2
Etruscologie Présente en Toscane et en Italie centrale du IX e au I er siècle avant notre ère, la civilisation étrusque - dont de nombreux traits ont été adopté à Rome - disparaît ensuite des mémoires pour de nombreux siècles. Quelques pilleurs de tombes rap- portaient, certes, des objets précieux trouvés dans des monuments funéraires, quelques lettrés connaissaient les men- tions de son existence dans les textes anciens, mais c’est le goût de l’Antiqui- té mis en avant par la Renaissance qui marque le début de sa “résurrection”. L’érudit Annius de Viterbe (1432-1502) explique ainsi qu’ils descendaient de Noë et avaient été les premiers civilisa- teurs de l’Italie. A la faveur de travaux de construction, inscriptions et objets sont arrachés au sol et les Médicis de- viennent grands collectionneurs d’anti- quités étrusques, pensant ainsi assurer aux Toscans une antériorité sur les Ro- LES ETRUSQUES Un hymne à la vie Au musée Maillol, du 18 septembre 2013 au 9 février 2014 mains, au moment où la Papauté cher- chait à étendre son pouvoir temporel sur la péninsule italienne. L’étruscomanie se développe avec le Siècle des Lumières, naturellement curieux de cette civilisa- tion longtemps oubliée. C’est l’époque où de nombreux objets s’entassent dans les collections royales ou princières, alors que Marie-Antoinette commande en 1788 à la manufacture de Sèvres un service “à l’Etrusque”. Les pionniers de l’étruscologie sont alors à l’ouvrage, des membres de l’Académie étrusque de Cortone - à laquelle sont affiliés Mon- tesquieu et Voltaire - aux archéologues Jacques Barhélémy et Philippe de Cay- lus ou au linguiste jésuite Luigi Lanzi, auteur en 1789 d’une étude consacrée à la langue de ce peuple lmystérieux. Les fouilles des nécropoles recherchées et découvertes en grand nombre se mul- tiplient au XIX e siècle, au moment où Mérimée écrit une nouvelle intitulée Le vase étrusque. Les tombes de Vulci, Chiusi, Tarquinia ou Cerveteri révèlent un monde disparu qui fascine Stendhal, convaincu que les Etrusques cultivaient “l’art d’être heureux”. Après l’engoue- ment suscité chez les collectionneurs d’antiquités, les Etrusques retiennent l’attention des historiens modernes dont les Français Jacques Heurgon, Jean-René Jeannot, Dominique Briquel, ou Jean- Paul Thuillier… Commerce et agriculture Le musée Maillol organise cette riche exposition en collaboration avec de nombreux musées et notamment la Villa Giulia. Chacune des grandes cités étrusques - Véies, Cerveteri, Tarqui- nia, Orvieto, Populonia, Volterra ou Pérouse - voit son identité particulière bien mise en lumière mais ce sont cer- tains aspects du quotidien qui ont sur- tout retenu l’attention des organisateurs. De nombreuses pièces témoignent du dynamisme commercial dont sut faire preuve une civilisation étrusque qui exportait ses amphores tout au long des côtes du Golfe du Lion, de la Ligurie à l’actuelle Catalogne mais entretenait aussi d’étroits contacts avec les colo- nies grecques d’Italie du sud et de Sicile. Huile, vin et sel comptaient alors parmi les principaux produits exportés, ce dont témoigne l’épave chargée de plus d’un millier d’amphores découverte au large d’Hyères et rappelant un naufrage survenu à l’époque où une importante colonie étrusque était installée à Lattes, au sud de l’actuelle Montpellier. Banquets, amours et jeux Bien connu par les nombreuses repré- sentations qui nous en sont données par les fresques peintes sur les parois des tombes, le banquet occupe eu place im- portante dans le quotidien des Etrusques et les témoignages romains évoquent un luxe effréné et des moeurs licencieuses. Les modalités du banquet évoluent dans le temps: on mange assis aux VIII e -VII e siècles, allongé ensuite. Les plaisirs de la table ouvraient naturellement sur ceux de la chair qui semble avoir tenu une place de choix dans les préoccupations des Etrusques. Un aspect souvent ignoré mais que les organisateurs de l’exposition ont tenu à mettre en avant. Les femmes étrusques semblent avoir bénéficié d’une situation très favorable au regard des normes les plus courantes dans l’Anti- quité méditerranéenne. Les représenta- tions érotiques, figurées sur des vases tels que la peliké attique à figures rouges du début du Vème siècle sont explicites et coexistent avec les images exprimant l’amour conjugal qui mettent en valeur regards et gestes d’affection. Comme en Grèce, les concours sportifs ont un caractère sacré. Ils sont organisés par les familles aristocratiques lors des funé- railles de l’un de leurs membres ou par chacune les diverses cités. et les fresques des tombes nous ont révélé l’existence de compétitions de lutte, de pugilat ou de lancer du disque et de javelot mais aussi de courses de chevaux. Evoquant ainsi des aspects insolites de la civilisation étrusque - on pense à ces surprenants modèles réduits de chars tirés par de curieux quadrupèdes - l’exposition du Musée Maillol nous per- met de découvrir une vie quotidienne inattendue, sensiblement différente de l’image que les études classiques nous ont longtemps donnée de l’ancien monde gréco-romain. Un voyage Clio Les Hauts lieux de la civilisation étrusque De Bologne à Florence et à Rome IT 57 - 8 jours Du 3 au 10 juin 2014, avec Jean-Paul Thuillier Prix disponible prochainement Une conférence Clio Exposition Les Etrusques au Musée Maillol Le 26 séptembre 2013 à 15h, par Jean-Paul Thuillier Le 24 octobre 2013 à 15h, par Jean-Paul Thuillier L’exposition sur le site du musée Maillol

LeS TRUSQUeS - Voyages culturels et historiques de Clio · Présente en Toscane et en Italie centrale du IXe au Ier siècle avant notre ère, la ... sont arrachés au sol et les Médicis

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: LeS TRUSQUeS - Voyages culturels et historiques de Clio · Présente en Toscane et en Italie centrale du IXe au Ier siècle avant notre ère, la ... sont arrachés au sol et les Médicis

EtruscologiePrésente en Toscane et en Italie centrale du IXe au Ier siècle avant notre ère, la civilisation étrusque - dont de nombreux traits ont été adopté à Rome - disparaît ensuite des mémoires pour de nombreux siècles. Quelques pilleurs de tombes rap-portaient, certes, des objets précieux trouvés dans des monuments funéraires, quelques lettrés connaissaient les men-tions de son existence dans les textes anciens, mais c’est le goût de l’Antiqui-té mis en avant par la Renaissance qui marque le début de sa “résurrection”. L’érudit Annius de Viterbe (1432-1502) explique ainsi qu’ils descendaient de Noë et avaient été les premiers civilisa-teurs de l’Italie. A la faveur de travaux de construction, inscriptions et objets sont arrachés au sol et les Médicis de-viennent grands collectionneurs d’anti-quités étrusques, pensant ainsi assurer aux Toscans une antériorité sur les Ro-

LeS eTRUSQUeSUn hymne à la vie

Au musée Maillol, du 18 septembre 2013 au 9 février 2014

mains, au moment où la Papauté cher-chait à étendre son pouvoir temporel sur la péninsule italienne. L’étruscomanie se développe avec le Siècle des Lumières, naturellement curieux de cette civilisa-tion longtemps oubliée. C’est l’époque où de nombreux objets s’entassent dans les collections royales ou princières, alors que Marie-Antoinette commande en 1788 à la manufacture de Sèvres un service “à l’Etrusque”. Les pionniers de l’étruscologie sont alors à l’ouvrage, des membres de l’Académie étrusque de Cortone - à laquelle sont affi liés Mon-tesquieu et Voltaire - aux archéologues Jacques Barhélémy et Philippe de Cay-lus ou au linguiste jésuite Luigi Lanzi, auteur en 1789 d’une étude consacrée à la langue de ce peuple lmystérieux. Les fouilles des nécropoles recherchées et découvertes en grand nombre se mul-tiplient au XIXe siècle, au moment où Mérimée écrit une nouvelle intitulée Le vase étrusque. Les tombes de Vulci, Chiusi, Tarquinia ou Cerveteri révèlent un monde disparu qui fascine Stendhal, convaincu que les Etrusques cultivaient “l’art d’être heureux”. Après l’engoue-ment suscité chez les collectionneurs d’antiquités, les Etrusques retiennent l’attention des historiens modernes dont les Français Jacques Heurgon, Jean-René Jeannot, Dominique Briquel, ou Jean-Paul Thuillier…

Commerce et agricultureLe musée Maillol organise cette riche exposition en collaboration avec de nombreux musées et notamment la Villa Giulia. Chacune des grandes cités étrusques - Véies, Cerveteri, Tarqui-nia, Orvieto, Populonia, Volterra ou Pérouse - voit son identité particulière bien mise en lumière mais ce sont cer-

tains aspects du quotidien qui ont sur-tout retenu l’attention des organisateurs. De nombreuses pièces témoignent du dynamisme commercial dont sut faire preuve une civilisation étrusque qui exportait ses amphores tout au long des côtes du Golfe du Lion, de la Ligurie à l’actuelle Catalogne mais entretenait aussi d’étroits contacts avec les colo-nies grecques d’Italie du sud et de Sicile. Huile, vin et sel comptaient alors parmi les principaux produits exportés, ce dont témoigne l’épave chargée de plus d’un millier d’amphores découverte au large d’Hyères et rappelant un naufrage survenu à l’époque où une importante colonie étrusque était installée à Lattes, au sud de l’actuelle Montpellier.

Banquets, amours et jeuxBien connu par les nombreuses repré-sentations qui nous en sont données par les fresques peintes sur les parois des tombes, le banquet occupe eu place im-portante dans le quotidien des Etrusques et les témoignages romains évoquent un luxe effréné et des moeurs licencieuses. Les modalités du banquet évoluent dans le temps: on mange assis aux VIIIe-VIIe siècles, allongé ensuite. Les plaisirs de la table ouvraient naturellement sur ceux de la chair qui semble avoir tenu une place de choix dans les préoccupations des Etrusques. Un aspect souvent ignoré mais que les organisateurs de l’exposition ont tenu à mettre en avant. Les femmes étrusques semblent avoir bénéfi cié d’une situation très favorable au regard des normes les plus courantes dans l’Anti-quité méditerranéenne. Les représenta-tions érotiques, fi gurées sur des vases tels que la peliké attique à fi gures rouges du début du Vème siècle sont explicites et coexistent avec les images exprimant l’amour conjugal qui mettent en valeur regards et gestes d’affection. Comme en Grèce, les concours sportifs ont un caractère sacré. Ils sont organisés par les familles aristocratiques lors des funé-railles de l’un de leurs membres ou par chacune les diverses cités. et les fresques des tombes nous ont révélé l’existence de compétitions de lutte, de pugilat ou de lancer du disque et de javelot mais aussi de courses de chevaux. Evoquant ainsi des aspects insolites de la civilisation étrusque - on pense à ces surprenants modèles réduits de chars tirés par de curieux quadrupèdes - l’exposition du Musée Maillol nous per-met de découvrir une vie quotidienne inattendue, sensiblement différente de l’image que les études classiques nous ont longtemps donnée de l’ancien monde gréco-romain.

Un voyage ClioLes Hauts lieux de la civilisation étrusqueDe Bologne à Florence et à RomeIT 57 - 8 joursDu 3 au 10 juin 2014, avec Jean-Paul ThuillierPrix disponible prochainement

Une conférence ClioExposition Les Etrusques au Musée MaillolLe 26 séptembre 2013 à 15h, par Jean-Paul ThuillierLe 24 octobre 2013 à 15h, par Jean-Paul Thuillier

L’exposition sur le site du musée Maillol

Page 2: LeS TRUSQUeS - Voyages culturels et historiques de Clio · Présente en Toscane et en Italie centrale du IXe au Ier siècle avant notre ère, la ... sont arrachés au sol et les Médicis

C’est une séquence méconnue dans l’évo-lution de l’art flamand que nous propose cet automne le Musée des Beaux Arts de Bruxelles. Il s’agit en effet d’évoquer les successeurs de Rogier Van der Weyden - souvent identifiés comme les “petits maîtres de l’école de Bruxelles” - durant la période qui va des dernières années du peintre de la Descente de Croix du Prado à l’émergence d’un esprit nouveau, annon-ciateur de la Renaissance, chez un artiste tel que Bernard van Orley. La fin du XVe siècle et le début du XVIe apparaissent en effet comme un moment des plus fastes dans l’histoire de Bruxelles, deve-nue dans une certaine mesure la capitale des ducs de Bourgogne, maîtres des Pays Bas. Outre la résidence ducale du palais de Caudenberg, les hôtels des dignitaires de la cour et des grandes familles nobles telles que celles des Nassau ou des Dra-venstein fournissent alors le cadre d’une intense activité artistique bénéficiant d’un généreux mécénat. L’exposition correspond à un projet de recherche mis en œuvre pendant quatre années par Griet Steyaert, une historienne de l’art de cette période qui a consacré une thèse au Maître de la Légende de Sainte Catherine et vient d’achever la restaura-tion du Triptyque des Sept Sacrements de Rogier Van der Weyden.On a longtemps recherché la part qui revenait à l’héritage de Van der Weyden, le maître incontesté de «l’école bruxel-loise» dans les œuvres de ses succes-seurs, sans chercher à valoriser ce qui pouvait faire la spécificité des uns et des autres. L’exposition du Musée des Beaux Arts permet de bien distinguer plusieurs “ateliers” nés de la production et de l’enseignement de maîtres particu-liers dont plusieurs ont été spécialement étudiés. Le rassemblement et la mise en confrontation leurs œuvres ont été ren-dus possibles grâce aux prêts consentis par de nombreux musées et collections privés d’Europe et des Etats-Unis, avec une mention particulière pour le Musée de Melbourne, qui a envoyé pour la cir-constance le triptyque des Miracles du Christ, une œuvre majeure du XVe siècle bruxellois. Rogier Van der Weyden, dit aussi Rogier de La Pasture, est né à Tournai en 1399 ou 1400. Il s’établit à Bruxelles au début des années 1430, et devint “peintre de la ville” à partir de 1436. Il a peut-être travaillé à Bruges et à Louvain mais c’est à Bruxelles que se concentre ensuite son activité, jusqu’à sa mort survenue en 1464. Il constitue un atelier réputé où il aura comme assistants son fils Pierre, Hans Memling et Vrancke van der Stockt. Sa renommée est bien établie au milieu

L’héritage de

RogieR van deR Weyden Au Musée des Beaux Arts de Bruxelles, du 11 octobre 2013 au 25 janvier 2014

du siècle, bien au delà des frontières des Pays Bas, notamment en Italie où il se rend en 1450. On ne connaît pas de peintures signées de lui mais sa pro-duction n’en est pas moins clairement identifiée, avec un certain nombre de chefs-d’œuvre qui constituent autant d’étapes majeures dans l’évolution de son art. Il en va ainsi du Retable de la Vierge de Berlin provenant de la chartreuse de Miraflores (près de Burgos), de la Des-cente de Croix du Prado, panneau central d’un triptyque réalisé pour la guilde des arbalétriers de Louvain, de la Crucifixion de l’Escorial, du triptyque du Calvaire de Vienne, de la Vierge à l’Enfant de Caen, du Saint Luc dessinant la Vierge de Boston, de l’admirable Jugement dernier de Beaune et des quatorze portraits connus (hors les donateurs des retables) parmi lesquels on retiendra surtout celui d’Antoine, le Grand Bâtard de Bourgogne. Avec le merveilleux rendu du pathétique de la Passion qui émane de sa Déposition de Croix et la tendresse de ses Vierges, Rogier exprime la sensibilité religieuse de son temps, ce qui explique aussi pour-quoi - selon Max Friedeländer, le grand historien de l’art flamand - “beaucoup dérivent de lui , non seulement aux Pays Bas mais aussi en France, en Espagne et en Allemagne...” Parmi ses héritiers à Bruxelles, il faut compter Vrancke van der Stockt, qui lui succède comme “peintre de la ville” et dont la Descente de Croix de l’Alt Pi-nakothek de Munich s’inspire clairement de celle du Prado. Né en 1437, Pierre van der Weyden, connu comme le Maître de la Légende de Sainte Catherine, en fait autant dans son triptyque de Louvain et réalise la Multiplication des pains de la par-tie centrale du triptyque de Melbourne, alors que celui de la Légende de Sainte Barbe figure, à droite la Résurrection de Lazare. Le Maître à la vue de Sainte Gudule – qui s’est vu attribuer ce nom du fait de la représentation de la col-légiale bruxelloise dans son Instruction pastorale figurant un prêche de Saint Gery conservée au Louvre - apparaît à certains égards comme un précurseur de “l’expressionnisme” souvent prêté à la peinture du Nord. Il exploite incontes-tablement, notamment dans son Adora-tion des mages de Baltimore, le sens du pathétique caractéristique de Rogier. Le Maître du Feuillage de Broderie continue vers 1500, dans son Triptyque de la Vierge à l’Enfant de Polizi Generosa (Sicile) et dans sa Vierge du Musée Groeninge de Bruges, la tradition des Vierges sereines et aimantes établie par Rogier et il en va de même du Maître du Brocart d’Or dont on retient surtout les Annonciations

de Chicago et d’Amsterdam. Les huit panneaux de l’abbaye d’Afflinghem, les Scènes de la Vie de Joseph de Berlin et le Triptyque de Zierikzee, avec ses por-traits de Philippe le Beau et de Jeanne la Folle sont les œuvres majeures du Maître de la Vie de Joseph. Le Maître des Portraits princiers, à qui l’on doit les Noces de Cana du volet gauche du Triptyque de Melbourne, est le peintre attitré de la cour de Bourgogne dans les années 1490, alors que c’est au Maître de la Légende de Sainte Marie Madeleine que l’on doit le portrait de Marguerite d’Autriche conservé au Louvre.Le passionnant parcours proposé par l’exposition présentée à Bruxelles rend ainsi parfaitement compte de la période de transition correspondant à la fin du XVe siècle et au premier tiers du XVIe.

Un voyage Clio

Noël à Bruxelles et à MalinesA l’occasion de l’exposition L’héritage de van der Weyden à BruxellesBL 12 - 2 joursDu 24 au 25 décembre 2014 avec Marie CamelbeeckPresto jusqu’au 22/10/13 : 695 € puis 715 €