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Lettre ouverte aux bonnes femmes · nes femmes et en rajouter à la chienlit présente. Les lycéens contestent leurs profs ; ils veulent déci- der des programmes, mettre Mao à

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LETTRE OUVERTE AUX BONNES FEMMES

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JEAN LARTÉGUY

Lettre ouverte aux

bonnes femmes

EDITIONS ALBIN MICHEL 22, RUE HUYGHENS

PARIS

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La collection « Lettre ouverte » est animée par Jean-Pierre Dorian

© Editions Albin Michel, 1972.

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L'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme et ils devien- dront une seule chair.

La Bible.

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D'accord avec vous, tout est cul par-dessus tête. Faudrait quand même pas trop pousser les bon- nes femmes et en rajouter à la chienlit présente. Les lycéens contestent leurs profs ; ils veulent déci- der des programmes, mettre Mao à la place de Descartes et remplacer les cours de gymnastique par l'entraînement à la guérilla urbaine. Ils brail- lent qu'ils sont aliénés et réclament la liberté sexuelle.

C'est la meilleure façon paraît-il d'empêcher le fascisme de passer et d'aider les Nord-Vietna- miens à gagner la guerre contre l'impérialisme américain. Pourquoi pas ? De mon temps, on était moins prétentieux, on appelait ça chahuter.

Quant à cette liberté sexuelle, dont on nous rebat les. oreilles, elle ne tend qu'à rabaisser l'amour à un simple accouplement. Les animaux sauvages sont plus délicats. Ils vivent en couple. A l'excep-

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tion des chiens qui ont dû être corrompus par notre fréquentation. Au moins ils ont leur saison.

Mais paraît que l'amour c'est réactionnaire. La preuve, Mao l'a interdit en Chine. Ça nuit à la production et ça pousse à la reproduction.

Dans les Facs, la mode est à la psychologie, la sociologie, la philo. Ça sert à rien, qu'à se faire plaisir, en déconnant dans un langage ésotérique que les autres ne comprennent pas. Sauf pour quel- ques têtes bien foutues mais de plus en plus rares. Le javanais et le volapük c'est pas nouveau non plus.

On pouvait jadis être un cancre, couler des jours paisibles, traîner les bistrots du Boul Mich' et, recalé à tous les examens, se faire élire député, académicien ou inventer la fermeture Eclair.

Finis ces heureux temps. Etre cancre crée des obligations vis-à-vis des camarades qui s'obstinent à vouloir suivre les cours et passer les examens. Faut les assumer, ces pauvres cloches apolitisées. Et voilà notre malheureux cancre déguisé en commis- saire politique, surchargé de boulot. Il doit orga- niser des manifestations, barbouiller les murs, faire signer des pétitions et, une fois par mois, tendre une main fraternelle aux ouvriers de chez Renault qui n'en ont que foutre. Nous étions des cancres heureux.

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Les enfants doivent secouer le joug de l'oppres- sion familiale. Je m'y suis employé. Ça m'a valu quelques bonnes tartes et m'a permis d'acquérir ces solides. complexes d'opprimés qui, plus tard, aident à surmonter les difficultés quotidiennes. Paraît qu'on est très malheureux actuellement. Ça non plus c'est pas nouveau.

Les romantiques avaient déjà mis le malheur à la mode et Eugène Sue à la portée de toutes les familles. Comme la télévision.

Mais il s'agit cette fois d'une autre forme de malheur. On ne reproche plus à Jean Valjean d'avoir été bagnard, ce serait plutôt bien porté, surtout si le bagnard fabrique un bouquin avec les aventures des collègues. Les Deux Orphelines ont des voitures de sport et se font habiller chez Paco Rabannes. Leurs parents se portent bien. Mais ils les comprennent mal; c'est comme s'ils n'existaient plus. Ils sont morts, Elles sont donc orphelines.

Le malheur de notre temps, pour une certaine jeunesse dorée, c'est de pouvoir s'offrir tout ce qu'elle désire. Sans efforts : les minettes, le whisky, les électrophones, pardon la chaîne Hi Fi, le hasch et le L.S.D. On comprend l'angoisse qui les étreint, ces jeunes gavés. Quand, se baladant dans un de ces magasins à grande surface, ils ne

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savent plus que choisir. Trop de trucs, de savon- nettes, de détergents, de réveille-matin, de pâtés en croûte, de costards et de pébroques, de saumon fumé, d'appareils photos instantanés, de coq au vin surgelé et de fours à infrarouges. C'est trau- matisant, surtout quand on a les moyens de payer.

Les parents sont là pour ça. On leur a collé un solide complexe de culpabilité. Pour se faire par- donner ils refilent du pognon, tant que ça peut.

En échange ils se font traiter de colonialistes, de demeurés et baissent la tête.

J'ai été longtemps traumatisé par le manque de pognon. J'en ai gagné; ça m'a guéri. Rien qu'avec un stylo. Ce qui ne m'empêche pas de préférer les Casinos quand c'étaient de petites bou- tiques et le Planteur de Caïffa où l'on allait ache- ter son sel et son café à la livre.

Tous ces fils de bourgeois, ayant laissé pousser leur barbe et leurs cheveux, bêlent en chœur que l'argent ne fait pas le bonheur, qu'il faut tout foutre en l'air, tout remettre en question, faire table rase du passé et accueillir l'individu dans de nouvelles. structures, copiées sur celles des Do- gons, qui habitent la falaise de Bandiaguara, au Soudan, ou des Indiens d'Amazonie si chers à Lévi-Strauss.

Jean-Jacques Rousseau nous avait déjà joué

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cette musique du bon sauvage sur laquelle j'avais dansé dans ma jeunesse. Jusqu'au moment où j'ai été chez les Indiens et les Dogons. De vrais peaux de hareng qui planquaient des transistors der- rière leurs tambours de guerre.

Il y a vingt-cinq ans, je créais le M.R.L., le Mouvement Rétrograde Lozérien qui rassemblait déjà tous les thèmes chers à notre époque. Mais, hélas ! sous une forme concrète et non exotique, ce qui me perdit.

je prêchais le retour à la nature, la suppression de tous les moyens d'agression : radio, télévision, publicité, presse du cœur et d'information et le téléphone. C'est dégradant, ce machin qui nous sonne comme un larbin. Et ça marche jamais quand on veut s'en servir pour sonner les autres. J'in- terdisais le bruit, les machines, l'électricité, les nourritures chimiques, les poulets aux hormones et les cailles d'élevage. Même les mécaniques à main pour faire la chair à saucisse. La viande de porc doit être coupée au couteau, c'est indispen- sable. Je voulais qu'on lave le linge à la rivière, que l'on fasse toute la cuisine au feu de bois, les soupes et les ragoûts dans une marmite de fonte, au cul noir de suie, qu'on ne nettoie jamais. Trop en avance sur mon temps, je ne fus pas suivi, sauf par un colonel américain, un certain Beryman qui

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avait jeté l'uniforme aux orties pour créer dans. les Rocheuses quelque chose de ce genre. Paraît qu'il a fait fortune. C'est du moins ce qu'il m'a écrit.

Le Parti communiste publie un manifeste. Il est pour l'ordre : travail, famille, patrie. J'avais déjà entendu ça quelque part. Après l'armistice de 1940.

Et du coup je passais la frontière pour aller prendre un fusil.

L'Inde de Gandhi et de la non-violence fout sur la gueule du Pakistan. Sans préavis.

Les Russes refilent des Migs à Mme Nehru pour que son armée permette aux Bengalis d'exer- cer le droit sacré qu'ont les peuples à disposer d'eux-mêmes. Mais quand les Tchèques, les Hon- grois, les Polonais ou les Allemands de l'Est veu- lent exercer ce droit, ils se trouvent nez à nez avec les chars soviétiques.

On a vu ça... au temps d'Hitler qui savait déjà très bien s'y prendre avec les Tchèques.

Les Chinois, qui aident les Vietnamiens dans leur combat de libération contre l'impérialisme yankee, s'allient aux Américains pour faire pièce à l'impérialisme des Russes qui soutiennent Hanoï, à grands coups de fusées SAM et de canons à tir rapide. Tout en proposant à ces mêmes Améri- cains une limitation des armements.

Richelieu faisait de même quand il emprison-

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nait les protestants en France, les soutenait en Allemagne pour damer le pion à la maison d'Au- triche qui, comme chacun sait, régnait à Madrid et recevait son or des Amériques.

Qu'on paie une redevance pour avoir une télé- vision sans publicité et qu'on autorise soudain cette publicité, tout en augmentant la redevance, his- toire de promouvoir l'audio-visuel contre la presse écrite, quitte à aider par la suite cette presse pour l'empêcher de crever; rien que de très normal.

Instituer la T.V.A. pour supprimer les impôts directs et augmenter ces impôts directs pour allé- ger la T.V.A., chanson connue.

Tous les gouvernements ont joué à Gribouille qui, pour ne pas être mouillé par la pluie, se jetait dans la mare.

On était vraiment prêts à tolérer les pires contre- vérités, l'absurde de tous les jours, les truquages, les radotages, les déconnages.

Même à croire que l'homme était plus heureux quand il se défendait à coups de massue contre le mammouth que lorsqu'il part en week-end dans sa résidence secondaire.

On s'habituait à la logomachie et à la boursou- flure « révolutionnaire », ce chiendent qui étouf- fait sous les « suivismes » et autres « maximismes » la langue de Stendhal. On se laissait « embrech-

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ter » dans tous les théâtres ou piéger à des spec- tacles de patronage qui se prétendaient contesta- taires.

Nous nous disions. Nous regardons Hellza- poppin ou un film des Marx Brothers. Quand la séance se terminera, quand la lumière reviendra, nous allons retomber dans le réel.

Et nous sortions sur les Champs-Elysées pour retrouver trois contractuels au boulot qui filaient des contredanses à des bagnoles appartenant à des citoyens qui les paieraient pas, vu qu'ils connais- saient le préfet ou qu'ils étaient de la fonction publique. Ou encore parce que les sociétés qui les employaient soldaient la note. Rubrique : frais de transport et de contractuels qui se répercutaient sur le SMIG par l'augmentation des articles indexés.

Des anciens combattants d'une guerre oubliée ra- nimaient une flamme sur le cadavre d'un soldat in- connu. Et de mauvais plaisants y faisaient cuire des œufs. Dans l'indifférence générale. Il y avait une grève du métro pour obliger l'Etat patron à augmenter les poinçonneuses de tickets. Mais tous les ministres, les ministricules et ceux qui faisaient dans leurs cabinets avaient des bagnoles. Et même des chauffeurs. C'était le bon peuple qui marchait à pied.

Les prix et les salaires jouaient à la course

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LETTRE OUVERTE A U X BONNES FEMMES

Les « bonnes femmes », celles qui prétendent libérer leur sexe de l'oppression masculine, les SGUM, les Women's Libs, aux États- Unis, les M.L.F. en France, auxquelles viennent se joindre les « Les- biennes Radicales », le Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire, les W.I.T.C.H. «conspiration terroriste féminine internationale de l'enfer», etc., ne cherchent en vérité qu'à remplacer notre vieux système patriarcal, infiniment tolérant, qui ne survit que par l'habi- tude, par un matriarcat tout puissant et esclavagiste.

Leur rêve, qu'elles déguisent dans une phraséologie pseudo-révo- lutionnaire : Asservir l'homme. Dans quel but? Aucun !

Elles se disent le Tiers Monde opprimé alors qu'elles oppriment et détiennent la plus grande partie de la fortune du monde. Elles se disent esclaves : elles ne le sont que de la mode et de toutes les modes, intellectuelles ou autres qu'elles s'inventent.

C'est cette gigantesque escroquerie — celle de la femme esclave — que vient dénoncer Lartéguy. En même temps qu'il pousse le premier cri de révolte de l'homme opprimé par l'impérialisme femelle.

Dans la même collection ont paru- des œuvres de : Jules Romains / Maurice Garçon / Robert Escarpit / Albert Simonin / Salvador Dali / André Maurois / Paul Vialar / André Soubiran / Jean Cau / Jean Grandmougin / Roland Dorgelès / Philippe Bouvard / Françoise Parturier / Paul Guth / Jean-François Revel / Gilbert Ces- bron / Georges Elgozy / Alfred Fabre-Luce / Pierre Démeron / Jacques Laurent / Pierre de Boisdeffre / Jean Fougère / Jean Fourastié / Robert Soupault / Roger Ikor / Denis de Rougemont / Louis Pauwels. A paraître : Jacques Soustelle / Gaston Bouthoul / Robert Escarpit...

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