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1 Trimestriel gratuit Numéro 3 Mai 2003 La vie des gens au cœur de notre terroir : L’ESCOUBO C ’est à 20 ans qu’il part explorer et étudier l’assè- chement du delta du Nil, enseignant la topographie et l’art de la fortification. Il devient ensuite archéologue et enrichit les collections françaises de bas-reliefs et de REPORTAGE Marie-Pierre Bérengier : relieuse Benoît Tranquille, flûtiste Bédarrides : lou printèms prouvençau L ’ingénieur, Prisse d’Avennes est un explorateur. Né en 1807, il part à 19 ans, nanti du diplôme de l’École des Arts et Métiers de Châlons, pour l’Orient, profitant du reflux de l’empire ottoman afin de reconstruire l’Égypte, l’un des pays avec la Grèce qui viennent de s’émanciper et qui en même temps symbolisent l’aube de l’humanité. À la main avec patience. N ous sommes le samedi 21 décembre 1782. Le petit village de Caderousse ne connaît pas l’efferves- cence des jours d’été. L’air est sec et frais, le grand fleuve est calme. Quelle heure indique l’horloge de l’Hôtel de Ville ? Aucun his- torien ne peut le dire. À cent lieues de là, à Gênes, on entend les cris d’un petit bambino. Des cris qui ressem- blent à un air de violon. Il faut dire que celui qui vient de naître n’est autre que le petit Niccolo Paganini. Mais reve- nons à Caderousse. (Suite p. 6) Q uand j’entends le mot Escoubo… La présiden- te de l’association Parlaren group prouvençau de Bedar- rido, Anne-Marie Ferreira, ayant lu le journal m’en- voie un petit mot accompa- gné d’un programme. En lisant ce document je m’aperçois que le samedi 15 mars, dans la campagne de Bédarrides, on inaugure un lieu qui prend comme déno- mination Chemin du Ratanaï – Pont de l’escoubo. Au seul nom de ce pont, mon sang ne fait qu’un tour! Et sans plus tarder, je note ce rendez-vous. (Suite page 7.) En + dans ce numéro Éditorial, page 3. Mais qu’est-ce que c’est?, page 3. Dans la pile des vieux jour- naux, page 5 La parole est aux fleurs, page 5 Les contes du maset, p. 8. Les mots croisés, page 11. :–) Gard rhodanien, Haut-Vaucluse, Drôme provençale, Ardèche méridionale manuscrits. On lui doit de remarquables publications sur l’art égyptien et l’art isla- mique. Il meurt en 1879. Mais, me direz-vous, que fait Prisse dans le reportage sur une relieuse? Eh bien! nous y arrivons. (Suite p. 4) Aux lecteurs de me dire ce qu’est un «ratanaï». Quant à «escoubo», ça va ! Du Caucase au Comtat S ’il fallait trouver le lien qui existe entre le Caucase, un cosaque, Cairanne, Carpentras et le costume comtadin, on répondrait, très justement, que tous ces mots commen- cent par un « C ». Effectivement! Mais, en vérité, c’est une autre histoire qui unit ces mots. Avec Anne Laberinto remontons le temps. 1921, sur la plaine du Kouban, domi- née par les contreforts du Caucase, à deux pas de la mer Noire se trouve une ville nommée Krasnodar. Sur cette plaine fertile vivent les intrépides et courageux cosaques. Parmi ces fiers et habiles cavaliers, un certain Ivan Victorivitch Gridine âgé de 23 ans se mesure avec d’autres amis dans un galop infernal. (Suite page 2.) Benoît Tranquille Berbiguier Jeune Provençale.

L'escoubo n°3 - mai 2003

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La vie des gens au coeur de notre terroir : Gard rhodanien, Haut-Vaucluse, Drôme provençale, Ardèche méridionale

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Page 1: L'escoubo n°3 - mai 2003

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Trimestriel gratuit Numéro 3 Mai 2003

La vie des gens au cœur de notre terroir :L’ESCOUBO

C’est à 20 ans qu’il partexplorer et étudier l’assè-

chement du delta du Nil,enseignant la topographie etl’art de la fortification. Ildevient ensuite archéologueet enrichit les collectionsfrançaises de bas-reliefs et de

REPORTAGEMarie-Pierre Bérengier :

relieuse

Benoît Tranquille, flûtiste

Bédarrides : lou printèmsprouvençau

L’ingénieur, Prisse d’Avennes est un explorateur. Né en1807, il part à 19 ans, nanti du diplôme de l’École des Arts

et Métiers de Châlons, pour l’Orient, profitant du reflux del’empire ottoman afin de reconstruire l’Égypte, l’un despays avec la Grèce qui viennent de s’émanciper et qui enmême temps symbolisent l’aube de l’humanité.

À la main avec patience.

Nous sommes le samedi21 décembre 1782. Le

petit village de Caderoussene connaît pas l’efferves-cence des jours d’été. L’airest sec et frais, le grandfleuve est calme. Quelleheure indique l’horloge del’Hôtel de Ville? Aucun his-torien ne peut le dire.À cent lieues de là, à Gênes,on entend les cris d’un petitbambino. Des cris qui ressem-blent à un air de violon. Il fautdire que celui qui vient denaître n’est autre que le petitNiccolo Paganini. Mais reve-nons à Caderousse. (Suite p. 6)

Quand j’entends le motEscoubo… La présiden-

te de l’association Parlarengroup prouvençau de Bedar-rido, Anne-Marie Ferreira,ayant lu le journal m’en-voie un petit mot accompa-gné d’un programme. Enlisant ce document jem’aperçois que le samedi 15mars, dans la campagne deBédarrides, on inaugure unlieu qui prend comme déno-

mination Chemin du Ratanaï– Pont de l’escoubo.Au seul nom de ce pont, monsang ne fait qu’un tour! Etsans plus tarder, je note cerendez-vous. (Suite page 7.)

En +dans ce numéro

Éditorial, page 3.

Mais qu’est-ce que c’est?,page 3.

Dans la pile des vieux jour-naux, page 5

La parole est aux fleurs,page 5

Les contes du maset, p. 8.

Les mots croisés, page 11.

:–)

Gard rhodanien, Haut-Vaucluse, Drôme provençale, Ardèche méridionale

manuscrits. On lui doit deremarquables publicationssur l’art égyptien et l’art isla-mique. Il meurt en 1879.Mais, me direz-vous, que faitPrisse dans le reportage surune relieuse?Eh bien! nous y arrivons.

(Suite p. 4)

Aux lecteurs de me dire ce qu’est un«ratanaï».Quant à «escoubo», ça va !

Du Caucase au ComtatS’il fallait trouver le lien qui existe entre le Caucase, un

cosaque, Cairanne, Carpentras et le costume comtadin,on répondrait, très justement, que tous ces mots commen-cent par un « C ». Effectivement! Mais, en vérité, c’est uneautre histoire qui unit ces mots. Avec Anne Laberintoremontons le temps. 1921, sur la plaine du Kouban, domi-née par les contreforts du Caucase, à deux pas de la merNoire se trouve une ville nommée Krasnodar.Sur cette plaine fertile vivent les intrépides et courageuxcosaques. Parmi ces fiers et habiles cavaliers, un certain IvanVictorivitch Gridine âgé de 23 ans se mesure avec d’autres amisdans un galop infernal. (Suite page 2.)

Benoît Tranquille Berbiguier

Jeune Provençale.

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Du Caucase au costume du Comtat-Venaissin (Suite de la p. 1)

DOMAINE DE

LA PIGEADEMarina et Thierry VAUTE

Cairanne, terre d’enfance deRaymonde. Ils travaillentdurement comme métayerdans une ferme des environset ont trois beaux enfantsdont deux garçons et unefille. On y arrive! Une fille pré-nommée Anne qui dès sa plustendre enfance, pendant lesfêtes paroissiales, s’habilledéjà avec les coiffes et les« veti » de sa mère. Enentrant comme apprentiecouturière chez MargueriteJubain, Anne s’imbibe déjà del’odeur du tissu provençal etdes formes des jupons et desrobes. Mais le naturel revientau galop et pendant de nom-breuses années, elle ne rêveque de grands espaces et dechevaux. En cavalière che-vronnée, elle sent alorsl’amour de liberté que sonpère Ivan lui a insufflé,quand, lui aussi au mêmeâge, il galopait avec ses amiscosaques. D’ailleurs, en 1966,Anne veut tellement con-naître le pays de son pèrequ’elle l’emmène avec elle.Ivan n’y est pas retournédepuis 46 ans et les souvenirsqu’Anne rapporte dans soncarnet de route feront certai-nement, un jour, l’objet d’unlivre que l’on pourra intitulerUne Comtadine chez les Cosa-ques.De retour à Avignon, elleanime pendant quatreannées le foyer des jeunestravailleurs. Elle rencontreSilvio et de cette union naît

Sandra. Quelques années plustard, Anne retourne en Russieen voiture emmenant toute lafamille afin de rejoindre sonpère. C’est en 1975 qu’Annes’installe au chemin de laPeyrière à Carpentras. Elleentre dans un groupe folklo-rique et l’alchimie du passé etdu présent produit son effet :elle se perfectionne enlangue provençale, conçoitdes costumes avec des pa-trons d’époque. Intarissablequand elle parle de costumecomtadin, elle nous enexplique les grandes lignes:« Dans tout le territoire quecouvre Avignon, le ComtatVenaissin… (Suite page 5)

Mais, quatre ans après laRévolution de 1917, juste

au moment où Lénine propo-se « La Nouvelle économiepolitique », la vie des grandesplaines au pied des mon-tagnes n’est pas si simple.Ivan en parle à sa famille ets’exile. 1923, en Turquie, legénéral Mustapha Kemal, dit

Atatürk, abolit le sultanat etproclame la République.Ankara devient capitale maisIstanbul n’en demeure pasmoins la ville princi-pale. C’est dans cette villequ’Ivan s’arrête souffrantd’un manque d’argent évi-dent. La cavalerie française dela Légion Étrangère se trouvedans les parages et recrutedes cavaliers. Meilleur cavalierqu’un Cosaque, ça n’existe pas

et Ivan est engagé sur-le-champ. Il sert la France pen-dant cinq ans. Démobilisé, ils’embarque pour Marseille. Lesoleil de Provence le ravit et ilremonte la vallée du Rhôneen homme libre. Pendantquelques années, il s’arrête làoù il y a du travail souventcomme ouvrier agricole.

Jusqu’au jour où pendantl’année 1933, il rentre au ser-vice du comte de Lantiany àLoriol-du-Comtat. Ivan, leCosaque des plaines duKouban, remarque la joliefemme de chambre et cuisi-nière du château, une certai-ne Raymonde Brunel. Ildéploie tout son charme slaveet convole en juste noce en1936. Raymonde et Ivan déci-dent de venir s’installer à

Étudier le costume, c’est bien ! mais le porter c’est mieux !

Ivan Victorivitch Gridine,le cosaque du Kouban.

84190 BEAUMES-DE-VENISETél. 04 90 62 90 00 – Fax 04 90 62 90 00e-mail : [email protected]

Côtes-du-RhôneCôtes-du-VentouxBeaumes-de-Venise

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Chères lectrices, chers lec-teurs. Déjà le n°3 de

L’Escoubo. Vous allez me direque ça devient une habitude,mais pourtant je me dois devous le dire et redire encoreet encore, merci à vous touspour les nombreux courrierset coups de téléphone quim’encouragent encore plusdans cette aventure. Quantaux annonceurs qui sontdevenus pour certains desfidèles du journal et qui, depar leur partenariat, me per-mettent de le développer, jene saurais trop, encore unefois, les en remercier, car, et làaussi je me répète, sans eux,L’Escoubo n’existerait pas.

Une bonne nouvelle pournombre de lecteurs hors de lazone de diffusion et pourceux qui ne peuvent se dépla-cer: nous mettons en placedès maintenant, un abonne-ment pour 4 exemplaires(tant que le journal resteratrimestriel). Vous trouverezen dernière page, un bulletind’abonnement moyennantun prix modique pour lesfrais d’envoi.

J’expliquais dans le n°1 quemon souhait était de pouvoirparler « de ceux qui nousentourent, de vous peut-êtreou de votre voisin, d’un amiou d’un parent; en tout cas degens qui souvent n’ont pas lapossibilité, par trop d’humili-té sans doute ou de timiditépeut-être, de parler de leurpassion, de leur art, de leurcourage ou tout simplement

de leurs souvenirs » Eh bien!Après le boulanger quiconstruit, lui-même ses fours,la créatrice de bijoux enpétales de fleurs naturelles, leluthier de 25 ans, l’écrivaincévenol grand spécialiste dela vie des gladiateurs à Nîmeset à Arles et dans ce numéro,la relieuse de la boutique duCoin de la rue et la Comtadineau pays des Cosaques, je peuxvous dire, chères lectrices etchers lecteurs, en vous met-tant très certainement l’eau àla bouche, que les reportagesne risquent pas de manquervu le nombre de lettres que jereçois émanant souventd’une tierce personne et quim’invite à aller rendre visite àtel ou tel ami. Tant mieuxc’est exactement ce queL’Escoubo demande: la ren-contre avec les autres.

Une nouveauté : dès quel’occasion se présentera, nousessayerons d’être présentsdans des manifestations quitouche le journal de prèscomme l’inauguration du« pont de l’escoubo » à Bédar-rides, que vous trouverezpage 7.

Si L’Escoubo peut apporterun brin de paix par sa lecturej’en suis très heureux.C’est pour cette raison que je

dédie ce numéro 3: « À toutiaquéli que patisson di guerro,mai noun à-n’aquéli que lisengimbron! » (À tous ceuxqui souffrent des guerres,mais pas à ceux qui les provo-quent!).

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ÉDITORIALYves Furic

Mais qu’est-ce que c’est?

La langue au chat Avant de regarder trop vite la réponse figurant en page11, sachez que cet objet nous permet de continuer à«nous fendre le cœur!»

Voici l’objet qu’il s’agit de nommer.

Lou parla qué m’agrado, es un parla

simple e ninoi, tausus lou papafard qu’ala bouco… Ieu parleau papafard coume

parle au proumié quérescontre.

Michel de Montaigne(1533 - 1592)

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Suite de la page 1.

Prisse découvre, pendantses aventures archéolo-

giques, le plus ancien manus-crit du monde, « le papyrusPrisse » daté de 4373 ansavant notre ère. Et si nouspassons le film en accéléré,nous arrivons tout bonne-ment à l’objet le plus connusur notre planète et qui ras-semble beaucoup de « papy-rus Prisse »: Le livre.Du latin « liber » qui veut direbois, le livre a existé sousdiverses matières comme lapierre, la terre cuite, le bois, lapeau et la soie. Mais depuisfort longtemps, nous leconnaissons tous avec sespages de papier et sa couver-ture en carton et cuir. Est-ceque cet objet a un pouvoir surles personnes ? Moi, je lepense vraiment et d’ailleurss’il n’en avait pas, il n’auraitpas fait de Marie-PierreBérengier la relieuse de laboutique du coin de la rueet… Mais revenons à sonenfance.Marie-Pierre a douze ans,nous sommes le jour de Noëlet devant le sapin, un énormecadeau l’attend. Impossiblede le soulever, il lui faut l’aidede ses parents. Très méticu-leusement, Marie-Pierreouvre le présent. Soudain, ellerecule pour mieux apprécier,sa joie est immense, elleouvre de grands yeux. Rien nepeut lui faire plus plaisir : unepile de livres rien que deslivres et il y en a dix-neufkilos. Ce plaisir, ses parents« formidables » vont le per-pétuer sans cesse. Si bien queMarie-Pierre, dès sa plustendre enfance ne va penserqu’à une chose: « Je veux tra-vailler dans le livre! » Alorselle décide de se lancer dansun métier manuel afin de par-faire la dextérité de ses doigts.Elle monte avec une amie unatelier de travaux manuels àMontpellier. Plus le tempspasse et plus ses doigts sontsensibles et agiles.L’équation: livre, doigts, pas-sion et amour vont inexora-blement l’entraîner danscette spécialité dont elle fait

son métier : la reliure. Ellepart s’installer à Octon prèsde Lodève. C’est là qu’elle va

suivre, observer et écouter,pendant deux ans, son MaîtreClaude Vallin. Dès 1998 ellequitte le village pourrejoindre Avignon où elletrouve plusieurs postes enlibrairie. Le destin est tout demême parfois sur nos tracespuisque peu de temps après,Marie-Pierre achète le maté-riel de reliure d’un orangeoisqui arrête son activité. C’esten juillet 2002 qu’elle ouvresa boutique où très rapide-ment la clientèle lui fait preu-ve de fidélité. Voilà la vie deMarie-Pierre, pleine de rebon-dissements et de passion,mais tout de même, je nepeux pas quitter la boutiqueau coin de la rue Caristie et dela petite fusterie à Orange,sans lui demander quelquesdétails sur son art. Quelquesdétails! Vous allez voir qu’enfait, Marie-Pierre nous livretous les secrets d’un livrebien relier.Au départ, le livre est cousuen cahier de plusieursfeuillets. Il se nomme alors:livre broché et ne comportequ’une couverture souple. Siensuite on désire une magni-

fique reliure, le véritable tra-vail commence. La premièreopération est le débrochage

qui consiste à démonterentièrement le livre. On profi-te de cette phase pour le répa-rer si nécessaire. À ce mo-ment, on rassemble lescahiers et on les met sous

presse. Le travail d’ébarbage àla cisaille afin d’égaliser lesfeuilles est une opération qued’autres artisans font enrognant ou en massicotant.Minutieusement, le livre estcousu sur ficelles à l’aide d’uncousoir. Ensuite on endosse lelivre en le serrant dans unétau afin d’arrondir le dos du

livre. Pendant la phase de pas-sure en carton, les ficellessont insérées dans les cartonsde couverture. Si l’on veutposséder un livre de grandequalité, on demande à Marie-Pierre de le revêtir de cuir etcette phase est appelée la cou-vrure qui consiste en l’appli-

cation sur lesplats et le dosd’un revête-ment qui peutêtre en toileou en cuir ded i f f é r e n t e squalités (plei-ne toile, pleincuir ou demi-cuir) Trèsmodestement,Marie-Pierreprécise queson travails’arrête là carelle laisse ladorure àd’autres maisajoute t elle :« Je dois fairemon apprentis-sage dans cedomaine defaçon à pou-

voir maîtriser latotalité des

phases du métier de relieuse. »Dans la boutique qui porte lejoli nom de « La boutique aucoin de la rue ». On y trouvetoute sa production qui vabien au-delà de son métier

comme: des albums photo-graphiques, des carnets à des-siner, à écrire et des boîtes detoutes sortes. Bien sûr, onpeut trouver aussi des livresrégionaux et, en permanence,du très vieux matériel de plusd’un siècle qui, remis en étatfonctionne encore mer-veilleusement bien comme la

REPORTAGEDu papier à l’objet d’art

Des cuirs multicolores, un choix délicat.

Au coin de la rue, il y a une boutique.

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grosse cisaille «Dabasse» àcontrepoids.Quand on parle de reliure, onpense naturellement au livre,mais savez-vous que le verberelier c’est aussi pour le ton-nelier de mettre des cercles àun tonneau? Je me suis tou-

jours dit que relier un livrec’était la seule façon de le gar-der en bon état très long-temps et je pense que lemétier de Marie-Pierre a toutsimplement pour but de« relier le passé au présent ».

Un vieil outil, mais un résultat précis.

Dans la pile des vieux journaux

Dans un magazine de l’année1960, sous la rubrique«Courrier du cœur», on pou-vait lire ceci :«J’ai 15 ans, elle 18. Je ne l’aivue qu’une fois, mais chaquefois que je téléphone à sonfrère, c’est elle qui répond. Jen’ai jamais osé lui dire que jel’aimais, son âge m’impression-nant un peu, mais il me semblene pas lui être indifférent. Quefaire, me déclarer ou resterdans l’ombre?»

La réponse du psy del’époque:«Rester dans l’ombre, au boutdu fil. C’est délicieux d’aimer ensecret, par téléphone, à l’abrides contingences – bouton surle nez, parfum écœurant, gau-cherie, etc. Récepteur à l’oreille,on imagine ce que l’on veut. Etl’on raccroche quand on veut,

ce qui n’est pas un mince avan-tage. Vive l’amour par fil !L’autre, à plus tard.»Le problème, c’est que plustard viendra le téléphonesans fil ! Alors à quand…l’autre?

… la Principauté d’Orange, leTricastin et la frange du Gardqui borde le Rhône, on portaitle costume comtadin et sa coif-fe à la grecque. En 1830, la robea des manches serrées vers lehaut, large au niveau du coudeet resserrée au poignet. Vers1860 la manche est simple etétroite, très ajustée comme lecorps de la robe et c’est en 1870que la mode suit celle de Paris.On abandonne la coiffe, le cos-tume régional et ainsi dispa-raissent : le cotillon piqué, lecorset et la chemise à « listo »,même à la campagne. On rangeles fichus d’indienne dans lesarmoires. Seules les vieillesdames avec leur vêtement dedeuil, conservent leur coiffe depiqué, nouée sous le menton.Chose curieuse, si la dame n’estplus libre, les rubans de la coif-fe sont noués parfois de façonsdifférentes suivant les villagesmais, si la dame est libre, lesrubans restent dénoués, saufdans le Haut Comtat. »Aujourd’hui, à la recherchede leurs racines, les gens dupays portent pendant lesfêtes, le vesti de leurs aïeux.Et c’est là que les passionnés,comme Anne, interviennentcar on constate que la mécon-

Du Caucase au costume du Comtat-Venaissin (Suite de la p. 2)

naissance de l’histoire du cos-tume entraîne des erreursdans la façon de s’habiller.C’est bien pour palier à ceserreurs qu’Anne organise desjournées d’études, des stageset des expositions confé-rences sous l’égide de l’insti-tut du patrimoine comtadin.Peut-être verrons-nous unjour, lors d’une fête provença-le, non pas un gardian et sonArlésienne, mais plutôt uncosaque et sa Comtadine!

Anne Laberinto04 90 63 49 49

Yves Furic

La parole est aux fleursToutes les femmes et cecidepuis la nuit des temps,aiment les fleurs. Dans lanature, comme les coqueli-cots dans les champs de blé,coupées en bouquet dans ungrand vase, offertes seulecomme une rose, témoignantune passion amoureuse, etc.Mais savez-vous que cesreines de beauté ont un lan-gage?En voici quelques exemples:Le bleuet c’est le premieramour, le crocus annonce unecertaine inquiétude, l’œilletest la preuve d’un amour vifet pur, la rose rouge c’estl’amour avec la tendresse et laviolette présage d’une grandetimidité. La liste est longue etd’autres fleurs seront citéesdans les prochains numéros.

Mais dans les années 30, cer-tains conseils veulent fairecroire que les fleurs sont par-

fois et ceci, suivant leur utili-sation, des preuves d’a-mour… douteuses :

« Il faut éviter avec soin delaisser, la nuit, des bouquetsde fleurs dans la chambre àcoucher, car le parfumqu’elles exhalent, respiré sansaucun renouvellement d’airpendant toute la durée dusommeil, porte à la tête etrisque d’occasionner degraves indispositions –jusque là ça va, mais attendezla suite – Les émanations defleurs, quand elles sont tropfortes, peuvent même aller,étant longtemps respirées,jusqu’à déterminer l’empoi-sonnement. »

Eh oui ! Jacques Brel avaittout compris : « J’vous aiapporté des bonbons, parceque les fleurs… »

Anne Laberinto.

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Suite de la page 1.

Le correspondant de la gazette locale, un certain

Sieur Masse, entend lui aussides cris de nouveau-né. Il sedirige dans la direction, s’ar-rête devant une charmantemaison de la rue Saint-Louiset, avec le culot dû à sa pro-fession, il pénètre à l’intérieurde la demeure sans y avoir étévraiment invité. Mais ne luien voulons pas puisqu’il est leseul témoin de cet immenseévénement: la naissance deBenoît Tranquille Berbiguier,le plus grand flûtiste quenotre planète ait connu. Voicidonc le reportage que le sieurMasse, « gazettiste » de sonétat nous a laissé.La rue Saint-Louis est en lies-se, car juste à l’emplace-ment… [malheureusement,l’inondation de 1856 a effacéune partie de l’écrit sur le par-chemin et encore aujourd’hui

l’association pour le patrimoi-ne de Caderousse « Lalevado » cherche cet emplace-ment.] Joseph Berbiguier etson épouse Marianne vien-nent d’accueillir leur petitgarçon. Le père demande à ce

que l’on prévienne l’oncleFrançois Louis Berbiguier quiest depuis longtemps le curéde Caderousse. L’enfant s’ap-pellera Benoît (c’est bien nor-mal quand on naît dans unvillage de fondation bénédic-tine et quand on a un tontoncuré). Tranquille (les parentsl’espèrent) Berbiguier : cenom pastoral est celui d’unedes plus anciennes famillesdu village qui a donné son lotd’hommes célèbres: FrançoisLouis, l’oncle curé, le dernieraumônier de la chapelle St-Joseph sur le Barri et premierhistorien du village en 1779;Joseph Blaise, son père,consul en 1772, inaugure lenouvel hôtel de Ville ; Denis,le frère de Benoît Tranquille,moins béni que lui, seracélèbre pour son extravagan-ce et sa folie. Charles X le faitd’ailleurs enfermer après lapublication d’un ouvrage

démoniaque sur « les farfa-dets » dans lequel il dit quetous les démons ne sont pasdans l’autre monde, ouvragedédié aux princes, rois, empe-reurs [sur ce coup il n’avaitpas vraiment tord et ce pourdes décennies]. Mais reve-nons à notre petit BenoîtTranquille. Comme tous lesenfants, il aime s’amuser dansla campagne et découvre rapi-dement la musique desroseaux et des sifflets qu’ilapprend rapidement à con-fectionner pour imiter lechant des fauvettes et destourterelles. C’est ainsi, nousdit F. Vidal dans son ouvrageconsacré au galoubet et au

tambourin en 1862, queBenoît Tranquille découvre lamusique et la flûte. Son sur-nom de « Quilon », mention-né dans un ouvrage, qui pour-rait être le diminutif deTranquille, s’explique plutôt, ànotre avis, par le terme pro-vençal « quilo » qui désigneun sifflet, un appeau. Safamille le destine au barreau;mais, dominé par son goûtpour l’art musical, il quittebrusquement Caderousse aumois d’octobre 1805 à 23 ans,se rend à Paris, entre auConservatoire dans la classede flûte de Wunderlich.Pendant plusieurs années il

fait de la musique sa profes-sion, lorsqu’en 1813, il estcontraint de quitter Paris parsuite du décret qui ordonneune levée de trois cent millehommes. En 1815, il entredans les gardes du corps, suitla cour à Gand et rentre avecelle à Paris. Au mois denovembre de la même année,il obtient une lieutenancedans la légion de l’Ain, quis’organise à Bourg; mais fati-gué de l’état militaire et dési-rant se livrer de nouveau à lacarrière musicale, il donne sadémission, en 1819, et revientà Paris, où il épouse, en 1823,Mademoiselle Plou, l’une desharpistes les plus habiles decette époque. C’est surtoutcomme compositeur pour laflûte que Berbiguier se fait unnom recommandable. Les

La vie (légèrement romancée) de Benoît Tranquille Berbiguier

L’acte de baptême de Benoît Tranquille.

Transcription: L’an mil sept cent quatre-vingt-deux et levingt [et] unième décembre, est né en légitime mariageBenoît Tranquille Berbiguier, fils naturel et légitime de M.Joseph Blaise Berbiguier et de Demoiselle MarianneThérèse Tissot. Il a été baptisé par nous curé soussigné.

Le parrain a été M. Nicolas Tissot son grand-oncle mater-nel et la marraine Demoiselle Marie Marguerite Berbiguier.Présentant acte Messire François Louis Berbiguier prêtre etM. François Vedvilhé, oncles de l’enfant.

Le vingt-huitième dudit mois de décembre.

Yves Perrousseaux, maître typographe, nous renseigne sur lessignatures de cet acte:

Juste à côté de « décembre » figure une signature nette et simple:Berbiguier (le père de Benoît). Sur le même rang, à droite, tremblanteet pleine d’émotion: M Tissot (Marianne, la mère de Benoît). Sur ledeuxième rang, à gauche, avec un g très calligraphique: Berbiguier,suivi de l’abréviation de « prêtre » (c’est un oncle de Benoît). Mêmerang, au milieu: Vedvilhé (autre oncle de Benoît). Troisième rang àgauche, une signature très sophistiquée, pleine de traits de paraphes,terminée par un quadrillage appelé « ruche » significative des chan-celleries politiques, des notaires possédant une charge: Nicolas Tissot(grand-oncle maternel de Benoît). Enfin sur le même rang à droite :Berbiguier curé, c’est lui qui a célébré le baptême.

Horizontalement :1.Fricandeau.2.Ra – Sas.3.Impact.4.Main – Ôtées.5.OG – Tyrans.6.Uele –IR – PS.7.Centre.8.Savait – Rit.9.Émis– Évite.10.Sise – Sues.

Verticalement :A.Frimousses.B.Ramage – Ami.C.Pi– Lavis.D.Crante – Ase.E.Ci.F.Notoriétés.G.Tarn – Vu.H.Essen –Trié.I.Aa – Esprits.J.Usas – Sète.

Solution du mots croisés de la p. 11

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Suite de la page 1.

Quand on parle de laProvence, on pense aux:

soleil, mistral, cigales,lavandes, etc. Pourtant le 15mars 2003, on peut le noter: ilpleut, le vent vient de la mer,les cigales ne sont pas encoreréveillées et la lavande n’estpas fleurie. Mais, au centre duvillage de Bédarrides, dans lasalle de la mairie, c’est bien legaloubet et les tambouri-naïres que l’on entend. Etmême si les ingrédients de laProvence ne sont pas tousprésents, avec la musique, ilsuffit de fermer les yeux pourles rassembler. Fermer lesyeux! En tout cas pas troplongtemps car dans cettesalle, toutes les couleurs duterroir nous enchantent.L’exposition « le bois danstous ses états » présente lesessences du Mont-Ventouxpar l’ONF, les métiers tradi-tionnels autour du boiscomme l’ébénisterie, lamenuiserie et l’industrie dubalai. Sont exposées, lesœuvres des sylvistructeurs de« la maison de l’amandier »de Saint-Rémy-de-Provence,qui en partant de souches oude morceaux d’amandiersarrivent à faire ressortir en

Bédarrides : un pont toujours balayé

ouvrages pour cet instrumentsont longtemps classiques, etse succèdent avec une fécon-dité rare. Ce n’est pas seule-ment en France qu’ils obtien-nent ce succès flatteur car lescatalogues d’Allemagne, où ilsfigurent tous, prouvent qu’ilsy jouissent d’une estimeméritée. Napoléon Ier lui faitdon d’une flûte en cristal, gar-nie d’or. F. Vidal, déjà cité, diten parlant de lui : « C’est le roides flûtistes de ce siècle. »Les événements de 1830 l’af-fligent, à cause de l’attache-ment qu’il a pour la familleroyale de la branche aînée desBourbons, et le décident de seretirer près de son ami Hus-Desforges à Pont-Levoy, prèsde Blois. Il jouit d’une exis-tence heureuse pendantquelques années; mais le cha-grin que lui cause la mort deDesforges le frappe d’un coupmortel. Après avoir accompa-

gné les restes de son ami aulieu de l’inhumation, il dit àquelques amis qui l’ont suivipour cette triste cérémonie:« Dans huit jours vous viendrezici pour moi. » Sa prédiction seréalise, car Desforges décède

Papageno, l’homme-oiseau.

Benoît Tranquille aécrit un grand nombred’œuvres pour flûte,notamment:

• 15 recueils de duospour flûte,

• 2 recueils de duos pourflûte et violon,

• 10 concertos,

• 7 recueils de sonatesavec violoncelle ou alto,

• 8 séries de variationsavec piano ou orchestre,

• 6 recueils de trios pourflûtes.

Une tradition qui fait revivre le costume.

Émail sur bois, blason de Bédarrides,Marie-Paule Lunetta, Eyguières.

travaillant les formes, les ner-vures et la patine du boisbrut, la poésie de la nature.Quant à notre inaugurationdu lieu, c’est en « calèche »moderne, mais en costumed’époque que tout le mondes’y rend. Monsieur le mairefait son discours ainsi quemadame la présidente. Lapluie n’est pas très forte etdans un geste officiel, la pan-carte est découverte.

Apparaissent alors les deux noms:« Chemin du ratanaï et Pont de l’es-coubo » À l’unisson, on chante CoupoSanto avant de revenir dans la salle oùun apéritif est servi. Traditions et ter-roir, convivialité et simplicité sont lespoints importants de cet événementqui contribue à pérenniser l’amourdes habitants à leur région.

Yves Furic

le 20 janvier 1838 et c’est le 29du même mois que Berbi-guier cesse de vivre, laissantderrière lui son village natal,le chant des oiseaux desbords du Rhône, mais aussiune œuvre merveilleuse.

Sieur Masse, gazettiste.

J’aimerais vous parler d’undétail historique qui eut

lieu le 5 décembre 1791 alorsque Benoît Tranquille avaitneuf ans et que la flûte l’en-chantait déjà: Mozart venaitde mourir. Quelques-uns deses fidèles amis décidèrentqu’on lui joue lors d’un officeen sa mémoire le premiermouvement du Requiem (der-nier morceau de sa composi-tion). Pourtant, le Maître avaitdemandé juste avant de pas-ser de vie à trépas qu’on luichante l’air de Papageno,l’homme-oiseau de La Flûte

enchantée qui était son per-sonnage préféré. N’est ce paslà un signe du destin qui tou-cha, peut-être l’âme, du jeuneQuilon?

Yves Furic

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Résumé. L’auteur est tombé amoureux d’un maset sur la plainede l’abbaye de Villeneuve-lez-Avignon. Souhaitant en faire l’ac-quisition, il se met en quête du propriétaire. Il rencontre deuxagriculteurs: Gagnac et Pilou qui après lui avoir raconté unehistoire (voir «Le dernier voyage des Chartreux» dans le n° 1 del’Escoubo) lui donnent le nom d’un possible propriétaire: lepère Boutin. L’auteur est mal reçu (voir «L’accent» dans le n° 2et décide de retourner chez Pilou. Celui-ci lui raconte l’histoired’un «pauvre» célibataire ayant vécu au village.

avait tellement qu’il aurait puacheter toutes les maisons dubourg. Il fut d’ailleurs pro-priétaire de l’une d’elle et si lafaçade ne le montrait pas, l’in-térieur, d’après le facteur seulautorisé à pénétrer quand ilpleuvait, le facteur, dis-je,racontait que des lunettes desoleil n’auraient pas été detrop tant ça brillait… Bon,d’accord! Il devait exagérerun peu celui-là.

Carcanne possédait sur laplaine de l’abbaye, pas trèsloin de mes terres, un vergeravec une bonne cinquantainede cerisiers. De la petite routequi bordait cette terre, il fal-lait parcourir une cinquantai-ne de mètres pour arriver aupetit maset qui abritait lesoutils des ouvriers agricoles.Mais, vous allez voir que desoutils il n’y en avait pas tantque cela. Un beau jourCarcanne disparut. Ses com-mis rassurèrent les villageoisen leur disant qu’il n’était pasmort puisqu’ils le voyaienttrès tôt le matin. Mais l’après-midi, fini, plus personne jus-qu’au lendemain. Vous pen-sez bien que les rumeursallaient bon train dans le vil-lage, on entendait de tout:– « Il doit percer un énormetrou dans sa maison pourcacher le magot… Il doit êtremalade, une de ces maladiesqu’il ne faut pas avouer…C’est un sorcier qui vit lanuit! »Et pourquoi pas un vampire?

Enfin tout ce qui pouvait êtredit, était dit.

Un jour, pour en avoir lecœur net, les villageois déci-dèrent, pendant la partie deboules, que chacun à leurtour, ils monteraient la gardeau coin de la rue pour vérifiersi, par hasard, Carcanne nesortait pas la nuit. Et jouraprès jour, chacun à tour derôle, ils se mirent en faction.Un vendredi à onze heures dusoir bien sonnées, l’hommequi était de garde entenditderrière la porte de la grangeun bruit de moteur. La portes’ouvrit et notre gardien vitCarcanne, habillé comme undandy, au volant d’unemagnifique voiture de luxe. Ilvoyait bien que ce dernieressayait d’être le plus discretpossible. La porte refermée, laberline disparut dans la nuit.Le lendemain au rapport surla place des boulistes, le guet-teur ne put en dire plus.– « Il faut que quelqu’un restejusqu’au petit matin » dit l’und’eux. Et rapidement unenouvelle stratégie se mit enplace.

Dans l’après-midi, un mys-tère de plus surgit. Un descommis de Carcanne vintboire un petit coup au bar dela place et raconta qu’uneentreprise de bâtiment étaiten train d’effectuer des tra-vaux de voirie sur la terre descerisiers.– « Des travaux de voiries surla terre des cerisiers? direntles villageois, allons voir cequi se passe! »

Et ils partirent tous. Ils neleur manquaient plus que desfaux et des serpes et on auraitpu croire qu’ils allaient à laprise de la Bastille. Effecti-vement, quand la petite trou-pe arriva devant la terre, ilsvirent des ouvriers qui cou-laient une longue tranchée debéton depuis la route jus-qu’au maset et ceci sur unelargeur d’au moins un mètre.Quelle était cette construc-tion bizarre? Un malin du vil-lage s’approcha des ouvrierset demanda si cela annonçaitl’édification d’un mur oualors, avaient-ils enterré là untuyau de canalisation ? Oubien… Enfin, il inventoriatout ce qui pouvait entraînerautant de travaux. À la répon-se du maçon, le mystère restaentier car monsieur Carcanne

Votre pauvre célibataire,comme vous dites, était le

plus riche de toute la ville.Pendant les années trente, ilavait hérité d’une propriététellement vaste que, mêmelui, n’en connaissait pas leslimites. À la mort de son père,il dut se renseigner auprès ducadastre afin de savoir si telleou telle terre lui appartenait.Car son père avait déjà héritéde la propriété de ses parentset, comme dans ma proprefamille, son père hérita de sonpère et ainsi de suite jusqu’àbien avant les papes d’Avi-gnon. Je ne pense pas qu’ilconnut sa pauvre mère qui,d’après la rumeur, était unefemme très brave et très cou-rageuse.

Dans sa petite enfance,Carcanne reçut une drôled’éducation : on lui appritqu’il ne fallait pas avoirconfiance en l’argent de l’É-tat. Car, lui disait-on : « lepapier n’a pas de valeur et lespièces sont en métal pauvre.Il ne faut posséder que de

CARCANNE LE RICHE

l’or » Eh oui, mon ami! Notrecélibataire avait aussi héritéde cela: jamais de billet debanque ni de pièces en métalpauvre, rien que de l’or, rienque de l’or. Et comme il s’ap-pelait Carcanne et qu’il étaitle plus riche, tout naturelle-ment, on le surnomma :«Carcanne le riche».

Il ne se maria jamais. Ilfaut dire qu’il n’était pas trèsbeau. Il était âgé de trenteans, mais le poids des respon-sabilités de cette grande pro-priété lui pesait tellement surles épaules qu’il en était deve-nu bossu. Oh, pas une grossebosse! Mais, suffisante pourle complexer à la vue desfemmes. Qu’est-ce que vousvoulez qu’un fils de gros pro-priétaire, célibataire, orphelinet bossu par-dessus le mar-ché, fasse de sa journée? Àpart surveiller les travauxagricoles, à quoi voulez-vousqu’un jeune, plus vraimentjeune, occupe ses soirées? Ehbien! À compter son or. Ondit dans le village qu’il en

Les contes du masetpar Paul-Alice Clément

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ne leurs avait pas donnéd’autres explications que decouler sur une vingtaine decentimètres et sur un bonmètre de large du bétonrugueux et un point c’esttout!

Les villageois rentrèrentbredouilles de leur quête. Lespréposés à la surveillance denuit se mirent en place dès lelendemain. Après plusieursnuits, alors que plus rien nese passait, les gens du villagedécidèrent l’arrêt de la sur-veillance. Le dernier soir, cefut le vieux Garoule qui se miten faction et pour vous qui neconnaissez pas Garoule, ilvaut mieux que je vous disequ’il avait tendance à jouerdu goulot. À son habitude,c’est dans une euphorie légè-rement alcoolisée qu’il prit lagarde. Au beau milieu de lanuit, la porte de la granges’ouvrit et Carcanne encore

habillé comme un dandy, sor-tit dans une magnifiquelimousine comme on en voitsur les magazines à la librairiede la place du marché.Garoule, un peu rêveur ne putanalyser tout de suite la situa-tion et quand il prit conscien-ce de l’événement, il était troptard, notre dandy était déjàloin.

Le rapport qu’il fit le lende-main matin sur le terrain deboule fut accueillit avec forcede: «C’était trop pour toi, il afallu que tu picoles ! » oualors : «Je m’en doutais, jevous l’avais dit qu’il ne sur-veillerait pas et que ce n’étaitqu’un prétexte pour boire uncoup en douce!» Et d’autresréflexions encore. PauvreGaroule, lui, en tout cas, la viede Carcanne ne l’intéressaitguère et il pensait à juste titreque tout le monde avait bienle droit de faire ce qu’il vou-

lait. À partir de ce jour, onlaissa Carcanne tranquille etplus personne ne s’intéressaà lui. Les mois s’écoulèrent etle village reprit sa vie paisible.

Une nuit d’été tellementchaude que la chaleur de laroute et des roches remontaitdans le ciel, un couple dejeunes amoureux du pays qui

profitait de la soirée à l’abrides regards en complicitéavec l’obscurité, se baladaitbras dessus bras dessous,marchant souvent en crabetant les baisers étaient nom-breux. Ils entendirent unmoteur. Surpris par ce bruitperturbateur et un peu in-quiétant, il faut le dire, ils s’ar-

Carcanne encore habillé comme un dandy, sortit dans une magnifiquelimousine comme on en voit sur les magazines.

Le vin en fêteSAMEDI 12 JUILLET 2003

Le Chapitre d’étéde la confrérie Saint-Vincent

La reine, le roi et le lieutenant de la confrérie Saint-Vincent de Visan délivreront «la délicieuse captive».

C’est en présence de Pierre Bachelet que, comme il y a plus de 500ans, les vignerons visanais vont élire le roi, la reine et le lieutenantde la confrérie. Vers 17 heures, ils auront la délicate mission de libé-rer 15000 magnums de cuvée du Marot 2001, emmurés depuis unan dans les caves du châ-teau. Après une dégusta-tion, vers 18 h 30, lesvignerons porteront lasouche à la chapelleNotre-Dame des Vignesoù elle sera bénie aucours de la messe enprovençal. Devant le châ-teau, on brûlera lasouche pour terminerpar une vibrante CoupoSanto qui invitera chacun à l’aïoli servi sur la place accompagné degrands vins de Visan et où l’on pourra, au cours du tirage de la tom-bola, gagner son poids ou sa silhouette en vin. La soirée se pour-suivra par un grand bal avec orchestre.

Renseignements et réservations à la Cave «Les Coteaux»,Tél. 0490285080 – Fax 0490285081e-mail : [email protected] – Site : http: // www. coteaux-de-visan. fr

Le caveau de dégustation est ouvert 7 jours sur 7

SAMEDI 31 MAI 2003

La fête de la vigne et du vin…au féminin

Pourquoi au féminin?

C’est au gré d’un voyage en petit train que les organisateurs vousemmèneront à la découverte du vignoble et du village pour termi-ner par une dégustation sur fût à la cave de vieillissement. IsabelleForêt auteur du Guide du vin au fémininaura la lourde tâche de présider unedégustation pour le choix d’une cuvéespéciale «au féminin» qui recevra unnom et une étiquette choisis par le jury.Une conférence suivra l’événement surle thème «Et si le vin était féminin!»Enfin, Isabelle Forêt sera intronisée parla confrérie Saint-Vincent.Un repas provençal clôturera la journée(22 €).

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rêtèrent sur le bas côté ets’agenouillèrent dans le fossécomme à la prière du diman-che. Une grosse berline noiredéboucha lentement près dela haie de cyprès. Elle s’arrêtaexactement devant le cheminbétonné de la terre des ceri-siers. Sachant ce que cet évé-nement allait susciter enpalabres, les amoureux n’enmanquèrent pas une bou-chée.

Les quatre portes s’ouvri-rent en même temps.Carcanne descendit le pre-mier et s’avança sur son che-min bétonné, habillé commependant le réveillon de laSaint-Sylvestre. Derrière lui,six fines jambes dans des basnoirs à résilles et chausséesde talons dorés sortirent etannonçaient la venue dequelques créatures de rêve. Cefût bien cela, trois belles etgrandes jeunes femmes quenotre Carcanne ramenait dela ville. Mais pourquoi diableles amenait-il dans ce vieuxmaset plutôt que dans sagrande et luxueuse maisondu village? Vous pensez bienque personne ne lui demandamais en tout cas, il était cer-tain que le maset était un lieudiscret et que maintenant onsavait pourquoi il avait faitconstruire ce chemin enbéton. Tout simplement pourque les jeunes femmes quivenaient passer des nuitscomme beaucoup d’hommesdu bourg auraient voulu enpasser aussi, ne se salissentpas les chaussures dans laterre des cerisiers. Il paraîtqu’il allait les chercher àMarseille sur le vieux port etqu’au petit matin, il les recon-duisait. On dit aussi qu’il neles payait qu’en or et enbijoux; mais ça je vous l’aidéjà dit, les billets pourCarcanne n’étaient que devulgaires bouts de papier.

L’histoire pourrait s’arrêterainsi mais vous allez voir queCarcanne n’avait pas mesuréses extravagances.– « Tenez! me dit Pilou, enco-re un petit verre pour que magorge sèche puisse vousraconter la suite. »

La suite, ma foi, n’est pastrès folichonne. Carcannepaya tous ses fantasmes en oret très rapidement son trésors’amenuisa et comme il

n’était pas un champion de lacomptabilité, il ne s’en aper-çut même pas. C’est le notairele premier qui l’obligea àvendre une terre, puis deux,puis trois et ainsi de suite jus-qu’à ce qu’il n’en possédâtplus qu’une seule. Ensuite, ilvendit sa grande maison dansle village. Il ne lui resta plusque le maset et la terre descerisiers. Ah! il est vrai quepar la suite, le chemin enbéton lui servit bien, maisjuste à lui car bien sûr iln’était plus question d’inviterdes jeunes femmes deMarseille. Enfin, moi je vousdis que tout ça est bien triste!

Quelques années après cesévénements, lors des ventesaux enchères publiques, oninstalla sur la place du mar-ché toute la vaisselle et troisou quatre meubles qui appar-tenaient à ce pauvre Carcan-ne. Oui! Maintenant on peutdire « le pauvre » car il enétait mort. De pauvreté? Non!De solitude. D’accord, il avaitété riche mais aussi, bienseul. Si à cette époque, onn’avait pas rigolé de sa bosse,si à cette époque, on n’avaitpas été surveiller ses faits etgestes, si à cette époque, onavait été lui parler, si à cetteépoque, on avait été lui mon-trer tout simplement notresympathie, peut-être que saruine n’aurait pas été évitéemais, il ne serait pas morttout seul.

– « Finalement, me dit Pilou,elle n’est pas très gaie cettehistoire! »– « Peut-être! lui dis-je, maisne croyez-vous pas que detelles situations existentencore à notre époque? »– « Vous avez raison! Et puisgaie ou pas gaie comme diraitl’autre, ça donne matière àréfléchir! »

La cave Saint-Marc est heureuse de vous offrir cette recette à base de vin :

Vin de campagne1 litre de vin blanc de la cave Saint-Marc,

30 grammes de baies de laurier et de genièvre,1 petit verre d’eau de vie et du sucre.

Faire macérer les baies dans le vin blanc pendant 10 jours.Filtrer, ajouter le sucre et l’eau de vie, mélanger.

Mettre en bouteilles pour laisser vieillir au frais quelquestemps avant la dégustation

Une visite au muséeQuand vous venez déguster les vins de la cave Saint-Marc de

Caromb, vous ne pouvez repar-tir sans avoir visité le muséeNoël Morard. Ce très célèbremaréchal-ferrant a entassé pen-dant toute sa longue carrièred’artisan, un grand nombred’objets venant tout droit dutravail des anciens. C’est au fonddu caveau de dégustation qu’endescendant quelques marchesvous trouverez ce trésor d’outilsles plus divers. Sous des éclai-rages choisis, les objets sontainsi mis en valeur et à traversvos souvenirs, certains ferontrenaître en vous une nostalgiedu temps passé.

CAVE SAINT-MARC – 84330 CAROMBTél. 04 90 62 40 24 – Fax 04 90 62 48 83internet : cave-st-marc.com – e-mail : [email protected]

HEURES D’OUVERTURE :du lundi au samedi : de 8h à 12h et de 14h à 18hdimanche et jour de fête : de 9h à 12h et de 15h à 18h

Dans le prochain numéro,la suite des contes du maset.

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• TrimestrielNuméro 3, mai 2003

• Directeur de la publication,rédacteur en chef,publicités: Yves Furice-mail : [email protected]éléphone : 04 90 51 98 66Fax : 04 90 11 98 84

• La direction se réserve ledroit de refuser de publier lestextes ou publicités sans endonner le motif.

• Conception graphique,typographie, mise en pages et suivi de fabrication:Atelier PerrousseauxLa Tuilière04110 ReillanneTéléphone : 04 92 76 49 41Fax : 04 92 76 42 50e-mail : [email protected]: www.perrousseaux.com

• Impression:ImprimexAvenue Jean-Moulin84500 BollèneTéléphone : 04 90 30 55 70Fax : 04 90 30 13 04e-mail : [email protected]: www.imprimex.fr

Dépôt légal :mai 2003

ISSN: en cours

Tirage: 5000 exemplaires

Conformément aux lois et règlements en vigueur,l’annonceur est seul responsabledu contenu de ses annonces publicitaires.

Le caractère typographique utilisé pour le corps de texte et les titres de ce journal est Le Monde Courrier, créé en 1999par Jean-François Porchez.

Le parler que j’aime,c’est un parler simple et naïf,

tel sur le papier qu’à la bouche.

Je parle au papiercomme je parle

au premier que je rencontre.

Michel de Montaigne(1533 - 1592)

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L’ESCOUBOLa vie des gens au cœur de notre terroir

Les mots croisés de Jeannine Poirier

A B C D E F G H I J1

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Horizontalement1 Tranche de viande piquée de lard.2 Disque chaud, entre deux portes.3 Choc.4 À tendre par politesse, retirées.5 Les chinois y jouent à l'envers, passerreaux.6 Affluent de l’Oubangui, fin de tir,

après la signature.7 Milieu.8 Connaissait, pouffe.9 Distribués, passe à coté.10 Située, évacues.

VerticalementA Petites bouilles.B Chant, pote.C Dans le cercle, recouvert d'encre de chine.D Entaille, enzyme.E Adverbe de lieu.F Pas toujours due au talent.

Réponse:Mais qu’est-ce que c’est?

Toutes vos suggestionssont les bienvenues.

Écrivez-nous :

L’ESCOUBO9, rue Saint-Louis84860 Caderousse

Les pensées deLaurent Santi

Je suis tellement souvent dansla lune qu’il m’arrive de provo-quer des éclipses.

Le voisin est un être mi-homme, mitoyen

Question d’actualitéEt voilà, partout il pleut desbombes, partout, les chars d’assaut ont les chenilles quienflent, les obus prennent lagrosse tête, et même si les soldats ne sont pas foutus dese servir d’un crayon, ça ne les empêche pas de poser desmines partout. La guerre,c’est l’art de remuer le couteaudans la paix !

PessimismeOn m’a dit qu’un jour, la chan-ce viendrait frapper à maporte et que la roue finirait partourner en ma faveur. Mais ilne faut pas se leurrer, avec lachance que j’ai, la roue serasûrement crevée.

Le coin dutypographe

D’où ça vient ?La superstitiondu pain à l’envers

L’esperluette « & » était systé-matiquement utilisée, y com-pris dans les textes courants,pour la conjonction de coor-dination « et », sauf en débutde phrase. Cette ligature du eet du t existait déjà chez lesRomains et a toujours été uti-lisée dans les écritures calli-graphiques qui ont précédé latypographie.

Cette superstition du painque l’on ne supporte pas devoir retourné à l’envers sur latable vient du Moyen-Âge.À cette époque, dans les bou-langeries, un seul pain étaitretourné. Il était réservé. Etqui des plus détestables pou-vait vivre en marge des autreset avoir ainsi son pain déta-ché du lot ? Eh oui ! Undémon encagoulé : le bour-reau !Depuis, un pain retourné surla table est signe de malheur !

&

G Gorges, détecté.H En Allemagne, en ordre.I Fleuve, circulent autour du guéridon.J Elimas, la ville à Georges.

Solution en page 6.

Cet objet est un presse-carte à jouer. Ilétait utilisé dans les cafés et autres éta-blissements de jeux pour maintenir grâceà son système de vis de pression, plu-sieurs jeux bien serrés et ainsi toujoursen état de servir sans corne ni pli.(Collection particulière Guéricolas.)

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