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Les voyages dans le temps Introduction Voyages dans le temps Voyages et paradoxes Qu’est-ce que voyager dans le temps ? ; Des voyages non problématiques ; Effets et paradoxes ; Le paradoxe du grand-père ; Le paradoxe de l’origine ; Le paradoxe des voyageurs du temps ; Le paradoxe des prédictions ; Il y a paradoxe et paradoxe Abus de langages Exemples ; Un usage erroné du « mot » temps ; Comment faire ? Solutions aux paradoxes Remonter le temps comme on remonte une horloge ; Les branchements d’univers ; Le grand livre du destin ; Le retour à l’état « naturel » Le temps en physique Description de l’espace et du temps Définition et représentation du temps ; Définition expérimentale ; Définition théorique ; Processus de comparaison entre séquences ; Description ; Réversibilité ; Causalité La flèche du temps La chaleur ; La thermodynamique ; Explication statistique ; Justification ; Grandeurs microscopiques et macroscopiques ; Du macroscopique à l’univers ; Du macroscopique au microscopique ; Le passé et le futur ; Renverser le temps La relativité restreinte Repères ; La relativité restreinte ; Relation entre masse et énergie ; La dilatation du temps ; Le cône relativiste La relativité générale De la relativité restreinte à la relativité générale ; La courbure de l’espace-temps ; Les ondes gravitationnelles ; La dilatation du temps gravitationnelle Un temps bien relatif Le paradoxe des jumeaux Présentation ; Analyse correcte ; Saut dans le temps ; Repères privilégiés ; Voyages dans le temps Effets de la gravitation Version gravitationnelle du paradoxe des jumeaux ; Effet de la géométrie de l’espace-temps Trous noirs Qu’est-ce qu’un trou noir ? ; Formation des trous noirs ; Géométrie d’un trou noir ; Passer l’horizon ; Voyager vers un trou noir ; Utilisation pour le voyage dans le temps Trous de vers Trou blanc et trou de ver ; Voyager dans le temps avec un trou de ver ; Paradoxes ; Créer des trous de ver Effets quantiques Mécanique quantique Les photons ; Structure des atomes ; Le modèle de Bohr ; Défauts du modèle ; La mécanique quantique ; Mécanique quantique ondulatoire ; Principe d’indétermination ; Description par les états ; Evolution et mesure ; Les atomes ; Le temps en mécanique quantique Les mondes multiples Problèmes avec le principe de réduction ; Absence de réduction ; Mondes multiples ; Un processus irréversible ; Voyages dans le temps Gravité quantique Théorie des cordes ; Gravité à boucles ; Un espace-temps moussu ; Trous de vers et mondes parallèles Conclusions Introduction Les voyages dans le temps ont toujours fascinés. On les retrouve dans un nombre considérables d’œuvres littéraires comme les films et les romans. C’est œuvres sont toujours perçues comme des œuvres de science-fiction même si leur ton peut être orienté vers l’aventure, la comédie, le drame, le thriller,… Mais est-ce vraiment de la science-fiction ? Que nous dit la science sur les voyages dans le temps ? Sont-ils possibles ? Ou sont-ils vraiment impossibles ? Quels sont les paradoxes soulevés par les voyages dans le temps ? Quelles sont les solutions ? Que nous dit en particulier la physique, science reine décrivant l’espace et le temps ?

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Les voyages dans le temps Introduction Voyages dans le temps

Voyages et paradoxes Qu’est-ce que voyager dans le temps ? ; Des voyages non problématiques ; Effets et paradoxes ; Le paradoxe du grand-père ; Le paradoxe de l’origine ; Le paradoxe des voyageurs du temps ; Le paradoxe des prédictions ; Il y a paradoxe et paradoxe

Abus de langages Exemples ; Un usage erroné du « mot » temps ; Comment faire ?

Solutions aux paradoxes Remonter le temps comme on remonte une horloge ; Les branchements d’univers ; Le grand livre du destin ; Le retour à l’état « naturel »

Le temps en physique Description de l’espace et du temps Définition et représentation du temps ; Définition expérimentale ; Définition théorique ; Processus de comparaison entre séquences ; Description ; Réversibilité ; Causalité

La flèche du temps La chaleur ; La thermodynamique ; Explication statistique ; Justification ; Grandeurs microscopiques et macroscopiques ; Du macroscopique à l’univers ; Du macroscopique au microscopique ; Le passé et le futur ; Renverser le temps

La relativité restreinte Repères ; La relativité restreinte ; Relation entre masse et énergie ; La dilatation du temps ; Le cône relativiste

La relativité générale De la relativité restreinte à la relativité générale ; La courbure de l’espace-temps ; Les ondes gravitationnelles ; La dilatation du temps gravitationnelle

Un temps bien relatif Le paradoxe des jumeaux Présentation ; Analyse correcte ; Saut dans le temps ; Repères privilégiés ; Voyages dans le temps

Effets de la gravitation Version gravitationnelle du paradoxe des jumeaux ; Effet de la géométrie de l’espace-temps

Trous noirs Qu’est-ce qu’un trou noir ? ; Formation des trous noirs ; Géométrie d’un trou noir ; Passer l’horizon ; Voyager vers un trou noir ; Utilisation pour le voyage dans le temps

Trous de vers Trou blanc et trou de ver ; Voyager dans le temps avec un trou de ver ; Paradoxes ; Créer des trous de ver

Effets quantiques Mécanique quantique Les photons ; Structure des atomes ; Le modèle de Bohr ; Défauts du modèle ; La mécanique quantique ; Mécanique quantique ondulatoire ; Principe d’indétermination ; Description par les états ; Evolution et mesure ; Les atomes ; Le temps en mécanique quantique

Les mondes multiples Problèmes avec le principe de réduction ; Absence de réduction ; Mondes multiples ; Un processus irréversible ; Voyages dans le temps

Gravité quantique Théorie des cordes ; Gravité à boucles ; Un espace-temps moussu ; Trous de vers et mondes parallèles

Conclusions

Introduction Les voyages dans le temps ont toujours fascinés. On les retrouve dans un nombre considérables d’œuvres littéraires comme les films et les romans. C’est œuvres sont toujours perçues comme des œuvres de science-fiction même si leur ton peut être orienté vers l’aventure, la comédie, le drame, le thriller,… Mais est-ce vraiment de la science-fiction ? Que nous dit la science sur les voyages dans le temps ? Sont-ils possibles ? Ou sont-ils vraiment impossibles ? Quels sont les paradoxes soulevés par les voyages dans le temps ? Quelles sont les solutions ? Que nous dit en particulier la physique, science reine décrivant l’espace et le temps ?

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Beaucoup de questions que nous allons aborder. Nous garderons pour cela un niveau de vulgarisation abordable et compréhensible par tous. Les voyages dans le temps font partie des idées exotiques, parfois fantasques. Mais ici, nous aborderons ça sérieusement, pas comme un roman mais sans ironie et l’esprit ouvert. Bon voyage (dans le temps) !

Voyages dans le temps Commençons par d’abord décrire ce que signifie voyager dans le temps. Quelles sont les conséquences ? Les problèmes ? Et quelles sont les solutions éventuelles ?

Voyages et paradoxes

Qu’est-ce que voyager dans le temps ? Le voyage dans le temps est le déplacement d’un objet, l’échange d’informations ou l’interaction entre deux objets entre des points situés à des époques différentes. Eventuellement le lieu peut aussi être différent. Par exemple, la Terre tourne autour du Soleil et si l’on voyage dans le temps entre deux époques on a intérêt à se retrouver au même endroit sur Terre et non au même endroit par rapport à l’espace décrit par le système héliocentrique (système de référence attaché au Soleil). Sinon la destination du voyage sera en plein dans le vide spatial, ce qui serait assez fâcheux.

Des voyages non problématiques Voyager dans le temps n’est pas toujours problématique. Ainsi, le voyage dans le futur est quelque chose d’assez banal.

Voyager dans le futur c’est ce que nous faisons tous à chaque instant. Il suffit de regarder le temps indiqué par une horloge qui avance avec régularité pour s’en rendre compte.

On peut aussi voyager plus loin dans le futur à l’aide de divers mécanismes : o La cryogénisation consiste à congeler un objet pour qu’il résiste au passage du

temps. Si cette méthode n’est pas applicable actuellement à l’homme (la congélation forme des cristaux de glace qui détruisent nos cellules), la science-fiction n’a pas attendu pour l’utiliser comme les voyageurs du film Alien.

o La relativité, comme nous le verrons, autorise un ralentissement du temps permettant à un voyageur de foncer vers le futur. Ce ralentissement est la conséquence de la vitesse de déplacement. Ce phénomène est expérimenté tous les jours par les physiciens travaillant avec les grands accélérateurs de particules élémentaires (particules subatomiques). Mais c’est aussi expérimenté, sans s’en rendre compte, par les voyageurs en avion qui vieillissent de quelques nanosecondes de moins que leurs connaissances restées au sol (une nanoseconde vaut un milliardième de seconde). Par contre, ces minuscules écarts ont une influence sur les satellites GPS, qui sont d’une précision extrême, et qui doit être corrigée pour que le GPS de votre voiture ne vous envoie pas dans le canal.

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On peut aussi explorer le passé en obtenant des informations sur lui. Là aussi ce genre de choses est assez banal.

Nous avons tous des souvenirs de notre passé. Ces souvenirs se matérialisent dans notre mémoire, sur des cartes postales, des agendas, etc.

C’est aussi ce que font ceux qui étudient l’histoire, l’archéologie ou la paléontologie en étudiant les informations laissées par le lointain passé.

La lumière a une vitesse finie. Elle se propage (dans le vide) à 300000 kilomètres par seconde. Elle va moins vite dans certains milieux transparents comme l’eau (200000 km/s) mais sa vitesse reste énorme. Malgré cette grande vitesse, celle-ci est finie. Par conséquent il faut un certain temps pour que la lumière aille d’une source lumineuse à l’instrument qui l’observe (par exemple un œil humain). Nous voyons ainsi les étoiles telles qu’elles étaient il y a des années, des milliers ou même des millions ou des milliards d’années. Même la lumière du Soleil met environ huit minutes et demie pour arriver jusqu’à la Terre. Ainsi, la simple observation des étoiles nous montre le lointain passé. Mais même regarder dans un miroir est une observation du passé. La lumière que nous émettons et qui se reflète sur le miroir met une dizaine de nanosecondes pour faire l’aller-retour jusqu’au miroir puis nos yeux. Nous nous voyons non pas comme nous sommes à l’instant où nous regardons mais tel que nous étions quelques milliardièmes de seconde plus tôt. Evidemment, cela ne fait guère de différence car en un temps aussi court, peu de choses ont le temps de changer et qui plus est, notre cerveau met quelques millièmes de seconde pour traiter l’information qu’il perçoit.

On peut imaginer des méthodes plus sophistiquées qui nous permettraient d’explorer le passé mais sans pouvoir interagir avec lui. Là aussi la science-fiction n’a pas attendu. On peut par exemple imaginer collecter l’information sur le passé par un procédé quelconque puis le visualiser à l’aide de techniques de réalité virtuelle (lunettes nous immergeant dans un monde fictif ou, ici, recréé par ordinateur).

Notons que dans tous les cas quelque chose voyage du passé vers le futur. Cela peut être un objet dans les premiers exemples ou de l’information dans les exemples suivants. Le problème des voyages dans le temps se pose donc quand on fait l’inverse : quand quelque chose voyage du futur vers le passé en ayant la possibilité d’influencer celui-ci. Cela peut être un voyage vers le passé avec une machine ou un procédé quelconque ou bien cela peut être obtenir des informations sur le futur par un moyen quelconque (précognition, voyance, phénomènes scientifiques). Ce sont surtout ces situations que la science-fiction a exploré sous de nombreuses facettes.

Effets et paradoxes On a donc un voyageur qui part de son époque et remonte à une époque passée ou un individu qui dispose d’informations sur le futur. Quelles peuvent être les conséquences bizarres ou inhabituelles du voyage dans le temps ? Ce qu’on appelle habituellement des paradoxes.

Le paradoxe du grand-père

Le paradoxe le plus classique est sans doute celui dit du grand-père. Un individu, disons Albert, remonte le temps et arrivé dans le passé il rencontre son grand-père avant qu’il n’ait eut un seul enfant. Il le tue, l’empêchant ainsi d’avoir un fils et donc un petit-fils, en

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l’occurrence Albert. Dans ce cas, si Albert n’est même pas né, comment peut-il avoir remonté le temps et avoir tué son grand-père ? On a la une situation paradoxale où l’événement empêche sa propre réalisation. On rencontre souvent ce genre de paradoxe dans les fils traitant du voyage dans le temps. Par exemple, dans Retour vers le Futur, Michael J. Fox (Marty) remonte le temps et rencontre son père avant son histoire d’amour avec sa mère. Suite à l’intervention malencontreuse de Marty, son père n’effectue pas la rencontre décisive avec sa mère, remettant en cause sa propre existence. Il doit alors tout faire pour rétablir la suite des événements avant de cesser d’exister. Il y parvient mais sans altérer quelque peu le temps, de manière favorable, ce dont Marty se rend compte seulement une fois revenu a son époque d’origine. Le film joue sur les situations comiques résultant de ce paradoxe et des diverses conséquences des actes des personnages. Cette analyse peut être généralisée. Toute action dans le passé modifie celui-ci d’une manière ou d’une autre, même un tout petit peu, et modifie donc le futur. De plus, il n’est pas rare qu’un acte minime entraîne une suite croissante d’événements de plus en plus importants, ce que l’on nomme parfois l’effet papillon (les battements d’ailes d’un papillon au Brésil peuvent provoquer ou empêcher la survenue d’une tempête en Europe, comme nous l’enseigne l’étude des phénomènes météorologiques extrêmement sensibles à la moindre perturbation rendant difficile voire impossible toute prédiction précise au-delà d’une dizaine de jours). Ainsi, dans un film, des personnages parti chasser à l’époque des dinosaures comptent sur une violente éruption volcanique pour effacer leurs actes mais une suite malencontreuse d’événements conduit un des voyageurs à s’écarter du chemin calculé et balisé et il écrase un insecte. La suite des événements qui en découle provoque la disparition de l’humanité.

Le paradoxe de l’origine

Plusieurs descriptions de ce paradoxe sont possibles. Par exemple, Albert emploie une machine permettant d’observer le futur. Il y observe l’usage d’une machine absolument géniale. Il décide alors de copier cette machine et il devient ainsi l’inventeur de cette machine présente dans le futur. En réalité, on peut se poser la question : qui a réellement inventé cette machine ? Sa structure, ses composants, son fonctionnement, éventuellement très complexes, n’ont été imaginé par personne puisque Albert n’a fait que copier une machine existante qui ne doit justement son existence que grâce à cette copie. Comment quelque chose d’aussi complexe peut-il naître de… rien ! On retrouve ce genre de paradoxe dans la série de films Terminator où c’est la survenue d’une machine du futur qui, étant détruite, est récupérée par des scientifiques qui mettent alors au point la technologie à la base de ces machines (le réseau SkyNet). C’est parfaitement généralisable. Dans toute boucle temporelle (du passé vers le futur puis retour au passé et ainsi de suite) il peut exister des objets, des informations,… qui tournent en boucle en n’ayant aucune autre origine que celle d’exister dans cette boucle.

Le paradoxe des voyageurs du temps

Un autre paradoxe classique est plus souvent invoqué à propos des extra-terrestres. Le paradoxe de Fermi montre que si la vie intelligente apparait facilement et si les voyages dans l’espace lointain peuvent être fréquemment utilisés par ces civilisations, alors quelques calculs simples montrent que l’on devrait être littéralement noyé de « touristes » extraterrestres. Il existe bien des manières de contourner ce problème, mais là n’est pas notre propos.

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Ce paradoxe est transposable aux voyages dans le temps. Si les voyages dans le temps sont possibles et si des humains dans l’avenir fabriquent des machines à voyager dans le temps, alors ils devraient venir à notre époque. Où sont-ils ? Les solutions envisagées par la science-fiction sont souvent du genre « Brigade du Temps » régulant l’usage des voyages dans le temps pour éviter de « perturber le continuum espace-temps ». On retrouve ça dans Time Cop avec Jean Claude Van Dame ou dans les histoires de la Patrouille du Temps des aventures de Bob Morane de Henri Verne.

Le paradoxe des prédictions

Supposons que je dispose d’une machine permettant de voir le futur. En visionnant les images, je constate que le lendemain, en sortant de chez moi, je me fais renverser par une voiture. Je décide donc de ne pas sortir de chez moi le lendemain, évitant ainsi la catastrophe. Mais dans ce cas, on peut remettre en doute le bon fonctionnement de la machine ! En effet, celle-ci m’a montré un événement qui ne s’est pas produit ! Un tel scénario est invoqué dans Minority Report où des « précogs » permettent de prédire les crimes qui sont alors empêchés par la brigade de Pré-crime. Un homme politique pose alors la question de savoir comment on sait que ces événements allaient vraiment se produire. Si l’on disposait d’une machine infaillible, comment pourrait-on empêcher l’altération des prédictions ? C’est d’ailleurs une forme du paradoxe du grand-père. Une possibilité est alors qu’une telle machine ne prédise que des événements qui se produiront uniquement du fait de savoir qu’ils vont se réaliser. Ce sont les prédictions auto-réalisatrices. Un film invoque ainsi la possibilité d’une machine permettant de voir le futur et qui montre l’arrivée d’une troisième guerre mondiale résultant d’une escalade induite par le fait que les Etats-Unis disposent seuls d’une telle machine lui offrant un avantage décisif qu’aucune autre nation ne peut accepter.

Il y a paradoxe et paradoxe Tous les paradoxes ne sont pas de même nature et ne sont pas nécessairement aussi graves. Il y a tout d’abord les paradoxes qui mettent simplement en avant un côté étrange, contre-intuitif, inattendu. Ce n’est évidemment pas des paradoxes au sens fort et la science est riche de phénomènes étranges, surprenants, intrigants. Ils sont simplement le signe de phénomènes que nous ne connaissons pas ou mal. Ils sont généralement décrit par des branches de la science qui ne s’appliquent pas dans la vie de tous les jours ou seulement de façon fort différente. La plupart des paradoxes présentés sont de ce genre. Comme le paradoxe de l’origine. De même genre sont les paradoxes qui montrent un comportement différent de celui auquel on s’attendait. Le côté paradoxal vient seulement d’un usage inapproprié des raisonnements ou des théories scientifiques menant à des conclusions erronées. La science non plus n’est pas avare de situations de ce type et les paradoxes les plus célèbres sont de ce type, comme le paradoxe des jumeaux que nous aurons l’occasion d’examiner. Lorsque l’on regarde de plus près, lorsque l’on emploie les bons raisonnements ou les bons outils scientifiques, le paradoxe disparait. Un paradoxe beaucoup plus grave est celui du grand-père. C’est sans doute pour cela qu’il est le plus fréquemment cité ou utilisé dans la littérature. Il est grave car il conduit à des contradictions. Tout raisonnement logique conduit à une solution qui doit être unique : si l’on part d’une situation précise

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on doit arriver à une conclusion précise. L’existence de deux solutions qui s’excluent mutuellement (par exemple Albert qui est à la fois mort et vivant) est le signe d’un défaut conceptuel théorique. Soit le phénomène est avéré et il faut alors trouver où est la faille dans la théorie ou bien le phénomène en question ne peut exister. C’est souvent l’argument avancé contre les voyages dans le temps. C’est également souvent sur ce point que des films mettent en avant des solutions. Dans le film Déjà Vu, avec Denzel Washignton, un des scientifiques explique ainsi la possibilité d’univers parallèles. Dans le film Source Code avec Jake Gyllenhaal, ils envisagent aussi la possibilité de mondes parallèles avec un lien quantique entre ces mondes.

Abus de langages Nous avons parlé de raisonnements incorrects. A ce sujet, une mise au point est nécessaire. Lorsque l’on parle du temps, on commet vite des abus de langage qui s’avèrent totalement incorrects. Voyons cela de plus près.

Exemples Donnons deux exemples :

Albert est remonté dans le passé. Il est parti de l’an 2020 et est remonté en l’an 1980. Arrivé à cette époque il cassa une vitre. Au même moment, la vitre initialement intacte en 2020 se retrouva brisée.

Albert est remonté dans le passé. Il effectue une modification du passé. A ce moment la ligne du temps se modifie.

Un usage erroné du « mot » temps Les parties problématiques sont en gras. De quel « moment » parle-t-on lorsque l’on dit « au même moment » ? Les deux événements cités se passent à des époques différentes. Cela n’a aucun sens de dire qu’ils se produisent au même moment ! De même, lorsque l’on parle de la « modification » de la ligne du temps, on parle là d’un changement qui se produit en un certain temps. Mais de quel temps parle-t-on ? En réalité, dans ce genre de raisonnement on utilise le temps de celui qui regarde le film ou de celui qui raisonne sur le phénomène. C’est au moment où l’acteur Albert brise la vitre que l’on montre au spectateur la vitre brisée en 2020. Cela se passe au même moment pour le spectateur, mais pas pour le personnage. Confondre le temps du spectateur et du personne est une grosse erreur de raisonnement, acceptable dans un fil mais pas dans un raisonnement scientifique. Bien entendu, si l’on observe un phénomène en laboratoire ou si vous regardez l’évolution d’une fourmilière, il n’y a aucun problème pour employer des termes comme « à ce moment la fourmi attrape la brindille ». Il n’y a aucun problème car le temps qui s’écoule pour les fourmis est le même que le temps qui s’écoule pour vous. Mais ici la situation est différente. On n’observe pas un phénomène au même rythme que notre propre temps. On observe l’ensemble du temps, passé et futur confondu, comme un calendrier affiché sur un mur. On s’extrait totalement de l’histoire analysée. Et il n’y a donc aucun sens à confondre le temps d’Albert avec le nôtre.

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Comment faire ? Il faut donc se débarrasser absolument de tels abus de langage aboutissant à des raisonnements erronés. Même si ce genre de chose permet de jolis scénarios de films comme dans Retour vers le Futur. Pour cela une approche rigoureuse est nécessaire et totalement incontournable. Il faut clairement définir le temps et associer un instant bien identifiable à chaque événement. Il faut suivre une approche logique formelle. C’est d’ailleurs ce qu’offre la science avec ses outils mathématiques. Ne vous effrayez pas pour autant, nous ne nous plongerons pas dans des équations compliquées. Nous nous contenterons de présenter les résultats. Ce qui compte est de garder un esprit scientifique mais en gardant l’esprit ouvert.

Solutions aux paradoxes La science offre des descriptions du temps et des solutions parfois si exotiques qu’un profane aurait bien du mal à les imaginer a priori sans avoir eu connaissance de leur existence. Mais avant d’aborder ce que nous propose la physique, voyons déjà quelles pourraient être les solutions au paradoxe du Grand-Père. En dehors, bien entendu, de la solution triviale de l’impossibilité du voyage dans le temps.

Remonter le temps comme on remonte une horloge Une solution est de rembobiner le temps. Si l’on inverse le sens du mouvement de chaque particule, sans exception, alors toute l’évolution devrait faire machine arrière. Le verre brisé devrait se reconstituer, le plongeur sortir à reculons de l’eau en sautant en l’air,… Exactement comme si on retournait la bobine d’un film.

Albert grimpe dans sa machine et inverse l’écoulement du temps. Pendant que le temps fait marche-arrière, lui continue à évoluer normalement, protégé par la cabine de sa machine. Lorsqu’il sort de sa machine le monde qu’il voit est identique à celui qu’il était en 1980. S’il effectue des modifications (par exemple il tue son grand-père), le temps continuera à évoluer mais de manière différente. En arrivant en 2020 il constatera que le monde a bien changé. Il n’y a plus de paradoxe car on ne voyage pas vraiment dans le temps. La ligne du temps est unique et seul le contenu, la matière, fait marche arrière dans son évolution. Mais cette approche n’est pas sans causer de difficultés.

Tout d’abord, lorsque le monde commence à faire marche-arrière dans le temps, il y manque un gros morceau : Albert et sa machine à voyager dans le temps qui eux ne sont pas affectés.

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Albert ne va pas se mettre à rajeunir. Difficile alors d’imaginer qu’il va retrouver son grand-père dans la même situation qu’il était en 1980. Une solution serait de cloner parfaitement Albert et sa machine. De dupliquer le tout (sans utiliser de la matière extérieure, sinon il y aurait un autre morceau manquant). Une version, celle qui voyage, continue normalement, tandis que l’autre version fait marche-arrière avec tout le reste. Une autre bizarrerie se produit mais ce n’est pas vraiment un paradoxe. Si Albert « revenu » en 1980 ne tue pas son grand-père, alors un autre Albert va naître plus tard et il va se retrouver en double exemplaire ! Mais est-ce si étonnant puisque lors de son départ il s‘est dédoublé ? Evidemment, un tel processus de dédoublement parait quelque peu problématique. D’où viendraient l’énergie et la matière servant à créer le duplicata ?

Autre difficulté. Rien ne dit qu’en inversant les mouvements de toutes les particules on reviendra effectivement à la même situation qu’en 1980. Le retour en arrière pourrait s’effectuer de manière différente. Plusieurs phénomènes physiques pourraient en effet provoquer cela :

o Si le demi-tour n’est pas infiniment précis, de petites différences pourraient rapidement s’amplifier jusqu’à conduire à un « passé » singulièrement différent de 1980. L’effet papillon est implacable. Une précision infiniment parfaite est donc indispensable mais semble assez peu probable. A moins de se limiter à des voyages courts évitant une trop grande différence.

o Rien ne dit qu’en renversant le mouvement la physique se déroule exactement de la même manière. Qui dit que certains phénomènes ne sont pas aléatoires ? C’est d’ailleurs ce que nous verrons avec la mécanique quantique. Rien ne permet alors de supposer que les résultats aléatoires conduiront à une situation identique à celle de 1980. A quelques détails près, il semble bien que la physique permette une telle réversibilité. Nous y reviendrons. Donc, nous avons de bonne chance de croire que cela ne constitue pas un véritable obstacle.

o Enfin, il faudrait que l’on renverse la vapeur pour tout l’univers ! Même les étoiles et les galaxies devraient voir leur mouvement s’inverser. Cela paraît totalement irréaliste. Comment agir sur tout l’univers ? Ne faudrait-il pas dépenser une énergie fantastique ? (pensez déjà à l’énergie nécessaire pour arrêter en pleine course un train à grande vitesse pesant des centaines de tonnes et lui faire faire demi-tour). De plus, la relativité nous dit que rien ne peut dépasser la vitesse de la lumière. Comment dans ce cas affecter instantanément le comportement d’étoiles se trouvant à des distances telles que la lumière met des années pour parvenir jusqu’à nous ? On pourrait se limiter à la Terre ou au système solaire. Mais les astronomes trouveraient étonnant de voir que les étoiles (qui bougent) ne sont pas à leur

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position attendue. Cela affecterait le déroulement de l’histoire et ici son rembobinage.

Cette solution semble donc fort irréaliste. Bien qu’elle ne soit pas logiquement impossible, on aimerait trouver une solution qui n’implique pas de modifier l’univers dans sa totalité (sans compter les autres difficultés). C’est-à-dire un véritable déplacement de la machine d’Albert. Celle-ci passant d’un point à une époque donnée à un point d’une autre époque.

Les branchements d’univers Une autre possibilité est d’imaginer que la modification conduise à l’existence d’un autre univers, différent du nôtre, et résultant du passé modifié.

On a la ligne du temps « normale » A. A un moment donné, en C, Albert décide de remonter dans le temps. Il grimpe dans sa machine et arrive en D, dans le passé. Là, même involontairement, il modifie le passé, même un tout petit peu (ne fut-ce qu’un petit déplacement d’air en sortant de sa machine, déplacement d’air qui normalement n’existait pas dans le passé). Mais ce changement n’altère pas la ligne du temps A. Elle correspond à une autre ligne du temps B, où l’on trouve ces changements. Evidemment, immédiatement après son arrivée, Albert se trouve sur cette ligne B modifiée par rapport à A. Il se trouve en E. Et en retournant dans le futur, il se retrouve en F et non pas en A. Là aussi il risque bien de se retrouver en deux exemplaires dans l’univers B. Mais ce n’est pas gênant. C’est comme s’il avait voyagé d’un univers A (en partant de C) pour arriver dans un univers parallèle B, un rien différent, en F. Normal qu’il se rencontre lui-même ! Certains disent parfois : « peut-être qu’au moment de la modification en D, l’univers A cesse d’exister ». Non ! C’est encore un abus de langage. Comme précédemment. Le « cesse » fait référence à quel écoulement du temps ? Pas celui d’Albert ou de B qui sont indépendant de A. Celui du spectateur ? De même il n’y a pas de sens à parler de la « création de B au moment du voyage ». Il faut supposer que l’on a ces deux univers, vu comme un tout, et que le voyage ne fait que passer d’un univers à un autre. On peut par contre imaginer qu’Albert puisse aussi voyager dans des mondes parallèles et aller de F vers A voire de E directement vers A. Dans ce cas, en revenant dans le futur il constaterait que son voyage dans le passé n’a eu aucune influence et même, en consultant les archives (à supposer qu’il

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ait laissé une telle trace), il constate qu’il n’y a aucune trace de son voyage dans le passé. C’est bien normal. Ce voyage c’est de D à E qui appartient à l’univers B. Ces raisonnements laissent à penser une autre solution. On pourrait avoir deux univers A et B totalement disjoint et indépendants. Ou même une infinité de tels univers.

Les raisonnements pour analyser cette figure sont parfaitement identiques à la précédente. Le voyage de retour peut aussi se faire de E à C. On peut avoir une infinité d’univers pour tous les voyages possibles partant de toute époque dans tout univers vers toute époque avec toute modification possible. Cela donne le vertige pour le nombre de possibilités ! On pourrait même voir surgir des voyageurs du temps venant d’un futur qui n’est pas celui de notre univers ! Sommes toutes, ce type de possibilité n’est jamais qu’un mode particulier des voyages entre mondes parallèles où les départs et arrivées ne se font pas à la même époque. Les possibilités sont infinies et le paradoxe est évité en interdisant des boucles fermées dans le diagramme. Cela peut se faire de plusieurs manières. Par exemple, si les changements d’univers sont à sens unique (de A vers B mais jamais de B vers A). On peut aussi exiger que le retour puisse se faire vers C mais juste un peu après C et surtout pas avant (cela créerait une boucle source de paradoxe, par exemple s’il empêche son propre départ). Une manière élémentaire d’implémenter cette règle est que les déplacements dans le diagramme se fassent toujours avec des lignes verticales ou inclinées vers la droite mais où les temps des divers univers sont décalés les uns par rapport aux autres. En tout état de cause, de nombreuses possibilités sans contradiction peuvent être imaginées.

Le grand livre du destin Une autre possibilité existe, avec une seule ligne du temps et de véritables déplacements dans le passé, consiste à affirmer que l’on ne modifie pas le passé mais plutôt que notre intervention dans le passé est réellement ce qui s’est déjà produit ! C’est l’hypothèse du « tout était écrit d’avance ». C’est une forme de prédiction auto-réalisatrice mais avec un voyage dans le temps. Un exemple aidera à comprendre de quoi il s’agit.

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« Albert décide de remonter le temps pour corriger l’histoire. Ayant appris dans sa famille que son grand-père Joseph a perdu un contrat important avec la compagnie X qui a préféré un autre fournisseur Y, il décide d’intervenir. Il arrive dans le passé et s’arrange pour rencontrer le patron de X. Là, il l’interroge pour savoir pourquoi il préfère Y à Joseph. L’homme est très étonné et dit que non seulement il ne connait pas Y mais qu’il a toujours été satisfait de Joseph. Perplexe, Albert repart dans le futur. Là il constate en regardant ses papiers qu’il est toujours dans la même situation : son grand-père a bien perdu ce contrat. Il fouille un peu plus et fini par découvrir que le patron de la compagnie a écrit ses mémoires. Il lit le document et voit qu’il a écrit : J’avais toujours acheté mes produits chez Joseph. Mais un jour, un homme curieusement habillé est venu me voir et a insisté encore et encore pour savoir pourquoi je préférais Y. Je ne connaissais pourtant pas Y. Ma curiosité éveillée, je me suis renseigné et je me suis rendu compte que Y était beaucoup plus intéressant. » Donc, Albert n’a pas réussi a modifié le passé. Pire encore, c’est lui qui a provoqué les événements qu’il voulait éviter. On est là dans le paradoxe de l’origine mais un paradoxe plus grave a été évité. En fait, avant même son départ, l’histoire avait déjà enregistré son voyage dans le passé. Mais ça, il ne l’a découvert que plus tard. Tout était « écrit » à l’avance dans le Grand Livre du Destin. Ce genre de situation a souvent été exploité dans la littérature et les films. Ce genre de solution a toutefois un défaut. Elle empêche une totale maîtrise des voyages dans le temps. En effet, le genre de situation décrite ci-dessus est assez alambiqué et celui qui voudrait vraiment altérer le passé pourrait le faire sans difficulté. Il lui suffit par exemple de matérialiser sa machine en plein milieu du parlement lors d’une séance célèbre. Un tel événement aurait laissé des traces et si ce n’est pas le cas, alors son apparition constitue bien un paradoxe. Il pourrait aussi tuer volontairement son grand-père, rien ne l’en empêche a priori. Si cette maîtrise n’est pas totale, alors on ne peut guère invoquer que deux solutions :

On ne voyage pas où et quand on veut. Par exemple, Albert est incapable de choisir sa destination et son époque à volonté. Il en est réduit à cherche des « passages » préexistant vers le passé, par exemple. Et après avoir constaté son échec dans cette histoire de contrat, voulant retourner dans le passé pour se prévenir lui-même de ne surtout pas contacter le patron de X et de lui parler de Y, il serait tout marri de voir qu’il ne trouve pas de passage approprié. Tout est écrit d’avance, y compris les voyages dans le temps possibles, et on ne fait que subir les événements sans pouvoir les contrôler. Ce genre de possibilité est assez décevant et même frustrant.

On voyage comme on veut, ou presque, mais on ne fait pas ce qu’on veut. Une « force » de nature quelconque intervient pour empêcher tout paradoxe. On veut se matérialiser dans le parlement ? La machine se bloque, tombe en panne ou un raté l’envoie ailleurs. On veut tuer son grand-père ? On arrive à l’époque voulue, avec une arme, mais au moment fatidique : elle s’enraie, ou on meurt d’une crise cardiaque, ou encore un remord irrépressible nous empêche d’appuyer sur la détente. On peut tout imaginer. Mais cette « force du destin », admissible dans le scénario d’un film, semble fort peu plausible voire fantaisiste. Quelle serait sa nature ? Comment pourrait-elle agir de manière aussi « intelligente » pour provoquer des événements juste suffisant pour empêcher les paradoxes ? Sans tomber dans le métaphysique, on en est presque à invoquer un petit lutin pervers qui

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nous surveille et nous empêche de faire des bêtises. On peut aussi imaginer que juste avant de faire une telle bêtise, un policier du temps intervient pour nous empêcher de modifier le passé (hypothèse du film Time Cop) bien qu’on imagine qu’à force d’essayer on risque bien d’être plus malin qu’eux ou de « laisser passer » un raté (là aussi on retrouve cela dans le film en question, on retombe sur notre bon vieux paradoxe du grand-père). Et si cette police est invincible et parfaite, on peut se demander par quel miracle une telle police a été créée ? Et si ça n’avait pas été le cas, les paradoxes n’auraient pu être évités. D’autres espèces sur d’autres planètes ne peuvent-elles pas découvrir aussi les voyages dans le temps ? A chaque fois elles créeraient une police du temps invincible et parfaite ? Comment les lois décrivant l’univers peuvent-elles permettre une telle chose. Il faudrait imaginer que l’on ne peut voyager dans le temps que parce qu’une police sera créée empêchant tout paradoxe. C’est une variante sophistiquée du lutin. Que les lois physiques régissant les voyages dans le temps dépendent d’une décision humaine semble plutôt anormal.

Bref, ces solutions peuvent marcher mais pas sans inconvénient ou sans règles à la limite du vraisemblable (ou pire).

Le retour à l’état « naturel » Une variante de la deuxième possibilité est celle qui dit que l’on ne peut modifier le passé car si on le fait, alors les événements qui suivent ont tendance à revenir vers une situation où rien n’a été modifié. Dans le remake du film, la Machine à voyager dans le temps, tiré de l’œuvre de H.G. Wells, le personnage principal tente de sauver sa fiancée de la mort en retournant dans le passé. Il y arrive mais à chaque fois, elle meurt un peu plus tard d’un autre incident (d’abord tuée par un voleur, puis écrasée par une voiture,…). Toute tentative de la sauver semble vouée à l’échec. Il décide alors de voyager dans l’avenir dans l’espoir de trouver une solution. Vers la fin du film, un être lui explique qu’il ne peut modifier le passé car celui-ci a déjà eu lieu. En réalité, cette explication n’est pas sans défaut, pour plusieurs raisons.

Cette affirmation qu’il ne peut pas modifier le passé n’est pas tout à fait juste. En sauvant sa fiancée, celle-ci meurt peut-être quand même, mais un peu plus tard et d’une autre manière. Et ça, ça laisse forcément une trace. Il y a bel et bien modification du passé !

En outre, il serait facile de contourner un tel phénomène en provoquant une modification irréversible (comme tuer quelqu’un qu’il serait fort étonnant de voir ressusciter) !

Enfin, on peut se demander quel phénomène physique provoque ce « retour à la normale ». Il s’oppose à l’effet papillon qui fait que toute modification a tendance à s’amplifier par la chaine d’événements et de conséquences qu’elle engendre. Et à une époque donnée, comment ce phénomène physique « sait-il » quelle situation il doit restaurer ?

Ce genre d’explication peut convaincante a parfois été poussée jusqu’à l’extrême dans certains films en invoquant un côté fantastique comme la Mort venant chercher son dû auprès de personnes ayant anormalement échappé à la mort. Il va de soi qu’une telle explication n’a rien de scientifique.

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Le temps en physique Il est temps maintenant de passer à la description scientifique du temps et peut-être des voyages dans le temps. Les questions qui se posent sont : comment la science peut-elle envisager le voyage dans le temps ? Quelles sont les solutions aux paradoxes ? Pour cela nous allons faire un détour très instructif par la physique. La science du temps objectif (par opposition à subjectif, psychologique) est en effet la physique.

Description de l’espace et du temps Si on veut parler du temps, il est important de le définir et de dire comment on le représente. Comment en effet parler du temps, de ses propriétés, des voyages dans le temps, etc. si on ne sait même pas ce que c’est. On parlerait sans même savoir de quoi on parle !

Définition et représentation du temps Plusieurs définitions sont possibles. Elles sont liées entre-elles et forment un tout.

Définition expérimentale

Le physicien est très pragmatique. De plus, il suit la méthode scientifique qui définit la physique comme une science expérimentale. On observe les phénomènes, on effectue des expériences, et on en déduit des lois que l’on peut également vérifier par l’expérience. C’est donc avant tout par l’expérience et la mesure que l’on définit le temps. Le temps est ce que mesurent les horloges. Les horloges étant des dispositifs conçus selon certaines règles. Ce n’est une tautologie car on peut fabriquer une horloge selon certaines règles bien précises sans se préoccuper de la nature de ce qu’elle mesure. Un horloger ne se préoccupe pas de la nature du temps mais seulement de l’assemblage des engrenages. Cette remarque s’applique d’ailleurs à tout instrument de mesure. Bien entendu, ces règles ont été établies par la recherche d’instruments servant à mesurer les caractéristiques des phénomènes physiques observés. Mais une fois ces règles établies, peu importe leur origine pour la définition du temps. Mieux encore : c’est cette définition qui sert à définir officiellement l’unité de mesure du temps. Les horloges les plus précises actuelles sont les horloges atomiques. Elles utilisent des atomes bien précis placés dans des conditions physiques bien contrôlées, généralement à très basse température, et elles utilisent les rayonnements (lumineux ou en onde radio) émis par ces atomes. Les vibrations lumineuses servant d’étalons de temps (c’est l’équivalent du pendule d’une horloge à balancier). Ainsi, l’unité de mesure internationale, la seconde, est définie comme étant un nombre bien déterminé de vibrations d’un rayonnement particulier de l’atome de césium.

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Bien entendu, on utilise aussi toutes sortes d’horloges parfois moins précises mais plus commodes et moins coûteuses. On les règle ensuite en les comparants au temps officiel donné par un ensemble d’horloges atomiques réparties dans plusieurs pays (temps officiel atomique ou Temps Universel). L’horloge peut aussi être un phénomène naturel comme la succession du jour et de la nuit ou les saisons (temps dit astronomique). Cela fut même la seule mesure du temps pendant des millénaires. Il y a encore quelques décennies à peine, le temps officiel était basé sur la durée d’une journée bien précise.

Définition théorique

La définition précédente est basée sur l’expérience et c’est ce qui est le plus important en physique. Mais puisque l’on a des théories, nous avons besoin aussi d’une description théorique plus abstraite. Tout d’abord on définit la notion d’événements. Un événement est un phénomène quelconque, bien identifiable avec une position précise et un instant précis. Un événement est idéalement de taille nulle et de durée nulle. Bien sûr cet idéal n’est jamais tout à fait vrai. Mais la physique s’en accommode parfaitement. Comme c’est une science expérimentale, toute mesure, toute description est limitée à la précision des instruments utilisés. Ou, lorsque ces instruments sont suffisamment précis, à la taille utile. Si vous considérez l’occurrence d’une étincelle dans un local de cent mètres de long, peu importe la taille de l’étincelle. Si elle fait un millimètre ou un millième de millimètre, ça ne change pas grand-chose. Enfin, si le phénomène considéré ne peut pas être considéré comme ponctuel ni de durée nulle, on peut considérer un ensemble d’événements constituant le phénomène, ensemble aussi grand que l’on veut. Ces considérations pratiques étant établies, pour la théorie on dira qu’un événement se produit à un endroit précis et un instant précis. On va donc associer des étiquettes à chaque événement. Par exemple « la foudre est tombée sur cet arbre hier à huit heure » ou « j’ai apporté un cadeau à la réception pour l’anniversaire de Lucy ». Ainsi, chaque événement est parfaitement identifié. Pour des raisons pratiques, plutôt que d’associer des étiquettes arbitraires, on préfère utiliser des valeurs numériques. Ces valeurs numériques ont aussi l’avantage de permettre des classements des événements en les ordonnant. Nous reviendrons plus loin sur cette description numérique. Pour ce qui est du temps, l’instant où se produit l’événement sera associé à l’indication d’une horloge. On dira « l’événement se produit en t = 12 » car l’horloge indiquait cette valeur lorsque l’événement s’est produit. t étant la variable utilisée pour indiquer la valeur du temps, ce n’est qu’un synonyme (t = « valeur indiquée par l’horloge »). On peut également considérer des séquences d’événements. Ces événements étant liés les uns aux autres. Par exemple les événements « l’ampoule s’allume » et « l’écran est éclairé ». Le cas le plus simple est celui d’un objet. L’objet peut avoir une position précise mais il n’a pas une durée nulle ! A chaque instant de son existence on associera ainsi une position et un instant. Ces instants étant par exemple t = 1, t = 2, t = 2.5, etc… Avec bien sûr toutes les valeurs intermédiaires possibles. Si ces valeurs sont indiquées par une horloge que transporte l’objet, on dit que ces valeurs indiquent son temps propre.

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Processus de comparaison entre séquences

Le temps est un processus de comparaison. Considérons deux séquences d’événements. On peut alors comparer ces deux séquences.

La séquence 1 peut par exemple servir à définir le temps, la séquence d’événements étant une série de tics de l’horloge. Et la séquence 2 peut être une série d’événements dont on souhaite connaitre l’instant. Les événements des deux séquences doivent se produire au même endroit afin de pouvoir constater de manière triviale leur coïncidence. Par exemple si j’appuie avec mon doigt sur un interrupteur, on peut dire que les événements « j’appuie avec mon doigt » et « l’interrupteur s’enclenche » se sont produits au même endroit au même moment. Si les événements ne se produisent pas au même endroit, leur mise en coïncidence n’est pas immédiate. Il faut pour cela échanger des signaux entre les événements afin de pouvoir déterminer quand ils se sont produits. Cela complique les choses mais il existe toutes sortes de procédures pour le faire. Dans la majorité des cas, le simple fait de « voir » quand les événements se produisent est suffisant car le temps que met la lumière pour arriver jusqu’à nos yeux est extrêmement court. Ce n’est que lorsque cette durée devient non négligeable que des complications peuvent survenir (par exemple, la lumière met des années pour venir des étoiles jusqu’à nous). Des exemples de mise en coïncidence sont :

Je lis ma montre pour savoir s’il est l’heure de partir travailler. Je mets là en coïncidence la séquence des événements donnés par le mouvement des aiguilles de la montre et la séquence des événements donnés par mes tâches de la journée.

Une machine fabrique des pièces qui sont assemblées. Deux pièces sortent d’une ouverture vers une machine d’assemblage. Un dispositif contrôle que les pièces sortent au même moment.

Si l’on se sert d’une séquence pour définir le temps, on préfère utiliser des séquences se déroulant de manière régulière et répétitives comme les tics d’une horloge. Certaines horloges sont ainsi meilleures que d’autres. Chaque horloge utilise un phénomène physique qui se répète. Mais plusieurs choses peuvent perturber le déroulement régulier des répétitions.

Diverses perturbations peuvent affecter la régularité du phénomène. Par exemple si vous placez un aimant près d’une horloge à balancier en métal, vous risquez de la perturber.

Le phénomène peut être affecté par le lieu où l’horloge se trouve. Ainsi les horloges à balancier sont très sensibles à la gravité terrestre qui varie tant avec le lieu qu’avec l’altitude.

Le temps astronomique utilise la rotation de la Terre (succession des jours et des nuits). Mais la rotation de la Terre ralentit ! Ce phénomène est dû aux forces de marées lunaires. Les journées deviennent ainsi de plus en plus longues. La diminution est très faible (de l’ordre d’une seconde par siècle) mais est suffisante lorsqu’on la compare aux horloges atomiques.

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Pour s’assurer de la bonne marche des horloges, on peut simplement les comparer entre-elles. Cela permet de vérifier leur stabilité, leur précision et leur régularité. Les meilleures horloges actuelles sont les horloges atomiques. Mais si l’on a deux phénomènes périodiques mais non réguliers l’un par rapport à l’autre. Comment savoir lequel est le plus régulier vis-à-vis du temps ? La réponse est qu’on ne peut pas a priori car les valeurs numériques des instants que l’on affecte aux événements sont arbitraires ! Ce sont de simples étiquettes identifiant l’événement, nous avons choisi des étiquettes numériques, mais ça c’est juste notre choix, par une règle physique. Mais la périodicité du phénomène ainsi que sa régularité sont le résultat de lois physiques décrivant ces phénomènes. On souhaite donc avoir une régularité en conformité avec les lois physiques. Par exemple, la loi de la dynamique de Newton dit que si un corps ne subit aucune force, aucune action, aucun frottement, alors il se déplace en ligne droite avec une vitesse constante. Cette loi qui n’est jamais qu’approximative sur Terre (où l’omniprésence de la gravité et des frottements perturbe le mouvement) est par contre flagrante dans l’espace loin de tout corps massif. Si en étudiant un tel mouvement avec une horloge on constate des à-coups dans la vitesse, on peut soit chercher ce qui peut causer ces à-coups soit suspecter l’horloge de ne pas être régulière et de donner ainsi l’impression que la vitesse de l’objet varie. Si aucun phénomène pouvant perturber le mouvement n’est découvert, on peut aussi décider de modifier la loi de la dynamique pour décrire ces à-coups. Mais cette dernière option n’est pas appréciée. Si rien n’affecte le mouvement, pourquoi devrait-il varier ? On cherche habituellement les lois les plus simples. Et si ces lois sont appliquées aussi au fonctionnement de l’horloge, on peut facilement chercher à obtenir la meilleure régularité de l’horloge, celle qui conduit à un mouvement uniforme de l’objet étudié. On dit parfois que le « bon » temps est celui qui rend le mouvement simple. La boucle est bouclée. Nous avons un ensemble de définitions reliées entre-elles et formant un tout. Voyons maintenant comment décrire en pratique le temps pour des systèmes physiques.

Description Supposons que l’on ait un ensemble d’objets dont on désire déterminer la position exacte. Pour cela on va mesurer les distances à l’aide de règles étalons (par exemple des mètres en métal, des dispositifs de mesure utilisant des lasers, etc.). On peut ainsi mesurer la position de chaque objet. Avec ces positions, on peut alors tracer une carte. Pour cela on choisit un point de référence souvent noté O (pour origine) et des directions de référence. Les choix sont arbitraires. Ils forment ce que l’on appelle un repère ou référentiel. Les trois directions forment ce que l’on appelle des axes de référence et ils sont souvent notés x, y, z. En effet, dans l’espace ordinaire on vérifie facilement qu’il faut trois directions pour repérer sans ambiguïté la position de tout point.

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On peut mesurer la distance de l’objet à l’origine O en mesurant les distances le long de ces axes, ce qui donne trois nombres x, y et z. On appelle ce repère le repère cartésien du nom de son inventeur Descartes. Il existe bien d’autres façons d’attribuer trois nombres à la position. Souvent sur papier on ne représente que deux des directions pour des raisons de facilité (la feuille de papier est plate et représenter les trois directions nécessite d’utiliser une perspective comme ci-dessus qui rend plus difficile l’analyse). C’est le cas des cartes routières ou des cartes militaires où l’on indique l’altitude seulement en certains endroits (à l’aide de courbes de niveau reliant les points de même altitude). Notons que le point O est souvent associé à un objet physique pour des raisons pratiques, bien que ce ne soit pas une obligation en théorie : une borne de référence géodésique par exemple pour la cartographie. On peut placer des horloges en divers points. Elles sont placées à côté de chaque objet ou de chaque événement dont on désire mesurer l’instant (comparaison des séquences). Les horloges immobiles (position constante) dans un repère sont appelées les horloges du repère. On vérifie que la marche des horloges est identique en les plaçant l’une à côté de l’autre (en vérifiant également que ces déplacements ne les perturbent pas) ou par échange de signaux électromagnétiques (c’est-à-dire de la lumière ou des ondes radios). Ces mêmes procédures peuvent servir à synchroniser les horloges (pour qu’elles indiquent toutes minuit en même temps). Notons qu’on peut utiliser directement ces procédures pour mesurer le temps en un endroit différent de la position de l’horloge ce qui permet de n’utiliser au pire qu’une seule horloge placée en O par exemple. On attribue ainsi à chaque événement un quadruplet de nombres (x, y, z, t) appelées coordonnées spatio-temporelles (coordonnées spatiales si l’on ignore le temps et coordonnée du temps).

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L’espace ainsi défini obéit à une certaine géométrie décrivant les relations entre les points, les droites, etc. En première approximation l’espace ordinaire obéit à la géométrie d’Euclide, celle que nous apprenons à l’école et qui nous dit qu’un triangle à trois sommets dont les angles font un total de 180 degrés ou qui nous dit qu’en un point on peut tracer une et une seule parallèle à une autre droite ou encore que le rapport entre la circonférence et le diamètre d’un cercle est le nombre pi. Il existe d’autres géométries comme par exemple la surface d’une sphère, appelée géométrie sphérique. Dans ce cas, la méthode ci-dessus doit être adaptée. Par exemple, à la surface de la Terre on utilise la longitude, la latitude et l’altitude. Bien d’autres systèmes de coordonnées existent, chacun avec ses avantages et ses inconvénients.

Réversibilité On peut répartir les lois physiques en deux groupes :

Les lois physiques fondamentales (connues !). Les lois physiques dérivées. Elles sont la conséquence des lois physiques fondamentales.

Les lois physiques fondamentales sont les lois qui décrivent :

La gravitation (l’attraction universelle de Newton). L’électromagnétisme, c’est-à-dire les lois des forces électriques et magnétiques. Les ondes

électromagnétiques sont les ondes radios, les infrarouges, la lumière visible, les ultraviolets, les rayons X et les rayons gammas.

Les forces nucléaires (qui se divisent en réalité elles-mêmes en deux groupes). Les lois physiques dérivées sont très nombreuses et sont presque toutes dérivées de l’électromagnétisme. Par exemple la chimie est une conséquence de la structure des atomes et des interactions électromagnétiques. La physique des matériaux est également une conséquence de l’arrangement des atomes et de ces interactions. Même la biologie est une forme élaborée de chimie. Un constat important est que toutes les lois physiques fondamentales sont réversibles dans le temps. Cela signifie que si l’évolution d’un système physique de l’état A à l’état B est une solution possible aux lois physiques, alors la même évolution renversée de B vers A est aussi une solution. On dit que les lois sont invariantes lorsque l’on effectue le changement de t en –t. Cela ne signifie pas que l’on remonte le temps mais simplement que les processus dans les deux sens sont valides. Il n’existe qu’une seule exception mais qui ne nous concernera pas vraiment car elle ne se manifeste que dans des conditions particulièrement exotiques et rares (la désintégration d’une particule exotique appelée « méson K »). Donnons deux exemples de cette réversibilité :

Lorsque qu’un pendule oscille, il peut balancer de gauche à droite exactement de la même manière qu’il peut balancer de droite à gauche. Chaque balancement est identique à l’autre avec le temps renversé. C’est d’ailleurs ce genre de possibilité omniprésente en physique qui rend possible la fabrication d’oscillateurs et d’horloges.

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Supposons que l’on jette une pierre au loin. Négligeons les frottements de l’air.

La pierre parcourt une trajectoire parabolique. Si quelqu’un lançait la pierre de l’autre côté de la même manière ou si un gros ressort à l’arrivée renversait le sens de la pierre (en lui gardant la même vitesse) elle parcourrait la même trajectoire mais dans l’autre sens, « comme si » on avait renversé le temps. Le fait est qu’un film visionné à l’envers et montrant une telle trajectoire ne paraît pas étrange.

Donc, peu importe le sens du temps. Evidemment, on sait que c’est faux ! D’ailleurs, un indice a déjà été semé plus haut en disant « en ignorant les frottements ». Nous allons rapidement y venir.

Causalité La causalité est souvent employée dans deux sens différents souvent confondus.

Il existe entre certains phénomènes un lien de cause à effet : J’appuie sur un interrupteur, une lampe s’allume. Une boule percute une autre boule et celle-ci se met à rouler. Etc.

Une cause produit toujours le même effet dans les mêmes circonstances. On reviendra plus tard sur la deuxième, qui est parfois appelée déterminisme, avec la mécanique quantique et concentrons-nous sur la première. Elle traduit un lien entre phénomènes et ce sont ces liens que décrivent les lois physiques. Peu importe le sens de ce lien, au moins à ce stade, puisque nous avons dit que les lois étaient réversibles. Ce qui importe c’est l’existence de ce lien. Mais même sans direction privilégiée, cela permet d’ordonner les phénomènes dans le temps. On peut avoir par exemple A (se produisant en t1) lié à B (se produisant en t2) lié à C (se produisant en t3), etc. Avec un tel ordonnancement on peut alors avoir une suite numérique reflétant l’écoulement du temps. C’est exactement ce qu’on fait avec une horloge puisque les tics de l’horloge sont la conséquence de son fonctionnement interne et des lois physiques qui le décrivent. Chaque tic est lié causalement au suivant. L’instant initial t = 0, est purement conventionnel. Ce n’est que des nombres et peu importe celui qu’on appelle « instant zéro ». C’est purement conventionnel. C’est la règle tacite permettant de régler les aiguilles de l’horloge.

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De même, en présence de la réversibilité totale, le sens global du passé vers le futur est purement conventionnel. Du moins pour le moment.

Temps classique Commençons par la physique classique. C’est la physique fondée par Galilée, Newton, etc. Et qui fut considérée comme entièrement valide jusqu’au début du vingtième siècle avant l’arrivée de la relativité et de la mécanique quantique qui bouleversèrent nombre de connaissances acquises. En physique classique on considère qu’il existe (au moins virtuellement, par la pensée) une « horloge universelle » qui bat la mesure de tous les événements. Il est alors possible de synchroniser toutes les horloges de tout repère par rapport à une seule horloge de référence. Il est donc possible d’ordonner l’ensemble de tous les événements possibles selon une séquence unique et universelle. Cette séquence constitue la « ligne du temps » unique et inamovible. En dehors de la notion d’irréversibilité qui doit être éclaircie, la plupart des scénarios relatifs aux voyages dans le temps sont tout bonnement impossibles. Cela ne fait pas nos affaires mais les choses doivent encore évoluer.

La flèche du temps Après cette description du temps en physique, on aimerait bien comprendre l’écoulement du temps du passé vers le futur. C’est la première étape du voyage dans le temps qui correspond au cas « normal ». Nous savons que la physique n’est pas réversible, contrairement à ce que les lois fondamentales semblent nous dire. Il suffit de visionner un film à l’envers, où on voit les gens marcher à reculons, les plongeur sortir de l’eau d’un bond pour atterrir sur la planche, etc. pour trouver la situation d’un comique irrésistible. La situation comique est engendrée par le fait que l’on ne voit jamais les choses se dérouler dans ce sens-là dans la réalité. Un exemple typique est le verre qui se casse. Lorsqu’on laisse tomber un verre, celui-ci se brise et éclate en centaines de morceaux. Jamais on ne voit les morceaux se rassembler spontanément pour reconstituer un verre. Et même si vous mettez les morceaux dans un sac et que vous secouez, rien ne se passe. Même si vous replacez chaque morceau de verre à sa place, comme lorsque l’on reconstitue un vase brisé pour éviter d’avouer sa maladresse à sa grand-mère, le verre n’est pas revenu à son état normal. Sans colle, le moindre petit frémissement va provoquer son écroulement. De même, si on mélange de l’eau chaude avec de l’eau froide, on obtient de l’eau tiède qui ne va pas spontanément se séparer en deux parties froide et chaude.

La chaleur La chaleur en physique est le phénomène archétype des phénomènes irréversibles. Si l’on a deux zones en contact, l’une chaude et l’autre froide, alors l’expérience montre que la chaleur se déplace toujours spontanément du chaud vers le froid et jamais l’inverse. Tout le monde a vécu cela et a entendu quelqu’un crier « ferme la porte, tu refroidis la maison ». Pas besoin d’aller voir un film de science-fiction pour ça !

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Le mot « spontanément » est important car on peut forcer la chaleur à effectuer le chemin inverse à l’aide de dispositifs utilisant du travail sous forme d’énergie électrique ou autre avec des pompes et divers mécanismes. C’est ce que font tous les réfrigérateurs et autres systèmes de refroidissement. La théorie de la chaleur a été décrite par Fourier et les équations qui la décrivent ne sont pas invariantes par un changement t -t. Si l’écoulement du chaud vers le froid est naturel, l’inverse ne se produit pas spontanément.

La thermodynamique La thermodynamique est la théorie de la chaleur et du travail. Elle traite uniquement de grandeurs macroscopiques. C’est-à-dire des grandeurs mesurées à notre échelle, en ignorant les grandeurs microscopiques à l’échelle des atomes. Elle peut manipuler un grand nombre de grandeurs différentes. Voici les principales :

La chaleur est une forme d’énergie dite dégradée. Le travail est une forme d’énergie dite noble. Elle peut prendre différentes formes : énergie

mécanique, énergie chimique, énergie électrique,… Le volume est une grandeur assez évidente. La quantité de matière qui se mesure en moles. La pression est la force exercée par un fluide sur une surface. La température est une grandeur d’état caractérisant l’état d’un milieu quelconque et se

manifestant par certaines propriétés comme la dilatation thermique (qui sert au fonctionnement des thermomètres, le liquide contenu dans celui-ci, par exemple du mercure, se dilatant avec la température) ou le changement d’états de l’eau en glace, liquide, vapeur. Plusieurs échelles de température existent, comme les degrés Celsius ou les degrés Fahrenheits. L’échelle la plus utilisée en thermodynamique est la température absolue mesurée en Kelvin. Chaque degré a la même valeur qu’un degré Celsius mais le zéro Kelvin est fixé à -273 degrés Celsius correspondant à la température la plus basse pouvant exister (état d’énergie interne minimale de la matière).

La thermodynamique décrit les relations entre ces grandeurs à l’aide d’équations de divers types :

L’équation d’état relie les grandeurs et caractérise les propriétés du milieu. Par exemple, les gaz dits parfaits (la plupart des gaz à pression atmosphérique ou à très basse pression) sont caractérisés par l’équation des gaz parfaits qui dit que : pression fois volume = quantité de matière fois température fois une constante universelle dite constante des gaz parfaits.

Les diverses lois physiques tel que les lois de la mécanique, les lois de l’électricité, etc. Le premier principe de la thermodynamique qui dit que l’énergie totale est conservée, c’est-

à-dire constante au cours du temps. Le second principe qui est relié à l’entropie.

L’entropie est une grandeur qui a été introduite également pour caractériser l’état d’un corps. Elle est utilisée pour traduire le caractère irréversible de certaines transformations. Elle est reliée à la température et la chaleur en disant que si la température d’un corps est , si ce corps échange une quantité de chaleur avec l’extérieur alors il y a une variation d’entropie telle que : Le second principe affirme que l’entropie totale est une grandeur qui ne décroît jamais. Elle peut être constante (phénomènes réversibles) ou elle peut croître (phénomènes irréversibles).

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Si l’on considère un milieu froid et un milieu chaud, ainsi qu’une certaine quantité de chaleur échangée, la formule ci-dessus permet de voir facilement que l’entropie augmente lorsque la chaleur va du chaud vers le froid. Cette relation et les autres permettent d’expliquer le fonctionnement des machines thermiques (moteurs, réfrigérateurs, turbines, pompes à chaleur, etc.) La difficulté est de savoir quelle est réellement la nature physique de cette entropie et comment dériver cette loi sur l’irréversibilité à partir des théories fondamentales qui, elles, sont réversibles.

Explication statistique La solution au problème est liée à la nature microscopique de la matière et à des effets statistiques. La théorie correspondante, la physique statistique, est extrêmement puissante et a à son actif de très nombreux succès. Pour illustrer le caractère statistique, voyons ce qui se passe dans un cas très simple, idéalisé.

Considérons une enceinte fermée séparée en deux et contenant quelques molécules de gaz. Initialement les molécules sont toutes situées à gauche et la partie droite est vide, par exemple avec une paroi séparant les deux parties. Ci-dessus, nous avons représenté six molécules. Puis on enlève la paroi interne et les molécules se déplaçant au hasard finissent par se balader dans les deux parties :

On peut distinguer deux types de grandeur (idéalisées ici pour la réflexion).

Les grandeurs microscopiques sont ici la position de chaque boule que nous pouvons noter comme étant G (molécule à gauche) et D (molécule à droite).

La grandeur macroscopique que nous considérons est le nombre de molécules dans chaque partie.

Quels sont le nombre d’états microscopiques correspondant à une grandeur macroscopique donnée. Le calcul est très facile (même dans des cas plus réalistes, ce n’est pas très compliqué).

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Si l’on considère l’état macroscopique 6-0. C’est-à-dire six molécules à gauche et aucune à droite. C’est l’état initial. Il n’y a qu’une façon de le faire avec les variables microscopiques : GGGGGG. Considérons le cas où l’on a 5 molécules à gauche et une seule à droite. C’est l’état 5-1. Il y a six façons de le faire suivant la molécule qui est à droite : GGGGGD, GGGGDG, GGGDGG, GGDGGG, GDGGG ou DGGGGG. On peut ainsi facilement compter le nombre d’états microscopiques :

Etat macroscopique Nombre d’états microscopiques

6-0 1

5-1 6

4-2 15

3-3 20

2-4 15

1-5 6

0-6 1

Total 64

On voit qu’il y beaucoup plus d’états possibles avec les molécules réparties moitié-moitié que de molécules toutes d’un seul côté. Il y a un seul état avec toutes les molécules à gauche mais 62 états avec des molécules des deux côtés. Cela veut dire que la plupart du temps les molécules seront situées dans les deux parties. Un observateur macroscopique qui ne verrait pas chaque molécule séparément mais seulement le nombre total (représentant une certaine quantité de gaz) dirait que le gaz se répartit presque tout le temps moitié – moitié à quelques fluctuations près. Par de simples considérations de probabilités, à cause de l’évolution aléatoire du mouvement des boules, le système est plus souvent dans l’état 3-3 que dans l’état 6-0. Les chiffres grandissent très vite. Si l’on a N molécules il n’y a jamais qu’un seul état microscopique avec toutes les molécules à gauche. Mais la répartition moitié-moitié correspond à de plus en plus d’états :

Nombre de molécules Nombre d’états pour la répartition moitié-moitié

6 20

10 144

20 3628800

100 100 milliard de milliards de milliards

1000 Deux milliards de milliards de… (trente-trois fois le mot milliard !)

On voit déjà qu’avec seulement 1000 molécules on peut attendre longtemps, très longtemps, très très longtemps avant de les voir revenir par hasard toutes vers la partie gauche. On voir là se dessiner l’irréversibilité. Le système évolue de l’état initial (toutes les molécules à gauche) vers l’état final (répartition à peu près moitié-moitié) de manière irréversible, non pas parce que les lois décrivant le mouvement des molécules sont irréversibles mais parce qu’il n’y a aucune chance de voir le système revenir spontanément à son état initial. Avec déjà cent molécules, à supposer que les molécules passent d’un compartiment à l’autre en un millionième de seconde, il faudrait attendre environ un milliard de milliards d’années pour avoir une chance de les voir se rassembler à gauche. Autant dire que cela n’arrive jamais. On définit l’entropie statistique pour un état macroscopique donné comme : Où W est le nombre d’états microscopiques correspondant et k est une constante universelle appelée constante de Boltzmann. La fonction « ln » est la fonction logarithme A un facteur près le

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logarithme de 10 est 1, le logarithme de 100 est 2, le logarithme de 1000 est 3, etc… Elle a la particularité que le logarithme d’un produit est égal à la somme : . Comme le nombre d’états microscopiques de deux systèmes est le produit du nombre des états de chaque système, alors l’usage de cette fonction garantit que l’entropie des deux systèmes est la somme de leurs entropies, ce qui est le comportement normal pour une grandeur caractérisant l’état de la matière (par exemple le volume de deux cubes et la somme des volumes de chaque cube). Les comportements microscopiques réels sont nettement plus complexes que cela, mais le principe est le même. Considérons une mole de matière. Cette grandeur correspond à, par exemple, deux grammes d’hydrogène, douze grammes de carbone ou 32 grammes d’oxygène. Alors le nombre de molécule est égal à une constante (c’est la définition de la mole) appelée constante d’Avogadro et elle vaut six cent mille milliards de milliards de molécules. Avec les résultats ci-dessus avec seulement 1000 molécules, on comprend que ces lois statistiques s’appliquent à la perfection pour des corps macroscopiques composés de milliards de milliards de molécules. Cela permet aussi d’expliquer les exemples cités au début. Le mélange d’eau chaude et d’eau froide est tout à fait analogue à notre exemple de molécules dans l’enceinte. Les molécules chaudes et froides se mélangent et elles sont si nombreuses qu’on n’a aucune chance de les voir se séparer. Le cas du verre brisé est analogue. Le verre est un matériau fragile qui se brise par formation de fissures qui se propagent dans le matériau. Au niveau d’une cassure, à l’échelle microscopique, on peut avoir un relief tourmenté parcouru de nombreuses fissures et fragments déplacés ou déformés. Même pour un ensemble de morceaux apparemment identiques à notre échelle, le nombre de configurations microscopiques possible est astronomique et il n’y a aucune chance de les voir reprendre une position correcte simplement en pressant deux morceaux de verre l’un contre l’autre. Il y a quand même moyen de reconstituer le verre. Il faut pour cela fondre les morceaux puis couler le verre et le laisser se solidifier dans sa forme originale. Dans le processus, l’entropie du verre a baissé. Mais les échanges de chaleur nécessaire à la fusion et le refroidissement augmente l’entropie totale du verre et de son environnement. On peut douter de ce raisonnement avec le verre. Si les morceaux s’ajustaient à la perfection jusqu’à l’échelle microscopique, les deux morceaux se ressouderaient-ils vraiment ? L’expérience peut être faite (difficilement) avec un matériau plus « mou » que le verre : du métal. Si l’on prend deux pièces de métal que l’on poli très soigneusement jusqu’à ce que la surface soit parfaitement lisse, jusqu’au niveau microscopique, dans une atmosphère pure et inerte (de l’hélium par exemple, sinon des impuretés ou de l’oxygène vient immédiatement se fixer au métal modifiant sa surface de manière complexe) alors en plaçant ces deux pièces fermement l’une contre l’autre…. Elles se soudent spontanément !

Justification Le raisonnement ci-dessus nécessite que l’évolution soit aléatoire. Cela n’est pas nécessairement gagné car après-tous les théories sont déterministes (sauf la mécanique quantique, nous y reviendrons). En fait, les états microscopiques ne sont pas nécessairement équiprobables et la théorie doit en tenir compte.

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Mais même si ce n’est pas équiprobable, le raisonnement reste statistique. Il faut donc valider ce point. La théorie validant ce point important est très complexe et s’appelle théorie ergodique. Nous ne la présenterons pas ici mais nous verrons un argument assez fort. Presque tous les systèmes complexes manifestent un comportement dit d’influence sensitive des conditions initiales. C’est-à-dire qu’une petite différence dans les conditions initiales conduit à une grande différence dans les résultats. Illustrons ce phénomène avec des boules de billard.

Considérons une boule de billard et deux trajectoires légèrement différentes, séparées d’un angle . Alors les trajectoires se séparent progressivement et proportionnellement au temps écoulé, il n’y a pas influence sensitive. De même si la boule rebondit sur une bande du billard, l’écart reste proportionnel au temps. Si maintenant la boule rebondit sur une autre boule ou sur un bouchon, le résultat est tout différent.

Avec un écart même minuscule, après le rebond, les deux trajectoires peuvent fortement s’écarter l’une de l’autre. Il y a une amplification énorme de l’écart initial. Il y a influence sensitive. Ce phénomène est vrai de presque tous les systèmes physiques complexes et en particulier des chocs moléculaires qu’on peut assimiler en première approximation à des chocs semblables aux boules de billards. Du fait de l’amplification énorme des écarts, le système devient rapidement imprévisible. On appelle parfois cela l’effet papillon. Il faudrait pour prédire l’évolution avec un tant soit peu de certitude connaitre les positions et vitesses initiales avec une précision défiant toute possibilité expérimentale. Certains phénomènes importants y sont soumis, tel que la météorologie. Si les grandes tendances restent prévisibles (les saisons, ce qui est dû à la position du Soleil et l’inclinaison de la Terre, tout ce qui résulte de bilans énergétiques,…) les détails météorologiques sont impossibles à prévoir au-delà de quelques semaines car cela nécessiterait des mesures (température, pression, etc.) avec une précision impossible à réaliser (par exemple une mesure de la température en chaque point séparé d’un centimètre, avec une précision d’un millième de degré, et cela sur toute la surface du globe). Sans compter les calculs monstrueux à effectuer. Puisque les résultats sont imprévisibles, seul des analyses statistiques peuvent donner des résultats. Ce qui justifie leur usage. Regardons comment évoluent deux trajectoires au cours du temps.

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Les deux trajectoires légèrement différentes s’écartent rapidement dans le futur. Mais si l’on part de l’état initial et que l’on essaie de connaitre leur état passé (par le calcul par exemple), on constate le même écart. La situation est symétrique dans le temps et ce phénomène ne peut donc justifier l’existence de flèche du temps du passé vers le futur. La seule conséquence de ce phénomène est de permettre au raisonnement statistique d’être valide. La différence entre passé et futur étant lié aux nombres d’états microscopiques. C’est la dissymétrie dans l’entropie entre passé et futur qui justifie la flèche du temps. Nous y reviendrons plus bas.

Grandeurs microscopiques et macroscopiques Il faut maintenant faire le lien entre les grandeurs microscopiques et macroscopiques. La physique statistique permet de construire les lois décrivant de très grands ensembles de particules et leurs comportements physiques. Cela permet de faire les identifications suivantes :

L’entropie thermodynamique est bien identique à l’entropie statistique. La température est une manifestation de l’agitation thermique, c’est-à-dire du mouvement

incessant des particules. L’énergie cinétique (due au mouvement) moyenne d’une particule est donnée par (à un facteur près).

La chaleur n’est autre que le flux d’énergie des particules en mouvement. Elle peut aussi être transportée par un rayonnement dit thermique.

La pression est la force exercée sur une paroi par les particules qui la heurtent en permanence.

Toutes les lois de la thermodynamique (et d’autres) peuvent être trouvées ou retrouvées par la physique statistique (et les lois fondamentales). Notons que le frottement est dû aux chocs ou adhérences entre aspérités et molécules entre deux surfaces. Ces chocs et ces liens qui se font et défont en permanence entrainent des vibrations moléculaires des solides qui se dissipent sous forme de chaleur. Le processus est donc fortement irréversible.

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Du macroscopique à l’univers Considérons une expérience réalisée dans un laboratoire avec des pompes et des systèmes chauffant ou refroidissant ou simplement chez soi lorsque l’on cuit des aliments, lorsque l’on casse un verre, etc. Dans tous ces cas, on a des phénomènes irréversibles et l’entropie totale (du laboratoire, de la maison où l’on vit) ne fait qu’augmenter. Si l’on désire se remettre dans la situation initiale, à plus faible entropie, il faut le faire au détriment de l’entropie du monde extérieur (comme avec la fusion du verre). Au final on ne peut progresser qu’en transformant une énergie noble en énergie dégradée. La Terre, la vie ne peuvent évoluer et se complexifier que grâce au Soleil qui nous inonde d’énergie thermique ayant pour origine l’énergie nucléaire au centre de l’étoile. Se faisant, l’entropie du Soleil augmente et il a une durée de vie finie (environ dix milliards d’années et il est à la moitié de sa vie). On peut continuer. Les étoiles se forment par contraction et effondrement de grands nuages de gaz. Les plus grosses étoiles terminent leur vie dans une grande explosion enrichissant les nuages de gaz en éléments lourds. Petit à petit, l’hydrogène disponible s’épuise. Il y a augmentation d’entropie. De proche en proche, sur des durées de plus en plus grandes, on a une augmentation de l’entropie jusqu’à englober toute l’histoire de l’univers. On termine avec la situation globale : l’univers possède une dissymétrie temporelle. Le début de l’univers (dense et chaud) possède une faible entropie et l’univers âgé (dilaté, refroidi) possède une plus faible entropie. Cette situation est constatée mais non expliquée. Notons d’ailleurs que globalement l’entropie de l’univers croît très lentement. S’il n’y avait l’expansion (le fait que les galaxies s’éloignent les unes des autres, l’univers se dilate), l’univers vieillirait très doucement pendant encore longtemps.

Du macroscopique au microscopique Ces phénomènes statistiques se déroulent aussi avec la physique décrivant les particules et les atomes. Ce monde est gouverné par la mécanique quantique que nous verrons plus tard. Un mécanisme analogue existe appelé décohérence quantique. Dans ce processus intimement relié à des aspects statistiques, le système physique perd certaines de ses propriétés quantiques pour adopter un comportement classique.

Le passé et le futur Nous ne verrons pas en détail la décohérence, ce n’est pas nécessaire. Il faut juste connaitre une de ses propriétés importantes. Elle autorise l’existence d’états dit robustes. Ces états se conservent au cours du temps ce qui permet d’avoir des objets bien localisés et des trajectoires bien définies (ce qui est problématique en mécanique quantique). Ce mécanisme autorise ainsi l’existence d’une mémoire. Mais les aspects statistiques garantissant ce mécanisme impliquent une augmentation d’entropie, une forte augmentation d’états possibles et des effets liés à l’influence sensitive des conditions initiales. L’analyse de ces mécanismes est assez difficile mais elle permet de montrer que le passé est fort différent du futur (à condition d’avoir cette « flèche du temps » imposée par l’entropie). Le système garde facilement mémoire de traces du passé identifiables comme telles alors que la prédiction du futur peut être fort problématique.

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Pourquoi cette flèche du temps coïncide-t-elle automatiquement avec la dissymétrie globale constatée de l’univers et avec un temps t croissant ? C’est en fait automatique.

Si l’on trace l’ensemble de tous les états possibles, on peut alors voir l’évolution de l’état du système (par exemple tout l’univers) comme une suite d’états reliés causalement (sans qu’un sens du temps soit nécessairement précisé). Si une dissymétrie début – fin existe, alors les phénomènes reliés à l’évolution du système dans la trajectoire globale ci-dessus, à cause des caractéristiques des phénomènes irréversibles et de la décohérence, vont nous faire appeler « passé » le point à faible entropie et « futur » le point à haute entropie. De plus, notre cerveau évoluant comme tout système physique est en accord avec cette évolution globale. Enfin, le temps t est totalement conventionnel. C’est l’usage et l’habitude qui a conduit à adopter un temps t qui est croissant du passé vers le futur car cela semblait naturel. Il arrive que l’on compte à rebours (pensez au lancement des fusées, par exemple) et dans ce cas la variable t diminue vers le futur. Mais ce renversement du signe de t ne signifie pas que l’on remonte le temps !

Renverser le temps On arrive justement à ce point important. Peut-on forcer un système à remonter le temps, c’est-à-dire à évoluer à l’envers ? C’est possible à l’échelle microscopique avec seulement quelques particules. Dans ce cas, les effets statistiques sont négligeables et on fait un peu ce qu’on veut avec ces particules. Du moins s’il n’y a pas trop d’interactions avec l’environnement car alors on doit automatiquement tenir compte d’un grand nombre de particules. A l’échelle microscopique, c’est interactions avec l’environnement induisent le mécanisme de décohérence qui est un handicap pour les physiciens essayant d’exploiter les propriétés quantiques. Si l’on veut renverser le temps d’un objet macroscopique (par exemple on voudrait qu’une vieille souris rajeunisse jusqu’à devenir un souriceau), on se heurte à quatre difficultés.

La première, la moins grave, est d’ordre énergétique. En effet, il faudrait renverser la direction vers laquelle bouge chaque particule. Pour cela il faudrait fournir de l’énergie (un peu comme si vous vouliez arrêter une voiture en pleine course pour lui faire faire demi-tour). Pour un très grand nombre de particules, pour un objet macroscopique, cela impliquerait une énergie considérable. L’énergie totale de l’objet est en réalité inchangée

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(l’énergie cinétique d’une particule dépend de la vitesse mais pas de la direction). Mais cela n’est pas paradoxal. Cette énergie importante devrait être utilisée pour altérer le système, cette énergie se perdant ensuite sous forme dégradée (chaleur) ce qui s’explique par le fait qu’on essaie de diminuer l’entropie du système. Cette énergie énorme n’est toutefois pas inaccessible pour nos moyens et des systèmes de taille modeste.

Il faudrait isoler le système de l’environnement car le contact et les échanges avec l’environnement auraient vite fait de remettre l’évolution du système dans le « droit chemin », c’est-à-dire une évolution semblable à l’évolution globale du passé vers le futur. Or, les physiciens ont déjà du mal (décohérence) à isoler quelques atomes. Les meilleurs temps d’isolement suffisant ne durent aux mieux que quelques minutes. Il y a presque toujours des contacts avec des molécules venant heurter des parois, des rayonnements (ondes radios, lumières,…) venant frapper les molécules. L’isolement parfait est une utopie. Et là, avec la souris, on ne parle pas de quelques atomes mais des milliards de milliards de milliards.

Une difficulté plus grande est qu’il faudrait contrôler le mouvement de milliards de milliards de milliards de particules.

Plus encore. L’influence sensitive aux conditions initiales implique que l’on doive faire cette opération avec une précision extrême sous peine de voir le système diverger rapidement et suivre une évolution complètement différente de celle correspondant à son passé. Dans le graphique sur l’influence sensitive, c’est la partie gauche du diagramme. Et cette précision extrême devrait se faire avec des milliards de milliards d’atomes.

Autant dire que cela semble totalement inaccessible même pour un objet de la taille d’un microbe. Et la perspective de pouvoir faire cela est totalement impossible à concevoir même à long terme. Peut-être dans un avenir vraiment lointain ? Ce serait encore plus difficile avec le premier scénario imaginé pour les voyages dans le temps sans paradoxe. Il faudrait faire cela pour tout l’univers ! Et là on rencontre une cinquième difficulté rédhibitoire : il faudrait agir sur tout l’univers. Or celui-ci à une taille telle que même les signaux les plus rapides existant (la lumière dans le vide qui constitue une vitesse limite infranchissable, du moins pour la relativité) mettent des milliards d’années pour le traverser. Ce serait comme essayer de coordonner une foule immense très indisciplinée en étant limité dans les communications (par exemple, en ne pouvant parler qu’à une seule personne à la fois et en ne prononçant qu’un seul mot par jour). Autant dire que ce scénario est totalement fantasmagorique.

La relativité restreinte La relativité restreinte est la théorie de l’espace et du temps prenant en compte des effets comme l’invariance de la vitesse de la lumière.

Repères Pour pouvoir faire des mesures, des expériences, des études de phénomènes physiques, il est nécessaire de donner de valeurs numériques précises aux positions et aux instants auxquels se produisent les phénomènes. Comme nous l’avons vu, cela se fait en utilisant des repères précis par rapport auquel on détermine la position des objets. Un exemple bien connu est le système des

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latitudes et longitudes qui repèrent les lieux par rapport à la Terre. En plus de repérer les positions, on détermine les instants à l’aide d’horloges. Considérons deux observateurs A et B, chacun équipés de son horloge. Par facilité, nous

considérerons la situation suivante.

L’observateur A est situé au point O, il utilise trois directions (x, y et z non représenté) pour identifier

la position de chaque objet ou événement auquel il attribue ainsi trois coordonnées x, y et z. Il a aussi

une horloge indiquant le temps t. Ce système de repérage constitue son repère (K) par rapport

auquel il peut donner des coordonnées (position et instant) précis à chaque événement. Nous avons

l’habitude de tels repères quand on dit « la colline est à trois kilomètres de ma maison » ou « l’île se

situe à 45° de longitude ouest avec le méridien de Greenwich », anciennement on utilisait le

méridien de Paris).

De même, l’observateur B est situé au point O’ et utilise les trois directions (axes) x’, y’, et z’ et il

dispose d’une horloge indiquant le temps t’. Le repère sera noté K’. Les axes sont disposés comme

sur la figure.

L’observateur B est en mouvement par rapport à A à la vitesse V, qui est aussi la vitesse de O’ par

rapport à O (ou de O par rapport à O’ avec renversement du sens de la vitesse) ou la vitesse de K’ par

rapport à K. Lorsque les points O et O’ coïncident, on choisit les coordonnées du temps telles qu’à cet

instant t = t’ = 0 (c’est juste une question de facilité).

Par exemple, A pourrait être immobile sur le quai d’une gare et B pourrait être dans un train où il

effectue toutes ses mesures par rapport à sa propre position.

La relativité restreinte La relativité utilise deux postulats :

Principe de relativité restreinte : tous les repères inertiels sont équivalents. Un repère inertiel est un repère en mouvement à vitesse constante où l’on ne ressent aucune accélération et où les lois classiques de la mécanique (les lois de Newton) sont valides. Ce principe signifie que les lois physiques décrivant les phénomènes doivent garder la même forme quel que soit le repère utilisé pour les formuler. Cela ne signifie évidemment pas que ces repères sont identiques et que tout ce qui s’y passe aussi. Par exemple, notre observateur A sur voit le train en mouvement tandis que B considère que le train ne bouge pas par rapport à lui.

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Ce principe est en fait assez naturel. Il est difficile d’imaginer un repère absolu, spécial, par rapport auquel repérer les événements. Par exemple, on pourrait dire que A a un « meilleur » repère que B car il est immobile tandis que B est dans un train. Mais le repère de A est-il si bon ? Après tout la Terre n’est pas immobile, elle tourne autour du Soleil. Et l’ensemble Terre – Soleil tourne autour de la Galaxie. En réalité, il n’y a pas de repère absolu. Il n’y a que des choix arbitraires, humains. C’est nous qui choisissons de déterminer les positions par rapport à tel ou tel repère. Ce choix n’influence évidemment pas la manière dont les phénomènes physiques se produisent (un passager sur le quai laisse tomber son billet : ce phénomène se produit autant du point de vue de A que de B). Ce choix n’influence que la manière de décrire le phénomène. On souhaite donc que cette description soit la plus universelle possible et ne dépende pas du repère. Le choix des repères inertiels est un choix restreint, d’où le nom de relativité restreinte. On généralisera plus tard.

La vitesse de la lumière dans le vide, c, est constante et invariante. Cela signifie que cette vitesse ne varie pas au cours du temps et qu’elle est identique pour tout observateur. Cette vitesse a été mesurée dans de nombreuses circonstances et à l’aide de nombreux moyens. Ce postulat est vérifié expérimentalement avec une précision extrêmement grande (à tel point qu’on se sert maintenant de la vitesse de la lumière pour définir le mètre étalon pour la mesure des longueurs). La vitesse de la lumière ne dépend pas du mouvement de l’émetteur ni du récepteur. En physique classique, cela peut sembler étrange. En effet, si l’observateur B émet un rayon lumineux vers l’avant du train et que ce rayon se déplace à la vitesse c par rapport à lui, on s‘attend à ce que la vitesse du rayon lumineux mesurée par A soit V + c. Ce n’est pas ce qui est expérimentalement constaté. De toute évidence, la simple addition des vitesses ne marche pas lorsque l’on envisage des vitesses très élevées comme celle de la lumière. Comme la vitesse n’est rien d’autre qu’une certaine distance parcourue en un certain temps, cela signifie qu’il doit y avoir des changements dans les concepts d’espace et de temps.

La mesure de l’espace peut se faire en utilisant des règles étalons disposées de la manière indiquée pour les repères ci-dessus. La mesure du temps peut se faire en utilisant des horloges. Il reste un détail important à régler. Comme on a deux observateurs, on a deux horloges. Comment

les synchroniser ? En fait, comme les observateurs vont noter des phénomènes se produisant à

différents endroits, il faut aussi se poser la question : comment mesurer le temps à un endroit

différent de O ou O’ ?

Pour cette deuxième question on peut, au moins par la pensée, disposer des horloges un peu partout

de façon à en avoir une à chaque endroit où l’on désire mesurer le temps. Il reste donc la question de

synchronisation des horloges. Voici une procédure possible (procédure d’Einstein, plusieurs

procédures sont possibles et elles sont équivalentes au prix, éventuellement, d’une redéfinition des

coordonnées).

Pour A, on dispose un ensemble d’horloges immobiles par rapport à A. C’est-à-dire que les

coordonnées x, y, z de chaque horloge ne varient pas au cours du temps. Ainsi, la distance

entre O et chaque horloge peut être mesurée en utilisant le repère et cette valeur ne change

pas.

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A synchronise alors toutes ses horloges avec l’horloge H située en O. Pour ce faire, il envoie

des signaux entre les horloges en tenant compte du temps de propagation du signal entre

chaque horloge. S’il utilise la lumière, connaissant la distance entre les horloges et

connaissant la vitesse de la lumière, le temps de propagation est facile à calculer. Ainsi,

l’ensemble des horloges mesurera un temps t concordant dans l’ensemble du repère K.

B peut faire de même avec des horloges immobiles par rapport à O’ (donc différentes de

celles utilisées par A même si d’aventure elles peuvent se croiser) et il les synchronise par

rapport à son horloge H’ située en O’.

Pour pouvoir comparer les mesures effectuées par A et B, il reste à synchroniser les horloges

H et H’. La définition des repères ci-dessus en donne la clef. Au moment où O et O’ se

croisent, les horloges H et H’ sont situées au même endroit. On peut aisément les

synchroniser en réglant t = t’ = 0, puis A et B synchronisent les autres horloges comme

expliqué ci-dessus.

Sans entrer dans les détails techniques, notons deux choses importantes :

Il entre dans les différentes relations en relativité, un facteur, appelé « facteur gamma » ( ) qui est environ égal à un pour des vitesses V faibles et qui diverge lorsque V tend vers c. La valeur de gamma ne diffère de un que pour des valeurs notables de V par rapport à la vitesse de la lumière. Ainsi, même à 100000 km/s, gamma vaut seulement 1.06.

En général, pour un événement donné E, on aura , même si l’on a synchronisé les

horloges.

Relation entre masse et énergie La relativité montre qu’il existe une relation entre l’énergie et la masse des objets. Pour un objet au repos, c’est-à-dire immobile dans le repère considéré, on a : Formule célèbre s’il en est.

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Pour un objet en mouvement, avec un facteur gamma donné, on a :

Cette énergie croît donc très vite. En fait, même pour un objet au repos, l’énergie propre donnée ci-dessus est très élevée, à cause du facteur (carré de la vitesse de la lumière, en mètres par seconde, il vaut 90000000000000000). Ainsi, l’énergie d’un électron au repos est de 512000 électronvolts, à comparer aux 13.6 de l’ionisation de l’hydrogène (arracher l’électron à l’atome). Il existe dans la nature des particules appelée antimatière qui sont simplement les mêmes particules que celles que nous connaissons mais avec des charges opposés. Ainsi, l’antiélectron, ou positron, est exactement identique à l’électron mais avec une charge électrique positive. Lorsqu’une particule rencontre une antiparticule correspondante, elles s’annihilent en se transformant en photons (lumière). Par exemple, un électron et un positron s’annihilent (par exemple) en donnant deux photons de 512000 électronvolts, ce qui est considérable (rayons gammas).

La dilatation du temps Supposons que O observe O’ se déplaçant à la vitesse V. O et O’ transportent leur propre horloge. O regarde le temps écoulé sur l’horloge de O’ et compare à sa propre horloge. Bien entendu, la lumière met un certain temps pour aller de O’ à O et comme O’ est en déplacement, cela induit un décalage dont on doit tenir compte. Ce n’est pas cet effet qui est mesuré ! O constate alors que le temps écoulé sur l’horloge de O’ est plus faible que celui qu’il mesure sur sa propre horloge. De son point de vue, le temps de O’ est plus lent. Cela s’appelle la dilatation du temps. Le facteur de dilatation n’est autre que le facteur gamma. Il ne devient donc important que pour des vitesses très élevées. On pourrait croire que le référentiel attaché à O est spécial puisque par rapport à lui tout référentiel a un temps dilaté. Mais il n’en est rien. En effet, si O’ observe O, il constate lui aussi que O est en mouvement à vitesse V par rapport à lui et que le temps de O est ralentit (et pas accéléré !). Le temps est relatif et l’effet réciproque. Cette situation implique que, contrairement à la physique classique, il est impossible d’avoir une horloge universelle battant la mesure de tous les événements. La situation est plus compliquée. De nombreux exemples expérimentaux existent de cette dilatation du temps. Citons :

Lorsque les rayons cosmiques (particules énergétiques très rapides émises par les étoiles) frappent la haute atmosphère, ils provoquent l’émission de gerbes de particules, en particulier de muons. Ces muons sont des espèces d’électrons lourds avec une durée de vie très courte : ils se désintègrent rapidement en électron. Leur durée de vie est trop courte pour qu’en principe on puisse les observer. Même s’ils se déplaçaient à la vitesse de la lumière, le temps mis pour arriver jusqu’au sol est trop grand. Pourtant on les observe bel et bien ! Cela est dû à la dilatation du temps qui allonge leur durée de vie. La dilatation n’est donc pas un effet apparent. Elle a des conséquences mesurables l’arrivée au sol ou pas des muons).

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Le même effet est observé quotidiennement par les physiciens dans les grands accélérateurs de particules où ils créent des particules à la durée de vie si brève qu’on ne devrait pas en principe les observer dans les détecteurs. Mais la dilatation du temps leur permet de laisser de petites traces mesurables.

Lorsque l’on déplace des horloges atomiques en avion, la dilatation du temps est suffisante et ces horloges suffisamment précises pour introduire un décalage à cause de la dilatation du temps.

De même, les satellites GPS en orbites ont des horloges atomiques dont on corrige la fréquence du facteur de dilatation du temps sinon l’erreur induite sur les systèmes de géolocalisation serait de plusieurs centaines de mètres. Voilà un effet concret bien utile aux automobilistes qui n’ont pas envie que leur GPS leur dise de tourner trop tôt au risque de plonger dans un canal !

Le cône relativiste Considérons un événement O donné. On peut classer l’ensemble des points de l’espace-temps (les autres événements) comme suit.

Les deux grands traits noirs formant comme deux triangles sont les trajectoires des rayons lumineux issus de O. Si l’on avait deux dimensions spatiales, ces trajectoires formeraient un double cône, d’où le nom de cône relativiste. Comme la vitesse de la lumière est invariante, l’angle de ces droites (la pente est donnée par la vitesse) est invariant. Ces droites sont les mêmes pour tout observateur. La division en zones I, II, etc. ci-dessus est donc parfaitement objective et indépendante de l’observateur. On peut distinguer trois types de zones.

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La zone III est constituée par les rayons lumineux issus de O ou reçus par O. Tout événement (tout point de l’espace-temps) situé dans cette zone peut être joint à O par un signal lumineux. On dit que les deux événements sont reliés par un intervalle de type lumière.

Les zones I et II sont constituées des points qui peuvent être reliés à O par un signal allant à une vitesse inférieure à celle de la lumière. On dit que l’intervalle est de type temps. Tout objet ou signal ayant une vitesse inférieure (ou égale) à la vitesse de la lumière, toutes les trajectoires physiques passant par O sont contenues dans ces zones. Par exemple la ligne bleue.

La zone IV est constituée des points qui ne pourraient être joint à O que par un signal se propageant plus vite que la lumière. L’intervalle est de type spatial. Comme aucun signal plus rapide que la vitesse de la lumière dans le vide ne peut exister (cela conduit à des paradoxes en relativité et effectivement les seules vitesses mesurées supérieure à cette vitesse concerne des phénomènes ne transmettant ni information, ni matière, ni énergie) alors il ne peut y avoir aucune relation causale entre O et ces points.

On peut montrer deux choses importantes :

L’ordre temporel dans lequel se produisent deux événements séparés par un intervalle spatial n’est pas défini. Il dépend de l’observateur.

Par contre, pour un intervalle de type temps, l’ordre temporel est respecté. Il est le même pour tout observateur, même si les durées peuvent être différentes (dilatation du temps).

Voilà qui simplifie les choses et qui permet de faire le parallèle avec la causalité et l’ordre temporel classique. Ici, cette causalité est restreinte aux zones I, II et III. L’ordre étant préservé et les zones objectives, si l’on appelle la zone I « futur » et la zone II « passé », alors cette dénomination sera valable pour tout observateur. A nouveau, le signe de la coordonnée t est conventionnel. Et sans autre information, les zones passé et futur sont également conventionnelles. Ce qui a été dit sur les comportements statistiques restent valide et la flèche du temps, c’est-à-dire la distinction entre zones passé et futur dans le graphique, est donnée par les considérations thermodynamiques et statistiques. Ceci implique donc que l’on retrouve les mêmes difficultés qu’en physique classique avec l’impossibilité des voyages dans le temps. Mais cela va évoluer très vite avec la relativité générale et malgré-tout la relativité restreinte permet de jolis effets que nous verrons.

La relativité générale La relativité générale est la généralisation de la relativité restreinte à tous les repères, mêmes

accélérés et pour des accélérations quelconques, y compris non uniformes.

Elle inclut les effets de la gravitation.

C’est une théorie assez vaste et difficile, autant d’un point de vue conceptuel que par ses outils

mathématiques. On ne fera que l’esquisser sans entrer dans le détail des déductions.

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De la relativité restreinte à la relativité générale Considérons un point, ou plus exactement un événement. On peut toujours construire un système de

coordonnées tel que dans le voisinage immédiat (autant spatial que temporel) de cet événement, la

relativité restreinte s’applique.

Mais cette propriété ne peut pas s’étendre partout. Il est impossible, en général, de trouver un

système de coordonnées tel que la relativité restreinte garderait sa forme en tout point.

Plus précisément, la géométrie de l’espace-temps n’est plus décrite par un espace de Minkowski où

les droites sont… droites ! L’espace-temps est courbe (pas l’espace tout seul, mais bien l’ensemble

espace-temps). Comme peut l’être une surface :

Sauf qu’une surface est à deux dimensions (deux coordonnées suffisent pour repérer un point sur la

surface) tandis que l’on parle ici d’espaces à quatre dimensions (trois coordonnées spatiales et une

de temps). Il est clair qu’il est difficile de se représenter mentalement de tels objets que l’on appelle

aussi des variétés.

En chaque point de cette variété courbe on peut construire un espace-temps tangent (c’est la

généralisation d’une droite tangente à une courbe ou d’un plan tangent à une surface courbe). Cet

espace-temps tangent n’est autre que l’espace-temps de Minkowski.

Parlons plus physiquement. Le principe d’équivalence affirme que la masse inerte (celle de la loi

d’inertie de Newton) est égale à la masse pesante (celle de la loi sur la gravitation). Par conséquent

tous les corps tombent à la même vitesse (plus exactement avec la même accélération de

pesanteur), pour peu qu’ils soient suffisamment petits (pour avoir une gravité uniforme) et

suffisamment légers (pour ne pas eux-mêmes attirer la Terre !). Si l’on est dans un ascenseur qui est

en chute libre (le câble s’est rompu) alors on est en apesanteur (jusqu’au crash final en bas). Si on

lâche son stylo, celui-ci tombant à la même vitesse que nous et l’ascenseur, il va « flotter » à nos

côté. Ce type d’expérience est régulièrement mené avec des avions qui coupent leurs moteurs (vols

balistiques) pour y effectuer des expériences (courtes) en apesanteur ou pour l’entraînement des

astronautes (et même parfois pour filmer des acteurs en apesanteur pour un film, comme pour le

film Apollo 13).

C’est en utilisant ce type de raisonnement qu’Einstein a montré que le principe d’équivalence

impliquait qu’il y avait équivalence locale entre la gravité et un repère accéléré. Plus précisément, si

on attache un repère à cet objet en chute libre, il décrit localement un espace-temps de Minkowski,

comme expliqué plus haut.

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De proche en proche on peut alors construire la variété complète de l’espace-temps, courbe en

général en présence d’une gravité non constante et uniforme.

On montre aisément que les trajectoires suivies par les objets en chute libre, c’est-à-dire sans force

appliquée sur l’objet (autre que la gravité), sont les géodésiques de la variété. Ces géodésiques sont

les généralisations des droites des espaces sans courbure. Les géodésiques sont le chemin le plus

court entre deux points (de l’espace-temps).

On peut l’illustrer dans un cas plus simple. Considérons une sphère :

On peut tracer sur cette sphère des grands cercles, appelés comme ça car ce sont les plus grands

cercles que l’on peut tracer sur la sphère. Chacun sépare la sphère en deux parties égales. Des

exemples sur Terre sont l’équateur ou les méridiens (mais pas les parallèles autres que l’équateur).

Les grands cercles sont les géodésiques de la sphère.

Il est facile de voir que sur une sphère, le chemin le plus court entre deux points est un arc de grand

cercle. C’est le chemin généralement suivi par les navires ou les avions sur de grandes distances (à

des écarts près liés aux vents, aux courants, aux frontières de pays à risque, à la préférence du vol au-

dessus des terres et le respect des couloirs aériens).

Considérons maintenant un observateur de très petite taille placée sur la sphère et observant une

route. Par exemple une fourmi ou même un humain en général tant qu’il ne regarde pas trop loin

vers l’horizon. Le sol lui parait bien plat et la route bien droite. Mais si on prolonge la route, on finit

par faire le tour de la Terre et par tracer un grand cercle. Les géodésiques sont la généralisation

naturelle des droites à des espaces courbes.

La courbure de l’espace-temps La courbure de l’espace-temps est, comme nous l’avons dit, difficile à se représenter.

Nous, humains, qui sommes habitué à l’espace qui nous entoure et qui se représente avec une très

bonne approximation par un espace euclidien (l’espace habituel, sans courbure et avec la géométrie

que l’on apprend à l’école), nous avons tendance à nous représenter les variétés courbes comme

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étant plongées dans l’espace ordinaire (ou tout espace avec plus de dimensions que la variété). Par

exemple, une courbe tracée sur une feuille, un ballon ou un cylindre posé sur la table devant nous.

Malheureusement, plonger une surface courbe dans un espace plus grand est trompeur, car ce qui

nous importe ici est la courbure intrinsèque et non la courbure extrinsèque. Voyons ça d’un peu plus

près.

Considérons une ligne droite graduée. Si on la tort, sans l’étirer ni la contracter, par exemple comme

avec une ficelle ou un mètre ruban, voici ce qu’on obtient :

La courbure ainsi obtenue de la ligne est une courbure extrinsèque. Elle est liée non pas à la ligne

elle-même mais à son parcourt dans l’espace où on l’a dessinée. Toute la structure de la ligne elle-

même, indépendamment du reste de l’espace, est donnée par les graduations tracées sur la ligne et

qui donnent, par exemple, la distance entre deux points en suivant la ligne. Cette distance est

indépendante de la manière d’enrouler la ligne. Une ligne n’a jamais de courbure intrinsèque, elle

est, de ce point de vue, équivalente à une droite.

Un bon moyen d’étudier la géométrie d’une surface est d’y tracer un triangle (dont les côtés sont des géodésiques). Nous avons tous appris à l’école que la somme des angles aux sommets du triangle est égale à 180°. Traçons un tel triangle à la surface d’une sphère.

Ici nous avons tracé un triangle assez grand, obtenu par exemple avec l’équateur et deux méridiens à

90°. Les angles au sommet du triangle sont tous des angles droits et la somme des angles vaut 270°.

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La différence avec 180° est appelée excès sphérique. Si l’on divise l’excès sphérique par la surface du

triangle, on obtient le rayon de courbure qui n’est autre que le rayon de la sphère. Si la courbure

n’est pas constante (forme irrégulière) on fait le calcul en prenant des triangles de plus en plus petits

pour obtenir la courbure en un point.

Il existe aussi le cas de la géométrie hyperbolique où la courbure est négative (typiquement, le col

d’une selle de cheval). Ici on dit que la sphère a une courbure intrinsèque liée à sa géométrie

sphérique.

Si l’on fait le même exercice avec la surface arrondie d’un cylindre, on constate que la somme des

angles d’un triangle fait toujours 180°. Donc le cylindre n’a pas de courbure intrinsèque ! Il a une

courbure extrinsèque et on peut voir qu’il est équivalent à un plan simplement en fendant le cylindre

(dans le sens de la longueur) et en le déroulant comme une feuille. Cette opération n’est pas

réalisable avec la sphère qui ne peut pas être aplatie sans être déformée ou déchirée en tout point.

En relativité générale, on parle de la courbure intrinsèque de la variété à quatre dimensions. C’est

évidemment difficile à visualiser. On peut et on doit faire abstraction d’un hypothétique espace

contenant la variété courbe.

A quatre dimensions, la situation est plus complexe et au lieu d’avoir une seule valeur pour la

courbure comme pour la sphère, il faut 20 valeurs de courbure. L’objet mathématique rassemblant

ces 20 paramètres est appelé tenseur de courbure de Riemann-Christoffel et on en déduit d’autres

objets mathématiques tel que le tenseur de Ricci ou la courbure scalaire (analogue au rayon de

courbure).

Les paramètres de la courbure peuvent être identifiées avec la déviation géodésique (le fait que deux

géodésiques qui se côtoient vont s’écarter progressivement) ou avec les forces de marrées.

La forme exacte de la variété dépend de la distribution de matière et énergie à l’origine de la force

gravitationnelle. La relation est donnée par l’équation d’Einstein qui relie la courbure de l’espace-

temps à la densité de matière et d’énergie.

Selon la distribution de matière, on obtient des solutions différentes. Par exemple, pour une

distribution de matière concentrée et à symétrie sphérique, des solutions possibles sont la géométrie

de Schwartzchild (décrivant une variété décrite par une métrique de Schwartzchild, la métrique est la

description des relations entre coordonnées) ou la géométrie de Kerr.

Le champ gravitationnel autour du Soleil est assez proche de ce genre de solution.

Les ondes gravitationnelles Lorsque des corps massifs voient leur état de mouvement changer (c’est-à-dire lorsqu’ils sont accélérés, par exemple deux étoiles massives en orbite l’une autour de l’autre) cela induit une modification de la gravité ressentie à distance. Cette modification n’est pas instantanée, ce qui serait d’ailleurs contraire à la relativité, mais se propage à une certaine vitesse (en fait, à la vitesse de la lumière). La gravité se manifestant par une

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courbure de l’espace-temps, cette propagation se fait sous forme d’ondes gravitationnelles, c’est-à-dire des « rides » de l’espace-temps ou plus exactement des variations périodiques de sa courbure. Les ondes gravitationnelles sont toujours de faible intensité et interagissent peu avec la matière, ce qui rend leur détection difficile. On a toutefois pu les mettre en évidence indirectement en étudiant comment cela affecte le mouvement de deux étoiles massives en rotation l’une autour de l’autre. Les physiciens cherchent actuellement activement à réussir une observation directe à l’aide de détecteurs appropriés.

La dilatation du temps gravitationnelle Puisque localement, dans une petite zone de l’espace-temps, la relativité restreinte s’applique, tout ce que nous avons vu concernant la relativité restreinte s’applique aussi. Sur des régions plus grandes, la situation est généralement plus compliquée car la comparaison du temps entre deux points dépend des trajectoires ou des géodésiques empruntées pour véhiculer les signaux. En particulier, lorsque la forme de l’espace-temps est tarabiscotée, la situation peut être complexe et étrange. Nous pouvons ici déjà voir un exemple simple : la dilatation du temps gravitationnelle. Considérons un observateur A avec son horloge plongé dans un champ gravitationnel fort (par exemple à la surface d’une planète ou près d’une étoile massive) et un observateur B avec son horloge situé dans une zone de champ gravitationnel faible, par exemple dans l’espace. On peut les supposer immobiles l’un par rapport à l’autre. Si B observe l’horloge de A, il va constater que cette horloge fonctionne plus lentement que la sienne. C’est la dilatation du temps gravitationnelle. Elle n’est d’ailleurs pas une conséquence de la relativité générale mais simplement de la relativité restreinte, de l’existence de la gravitation et de la conservation de l’énergie. Contrairement à l’effet dû à la vitesse, cette dilatation du temps n’est pas réciproque. Ainsi, lorsque A observe B, il constate que son horloge va plus rapidement. Ce phénomène a pu être observé dans de multiplies circonstances :

Initialement, il fut mesuré en comparant l’émission d’un rayonnement de fréquence bien précise (les vibrations lumineuse faisant office d’horloge) avec son absorption par un autre atome. L’émission se faisant au pied d’une tour et la réception au sommet. La différence de gravitation entre le pied et le sommet est faible mais suffisante pour induire un effet mesurable.

On observe aussi ce phénomène avec les étoiles. Le rayonnement qu’elles émettent est légèrement décalé vers les grandes longueurs d’onde (décalage vers le rouge) à cause de la dilatation du temps produite par la gravité importante des étoiles.

A nouveau, les satellites GPS étant en altitude, leurs horloges atomiques sont affectées par de phénomène et les corrections doivent s’ajouter à celles induites par la relativité restreinte seule.

Enfin, l’observation montre que l’univers est en expansion. Les galaxies s’éloignent les unes des autres. Dans un lointain passé, elles étaient plus proches et la densité de matière plus grande. La gravité moyenne de l’univers était ainsi plus grande. Tout rayonnement qui se balade dans l’univers subit ainsi progressivement une gravité de plus en plus faible. Cela induit un décalage vers le rouge qui est observé quotidiennement et sert même à mesurer

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les distances des galaxies puisque le décalage est proportionnel au temps écoulé et donc à la distance parcourue par la lumière. On l’appelle aussi loi de Hubble qui l’a découvert.

Un temps bien relatif La relativité autorise des choses bien sympathiques pour notre sujet.

Le paradoxe des jumeaux

Présentation Considérons la situation suivante. On a deux jumeaux : Albert et Bernard. Bernard décide de faire un voyage pendant un an à bord d’une fusée pendant que Albert reste sur Terre.

Il voyage à une vitesse proche de celle de la lumière de telle manière que le facteur gamma est égal à 50 (cela correspond à une vitesse égale à 99.92% de la vitesse de la lumière dans le vide). Etant donné la dilatation du temps, le voyage qui n’a duré qu’un an pour Bernard, a duré en réalité 50 fois plus pour Albert, sois 50 ans. Lorsque Bernard retrouve son frère, il n’a presque pas vieilli tandis qu’Albert est devenu très vieux. Situation bien étrange pour des jumeaux. Cette situation semble déjà paradoxale à certaines personnes. Mais cela est simplement dû à une méconnaissance de la relativité et de ses effets. La dilatation du temps et ce phénomène des « jumeaux » est couramment observé avec des particules ou des horloges atomiques. Bien entendu, s’il est (relativement) aisé de communiquer des vitesses énormes à des particules atomiques, c’est beaucoup plus difficile avec des objets macroscopiques. Les décalages observés avec les horloges atomiques se mesurent en microsecondes ou moins et pour un humain cette différence d’âge ne pourrait pas être visible. Les voyageurs en avions n’ont pas trop de soucis à se faire. Ce qu’on appelle le paradoxe des jumeaux est tout autre chose. Le raisonnement que nous avons présenté est celui d’Albert qui constate la dilatation du temps de Bernard à cause de sa vitesse V. Mais Bernard peut lui aussi tenir ce raisonnement. Il voit Albert s’éloigner de lui (puis se rapprocher) à la même vitesse V. Il peut donc lui aussi constater une dilatation du temps d’Albert du même facteur gamma 50. C’est le caractère réciproque de la dilatation du temps. Donc, de son point de vue,

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le temps écoulé pour Albert devrait être 50 fois plus court, soit à peine plus d’une semaine. Donc, lors de leur retrouvaille, Albert devrait être un peu plus jeune (d’un peu moins d’un an). Là, on a cette fois un paradoxe puisque l’on a deux conclusions différentes à partir de la même situation. Celui-ci a fait couler beaucoup d’encre et est certainement celui qui a été le plus discuté. Sans doute aussi parce qu’il est simple à décrire, qu’il faut juste connaitre un peu de relativité pour en parler mais qu’il faut bien la maîtriser pour comprendre la solution. Cela signifie que les curieux et autres amateurs de relativité s’y frottent presque systématiquement. En réalité, le paradoxe résulte seulement d’une application erronée de la relativité, même si ce n’est pas flagrant au premier abord. Avant de l’expliquer, notons que le paradoxe des jumeaux vient d’une description de la relativité faite par Paul Langevin, un grand admirateur des travaux d’Einstein et qui popularisa la relativité en France. Il avait pris l’exemple de jumeaux pour bien faire comprendre ce décalage dans leur âge mais il n’y avait aucun paradoxe dans son raisonnement et il appliquait parfaitement les règles de la relativité. Mais certains lecteurs, comprenant mal la relativité et les explications de Langevin, ont forgé ce paradoxe et la légende du « paradoxe des jumeaux de Langevin ».

Analyse correcte L’erreur ci-dessus est assez simple. La relativité restreinte, et toutes les formules qui s’y rattachent, est construite pour des repères inertiels. Si l’on imagine qu’Albert est immobile dans un repère inertiel donné, alors ce ne peut pas être le cas de Bernard qui doit forcément faire demi-tour pour revenir près de son frère et lors de ce demi-tour, la vitesse de Bernard doit s’inverser. Il doit subir une accélération quelconque qui lui fait faire demi-tour et cette accélération empêche un référentiel qui lui serait attaché d’être inertiel. Le raisonnement fait en se mettant à la place de Bernard est donc incorrect. L’analyse d’Albert est correcte. Et il n’y a pas de paradoxe. Si l’on imagine que le retour est brutal (ce qui simplifie l’analyse car la vitesse est alors constate sauf au moment du demi-tour) alors les trajectoires des deux jumeaux sont faciles à tracer, par exemple dans le repère attaché à Albert.

Comme on le voit, les trajectoires dans l’espace-temps ont une forme fort différente. Et c’est cela qui est à l’origine du décalage dans l’âge des jumeaux.

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Le raisonnement erroné exploitait la symétrie entre les situations d’Albert et Bernard. Mais le demi-tour de Bernard rompt cette symétrie. S’il y avait une symétrie parfaite ou bien on aurait un paradoxe ou bien aucune différence d’âge. Par exemple, si Albert et Bernard effectuent chacun un voyage de leur côté (à même vitesse et même durée), lors de leurs retrouvailles ils seront plus jeune que ceux resté sur Terre mais ils auront toujours le même âge. Dans le cas de muons que nous avons cité en exemple, il semble y avoir un problème car les muons ne partent pas initialement du sol pour faire demi-tour. Leur vitesse est constante durant toute leur existence de la haute atmosphère jusqu’au sol. Où est la rupture de symétrie ici ? Elle l’est dans la manière de mesurer le temps. Nous ne l’avons pas indiqué car il est inutile d’aller aussi loin dans l’étude de la relativité ici mais la comparaison des horloges de deux repères dépend non seulement de la vitesse des repères mais aussi de la position des horloges. Or ici la situation est bien différente selon que l’on envisage le point de vue terrestre et le point de vue des muons. Du point de vue terrestre on envisage la durée de vie des muons en mesurant leur « âge » en deux endroits différents : dans la haute atmosphère et au sol. Tandis que pour le muon, dans son propre référentiel qui lui est attaché, il est immobile et tout sa vie se déroule au même endroit (dans son référentiel, là où il se trouve). Un autre point mérite examen : les accélérations sont-elles responsables du phénomène de décalage dans l’âge des jumeaux ?

Non. On ne s’en est d’ailleurs pas servi dans le raisonnement d’Albert et le facteur gamma ne dépend que de la vitesse V. Plus encore dans le cas des muons, il n’y a aucune accélération. Ce qui compte ce sont les différences de trajectoires (et les endroits où on mesure le temps).

Oui. Sans accélération, pas de trajectoire différentes. Et si l’on a une accélération constante pour Bernard (demi-tour progressif), l’accélération intervient dans la formule donnant la différence d’âge (avec une formule un peu compliquée impliquant un « cosinus hyperbolique »).

Non. Elle ne sert qu’à briser la symétrie et donner des trajectoires différentes. Tout dépend donc de ce que signifie « être responsable de ». Et cela explique les réponses parfois différentes des physiciens (et certaines discussion interminables). Par contre, à cause des accélérations, certains pensent que la relativité générale est indispensable pour comprendre, mais c’est totalement faux. Elle n’intervient que sur un point, nous y reviendrons plus bas.

Saut dans le temps Nous avons dit que le raisonnement de Bernard était fautif. Mais peut-on malgré-tout savoir quel est le point de vue de Bernard. La réponse est oui. Dans le cas d’une accélération constante, le référentiel de Bernard n’est jamais inertiel. Il est nécessaire de pousser les équations de la relativité plus loin pour les adapter à cette situation plus compliquée. Le repère accéléré est appelé dans ce cas repère de Rindler. La situation est fort complexe à analyser. Dans le cas d’un demi-tour brutal, la situation est nettement plus simple. On peut en effet attacher deux référentiels inertiels à Bernard. Un se déplaçant à vitesse V (par rapport au référentiel d’Albert) pour le voyager aller et un autre se déplaçant à vitesse –V pour le retour. Lors du demi-tour, on dit que Bernard effectue un saut de repère (en fait il n’effectue rien du tout, c’est nous qui changeons de repère pour analyser la situation).

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Pour des repères inertiels, on a bien une dilatation du temps. A l’aller comme au retour Bernard constate qu’Albert vieilli moins vite que lui. C’est lors du demi-tour que l’on a des choses intéressantes. Lors de ce demi-tour Bernard constate qu’Albert vieilli brutalement. Un calcul précis montre alors qu’au retour on retrouve les mêmes différences d’âge que dans le raisonnement du point de vue d’Albert. On dit qu’Albert a effectué un saut dans le temps ou qu’il y a un « time gap » (un trou dans le temps). En réalité ce saut dans le temps est totalement fictif et lié aux conventions utilisées en relativité restreinte. Lorsque l’on change de référentiel en passant de celui à vitesse V pour celui à vitesse –V, on change aussi d’horloges. On passe des horloges d’un repère aux horloges d’un autre repère. Et il n’y a aucune raison de croire que les horloges de chacun de ces deux repères, situées au niveau d’Albert, soient synchronisées et indiquent la même heure. Ce n’est pas le cas et la différence n’est rien d’autre que le saut dans le temps. C’est tout à fait normal. Le demi-tour de Bernard ne peut évidemment influencer Albert et encore moins un choix de repère. Il y a moyen d’avoir une description de la situation en utilisant directement ce que « voient » Albert et Bernard, avec leurs yeux, en utilisant le temps mis par la lumière pour leur parvenir. On l’appelle « explication Doppler ». Mais on peut s’en passer, l’explication précédente étant plus que largement suffisante ici.

Repères privilégiés Il reste un point à éclaircir. Nous avons utilisé un raisonnement symétrique erroné au début. Puis nous avons dit que Bernard n’était pas inertiel puisqu’il effectue un demi-tour ce qui demande des accélérations. Mais pourquoi est-ce lui qui doit effectuer ces accélérations. Pourquoi son repère n’est-il pas inertiel avec Albert s’éloignant de lui (de son point de vue) puis faisant demi-tour pour le retrouver ? Expérimentalement, le constat est clair. Bernard doit utiliser les réacteurs de sa fusée et c’est lui qui va ressentir ces accélérations. Pour la relativité restreinte, cela est suffisant puisque comme toute théorie scientifique, elle est avant tout basée sur l’expérience. De plus, il existe forcément au moins un repère inertiel. Il suffit de prendre un corps non accéléré, c’est-à-dire un corps sur lequel n’agit aucune force (par exemple un corps flottant loin dans l’espace) et de lui attacher un repère. Mais quelle est la raison physique pour laquelle l’expérience nous indique que tel repère est inertiel plutôt que tel autre ? Cette fois, c’est du côté de la relativité générale qu’il faut se tourner. La structure globale de l’espace-temps est entièrement déterminée par son contenu : la distribution des masses, planètes, étoiles,… Et les repères inertiels sont ceux correspondants à l’espace tangent en un point donné. C’est l’ensemble de l’univers qui « détermine » qu’Albert est bien dans le repère inertiel mais pas Bernard s’il souhaite faire demi-tour.

Voyages dans le temps Cette fois encore, pas de voyage dans le temps dans le sens voyage vers le passé. Mais par contre, les voyages vers le futur deviennent « faciles ». Il suffit pour cela de voyager suffisamment vite et longtemps. Expérimentalement, cela a été constaté avec des horloges atomiques. Nous ne disposons toutefois pas encore de fusée capable d’atteindre le milliard de kilomètres par heure nécessaire à

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l’expérience vécue par Albert et Bernard. On peut le faire avec des particules atomiques mais pas avec un corps humain. Mais cela sera peut-être possible un jour. Les voyages interstellaires seront bien compliqués pour gérer les calendriers !

Effets de la gravitation

Version gravitationnelle du paradoxe des jumeaux La dilatation du temps gravitationnelle peut aussi être utilisée pour implémenter une version des jumeaux. Imaginons la situation suivante :

Albert reste sur Terre tandis que Bernard entame un voyage, éventuellement à vitesse modérée, frôle une étoile très massive et revient sur Terre. Etant donné que Bernard séjourne près d’une étoile très massive, il subit un effet de dilatation du temps d’origine gravitationnelle. Du point de vue d’Albert il vieilli moins vite. Une fois de retour sur Terre, Bernard est plus jeune qu’Albert. Cette situation est même moins problématique que la précédente puisque la dilatation du temps n’est pas réciproque. Du point de vue de Bernard, Albert resté dans un champ gravitationnel faible a vieilli plus vite que lui. De plus, expérimentalement, c’est beaucoup plus abordable. Pas besoin d’atteindre des vitesses extrêmes et Bernard peut effectuer son vol autour de l’étoile massive de manière balistique. En calculant soigneusement sa trajectoire, une fois arrivé près de l’étoile, la gravité de celle-ci infléchit la trajectoire et il revient vers la Terre. C’est d’ailleurs ce qui fut fait avec la capsule Apollo 13 lorsqu’elle était en perdition, la Lune servant cette fois-là de simple moyen pour ramener la capsule vers la Terre. Ce procédé est aussi utilisé couramment avec les ondes interplanétaires et les planètes, non pour qu’elles fassent totalement demi-tour mais pour les accélérer à moindre coût (en profitant du fait que la planète est en mouvement, un effet appelé « fronde gravitationnelle »). Malheureusement, pour effectuer notre expérience des jumeaux, la Lune n’est pas suffisante. Elle est même moins massive que la Terre et c’est Bernard qui vieilli plus vite (de très peu) ! Le Soleil est nettement plus massif mais outre la difficulté de le survoler de près sans être réduit en cendre (ce qui est assez déplaisant), même lui provoque une dilatation du temps ridiculement faible. Il existe des objets beaucoup plus massifs dans l’univers comme les étoiles à neutrons, mais elles sont situées trop loin pour espérer les atteindre avec les moyens dont nous disposons. Les effets gravitationnels dans notre voisinage sont toutefois suffisants pour être mesurable avec des horloges atomiques ou les GPS, comme nous l’avions déjà dit.

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Effet de la géométrie de l’espace-temps Tout comme dans le cas de la relativité restreinte, le décalage temporel entre Albert et Bernard dépend de la différence de trajectoires des deux jumeaux dans l’espace-temps. Ces trajectoires peuvent être compliquées à souhait et, de plus, en relativité générale, la géométrie de l’espace-temps peut être extrêmement tarabiscotée. Cela rend les calculs parfois forts difficiles. Il y a aussi des cas extrêmes où le corps massif induit des effets spectaculaires. Ce les cas des trous noirs que nous allons voir maintenant.

Trous noirs

Qu’est-ce qu’un trou noir ? Un trou noir est un corps tellement massif et tellement dense que même la lumière ne peut s’en échapper. L’idée est assez ancienne. Déjà il y a plus de deux siècles, Laplace avait imaginé le concept de « corps sombre ». Plus un corps est massif et plus la gravité à sa surface est grande. Plus cette gravité est importante et plus la vitesse d’évasion est élevée. La vitesse d’évasion étant la vitesse avec laquelle il faut lancer un objet pour qu’il s’éloigne indéfiniment et échappe ainsi à l’attraction du corps. Sur Terre, la vitesse d’évasion est de 11 kilomètres par seconde. Si cette vitesse atteint la vitesse de la lumière, alors même la lumière ne pourrait s’en échapper. Le concept de corps sombre est toutefois assez différent de celui de trou noir issu de la relativité générale.

Lorsque l’on jette un objet vers le haut, celui-ci ralentit de plus en plus et si sa vitesse est insuffisante il finit par s’arrêter et retomber. Avec la lumière, ce n’est pas possible car l’on sait que sa vitesse est toujours égale à 300000 km/s.

Si un corps sombre classique ne peut émettre de lumière, il est tout de même possible de s’en échapper. Il suffit pour cela d’être équipé de fusées et de « pousser » assez longtemps. C’est d’ailleurs ce que l’on fait sur Terre avec les fusées, éjecter des objets à plus de 11 km/s serait en effet trop brutal (cela fait presque 40 millions de kilomètres par heure). Et cela reste assez difficile (nous sommes bien enracinés sur notre planète). Tandis que la théorie affirme que rien ne peut s’échapper d’un trou noir.

Le phénomène de corps sombre est issu de la théorie classique de la gravitation de Newton, tandis que le trou noir est une conséquence de la relativité générale. Le phénomène de trou noir est donc essentiellement lié aux propriétés géométriques de l’espace-temps.

Formation des trous noirs L’évolution des étoiles, observées et modélisées, dépend essentiellement de leur masse. Les petites étoiles, comme notre Soleil, finissent en naines blanches. Ce sont des astres petits, massifs, peu brillants et qui s’éteignent lentement. Les plus grosses étoiles ont une vie plus tumultueuse. Après une vite relativement courte (quelque dizaines à centaines de millions d’années, à comparer à l’âge actuel de notre Soleil, 4.5 milliards

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d’années, la moitié de sa vie), ces étoiles explosent violemment, devenant pendant quelques heures aussi brillantes que l’ensemble des étoiles d’une Galaxie (typiquement cent milliards d’étoiles). Les couches extérieures de l’étoile sont pulvérisées tandis que son cœur est très fortement comprimé. Si l’étoile est de masse modérée, ce cœur devient une étoile à neutron. Une étoile très massive, très petite et tournant très vite sur elle-même (jusqu’à mille tours par seconde) en émettant des impulsions radios (ce sont des pulsars lorsque l’on peut capter le signal). Mais si l’étoile est encore plus massive, quelque chose de dramatique se produit. Le cœur est alors si massif que plus aucune force n’est capable de retenir son effondrement. Il s’effondre sur lui-même pour donner un trou noir. Bien que difficiles à détecter (ils sont noirs !) plusieurs trous noirs ont été observés dans notre Galaxie. Les trous noirs peuvent absorber de grandes quantités de matière (gaz, étoiles) et fusionner entre eux. Ainsi, au centre de presque toutes les galaxies (dont la nôtre) on trouve un trou noir super massif (plusieurs centaines de millions de fois la masse de notre Soleil).

Géométrie d’un trou noir La matière s’effondre sans s’arrêter. Elle finit donc par se concentrer dans une zone minuscule. Mais avant même cet effondrement final (dont la nature physique extrême nous échappe quelque peu) la matière de l’étoile passe sous une zone appelée horizon du trou noir ou horizon des événements. C’est la formation de cette zone (c’est-à-dire le passage de la matière sous cette zone) qui qualifie le trou noir. L’horizon forme une sphère dont le rayon est proportionnel à la masse du trou noir (environ trois kilomètres pour une masse solaire). Ce n’est pas un « mur » fait de matière mais seulement un lieu géométrique. Etant donné que rien sous l’horizon ne peut sortir du trou noir (et même éviter de tomber au centre), il y a une rupture causale entre l’intérieur et l’extérieur. L’intérieur est totalement déconnecté de l’extérieur et aucune comparaison entre les deux n’est possible (même temporelle. Il n’y a aucun sens à dire « je regarde le trou noir, que se passe-t-il à l’intérieur à ce moment ? »). Vu de l’extérieur, le trou noir se résume à son horizon. De plus, on montre qu’un trou noir vu de l’extérieur est assez simple. Il n’est caractérisé que par trois paramètres et seulement trois : sa masse, sa rotation et sa charge électrique. Il n’a pas d’autre détail quels qu’ils soient (contrairement à une planète, par exemple, dont la surface peut être compliquée avec des montages et des vallées). On dit parfois que les trous noirs « n’ont pas de cheveux » ou bien on le qualifie de « théorème de la calvitie ». Le rayonnement émis par un corps massif est décalé vers le rouge, c’est-à-dire les grandes longueurs d’ondes. Pour un trou noir, ce phénomène devient extrême. Plus un point est proche de l’horizon et plus la lumière qu’il émet est décalée vers le rouge. A la limite, le décalage tend vers l’infini. On montre que lorsque la matière qui s’effondre a atteint, disons, le double de la taille du futur trou noir, il ne faut que quelques millisecondes pour que toute lumière s’éteigne (la lumière émise est décalée vers les infrarouges, puis les ondes radios et en même temps son intensité chute rapidement). Le terme trou noir est donc justifié (un trou sans lumière et dont rien ne sort). Notons qu’à ce décalage est associé également une dilatation du temps extrême.

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Ces propriétés extrêmes sont dues à la géométrie particulière du trou noir, l’espace-temps étant fortement courbé près du trou noir. Notons qu’il ne faut pas nécessairement une densité énorme pour ça. Il suffit d’avoir suffisamment de matière dans une région suffisamment restreinte. Même si la courbure est faible, si elle s’étend sur une grande distance, cela suffit à avoir un trou noir. Par analogie, si l’on prend un arc de cercle même très peu courbé, il suffit en mettre suffisamment bout à bout pour former un cercle ! La géométrie du trou noir est à quatre dimensions et donc difficile à se représenter mentalement. Il existe des techniques de représentation par des diagrammes pratiques et forts puissantes. Mais on ne les introduira pas ici car cela nous mènerait trop loin. L’étude des quelques effets qui nous intéressent suffiront amplement. Disons simplement que si l’on trace les géodésiques de l’espace-temps, sous l’horizon, on constate qu’il n’y a aucune géodésique sortante : toutes vont vers le centre. Voilà pourquoi rien ne peut en sortir. Aucune force spéciale ne pousse vers le centre, c’est juste que tous les chemins y mènent.

Passer l’horizon Lorsqu’un voyageur approche d’un trou noir et franchit l’horizon, sa chute vers le centre est inéluctable. La durée de la chute jusqu’au centre est de quelques millisecondes pour un trou noir stellaire (un trou noir résultant de l’effondrement d’une étoile et ayant une masse égale à quelques masses solaires) mais peut durer quelques heures pour un trou noir super massif. Il est impossible de l’éviter. Toute tentative pour freiner ou essayer, par exemple, de tourner autour du centre, rend la durée de chute plus courte. C’est un des nombreux effets contre-intuitifs des trous noirs. De plus, cette chute n’est pas de tout repos. On observe en effet près des corps massif des forces de marées. Celles-ci, tout comme les marées sur Terre provoquée par la Lune, sont due au fait que la force de gravité varie avec la distance et sont donc différentes entre deux points à distances différentes du corps massif. Cette différence provoque un étirement (ou une déformation ou un déplacement des masses d’eaux, comme sur Terre). Près d’un corps tel que la Lune, la Terre ou même le Soleil, ces forces de marées sont raisonnables. Mais près d’un trou noir elles deviennent énormes. Lorsque l’on approche du trou noir, ces forces de marées augmentent régulièrement jusqu’à grandir sans limite en approchant du centre. Le passage de l’horizon ne présente à ce propos aucune particularité spéciale. Près d’un trou noir stellaire, ces forces de marées sont extrêmement puissantes et destructrice. Aucun matériau n’y résisterait et a fortiori un être humain. Près d’un trou noir super massif, paradoxalement, les forces de marées sont beaucoup plus faibles. Mais une fois passé l’horizon, la chute vers le centre étant inéluctable, ces forces de marées croissent sans limite et on arrive rapidement à un stade où l’on est déchiré. Une idée serait de laisser descendre quelqu’un sous l’horizon avec une corde (si les forces de marées sont raisonnables) pour le retenir, puis de tirer sur la corde pour le ramener. Mais ça ne marche pas. La traction subie par la corde croît en permanence et celui qui retient le voyageur à l’extérieur finit par être entraîné à son tour ou alors c’est la corde qui casse.

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Une autre idée est que le voyageur, une fois passé l’horizon, envoie un signal lumineux vers l’arrière. La lumière ayant toujours la même vitesse, ne va-t-elle pas sortir du trou noir ? Non. Si par rapport au voyageur il voit bien le signal lumineux s’éloigner de lui à la vitesse de la lumière, le rayon lumineux se dirige en réalité aussi vers le centre. Encore un effet fortement contre-intuitif provoquée par la géométrie de l’espace-temps fortement courbée dans un trou noir. C’est avec ce genre d’effet que les techniques utilisant des diagrammes aident à visualiser comment un tel effet est possible.

Voyager vers un trou noir Comme nous l’avons dit plus haut, le décalage vers le rouge d’un trou noir est associé à une dilatation du temps. Considérons un voyageur se dirigeant vers un trou noir. Le voyage vers le trou noir peut être plus ou moins long, tout dépend d’où il part ! Mais en tout état de cause, cette durée est finie. Disons qu’il est arrivé à quelques centaines de kilomètres du trou noir. Alors, s’il tombe en chute libre, cela ne lui prendra qu’une fraction de seconde pour atteindre et franchir l’horizon. Lors de ce passage de l’horizon, rien de particulier ne se passe. Les forces de marées augmente, mais régulièrement. Et une fois passé l’horizon, il ne peut plus faire demi-tour. Mais tant qu’il n’essaye pas de faire demi-tour, sa chute est plutôt banale. Pour un observateur éloigné, la situation est toutefois fort différente. S’il observe le voyageur, il va constater une importante dilatation du temps. Et cette dilatation tend même vers l’infini lorsque le voyageur approche de l’horizon. Le résultat est qu’il a l’impression que le voyageur se « fige ». Non seulement, ses mouvements ralentissent, comme s’il cessait de bouger et de vieillir, mais sa vitesse de chute ralentit aussi : il ne le voit jamais passer l’horizon ! Il y a tout de même une difficulté. La lumière émise par le voyageur ou tout signal qu’il émettrait vont être fortement décalé vers le rouge. L’observateur va rapidement ne plus rien voir, tout comme l’étoile en effondrement devient rapidement noire. Mais si on fait abstraction de cette difficulté purement visuelle, pour l’observateur, tout objet tombant vers le trou noir ralentit et s’arrête avant de franchir l’horizon. Et ceci est également vrai de la matière de l’étoile formant le trou noir : pour l’observateur lointain, l’horizon ne se forme jamais ! On peut alors se demander s’il y a un sens à parler de trou noir si on n’observe jamais l’horizon. En fait, si, cela a un sens.

Tout d’abord, la difficulté visuelle ci-dessus ne peut pas être évitée. De loin, il est totalement impossible de distinguer un « vrai » trou noir d’un corps en cours d’effondrement juste sur le point de former un trou noir.

Ensuite, cette impossibilité de voir l’horizon ou de voir un voyageur le franchir n’est que la manifestation de la coupure causale entre l’intérieur du trou noir et l’extérieur.

Enfin, ce n’est qu’une apparence. Supposons qu’on essaie de sauver le voyageur en le rattrapant pour l’empoigner avant qu’il ne franchisse l’horizon et le ramener. C’est possible tant que le voyageur n’est pas allé trop loin. On peut le rattraper et le ramener. Mais si on attend trop longtemps, c’est foutu. En plongeant vers le trou noir pour le rattraper, même à la vitesse maximale de la vitesse de la lumière, on aurait la très mauvaise surprise de franchir l’horizon avant de prendre contact avec le voyageur. Et là ce serait trop tard.

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Cet horizon et ce trou noir n’est donc pas une vue de l’esprit mais simplement un objet hautement non intuitif.

Utilisation pour le voyage dans le temps Avec de tels effets extrêmes, peut-on utiliser les trous noirs pour voyager dans le temps ? Pas plus qu’avec les exemples précédents. Bernard peut entamer un voyage en direction d’un trou noir, frôler son horizon, sans le passer, puis revenir. A condition qu’il ne soit pas entré dans une zone de forces de marées trop grandes (auquel cas il n’y survivrait pas), il subirait le phénomène de dilatation du temps gravitationnelle et ce de manière maximale. Avec un trou noir super massif, il peut même s’approcher très près de l’horizon sans en souffrir. Avec un simple voyage il pourrait faire des bonds de milliers, millions et même des milliards d’années dans le futur… mais sans espoir de retour à son époque. Notons qu’on a là le même problème qu’avec les étoiles à neutrons : il n’y en a pas à notre porte et il faudrait faire un voyage de plusieurs dizaines d’année-lumière pour en trouver un. C’est peut-être heureux d’ailleurs : le passage d’un trou noir dans notre système solaire y provoquerait des perturbations considérables (même s’il n’absorbait pas de planète en les touchants, sa gravité équivalente à celle d’une grosse étoile suffirait à éjecter toutes les planètes de leurs orbites, Terre incluse. Même si l’on aime les voyages, l’idée de voir la Terre partir loin du Soleil et de sa bienveillante est assez cauchemardesque). Et si l’on passe l’horizon ? Nous allons voir que des possibilités s’ouvrent alors à nous. Mais pas avec un trou noir « classique ». Comme nous l’avons dit, franchir l’horizon est définitif. La plongée (rapide) vers le centre est inéluctable et on y finit écrasé sur la singularité centrale ou déchiqueté par les forces de marées. Un voyage vers la mort plutôt que dans le temps !

Trous de vers Nous entrons ici dans un domaine plus exotique. Ce qui est décrit n’a jamais été observé et n’est donc pas validé par l’expérience. Ce sont toutefois des résultats autorisés par la théorie, c’est-à-dire la relativité générale.

Trou blanc et trou de ver Revenons au trou noir. L’espace-temps qui décrit un trou noir est une des solutions des équations de la relativité générale. Celle-ci, comme toutes les théories fondamentales, est totalement réversible. Que se passe-t-il si on renverse le temps ? C’est-à-dire si, dans les équations, on effectue le remplacement t -t ? Dans cas, on obtient la même solution mais avec toutes les trajectoires renversées dans le temps. Par conséquent, puisque pour un trou noir, toute particule entrant sous l’horizon ne peut plus en sortir, cela signifie que pour la solution renversée, toute particule sortant de l’horizon ne peut plus y entrer. Ce genre de solution est appelée trou blanc, ou peut-être de manière plus imagée, fontaine blanche. La matière contenue dans le trou blanc peut en sortir mais rien ne peut y entrer. Une autre caractéristique de ces solutions doit être signalée. Les équations admettent une solution dite avec « espace-temps prolongé de manière maximale ». Dans ce cas la solution consiste en un trou noir et un trou blanc relié par leur centre. Le centre étant une singularité (une zone de densité infinie et de taille infinitésimale, ce n’est guère pratique. Mais il existe d’autres solutions (trous noirs

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en rotations, avec des charges électriques) où ce lien est en fait un passage de taille macroscopique, un tunnel. Ce type de solution apparait même naturellement quand on part de la géométrie de Schwartzchild et que l’on essaie de trouver une solution où les variables restent finies au niveau de l’horizon des événements (par exemple la formulation dite de Kruskal-Szekeres). Ce pont, ce tunnel, est parfois appelé pont de Einstein-Rosen ou trou de ver (par analogie avec un ver perçant un tunnel dans une pomme).

Un trou de ver est donc un passage, avec une entrée et une sortie (à sens unique) entre deux endroits quelconques de l’espace-temps. Notons que la « pliure » dans l’espace-temps, à droite du dessin, n’existe pas. Elle n’est utilisée que dans ce dessin pour le rendre plus visuel (on voit là les difficultés à visualiser un espace-temps à quatre dimensions). Le trou de ver est un raccourci dans l’espace-temps. C’est un phénomène dont la science-fiction est friande comme dans les films et feuilletons Star Gate. Notons que ce trou noir (et le trou blanc) sont comme d’habitude sujet à de puissantes forces de marrées. Toutefois, si le trou noir et le passage (le trou de ver) sont suffisamment grands, les forces de marées sont raisonnables et le trou de ver peut être traversé sans dommage.

Voyager dans le temps avec un trou de ver Les trous de ver offrent un moyen spectaculaire de voyager dans l’espace. Mais quel est le rapport avec les voyages dans le temps ? En fait, en relativité, espace et temps sont intimement mêlés. Si l’on a un dispositif permettant de joindre instantanément des zones éloignées de l’espace (donc des événements reliés par un intervalle de type spatial) il n’est pas étonnant que les trous de vers aient aussi une influence sur le temps (l’ordre temporel des événements dépend de l’observateur pour un intervalle spatial). Voyons comment. Entre l’entrée et la sortie du trou de ver, il y a deux chemins très différents :

Soit par l’intérieur, en passant par le trou de ver lui-même. Soit par l’extérieur, en faisant le voyage par l’espace-temps ordonaire (éventuellement fort

long, mais l’entrée et la sortie peuvent aussi être proches). Considérons la situation suivante.

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On a un trou de ver dont l’entrée (le trou noir) et la sortie (le trou blanc) ont deux horloges (que l’on supposera un peu éloignée, pour éviter le décalage gravitationnel). On effectue un déplacement du trou noir (le trou blanc restant au même endroit). On lui fait faire un voyage à très grande vitesse puis retour à son endroit initial (un peu comme si on se promenait avec le bout d’un tuyau d’arrosage, l’autre extrémité restant fixée). A cause de la dilatation du temps pendant ce voyage, comme dans le paradoxe des jumeaux, le trou noir (l’horloge qui lui est associée) est resté plus « jeune » (l’horloge indique une heure moins avancée). Avec un décalage qui dépend de la vitesse et surtout de la durée du voyage. Mais ce décalage ne concerne que l’extérieur. Le déplacement, c’est dans l’espace-temps ordinaire qu’on l’a effectué : le trou de ver est resté constamment inaffecté (tout comme baladé le tuyau d’arrosage ne signifie pas l’étirer ou le contracter). L’entrée et la sortie, par le chemin intérieur, restent connectées à la même heure. Cela a une conséquence extraordinaire. Considérons un voyageur entrant dans le trou noir, par exemple à l’heure telle qu’elle est indiquée par l’horloge de sortie. Mais l’horloge de l’entrée indique un temps plus ancien, et la sortie lui est reliée à la même heure. Le voyageur ressort donc à l’heure indiquée à l’entrée. C’est-à-dire que le voyageur sort avant l’heure à laquelle il est entré dans le trou de ver. Il a voyagé dans le temps (vers le passé) ! On y est. Voilà enfin un phénomène permettant le voyage dans le temps. Quelques remarques :

Inutile, pour « initialiser » la machine à voyager dans le temps, de faire un voyage sur une grande distance avec le trou noir. On peut effectuer de courts voyages (quelques centimètres, à une vitesse proche de la vitesse de la lumière) en très grands nombres (en sommes, on fait vibrer le trou noir !)

On ne peut pas remonter, dans le temps, plus tôt que la date de création du trou de ver. On remonte dans le temps d’une durée fixe, donnée par le décalage temporel entre l’entrée

la sortie, durée n’excédant pas la durée du voyage effectué avec le trou noir. Malgré ces deux dernières limitations, ce n’est déjà pas si mal. Nous l’avons notre machine à voyager dans le temps. De plus, qui sait, on pourrait trouver un trou de ver existant dans la nature et même avec déjà des décalages temporels très élevés. Dans ce cas, on pourrait même aller dire bonjour aux dinosaures !

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Paradoxes Ce genre de machine autorise le paradoxe grave du grand-père. On peut voyager dans le trou de ver, revenir dans le passé, revenir vers l’entrée (en passant par l’extérieur, si entrée et sortie ne sont pas trop éloignés) et s’empêcher soi-même d’entrer dans le trou noir. Alors que cet acte n’est possible que si l’on y est entré ! C’est un paradoxe, une contradiction. C’est ce genre de contradiction qui constitue un grave défaut théorique et qui laisse penser beaucoup de scientifiques que les trous de vers n’existent pas et ne peuvent pas exister (au moins des trous noirs macroscopiques. On peut toujours imaginer des trous de vers microscopiques n’existant une fraction de seconde). Une solution à ce problème est d’imaginer que les trous de vers relient des univers différents. C’est une solution que nous avons déjà vu et envisagé comme solution à ce paradoxe. Chaque univers étant une copie parfaite (ou presque parfaite) de notre univers. Notons que si l’on utilise deux trous de ver, un allant de l’univers A vers B (avec retour dans le passé) et l’autre allant de B vers A (aussi avec retour vers le passé), on retombe sur le même problème. On peut, en empruntant les deux trous de ver, retourner dans le passé de son propre univers. Avec à nouveau des paradoxes à la clé. Comme on peut toujours décaler temporellement l’entrée et la sortie des trous de ver, on n’a pas de contrainte sur le sens passé ou futur des voyages. Il n’y a donc qu’une seule possibilité : les trous de vers permettraient d’aller de l’univers A vers B mais pas l’inverse. C’est un peu comme si les univers étaient empilés et qu’on ne pouvait les parcourir (avec les trous de vers) que dans un seul sens (de l’empilement). Notons plusieurs choses :

Une fois arrivé dans l’univers B, que ce soit dans le passé ou le futur, il ne trouverait pas trace de l’entrée du trou de ver qui se trouve dans l’univers A. Sauf si dans cet univers B il existe aussi un trou de ver allant vers un univers C, etc...

D’ailleurs si ces univers sont identiques, cette dernière possibilité est plausible. Une infinité de Bernard, appartenant aux univers A, B, C,… voyageraient vers le passé des univers B, C, D,… respectivement. Une solution assez vertigineuse mais acceptable.

Ces univers pourraient être aussi légèrement différents du nôtre voire même totalement différents, tout est possible. Dans ce cas, le voyage serait très décevant. Bernard rentre dans le trou de ver, en espérant en sortir la veille et il se retrouve dans un univers tellement différent que la vie n’y existe peut-être même pas (et s’y retrouve coincé).

Le nombre de solutions possibles est donc extrêmement élevé. C’est théoriquement acceptable.

Créer des trous de ver Revenons un peu les pieds sur Terre. La théorie l’admet. Mais la pratique ? Commençons par les trous blancs :

On n’a jamais observé de trou blanc dans l’univers. Puisque toute matière contenue dans le trou blanc ne peut qu’en sortir, alors il doit

forcément vite se « vider ». De plus, un trou noir ne peut que grossir (en absorbant de la matière) et donc un trou blanc ne peut que « maigrir ». En fait, un trou blanc n’existerait qu’une fraction de seconde avant de se tarir et de cesser d’exister.

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Les calculs montrent qu’un trou blanc ne se forme pas facilement. Il faudrait en fait des conditions initiales extrêmement sévères pour le former. Il est hautement improbable. Cette improbabilité est liée à des raisons statistiques et thermodynamiques. De nombreuses configurations (tous les détails possibles d’une étoile en train de s’effondrer) aboutissent à la formation d’un trou noir et à l’inverse il n’y a que très peu de configurations possibles formant un trou blanc. On peut associer aux trous noirs une entropie en utilisant la thermodynamique et les lois de la relativité générale. On montre qu’un trou noir a une entropie élevée. A contrario, un trou blanc a une entropie quasi nulle. C’est d’ailleurs lié à leur durée de vie. La second principe dit que l’entropie ne peut que croître, donc le trou noir ne peut que grossir tandis que le trou blanc ne peut que rapidement disparaître.

Et maintenant les trous de ver :

On n’a jamais observé de trou de ver. Il n’existe pas de méthode connue permettant de créer un trou de ver. Pire encore. La théorie montre que lorsqu’un trou noir se forme par effondrement d’un corps

massif, le trou noir qui apparait est toujours un trou noir seul (sans trou blanc associé). Et les deux ensembles :

Le trou blanc n’existant qu’une fraction de seconde, le trou de vers, s’il pouvait être créé, se refermerait en un instant, ne laissant qu’un malheureux trou noir.

Il est possible de maintenir le trou de ver ouvert à l’aide d’une forme d’énergie exotique ayant (pour la gravité) un caractère répulsif.

Personne n’a jamais vu en laboratoire une telle énergie exotique. On n’en a que deux indices :

o Les théories mariant relativité générale et mécanique quantique (que nous allons voir) autorisent ce type d’énergie. Mais les calculs montrent que cette énergie n’est pas exploitable (elle est toujours fugace) bien qu’aucune démonstration générale n’existe encore.

o Les cosmologistes ont découvert une étrange accélération de l’expansion de l’univers. Accélération associée à une hypothétique « énergie noire » qui est juste de caractère exotique.

o Rien ne prouve que cette énergie noire soit vraiment une énergie (ce n’est qu’un nom pour le moment) ni qu’elle soit utilisable.

Mais on ne peut préjuger de ce qu’on découvrira dans l’avenir et la fabrication en série des trous de ver sera peut-être un jour une réalité. Qui sait ?

Effets quantiques Entrons dans un autre monde, bien étrange mais bien validé par l’expérience.

Mécanique quantique La mécanique quantique est la théorie de l’infiniment petit, des atomes et des particules élémentaires. C’est un monde mystérieux et une théorie difficile.

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Nous allons entamer une longue excursion qui va nous emmener assez loin. A nouveau, nous n’expliquerons que ce dont nous avons besoin ou juste un peu plus.

photons Une des premières découvertes importante (Planck et Einstein) fut que la lumière ne pouvait être échangée que par petits paquets dont l’énergie est donnée par (la constante de Planck fois la fréquence). Ces paquets furent appelés photons.

Structure des atomes Quelle est la structure des atomes ? La découverte des électrons par Thomson à la fin du dix-neuvième siècle montra que les atomes devaient être constitués d’une partie lourde et chargée positivement (on sait maintenant qu’elle est composée de protons et de neutrons) et de particules très légères chargées négativement, les électrons. Restait la question de savoir quelle était la structure des atomes : étaient-ils comme un pudding, avec une masse positive fourrée d’électrons, comme le pensait Thomson, ou comme un petit système solaire ? Pour Rutherford, l'atome devait plutôt ressembler à un petit système solaire.

Un noyau très petit, très massif, constitué des protons, se situe au centre. Les électrons, petits et légers tournent autour. La force d'attraction entre charges électriques permettant à ces électrons de rester à une distance constante, cette force agissant comme la gravité pour les planètes. Ce modèle a de nombreux avantages. Tout d'abord, les électrons loin du noyau sont aussi plus faiblement attirés par le noyau. Il devient aisé de les arracher pour produire un courant électrique. Ensuite, les électrons sur des orbites différentes ont des énergies différentes et le passage d'une orbite à l'autre pourrait résulter de l'absorption ou de la libération d'énergie sous forme lumineuse

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et sous formes de raies lumineuses avec une fréquence bien précise, comme cela est observé (chaque type d’atome ayant ainsi une « signature » bien particulière, son spectre). Ensuite, lors de contacts entre atomes, des électrons pourraient être échangés ou mis en communs ouvrant une voie sur l'explication de la chimie et de la valence des atomes (le nombre de liaisons que chaque atome peut établir avec ses voisins pour former une molécule). De plus, ce modèle a une base expérimentale solide. Rutherford envoya sur des atomes un flux de particules alphas. Les particules alphas sont juste des noyaux d'hélium composés de deux protons et deux neutrons. Evidemment, on ne connaissait par leur composition à l'époque, on savait juste que les particules alpha étaient petites, massives (4000 fois la masse d'un électron) et chargées positivement. Les particules alpha étaient émises par la matière radioactive.

Les électrons, trop légers, n'influencent pas les particules alphas qui se contentent de les bousculer comme des quilles. Nous n'avons pas dessiné les électrons ci-dessus. Par contre, les noyaux, beaucoup plus massifs, dévient fortement les particules alphas. Ce que découvrit Rutherford c'est que les particules alphas sont rarement déviées. La plupart passent à travers une fine couche de matière sans être affectées. Grâce à ces expériences très précises, Rutherford put déterminer que l'atome est constitué d'un noyau positif, très massif et très petit, très compact. Chaque noyau est séparé des autres noyaux d'atomes par beaucoup de vide. Remplir ce vide avec des électrons tournant autour des noyaux était alors tout à fait logique (ne fut-ce que pour expliquer ce qui maintient les noyaux loin les uns des autres). En fait, Rutherford n'a établi son modèle qu'après ses expériences. C'est sur une base expérimentale qu'il a conçu son modèle. Celui-ci était le meilleur modèle rendant compte de l'ensemble des mesures effectuées. Une telle approche, lorsqu'elle est possible, garantit que le modèle conçu correspond effectivement à la réalité. Le seul problème du noyau de Rutherford c'est qu'il n'est pas stable ! Du moins pour la théorie.

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Le théorie électromagnétique, et l’expérience, montre qu'une charge électrique qui est accélérée émet un rayonnement électromagnétique. Or, un corps qui tourne subit une accélération centripète. Donc, des électrons qui tournent émettent des ondes électromagnétiques. C'est d'ailleurs sur ce principe que fonctionnent les antennes émettrices : des électrons tournant dans des boucles de fil électrique émettent une onde radio. Selon le modèle de Rutherford, les électrons tournent autour du noyau et les atomes devraient donc émettre un rayonnement électromagnétique continu, ce qui n'est évidemment pas observé. Plus grave, les électrons, en émettant du rayonnement, devraient perdre de l'énergie et tomber en spirale sur le noyau. L'atome de Rutherford est instable et devrait se transformer en atome de Thomson !

Or, force est de constater que la matière est stable. Elle ne s'effondre pas comme dans la figure ci-dessus. Mais pourquoi ? Voyons maintenant la première approche tentée pour résoudre ce problème.

Le modèle de Bohr Où en sommes-nous ? Nous avons maintenant deux problèmes. D'abord comment les électrons peuvent-ils "tenir" en l'air sans tomber sur le noyau en rayonnant des ondes électromagnétiques ? Ensuite, pourquoi l'énergie est-elle échangée par des quantités précises, toujours les mêmes (ce qui donne son spectre unique) ? Une solution fut apportée par Bohr dans les années 1920. Si les lois physiques connues semblent en contradiction avec les données expérimentales, alors c'est que ces lois physiques sont incorrectes. L'expérience dicte la physique, pas l'inverse. En particulier, nous savons, grâce à l'expérience, que l'atome à bien la structure imaginée par Rutherford. Mais la physique prédit une émission d'ondes électromagnétiques qui n'est pas observée. Donc, Bohr affirma qu'à l'échelle de l'atome les lois de l'électromagnétisme ne sont plus valables. Bohr postula alors trois lois décrivant l'atome de Rutherford.

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Les électrons tournent autour du noyau de manière stable, sans émettre de rayonnement électromagnétique. On ne donne pas d'explication et on se contente de l'admettre.

Les électrons ne peuvent tourner que sur certaines orbites. La règle fait intervenir la vitesse et le rayon de l'orbite et un nombre entier n. Ce nombre est maintenant appelé nombre quantique principal et vient du fait que les orbites sont "quantifiées" (ce mot vient de "compter") : il y a l'orbite 0, l'orbite 1, l'orbite 2, etc. Chaque orbite étant un peu plus grande que la précédente. Les électrons ne sont que sur ces orbites et jamais entre deux orbites. La région entre deux orbites est un no mans land. La règle choisie par Bohr n'est pas aléatoire et a été choisie pour que les résultats correspondent aux données expérimentales ! Mais la règle ainsi obtenue est simple. Elle dit que le moment angulaire (l'équivalent de l'impulsion qui est égale à la masse fois la vitesse, mais pour les rotations, c'est-à-dire l'impulsion fois le rayon de l'orbite) est un nombre entier de fois une quantité minimale donnée (la constante de Planck divisée par deux pi).

Lorsqu'un électron change d'orbite, pour une raison quelconque, l'énergie acquise ou libérée se fait par l'absorption ou l'émission d'un photon de lumière ayant la même énergie.

L'énergie d'un électron sur une orbite se calculant selon les lois classiques de la mécanique et de l'électricité.

Son modèle marchait très bien … au premier abord ! Le modèle de Bohr donne l'énergie des électrons dans un atome. Cette énergie se mesure facilement en regardant combien d'énergie il faut pour arracher un électron d'un atome. De plus, du fait que les orbites sont quantifiées, l'émission de la lumière l'est aussi. Imaginons par exemple que l'on a seulement trois orbites 0, 1 et 2. Les électrons ayant les énergies respectives sur ces orbites de , , . Alors, en changeant d'orbite, les électrons peuvent émettre des photons d'énergie , et . Ce qui correspond à trois ondes lumineuses de longueur d'onde différente.

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Bien entendu, si l'électron passe d'une orbite basse à une orbite haute, il gagne de l'énergie et donc absorbe un photon. S'il descend sur une orbite plus basse, il émet un photon. Ce qui correspond aux spectres d'absorption et d'émission. De plus, on constate avec l'exemple ci-dessus, que l'énergie du premier photon plus l'énergie du deuxième photon est égale à l'énergie du troisième. C'est une simple conséquence de l'addition d'énergie en passant d'une orbite à l'autre. Et traduit en fréquence (selon la règle découverte par Planck et Einstein que l'énergie d'un photon est proportionnelle à sa fréquence), cela redonne une règle découverte par Balmer sur l’additivité des fréquences des raies émises par les atomes. Grâce à ce modèle, Bohr put calculer le spectre complet de l'hydrogène. Un résultat extraordinaire. On venait enfin de découvrir un de ces fameux secrets de l'atome. Enfin, puisque les électrons ont une énergie précise, leur échange ou leur interaction entre atomes permet de calculer certaines règles de la chimie.

Défauts du modèle Ils sont très nombreux ! La théorie évolua d'ailleurs tellement vite à cette époque que le modèle de Bohr fut pratiquement mort avant même d'arriver à maturité ! Mais on le conserve au moins pour sa simplicité et son caractère pédagogique et intuitif. On peut classer ses défauts en trois parties :

Théoriques. o La théorie ne s'applique que si on a un seul électron. Elle est incapable de prendre en

compte les interactions entre deux électrons. Elle traite donc des atomes appelés hydrogénoïdes qui sont des atomes dont on a arraché tous les électrons sauf un. On découvrit rapidement que lorsque l'on a plusieurs électrons, ceux-ci se disposent sur les orbites selon certaines règles : deux sur la première, six sur la suivante, etc. Ce qui conduit à la classification de tous les atomes. Mais la raison de cette ségrégation est assez mystérieuse à ce stade. En outre, comme signalé, les interactions entre électrons et avec le noyau modifient les orbites pour des atomes plus complexes que l'hydrogène.

o La théorie donne des résultats absurdes pour des hydrogénoïdes dont la charge du noyau dépasse une certaine valeur et ne peut donc s'appliquer, par exemple, à l'uranium.

o La théorie ne dit rien du noyau. Les protons sont tous chargés positivement. Ils devraient se repousser fortement. Qu'est-ce qui les maintient ensemble ?

Expérimentaux. o Lorsque l'on regarde attentivement le spectre d'un atome, on constate que chaque

raie du spectre est en fait composée de plusieurs raies plus fines. On appelle d'ailleurs cela les structures fines et hyper fines. Le modèle de Bohr ne l'explique pas.

o Lorsqu'on applique un champ magnétique à l'atome, les raies se dédoublent ou se triplent,… C'est l'effet Zeeman. Le modèle de Bohr ne peut l'expliquer.

o Lorsqu'on applique un champ électrique à un atome, les raies se multiplient de manière considérable rendant le spectre très touffu. C'est l'effet Stark (la forêt de Stark). Le modèle de Bohr ne peut l'expliquer.

o On observe également de nombreuses raies, principalement dans l'infrarouge et les ondes radios, non prédites par le modèle de Bohr et produites par les molécules.

o Enfin, les raies n'ont pas toutes la même intensité. Certaines sont très brillantes, d'autres sombres. Certaines sont même parfois manquantes (ce que l’on appelle « règles de sélection »). De toute évidence, certains changements d'orbites sont plus faciles ou plus probables que d'autres. Le modèle de Bohr n'en dit rien.

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Conceptuels. o Les lois ont un caractère très artificiel. On impose un certain nombre de règles sans

explication. La loi sur la stabilité, en particulier, est barbare. On ne sait pas pourquoi c'est stable ? Et bien décrétons que c'est stable, point final ! Eh bien, non, on pouvait difficilement admettre qu'il s'agisse d'un point final. Il s'agit plus d'un modèle, crée spécialement pour coller aux données expérimentales, plutôt qu'une théorie de l'atome ou des particules élémentaires.

o Le modèle est semi-classique. Ainsi les électrons qui tournent autour de l'atome sont "quantifié" et les lois de l'électromagnétisme ne s'appliquent pas. Mais pour calculer l'énergie d'un électron on utilise ces mêmes lois. Pourquoi dans un cas et pas dans l'autre ? A partir de quand les lois classiques deviennent-elles applicables ? Choisir d'appliquer la physique classique, un petit peu au bonheur la chance, quand ça nous chante, est un procédé assez bancal qui rend difficile toute prédiction nouvelle. Supposons que je perfectionne un peu le modèle en ajoutant un ingrédient quelconque. Dois-je appliquer les lois de l'électromagnétisme à cet ingrédient ou pas ?

o Lorsqu'un électron change d'orbite : par où passe-t-il puisque la zone entre les deux orbites est interdite ?

o Quel est le mécanisme d'émission de la lumière ? Le modèle de Bohr ne donnant qu'un bilan énergétique. Y a-t-il des directions privilégiées pour l'émission des photons ? La polarisation intervient-elle ? Toutes des questions sans réponse.

Sommerfeld améliora un peu le modèle en utilisant quelques raffinements :

L'effet de recul : sous l'effet de l'attraction de l'électron, le noyau doit lui-même avoir une légère rotation (légère car sa masse est beaucoup plus grande).

La relativité. En plus des orbites circulaires, la possibilité (comme pour les planètes) d'avoir des orbites

elliptiques caractérisées par un nouveau nombre entier (toutes les ellipses ne sont pas permises) l appelé nombre quantique orbital. En prenant en compte ce nouveau nombre l la règle disant que le nombre d'électrons pouvant se placer sur une orbite est limité devenait simple. Deux électrons maximums pour un nombre n et un nombre l donné. Pourquoi deux et pas un (ou trois) ? Mystère. Bien qu'on devine qu'il doit exister un troisième nombre, lié à un mécanisme inconnu (il s'agit du "spin", équivalent à la rotation de l'électron sur lui-même, comme une toupie), prenant uniquement deux valeurs.

Avec ces améliorations, cela permit quelques améliorations notables mais mineures au vu de la pléthore de problèmes.

La mécanique quantique Pendant que le modèle de Bohr subissait ses succès et ses avatars, la théorie quantique telle que nous la connaissons maintenant prenait naissance. La mécanique quantique est la théorie qui s’applique aux atomes et aux particules élémentaires. En

toute rigueur, elle s’applique à toutes les situations, y compris par exemple le lancer d’une balle de

golf. Mais les corrections infimes apportées par la mécanique quantique à ce genre de cas et la

difficulté des équations rendent inutile son usage et l’on préfère alors utiliser les théories

« classiques » (mécanique classique, hydrodynamique, etc.) Elle est malgré tout utilisée dans certains

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cas complexes tel que la chimie ou des objets macroscopiques (superfluides, supraconducteurs,

ferromagnétisme, …) à l’aide de la physique statistique ou d’outils mathématiques particuliers.

La mécanique quantique est une théorie très puissante. C’est la théorie la mieux vérifiée de toutes

les théories, dans tous les domaines (sauf la gravité) et toutes les expériences, avec une précision

exceptionnelle. Elle explique nombre de phénomènes : les atomes, le magnétisme, la chimie, le laser,

etc. La liste est longue.

On ne va pas tout présenter en détail, loin de là. On va expliquer un minimum pour comprendre

l’essentiel des bases (ce sera déjà assez costaud comme ça). De même, on ne verra pas toutes les

subtilités, propriétés, mystères et aspects parfois intriguant. C’est intéressant mais trop vaste pour

cette petite étude sur les voyages dans le temps.

Nous donnons ci-dessus les bases théoriques de la théorie, mais celle-ci étant fort mathématique,

nous avons préféré l’écrire en petits caractères que vous pouvez sauter si cela ne vous intéresse pas.

Rappelons brièvement les bases mathématiques de la mécanique quantique.

Un système a un état décrit par un vecteur dans un espace de Hilbert H complexe, il sera noté typiquement comme .

Les variables physiques sont des opérateurs agissant sur les vecteurs d’état.

Les variables mesurables (les observables) sont des opérateurs hermitiques, c’est-à-dire tel que .

Les valeurs prises par les variables sont le spectre des valeurs propres de l’opérateur (ces valeurs sont réelles pour les observables). Les

seules valeurs mesurables sont ces valeurs.

L’espace de Hilbert étant un espace vectoriel, on peut définir différentes bases, totalement équivalentes. Par exemple les bases (ou bases

d’un sous-espace) positions, impulsions, spins, énergie, etc.

Le passage d’une base à l’autre s’effectue par une transformation unitaire U (avec ).

Le commutateur de deux opérateurs est : [ ] .

Pour la quantification, on part de l’hamiltonien classique (au moins quand il existe) et on obtient l’hamiltonien quantique après

symétrisation (du type ab+ba) et remplacement des variables par des opérateurs. On impose entre valeurs conjuguées la relation

[ ] où est la constante de Planck divisée par .C’est suffisant pour résoudre tout problème typique.

L’évolution dans le temps peut adopter plusieurs point de vue : ce sont les états qui varient (Schrödinger), ou les observables (Heisenberg)

ou des cas mixtes (représentation interaction). On passe de l’un à l’autre par une transformation unitaire (qui ne correspond pas à un

changement de base). Par exemple, dans le point de vue de Heisenberg, l’équation d’évolution d’un opérateur O est donné par :

[ ]

Qui a l’avantage de mettre clairement en évidence les grandeurs constantes et le rapport à la physique classique (équation d’évolution dans

l’espace des phases utilisant les crochets de Poisson).

Dans le point de vue de Schrödinger, on a :

On travaille souvent dans la base position, dans ce cas les composantes d’un état s’obtiennent par le produit scalaire (complexe) ⟨ ⟩ où

est la base position. On peut écrire ce produit scalaire comme une fonction de la position : ( ) appelé fonction d’onde. Pour

une particule de masse m soumise à un potentiel V, l’équation de Schrödinger prend la forme :

Elle peut être utilisée, par exemple, pour calculer les fonctions d’ondes et les niveaux d’énergie (valeurs propres de l’hamiltonien) d’un

électron dans le potentiel coulombien d’un noyau (cas typique de l’hydrogène).

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Mécanique quantique ondulatoire Une représentation typique des particules quantiques (électrons, photons,…) est sous forme d’ondes.

Cela peut sembler étrange aux néophytes, qui auraient tendance à voir un électron comme une

petite bille, mais la représentation sous forme d’ondes est bien plus proche de la réalité.

Comme exemple, citons juste l’expérience de Young :

Dans cette expérience, on envoie des vagues à travers deux ouvertures. Lorsque le creux d’une vague

passant par une ouverture rencontre la basse d’une vague passant par l’autre ouverture, on obtient

ce qu’on appelle une interférence : le niveau de l’eau s’égalise. On observe ainsi une figure

d’interférences typique qui peut servir, par exemple, à calculer la longueur d’onde.

Cette expérience peut être réalisée avec de la lumière (ayant une longueur d’onde bien précise, avec

un laser), le résultat est semblable. Cela montre le caractère ondulatoire indubitable des ondes

électromagnétiques.

Mais l’expérience peut aussi être réalisée avec des électrons.

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Une figure d’interférences est aussi observée. Cela montre que les électrons ont un caractère

ondulatoire.

Il y a tout de même une différence typique par rapport aux vagues. Les impacts sur la cible sont

ponctuels. Les électrons se comportent aussi, tout au moins lors de l’interaction avec la cible, comme

de petits corpuscules. Mais cela ne concerne que l’interaction, pour l’essentiel l’électron se

comportant bien comme une onde.

Notons que ces impacts ponctuels s’observent aussi avec la lumière si on utilise une lumière

suffisamment faible pour avoir un photon à la fois.

L’expérience montre aussi qu’il y a une correspondance univoque entre l’énergie de la particule et sa

fréquence : où est la fréquence et h la constante de Planck. C’est Planck avec l’émission du

corps noir puis Einstein avec l’effet photoélectrique (électrons arrachés d’un métal par de la lumière

ultraviolette) qui ont découvert cette relation avec la lumière, montrant son caractère corpusculaire

(petits paquets d’ondes d’énergie bien définie).

Il existe aussi une relation univoque entre la longueur d’onde et l’impulsion de la particule (pour une

particule massive comme l’électron, c’est la masse fois la vitesse). C’est Louis de Broglie qui a

découvert cette relation.

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Notons que ces relations ainsi que le caractère ondulatoire des électrons sont utilisés couramment

dans divers dispositifs comme, par exemple, les microscopes électroniques.

Principe d’indétermination L’onde correspondant à l’électron est généralement appelée fonction d’onde. Une représentation

d’un électron localisé dans une petite région de l’espace peut être le paquet d’ondes :

La particule (le paquet d’ondes) a une certaine largeur que l’on peut noter qui représente aussi

une certaine incertitude sur la position de la particule puisque cette position n’est pas tout à fait

précise, pas tout à fait ponctuelle.

De plus, il ne s’agit pas d’une onde sinusoïdale. Les lois mathématiques sur les ondes montrent que la

longueur d’onde a aussi une certaine incertitude . Les deux étant lié par :

Et ce quel que soit la forme du paquet d’ondes.

Puisque l’on peut relier la longueur d’onde à l’impulsion, la masse fois la vitesse, on trouve :

Où h est la constante de Planck.

On voit que la position et la vitesse ne peuvent pas être infiniment précis simultanément. Il y a

forcément une certaine incertitude. Notons aussi que cette incertitude minimale est fort petite car la

constante de Planck est minuscule. Ce n’est que pour des objets ayant une masse m très petite que

cette incertitude devient appréciable (des électrons, par exemple).

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Cette relation est appelée relation d’indétermination de Heisenberg. On peut la vérifier

expérimentalement de toutes sortes de manière. Elle est parfois vue comme un effet de la mesure,

les particules quantiques étant tellement légère que la moindre perturbation modifie leur position et

leur vitesse. Il est vrai que des expériences de pensée impliquant toutes sortes de dispositifs

ingénieux et tenant compte de ces perturbations conduisent à ces relations. Mais en réalité cette

indétermination est plus fondamentale qu’une simple incertitude de mesure et est liée à la nature

ondulatoire des particules.

Ce phénomène a fait couler beaucoup d’encre et il a même semblé insupportable à certains (dont

Einstein) au début de la mécanique quantique, et même encore maintenant pour quelques

irréductibles. Les débats sur ce « principe d’incertitude » sont souvent interminables. Pourtant, vu

sous l’angle ondulatoire, il n’est pas si mystérieux.

On peut montrer qu’il existe d’autres principes d’indétermination. L’un d’un entre eux est le suivant. Considérons un processus changeant d’énergie, E, en un temps t. Il y a là aussi une certaine incertitude sur les valeurs que l’on notre et . Alors on doit avoir :

Cette relation peut aussi se démontrer avec les propriétés ondulatoires du paquet d’ondes, avec le rapport entre fréquence de l’onde et durée du paquet.

Description par les états L’explication ondulatoire a toutefois ses limites car les particules quantiques ne sont pas des ondes

classiques. Plusieurs aspects les en distinguent. Citons les deux principaux :

On l’a vu plus haut, les interactions entre particules (électrons et cibles ci-dessus) sont

ponctuelles. Ce n’est pas du tout comme ça que réagissent des ondes classiques comme les

vagues ou le son où l’effet de l’onde est répartit tout le long du front d’onde (par exemple la

trace mouillée très étendue d’une vague sur le sable).

Lorsque l’on a deux particules, la théorie nécessite de les décrire comme un tout. Il faut donc

une onde décrite par sept paramètres : six variables positions (trois par particules) plus le

temps. Alors qu’une onde classique a une valeur qui ne dépend que de quatre paramètres

(trois de position et une de temps). En règle générale, il n’est pas possible de décomposer

l’onde quantique totale en une somme ou un produit ou une quelconque relation

mathématique générale de deux ondes classiques.

Il est donc utile d’introduire un autre formalisme. Nous allons le présenter ici mais sans entrer dans

les aspects mathématiques qui ne seront pas nécessaires. Ce formalisme a l’avantage aussi d’être

fort parlant et intuitif.

Considérons un système physique quelconque : une particule, un atome, un caillou, … Celui-ci peut

être dans différents états que l’on peut caractériser par un certain nombre de variables tel que

position, vitesse, etc. Nous représenterons l’ensemble de ces variables par α. L’état physique du

système s’écrit symboliquement : appelé un ket. Peu importe sa signification mathématique,

c’est avant tout une représentation simple et commode.

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Parfois, seules certaines variables nous intéressent. Par exemple, si la particule est à la position x, on

écrira son état , en ignorant volontairement le détail des autres variables comme la vitesse, par

exemple.

Une particularité de ces états est qu’ils sont soumis au principe de superposition. Par exemple, si

l’état est une solution possible pour l’état d’un système dans une situation donnée, et si

est une autre possibilité, alors la somme est aussi une solution possible.

Comment interpréter cette solution ? Prenons un exemple. Soit une particule qui peut se trouver en

ou bien en , alors elle peut être dans les états ou indiquant que la particule est à la

position précise concernée. Mais l’état est aussi une possibilité. Cet état signifie que la

particule peut être aussi bien en qu’en . Cela ne signifie pas que sa position est précise mais

inconnue. C’est plutôt comme si la particule était aux deux endroits en même temps !

Ce caractère ubiquitaire des particules peut sembler extrêmement étrange. Il l’est beaucoup moins

après ce que nous avons vu ci-dessus. Nous savons que la position peut être imprécise et qu’il s’agit

d’une caractéristique fondamentale de la particule. Si on la représente comme une onde, on aurait

une représentation pour cet état comme suit :

Notons que les ondes aussi sont soumises au principe de superposition. Quand deux ondes sont deux

solutions possibles d’une équation des ondes, leur somme est aussi une solution possible.

Supposons que l’on ait une particule dans l’état , on aimerait savoir si dans cet état on peut la

trouver à la position x ou bien si on peut la trouver avec une vitesse v. On écrira ça comme, par

exemple :

⟨ ⟩

Peu importe sa signification mathématique. On peut le traduire par « c’est la possibilité que la

particule dans l’état soit aussi dans l’état », c’est-à-dire que la particule avec les propriétés

α soit à la position x. On traduit cela par le terme amplitude, c’est l’amplitude que la particule soit

dans l’état demandé.

L’ensemble de tous les états possibles forme un espace mathématique aux propriétés assez simples.

Il permet en particulier de choisir des bases d’états qui d’une certaine manière couvrent toutes les

possibilités.

Un exemple est la base position : c’est l’ensemble des états pour toutes les positions x

possibles.

Notons que, puisque ces états décrivent des situations de « position x précise », alors :

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⟨ ⟩

La particule ayant une position x précise est évidemment trouvée en x.

Et :

⟨ ⟩

(pour des positions différentes)

La particule ayant une position x précise ne sera évidemment pas à un autre endroit.

Revenons à notre particule décrite par . On aura, pour toute position x, une

valeur ⟨ ⟩ sauf dans deux cas :

⟨ ⟩ ⟨ ⟩ ⟨ ⟩

Et

⟨ ⟩

C’est-à-dire que la particule a autant de chance d’être dans une des deux positions. En fait, pour être

exact on devrait écrire ½ (une chance sur deux) mais nous ferons le lien avec les probabilités plus

bas. D’ailleurs mathématiquement on n’a ni 1 ni ½, mais peu importe. Ce qui compte ici c’est que les

deux positions donnent des résultats identiques.

Tout état peut se décrire comme une superposition des états de base :

En disant qu’elle peut être en x, en y, en z, etc… C’est dans ce sens que la base couvre toute les

possibilités.

Notons que cette gymnastique n’est pas inutile. Il est plus facile de travailler uniquement avec les

états de base, bien définis et peu nombreux, que sur l’infinie possibilité de tous les états possibles.

Il est également possible de choisir d’autres bases, par exemple la base des vitesses précises .

Toutes les bases sont équivalentes d’un point de vue mathématique. On passe aisément de l’une à

l’autre par des opérations mathématiques élémentaires. On peut choisir toute base qui s’avère

pratique pour les raisonnements. Notons juste que ⟨ ⟩ ne peut pas être non nul pour une seule

position précise, à cause du principe d’indétermination.

Pour terminer cette petite excursion élémentaire dans les notations et leur usage, notons que l’on

notre traditionnellement :

( ) ⟨ ⟩

Qui est juste une autre notation. On l’appelle fonction d’onde, un terme que vous avez sûrement

déjà entendu.

On peut aussi montrer qu’il y a une équivalence mathématique totale entre la représentation sous

forme de ket (aussi appelés vecteurs d’état) et la représentation ondulatoire (non classique) avec la

fonction d’onde.

Pour les explications, les deux sont parfois utiles. On peut aisément passer de l’une à l’autre.

Mais attention en raisonnant, car sans connaitre le formalisme mathématique rigoureux caché

derrière il peut être impossible de voir pourquoi tel ou tel raisonnement est correct et tel autre

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complètement erroné. Une connaissance vulgarisée permet de comprendre certain aspects mais

n’offre pas la moindre aide pour bâtir ses propres raisonnements, ce n’est qu’une traduction

grossière d’un raisonnement mathématique rigoureux. C’est une faute très fréquente chez le

néophyte qui, en plus, n’est même pas armé pour découvrir par lui-même qu’il commet une telle

faute. Vous voilà prévenu, aussi décevant que cela puisse être. Aller au-delà d’une simple

compréhension « superficielle » nécessite un travail certain impliquant d’absorber des connaissances

mathématiques.

Evolution et mesure On peut écrire une équation d’évolution pour la particule qui n’est autre qu’une équation d’ondes.

Quoi d’étonnant ? Ecrivons là sous une forme simplifiée :

Ici représente la variation de l’état au cours du temps. H est appelé hamiltonien du système. Il

contient sa description physique permettant de calculer son évolution et il a même un lien important

avec l’énergie.

La seule chose qui nous importe ici est que cette équation est linéaire (on dit même unitaire qui a

une signification plus forte mais dont nous n’avons pas vraiment besoin ici). Cela signifie qu’elle

respecte le principe de superposition. Si on a une autre solution de la même équation :

Alors on a aussi :

( ) ( )

Cette propriété que l’on prouve mathématiquement (ce qui est élémentaire) est à mettre en

parallèle avec ce que nous avons dit sur le principe de superposition.

Supposons que notre particule soit dans l’état avec diverses possibilités pour sa position : x, y,

z,… Que se passe-t-il si on mesure sa position ? Dans ce cas, le postulat de probabilité de Born dit

que l’on aura une certaine probabilité de la trouver en x, en y ou en z. Cette probabilité est reliée à

l’amplitude (peu importe comment, le lien n’est pas trivial, ce qui compte c’est que si l’amplitude est

grande, la probabilité aussi).

De plus, la somme des probabilités pour toutes les possibilités doit être égale à un (cent pour cent de

chance de la trouver quelque part). Par exemple, avec notre particule à deux endroits, on aura une

chance sur deux (1/2) de la trouver en l’une ou l’autre position. D’autres valeurs sont évidemment

possibles, par exemple 1/4 et 3/4.

Supposons maintenant que je mesure la position de la particule dans l’état et que je la trouve à

la position x. Dans ce cas, nous savons maintenant avec certitude qu’elle est en x : c’est là que nous

l’avons trouvé. Son état peut donc être décrit par . On dit que l’état de la particule s’est réduit à

un état plus précis (pour la variable concernée). On parle de réduction du vecteur d’état ou de

réduction de la fonction d’onde. C’est le postulat de réduction.

Bien qu’il semble que nous ayons déduit clairement ce résultat, il s’agit en fait bien d’une hypothèse supplémentaire. Après tout, le fait de savoir que la position est x n’exclut nullement d’autres possibilités.

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Les atomes On peut utiliser le potentiel électrostatique du noyau afin de calculer les fonctions d’onde des électrons disposés autour. Le calcul complet montre que les états d’énergie des électrons liés à l’atome est discret. Dans le cas de l’hydrogène on retrouve les valeurs données par le modèle de Bohr. La fonction d’onde pour l’électron peut prendre des formes bizarres, en forme de trèfles, sablier, etc. On classe les niveaux avec une nomenclature de noms en fonction de leur énergie et d’autres paramètres. L’état d’énergie la plus basse est noté 1s. Ensuite on a 2s, 2p, etc… Voici une représentation simplifiée de la fonction d’onde de l’électron dans ces états :

Dans l’état de base, d’énergie la plus basse, l’électron a une distribution sphérique autour du noyau (en fait cette sphère n’est pas nette, la probabilité de présence est maximale au centre puis diminue progressivement en s’éloignant du noyau). On est très loin des orbites ! D’ailleurs, on peut montrer que dans l’état 1s l’électron n’a pas de mouvement de rotation autour du noyau. Pour éviter les confusions on parle des orbitales électroniques. Pour le reste, la situation est analogue au modèle de Bohr. Lorsque l’électron change d’état (changement d’orbitale) il y a changement de l’énergie avec un photon émis ou absorbé. Notons que pendant ce changement, l’orbitale se déforme progressivement d’un état à l’autre et ce de manière très complexe. Un point intéressant est celui-ci. Supposons que l’électron est dans l’état 1s et absorbe un photon en passant dans l’état 2s. Au bout d’un moment, l’électron va retomber dans l’état 1s en émettant un

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photon identique à celui qu’il avait absorbé. La question est : combien de temps l’électron reste-t-il dans l’état 2s ? La réponse dépend des états considérés et le calcul est assez complexe. On peut calculer une durée T de demi-vie de l’état excité considéré. C’est la durée pendant laquelle l’électron a une chance sur deux de revenir à l’état de base. Cela ne veut pas dire que l’électron va forcément être revenu à l’état de base au bout d’un temps 2T. En effet, une particularité importante des processus probabilistes quantiques est qu’ils sont sans mémoire. Si au bout du temps T l’électron est toujours là, c’est comme si absolument rien ne s’était passé. Et l’électron a toujours une chance sur deux se retomber dans l’état de base au bout d’un temps T. Au total cela signifie que, depuis le début, l’électron a une chance sur deux de retomber dans l’état de base au bout du temps T, trois chance sur quatre de retomber dans l’état de base au bout d’un temps 2T, etc.. Si on a un grand nombre d’atomes excités, disons un milliard, au bout d’un temps T la moitié aura émis un photon, il en restera 500000000 d’excités (environ, c’est aléatoire), puis 250000000 au bout de 2T, puis 125000000 etc… etc… La durée de vie de l’état excité étant finie, son énergie ne peut pas être parfaitement définie (principe d’indétermination). C’est ce qu’on appelle la largeur naturelle de la raie spectroscopique. C’est-à-dire que les photons émis et absorbés auront des énergies qui varient légèrement autour de la valeur « calculée comme si l’état était parfaitement stable ». Donc, le spectre du rayonnement lumineux correspondant correspond à une bande de longueur d’onde étroite mais non nulle. La forme des orbitales permet aussi de mieux comprendre comment les électrons se rencontrent et se superposent lorsque deux atomes s’approchent. Cela permet de mieux comprendre et classer les liaisons chimiques. C’est plus complexe mais cela permet de calculer l’énergie des liaisons chimiques et leurs propriétés.

Le temps en mécanique quantique Le temps en mécanique quantique n’a pas de statut particulier. Il a la même définition (expérimentale ou théorique) qu’en physique classique ou qu’en relativité restreinte (pour la mécanique quantique). Le principe d’indétermination temps – énergie ni change rien. Il s’agit ici d’une indétermination sur la durée d’un phénomène et non sur le temps lui-même.

Les mondes multiples La mécanique quantique nécessite toujours une certaine interprétation. Qu’est-ce qu’une interprétation ? C’est une traduction. La traduction des objets mathématiques et lois mathématiques de la théorie en un langage physique, celui de la mesure, des observations. Ce que nous avons décrit, avec la règle de Born et le principe de réduction de la fonction d’onde, permettant de faire le lien entre les états quantiques et les mesure est une interprétation appelée interprétation instrumentale (la plus utilisée) et parfois interprétation de Copenhague (après qu’on l’ait habillé de quelques aspects philosophiques). Le caractère très abstrait du formalisme de la mécanique quantique nécessite toujours une certaine interprétation, même aussi pragmatique que l’interprétation instrumentale. En réalité, c’est vrai de toute théorie, mais en mécanique quantique, le caractère peu intuitif des phénomènes physiques et

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leurs comportements très éloignés de la vie au quotidien rendent cette correspondance beaucoup plus flagrante (et difficile). Une interprétation a deux caractéristiques :

Sa traduction, qui sous forme d’une ontologie fait correspondre les objets mathématiques à la réalité physique (ou ce que l’on considère comme tel, selon diverses opinions philosophiques). De fait, les interprétations sont souvent placée avec raison dans la zone d’ombre séparant physique et philosophie.

Elle ne constitue pas une théorie physique en tant que telle. La théorie, c’est la mécanique quantique. Et toutes les prédictions physiques de la théorie sont données par la mécanique quantique. L’interprétation ne doit pas (idéalement) modifier ou oblitérer ce fait.

Problèmes avec le principe de réduction Le principe de réduction que nous avons donné pose quelques problèmes sérieux :

Il viole le caractère linéaire de l’équation d’évolution. Si on a une particule pouvant de trouver en deux endroits forts éloignés, la réduction à un

endroit précis prend un caractère instantané, plus rapide que la vitesse de la lumière. Donc, ce principe viole tout autant les principes de base de la mécanique quantique que de la relativité ! Pourtant, cela marche ! L’interprétation de Copenhague invoque un comportement différent des appareils de mesure classiques (macroscopiques). Mais il y a malgré tout plusieurs problèmes liés à cette conception :

La mécanique quantique n’a jamais été mise expérimentalement en défaut. Et au fur et à mesure des progrès techniques, les propriétés quantiques sont vérifiées sur des objets de plus en plus gros (de grosses molécules). Il semble donc que l’on doive être capable d’expliquer tous les phénomènes physiques sur base de la mécanique quantique. Mais cela ne peut se faire que si l’on évite de donner, artificiellement, un caractère non quantique à certains dispositifs.

Le caractère instantané de la réduction ne peut être utilisé pour transmettre de l’information plus vite que la lumière (c’est même un théorème de la mécanique quantique). Ce qui laisse planer quelques doutes sur la réalité de ce phénomène.

Le formalisme mathématique montre que l’on peut introduire la réduction à n’importe quelle étape d’un processus de mesure, du microscopique au macroscopique. Du moins tant que l’on ne la place pas « trop près » des phénomènes microscopiques, dont le caractère quantique peut être vérifié (par exemple, avec des interférences).

Il y a encore d’autres difficultés, l’ensemble constituant ce que l’on appelle souvent « le problème de la mesure ». En tout état de cause, si l’on veut éviter ces problèmes (qui sont même des formes de contradictions) et si l’on veut une description entièrement quantique du monde, on a besoin d’autre chose, d’une autre interprétation.

Absence de réduction Une idée simple et de dire : « si la réduction pose problème, supprimons la réduction » ! Evitons simplement d’introduire ce principe dans la théorie. Mais alors se pose une question : comment se fait-il, lorsque l’on effectue une mesure, que l’on trouve toujours un et un seul résultat ?

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Considérons un processus de mesure simple. Soit une particule dans un état superposé . Soit un appareil initialement dans l’état et pouvant se trouver dans deux états après une mesure : (l’appareil a trouvé la particule à la position ) et (l’appareil a trouvé la particule en ). Le processus de mesure peut être décrit en deux étapes :

L’appareil enregistre l’état de la particule. Il obtient une information sur la particule qu’elle partage donc avec elle. On dit que l’état de l’appareil et de la particule sont corrélés ou intriqués.

Il y a éventuellement un phénomène, aléatoire, de réduction. Par exemple, si (par hasard) on trouve la particule en , le processus (dit de von Neumann) s’écrit comme suit : ( ) Les deux flèches correspondant aux deux étapes. Si l’on ignore volontairement la réduction, on obtient : ( ) C’est ce que l’on appelle l’interprétation des états relatifs (imaginées initialement par Everett). C’est-à-dire que lors de la mesure, l’état de la particule n’a de sens que relativement à l’état de l’appareil de mesure. Mais on a un problème ! Jamais, dans une expérience, on ne trouve l’appareil de mesure dans un tel état superposé. On va lire sur le cadran soir le résultat , soit mais pas les deux. Mais est-ce vrai ? Ajoutons une étape dans le processus : un humain enregistrant le résultat (et on peut ajouter autant d’étape que l’on veut : l’humain notant le résultat dans un cahier, un autre humain lisant le cahier, etc.). Notons son état initial, traduction de « je vais effectuer une mesure » et , ses états après mesure, traduction de « j’ai lu le résultat indiquant que la particule est en » (et de même pour le deuxième). Trouvez-vous étrange de représenter l’humain par un état quantique ? Ce n’est pas si étrange que cela si on désire tout décrire par la mécanique quantique. Et ce n’est pas plus étrange que de le décrire avec des grandeurs issues de la physique quantique « : « cet humain est dans l’état : 80 kg, lieu Belgique, vitesse 3 km/h, etc. » ou par la biologie : « tel assemblage d’os, de chairs, de tendons, etc… » Le processus sans réduction devient : ( ) ( ) On voit que l’on a des états « je mesure la particule en » ou bien « je mesure la particule en » mais pas « je trouve la particule à la fois en et ». Il n’y a pas de problème ! Bien entendu, il peut sembler étrange de parler d’un « état superposé » pour un être humain, mais si l’on veut décrire tout par la mécanique quantique, c’est inévitable et de toute façon, au moins mathématiquement, tout à fait valide. Cette interprétation pose quelques difficultés techniques, comme les probabilités quantiques. S’il n’y a pas de réduction probabiliste, faire le lien avec les probabilités mesurables expérimentalement n’est pas immédiat. Cela est toutefois possible.

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Il reste un problème. Lorsque l’on a un système dans un état de superposition quantique, on peut le vérifier par différents moyens, comme par exemple une expérience d’interférence de type Young. Mais aucune interférence n’a jamais été observée avec un appareil de mesure, avec une pomme une table ou… un être humain ! Et de manière générale avec un objet macroscopique (à quelques exceptions notables comme les courants électriques dans des matériaux supraconducteur ou les gaz refroidit à une température proche du zéro absolu et appelés « condensats de Bose-Einstein »). Pourquoi ? Pour pouvoir effectuer une telle expérience, il faut avoir un système dans un état superposé. Par exemple, la particule dans l’état ou bien l’ensemble particule et appareil après mesure : . Mais pas la particule seule dans l’état car son état est intimement lié à l’appareil. Or, comme nous l’avons dit, il est impossible d’isoler des objets de grandes tailles : il y a des chocs avec les molécules d’air, des rayonnements électromagnétiques, etc… Et même la gravité. Toutes sortes de choses interagissent avec l’appareil de mesure. Et chaque interaction est comme le processus de mesure ci-dessus. Tout devient vite lié (intriqué). Il devient vite impossible de démêler la particule du réseau d’intrications avec l’ensemble de l’environnement et on ne peut plus vérifier la superposition quantique. C’est le phénomène de décohérence quantique et on peut même vérifier que ce mécanisme donne aux objets quantiques un comportement semblable aux objets classiques de notre quotidien. Cela explique l’impossibilité (pratique) de vérifier la superposition quantique du processus de mesure décrit plus haut.

Mondes multiples Une autre interprétation, dans le prolongement de la précédente, est possible. Considérons le résultat final ci-dessus : A cause de la décohérence, la superposition quantique n’est plus mesurable. Le résultat est alors semblable à : et C’est exactement comme si l’ensemble s’était séparé en deux parties disjointes, une pour chaque résultat de mesure possible. Si l’on considère la décohérence et l’interaction du système avec l’environnement et même au-delà (tout l’univers), cela revient à considérer que l’univers s’est séparé en deux ensembles ! C’est l’interprétation dite des mondes multiples ou des univers décohérés. Bien sûr, ceci n’est correct qu’en première approximation, pour deux raisons :

Les interactions avec l’environnement ne se font que de proche en proche. Il faut qu’il y ait propagation des informations liées aux interactions. Vitesse forcément inférieure ou égale à la vitesse de la lumière. Il est donc erroné de considérer une séparation « instantanée » de tout l’univers en deux copies. Mais ce n’est pas un problème car même sans interaction on

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peut toujours artificiellement considérer des copies identiques de certaines parties de l’univers. Ce qui compte est que le système soit décohéré.

La décohérence n’est jamais parfaite. Si c’était le cas, la considération d’un des mondes après séparation constituerait à nouveau une violation de l’évolution unitaire de la mécanique quantique. Il reste toujours une très légère cohérence quantique appelée « queue de décohérence ». Elle est juste impossible à mesurer en pratique avec des objets macroscopiques.

A cause de ces approximations, l’interprétation des mondes multiples est dites FAPP (« for all practical purpose », c’est-à-dire « pour tout usage pratique »), ce qui d’ailleurs est toujours le cas en physique. L’interprétation des états relatifs est plus rigoureuse et tout peut y être scientifiquement justifié mais la description des mondes multiples à l’avantage d’être plus simple intuitivement. A chaque mesure (réalisée par un dispositif macroscopique) faisant intervenir une superposition quantique (mesure d’un système microscopique), on a une séparation en plusieurs mondes.

Chaque séparation est appelée branchement et les différents mondes possibles des branches. Chaque monde est un peu différent des ondes puisque chacun correspond à un résultat de mesure différent. Après de nombreuses mesures on peut avoir des mondes forts différents. On doit considérer comme mesure toute interaction physique assimilée comme tel et il y en a des centaines à chaque seconde en tout lieu. L’arbre croît donc de manière vertigineuse.

Un processus irréversible Le processus de mesure semble irréversible. Dans le cas du principe de réduction, la mesure se traduit par une perte d’information irrémédiable (la composante dans l’exemple ci-dessus). Dans le cas des mondes multiples, on a une augmentation et pas une diminution du nombre de mondes du passé vers le futur. En fait, ce n’est pas tout à fait correct (ce qui est aussi une raison pour ne pas apprécier le principe de réduction). Si l’on regarde le processus : ( ) Sans invoquer de réduction ou de branchement. Alors la transformation t -t donne le processus inverse. ( ) Ce processus inverse est tout à fait valide selon la théorie. L’équation d’évolution est en effet invariante sous une telle transformation. Elle correspond à un processus « d’oubli » ou « d’effacement de la mémoire ». Ici l’appareil de mesure « oublie » le résultat de sa mesure.

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De tels processus dans les deux sens s’observent au niveau microscopique. Si cela ne s’observe pas au niveau macroscopique c’est à cause de la décohérence qui par ses liens multiples entre le système et les myriades de particules de l’environnement introduit une évolution statistique avec augmentation de l’entropie. C’est à nouveau là que se cache l’irréversibilité. Et non pas dans le principe même de la mesure.

Voyages dans le temps On a donc de nombreux mondes totalement indépendants (en fait, ce n’est pas tout à fait vrai, à cause des queues de décohérence et du fait que l’irréversibilité n’est que statistique) et presque identiques (au moins pour une grande partie de ces mondes). A cause de cette indépendance, la mécanique quantique, au moins lorsque l’on parle de « monde macroscopique » n’autorise pas de passage d’un monde à l’autre. D’ailleurs, même lorsque la réversibilité ne peut pas être ignorée, il ne s’agit pas de communications entre mondes mais plutôt de processus d’évolution renversé dans le temps. Ce phénomène des mondes multiples ne semble donc pas exploitable pour voyager dans le temps, ce qui est dommage puisque nous avions là des « mondes parallèles » tout trouvé. La science-fiction les invoque d’ailleurs parfois dans certaines histoires parfois même sans entrer dans les détails (comme dans le film Source Code). Notons qu’il existe des expériences assez célèbres en mécanique quantique appelées « choix différés » qui semblent autoriser une communication allant du futur vers le passé (tout comme il en existe qui semblent autoriser une communication instantanée à distance). Mais ce sont des illusions dues à l’interprétation de la mécanique quantique, en particulier l’interprétation de Copenhague. Ces communications apparentes ne sont d’ailleurs pas exploitables. Donc, nous n’insisterons pas sur ces expériences.

Gravité quantique Nous avons à notre disposition plusieurs théories fondamentales expliquant le monde : la relativité, la mécanique quantique. Ces théories doivent parfois s’appliquer à des phénomènes qui impliquent tant les aspects relativistes que quantiques. De plus, ces théories sont parfois incompatibles. Le mariage de ces théories en une théorie semble donc un chemin de recherche obligé. La relativité restreinte et la mécanique quantique ont réussi un mariage heureux. La théorie qui en est issue : la théorie quantique relativiste des champs et la théorie la plus élaborée, la plus complète et la mieux validée de tous les temps. Ses succès sont innombrables et elle est à la base de ce qui est appelé « Modèle Standard de la Physique des Particules ». Le dernier grand succès en date fut la confirmation de l’existence du boson de Higgs dont les interactions donnent leur masse aux particules. Mais il reste encore deux amants terribles : la relativité générale et la mécanique quantique. Ces deux théories sont vraiment incompatibles, tant du point de vue des concepts, du formalisme mathématique que dans certains phénomènes (à cause du principe d’indétermination temps – énergie, à très petite échelle, dite échelle de Planck, les fluctuations quantiques devraient provoquer

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l’apparition de trous noirs. De très nombreux trous noirs, partout et à tout instant. Ce qui n’est, on s’en doute, pas observé). Malgré quelques succès dans des rencontres légères et discrètes, par exemple si l’on considère un espace-temps courbe mais imposé et la théorie quantique des champs on peut arriver à de jolies prédictions comme celle de Hawking qu’un trou noir n’est pas tout à fait noir mais doit rayonner (très faiblement) et s’évaporer, encore beaucoup de travail nous attend. Nous avons quelques théories candidates à cette unification. Nous en parlerons en quelques lignes ci-dessous. Mais ces théories ne sont non seulement pas mures (leur élaboration est extrêmement difficile) mais en plus non validées par l’expérience (non seulement à cause de leur manque de maturité mais aussi parce que les domaines où relativité générale et mécanique quantique s’appliquent ensemble sont singulièrement difficile d’accès). On ne sait donc pas du tout quelles sont les bonnes approches ni même si nous avons déjà trouvé des voies intéressantes. Tout ce qui suit est donc encore fort spéculatif. Selon les manières de surmonter les difficultés de l’unification de la gravitation avec la mécanique quantique, selon les hypothèses émises, on aboutit à différentes théories. Décrivons en deux dans les grande ligne.

Théorie des cordes Dans la théorie des cordes, on émet les hypothèses que les particules ne sont plus des objets ponctuels mais des objets à une dimension en forme de courbe ou de boucle (les cordes) se déplaçant dans un espace-temps d’arrière-plan. De nombreux travaux théoriques ont montré :

Que l’ensemble des particules et de leurs interactions peuvent être retrouvées à partir des vibrations d’une corde de nature unique. Chaque mode de vibration correspond à un type de particule (photon, électron,…)

Le graviton, particule hypothétique transmettant la gravité, se retrouve comme le mode de vibration le plus simple. Le fait de voir surgir cette particule sans l’avoir explicitement introduite dans la théorie est un beau succès.

On montre que la théorie est sans anomalies a condition que les cordes se déplacent dans un espace-temps à 11 dimensions.

Nous n’observons que 4 dimensions dans notre monde (haut-bas, gauche-droite, avant-arrière et le temps). Les autres dimensions seraient enroulées sur une toute petite taille. Si l’on pouvait se déplacer dans les directions correspondant à ces dimensions, après s’être déplacé d’une distance bien inférieure à la taille d’un atome, nous nous retrouverions au point de départ. Ces dimensions supplémentaires sont donc invisibles.

En plus de ces ingrédients, il faut ajouter des branes. Ce sont des variétés (par exemple des surfaces ou des espaces à 4 dimensions) où les cordes peuvent se balader ou bien où leurs extrémités sont contraintes de se trouver. Suivant les ingrédients (en particulier la manière de replier les dimensions supplémentaires et les différents types de branes) on obtient de nombreux modèles donnant des ensembles de particules différents. Le nombre est vaste et retrouver le Modèle Standard est encore un vrai défi.

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Gravité à boucles Dans la gravitation à boucles, on utilise une approche très différente qui consiste à appliquer directement les règles de quantification à la relativité générale. Cette approche est techniquement très difficile mais extrêmement rigoureuse. On montre qu’après quantification, l’espace-temps se comporte comme un ensemble de boucles minuscules et enchevêtrées. Les particules (photons, électrons,…) sont semblables à celles de l’approche traditionnelle sauf qu’au lieu de se déplacer dans un espace-temps ordinaire et imposée (par exemple celui de la relativité restreinte), elles se déplacent dans cet espace-temps riche, dynamique et complexe. On montre que l’espace-temps ainsi obtenu est quantifié. Plus exactement, les grandeurs telles que l’aire ou le volume sont quantifiées, ne pouvant prendre que certaines valeurs. Pour de grandes tailles, ces grandeurs sont quasiment continues, mais à une échelle submicroscopique l’espace-temps a une structure très particulière.

Un espace-temps moussu Il existe bien d’autres théories tentant cette unification. Sans être exhaustifs, citons : les twisteurs, le super-espace, la supergravité, les géométries non commutatives, les triangulations dynamiques causales, etc… Mais dans tous les cas, l’espace-temps prend forcément une structure différente, très complexe à petite échelle, moussue, remuant comme de l’eau qui bout sous l’influence des fluctuations quantiques. Ce n’est simplement que la conséquence du principe d’indétermination appliqué à l’espace-temps. A cela il faut ajouter la particularité des superpositions quantiques. L’espace-temps n’admet pas une image classique simple car en plus d’être complexe il est dans un état de superposition quantique de plusieurs états eux-mêmes complexes.

Trous de vers et mondes parallèles En particulier, beaucoup de théories prédisent qu’à très petite échelle, il se crée des trous noirs et des trous de vers, microscopiques et qui disparaissent presque aussi tôt. A cela il faut ajouter la prédiction de mondes parallèles telles que les branes dont l’une pourrait correspondre à notre univers. Bien d’autres choses étranges sont produites, parfois bien difficiles à décrire avec de simples mots. Des choses souvent encore plus étranges que dans la science-fiction. Dans cette version quantique de l’espace-temps, une approche par les états relatifs ou les mondes multiples n’aurait plus la forme simple des branchements que nous avons vu. Il n’est plus exclu d’avoir des liens éventuellement très complexes entre mondes. Cela autorise presque toutes les spéculations comme celles que nous avons imaginés avec des ponts entre mondes et époques !

Conclusions Alors, les voyages dans le temps sont-ils possibles pour la science ?

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Ce qu’on peut dire :

Les voyages dans le temps ne sont pas exclus. Mais sous des formes un peu moins naïves que dans beaucoup d’histoires de science-fiction (voir les solutions, par exemple, avec des mondes parallèles).

Les théories scientifiques validées par l’expérience ne l’autorisent pas. Mais les théories allant au-delà de ce qui est validé actuellement peuvent éventuellement

l’autoriser. La porte reste légèrement entre-ouverte. Et d’un point de vue technologique. Pourrait-on fabriquer une machine à voyager dans le temps ? Non, loin de là. Non seulement les aspects théoriques sont spéculatifs mais rien dans les expériences et les observations ne nous permettent d’aborder ces domaines ou ne nous donnent le moindre indice dans ce sens. Si de tels moyens technologiques existent, ils ne sont pas connus et ils sont encore loin, très loin de notre portée. Mais rien ne vous empêche de vous lancer dans la fabrication d’une machine à voyager dans le temps ou… d’un roman