BREF

-

Philippe Decrauzat, des compositions uertigineusesCejeune artiste suisse, né à Lausanne en 1974, sait à merveille jouer de la perspective. Il nous suggère par exemple, dans des jeux perspectifs complexes, un point devue vertigineux dans un petit couloir, créant bien souvent dans ses expositions ununivers de science-fiction. Des bandes, des lignes, de grands aplats noirs et blancsfont « vibrer » les surfaces planes et nous donnent, grâce aux transformations géométriques, une autre perception de l'espace.

^ Komakino, peinture murale,2005,Philippe Decrauzat.

. Ce dessin provient du site du Musée d'artmoderne et contemporain de Genève :www.mamco.ch

Stéphane Dafflon, artiste du futur

Silent Gliss 1 056(S. Dafflon, 2004)

Autre jeune artistesuisse, né en 1972 àNeyruz, StéphaneDafflon adopte, lui,les méthodes du des

sin assisté par ordinateur, de laconception et du

design industriels. Chacun de sestableaux, conçus sur ordinateur, met envaleur des formes

géométriquessimples, transformées le plus souventpar homothétie,sans toutefois jouersur les effets d'optique de l'Op art.

Tsm (S. Dafflon, 2001)

L'artiste utilise même

parfois complètement lasymétrie par rapport àun plan, puisqu'il fautdans certaines de ses

compositions retournerle tableau pour avoir une vue complètede l'œuvre.

ATSiog etATSioo (S. Dafflon, 2008)

Hors-série n°35. Les Transformations Tangen±e 9r

Page 93: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS par Elisabeth Busser

Coxeterde la géométrie à l'artCélèbre pour avoir conçu desformes dans des espaces multi-dimensionnels, Coxeter a non seulement réhabilité la géométrie, mais aussi inspiré de nombreux artistes.

H.S.M. Coxeteradisparu depuis2003 mais sa conception de lagéométrie survit encore en

nous. II passe même pour le « sauveurde la géométrie », comme l'a qualifié

récemment S. Roberts dans

le Boston Globe, dans un

monde dominé par l'algèbreet l'analyse, œuvrant durant

toute sa longue carrièred'universitaire à replacer labeauté des formes dans le

monde des mathématiques.« Aujourd'hui encore, la

géométrie possède toutes lesvertus que les éducateurs luiattribuaient il y a une géné-elle existe toujours dans la

nature et attend qu 'on la découvre etqu'on l'apprécie. [...] Elle possèdeencore l'attrait esthétique qu'elle atoujours eu et la beauté de ses résultatsne s'est pas estompée » nous dit

Coxeter dans l'introduction à son

ouvrage paru en 1971, Redécouvrons

la géométrie.

ration

lazJ Tangenize

La muse d'Esclier

Coxeter, passionné de géométrie aupoint de parcourir dans les années

soixante les États-Unis pour raconteraux professeurs les « merveilleuses

propriétés des triangles », aimaitavant tout la beauté : celle des mathé

matiques, celle des formes géométriques mais aussi celle de l'art. Cen'est pas pour rien qu'il se lia d'amitiéavec le graveur hollandais M.C. Escher

dès 1954 et assista l'artiste dans sa

quête pour appréhender la notiond'infini. « l'm Coxetering today », seplaisait à dire, en travaillant à la sériede ses Circle limit, l'artiste qui étonnaitsi fort le géomètre. Représenter dansun disque des motifs répétitifs rapetissant à l'infini vers les bords : c'était le

défi d'Escher. Coxeter lui apporta lasolution : la géométrie hyperboliquesur le disque de Poincaré, où les droitessont ou des diamètres ou des arcs de

cercles orthogonaux au contour dudisque. Escher put ainsi effectuer avec

la précision toute mathématique du

Page 94: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

Le disque hyperboliaue

de Poincaré

CItcle LImIt I,

gravure de M.C. Escher

géomètre une construction que sonintuition d'artiste lui avait suggérée.L'association de l'artiste, qui neconnaissait guère de mathématiques,et du géomètre - sa muse en quelquesorte - qui savait les expliquer a donnédes gravures comme Circle Limits I, ennoir et blanc, puis Circle Limits III, unevariante en quatre couleurs. « SiEscher l'afait par intuition, moi je l'aifait par la trigonométrie » disaitCoxeter pour résumer leur fructueuse

collaboration.

L'inspirateur de Fuller

Du pavage du disque de Poincaré pardes triangles à son extension àl'espace, il n'y a qu'un pas. Coxeter

yEGARD DU

par ses suggestions permit àl'architecte Richard Buckminster

Fuller (1893-1983), un autre de sesamis, de le franchir. Les travaux dumathématicien sur les symétries del'icosaèdre, polyèdre régulier à vingtfaces en forme de triangles équilaté-raux, inspirèrent en effet à l'architectepassiormé de géométrie le concept dudôme géodésique réalisé pour lepavillon des États-Unis à l'ExpositionUniverselle de Montréal en 1967.

200 000 de ces dômes ont été édifiés

depuis à travers le monde, constructions permanentes ou éphémères,toutes basées sur les polyèdres réguliers qu'affectionnait Coxeter, offrant

Coxeter,biographiesuccincte9 février 1907 : naissance à Londres deHarold Scott MacDonald Coxeter.

Jusqu'en 1931, date de son doctorat,études au Trinity Collège de Cambridge.1926 : découverte d'un nouveau polyèdre régulier, une « épongerégulière », assemblage de polyèdresarchimédiens qui pavent l'espace.1931-1935 : recberches aux États-Unis.1934 : publie une classification desgroupes dits « de Coxeter », comme parexemple les groupes d'isométries depolyèdres réguliers.1936 : nomination comme professeur àl'Université de Toronto, où ilrestera jusqu'à son décès.1954 : rencontre avec le graveur Escber.1968 : rencontre avec Tarcbitecte Fuller.31 mars 2003 : décès à Toronto.

-fil'u rf: ions J93

Page 95: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS P- -:SCoxeter, de la géométrie à l'art

Le dôme

géodésique de

Montréal.

un maximum de solidité pour un minimum de structure. C'est dire que lesrecherches du géomètre ont débordé

bien au-delà du cadre

des mathématiquesthéoriques.Ce n'est d'ailleurs

qu'après sa construction que Coxeterdécouvre le dôme de

Montréal ainsi qu'unestructure semblable,

mise en place parFuller à titre de rem

placement de sa maison brûlée. À ceniveau, l'élève a dépassé le maîtrepuisqu'il reste plus de ces constructions le nom de leur architecte quecelui de « l'aventurier des polyèdres »qui les a inventées. Notons égalementau passage que Fuller a aussi donnéson nom - fullerène- à la molécule du

carbone 60, découverte en 1985, dont

la forme, celle d'un icosaèdre tronqué,a été largement étudiée au préalablepar Coxeter. De quoi perturber un peules relations entre le géomètre etl'architecte !

Coxeter cependant était très admiratifde l'œuvre de Fuller et a échangé aveclui une intense correspondance. Fullerlui a à son tour dédicacé l'un de ses

ouvrages, Synergetics : Explorations in

QUELQUES QUVRA6ES QE COXETERMathematical Récréations and Essays (W.W.R. Bail et

H. S.M. Coxeter ; Dover 1987), Introduction to geometry(H.S.M. Coxeter ; Wiley 1989), The real projective plane(H.S.M. Coxeter et G. Beck ; Springer 1992), Redécouvrons

la géométrie (H.S.M. Coxeter et S.L. Greitzer ; traductionfrançaise, Gabay 1997), Non-Euclidean Geometry (H.S.M.Coxeter ; Mathematical Association ofAmerica ; 1998),The beauty of geometry : Twelve Essays (H.S.M. Coxeter ;Dover 1999).

the Geometry of thinking, dans le stylefleuri qui lui était propre : « Au géomètre de notre remuant XX^ siècle,

conservateur terrestre - spontanément

salué- de l'invention historique de lascience des modèles analytiques ».

Une géométrie de l'art

Toujours avide de faire sortir lesmathématiques des sentiers battus,Coxeter collabora également à plusieurs rééditions du très populaire livre

de Rouse Bail : Mathematical récréa

tions and essays et n'est pas étrangeraux divers problèmes de coloriages decartes ou de pavages de figures planes.L'art, qu'il soit celui de constructions

mathématiques sophistiquées, defigures esthétiques dans le plan ou deconstructions architecturales eom-

plexes, a donc été le moteur de l'actionde Coxeter. Ce travailleur infatigablequi jamais ne s'ennuyait y a avecdélices consacré sa vie , affirmant sou

vent « J'ai eu la chance incroyabled'être payé pour ce quej'auraisfait detoute façon ».Et pour cause... Il nous a, en soixante-dix ans d'une incessante activité, laissé

douze livres, cent soixante-septarticles, allant bien au-delà de la

recherche mathématique. La réputation

de Coxeter s'est faite sur ses études sur

les polytopes, polyèdres dans lesespaces de dimensions élevées, mais ila aussi beaucoup publié pour la géométrie plane, des ouvrages si limpides

que même des non-mathématiciens lesont étudiés avec plaisir pour y puiserbien souvent des idées artistiques. Il

restera pour nous non seulement leplus ardent défenseur et le promoteurle plus éloquent de la géométrie maisaussi l'inspirateur d'artistes reconnus.

E.B.

Tangente Hors-série n°35. Les transformations

Page 96: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

EN BREF

Les « Imajustages » de Rlyriam Labadie

Alphabestiaire (A), (B) et (C),encre sur papier,

lôcm X i6em, 2005.

Vieillards plastiques, encre sur papier,20cm X 20cm, 2008.

Le drapeau... pirate, acrylique sur bois,50cm X 50cm, 2007.

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente 95

Page 97: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

ACTIONS par Michel Criton

Histoirede bouchonsUn casse-tête classique, et dont l'intérêt semblait limité, peutêtre relancé, à condition de le considérer sous un nouvelangle, et de le relier à d'autres problèmes.

Alphabétiquesou purement

géométiiques,les formes detoutes sortes

ont toujoursinspiré aussi

bien les

artistes que lesgéomètres et

autres espritsvagabonds.

Le casse-tête représenté ci-après est un classique desjeux mathématiques. On le

trouve dans le livre Curiosités géométriques d'Emile Pourrey, qui date desannées 1900, mais il est certainement

plus ancien. Ce casse-tête est habituellement présenté ainsi :« Vous avez devant vous une planchede bois présentant trois ouvertures,

l'une carrée, la seconde triangulaire,et la troisième circulaire. Vous devez

trouver un bouchon qui convienne

pour les trois ouvertures. »

« Facile ! », penserez-vous, mais

contrairement à un bouchon de bou

teille de Champagne, qui ne peut paspasser à travers le goulot de la bouteille et tomber à l'intérieur, votre bou

chon, s'il doit obturer parfaitement les

trois ouvertures, doit aussi pouvoir lestraverser complètement (ce que vous

essayez généralement d'éviter, pas toujours avec succès, lorsque vous débouchez une bouteille de bon vin).

Trouvez un bouchon convenant poiu- les trois ouvertures.

196 Tangente Hors-série n°35. Les Transformations

Page 98: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

La solution de ce problème est représentée ci-dessous : il s'agit d'un ongletprésentant une vue carrée, une autre

triangulaire, et une troisième circulaire. Le mot « vue » est ici utilisé dans

le sens que lui donnent les dessinateursindustriels : « vue de face », « vue de

côté », « vue de dessus ». En effet, le

problème peut être formulé autrement :il s'agit de trouver un solide dont lesprojections selon trois axes deux àdeux orthogonaux sont respectivementun triangle, un carré, et un disque.

DOSSIER: LE REGARD DU...

nit lui-même un triplettre comme « unbloc taillé de telle sorte que son ombreprojetée dans trois directions orthogonales donne trois lettres dijférentes ».

L'idée lui en est venue, dit-il, en un

éclair, un soir où il cherchait la

meilleure façon de fusionner les noms

de Gôdel, d'Escher et de Bach en une

forme frappante.

Bouchon remplissant tous les trous.

Le problème GEB

Dans un livre plus récent, Gôdel,Escher, Bach, les brins d'une guirlande

éternelle, de Douglas Hofstadter(1979), on trouve un problème similaire, portant non pas sur des formes

géométriques, mais sur des lettres del'alphabet.

Le livre de Douglas Hofstadter sedivise en deux parties : la premièrepartie a pour titre G E B, et la seconde

E G B (G est l'initiale de Gôdel, un

logicien dont les découvertes ont révolutionné la façon dont les mathématiciens considèrent leur science ; E est

l'initiale de Mauritz Escher, un dessi

nateur et graveur hollandais pour quiles mathématiques ont été une puissante source d'inspiration ; B, enfin, estl'initiale de Jean-Sébastien Bach, qu'ilest inutile de présenter).Pour illustrer le titre de chacune des

deux parties de son livre, DouglasHofstadter a cherché une image forte

et percutante, et il a imaginé ce qu'ilappelle un « triplettre ». L'auteur défi-

Des problèmes similaires?

Les deux problèmes, celui de la

planche à trois trous, et le problème

des triplettres, semblent, à premièrevue, similaires. En fait, ils ne le sont

pas totalement. En effet, dans le problème de la planche à trois trous, ildoit exister trois sections du solide

solution ayant les formes respectivesdes trois trous, de façon à ce que lesolide puisse réellement boucher hermétiquement chacun des trois trous.

Dans le problème des triplettres, cettecondition n'est pas nécessaire, puisqueseule l'ombre projetée est importante.On notera par ailleurs que le problèmedes trois lettres d'Hofstadter pouvaitdifficilement être présenté sous laforme traditionnelle de la planche, àcause des évidements de la lettre B. Un

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente 97

Page 99: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS Histoire de bouchons

autre élément de réflexion dans la

comparaison des deux problèmes est le

fait qu'il n'y a qu'une solution pour ledisque, le triangle et le carré, alors queles lettres B, E, et G conduisent à au

moins deux solutions.

1

/ 1

/ .7 1

7

Mais existe-t-il seulement deux solu

tions à ce problème ? Cela dépend sivous acceptez ou non de vous contor-sionner le cou pour lire les troisombres. En effet, vous lisez les ombres

de la figure ci-dessus d'un seul coupd'œil, c'est-à-dire que ces ombres ontla bonne orientation haut/bas et

droite/gauche. Si l'on supprime cettecondition, il existe d'autres solutions.

De nombreuses solutions

On peut faire l'inventaire de ces solutions. Supposons que la lettre G soit enface de nous, avec la bonne orientation

pour la lire. Les lettres B et E peuvent

alors prendre chacune quatre orienta-

tions différentes sur les deux autres

faces visibles, ce qui donne seize possibilités. En échangeant les places deslettres B et E, on obtient seize autres

possibilités, ce qui porte à trente-deuxle nombre total des solutions. Nous

laissons le soin au lecteur de trouver

quelles dispositions permettent deconstruire effectivement un

« triplettre » (on aura intérêt à partir delettres s'inscrivant dans un carré, et

présentant le plus de symétries possibles : par exemple la lettre B, qui estsymétrique par rapport à un axe horizontal, ce qui n'est généralement pas lecas pour les caractères d'imprimerie

standard).

Si l'on avait trois lettres ne présentantaucune symétrie comme la lettre G, lenombre de solutions serait encore plusgrand. Nous vous laissons le soin de

les dénombrer.

M.C.

Bibliographie

Curiosités géométriques. ÉmileFourrey, Vuibert (Paris), 427pages, 2001. Édition originale1907, chez Vuihert, 437 pages.

Godel, Escher, Bach, les brinsd'une guirlande éternelle.Douglas Richard Hofstadter,Dunod (Paris), 883 pages, 2008.Édition originale 1979en anglais,chez Basic Books (New York),776 pages.

Tangente Hors-série n°35. Les Transformations

Page 100: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

par E. Busser et H. Lehning EN BREF

Uictor Uasarely, père de l'Op artOn ne présente plus Vasarely (1906-1997), artiste hongrois proche du mouvementdu Bauhaus, tant ses images optiques ont hanté l'imaginaire collectif des années60-70 et ont eu un profond impact sur l'architecture, la mode et la conceptioninformatique de la peinture. N'utilisant qu'un petit nombre de formes et de couleurs, il développe son propre modèle pour nous offrir un art abstrait, géométrique,jouant pleinement sur les transformations du plan ou de l'espace, reconnaissableentre tous. Avec Victor Vasarely, le mouvement est entré dans l'œuvre d'art et sonseul nom va définir un style.

Ceci n'est pas un Uasarely

L'œuvre de Vasarely sort d'un livre demathématiques ! En particulier, il a faitun grand usage de transformations géométriques.

Hommage à Vasarely en forme de tri-poutre de Penrose, œuvre de l'auteur.

Ceci n'est pas im Vasarely, mais im hommage. Œuvre originale de l'auteiu- et inspirée des idées de Vasarely.

Plusieurs de ses toiles consistent en un

quadrillage auquel il a fait subir unetransformation complexe. L'idée estreproductible à l'infini, ce que Vasarelylui-même souhaitait. Pour lui rendre

hommage, nous vous en proposons deuxqu'il aurait pu concevoir. La gourmandise de ses ayants droit explique cettesubstitution.

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente 99

Page 101: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

ACTIONS Par J. Bair et V. Henry

Translater,c'est quarrer !Peut-on calculer des aires de figures compliquées sans calculintégral ? Réponse avec quelques translations et le théorèmede Mamikon.

omment trouver l'aire d'un

domaine délimité par deuxcourbes ? La réponse usuelle

est : en calculant quelques intégrales.Pourtant, il est aussi souvent possiblede le faire en translatant des segmentsde façon adéquate pour transformer lafigure en une autre plus simple dont lecalcul de l'aire est élémentaire (disque,triangle, etc.). Cette approche, fortvisuelle, a été mise au point parMamikon Mnatsakanian, qui l'a pré

sentée en 1981, mais en russe, de sorte

que son travail est passé inaperçu.Depuis le début du XXP siècle, TomApostol - un mathématicien américainréputé, né en 1923 - s'est chargé de

mieux faire connaître les travaux de

Mnatsakanian ; il a montré, dans plusieurs articles dont certains rédigés encollaboration avec son collègue russe,

esprit du la simplicité et la puissance de cettecalcul intégral approche reposant principalement sur

est meilleur ^ théorème de, Mamikon, présenté ci-dessous.

que sa lettre.

CComparaison d'aires

Commençons par une espèce de devinette. Nous traçons cinq domaineslimités par deux courbes et nousdemandons de comparer leurs aires.

Comparez les aires deces cinq domaines.

On peut s'en douter. Les aires semblentdifférentes, la réponse est donc sûre

ment : elles sont identiques. Au-delàd'un argument de type devinette, pourquoi cette égalité ? Pour le comprendre, remarquons que chacune desrégions considérées peut êtreconstruite en menant, depuis chaque

100 Tangente Hors-série n°35. Les Transformations

Page 102: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

point de la courbe intérieure, un segment de droite, de longueur fixée l, tangent à la courbe. Tous ces segmentstangents remplissent exactement l'anneau central. Si on les translate de sorte

que les points de tangence soient amenés en un même point O, les segments

translatés décrivent un cercle de centre

O et de rayon / comme illustré sur la

figure « en translatant les segments ».

En translatant les segmentstangents, on obtient un cerclede même aire que le domaineinitial.

Si chaque triangle curviligne estd'angle au sommet infinitésimal, ceux

de couleurs identiques à droite et àgauche sont d'aires égales (mêmeangle au sommet et côtés égaux). Autotal, l'aire de la figure de gauche estcelle du cercle à droite, soit jt/^ . Nousrencontrons ici l'esprit du calcul intégral : la décomposition en morceauxinfinitésimaux.

Concentration tangentlelle

Ce raisonnement très simple peut êtregénéralisé. En effet, considérons unecourbe lisse G, non nécessairement fer

mée. De chaque point M de G, menonsun segment de droite tangent de longueur fixée l : quand M parcourt G,tous les segments en question décrivent une région plane que nous nom

mons étendue tangentielle. Translatonsles segments considérés pour que tousles points de tangence soient confondus en un même point O : ces segments translatés génèrent une portiondu disque de centre O et de rayon l ;

DOSSIER: LE REGARD DU...

nous l'appelons la concentration tan

gentielle associée à l'étendue tangen-

L'étendue tangentielle (à gauche)et la concentration tangentielleassociée (à droite).

Le théorème de Mamikon affirme queVaire de l'étendue tangentielle estégale à celle de la concentration tan

gentielle associée. Ce résultat restevrai lorsque les segments tangents nesont pas nécessairement de même longueur ; pour s'en convaincre, on peutfaire appel à de petits triangles translatés depuis l'étendue tangentielle jusqu'à la concentration tangentielleassociée.

Quadrature de la cycloïde

Nous allons à présent montrer la puissance de ce théorème en calculant

l'aire située sous une arche de

cycloïde, la courbe décrite par un pointfixe sur un cercle roulant sans glissersur une droite (donc par la valve d'uneroue de vélo, par exemple).

23tR

Cycloïde et son cercle générateur.

Une arche de cycloïde est inscrite dansun rectangle de hauteur égale au diamètre 2R du cercle générateur, et de

Hors-série n°35. Les Transformations Ta.n.gen±e Toi

Page 103: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS Translater, c'est quarrer !

base égale à son périmètre 2jtR. L'airede ce rectangle vaut donc 4jtR^, c'est-à-dire quatre fois l'aire du disque générateur. L'aire A recherchée (en bleu sur

la figure « cycloïde ») est égaleA = 4jtR^ - B, où B est l'aire de larégion (en jaune) située dans le rec

tangle au-dessus de la cycloïde. Enfait, B vaut exactement l'aire du disquede rayon R. Pour le montrer, considérons le cercle générateur et les pointsM, F et Q (M est le point « courant »de la cycloïde, voirla figure L'Étenduetangentielle de la cycloïde). Le seg

ment [QP] est un diamètre du cercle.

Lorsqu'il parcourt un déplacement« infinitésimal » sur la cycloïde (qui

peut alors être « assimilée » à la tangente correspondante), le point Msubit une « rotation instantanée »

autour du point Q, de sorte que la tan

gente à la cycloïde en M est perpendi

culaire au rayon [QM] de cette rotation.

En conséquence, le point M est le som

met d'un triangle rectangle inscrit dansle demi-cercle de diamètre [QP] et la

corde [MP] de ce demi-cercle est tan

gente à la cycloïde. Dès lors, si M par-

L'étendue tangentielle de la cycloïde.

rL'étendue tangentielle se décompose en une multitude de petits triangles dont chaeun correspondà un triangle de la concentration tangentielle.Les aires totales sont donc égales.

Quarrer et quadrature

Autrefois, « quarrer une figure »

signifiait « calculer son aire ».

Pourquoi ? Tout simplement parceque le problème était vu géométriquement : il s'agissait de construireun carré de même aire que la figure

donnée. L'exemple le plus classique

est la fameuse quadrature du cercle,

problème impossible si l'on impose

la construction à la règle et au compas, en un nombre fini d'étapes.

court cette dernière, les segments [MP],limités par le côté supérieur du rec

tangle, balaient la région (en jaune surla figure) d'aire B et forment ainsi uneétendue tangentielle.Le théorème de Mamikon garantitl'égalité entre les aires de cette étenduetangentielle et de la concentration tan

gentielle associée. Au total, l'aire sousune arche de cycloïde vaut donc :

A - 4TtR^ - JtR^ = 3jtR^.En d'autres termes, cette aire vaut bien

trois fois celle du disque générateur,

p

Quadraturede la tractrice

Nous pouvons ainsi calculerun grand nombre d'aires, parexemple celle située sous latractrice. L'histoire de cette

courbe commence en 1670

quand Leibniz rencontre unmédecin éclectique nomméClaude Perrault (1613-1688).

Ce dernier sort sa montre, la

pose sur une table, déplacel'extrémité de la chaîne le

long du bord rectiligne de la

table et demande à Leibniz quelle est

la courbe décrite par la montre. Nouspouvons tracer cette courbe expérimentalement :

102 Tangen±e Hors-série n°35. Les Transformations

Page 104: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER: LE REGARD DU.

Tractrice obtenue en tirant un objet avec une corde de longueur constante Z.

Sans aucun calcul, et bien que l'étendue sous la courbe soit infinie, nous

pouvons affirmer que son aire est égaleà celle du quart de disque dont le rayonest /, soit Jt/^/ 4.

J.B. et V.H.

Mamikon Mnatsakanian

Mamikon A. Mnatsakanian conçoit sa méthode decalcul en 1959 alors qu'il est étudiant à l'université

d'État d'Erevan (capitale de l'Arménie, alors république soviétique). Ses idées sont d'emblée rejetéespar ses professeurs : « Cela ne saurait être correct ; on

ne peut résoudre de telsproblèmes aussifacilement ».

Son doctorat de physique en poche (1969), il devientprofesseur d'astrophysique à Erevan. Il continue dedévelopper sa méthode, qu'il appelle « cake-ulus ». ; I . iSon collègue Viktor Amazaspovitch Ambartsoumian,académicien, présente ses travaux, qui seront synthétisés et pubhés en 1981 (enrusse !) dans les Comptes rendus de l'Académie arménienne des sciences.Au moment de l'effondrement du bloc soviétique, Mamikon se trouve enCalifornie. Il trouve un emploi à l'université de Californie à Davis, où Ugénéralise sa méthode innovante, qui est bien reçue par les enseignants et les élèves.En 1997, il rejoint Tom Mike Apostol (mathématicien américain né en 1923) au

California Institute of Technology (Caltech). Ensemble, ils travaillent surProject MATHEMATICS!, qui, depuis 1987, vise à produire des vidéos ludiqueset pédagogiques sur les mathématiques. Ils reçoivent en 2005 puis en 2008 leprix Lester R. Ford pour leurs articles publiés dans The AmericanMathematical Monthly.

Pour plus d'informations et des aperçus visuels :http://www.its.caltech.edu/~mamikon/caIculus.html

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente 103

Page 105: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS par Bertrand Hauchecorne

Points fixes

Isométries ou similitudes se déterminent grâce à leurs pointsfixes. Quelles sont les conséquences pour l'étude des transformations laissant une figure invariante ?

I^a symétrie iiairapport au plan 1laisse l'invariant

point par point etles droites perpnidiculaires D glol ilement

invariantes.

Je hais le mouvement

qui déplace les lignes

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal

En mathématiques comme enpoésie, ou ailleurs, les invariances sont des signes dignes

d'être étudiés, des indices sur la voie de la

découverte. Dans les transformations du

plan ou de l'espace, certains points restentfixes (ou invariants). Ils jouent alors unrôle particulier, souvent révélateur.

D

M

/(M)

Quand tout se transforme,cherchez ce qui reste fixe...

Tangen±e Hors-série n° 35

Points fixes d'une isométrie

Si une isométrie du plan laisse un pointO fixe, il s'agit soit d'une rotation decentre O, soit d'une symétrie par rapport à une droite passant par O (voirl'article sur les isométries).

L'ensemble des points fixes d'unerotation de l'espace est une droite,appelée axe de la rotation. Dans larotation de la terre sur elle-même, il

s'agit de l'axe des pôles. La surfaceterrestre ne contient donc que deuxpoints invariants : les pôles.

Dans un miroir, l'image d unemain droite est une mam gauche.

Page 106: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER LE REGARD DU MATHÉMATICIEN

Plus simplement, lorsqu'une toupietourne sans mouvement autre que la

rotation, les points de l'axe ne bougentpas alors que la vitesse peut êtreimportante à la surface externe dujouet. De même, lorsqu'on effectueune symétrie par rapport à un plan, lespoints de ce plan restent fixes. Laréflexion dans une glace en donne unexemple.

Points fixes d'une inuersion

L'étude des points fixes n'est pas toujours aussi simple. Prenons l'exemplede l'inversion de centre O et de rapportk (voir l'article L'Inversion et l'arbe-

los). L'image M' d'un point M est surla demi-droite [OM), à une distanceOM' du point O égale à kIOM. Cettetransformation a la propriété d'éloigner de O les points proches de lui etinversement. Si on l'applique deuxfois, on revient au point initial. On ditque l'inversion est involutive. Quelssont ses points fixes ? Ce sont lespoints M tels que OM^ = k. S,\ k estpositif, il s'agit donc du cercle decentre Oet de rayon /k .

"~^C'

D

'O 1

/ c

D

L'inversion de ceiiti-e O lai.^se inw'i i

point par point le cercle G, laisse hidroite D globalement inv ariante ettransforme la droite D' en le cercle t

Familles de courbes Inuariantes

Jusqu'ici, nous n'avons parlé que depoints invariants. Certaines formes restent également invariantes, commenous le voyons dans l'article Formes,Déformations et Invariances. Les iso-

métries, et plus généralement les similitudes, conservent globalementl'ensemble des droites ainsi que celuides cercles. Inversement, étant donnésdeux cercles, il existe une similitude quienvoie l'un sur l'autre. De même pourles droites avec les isométries. Pour les

inversions, l'image d'une droite n'estpas nécessairement une droite, ce peutêtre un cercle. Cependant c'est l'un oul'autre. On voit ainsi que l'ensemble desdroites et des cercles est une famille

invariante par l'inversion.

Figures inuariantes

Intéressons-nous maintenant aux trans

formations laissant une figure invariante. On n'impose plus à chaque pointd'être fixe mais que tout un ensemble depoints, par exemple une droite ou uncercle, le soit. On parle alors de figureglobalement invariante. Notons que,dans le cas des isométries, des similitudes et des applications affines, cettepropriété implique l'invariance ducentre de gravité de la figure, s'il enexiste un.

Par exemple, une figure F étant donnée,considérons toutes les isométries qui lalaissent fixe. Si l'isométrie/laisse F globalement invariante, la transfonnation

réciproque, c'est-à-dire celle qui envoiele point/(M) sur M, laisse également Finvariante. Par ailleurs, si les isométries/et g laissent F invariante, la transformation composée, notée go/ (résultatde/suivie de g) laisse aussi F invariante(voir l'article Les groupes, concrets etabstraits).

Hors-série n° 35. Tangen-te 105

Page 107: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS Points fixes et figures...

Il en est de même pour la transformation identité qui laisse tous les pointsinvariants. Ces propriétés confèrent àl'ensemble de ces isométries une struc

ture de groupe.

Étudions le cas d'un rectangle ABCDnon carré. Toute isométrie laissant

ABCD invariant admet son centre de

gravité O comme point fixe. Il s'agitdonc soit d'une rotation de centre O,

Sous l'affine, le linéaireA toute isométrie f (voir l'article Les Isométries)correspond une isométrie vectorielle g, c'est-à-dire eoncemant les vecteurs et non les points. Sadéfinition est simple et naturelle : à un vecteur

AB queleonque, g fait correspondre le vecteur

A'B' où A' et B' sont les images de A et B. Cetteisométrie vectorielle g est dite la partie linéaire def.Par exemple, les isométries vectorielles directes sontles rotations, les indirectes sont les symétries axiales.Cette définition pose problème. La valeur de

l'image d'un vecteur AB semble dépendre duchoix des points A et B. Pour qu'elle soit valide,

il est nécessaire de démontrer que, si AB = CD

alors A'B' = CD', ce qui se fait en remarquant

qu'un parallélogramme est changé en un parallélogramme égal. Il en est de même pour les similitudes et les applications affines.Si nous connaissons la partie linéaire g d'une application affine/ la connaissance de l'image O' d'unpoint O suffit pour la déterminer entièrement. Plus

précisément : 0'/(A)=g(oA) d'après la défi-D D'

Définition de la partie linéaire d'une applicationaffine. Si A' est l'image de A et B' celle de B,l'image du vecteur AB est le vecteur A'B'. Ondémontre que, si CD = AB alors CD' = A'B'.

100 Tangente Hors-série n° 35

nition même de g. Ainsi, une translation est uneapplication affine dont la partie linéaire est l'identité (et réciproquement).Si l'application / admet un point fixe O, elle seramène à sa partie linéaire puisque :

0/(A)=g(ÔA).La recherche des points fixes est donc primordiale. Il s'agit d'un problème eoncemant essentiellement la partie linéaireg. En effet, si O' est l'imageparf d'un point O, chercher un point fixeA consiste

àehercher Atel que : O'fiA) =g(oA) c'est-à-dire : {g - id){oA) =O'O où id est l'application identique.Si la partie linéaire g est une rotation du plan, distincte de l'identité, un tel point existe toujours etl'application / est une rotation. Les isométriesaffines directes du plan sont donc les rotations etles translations. Ainsi la composée d'une rotationet d'une translation est une rotation, seul le centreest modifié. Ce résultat est revu dans l'encadré

Générateurs d'un groupe de l'article LesGroupes, concrets et abstraits. Le même raisonnement ne s'applique pas si g est une symétrieaxiale.

Si la partie linéaire g d'une application/est unehomothétie distincte de l'identité (soit

g(v)=kW où A: / 1),/est également une homothétie. Pourquoi ? Tout simplement parce quecette application admet un point fixe. En effet,l'équation précédente s'écrit :

{g-id){'ÔA) =Wo,

c'est-à-dire (A: - 1)(oa) =O'O, qui a toujoursune solution.

Dans l'encadré Un Concours dans l'espace,nous voyons une application de ce résultat.

H. L.

Page 108: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER LE REGARD DU MATHEMATICIEN

soit d'une symétrie par rapport à unaxe contenant O. Les sommets étant

échangés, les seules rotations sontl'identité et la symétrie par rapport aupoint O (rotation d'angle 180°), et lesseules symétries sont celles ayant pouraxes, les médiatrices des côtés. Le

groupe de ces isométries possèdequatre éléments.

Les symétries du rectangle.

Si la figure est un carré, quatre nouveaux éléments s'y ajoutent : les deuxrotations de centre O et d'angle 90°dans un sens ou dans l'autre ainsi queles symétries par rapport aux diagonales du carré.

Les symétries du carré

FiguresInuarlantes

Dans l'espace, le problème est plus délicat.Prenons l'exemple des quatre sommetsd'un tétraèdre régulier T, c'est-à-dire dequatre points A, B, C et D dont les distances mutuelles sont égales à un même

nombre. Comme précédemment, lecentre de gravité O du tétraèdre est fixe.

De plus, une isométrie qui conserve Teffectue une permutation sur les sommets A, B, C et D. On montre qu'inversement, toute permutation sur lessommets induit une isométrie de l'es

pace car les distances entre deux som

mets sont toutes égales. Ainsi le sommetA a quatre images possibles. Celle-cifixée, il reste trois images possibles pourB, puis deux pour C, et le point D estenvoyé sur le dernier sommet restant.On obtient ainsi 1x2x3x4 = 24 permutations. Ce groupe, appelé groupesymétrique, est celui des permutationsde quatre éléments. Les 24 isométries sedéterminent alors simplement (voir l'encadré Groupe du tétraèdre).

Le problème du cube se ramène au précédent car ses huit sommets se subdivi

sent en deux tétraèdres réguliers (voir lafigure). Une isométrie qui conserve l'undes tétraèdres (il y en a 24) conserveaussi l'autre. La symétrie de centre O,centre du cube, intervertit les deux

tétraèdres. Si on la compose avec les 24isométries déjà trouvées, on obtient 24nouvelles isométries qui intervertissentles deux tétraèdres et conservent donc le

cube. Nous obtenons ainsi 48 éléments.

Dans le cube bleu,les tétraèdres

rouges et vertssont réguliers.

Hors-série n° 35. Tangervte 107

Page 109: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS Points fixes et figures...

Une application

À quoi tout cela sert-il ? Comme nousle voyons dans l'article de paver,

les motifs remplissant un plan se ramènent à des groupes laissant invariant

une figure : on en trouve 17.

En chimie, la structure de certains eris-

taux s'explique aussi par de tellesconsidérations. Ainsi la théorie des

groupes, branche théorique de l'algèbre, vient au secours de la géométriepour résoudre de nombreux problèmes.

B.H.

Mil uusSuiiiurè

dans l'espace

Soient OABC un tétraèdre non aplati et Pun plan parallèle à (ABC). Soient A', B' etC les milieux des côtés [BC], [CA] et[AB], A", B" et C" les intersections desdroites (OA), (OB) et (OC) avec le plan P.Montrer que, en général, les droites (A'A"),(B'B") et (C'C") sont concourantes.La démonstration de ce résultat est faeilitée

par une remarque très simple. Une homo-thétie h permet de passer des points A, B etC aux points A", B" et C". Son centre estle point G et son rapport k est égal au quo-

OA'tient

OADe même, une homothétie g

permet de passer de A, B et C à A', B' et C.Son centre est le centre de gravité G du tri

angle ABC et son rapport égal à —

La transformation composée h o g~^ faitpasser de A', B' et C à A", B" et C" respectivement. Sa partie linéaire est l'homo-thétie vectorielle de rapport - 2k. Si cettehomothétie est distincte de l'identité, c'est-

à-dire si - 2A: ^ 1,/îo g~ ' estunehomothétie affine.

Le centre de eette homothétie appartient àehacune des droites (A'A"), (B'B") et(C'C"), qui sont donc concourantes si ki^

1 1. Dans le cas particulier {k = -—), le

plan P est l'homothétique du plan (ABC)dans l'homothétie de centre G et de rapport

-1—La composée h o g ayant pour par

tie linéaire l'identité est une translation. Les

trois droites (A'A"), (B'B") et (C'C") sontdonc parallèles.

H. L.

108 Tangente Hors-série n° 35

Page 110: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER LE REGARD DU MATHEMATICIEN

Groupe du tétraèdre régulierLe groupe du tétraèdre régulier correspond au groupe des permutations dequatre éléments A, B, C, D. Pour le déterminer géométriquement, c'est-à-dire en termes d'isométries, il nous reste à trouver une isométrie pourchaque permutation. En effet, nous avons prouvé que celle-ci est unique.La permutation identique (celle qui laisse A, B, C et D invariants) correspond à l'identité. Les isométries laissant fixe le point A et transformantBCD sont au nombre de cinq, autant que de permutations de BCD

'2.71moins l'identité. Il s'agit des rotations d'angle ±—

autour de l'axe (OA) et des symétries par rapport auxplans (OAB), (OAC) et (OAD). Le nombre prévuétant atteint, nous avons ainsi trouvé toutes les permutations laissant A fixe. Le résultat vaut également pour B, C et D.En tenant compte des doublons, nous obtenons

271l'identité, huit rotations d'angle ±-^ autour desaxes (OA), (OB), (OC) et (OD) et six symétriespar rapport aux plans (OAB), (OAC), (OAD),(OBC), (OBD) et (OCD).Nous avons ainsi atteint les permutations laissantfixes au moins un point parmi A, B, C et D. Il en resteneuf. Considérons celles qui transforment A en B. Le pointB peut alors être changé en A, C ou D. Chaque cas ne donnequ'une permutation. Nous obtenons donc trois permutations, cellesqui transforment ABCD en BADC, BCDA et BDAC. La première correspond au retournement (ou rotation d'angle n) autour de l'axe joignant lesmilieux I et J des arêtes opposées [AB] et [CD].La seconde permutation est moins facile à trouver. Pour cela, remarquonsqu'on peut l'obtenir en effectuant d'abord la transposition de A et D (quilaisse B et C invariants) puis la permutation laissant A invariant et modifiant BCD en CDB. Pour trouver l'isométrie correspondante, il suffit decomposer les deux isométries associées, c'est-à-dire la symétrie par rap-

OjTport au plan (OBC) et la rotation d'axe (GA) et d'angle

De même, pour la troisième permutation, il suffit de composer la symétrie

271par rapport à (OBD) et la rotation d'axe (OA) et d'angle - —.

Les retournements du premier type sont au nombre de trois (autour desaxes joignant les milieux de deux arêtes opposées). Les composées dusecond type sont au nombre de six. Nous obtenons donc les 24 isométriesprévues.

H. L.

l/

/ i\\

*% ' \ --V' // '***

Tétraèdre régulierABCD, I et J sont

les milieux des

côtés opposés [AB]et [CD]. Le milieuG de [IJ] est lecentre de gravitédu tétraèdre.

Hors-série n° 35. Tangente 109

Page 111: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS par Hervé Lehning

Les formesdes groupes d'ordre 6Les groupes d'ordre six s'obtiennent tous comme groupesd'isométries ou de rotations laissant une figure invariante.Ils n'ont que deux formes possibles, liées au triangle équilaté-ral et à l'hexagone régulier.

Le groupe diédralest constitué des

rotations de centre

O et d'angle o°,120° et 240°, etdes symétries parrapport aux

droites (OA),(OB) et (OC).

Ladémonstration est laborieuse,mais le résultat simple : lesgroupes d'ordre six n'ont que

deux formes possibles. Plus précisément,ils sont isomorphes à deux d'entre eux.Le premier, le groupe diédral, est legroupe des isométries laissant le triangle équilatéral invariant (voir l'encadré Groupe d'isométries et groupede permutations) ; le second, le groupecyclique, est le groupe des rotations laissant l'hexagonerégulier invariant.

trois sommets du triangle par exemple.

Les rotations correspondent aux permutations circulaires ({B, C, A}, {C, A, B},{A,B, C}) et les symétries aux transpositions ({A, C, B}, {C, B, A}, {B,A, C}).Plusieurs de ses parties sont elles-mêmes des groupes, c'est-à-dire sontdes sous-groupes. Tout d'abord, l'ensemble des rotations forme un sous-

groupe d'ordre trois. Ensuite, noustrouvons trois sous-groupes d'ordre

deux, engendrés

par les symétries.Ces propriétés se

retrouvent dans la forme de sa table de

Pythagore (voir l'encadré). Par exemple,le sous-groupe d'ordre trois correspondau carré en haut et à gauche de la table.Les similitudes entre les différents car

rés 3 x 3 du tableau visualisent des propriétés de ce groupe.

Groupe cyclique

Le groupe cyclique d'ordre six estconstitué des rotations d'angle 0°, 60°,120°, 180°, 240° et 300°. Il a un sous-

Isomorphesignifie avoir la même forme

Groupe diédral

Le groupe diédral d'ordre six estconstitué des rotations d'angles

0°, 120° et 240° dont le centre

est celui du triangle, et dessymétries par rapport à ses

médiatrices.

Le groupe diédral estégalement le groupe

des permutationsde trois objets

{A, B, C}, les

110 Tangente Hors-série n° 35

Page 112: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER LE REGARD DU MATHEMATICIEN

ci/l,C4*ÙlÂ/)Je4

m

••Table de Pythagore du groupe diédral, avec la liste des permutations circulaires et des transpositions (à droite). Acrylique sur toile, Hervé Lehning.

groupe d'ordre trois, celui des rotationsd'angle 0°, 120° et 240°, comme legroupe diédral. En plaçant ces trois rotations en tête, nous trouvons le même

carré en haut et à gauche de sa table de

Pythagore. Celle-ci a cependant une

Table de PythagoreUn groupe fini est donné par satable de Pythagore. Tous les éléments du groupe sont placés enpremière ligne et première colonne,ce qui définit un quadrillage.Chaque carré correspond à uneligne et une colonne, donc à deuxéléments du groupe x et y. Nousplaçons dans ce carré le composéde X et y dans la loi du groupe. Latable de Pythagore de l'additionordinaire commence donc ainsi :

forme différente de la précédente. Enparticulier, elle est symétrique par rapport à la première bissectrice, ce quisignifie que le groupe est commutatif(pour tous/et g,/o g = gof).

H. L.

11 13

10 11 12 13

8 9 10 11 12 13 14

9 10 11 12 13 14 15

10 11 12 13 14 15 16

11 12 13 14 15 16 17

10 11 12 13 14 15 16 17 18

Il 9 10310 11 12 13 14 15 16 17 ^(0n 12 n 14 15 16 17 18 19 20 21m 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22

11 12 13 14 15 16 17 18 19

19 20

Hervé Lehniiii'

Hors-série n° 35. Tangente llJl

Page 113: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS

Les transpositionsde ABCD ne sont

pas toutes réalisables par des iso-métries. Il est parexemple impossible de transposerA et B sans trans

poser simultanément C et D.

Les formes des groupes.

Table de Pythagore du groupe cyclique, avec la liste des permutations circulaires (à droite). Acrylique sur toile, Hervé Lehning.

Groupe d'isométries et groupe de permutationsSi une isométrie laisse le triangle équi-latéral ABC invariant, elle laisse son

centre de gravité O également invariantet elle permute les sommets A, B et C.Elle correspond donc à une permutation

de trois objets (ici A, B et C).Réciproquement, à une permutation deA, B et C correspond au plus une iso

métrie laissant le triangle ABC invariant. En existe-t-il une pour chaquepermutation ? Si c'est le cas, le groupedu triangle équilatéral a six éléments car

les permutations de trois objets forment ungroupe à six éléments, engendré par les transpositions (ou échanges de deux éléments),c'est-à-dire qu'tme permutation est toujours

le produit d'un nombre fini de transpositions.Examinons la permutation échangeant A et B(et laissant donc C invariant). Une isométriesimple réalisant cette transposition est lasymétrie d'axe (OC). Nous obtenons ainsi lestrois symétries d'axe (OA), (OB) ou (OC).

Ceci assure que toutes les permutations sontatteintes : il sulïit de composer ces symétries.

On trouve ainsi les trois rotations de centre 0

et d'angle 0°, 120° et 240°.

Dans d'autres eas, il est possible que toutes

les permutations ne soient pas atteintes.L'important est d'examiner d'abord qu'ellessont les transpositions atteintes. Prenons lecas du carré ABCD.

Toutes les transpositions ne sont pas

atteintes. En fait, nous n'obtenons que cellesqui échangent deux sommets opposés (A etC d'une part, B et D d'autre part). Le groupedu carré est un sous-groupe de celui des permutations de quatre éléments. Son nombred'éléments divise donc 24. On trouve facile

ment quatre symétries (par rapport aux axesen rouge sur la figure) et leurs composées,soit les rotations d'angle 0°, 90°, 180° et

270°. Nous obtenons huit isométries.

On montre que ce sont les seules.H. L.

112 Tangente Hors-série n° 35

Page 114: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

m

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••-as» 1 vj I CJ - o ^} 10 n° 35. Les transformations Tangente i 13

Page 115: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

ACTIONS Par Francis Dupuis

Peintres

et géomètresDonner à voir l'espace au moyen d'une œuvre plane, telleest l'impossible gageure à laquelle peintres et mathématiciens se sont attaqués en découvrant, puis en transgressant les lois de la perspective.

Des décou

vertes géométriques sont

nées du désir

des peintresde représenter

la réalité.

Vous avez certainement déjàvu des reproductions de

fresques et de bas-reliefségyptiens ; le torse est vu de face, pourbien discerner les deux bras, mais les

jambes, de profil, pour montrer lamarche.

Les artistes de la préhistoire ou de l'antiquité ne cherchent pas à représenterla vision exacte d'une scène, telle quel'œil la perçoit à partir d'un pointdonné. Ce qui compte pour eux est

avant tout de montrer des éléments,

personnages ou objets, clairementidentifiables dans leur nature et dans

leur action.

Grands hommes et menu peuple

Souvent, la taille relative des personnages ne représente par leur éloigne-ment, mais marque leur importance.Ainsi, les personnages puissants,dieux, rois ou pharaons son dessinésplus grands que des esclaves ou des

gens du commun. L'artiste

attache plus d'importanceau symbole qu'à unevision scientifique globaledu monde, il n'a donc

guère le souci de règlestrop contraignantes. Les

instruments imparfaits del'époque auraient-ils

d'ailleurs permislivre des morts de Khonsoumes (nom du défunt)datant d'im millénaire avant Jésus-Christ.

Les torses des personnages sont vus de face maisles jambes, de profil.

d'appliquer detelles règles ? LesGrecs eux-mêmes,

pourtant portés sur

i 14 Tangente Hors-série n°35. Les Transformations

Page 116: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER : TRANSFORMER POUR CRÉER

la théorie, n'étaient semble-t-il pas

gênés par cette lacune. Il est vrai quereprésenterle réel pouvait leur semblerun but bien trop pragmatique.Nous avons cependant trace dequelques recherches visant à donner lesens de la profondeur, reprises par lesRomains, notamment dans les villas de

Pompéi. Des lignes obliques marquentl'encadrement d'une ouverture en

trompe-l'œil, mais leur inclinaisonn'est pas régie par des règles précises.Ces tentatives tardives et imparfaitessemblent davantage relever de l'intuition d'artistes habiles que d'une théoriesystématique.

Le Moyen Âgemarque à nouveau une périodede représentationtoute subjectivede la réalité.

L'importance decertains éléments

(mains, visages,

etc.) est volontairement exagéréepour rendrecompte des priorités de l'artiste.

Souvent, le

peintre veut montrer à la fois plusieurs lieux qu'on

ne peut normalement saisir en un

seul regard : unjardin derrière

pas a proposerj des remparts et lades proportions ^vraisemblables, campagne envi

ronnante, par

exemple. Proche ou éloignée, chaquescène est figurée à une échelle suffisante pour en montrer les détails.Tout va bousculer dans le bouillonne

ment de la Renaissance. L'astronomie,

Mois de mars

du livre des

Très Riches

Heures du duc

de Berry (XV^siècle).L'artiste a cher

ché à rendre

visible les tra

vaux de la terre,

la navigation, la gnomonique(science des cadrans solaires)se développent. Partout apparaît la nécessité urgente d'uneconnaissance scientifique précise de l'espace. Les artistes,peintres et architectes sontégalement saisis de cet appétitde découvertes.

Le précurseur semble avoir étél'architecte florentin

Brunelleschi (1377-1446), soucieux àla fois de théorie et de pratique. C'esten urbaniste, à l'échelle de la ville,

qu'il met en œuvre ses principes, pourrechercher une harmonie d'ensemble,

là où ses prédécesseurs construisaientau coup par coup.

Des règles géométriques

« Et ici, nom imaginons les rayonscomme s'ils étaient des fils extrêmement fins formant une sorte de faisceau très étroitement lié dans l'œil... »

Ce texte de l'architecte Léon Battista

Alberti (1407-1472) est le premier àdonner les règles géométriques de laperspective, par écrit. Il décrit un tracépour construire les écartementsinégaux associés à des éloignementsen progression régulière. Ainsi, onpeut mettre en place un quadrillagecodifiant les dimensions des objets suivant leur éloignement (voir les articlessur la perspective). Cette méthode serépand rapidement auprès des contemporains, avant même que le traitéd'Alberti ne bénéficie de la récente

invention de l'imprimerie.

Les premiers utilisateurs, à la foisartistes et géomètres, furent aussi desthéoriciens. Parmi les plus grands,citons Piero délia Francesca (vers

1420-1492), séduit par la profondeuret l'étagement, Léonard de Vinci

Peinture à

Pompéi (premiersiècle après

Jésus-Christ).L'effet de pers

pective existemais correspondplus à rm artiste

doué qu'à unethéorie sous-

jacente.

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente

Page 117: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

ACTIONS Peintres et géomètres

Curabeile ou Desargues P

Pour lacoupe des pierres, Desargues offiât dedéfendre labonté deses méthodes contre les attaquesdel'architecte Curabeile par un paride loo ooo livres. Le défi fut accepté pour loo pistoles, maisn eut pasdesuite parcequ'onne pouvait s'entendresur le choix desjugesdu débat.Desargues, nousapprendCurabeile, voulait s'en rapporterauxdiresd'excellents géomètres et autrespersonnes savantes et désintéressées, et, en tant qu'ilseraitbesoin aussi, desjurés-maçons de Paris.Cela fait voir évidemment, ajoute Curabeile, que ledit Desargues n'aaucune vérité à déduire qui soitsoutenable, puisqu'il ne veut pas des « vrais » experts pour les matières en conteste : il ne demandeque des gens desa cabale, comme des pursgéomètres, lesquels n'ontjamais euaucune expériencedes règles des pratiques enquestion, et notamment delacoupe des pierres enarchitecture, qui estlaplus grande parties des œuvres en question...

(1452-1519), peintre mais aussi ingénieur, curieux de tout, et l'Allemand

Albrecht Durer (1471-1528), qui fit unvoyage en Italie pour étudier les techniques les plus récentes.

La Résurrection de Piero délia

Francesca, dont le personnageà gauche du Christ est un autoportrait.On remarque l'utilisation pré-eise de règles de la perspectivesur les arbres.

Cette nouvelle vision n'avait rien d'évi

dent. Les méthodes utilisées étaient

complexes, et surtout, les habitudesvisuelles héritées du Moyen Âge ne

permettaient pas d'obtenir un résultat« naturel ». Ainsi, certains traités com

portent des erreurs flagrantes à nosyeux. Pourtant, personne ne les avaitdécelées à l'époque. Jusqu'à Diirer lui-même, qui connaît la construction del'ellipse et pourtant en trace unecomme s'il s'agissait d'un œuf. Sapropre théorie n'avait pas encoreemporté la conviction de ses sens !

Lin« ellipGs.

f

Dans Instruction pour lamesure à la règle et au compas, Diirer explique (correctement) comment tracer lasection d'un cône par un plan,pour tracer finalement unecourbe en forme d'œuf.

116 Tangente Hors-série n°35. Les Transformations

Page 118: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER: TRANSFORMER POUR CREER

Enfin, Desargues uint...

La période classique utilisa la perspectivedans les domaines les plus variés.Peintres, architectes, charpentiers,tailleurs de pierres, arpenteurs avaientchacun leurs méthodes, dont certaines

étaient fausses. Girard Desargues tenta de

poser les bases mathématiques d'unethéorie unificatrice, la géométrie projec-tive. Bien qu'utilisés par Biaise Pascal,ses travaux ne furent guère diffusés deson temps. Un style parfois obscur, etdiverses pressions (voir l'encadré concernant Desargues et les tailleurs de pierre)aboutiront à l'oubli de son œuvre pendant

près de deux siècles. Il faudra attendre leslendemains de la Révolution pour trou

ver de nouveaux développements de laperspective. L'enseignement de la géométrie descriptiveva dominer le début du

siècle avec le rayonnement destoutes nouvelles Grandes Écoles.

Picasso :

étude pour Le Marin (1907).

Etsi l'espace était courbe?

Après cette maîtrise de l'espace « ordinaire », il restait un nouveau pas à franchir, la généralisation à des espaces quine seraient plus limités aux trois dimensions usuelles ou aux règles habituellesqui régissent les parallèles ou les distances : les espaces non-euclidiens. C'estprécisément au momentoù les mathématiciens franchissent ce pas, en quête degéométries plus vastes, que les peintreseux-mêmes renoncent à la simple descriptionphysique pour traduire autrementleur vision intérieure du monde : l'art abs

trait est né.

FD.

la géométrie projeciive de Desargues

La géométrie projectiveconsidère sur chaque direction dedroites un point à l'infini. Un faisceau de droites concourantes ou un faisceau de droites parallèles deviennentainsi deux cas particuliers différents d'une même situation.Cette géométrie fait appel à des transformations particulières qui ne conservent en général ni les distances, ni lesangles, ni les proportions mais conservent l'alignement.Le théorème de Desargues est un outil fondamental engéométrie projective : lorsque deux triangles ABC et A'B'Csont tels que (AA'), (BB') et (CC) soient concourantes,alors leurs côtés se coupent en des points alignés.

Hors-série n°35. Les Transformations Ta.ngen±e 117

Page 119: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS par Francis Dupuis

Fuiteset perspectiuesComment s'y prendre povu' représenter un objet en perspective ?Voici plusieurs méthodes pour partir à la conquête de l'espace sur les traces de Desargues et d'Alberti.

a perspective classique despeintres ou des photographesest ce qu'on appelle une pers

pective centrale. Nous représentons surun tableau ce que nous verrions au travers s'il était transparent, et si notreœil était assimilé à un point unique, cequi n'est pas tout à fait vrai. Notrevision de l'espace est en réalité binoculaire. Nos deux yeux, lorsqu'ils fixentle même objet, ne visent pas exactementdans la même direction. Cette différence.

Reconstruction d'un

sommet A. Son abs

cisse et sa cote se

retrouvent sans mesure

à effectuer grâce à la

construction en évi

dence sur la figure.

Notre vision

est binoculaire.

Tangente Hors-série n° 35

interprétée par notre cerveau, nous permet de rétablir la distance. De plus, notreœil gauche et notre œil droit ne perçoivent pas exactement la même image. Lesprocédés qui cherchent à recréer la vision3D (stéréoscopie, hologrammes) doiventobligatoirementrestituer ces deux imagesdistinctes. Mais, si nous nous plaçons àune distance suffisante, la perspectivecentrale rend assez bien ce que nouspouvons observer dans la région centrale de notre champ de vision.

Page 120: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

Imaginons la situation représentée sur lafigure Un parallélépipède. Nous voulons dessiner un parallélépipède sur letableau T, tel qu'on le voit à partir dupoint de vue V (l'œil du bonhommesur la figure).

V

Ô'

V

A

Un parallélépipède. Vue de côté et\ue de dessus. Le sommet A est \ai sur

le tableau T en A'.

La construction la plus simple mathématiquement est laborieuse. Soit Al'un des huit sommets du parallélépipède, nous traçons le segment [VA] surchacune des deux vues (de côté et dedessus). 11 coupe le tableau T en un

DOSSIER : TRANSFORMER POUR CRÉER

point A'. La vue de dessus nous donnel'abscisse x de A' et la vue de côté, sa

cote z. 11 ne reste plus qu'à le reconstruire sur la vue de face, comme le

montrent les tracés en pointillés de lafigure Reconstruction d'un sommet.On reconstruit alors chacun des huit

sommets du parallélépipède pour obtenir celui-ci tel qu'il est vu du point devision V. Le tracé devenant vite

encombré, nous ne reproduisons que laconstruction d'une face (voir la figureUneface du parallélépipède).Avec un peu d'entraînement, beaucoupde patience et une bonne règle, l'appareil photo devient inutile !

Face du parallélépipède telle qu'elle estvue du point de vision.

Hors-série n° 35. Tangente 119

Page 121: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS Fuites et perspectives

Les « projec

tions » de deux

droites paral

lèles sont en

général concou

rantes car, avec

le point de

vision V, elles

déterminent

deux plans

sécants.

Points de fuite

des côtés.

La construction

précédente possède toujours cette

propriété éton

nante.

Petites fuite;:,

Le résultat réserve quelques surprises.Les côtés parallèles ne le sont plus ! Sinous les prolongeons, nous obtenonsdes segments concourants. Ceci n'estpas modifié en déplaçant le parallélépipède. La configuration de la figurePoints de fuite des côtés est invariante.Pourquoi ? Imaginons deux droitesparallèlesD, et Dj de l'espace. Avec lepoint de vision V, elles forment deux

plans P[ et Pj se coupant au moins enV donc suivant une droite D passantpar V. En général, cette droite coupe leplan T en un point F, appelé « point defuite ». Le seul cas d'exception estcelui où Dj et D2 sontparallèles à T.

L'art de carreter

Mais voici de quoi nous affranchir denos vues de côté et de dessus, pourrentrer de plain-pied dans l'espace dutableau. Imaginons un quadrillagecarré au sol, dans une pièce qui nousfait face, avec des lignes parallèles etperpendiculaires au plan du tableau.Tous les objets au sol peuvent êtrerepérés par leur position sur le carrelage. Pour les objets de l'espace, il suf

Tangente Hors-série n° 35

fit de tenir compte de leur hauteur, quel'on peut mesurer en carreaux ! Laconstruction d'un carrelage en perspective permet donc de dessiner n'importe quel motif sur notre tableau.Comment tracer notre carrelage ? Pourles lignes perpendiculaires au tableau,pas de problème. Elles convergent toutesvers le point de fuite situé face à notre

regard. En partageant régulièrement lebord inférieur du tableau, nous pouvonsles tracer sans peine.Mais les lignes transversales? Nous avonsbien idée que leurécartementdoit diminuerprogressivement vers la ligne d'horizon,maiscommenttrouver leurespacement correct ? Un point de fuite va encore nousaider ! Celui de la diagonaledes carreaux.Pour le placer, il suffit de connaître la distance d de notre œil V au plan du tableau.En la reportant latéralement sur la ligned'horizon, nous obtenons le point de distance D du tableau et un magnifique triangle rectangle isocèle DFV. Ce point estbien la projection de notre regard sur letableau parallèlement à la diagonale descarreaux. Joignons D au coin opposé duquadrillage. Les points d'intersection avecles hgnes déjà tracéespermettent de placerles transversales que nous cherchions (voirla figureConstruction d'un carrelage).

ED.

D £/ F

Construction d'un carrelagel'aide de la ligne d'horizon.

Page 122: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

par F. Lavallou EN BREF

Une caualière en fuite

La représentation en perspective est unespécificité européenne. La projectioncentrale, ou conique, appliquée pour ledessin d'art, est la technique de représentation la mieux adaptée pour rendrecompte de la vision réelle, mais présentel'inconvénient de ne pas conserver lespropriétés affines. Utilisée empiriquement depuis l'antiquité, la perspectiveparallèle a été justifiée rationnellementà la fin du XVI® siècle par Jacques i®''Androuet du Cerceau (vers 1515-1585),premier membre d'une dynastie d'architectes royaux. Les points de fuite sontrejetés à l'infini, et si le résultat estmoins agréable à l'œil, les proportionnalités sont conservées. Ces travaux, précurseurs de la géométrie descriptive deMonge, seront développés par les géomètres militaires du XVIII® siècle sous

les formes cavalières et militaires. En

architecture militaire, un cavalier est unmonticule de terre dominant l'ensemble

des fortifications et permettant d'avoir

une vue (cavalière) sur la campagneenvironnante. La perspective cavalière(en anglais high view point) serait doncpour certains le procédé utilisé par ledessinateur pour rendre cette vue cavalière, et pour d'autres, plus prosaïquement, la représentation des objets qu'uncavalier voit du haut de son cheval.

L'éloignement à l'observateur se traduitdans cette perspective par un déplacement dans le plan. Les dimensions sontdonc en vraies grandeurs dans tout planparallèle au plan frontal et les parallèlesrestent... parallèles. Les perpendiculaires au plan frontal, les « fuyantes »,sont représentées dans une directionconstante. Habituellement, cette direction de fuite fait un angle de 30° ou 45°avec l'horizontale, et les dimensions

« fuyantes » sontaffectées d'un coeffi

cient réducteur de

0,5 ou 0,7. Tout élèvedessinant au tableau

un repère de l'espacepar trois axes.

Perspective cavalière deux orthogonaux dans le

plan frontal, etun troisième

« fuyant » représentatif de la dimension

perpendiculaire auplan du tableau, faitde la perspectivecavalière sans le

savoir.

Perspective militaire

Hors-série n°35. Les Transformations Tangen±e 121

Page 123: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

HISTOIRES par Joël Sakarovîtch

La géométriedescriptiueAuréolée de prestige à la fin du XVIII® siècle, la géométriedescriptive est tombée en désuétude au cours du XX® siècle,en particulier depuis l'avènement de l'informatique.Redécouvrons cette discipline entre science et art.

JoëlSakarovitch

enseigne àrUFR de

mathématiqueset

informatique,université

Paris

Descartes, età l'Ecole

nationale

supérieured'architecture

Paris-

Malaquais.

Discipline reine de la premièreÉcole polytechnique, à latoute fin du XVIIP siècle,

pilier des enseignements de l'Écolecentrale des arts et manufactures au

moment de sa fondation en 1829, la

géométrie descriptive fut peu à peuretirée des programmes des écolesd'ingénieurs au cours du XX'' siècle,puis de ceux des classes préparatoiresdans les années 1970 et n'est actuelle

ment enseignée dans le supérieur quedans les écoles d'architecture.

Qu'est-ceque la géométrie descriptiue ?

Qu'est-ce que la géométrie descriptive, qui ne méritait sans doute ni

l'excès d'honneur de ses débuts ni

l'indignité dans laquelle on la tiendraun siècle plus tard ? Pour le savoir, lemieux est encore «d'écouter» son

fondateur, Gaspard Monge (1746-1818), dont les paroles (extraites ici

de Géométrie descriptive, 1795,

Programme) ont été soigneusementnotées par des sténographes lors deses leçons inaugurales : « Cet art adeux objets principaux. Le premierest de représenter avec exactitude,sur des dessins qui n'ont que deux

dimensions, les objets qui en onttrois, et qui sont susceptibles de définition rigoureuse... Le second est de

déduire de la description exacte descorps tout ce qui suit nécessairement

de leurs formes et de leurs positionsrespectives» (fig. 1 et 2).

En prologue à ses leçons, données en

1795, qui devaient être à l'origine duregain d'intérêt des mathématiciens fran

çais pour la géométrie et du profond bouleversement des mathématiques quis'ensuivit au XIX® siècle, Monge définitdonc la géométrie descriptive comme

«un art». C'est une «science» répondra

comme en écho Michel Chasles (1793-

\I22 Tangen-te Hors-série n°35. Les Transformations

Page 124: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

Fig 1 ; Les principales façons dereprésenter l'espace (dessins deNoël Blotti).La représentationd'un objet «en géométral», c'est-à-dire à l'aide de trois (ou quatre)vues en plan-coupe-élévation,permet de retrouver à partir dudessin toutes les vraies grandeursde segment de droite, d'angle oude surface, dont on peut avoirbesoin au moment de la construc

tion. Pour cette raison, c'est lemode de représentation de l'espace approprié aux dessins d'architecte ou d'ingénieur ou plusgénéralement de toute personnequi fournit un dessin en vue d'uneconstruction ultérieure. La géométrie descriptive est la théorie géométrique sous-jacente à ce modede représentation de l'espace.

1880) dans son Aperçu historique surl'origine et le développement desméthodes en géométrie, tout en luidéniant la capacité de pouvoir par elle-même démontrer des propriétés géométriques aussi fondamentales que desavoir si une courbe est plane ou non.«Science» qui ne démontre rien, ou« art » qui bouleverse les mathématiques, ce statut ambigu confère incontestablement à la géométrie descriptiveà la fois son charme et sa spécificité.Mais plutôt que de chercher à la situerentre art et science, sans doute vaut-il

mieux, comme nous y invite égalementMonge, la considérer comme un lan

gage. C'est «une langue nécessaire àl'homme de génie qui conçoit un projet,

à ceux qui doivent en diriger l'exécution,

DOSSIER: TRANSFORMER POUR CRÉER

et enfin aux artistes qui doivent eux-mêmes en exécuter

les différentes parties». Unlangage pour «parler l'es

pace à trois dimensions » enquelque sorte, du moins lorsqu'il est peuplé d'objets«susceptibles de définition

rigoureuse».

Mais c'est une langue abs

traite, difficile à maîtriser, et

dont les charmes ne furent

pas forcément appréciés àleur juste valeur par tous les

élèves ingénieurs. Disciplineemblématique, au moment

de sa création, de l'articula

tion entre une théorie et ses

applications et ^ _Principe de représentation deplus largement pespace utilisé en géométrie descrip-de l'articulation tive, épure d'un point - (Monge,théorie/pratique Géométrie descriptive. Planche I)qui est au cœur On rapporte l'espace à deux plans dede la formation référence, distincts, que l'on choisit

, . en général respectivement horizontaldes ingénieurs, -..ji,

" . et vertical. A tout point de 1 espace estelle perd rapide- associé le couple des deuxment ce statut, projections orthogonales. Lorsque« Le résultat est l'on rabat les deux plans de référence

la géométrie l'un sur l'autre, on obtient ce que l'ondescriptive des uomme, dans le langage de la géomé-

, , trie descriptive, l'épure du point.classes de , . . ,„ , . , . Ainsi le point A de l espace est repre-Specia es, aussi pjjj. jgcouple de points (a, a"),absurde en son |g point B par le couple (h, h") et legenre (et pour segment de droite [AB] par le coupleles mêmes rai- de segments de droite (ah, a"h").

1^-r-i" Vr

,/t{ /"'''Wr/t/fj 't/ne. /ttv.T'é.

/T,/ /*•

Hors-série n° 35. Les Transformations Tangenize 123

Page 125: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

HISTOIRES La géométrie descriptive

Une perspective donne une vue

globale de l'objet, mais ne donne

pas de renseignement suffisam

ment précis pour pouvoir le

construire à partir cette seule vue.

Comme une perspective, une axonométrie seule ne

permet pas de construire l'objet ; elle permet parcontre de bien montrer les positions relatives de dif

férentes pièces.

sons) que la théoriedes abaques et des opérations simplifiées. Pour apprendre le dessin industriel, on coupe des tores par deshyperboloïdes. On vous recommandesurtout de ne pas "voir" : il suffit demettre et d'opérer comme unebrute... Monge et Hachette pâliraient decolère, voyant ce qu'on a fait de leurscience», écrit par exemple HenryBonasse (1866-1953), un inspecteur del'enseignement du début du siècle citédans l'ouvrage d'Yves Deforge (1929-1997), Le graphisme technique, son histoire et son enseignement (Paris, ChampVallon, 1981).

On peut retenir du cours fondateurquatre éléments essentiels qui, dans unsens, le caractérisent: le choix néces

saire au tracé d'une épure, la découverte des formes, les relations entre la

géométrie et l'analyse et le passageréciproque espace/plan. De ces éléments, seul le second survivra dans les

cours de géométrie descriptive postérieurs à l'éviction de Jean Nicolas

Pierre Hachette (1769-1834) de

l'École polytechnique, au moment dela Restauration (Monge n'enseigneque deux ans la géométrie descriptiveà l'Écolepolytechnique ; Hachette luisuccède dans cet enseignement jusqu'à1816).

L'art de l'épure

Moyen de représenter l'espace, la géométrie descriptive est également unoutil pour s'abstraire d'une figurationpremière, pour «épurer» les surfacesou les objets mathématiques que legéomètre manipule. Un bon exemplede la manière dont Monge exprime larelation entre un raisonnement géométrique et sa traduction graphique, sa«représentation», est donné par laconstruction qu'il propose pour trouver le plan tangent à une surface derévolution passant par une droite donnée. En effet, ni la surface de révolu

tion, ni le plan tangent, nil'hyperboloïde de révolution annexequ'il introduit dans le corps de ladémonstration, n'apparaissent explicitement sur l'épure (fig. 3). «Personne,

Û2A Tangenrte Hors-série n°35. Les Transformations

Page 126: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER: TRANSFORMER POUR CRÉER

/'/</• zo

Fig. 3 - Plan tangent à une surfacede révolution passant par unedroite donnée.

Monge, Géométrie descriptive.Planche X.

Considérant le plan tangent cherché, Monge le suppose entraînédans le mouvement de rotation

qui engendre la surface de révolution. La droite, comprise dans leplan ((BC) ou (hc) sur la figure)engendre alors un hyperboloïdede révolution. Monge montred'abord que le plan tangent à lapremière surface de révolutionl'est également à la seconde. Ildétermine point par point l'intersection de l'hyperboloïde de révolution avec le plan frontalcontenant l'axe de la premièresurface de révolution et achève la

construction à partir des tangentes communes à l'hyperboleainsi déterminée et la génératricede la première surface de révolution.

plus que Monge, n'a conçu et n'afait de la Géométrie sansfigures», écrit Chasles dans sonAperçu historique sur l'originede la géométrie..., à la grande

surprise de son lecteur. Pourtantil met en évidence une des

richesses du cours de Monge et

un apport, paradoxal, de la géométrie descriptive.

Découuerte des formes

Ainsi dépouillé au maximum, ledessin porte non les objets mais

les eonstructions géométriquesutilisées dans le raisonnement,

constructions qui eussent éténoyées et illisibles si les différentes surfaces avaient été repré

sentées. Plus que lareprésentation de l'espace, l'ob-

jeetif premier de la géométrie descriptive est la découverte de nouveaux

volumes, de «formes inconnues, quirésultent nécessairement des formes

primitives données», selon les termesde Hachette. Au moment du tracé de

l'épure, on «construit», on déterminele volume cherché. La géométrie descriptive permet, en effet, de progresser

pas à pas dans cette recherche, à l'aidede quelques principes simples, de deuxalgorithmes propres, selon CharlesDupin (1784-1873), ceux de projection

et de rabattement. La force de la géométrie descriptive, dans cette aetivitéde recherche, vient de ces moyensalgorithmiques et systématiques quipermettent d'avaneer de façon sûre etprogressive.

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente 125

Page 127: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

HISTOIRES La géométrie descriptive

icnie

Épure d'une vis à filet triangulaire, lavis, Cours de l'École polytechnique, Portefeuille d'épuresde Dalesme, 1812.

Géométrie analytique et géométriedescriptiue

«Il serait à désirer que ces deux

sciences fussent cultivées ensemble : la

Géométrie descriptive porterait dans

les opérations analytiques les pluscompliquées, l'évidence qui est soncaractère; et, à son tour, l'Analyse por

terait dans la Géométrie la généralitéqui lui est propre ». C'est sans doute

par ce parallélisme que Mongeexprime le mieux sa philosophie, qu'iltentera de mettre en œuvre à l'École

polytechnique où il enseigne simultanément la géométrie descriptive etl'analyse appliquée à la géométrie. Lamise en évidence de la nature profondede cette relation entre géométrie et analyse est pour Monge l'une des clés del'enseignement des mathématiques.Mais, inversement, un enseignement degéométrie descriptive coupé de celui del'analyse, comme il se pratiquera ultérieurement, est par nature bancal.

Le passage réciproque espace/plan

Dans son cours, Monge utilise la géométrie descriptive pour réaliser «l'alliance intime et systématique entre lesfigures à trois dimensions et les figures

planes» comme l'explique encoreChasles. Il donne en effet quelquesexemples où il lit une figure de géométrie plane comme la projection d'une

situation spatiale et propose ainsi de

très élégantes démonstrations de théorèmes de géométrie plane (fig. 4). Lagéométrie descriptive n'apparaît plus

alors seulement comme un mode de

représentation de l'espace, maiscomme le lieu d'une relation réci

proque espace/plan qui met en évidence la richesse de la notion de

projection et de celle de transformationgéométrique. Charles-Julien Brianchon

(1783-1864), puis Jean-Victor Poncelet(1788-1867), cultiveront avec succès

cette méthode qui est l'une des caractéristiques de «l'école de Monge».

Le cours de Monge va profondémentrenouveler les études géométriques et

contribuer au bouleversement de la

pensée mathématique qui apparaîtdurant la première moitié du XIX"siècle. «L'influence scientifique deMonge (...) donna l'impulsion au

"12G Tangente Hors-série n°35. Les Transformations

Page 128: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER: TRANSFORMER POUR CREER

développement de la géométrie qui

allait commencer en Allemagne. J'ai

grandi moi-même, grâce à mon professeur Plûcker, dans la tradition de

Monge», écrira par exemple FélixKlein (1849-1925) cité ici par RenéTaton (1915-2004) dans L'œuvre scien

tifique de Monge. Si elle appartientaujourd'hui à une branche morte desmathématiques, la géométrie descrip

tive demeure un outil précieux pourdévelopper les facultés d'un étudiant àimaginer et inventer l'espace. C'est laraison pour laquelle, quels que soient

les développements fulgurants du dessin assisté par ordinateur (DAO), sonapprentissage peut ne pas avoir perdu

toute utilité.

J.S.

Références bibliographiques• Comar, P., La perspective en jeu : Les

dessous de l'image, Paris, Gallimard,128 pages, 1992.• Hllbert, D., et Cohn-Vossen, S.,

Geometry and Imagination, New York,

Ghelsea Publlshing Company,350 pages, 1952.• Monge, G., Géométrie descriptive,1®'® édition in Les Séances des écoles

normales recueillies par des

sténographes et revues par desprofesseurs, Paris, 489 pages, 1795.Édition récente in L'École normale del'an m.

' Leçons de mathématiques (Laplace,Lagrange, Monge). Jean Dhombreséditeur, Paris, Dunod, 636 pages,1992, pp. 267-459.

• Roubaudi, G., Traité de Géométrie

Descriptive, Paris, Masson et Gie, 552pages, 1916.

• Sakarovitch, J. , Épures d'architecture,de la coupe des pierres à la géométriedescriptive, XVÉ-XIX^ siècies, Basei,Birkhâuser, 444 pages, 1998.

A?.

/•/,/. lo

Fig. 4 - La propriété connue aujourd'hui sous le nomde «pôles et polaires ». Monge, Géométrie descriptive.Planche VII.

La corde joignant les points de contact des tangentesà un cercle, issues d'un point donné, passe par unpoint fixe (M sur fig. i8) lorsque le point se déplacesur une droite donnée. Réciproquement, les tangentes issues des points d'intersection d'une droite Aet du cercle se coupent en un point qui se déplacera lelong d'une droite si A tourne autour d'im point fixe.Soit n le plan défini par la droite donnée A et le centreA du cercle. Monge considère la sphère centrée en A etayant même rayon que le cercle et les cônes de révolution tangents à la sphère dont le sommet se déplace surla droite A. Les cônes et la sphère admettent un mêmeplan tangent P, contenant la droite A (H est un plan desyméti-ie de la figure et pour la suite du raisonnementon ne peut retenir que les volumes situés "au-dessus"de n)' Le point de contact N de P avec la sphère appartient à tous les cercles de contact entre les cônes et la

sphère, cercles toujours situés dans des plans perpendiculaires à n* Si l'on projette ces volumes sur H) lescercles de contact se projettent sur des cordes du cerclequi passent par N' projection de N, ce qui permet dedéduire le théorème.

Ce théorème sur « les pôles et polaires » prendraune place nodale chez Poncelet.

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente 127

Page 129: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

ACTIONS Par Hervé Lehning

La géométrie

Vauban a parsemé les frontières de la France de forteresses auxformes géométriques. Avant qu'on leur découvre des vertus touristiques, leur but était de retenir les envahisseurs. Leurs descendantss'y arrêtent encore.

Ville assiégéepar Vauban,

ville prise,ville défen

due parVauban, ville

imprenable.

Que sont devenues les fortificationsEt les p'tits bistrots des barrières

C'était Vdécor de toutes les chansons

Des jolies chansons de naguère

La chanson des fortifs, MargueriteBoulc'h dite Fréhel

Cette chanson réaliste del'entre-deux-guerres dit l'importance qu'eurent les fortifi

cations jusqu'au XIX® siècle. La loi dela ville s'arrêtait à ses barrières. Le vin

était moins cher en dehors. Malgré lanostalgie de la chanson, c'était le lieude tous les trafics, et de toutes les

misères. Aujourd'hui, il reste quelquesendroits semblant avoir été créés pourleur beauté géométrique. D'où vient

cette esthétique ?

Les hauts murs

Jusqu'au Moyen Âge, les fortificationssont essentiellement des murs, assez

hauts pour en rendre l'escalade difficile, et épais pour résister aux béliers

et à l'artillerie de l'époque (catapulteset autres engins lanceurs de pierres oude flèches). Des tours sont situées à

distance d'archer l'une de l'autre afin

d'empêcher l'ennemi de s'approcherpour gravir ou démolir les murs. Cette

technique devient obsolète face à l'invention de l'artillerie à boulets de fer.

Siège de Brest en 1386, où l'onvoit l'usage d'une bombardepour détruire les miu*s.In ; Chroniques, Jean Froissart,Bibliothèque nationale de

France, FR 2645, XV®siècle.

Tangente Hors-série n°35. Les Transformations

Page 130: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER : TRANSFORMER POUR CREER

D'étranges polygones

Les forts du Moyen Âge peuvent avoirdes formes polygonales. Celles-ci restent cependant convexes. La règle pourles forts de l'époque de Vauban est différente. En terrain plat, on part d'unpolygone régulier convexe. La longueurdes côtés correspond à la portée utiledes pièces d'artillerie de l'époque (enfait un peu moins pour que l'effet soitmeilleur). La norme est de 330 mètres.

Le nombre de côtés dépend alors de lataille de la ville à ceinturer ainsi. Par

exemple, un pentagone régulier de côtéégal à 330 mètres englobe une surfacede 18 hectares, un hexagone, 28, et unoctogone, 52.

Partons ici d'un pentagone comme pourla citadelle de Lille. Au milieu de

chaque côté, perpendiculairement etvers l'intérieur, nous reportons une longueur de 55 mètres. Nous obtenons unpolygone plus compliqué en formed'étoile (voir la figure Schéma de base).

Schéma de base d'vme fortifica

tion bastionnée.

Le but est d'établir aux sommets du

polygone initial de petits fortins appelés« bastions » et destinés à recevoir des

pièces d'artillerie pouvant couvrir lescôtés du polygone en étoile, appelés« courtines ». Pour éviter d'être de tropbonnes cibles pour l'artillerie adverse,

ces remparts ne dépassent pas du paysage. Leur hauteur vient des fossés

À Cbâteau-Queyras, Vauban a avancé la ported'entrée pour créer un bastion d'où deux canonspeuvent interdire la progression de l'ennemi(meurtrières au-dessus de la porte).

situés autour. Ces murs sont essentielle

ment constitués de terre pour mieuxrésister aux boulets en fer. La maçonne

rie qui les entoure est destinée à tenir letout. Du côté de la place forte, elle senomme l'escarpe. De l'autre côté, lacontrescarpe. Un domaine est laissévide et sans protection pour l'ennemitout autour. Il se nomme le glacis. Salongueur correspond au minimum à laportée des canons. Vu du glacis, l'assaillant n'aperçoit que des muraillesmodestes puisque le fossé les dissimule.Nous sommes maintenant en présencede plusieurs polygones, l'un extérieurjoignant les extrémités des bastions,l'autre intérieur dans le prolongement descourtines. Un autre délimite le glacis.Bien que plus solides que les châteauxdu Moyen Âge, ces fortifications gardent un gros inconvénient. Si un bastionest pris, la place est prise.

multiplication des défenses externes

Pour éviter ce défaut, Sébastien Le

Prestre de Vauban (1633-1707) a l'idée

Les bastions (enbleu) situés auxsonunets du

pentagone sontdestinés à cou

vrir les cour

tines (en rouge).Les mims exté

rieurs des deux

forment l'es

carpe.

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente 129

Page 131: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS La géométrie des fortifications

Le défilement et la géométrie descriptiue

Comment défiler une fortification des tirs de

l'ennemi ? Le verbe « défiler » doit s'entendre ici

au sens commun de « se défiler ». Comment

cacher l'intérieur d'un ouvrage aux vues et auxtirs de l'agresseur ? Bien entendu, il suffit debâtir partout des remparts assez hauts. L'ennuiest que la hauteur fragilise les remparts. Le toutdoit rester équilibré. Sur le terrain, les bonsingénieurs comme Vauban savent défiler leursouvrages. Comment s'y prendre à partir d'unsimple plan coté ? Gaspard Monge (1746-1818)inventa la géométrie descriptive pour résoudre ceproblème (voir l'article La géométrie descriptive).

Demi-lune, vue du fort à Mont-Dauphin, protégeant la citadelletout en restant sous le feu qui enprovient. L'ennemi ne peut quedifficilement s'y maintenir aprèsl'avoir prise.

d'ajouter deux

défenses externes

devant chaquecourtine : la

tenaille à son piedet la demi-lune

devant. Chacune

de ces défenses

n'offre aucune

protection du côtéde la place forte

elle-même. Si

l'ennemi la prend,il s'y trouve àdécouvert, donc

dans une positiondifficile à tenir.

Les tenailles

(près du fort)et les demi-

lunes (en vert)sont destinées

à retarder la

progression del'ennemi.

Vauban généralisa ce principe en détachant les bastions de la place forte elle-même. D'autre part, le tout est entouré

d'un dernier

petit rempartparallèle et

recouvert,

appelé « chemin couvert ».

Ainsi, il se situe

au sommet de

Le fossé se situe entre les deux

lignes bleues. À l'intérieur : lesbastions, les demi-lunes et lestenailles. En rouge : le chemincouvert et le glacis, qui montevers la place forte et se raccordeau terrain naturel.

la contrescarpe. Il s'agit en même tempsde la première ligne de défense et d'unchemin de ronde, destiné à l'observation.

Ces principes se retrouvent de façon

parfaite en terrain plat comme à Lilleou Neuf-Brisach. Dans des villes de

montagne, comme Briançon ou Mont-Dauphin, Vauban s'adapte au terrain.

Une falaise verticale de cent mètres de

haut est difficilement franchissable !

Schéma des fortifications de la

citadelle de lille.

130 Tangen-te Hors-série n°35. Les Transformations

Page 132: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER: TRANSFORMER POUR CRÉER

L'art du siège selon Uauban

Les fortifications de Vauban sont-elles

imprenables ? La réponse est « non ».Elles sont seulement conçues pourtenir le plus longtemps possible etinfliger le maximum de pertes à l'ennemi. Il est possible que ce temps soitassez long pour qu'une armée desecours vienne forcer l'ennemi à lever

le siège.

Vauban a indiqué lui-même commentprendre ses places fortes au moindrecoût en vies humaines. Comme pour la

construction des forteresses, ses idées

sont très géométriques. La prise d'uneplace se décompose ainsi en douzephases, prenant au plus 48 jours. Lapremière est l'investissement, pourcouper la place de l'extérieur. Ensuite,

Vauban fait réaliser une première tranchée parallèle à la place forte, hors dela portée des canons des assiégés. Pours'approcher, Vauban fait construire destranchées en zigzags. L'idée est que la

tranchée ne puisse être prise en enfilade par l'artillerie de la place (voir lafigure Les zigzags).

Les zigzags évitent que la tranchée d'approche soit dans l'alignement de la place.

Vauban fait alors construire une

deuxième parallèle à portée de canons.Le bombardement de la place peut

commencer. Il reprend des tranchéesd'approche en zigzags puis faitconstruire une troisième parallèle auniveau du chemin couvert. Les canons

approchent et créent une brèche dansles remparts. Le plus souvent, lesassiégés se rendent avant l'assaut pouréviter des pertes en vies humaines et le

pillage de la place.H.L.

Les cochonneries de Uauban

Vauban a écrit un traité dont le titre commence

par De la cochonnerie, mais rien de cochon àl'intérieur. Il s'agit d'un calcul estimatif pourconnaître la production maximale d'une truie endouze ans. Sa règle est simple et donne une suitedu type que celle que Fibonacci inventa pour seslapins :Une truie a sa première portée de cochons, moitié mâles, moitiés femelles, à l'âge de deux ans,et cela chaque année jusqu'à six ans. Chaquefemelle fait de même.

Faites le calcul, le résultat est impressionnant !Voila une alternative de suite à croissance exponentielle pour ceux qui seraient rassasiés deslapins de Fibonacci. Vauban l'a effectué pourmontrer que la famine pouvait être évitée.

BibliographieLa fortification décluicte en art et démonstrée. Jean Errard,Paris, in-folio de 83 pages -i- 38 doubles planches, 1600.Les fortifications. Antoine de Ville, Irénée Barlet (Lyon), infolio de 450 pages + 55 planches, 1628.Les fortifications. Biaise François Pagan, François Foppens

(Bruxelles), 196 pages, 1648. Publié à Paris dès 1645.Traité de l'attaque des places. 170 pages, 1704. Tome VIII inLes Oisivetés de Monsieur de Vauban. Vauban, Champ Vallon

(Seyssel), 12 tomes (29 mémoires), 1792 pages, 2007.

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente 131

Page 133: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

ACTIONS par Hervé Lehning

Représenteret déformer un objet en 3DPour représenter un objet en 3D, le plus simple est de ledécomposer en petits triangles et d'utiliser une projectioncentrale.

Dans l'espace, troisnombres x, y et zsuffisent pour repérer un point M :c'est pourquoi l'onparle de 3D. Cesnombres vérifient

l'égalité vectorielle :OM = xi + yj + zkoù les vecteurs i,jet k sont les vec

teurs unités sur les

axes de coordon-

ue le but soit de le représentersur un écran d'ordinateur, de le

mouvoir ou de le déformer, un

objetTteTespace doit d'abordêtre représenté en mémoire. Celle-ci ne comprendque deux objets de base ; le 0 et le 1. Bienentendu, grâce à l'écriture des nombres enbinaire, on peut tous les représenter ainsi

QobietaST

M

O

.y

Les surfaces sont représentées parde petits triangles contigus.

132 Tangente Hors-série n° 35

avec une certaine précision. On peut doncégalement représenter les points et lescouleurs.

Le problème de la couleur ne présenteguère de difficulté, nous le négligeronsdonc.

Représentation d'un objet en mémoire

Apriori, si nous savons représenter lespoints, nous pouvons représenter lesvolumes de l'espace. Après tout, il

s'agit d'ensembles de points. Nousévitons cependant de procéder ainsipour deux raisons. La première est

qu'il faut alors en considérer un grandnombre même en leur donnant une cer

taine épaisseur. Sans cela, il en faudraitune infinité ! La seconde raison est queles objets que nous manipulons ont

toujours une enveloppe, ils sont l'intérieur de certaines surfaces.

Reste à représenter les surfaces. Pourcela, l'idée la plus utilisée en mathématiques est de les approcher par unecollection de petits triangles ne se coupant que le long de leurs côtés. Voicice que cela peut donner :

Page 134: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

Des triangles pour représenter une surface.

En utilisant des triangles plus petits, onpeut obtenir une figure plus fine. Ainsi,dans ce modèle, une surface est définie

par une liste de triangles qui sont eux-

mêmes des tableaux de neuf nombres.

Représentation d'un trianglesur l'écran

Si vous regardez une scène, votre œilest situé en un certain point et la vision

se fait sur le plan de votre rétine.Notons S ce point et P ce plan. Les

rayons lumineux ayant des trajectoireslinéaires, un modèle raisonnable de la

façon dont les images sont transfor-

Image t d'un triangle Tsur le plan de vision P.

DOSSIER : TRANSFORMER POUR CREER

Dans ce schéma, le triangle image t apour sommets les images des sommetsdu triangle réel T. Pour représenter letriangle, il suffit donc de calculer lescoordotmées de ces points.

Transformation d'un point

L'essentiel est donc de trouver les

coordormées dans le plan P de l'imagem d'un point M. Pour les déterminer, ilsuffit de se donner un système d'axesliés au plan P eomme le montre lafigure suivante :

Si les coordonnées du pointM dans le repère d'origineS et d'axes I, J et K sont X,

Y et Z (voir la figure ci-dessus), d'après le théorème deThalès, celles du point mvérifient :

?_X Y Z

Comme z = h où h est la dis

tance de S à P, on en déduit

t.X , , Yque : x = h— et y = h — ,^ Y ^ ZIl reste bien sûr à calculer

les coordonnées de M dans

ce nouveau repère. Il s'agitd'une question de calculvectoriel. Une fois chaquepoint transformé, il estfacile de transformer les tri

angles.

---- M

On considère le

repère d'origine Sdont l'axe K est

perpendiculaire auplan P, l'axe I horizontal et l'axe J

vertical.

Hors-série n° 35. Tangente 133

Page 135: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

ACTIONS Représenter un objet en 3D

Deux triangles,lequel cachel'autre ?

Si le petit triangleSi le petit triangle

est derrière le

grand, nous obte

nons la figure degauche, sinon nous

obtenons celle de

droite.

Les parties cachées

Les triangles utilisés ne se coupent quesur les faces donc l'un est toujours derrière l'autre. Examinons les images dedeux triangles :

Si le triangle le plus proche de S estopaque, nous avons deux possibilités :

Pour effecteur le tracé complet (facecachée comprise), il suffit de déterminer les images sur le plan P des sommets des triangles. On obtient ainsideux triangles. Pour chaque triangle,on examine les sommets visibles parrapport à l'autre triangle et ceux qui nele sont pas. Pour régler cette question,on détermine d'abord si le sommet est

eompris à l'intérieur de l'autre triangle. Il s'agit d'une question de calcul de coordonnées.

Si les points A, B, C et M ont pour coordonnées respectives (x^, (Xg, y^),(x^,Je) st (jCm' a pouréquation :

(fA (^A-^^y+^Ay^-^YiyA=o-

134 Tangente Hors-série n° 35

A B

Un point M est situé à l'intérieur du triangle ABC s'il est situé du même côtéque C par rapport à (AB) et de mêmepour les autres côtés.

Les points C et M sont situés du mêmecôté de (AB) si la quantité ci-dessus a lemême signe en ces deux points. On peuttester ainsi par quelques calculs sur les

coordonnées de A, B, C et M si M est

situé du même côté que C par rapport à(AB) et de même pour les autres côtés.

On en déduit un moyen de tester si M està l'intérieur du triangle ABC ou non.

Si M n'est pas à l'intérieur de ABC, il estvisible par rapport à ABC. S'il l'est, ilreste à examiner s'il est situé derrière

ABC ou non. Pour cela, on écrit l'équation du plan original de ABC et on examine son signe au point original de M.

S'il est identique de celui en S, M estvisible, sinon il est caché.

Une fois que l'on connaît les sommets

cachés, il est facile de réduire le dessin

aux parties visibles. On recommence le

processus pour toutes les paires de tri

angles et on obtient le résultat final.

Faire bouger ou déformer un objet

La méthode peut sembler longue mais elle

a l'avantage de permettre de changer facilement de point de vue comme de fairebouger un objet ou de le déformer. Pourcela, il suffit de déterminer les fonnules de

changement de coordonnées pour un pointet l'appliquer à tous les sommets des triangles de la figure. Les méthodes vuesdans cet article permettent également devisualiser les ombres portées par un objet.

H.L.

Page 136: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

EN BREF

Les « Imajustages » de niyriam Labadie

r

Orienté, acrylique svu- toile,25cm X 25cm, 2008.

Concentration II, acrylique sur toUe,38cm X 38cm, 2006.

Lajrise de Constantinople, acrylique sur bois, 25cm x 100cm, 2005.

Vortex, acrylique sur toUe,38cm X 38cm, 2006.

k

W

Hippychorisme, acrylique sur toile,25cm X 25cm, 2008.

Hors-série n°35. Les Transformations Tawgente 135

Page 137: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

PASSERELLES par Edouard Thomas

Les « Imajustages » de

Inspirée par les remplissages périodiques du pland'Escher ou les grilles de Vasarely, la peintresse MyriamLabadie explore avec bonheur l'exécution souscontraintes. Rencontre avec une artiste atypique.

«L'exécution

sous

contraintes

d'une œuvre

picturale peutêtre ludique»

Tangente: Pouuez-uous nous parler deuotre parcours?

Myriam Labadie : J'ai d'abord étudié

trois ans à l'École des beaux-arts deToulon, avant de me tourner vers les

lettres modernes. C'est dans le cadre de

mon mémoire de maîtrise que l'on m'aproposé d'assister en 2001 auSéminaire annuel de textique(Semtex), dirigé par Jean Ricardou,

connu pour ses travaux théoriques surle Nouveau Roman.

Cette rencontre a été décisive.

Adoptant immédiatement la textique,j'ai réalisé, au sein de son groupe deréflexion, le Cortex, une analyse critique approfondie de l'une des œuvresde Maurits Cornelis Escher :

Remplissage périodique du plan II.Cette analyse m'a amenée à faire émerger les principes d'élaboration desicônes ajustées. Puis j'ai réalisé, avecle souci de joindre théorie et pratique,mes propres Imajustages.

Le résultat était alors assez sommaire :

représentation exclusive de bestiaires ;

grille de construction encore peu apparente ; nombre de figures restreint.

Contrainte d'ajnstageTransposant à l'acryliquetechnique du glacis - tecnnic

lainique

consistant en une succession de

couches de peinture très peupigmentées -, les Imajustagesde Myriam Labadie répondent àun programme d'exécution souscontraintes. La principale d'entreelles, appelée contrainted' « ajustage », nécessite quechaque figure soit représentéeentière, vue sous un certain angle,sans en cacher aucune autre ni

être cachée par quelque autre, etde telle sorte que l'espace dutableau soit totalement couvert.

Le site

http://lahadie.mjTiam.neuf.fr/expose et explique les travauxainsi réalisés.

fl36 Tangente Hors-série n°35. Les Transformations

Page 138: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER: TRANSFORMER POUR CREER

Puis, à force d'exercice, la qualité gra

phique s'est accentuée. LesImajustages se sont ainsi affinés, au

point que de nouvelles contraintes ontpu se greffer sur le programme d'exécution initial.

Quelles sont ces nauuellescontraintesque uousaoez introduites?

Une contrainte de spécialisation,

d'abord. Elle apparaît avec lesAlphabestiaires, où seuls des animauxdont le nom commence par une lettrechoisie sont représentés : Abeille,Aigle, Anaconda, Ane, Araignée... de

telle sorte que leur assemblage dessinela lettre en question (ici « A »).

Une contrainte de spatialisation, parfois. Elle porte essentiellement sur la

grille de construction, qui composealors des volumes en trompe-l'œil, unpeu à la manière des œuvres deVasarely. Mes travaux Science sans

patience n'est que ruine de l'Art,Vortex ou Concentration en sont des

exemples.

Une contrainte de « superposition »,

aussi. Celle-ci ajoute, à la règle du partage des bords, un impératif supplémentaire affectant le remplissageinterne et s'appuyant sur un nuancierde valeurs (clair/sombre ou

clair/moyen/sombre). Ainsi, les figureslocales s'ajustent, mais de façon à laisser apparaître une figure globale. Onpeut l'observer dans des tableaux telsque Le drapeau pirate, A l'aise au paysdes merveilles ou Hippychorisme.

Une contrainte de sérialisation enfin.

Nécessitant la symétrie, la rotationet/ou la translation des bords de

chaque figure, elle permet de compo

ser des motifs répétés. Ainsi procè

dent Les chats de

Schrddinger, Les

vieillards plas

tiques, Orienté ou

L'essai.

Latextique

La contrainte

d'ajustage peut être

enrichie autrement :

représentation d'un

volume d'ensemble

{cf. les grilles deVasarely), « superposition » d'une

figure d'emblème (cf. les portraitsd'Arcimboldo), ou composition de

motifs semblables {cf. certains travauxd'Escher).

La textique vise à établir une théorie unifiée des structnres de l'écrit,dans ses modes schémique, gram-miqne, iconique, symbolique. Ellefut fondée en 1985 par JeanRicardou au Collège internationalde philosophie de Paris. Le Cercleouvert de recherches en textique(Cortex) est constitué d'uneéquipe non institutionnelle, articulée autour du Séminaire de tex

tique (Semtex), au Centre culturelinternational de Cerisy-la-Salle.

Pouuez-uouspréciserquels outilsmathématiques sont alors à l'œuure ?

Le principe de pavage est nécessaire àtoute organisation des grilles deconstruction (en damier, en triangles

isocèles ou équilatéraux, en quadrila

tères, en hexagones composés delosanges, en spirales, mixtes...). Leprincipe d'anamorphose de ces grilles

est parfois requis pour obtenir dessemblants de volumes. Des principes

de symétrie, de rotation et de translation sont appliqués dans mes œuvresisométriques. Et un principe combina-toire de coloration d'un graphe {via lethéorème des quatre couleurs et sesvariantes) permet toujours un remplissage qui utilise un nombre minimal decouleurs, que je choisis en généralcontrastives.

Propos recueillis par E.T.

Retrouvez les

œuvres de

MyriamLabadieen

pages 95 et 135.

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente 137

Page 139: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

ACTIONS par Michel Criton

Calissons et

perspectiueLes calissons sont des friandises en forme de losangesconstitués de deux triangles équilatéraux accolés. Les ranger est l'occasion d'évoquer un problème de géométrie !

Pour ranger

des calissons,il suffit de les

voir comme

des carrés vus

en perspective.

Si l'on range les calissons dans

des boîtes hexagonales, de combien de façons peut-on le faire ?

Un calisson dans sa boîte.

Les losanges qui représentent descalissons sont supposés être posés surun plan et vus du dessus. Il s'agit doncd'une représentation plane. Plaçonsdouze calissons dans la boîte.

Douze calissons dans leur boîte.

En les coloriant,du relief apparaît.

Mais observez attentivement le dessin

représentant les douze calissons dansleur boîte. Ne voyez-vous pas du relief

apparaître ? On a l'habitude de représenter un plan quelconque vu en perspective dans un espace à trois

dimensions par un parallélogramme, et

les trois orientations possibles d'uncalisson peuvent être interprétées parnotre cerveau comme trois positions

possibles d'un carré dans l'espace àtrois dimensions.

En accolant trois carrés appartenantaux trois plans de coordonnées, on voitun objet que notre cerveau peut interpréter de deux façons : en plein ou bien

en creux. On peut d'ailleurs passer,avec plus ou moins de facilité, d'unevision à l'autre.

Cette vision a-t-elle un rapport avec leproblème des confiseurs ? La réponseest oui, car, lorsque l'hexagone estrempli de calissons, deux calissons

adjacents par un côté peuvent toujours

être vus comme deux carrés. Si ces

138 Tangente Hors-série n°35. Les Transformations

Page 140: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER; TRANSFORMER POUR CRÉER

Trois calissons apparaissentcomme trois carrés dans trois

plans orthogonaux.

carrés ont la même position, ils serontinterprétés comme étant dans un même

plan, sinon, comme appartenant à deuxplans orthogonaux. On peut alors supposer que ces plans correspondent soità l'intérieur d'une boîte cubique dontl'arête vaut deux côtés de calissons,

soit à des faces de cubes rangés à l'intérieur de cette boîte, dont trois faces

ont été ôtées.

Rutre formulation du problème

Notre problème est équivalent au problème suivant : de combien de façonspeut-on ranger des cubes dans la boîte,

de telle sorte de chacune de leurs faces

soit ou bien totalement invisible, ou

bien totalement visible ? Trois cubes

disposés comme sur le dessin ci-dessous, par exemple, ne conviendraient

pas, car la face repérée par une flècheest partiellement cachée tout en étant

aussi partiellement invisible.

Trois cubes.

Les cubes peuvent se ranger en deuxcouches, l'une « en arrière » et l'autre

« en avant », un cube placé en avant nedevant jamais faire de l'ombre à uncube placé en arrière (sauf s'il est collécontre lui) ou à la face arrière de la

boîte. De même, un cube de la couche

du dessus ne doit pas faire de l'ombre àun cube du dessous ou au fond de la

boîte. Cette règle permet de dénombrervingt remplissages différents possiblesreprésentés ci-dessous « en volume ».

€>###Bien

sûr, si l'on

considère

comme identiquesdes dispositions qui sedéduisent l'une de l'autre par une rotation ou une symétrie, on obtient beau

coup moins de solutions. En fait, la boîtepleine et la boîte vide correspondentalors à la même solution.

Et il en est de même pour la boîtecontenant N cubes et celle en conte

nant 8 - iV,à condition que les vides dela seconde boîte soient disposéscomme les cubes de la première. Nouslaissons au lecteur le soin de vérifier

qu'il n'y a plus alors que six solutions.M.C.

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente 139

Page 141: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS par Hervé Lehning

L'art de

pauerL'Alhambra de Grenade est réputé pour ses jardins et sesdécorations géométriques. Les carreleurs y ont utilisé lesdix-septfaçons d'agencer des pavés décoratifs. Quelles sont-elles ?

L'Alhambra !L'Alhambra !Palais que les géniesOnt doré comme un rêve et

rempli d'harmonies,Forteresse aux créneaux festonnés et

croulants

Où l'on entend la nuit de magiques syllabes

Quand la lune, à travers les millearceaux arabes.

Sème les murs de trèfle blanc.

Les Orientales (extrait)

Dans cette strophe écrite à Grenade enAvril 1828, Victor Hugo évoque lesharmonies et la magie du palais del'Alhambra, qui surplombe la ville. Lemathématicien ne peut s'empêcher d'ylire une allusion aux pavages couvrantses murs, sols et plafonds. Sans croireà la magie, il est impressionné en ydécouvrant les dix-sept pavages possibles du plan. Comment de simplescarreleurs ont-ils pu les découvrir ?

140 Tangente Hors-s

L'art de carreler

Imaginez-vous carreleur. On vousfoumit un lot de carreaux rectangulaires, sans décor. A vous de les assem

bler pour couvrir une surface plane illimitée. Sauf rapport particulier entre les

côtés, une fois le premier pavé posé,vous n'avez qu'une façon « naturelle »de le faire (voir la figure « Pavage avecdes carreaux rectangulaires »). Plusexactement, la position de chacun sedéduit simplement de celle du premier.

Qu'avez-vous fait ? Tout simplementopéré deux translations du premierpavé posé, une dans le sens de sa lon

gueur, l'autre dans le sens de sa largeur. Derrière ce motif se cache ungroupe de déplacements. Il est consti

tué des translations que vous opérezpour passer du premier carreau poséaux autres. Remarquez que l'on obtient

le même résultat si les carreaux sont en

forme de parallélogrammes ou même

Page 142: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

Pavage avec des carreaux rectangu

laires. A partir d'un premier, le paveur

a opéré des translations suivant ses

deux côtés (donc les vecteurs I et J).

de forme plus compliquée, à conditiontoutefois qu'ils s'emboîtent correctement (voir la figure « Pavage avec descarreaux s'emboîtant »).

Pavage avec des carreaux

s'emboîtant.

Bien entendu, il est possible de créerune infinité de motifs de ce genre. Legroupe sous-jacent reste le même. II estengendré par deux translations. Pourqu'il évolue, il est nécessaire de changer la forme des pavés. Nous pouvonségalement considérer des pavés déco

rés sur une face. A partir d'un pavécarré, nous obtenons alors plusieurspossibilités. La figure « Agencementsréguliers de pavés carrés » en montretrois.

DOSSIER : TRANSFORMER POUR...

f f ff f

? f f f

f i if

i 'f i

> f StS- f

è --C-

À

Problème des paueurs

Ces agencements sont-ils les seuls ?Assurément non puisqu'il est possiblede disposer les pavés de façon aléatoire(voir la figure « Un agencement aléatoire »).

Un agencement aléatoire. Les cou

leurs des dalles ont été choisies

dans l'ordre habituel de l'écriture

française par jet de dé (1, 2 et 3 :

bleu, 4, 5 et 6 : jaune). On remar

quera que ce « vrai » hasard est

loin des dispositions « aléatoires »

que l'on fabriquerait spontanément.

Trois agencements

régnliers de pavés

carrés.

Dans le premier,

nous ne trouvons

que des

translations. Dans le

second, le paveur a

d'abord appliqué

une rotation de 180°.

Dans le dernier, plu

sieurs fois une rota

tion de 90°.

formations Tangervte ^41

Page 143: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS r l.'art d

Motifs de base

formés à partir

d'un pavé et

d'une rotation de

180° puis d'une

rotation de 90°

répétée plusieurs

fois.

On peut trouver une certaine esthétiquedans ces jeux aléatoires, mais nous perdons l'harmonie des pavages réguliersusuels. Les paveurs traditionnels ne sepermettent pas de telles fantaisies.

Précisons leur méthode.

La notion de déplacement est assezclaire. Pour la comprendre, il suffit dejouer avec un carreau posé au sol. Vouspouvez le translater et le faire pivoter.Les déplacements sont donc de deux

sortes : translations et rotations. En

effectuant plusieurs déplacements à lasuite, le total est un nouveau déplacement, bien sûr. Autrement dit, les

déplacements se composent. C'est lapropriété essentielle des groupes.Comme Monsieur Jourdain faisait de

la prose, les paveurs traditionnels utilisent des sous-groupes de déplacementssans le savoir.

Si le pavage est déjà réalisé, ondécouvre ce groupe en remarquantqu'il s'agit du plus petit ensemble dedéplacements permettant de passerd'un pavé à tous les autres (voirl'encadré « Les groupes des paveurs »pour plus de précisions). Ainsi, dans lafigure « Pavage avec des carreaux rec

tangulaires », il s'agit de l'ensembledes translations de vecteurs :

p\ + ^JoùI et J sont portés par lalongueur et la largeur d'tm pavé, p Qtq

Y

deux entiers. On montre que ce sont lesseules translations possibles mais, àtravers les exemples précédents, nousvoyons que ce groupe de translations

n'est pas le seul envisageable, d'où laquestion :

Quels sont les groupes de déplacements utilisables pour paver un sol

plan ?

Recherche de groupes utilisables

Dans chacun des trois cas trouvés, le

sous-groupe des translations de G estde la même forme ; ensemble des

translations de vecteurs p\ + ç J oùI et J sont deux vecteurs non coli-

néaires, p Qtq deux entiers. Plus précisément, I et J définissent un nouveau

pavé groupant plusieurs des can'eauxinitiaux, deux dans le cas où nous trou

vons une rotation de 180°, quatre danscelui où apparaît une rotation de 90°.

Les carrés sont adaptés aux rotationsde 90 et 180°. Pour inclure d'autres

rotations dans le groupe G, il est nécessaire de passer à d'autres formes decarreaux. La première qui vient à

l'esprit est celle des tomettes hexagonales.

Inspirons-nous des motifs de base ci-

A

Tangente Hors-série n°35. Les transformations

Page 144: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

Le groupe des tomettes hexagonales

est composé de translations.

dessus, ceux qui comprennent deux ouquatre carrés. Ils sont constitués à partir d'un premier motif et de l'itérationd'une rotation. Inversement, comment

obtenir un hexagone ainsi ? Pour cefaire, il est nécessaire de décomposer

cet hexagone en motifs égaux (voir lafigure « Trois découpages d'un hexagone »).

Trois découpages d'un hexagone.

Le découpage en triangles équilatérauxne donne rien car il aboutit à l'un des

groupes déjà trouvés (translations plusrotation de 180°). Les deux autres donnent deux nouvelles possibilités car ilsintroduisent d'autres rotations. Il est

facile alors d'imaginer deux nouveauxpavages (voir les figures « Pavage avecdes carreaux en forme de losange » et« Pavage avec des triangles »).

Nous avons ainsi trouvé cinq groupesdistincts de déplacements pouvant êtreutilisés pour paver le plan. Ondémontre que ce sont les seuls en utilisant des propriétés arithmétiques (voir

DOSSIER : TRANSFORMER POUR...

Pavage avec des carreaux

en forme de losanges puis

avec des triangles.

l'article « Les groupes des paveurs »

pour les grandes lignes d'une démonstration).

ndjonction de retournements

Si on admet que l'on peut retoumer lescarreaux, c'est-à-dire opérer une symé

trie par rapport à un axe (voir la figure« Retournement d'un pavé »), nousobtenons douze autres groupes. La discussion pour les trouver est similaire àla précédente, quoique plus laborieuse.

L'ungente

Page 145: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS de paver

Dans les figures, nous donnons àchaque fois le motif de base, celui quiest ensuite répété au moyen de translations. Pour le créer, nous partons d'unpremier motif pour le répéter avec desretoumements ou des rotations. Par

exemple, nous pouvons retoumer unpavé carré le long de son côté droit,pour obtenir un nouveau motif de basequi peut être translaté le long de sescôtés. Il est possible d'en créer quatreautres. Par exemple avec le mêmeretoumement suivi d'une rotation de

180° (voir la figure « Retoumementd'un pavé »).

y*

Yy^ Lf

Â*9^

À

Retournement d'un pavé,

puis le même suivi d'une rotation

de 180°.

Les trois autres sont créés de même :

A

éi

 f

Retournements et rotation de 180°

Nous pouvons ensuite utiliser des triangles pour former trois motifs carrés.

Retournements diagonaux

et rotation de 90°.

Pour finir, nous pouvons utiliser destriangles pour former trois motifshexagonaux.

Ym

Motifs de base hexagonaux.

Nous avons ainsi découverts dix-septgroupes de pavage distincts à la suitedu cristallographe Yevgraf Fyodorov(1853-1919) qui s'y intéressa car lescristaux suivent également ces formes.On montre qu'il n'en existe pasd'autres. Fyodorov dénombra également les deux cent trente groupes depavage de l'espace.

H.L.

144 l angen-te Hors-série n°35. Les transformations

Page 146: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER : TRANSFORMER POUR...

Les groupes des paveursNous avons décrit les cinq groupes de déplacements utilisables pour paver un plan. Pourquoin'y en a-t-il pas d'autres ? Comment trouverceux qui incluent des retournements ? Avantd'entamer une démonstration, il est nécessaire

de préciser de quoi on parle.

On considère le plan et un pavé F, c'est-à-direun domaine borné du plan d'un seul tenant(plus précisément, un compact connexed'intérieur (noté mt(P)) non vide). On appellegroupe de pavage G un sous-groupe de déplacements vérifiant les deux axiomes :

1 / la réunion des parties g (P) quand g décrit Gest égale au plan entier,

2 / deux éléments de G, g et h, tels quel'intersection de g [ int(P) ] et de /i [ int(P) ] estnon vide, sont égaux.

Sans ce deuxième axiome, un même pavagepeut admettre plusieurs groupes. Il permet demontrer que les rotations de G sont d'ordre fini,c'est-à-dire ont une certaine puissance égale àl'identité. Pourquoi ? Considérons une rotation

r dont les puissances soient toutes distinctes del'identité. On en déduit qu'elles sont toutes distinctes entre elles. D'après l'axiome 2, lesimages de l'intérieur de P par ces puissancessont disjointes deux à deux. L'ennui est qu'ellesoccupent un espace borné donc constituent un

recouvrement d'ouverts d'un compact dont ilest impossible d'extraire un sous-recouvrementfini. C'est absurde. Ainsi, toute rotation de G

est d'ordre fini. Son angle est donc un diviseur

entier de 360°, soit 360°.n

Soit s une rotation n'ayant pas le mêmecentre que r, 360^ ^qjj angle.

m

Puisque G est un groupe, (r o s)"' est soit

l'identité, soit ime rotation t de G. S'il s'agit del'identité, nous obtenons la relation ;

1— -I- — = 1 d'où m = 2.m m

La rotation r est une rotation de 180°, c'est-à-

dire une symétrie par rapport à un point. Sit n'est pas l'identité, il s'agit d'une rotation.

360°Soit son angle.

Comme r o 5 o t = id, la somme des angles destrois rotations est égale à 360°, d'où :111

— -H — -H — = 1.n m p

Les solutions sont peu nombreuses, n = 2,3,4 ou6 d'où les angles de 180, 120, 90 ou 60 degrés.Cela correspond aux rotations trouvées intuitivement dans le texte. 11 n'en existe pas d'autre.

Pour prouver que nous avons trouvé tous lesgroupes possibles, il reste à montrer que lestranslations de G sont de la forme p^ + q ^où p et q sont des nombres entiers. Pour cela, ondémontre d'abord que si les vecteurs étaienttous colinéaires, le pavage ne pourrait couvrirqu'une bande du plan. Ensuite, on considère leplus petit de ces vecteurs, soit 1, puis le pluspetit vecteur qui ne lui est pas colinéaire, soit J.11 est alors assez facile de montrer le résultat.

wmmm

Les paveurs (boulevard de Saint-Rémy), 1889.

Vincent Van Gogh (1853-1890).

Hors-série n° 35. Les trar. irag

Page 147: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS par Hervé Lehning

Des groupespour construire des pavages

Pour construire des pavages esthétiques, le sculpteur RaoulRaba découpe des enveloppes dont les formes sont associéesaux groupes des paveurs.

Un pavage par des

losanges. Ils sontrassemblés par

trois dans des pavésdonnant l'illusion

de cubes vus en

perspective.

Une enve

loppesuffitpourfabriquer

des pavagesoriginaux.

Onpeut paver le plan de cinqfaçons différentes avec des

motifs géométriques si onexclut de retourner les carreaux (voirl'article L'art de paver). L'un despavages de ce type les plus simples àréaliser est celui constitué de losanges,et que nous retrouvons dans l'article

Calissons et perspective :

Ce pavage correspond à l'un des cinqgroupes de paveurs positifs : il est engendré par une rotation d'angle 120° (transformant entre eux les losanges d'un mêmepavé) et deux translations dont les vecteurs

146 Tangente Hors-série n° 35

fontun anglede 60° entreeux (faisantpasser d'un pavé à un autre). Les autres typesde pavage correspondent aux quatre autresgroupes. Il est facile de les repérer par des

formes géométriques comme les losangesde la figure précédente. Dans cet article,

nous voyons comment ces groupes per

mettent de fabriquer des pavages utilisant

des motifs plus originaux.

Transforniûtîon d'un pauage

Une idée simple est de partir d'unecopie en papier du motif de base dupavage géométrique ci-dessus, c'est-à-

dire d'un losange, et de le plier en deuxcomme le montre la figure suivante :

Pliage du losange de base

en deux. Pour visualiser

• la différence entre les deuxfaces, la face supérieure est peinte en

vert, la face inférieure en jaune.

Page 148: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

Nous obtenons un triangle équilatéral.Nous collons alors les bords supérieursde ces faces entre eux (un peu de rubanadhésif est idéal pour réaliser cette opération). Nous choisissons ensuite unpoint P sur la face supérieure et nous lerelions aux trois sommets A, B et C en

passant par l'une ou l'autre des deuxfaces. La seule condition est que ceschemins ne se coupent pas entre eux :

A

B C

On choisit un point F sur la face supérieure et on le relit aux trois sommets A,

B et C. Les tracés sur la face inférieure

sont dessinés en pointillés sur la figure.

Nous déplions ensuite notre morceaude papier en trois étapes :

Les trois

étapes du

dépliage.

r

DOSSIER : TRANSORMER POUR CREER

Pour comprendre pourquoi ce nouveaumotif a conservé les propriétés dulosange d'origine, le mieux est de ledessiner avec le triangle équilatérald'origine ;

Le nouveau motif avec le triangle équi

latéral dont il est issu.

Consei udtîoïl dû groupe de pauage

Cette méthode de construction assure

que l'aire du nouveau motif est lamême que celle du losange dont il estissu. Cela ne suffit pas pour affirmerque le groupe du pavage d'origine estconservé. Pour le montrer, considérons

la partie inférieure du motif (A sur ledessin ci-après) :

Le nouveau motif avec le losange d'ori

gine.

Hors-série n° 35. Tangen-te 147

Page 149: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

SAVOIRS Des groupes pour construire.

Pavage avec un

motif du même

type : le groupe est

conservé.

Généralisation

On démontre que notre méthode estutilisable à partir de chacun des cinqmotifs de base suivant

Les cinq motifs II s'agit du triangle équilatéral, du demide base. triangle équilatéral, du carré, du demi

earré et du rectangle. Dans chaque cas, leprincipe est le même que celui exposé à

148 Tangen±e Hors-série n° 35

partir du triangle équilatéral dans ce quiprécède et on obtient les cinq groupes depaveurs positifs. Les démonstrations sontsimilaires à celles qui permettent de prouver qu'il n'existe que dix-sept groupes depaveurs dont cinq seulement sont positifs(voir l'artiele Les groupes de paveurs).Pour finir, montrons rapidement comment obtenir un motif à partir du rec

tangle ce qui est faisable à partir d'uneenveloppe ordinaire du commerce. La

seule condition est de ne pas l'ouvrir !Dans ce eas, nous obtenons un motif

que nous vous laissons découvrir ainsique ses propriétés de pavage.

H. L.

Page 150: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

Vélib'

Luminaire

Félix Klein

DOSSIER : TRANSORMER POUR CREER

Raoul Raba (1930 ) est

peintre et sculpteur. Malgré l'obteu-

tiou du Grand Prix de Rome eu 1955,

il sait rester original et se lance dans

le design où il fera preuve d'un

grand éclectisme : études pour les

voitures Citroën, architecture, lumi

naires.

Pavage de kangourou

Livres

Hors-série n° 35. Tangente 149

Page 151: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

ACTIONS par J.-J. Dupas et É. Thomas

Entrelacs« Tricotez votre poncho vous-même » titrait le journal « Elle »voici quelques années. En intégrant les résultats d'une étuderécente, etparaphrasant cette une célèbre, nous vous proposons d'apprendre à construire de magnifiques entrelacsd'une complexité inouïe.

Motif du tombeau

de Khwaja

Abdullah Ansari

à Hérat

(Afghanistan,

1425-1429).

Comment dessiner le motif dutombeau du théologien afghandu Moyen Âge Abdullah

Ansari ? (voir la figure « Motif du tom

beau ».)

Des documents médiévaux donnent la

solution ; à la règle et aucompas. Le nombre delignes à dessiner et les

erreurs qui s'amplifient rendent vite latâche fastidieuse et difficile. Une sim

plification est de construire un des rectangles noirs de la figure suivante (voirla figure « Une simplification ») et de

m

.1^r'

150 Tangen±e Hors-série n°35. Les transformations

Page 152: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

les dupliquer. L'utilisation de ce pavésimplifie le travail, mais ne permet degénérer qu'un type de motif.

Les paués de Girih

En observant un grand nombre demotifs, PJ. Lu et P.J. Steinbardt ontdéduit, en 2007, qu'à partir de 1200 les

artisans ont trouvé une méthode plusefficace. Ils utilisent trois blocs

polygonaux prédéfinis, appelé pavésde Girih : le décagone, la navette et

nLes pavés de Girih : le pentagone en

jaune en bas à gauche, le décagone en

rouge au milieu, le losange en violet à

droite, la navette en bleu en haut à

droite, le nœud papillon en vert en haut

à gauche.

DOSSIER : TRANSFORMER POUR.

Une simplilîcation :

reconnaissance d'un pavé de base.

le nœud papillon.L'exemple précédentpeut être traité dansce cadre (voir la

figure « Blocs polygonaux prédéfinis »).Puis au XV^ siècle, lepentagone et lelosange se sont ajoutés à l'ensemble (voirla figure « Les pavésde Girih »).

Ces cinq pavés sont remarquables etpossèdent des propriétés communes. Ilssont très simples à dessiner avec les

moyens disponibles au Moyen Âge.Leurs côtés ont même longueur. Dechacun de leurs milieux partent deuxlignes décoratives inclinées de 72° et108°, ce qui permet aux lignes de ne paschanger de direction au changement depavé. Comme tous les angles sont desmultiples de 36°, à la fin toutes leslignes sont parallèles aux côté d'un pentagone ce qui accentue encorel'impression d'être en présence de rota

tions d'ordre 5. Travailler avec ces cinqpavés est un saut conceptuel considérable et offre de nombreux avantages.

Le travail est plus simple, plus précis etbeaucoup plus rapide. Avec quelquespatrons à l'échelle 1, on peut mêmefaire travailler des artisans moins fami

liers des constructions géométriquesdonc moins qualifiés. Cette méthode

permet la construction de motifs périodiques qui ne sont pas naturels dansune construction à la règle et au compas, comme par exemple la figure« Pavage sur le mausolée de MamaHatun à Tercan (Turquie) ».

Hors-série n° 35. Les transformations Tangen-te 151

Page 153: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

ACTIONS Entrelacs

Constructioad'un Denta ÎS

Décagone

auto similaire.

Remarquez les

pavés de Girih.

Décagone auto

similaire de

Penrose.

Un grand déca

gone est construit

à partir de petits

pentagones,

navettes

et nœuds

papillons.

Soit à construire un pentagone inscrit dans le cercle F (en noir) de centre Opassant par P^.Construire deux axes orthogonaux de centre O, dont le pre-

mier (l'axe « des abscisses ») passe par Pq. Le secondaxe (l'axe « desordonnées ») coupe F en A et A' (non représenté). Construire I le

. ^ milieu de [OA], Le cercle de centre Apassant par Ocoupe Fen Bet C (la droite (BC) coupe (OA) en I). Le cercle de centre I passantpar Py coupe l'axe « des abscisses » en F. Le cercle de centre Pypassant par F (attention ; il faut changer l'ouverture du compas)détermine sur F deux nouveaux points dupentagone, P, et Vj. Engardant la même ouverture de compas, on détermine les deux derniers points du pentagone, P3 et P4. Et pour construire un déca

gone, il suffit de repartir avec la même ouveiture de compas depuisM, qui est le symétrique de Py par rapport à O. Le décagone finale-

jient obtenu sera appelé PyQPjRPjMP^SPjT.

Cette figure révèle la structure enpavés de Girih.

î Ssî!

Le décagone et le pentagonen'apparaissent pas. Et pourtant lesangles sont tous des multiples de 36° etdonne encore une fois l'impression demotifs pentagonaux.Comme sur la figure « Structure épurée », on peut changer la décoration

des pavés (ici les lignes ont été supprimées et remplacées par un remplissagede leurs boucles), du moment que l'onrespecte la symétrie de base des pavés.Comment sait-on que les artisans onteffectivement utilisé ces techniques ?Tout simplement parce qu'ils l'ontécrit dans des textes de la fin du

Moyen Âge. Il y a des preuves plusvisuelles. Dans certaines fresques, undeuxième ensemble de lignes décora

tives vient s'ajouter à la première. Orla symétrie de ce deuxième ensemble

respecte scrupuleusement la symétriede chaque pavé de Girih. Expliquerleurs symétries est impossible par uneautre analyse.

Rutosimilarité

L'utilisation des pavés a permis unsaut conceptuel plus important : la

152 Tangente Hors-série n°35. Les transformations

Page 154: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER : TRANSFORMER POUR...

La constructionà la règle ot aucompasLes notations sont celles de l'encadré

« Construction d'un pentagone ».

Dans une première étape, on construit undécagone PqQPjRPjMP^SPjT.

Construction d'un décagone.

Puis on trace deux cercles de centre Pq (respectivement M) passant par P, et P2 (respectivement R et S). Chaque cercle coupe la tangente en Pg (respectivement M) à F en deuxpoints (aux limites de la figure ci-dessous).Ces quatre points définissent un rectangle : le

rectangle de base de la construction.

Construction du rectangle de base

On représente les droites (P,R) et (PjS).

Dernières constructions

II reste à faire apparaître certaines droitesreliant des sommets du décagone (voir figureci-dessous).

L'ensemble des points nécessairesà la construction.

Le dessin voulu est obtenu en gommant lestraits de construction. La maille ainsi obtenue

peut être dupliquée et assemblée bord à bord.

Sans les traits de construction

Hors-série n° 35. Les transformations Tangente 153

Page 155: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

ACTIONS Entrelacs

Pavage sur le mausolée de Marna Hatun

à Tercan (Turquie).

Structure en pavés de Girih d'après le

pavage sur le mausolée de Mania Hatun à

Tercan (Turquie).

Structure épurée.

découverte de rautosimilarité. Celle-ci

est intervenue au XV siècle. Les pavésde Girih peuvent être construits avec

des pavés de Girih plus petits (voir lafigure « Décagone auto similaire dePenrose » où un grand décagone estconstruit à partir de petits pentagones,navettes et nœuds papillon). Cela permet des motifs avec deux échelles.

Les règles de division d'un pavé ensous-pavés, combinées à la symétrie

d'ordre 5, permettent de construire despavages quasi-cristallins parfaits(voirl'encadré). Motifs que les mathématiciens n'ont découverts que voici trente

ans...

Le plus célèbre de ces pavages quasi-cristallins est le pavage de Penrose.Celui-ci utilise deux pavés, la flèche etle cerf-volant (voir la figure « Lespavés de Penrose »), et une règle deconstruction : les courbes rouges etbleues doivent être continues.

Les pavés de Penrose : la flèche en haut

et le cerf-volant en bas.

En fait pour créer un pavage quasi-périodique on peut utiliser soit desrègles de subdivision, soit des règles deconnexion, comme pour les pavés dePenrose. Il n'existe aucune preuve que

154 Tangente Hors-série n°35. Les transformations

Page 156: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

DOSSIER : TRANSFORMER POUR.

Motif auasi-oristaiiinv.'.&.àïj.-. "tri

motif quasi-cristallin parfait est un motif pour lequel lerapport des nombres de pavés de chaque type ne tend pasvers un nombre rationnel (division de deux nombresentiers) quand le pavage est étendu à l'infini. De plus cetype de pavage autorise les symétries d'ordre cinq, cequ'inter-disent les règles de la cristallographie classique.

les artisans médiévaux aient utilisé des

règles de connexion. Par contre lesrègles de subdivision ont été employées.Avec nos connaissances modernes on

peut convertir les pavés de Girih en

pavés de Penrose (voir la figure« Conversion des pavés de Girih en

pavage de Penrose ») et ainsi construiredes structures quasi-cristallines. A titred'exemple le décagone auto-similaire aété dessiné sur la figure « Décagone

auto-similaire de Penrose ». Le mathé

maticien Peter James Lu (né en 1978)

et le physicien Paul Joseph Steinhardt(né en 1952) notamment ont trouvé, en

2001, des échantillons qui sont despavages quasi-périodiques presque parfaits. Par contre aucun texte ne vient

préciser quelles étaient les motivationsdes artistes qui les ont réalisés, ni s'ilsavaient conscience d'avoir découvert

ces structures extraordinaires.

Avec toutes les techniques qui viennentde vous être présentées, vous êtes prêtà réaliser de magnifiques entrelacs,néanmoins il vous faudra beaucoup de« patience » et de bon goût pour égalerles artistes d'autrefois.

J.-J.D. et E.T.

Conversion des

pavés de Girih

en pavage de

Penrose.

POUR EN SAVOIR PLUS• Decagonal and Quasi-Crystalline Tilings inMédiéval Islamic Architecture, P.J. Lu et P.J.

Steinhardt, Science 2X5, 1106-1110, 2007.

• Cinq siècles d'avance ! Loïc Mangin, Pour laScience, n°355, mai 2007.

• Dossier Pavages et Découpages, Tangente n° 116,pages 7 et 13-22, mai-juin 2007.

Hors-série n° 35. Les transformations Tangente 155

Page 157: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

JEUX & PROBLEMES par Michel Criton

Solution des jeux de la page 32.

r

Èt ^^Eitfa

ni . ï? Ci *7n

ffSB Tangente Hors-série n°35. Les Transformations

Page 158: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

par Michel Criton JEUX & PROBLEMES

Solutionsdes pages 29,33,46,79.

HS3501 - Le périmètre de chaque élément de la frise secompose de deux segments de 4cm (en haut et en bas) etdeux lignes brisées de 11cm (à gauche et à droite). Pourles éléments intercalés entre d'autres éléments, seuls interviennent les deux segments de 4cm.Le périmètre de la frise est donc égal à :(4 X 2) X40 + 2 X 11 = 320 + 22 = 342cm.

HS3502 - Le périmètre d'une pièce est égal à 20cm.Lorsqu'on ajoute une pièce grise ou une pièce tachetée à lafrise, 7cm sont en contact ; on ajoute donc 20 - 2 x 7 = 6cmau périmètre total. Lorsqu'on ajoute une pièce noire ou unepièce blanche à la frise, 5cm sont en contact ; on ajoutedonc 20 - 2 X5 = 10cm au périmètre. Quand Thomas auraassemblé les quarante pièces, le périmètre obtenu seraégal à 20 + 6 + 10 + 6 + 10 + 6 + 10 + + 10 + 6,somme dans laquelle le nombre 6 est répété 20 fois et lenombre 10 seulement 19 fois. Le périmètre final est doncégal à 20 + 20 X6 + 19 X 10, soit 330cm.

HS3503 - Il faut au minimum 14 mouvements (7 mouvements de translation verticale et 7 mouvements de

translation horizontale).

HS3504 - Les hexaminos 1 et 20, rectangulaires, possèdent deux axes de symétrie et un centre de symétrie. Les hexaminos 4, 7, 11, 14, 22, 24, 26 et 30possèdent un et un seul axe de symétrie. Les hexaminos 8, 23,25, 31 et 35 possèdent un centre de symétrie et aucun axe de symétrie.

HS3505 - Oncomplète tout d'abord toutes lescases symétriques de celles contenant les indices, avec la remarqueque la case centrale ne peut contenir que 5 (seul nombre àêtre son propre complémentaire). La grille se complèteensuite comme un sudoku classique.

HS3506 - Considérons seulement les heures de 0 à 12heures. Si a désigne l'heure réelle indiquée par l'aiguilledes heures et b le nombre réel de minutes indiqué par l'aiguille des minutes, les valeurs lues par Anna dans lemiroir sont :

6 -t- (6 - a) = 12 - aè heures et30 (30 - i>) = 60 - 6 minutes.On doit donc avoir :

12 - a = a -H 1 et 60 - 6 = è.

En résolvant ces deux équations, on arrive à6 = 30minutes, et a = 5^ soit 5h30(résultats qui sont bien compatibles).

HS3507 - Les chiffres dont l'affichage présente uncentre de symétrie sont 0, 1, 2, 5 et 8.Les chiffres qui sont images l'un de l'autre par unesymétrie centrale sont 0 et 0, 1 et 1, 2 et 2, 5 et 5, 6 et9, 8 et 8,9 et 6.Les nombres qui satisfont aux conditions de l'énoncésont les nombres à trois chiffres, ne commençant paspar un zéro, dont le chiffre des dizaines présente uncentre de symétrie, et dont les chiffres des unités et descentaines sont images l'un de l'autre par une symétriecentrale ayant pour centre le centre de symétrie duchiffre des dizaines.

Il est à noter que, si le chiffre des dizaines est différentde 1, le chiffre 1 ne convient pas pour les chiffres desunités et des centaines, car la position de l'affichage du1 dans la matrice est telle que le centre de symétrie duchiffre des dizaines et celui des chiffres des unités et

des centaines ne seraient pas les mêmes. Pour la mêmeraison, si les chiffres des unités et des centaines sontdifférents de 1, alors le chiffre 1 ne convient pascomme chiffre des dizaines.

Les nombres à trois chiffres dont l'affichage présenteun centre de symétrie sont donc les suivants :111, 202, 222, 252, 282, 505, 525, 555, 585, 609, 629,659, 689, 808, 828, 858, 888, 906, 926, 956, 989. Ilssont au nombre de 21.

HS3508 - La figureci-contre montre

deux méthodes

possibles.La première utiliseun découpage entrois parties (le triangle est constitué de deux triangles rectangles, chacund'eux pouvant être partagé en deux triangles isocèles parla médiane relative à l'hypoténuse...).La seconde méthode consiste à découper le cercle inscrit, puis à échanger deux morceaux.

HS3509 -

Hors-série n°35. Les Transformations Tangente "f57

Page 159: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

JEUX & PROBLÈMES

HS3510- 1. Si l'on s'impose un sens de rotation, ilexiste sept rotations laissant globalement invariantl'ensemble des cartons, dont la rotation de 0°. Cettedernière étant exclue, six rotations demeurent valides.Or, pour chacun des sept convives, il existe une rotation dans le sens autorisé qui amène le carton portantle prénom de ce convive en face de lui. En vertu duprincipe des tiroirs, il existe donc une rotation quifait correspondre les cartons d'au moins deuxconvives.

2. Il est possible qu'on ne puisse pas améliorer lasituation. Le dessin ci-dessus donne un exemple oùc'est le cas. On peut vérifier que toute rotation d'anglemultiple de 360°/7 amène un et un seul carton en facede son propriétaire.

HS3511 - Soit la rotation de centre A qui amène B enD, et P' l'image de P par cette rotation. D'une part, on aAP' = AP, et PAP' = 90°. D'oùPP' = 2V2 et APP'= 45°.Par ailleurs, P'D = PB = 6.

Montrons que le triangle P'PD est rectangle en P :P'D^ = 36 et PD^ -H PP'^Donc P'D

tangle en P.PD^ 4- PP

On en déduit rA^='SpP'~+'FPD~= 45° -t 90° = 135

4-t 32 = 36.

^ et le triangle P'PD est rec-

par Michel Criton

HS3512 - Après la première opération de peinture, lessoixante-quatre petits cubes se répartissent en deux catégories : ceux ayant exactement une face peinte en vert (figurede droite), et les autres (figure de gauche).

(m/I

Les cubes ayant exactement une face peinte en vertsont les vingt-quatre cubes situés au centre des facesdu grand cube. Ces cubes portent les numéros 6, 7, 10,11,18,19,21,24,25,28,30,31,34,35,37,40,41,44,46, 47, 54, 55, 58 et 59. Parmi ces cubes, il faut éliminer les cubes numéros 6 et 54 qui ne présenterontqu'une seule face peinte deux fois, d'abord en vert, puisen rouge. L'ensemble des cubes restants est l'ensembleA={7 ; 10 ; 11 ; 18 ; 19 ; 21 ; 24 ; 25 ; 28 ; 30 ; 31 ; 34 ;35 ; 37 ; 40 ; 41 ; 44 ; 46 ; 47 ; 55 ; 58 ; 59}.Les déplacements des cubes se faisant par translation, lesseuls cubes pouvant présenter une face d'abord peinte enrouge, puis en vert, sont les cubes portant les numéros 1 à11 et 49 à 59. Parmi ces cubes, ceux qui auront exactementune face peinte en vert et une face peinte en rouge serontles cubes qui avaient 2 faces peintes en vert et qui setranslatent au même étage dans une des quatre cases centrales. Il s'agit des cubes numéros 2,5,50 et 53.En dehors de ces quatre cubes, les cubes ayant, après ladeuxième opération de peinture, exactement deux faces colorées, l'une en rouge et l'autre en vert (sans superposition depeinture), sont ceux des vingt-deux cubes de l'ensembleAqui, après translation, occupent la place d'un autre de cesvingt-deux cubes, n suffit donc d'ajouter 5 à chacun des éléments de l'ensemble A. Si le nombre obtenu appartient à l'ensemble A, le cube concerné répond à la question, sinon, il neconvient pas. Cinq cubes de l'ensemble A portent un numéron tel le cube numéro n +5 appartienne aussi à l'ensemble A :il s'agitdes cubes numéros 19,25,30,35 et 41.Cela porte donc à 9 le nombre des cubes ayant exactement ime face colorée en vert et ime en rouge : ces cubesportent les numéros 2,5,19,25,30,35,41,50 et 53.

1158 Tangente Hors-série n°35. Les Transformations

Page 160: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

Tangen-feePublié par Les Éditions POLEsns au capital de 40 000 eurosSiège social : 80 bd Saint-lilichel - 75006 ParisCommission paritaire : 1006 K80883Dépôtlégal 167 - Ouril 2009

Directeur de Publication

et de la Rédaction

Gilles CDHEO

Rédacteur en chef de ce numéro

Herué Lehning

Secrétaire de rédaction

Edouard THDilins

Comité de rédaction

Stella BRRUK, Rndré BELLRÏCHE, Philippe BDULRnOER,Elisabeth BUSSER, Francis CRSiRD, illichelCRiTDB,ilicolasDELERUE, Jean-Jacques DUPRS, Denis GUEDJ,

Bertrand HflUCHECDRRE, François LRDRLLDU,Herué LEHRIRG, Rle^andre IRDRTTi,illarie-José PESTEL, DanielTEillRill, DorbertUERDIER,Rlain ZRLiDRDSKi, Chérit ZRRRDiRi

Rutres auteurs d'articlesJacques BRIR, Thierry DE LR RUE, Francis DUPUIS,Ualérie HERRY, Dliuier RELLER, Jacques LUBCZRRSKi,manuel LUQUE, Joël SRRRRDUiTCH

Publicité au journalmarie Durand

pub@)poleditions.com

RbonnementsTél. : 01 47 07 51 15 Fax:01 47 07 8813

maquetteClaude LUCCHiDI

Photos : droits réseruésCe numéro Hors Sériede Tangentea été imprimé par Louis Jean, 05000 GRP.

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Page 161: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

JEUX & PROBLÈMES

HS3513 - Dans un premier temps, ignorons la conditionqui oblige à faire tourner cinq cadrans d'un coup ! Si nousdevions amener tous les cadrans « blancs en bas », il nous

faudrait faire effectuer au minimum à ces cadrans

32 X 2 = 64 tiers de tour. Et si nous faisons tourner l'un

ou plusieurs de ces cadrans de plus de deux tiers de tour,nous sommes obligés de terminer un tour supplémentairecommencé. Le nombre total de rotations est donc obligatoirement égal à 64 + 3/c tiers de tour. Considérons maintenant la condition obligeant à tourner cinq cadrans d'uncoup. Cette condition entraîne que le nombre total derotations, exprimé en tiers de tour, est un multiple de 5.Or, le plus petit nombre de la forme 64 + 3^ qui soit unmultiple de 5, est le nombre 70, qui correspond à quatorze coups. Montrons qu'une telle solution existe.

Le diagramme ci-contre montre qu'il est possible de faireeffectuer exactement deux tiers de tour à trente et un des

trente-deux disques, le disque restant effectuant deuxtiers de tour plus deux tours, c'est-à-dire huit tiers de tour.Le nombre minimum de coups est donc égal à 14.

HS3514- C'est impossible.Supposons qu'une telle partition soit possible.On devrait alors avoir :

Q e A (puisqu'il est invariant pour la seconde rotation) ;R E B (R est l'image de Q par la première rotation) ;S E C (S est l'image de R par la seconde rotation) ;T ^ B (T est l'image de S par la première rotation) ;U ^ C (U est l'image de T par la seconderotation) ;U ^ B (U est l'image de R par la première rotation) ;U ^ A (U a pour image Q par la première rotation, etQ E A).D'où une contradiction, qui prouve l'impossibilité d'unetelle partition du plan.

Solutions

Achevé d'imprimer pour lecompte des Éditions POLEsur les presses de l'imprimerie Louis Jean, 05000 Gap

Imprimé en France - Dépôt légal mars 2009

160 Tangen±e Hors-série n°35. Les Transformations

Page 162: Les transformations : de la g©om©trie   l’art

Les Tradelà

Les origines artistiquesde la géométrio

• Le regard du mathématicie

• Transformer pour crée

Coordination : Hervé Leh

sformationsgéométrie à l'art

Les transformations

géométriques sont des processusqui nous permettent dereprésenter le réel.Elles modifient les objetssensibles, de façon à en faireressortir certaines

caractéristiques. Notre appareilsensoriel utilise en permanencedes transformations, sans quenous en soyons forcémentconscients. Historiquement,ce sont les artistes et les savants,dans leur quête de représentationet de compréhension du monde,qui les premiers les ont isoléeset en ont fait des objets d'étudeàpart entière.De la similitude à l'inversion en

passant par l'homographie, cetouvrage vous propose d'explorerla nature mathématique de cesprocessus auxquels nous sommesen permanence confrontés.

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