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L’EVOLUTION DU METIER D’ENSEIGNANT-CHERCHEUR
CONSTATS ET REFLEXIONS
RAPPORT DE SYNTHESE DES ATELIERS AMU
José Rose (AMU, LEST-CNRS)
Janvier 2017
INTRODUCTION
« Nous demander de faire plus avec moins et de plus en plus vite, c’est juste
impossible, on est pris à la gorge »…« on est saturés, on n’en peut plus »…« on court
toujours derrière l’alourdissement des volets de chacune de nos activités »… « c’est
toujours plus »…« on est saturés, faut nous laisser respirer »…« on aimerait bien faire
tout ça mais juste on est débordés »…« on y arrive tout simplement plus »…« ça
oblige à adopter des stratégies de survie »…et pourtant « c’est un beau métier qu’on a
choisi » ; « c’est une passion sinon on ne ferait pas ce métier de dingue ».
Voilà ce que l’on a pu entendre dans les ateliers de réflexion sur le métier
d’enseignant-chercheur organisés par Aix Marseille Université. Voila ce que ce
rapport se propose d’expliciter.
Le dispositif mis en place et le déroulement des ateliers
Ce dispositif de consultation des personnels initié par les responsables d’AMU
dans le cadre de la démarche du SDRH visant à déterminer des objectifs en matière
de ressources humaines sur la base d’un état des lieux et des ressources disponibles,
avait un triple objet : analyser les grandes évolutions du contexte général et réfléchir
sur la façon dont elles sont perçues ; en caractériser les incidences concrètes sur le
métier d’enseignant-chercheur ; identifier les besoins de chacun en matière
d’accompagnement au changement.
La consultation des personnels a eu lieu en novembre 2016 dans six ateliers mis en
place à Aix et Marseille autour des grands secteurs disciplinaires de l’université :
Droit et sciences politiques, Economie et gestion, Médecine, Sciences, Arts Lettres
Langues et Sciences humaines, IUT.
Un cadre de réflexion très élaboré en amont était présenté aux participants par
Marie De Barbarin, responsable du projet, et les trois membres de l’équipe projet
(Ariel Mendez, Jacques Dejou et Bruno Hamelin) avec la présence d’Alain
Sommervogel, assistant maîtrise d’ouvrage. Le diaporama proposait des analyses et
des zooms sur des expériences susceptibles d’amorcer la discussion mais aussi de
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mieux faire connaître la politique d’AMU et les services existants. Cette présentation
a permis aux participants d’intervenir aisément sur les nombreux sujets proposés. Les
personnes présentes ont été très contributives et plutôt satisfaites de cette initiative :
« on a appris plein de choses », « il faut le faire savoir aux collègues pour qu’ils
viennent plus nombreux ».
La participation est toutefois restée assez modeste sans doute du fait d’une
publicité restreinte faite à l’initiative. On a ainsi dénombré 10 personnes en droit et
sciences politiques avec surtout des élus et responsables, 8 en économie et gestion
avec essentiellement des maîtres de conférences, 13 en médecine avec une dominante
de pharmaciens, 30 en sciences avec une assez grande diversité de disciplines, de
corps et de niveaux de responsabilité, 17 en ALLSH avec des personnes de
disciplines variées mais toutes élues dans les instances du Campus et 15 en IUT. Ceci
limite la représentativité des opinions collectées ce d’autant que les invitations n’ont
pas été lancées de la même façon sur les sites.
Cette petite centaine de participants à cette consultation rend toutefois bien compte
de la diversité disciplinaire de l’université et ce critère est essentiel car l’appartenance
disciplinaire est structurante et porteuse de représentations spécifiques. En revanche,
la présence dominante de responsables et d’élus n’a pas permis de couvrir la diversité
universitaire en termes de générations et de degrés d’engagement institutionnel.
De cet échantillon ressort une assez grande convergence de vue concernant le
diagnostic et le vécu, même si les tonalités varient selon les disciplines. Et certaines
idées – la lourdeur des taches administratives, les besoins en personnel d’appui, la
mutualisation - sont constamment revenues au cours des ateliers.
Le rapport de synthèse
Il s’est avéré difficile de synthétiser la grande richesse des contributions tout en
rendant compte de l’hétérogénéité des situations comme des pratiques au sein de
l’université. Un discours unificateur est donc inenvisageable d’autant que ce sujet du
métier d’enseignant-chercheur est un révélateur de questions plus générales qui se
posent à l’enseignement supérieur depuis des décennies.
Il ne s’agit donc pas de brosser un portrait représentatif des personnels AMU mais
plutôt de collecter un ensemble d’analyses et d’idées intéressantes dont on ne peut
mesurer le poids réel ni les associer à tel ou tel mais qui peuvent servir de support à
une réflexion sur la politique de l’établissement et la gestion de ses ressources. Le
lecteur est donc invité à la prudence dans la mesure où l’on ne peut apprécier le poids
réel des opinions exprimées ni l’écart entre les discours et les pratiques de chacun. A
quoi s’ajoute le fait que le rapporteur, constamment soucieux de rendre compte des
propos tenus ne peut faire totalement abstraction de ses propres représentations et
opinions.
Ce rapport écrit s’efforce tout de même de rester au plus près des interventions de
chacun et de répondre à l’attente des responsables AMU concernant le degré
d’adhésion à leurs analyses. C’est pourquoi il s’organise en référence à la trame du
power point introductif avec une première partie de cadrage général (changements du
contexte, valeurs) et une deuxième sur les activités des universitaires (enseignement,
recherche, administration). La dernière partie propose des conclusions transversales et
suggère quelques idées plus personnelles.
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I. LE CADRE DE REFERENCE
1. LES GRANDES EVOLUTIONS DU CONTEXTE D’ACTION
Tendances générales
L’analyse proposée par les responsables de la consultation mettait l’accent sur les
évolutions sociétales les plus récentes, notamment les mutations technologiques, et
leur impact sur l’université mais également sur les transformations de l’enseignement
supérieur et de la recherche, de ses modalités de financement et de gestion, de ses
temporalités, de ses types de relations et des attentes de la société à son égard.
Un accord semble se faire sur le diagnostic proposé et la convergence de vue est
assez grande sur les évolutions auxquelles l’université doit faire face et les
conséquences que cela a sur l’exercice du métier, même s’il y a des différences de
pondération de ces évolutions selon les contextes locaux et les intérêts de chacun.
Suggestion a été faite à ce propos de distinguer changements externes et internes,
cadre imposé et marges de manœuvre des universitaires (« on pourrait sans doute, et
plus qu’on ne le pense souvent, se libérer de certaines contraintes ou éviter d’en
imposer nous-mêmes de nouvelles »).
Une société en pleine transformation
Les évolutions technologiques, l’usage généralisé d’Internet par exemple,
modifient l’accès aux connaissances mais aussi les rythmes de vie avec ce sentiment
d’urgence et d’étouffement sous la multitude des sollicitations (« on court toujours
derrière », « comment dire non ? »). Elles modifient aussi les manières d’apprendre
des étudiants qui semblent maîtriser les technologies dans leur vie courante mais pas
forcément dans le travail universitaire.
A cela s’ajoutent les effets du mouvement général d’individualisation et de mise en
concurrence qui affecte les manières d’exercer son métier, les rythmes de travail et
les relations entre les équipes et les universitaires (« c’est la course à l’échalote »)
mais aussi la façon dont sont prises ou non les responsabilités communes et assurée la
coordination des activités.
L’université est également affectée par l’évolution des attentes de la société, de
plus en plus diversifiées et nombreuses comme on le voit par exemple en Médecine
avec la pression accrue de la demande de soins qui pèse sur le métier comme sur les
études.
Enfin, la montée des pratiques d’évaluation perceptible dans tous les secteurs de la
société se manifeste aussi dans les universités.
De multiples changements au sein de l’université
A l’université, on a d’abord et avant tout assisté à un changement d’échelle avec la
progression des effectifs étudiants que n’a pas toujours suivi celle des personnels, et
la démultiplication des filières et des diplômes. A cela s’est ajoutée la
professionnalisation des formations supérieures qui a généré une spécialisation et une
mise en concurrence accrues.
Cet effet de nombre affecte très différemment les disciplines et les niveaux de
formation. Se juxtaposent ainsi dans la même université des filières à petits effectifs
comme dans certaines langues, d’autres à effectifs très importants (en droit
notamment) et à progression constante (psychologie) tandis que d’autres connaissent
plutôt une stabilité (en sciences) voire des difficultés de recrutement. A cela vient
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s’ajouter la spécificité des IUT et les différences entre licences et masters. Des grands
amphis aux petits groupes, la pratique n’est pas la même ni la charge de travail ni la
possibilité de faire évoluer son métier. Et les objectifs d’excellence sont parfois
difficiles à tenir dans un contexte de stabilité et de répartition inégale des moyens.
Se superpose à cela un effet de qualité avec l’arrivée de générations nouvelles
ayant d’autres représentations, d’autres compétences, d’autres attentes. Comme l’ont
signalé certains participants, cela peut générer chez les étudiants aussi bien un souhait
d’autonomie accrue qu’une attente d’encadrement et même de coconnage.
Par ailleurs, les modes de gestion et d’administration de l’université ont fortement
changé avec une formalisation accrue des activités qui pèse beaucoup sur le métier
universitaire (« une chape », « une lourdeur », ) d’autant que les taches
administratives, croissantes pour la plupart des universitaires, ne sont pas toujours
reconnues à leur juste valeur. Ces normes sont parfois perçues comme trop calquées
sur les pratiques extérieures et ne prenant pas suffisamment en compte les spécificités
de l’université (« pourquoi pas une fonction publique universitaire ? »). A quoi
s’ajoutent le raccourcissement des délais (« c’est souvent pour hier ») et une exigence
accrue de mise aux normes et à l’épreuve (« toujours rendre des comptes et entrer
dans le cadre », « à chaque mission nouvelle un critère supplémentaire d’évaluation et
une pression accrue ») ainsi que la nécessité d’aller chercher des moyens pour
travailler ce qui n’est pas bien pris en compte dans les évaluations. De plus, la période
sur laquelle se répartissent les activités d’enseignement s’est allongée en dépit d’une
diminution globale du volume d’enseignement, et les tâches administratives associées
empiètent désormais sur l’été ce qui rend difficile la participation aux congrès par
exemple.
Tout cela se répercute sur la façon d’exercer le métier (« à chaque mission nouvelle
un critère supplémentaire d’évaluation ») et aussi de conduire sa carrière avec des
attentes accrues des instances de décision (« on exige toujours plus ») et une
reconnaissance inégale des divers types d’activités.
Cette masse de travail et cette diversification des activités est de plus en plus
difficile à supporter et elle génère des pratiques de lassitude et de contournement
(« ça oblige à adopter des stratégies de survie ») qui peuvent compromettre la mise en
œuvre d’objectifs pourtant partagés, par exemple la prise en charge des publics
spécifiques (les handicapés par exemple) et la mise en œuvre de mesures pourtant
appréciées (« la saturation est telle qu’on n’a pas le temps de s’approprier les
initiatives et dispositifs existants »).
Enfin, l’autonomie des universités n’a pas été accompagnée de moyens suffisants
et le maillage territorial, très visible dans les IUT du fait des interventions des
responsables politiques, coûte cher en ressources humaines et en temps de travail.
2. LES VALEURS UNIVERSITAIRES
Dans un tel contexte, que reste-t-il des valeurs fondatrices du métier universitaire ?
Telle était la question posée par les responsables de la consultation qui mettaient en
avant les valeurs de référence de ce métier mais aussi la façon dont elles ont
récemment évolué. Cette question a trouvé de forts échos dans les ateliers et s’est
focalisée sur deux thèmes.
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Les valeurs universitaires menacées
Des valeurs fortes existent dans l’enseignement supérieur et elles sont souvent à
l’origine de la vocation car le métier universitaire est avant tout une passion.
Viennent en tête la liberté et l’indépendance, la liberté de penser, d’organiser son
travail et de gérer son temps, de faire son cours et sa recherche à sa guise,
l’indépendance comme principe constitutionnel (« c’est moi qui décide ») et
l’autonomie dans la conduite de son enseignement (« pas de programme et de
contraintes de méthode comme dans le secondaire », « plus de liberté que dans les
entreprises ») et de sa recherche. Ceci est très fortement affirmé dans toutes les
disciplines, en droit particulièrement mais aussi en lettres et sciences humaines où la
préférence pour l’enseignement supérieur s’affirme en comparaison avec
l’enseignement secondaire plus hiérarchique et contraint.
Est également cité l’attachement au service public et tout ce que cela signifie de
valeurs et de pratiques à l’égard des étudiants et du métier (« nous sommes aussi des
professionnels »). Ceci explique les vives réactions des universitaires quand ils le
sentent attaqué. Certains soulignent aussi l’attachement aux valeurs républicaines et à
la démocratie (« faire vivre démocratiquement nos instances »).
Ces valeurs de référence sont nettement liées aux disciplines. On met ainsi en avant
le soin en médecine, la connaissance en sciences, la culture en lettres, l’humanisme
en sciences humaines, le droit en droit. Coexistent alors des cultures de
métiers différentes même si le cœur - la recherche, le savoir, la transmission – reste
fort.
Ces valeurs sont désormais menacées. Elles le sont par l’éclatement interne entre
les disciplines mais aussi entre les générations qui n’ont pas la même appétence pour
la prise des responsabilités. Elles le sont par la transformation des modes de gestion
jugés trop « top down » alors que certaines universités étrangères donnent plus
d’autonomie aux personnes. Elles le sont par les multiples injonctions supérieures et
le développement des pratiques contractuelles et évaluatrices qui génèrent des
pressions et des effets d’urgence parfois difficiles à vivre (« il faut toujours rendre des
comptes, entrer dans le cadre même si le cadre est censé nous protéger » ; « plus on
réfléchit, plus il faut remplir de fiches »). Et aussi par l’évolution de la société avec la
perte du prestige social de l’université, particulièrement ressentie dans des disciplines
comme le droit et la médecine voire l’IUT (« ils n’ont pas l’impression qu’ils ont raté
leur vie ? » demande un jeune à une amie dont les parents sont universitaires) et qui
se matérialise par l’insuffisante reconnaissance salariale notamment pour les maitres
de conférences (« on est moins payés que les étudiants qui sortent de nos
formations ») qui ont juste envie d’être rémunérés à hauteur de leur investissement et
de la complexité de leur travail (« on a un haut niveau de management et c’est
valorisé dans la société mais pas à l’université »).
Ainsi, ce « métier magnifique » par son utilité sociale, par sa variété et les
possibilités qu’il offre d’évoluer et de doser différemment ses activités au gré de la
vie, est perçu comme menacé. Alors que l’hyperactivité est souvent de mise, on a le
sentiment de manquer de temps pour faire correctement son travail. Face à une
hiérarchie et des contraintes administratives accrues, on perd le sens du métier et le
temps manque pour l’exercer (« est-ce dans ces multiples réunions qu’on fait le
métier ? »). Et cela complique le travail, réduit les initiatives et freine les
changements.
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Des appartenances multiples
Au cours de cette consultation, un fort sentiment d’appartenance à l’enseignement
supérieur et au statut d’enseignant-chercheur s’est exprimé mais les formes
d’appartenances concrètes se sont révélées très variées et vécues de façon plus ou
moins intense.
Les appartenances premières vont vers la discipline, car il y a des cultures
disciplinaires spécifiques, le département, car les décisions qui s’y prennent affectent
directement la façon d’exercer son métier au quotidien (emploi du temps, répartition
des charges) et le laboratoire de recherche lorsqu’il constitue un collectif vivant (« on
va là où ça vit, là où il y a du collectif « ) et offrant des relations riches humainement.
Le sentiment d’appartenance va aussi vers la formation dont on a la charge ou le
diplôme que l’on a créé, vers des collectifs comme des équipes pédagogiques
lorsqu’elles fonctionnent bien et donnent un fort sentiment de satisfaction, ou encore
vers l’IUT qui a des singularités anciennes (« on croit au système IUT et cela s’est
encore accru avec la fusion »). Elle est parfois complexe comme en santé avec la bi-
appartenance et l’attachement principal, mais pas exclusif, au service hospitalier, lieu
d’ancrage essentiel. En revanche, l’appartenance à l’établissement reste souvent
formelle même si elle est affichée (« l’AMU c’est loin », « on subit plus les directives
que l’on ne fait partie d’une famille ») et sans doute plus affirmée depuis la fusion.
Selon les personnes, les circonstances et les interlocuteurs, on met ainsi en avant
telle ou telle appartenance et l’on affiche des facettes différentes (la discipline ou le
département entre collègues, l’établissement dans les relations externes et les
représentations officielles). Et ces appartenances évoluent au cours de la carrière et
selon les engagements institutionnels : d’abord la discipline puis le labo puis la
composante ou le diplôme, enfin l’établissement. Elles varient aussi selon les filières,
le sentiment d’appartenance étant plus marqué dans les IUT ou les masters.
II. LES FACETTES MULTIPLES DU METIER D’ENSEIGNANT-CHERCHEUR
1. DES MISSIONS VARIEES ET DE PLUS EN PLUS DIFFICILES A ASSURER
Plusieurs métiers
Par leur statut, les universitaires sont à la fois enseignants et chercheurs (« c’est une
richesse et un défi »). En réalité, ils ont aussi des taches administratives parfois très
prenantes et bien d’autres activités (« au cours de sa carrière on fait au moins dix
métiers »). Cette situation, généralement méconnue des étudiants qui ne savent pas
que les enseignants ont d’autres taches en dehors des cours, est problématique à plus
d’un titre, la difficulté majeure étant de pouvoir les réaliser toutes au mieux et de bien
les combiner.
Ceci n’est pas véritablement nouveau puisque le décret du 6 juin 1984, découvert
par certains à l’occasion de cette consultation (« on ne connait pas bien les textes qui
régissent notre métier », « ils devraient être largement diffusés et connus de tous »,
« l’accueil des nouveaux serait utile pour cela »), définissait déjà de façon très large
les missions des universitaires. Mais il y a toujours eu un décalage entre cette « fiche
de poste » et la réalité des missions effectuées au quotidien. On peut d’ailleurs
s’étonner que ce cadre de référence, qui place toutes les activités sur le même plan
sans toutefois mettre en évidence le rôle administratif, n’ait pas bougé depuis 30 ans
et soit identique pour tout le monde quel que soit son ancienneté et sa composante
d’appartenance.
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Désormais, l’universitaire est enseignant-chercheur-administrateur et chacun de ces
métiers a connu ces dernières années une forte expansion des activités liées (« ça
s’étend, ça se développe, ça se complexifie ») et des exigences accrues en termes de
suivi (« on demande plus de rapports, plus de synthèses ») et de qualité
(« aujourd’hui, il faut être non pas bon, mais très bon », « l’excellence est partout
dans la communication de l’Université et les enseignants-chercheurs ont le sentiment
de ne pas être au niveau attendu ») qui sont sources d’amélioration mais aussi de
frustration (« on ne peut pas tout faire dans l’excellence »).
Ce constat d’accroissement des charges et de la pression quotidienne, qui génère
une lassitude croissante avec l’âge, est largement partagé même s’il peut y avoir des
différences selon les disciplines, notamment selon la place occupée par l’activité
d’enseignement.
Chacun s’efforce alors, tant bien que mal, de concilier et de doser ces diverses
facettes du métier car « on est sans cesse obligé de faire des choix ». Coexistent ainsi
des profils d’universitaires différents allant du chercheur réputé au pédagogue
impliqué en passant par l’administrateur efficace et l’homme orchestre aux multiples
taches voire l’autoentrepreneur. Et souvent l’enseignement, perçu par certains comme
le prix à payer pour accéder au statut universitaire, est la variable d’ajustement. Enfin,
ce dosage varie selon les disciplines et les périodes de la vie avec, généralement, un
fort investissement initial dans la recherche et une prise de responsabilités plus
tardive tandis que l’enseignement reste une constante plus ou moins investie selon les
moments.
Ces arbitrages personnels génèrent parfois des problèmes dans les collectifs de
travail que sont les départements ou les laboratoires. Ainsi, quand certains accordent
une priorité absolue à la recherche, la charge d’enseignement et d’administration se
reporte sur les autres ce qui crée des sentiments de culpabilité et des suspicions voire
des insatisfactions quant à la répartition équitable des charges communes. Cela prend
une forme singulière à l’IUT, dans la mesure ou les enseignants-chercheurs effectuent
beaucoup d’heures complémentaires et de tâches administratives, et ne peuvent
préserver, comme ils le souhaiteraient, leur activité de recherche.
Cette pression temporelle et matérielle a bien d’autres conséquences. Elle explique
sans doute le fait que la transmission des savoirs et savoir-faire et l’accompagnement
s’effectuent moins bien qu’avant entre les jeunes et les plus anciens. Elle pose aussi la
question de la valorisation. Le plus rationnel du point de vue de la carrière est de
donner la priorité à la recherche mais cela ne va pas toujours de soi (« ce n’est pas la
culture de l’IUT »). Et surtout cela accentue la séparation entre les générations, les
plus jeunes s’engageant prioritairement dans la recherche tandis que les plus anciens
assument les charges de gestion (« le soutien des jeunes maîtres de conférences est
utile mais qu’en est-il pour les vieux ? Que peut-on faire pour eux, notamment pour
ceux qui ont fait beaucoup d’administration et qui ont décroché de la recherche ? »).
Des évolutions de carrière incertaines
Si l’on veut faire carrière, il faut attester de son activité dans les trois registres de la
recherche, de l’enseignement et de l’administration même si celui de la recherche est
prioritaire et si l’engagement dans les autres domaines n’est pas toujours reconnu à sa
juste valeur par les instances de gestion des carrières. Cela peut constituer un sérieux
obstacle si l’on veut que les autres missions soient bien réalisées.
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Sur ce point, des divergences de vue se sont exprimées à propos du rôle du CNU,
certains appréciant le fait d’être évalué par des instances de pairs élus, d’autres
déplorant les critères retenus, voire les pratiques de certaines sections, dont les
critères de décision sont parfois arbitraires et très variables selon les personnes et les
moments, tandis que d’autres sections ont mis en place une pratique exemplaire.
A cela s’ajoutent des situations spécifiques – celle des docteurs, des enseignants
d’IUT n’ayant pas d’obligation de recherche, des ATER (« ne pourrait-on pas
explorer l’option de deux demi-postes sur un même support, certes plus couteuse
mais qui donnerait plus de disponibilité aux doctorants », « ce sont les seuls avec les
vacataires à faire des TP alors que les titulaires font les TD ») - et des contraintes
propres à certaines disciplines dans lesquelles les perspectives de carrière des maîtres
de conférences sont bornées par la pyramide des postes et le manque de mobilité
(« c’est la seule situation où l’on ne peux candidater pour un changement de corps et
cela va durer vingt ans », « c’est un problème majeur : que va-t-on faire de et pour ces
gens ? »). C’est très net à l’IUT où les possibilités d’avancement, notamment de
passage vers un poste de professeur, sont réduites ce qui ne permet pas de motiver les
plus jeunes, certains préférant d’ailleurs penser leur carrière en dehors de l’université.
De plus, les enseignants-chercheurs se sentent souvent seuls pour gérer leur
carrière et il serait sans doute utile de réaliser un état des lieux précis de la situation
de tous les personnels et des perspectives de carrière qui s’offrent à eux.
On constate enfin qu’au cours de la carrière bien peu est fait pour conforter les
compétences par la formation. Or la formation disciplinaire ne suffit plus aujourd’hui
pour effectuer tous les métiers de l’universitaire. Plusieurs participants suggèrent
ainsi de développer la formation continue en utilisant toutes les ressources
disponibles, y compris internes, en diffusant plus largement l’information (« on
trouve où le plan de formation ? »), en mettant en place des incitations voire des
obligations et en rendant accessibles les formations indispensables, par exemple la
maîtrise de l’anglais. Mais il subsiste des réticences à cet égard car « l’atavisme de
l’enseignant-chercheur est de se considérer comme bon, sachant y faire et n’ayant pas
besoin d’être formé ».
Le besoin de repenser le métier
Il y aurait donc à repenser le métier d’universitaire qui s’est énormément diversifié,
chacun ne pouvant pas tout faire, qui plus est bien, ni évoluer comme il le
souhaiterait. L’impossibilité de dégager le temps nécessaire pour assurer toutes les
missions est une contradiction dont on sort difficilement car on se voit contraint de
privilégier telle ou telle activité ce qui génère de la frustration.
C’est ce qui conduit certains intervenants à envisager une spécialisation des
universitaires sur un profil (chercheur, enseignant, gestionnaire) mais à condition que
la reconnaissance suive et que ceci puisse évoluer dans le temps. En revanche,
d’autres craignent un ciblage des postes qui romprait avec la définition statutaire de
l’universitaire tandis que d’autres encore plaident plutôt pour une gestion collective
des diverses charges pouvant améliorer la situation sans remettre en cause le statut
d’enseignant-chercheur.
A cet égard, un certain clivage d’âge semble se manifester, les nouvelles
générations ayant parfaitement intégré les règles du métier et s’engageant
prioritairement dans la recherche en évitant les charges de gestion (« on trouve de
moins en moins de candidats pour les responsabilités ») tandis que les générations
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intermédiaires stagnent parfois dans leur carrière faute de temps pour la recherche et
que les plus âgées manifestent une certaine lassitude. Pour répondre à cela, on
pourrait imaginer des formes plus souples d’évolution des carrières avec une
modulation des fonctions au cours de la vie, une mobilité accrue au sein de
l’université, voire vers d’autres organisations avec, par exemple, des allers et retours
entre l’université et les entreprises.
2. LES ACTIVITES D’ENSEIGNEMENT
La présentation introductive de la consultation faisait état de réflexions diverses sur
les transformations affectant l’enseignement et présentait divers dispositifs mis en
place ces dernières années (le CIPE par exemple ou la valorisation des implications
pédagogiques). L’accent était mis sur les comportements des nouvelles générations
étudiantes en notamment au développement des technologies, sur l’évolution de leurs
savoirs et compétences, sur leurs attentes et l’impact que cela peut avoir sur les
pratiques pédagogiques. Enfin, étaient rappelées les récentes évolutions du cadre
d’enseignement : semestrialisation, professionnalisation des formations, évaluation.
Le contexte général
Le fait majeur dans ce domaine est celui du nombre. Certes, il est plus ou moins net
selon les disciplines qui se différencient par l’ampleur et, surtout, par l’évolution des
effectifs étudiants. Mais il pèse un peu partout et limite les possibilités d’évolution
des pratiques (« on sait ce qui marche, on sait que le contrôle continu est efficace, on
maitrise les méthodes pédagogiques mais on ne le fait pas faute de moyens »).
Ceci génère une « situation schizophrénique », particulièrement nette dans les
filières à gros effectifs, dans la mesure où il faudrait à la fois accueillir tous les
étudiants et faire réussir tout le monde. Si l’on veut en sortir, il n’y a alors que deux
options aussi insatisfaisantes l’une que l’autre : sélectionner à l’entrée ou accepter
que tout le monde ne réussisse pas. L’IUT se singularise à cet égard puisque les
étudiants y sont sélectionnés en amont, réunis en petits effectifs et très encadrés ce
qui limite les problèmes d’absence et assure un taux de réussite élevé (« ce n’est pas
simplement parce qu’ils sont sélectionnés, c’est parce qu’ils sont chouchoutés,
accompagnés, soutenus »). Mais ceci n’est pas généralisable (« ça n’est pas possible
avec de gros effectifs ») et cela interroge sur la question délicate de l’accès aux études
supérieures (« l’université devrait évoluer sur cette question de la sélection »).
Enfin, le contexte est marqué par une grande inégalité dans la répartition des
moyens humains au niveau de l’établissement mais aussi dans la répartition des
charges au sein des départements. Ceci ne favorise pas une approche collective et
dynamique de la dimension pédagogique du travail universitaire alors qu’une
information partagée sur le contenu des enseignements de chacun, qu’un échange
fréquent sur les comportements des étudiants et les obstacles rencontrés, qu’une
certaine harmonisation des pratiques pourraient constituer un préalable à une action
conséquente en matière d’enseignement et réduire les sentiments d’isolement et
d’inéquité.
Des pratiques étudiantes nouvelles
Les comportements étudiants sont en pleine transformation et une analyse précise
des compétences effectives des sortants de l’enseignement secondaire serait bien utile
pour ajuster l’enseignement supérieur à ces nouveaux publics.
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Il y a d’abord l’effet du numérique – « c’est la génération power point qui
privilégie la forme au contenu » - qui génère une autre façon de s’approprier le cours
(« ils prennent des notes sans réfléchir »), une moindre assiduité aux cours en amphi
(« c’est la génération replay »), sauf s’il y a une réelle plus-value par exemple en
insistant sur la réflexion d’ensemble et l’apprentissage du passage entre savoir et
savoir-faire, mais aussi rend possible d’autres accès au savoir (« c’est la génération
wikipédia »). Toutefois, si l’on y regarde de plus près, le rapport des étudiants à la
technologie n’est pas aussi évident que cela (« on pense qu’ils savent et c’est une
erreur ») ni aussi largement partagé qu’on ne le pense, et il faudrait certainement
favoriser pour tous l’apprentissage des outils en l’adaptant à chaque discipline.
Par ailleurs, mais est-ce vraiment nouveau, nombre d’étudiants travaillent d’abord
pour la note, accessoirement pour le savoir et le métier. Du coup, ils connaissent des
détails mais pas les bases (« les difficultés scolaires se sont parfois accumulées depuis
le secondaire et cela devient difficile de rattraper même en y mettant des moyens »),
réussissent mais oublient aussitôt, trient plutôt les informations qu’ils ne structurent
leurs connaissances. Il y a donc un vrai besoin d’encadrement pédagogique et de
réflexion sur les façons d’apprendre et d’acquérir des compétences.
Il semblerait aussi que les étudiants soient de plus en plus exigeants
(« consommateurs avertis », « clients vindicatifs », « ils font un pet de travers et c’est
un mail au doyen, voire au président »), certains étant même parfois déçus par
l’enseignement supérieur (« elle est finie la vénération à l’égard des professeurs »)
voire se projetant au-delà (« la vraie vie c’est après les études »). Ils sont également
anxieux sur leur avenir (« un système tubulaire oblige à choisir très tôt son
orientation ») et préoccupés de leur présent. Pour autant, il semble y avoir une
certaine stabilité des relations entre enseignants et étudiants même si elles sont moins
hiérarchiques, plus directes et plus riches (échange de courriels, envoi de documents
complémentaires).
Ceci sans oublier que les étudiants se distinguent beaucoup par leur origine
scolaire, le type de bac notamment, leurs performances mais aussi leurs origines
sociales, autant de facteurs corrélés aux chances de réussite et aux orientations. C’est
un facteur supplémentaire d’hétérogénéité qui peut être stimulant mais aussi
problématique (« on ne peux se satisfaire du taux d’échec élevé des bac techno à
l’IUT mais ce n’est pas facile à améliorer »). Et ceci entretient le débat récurrent sur
le niveau des étudiants, jugé plus ou moins satisfaisant selon les uns et les autres
(« les étudiants ont changé mais sont-ils vraiment moins bons ? », « peut-être sont-ils
moins armés pour affronter la difficulté »).
Une pédagogie à transformer
Face à ces publics nouveaux, des évolutions sont nécessaires en matière
d’enseignement. On peut s’appuyer sur les technologies qui ont aussi leurs vertus. On
peut mettre un accent accru sur les savoir-faire et les savoir-être sans pour autant
négliger la maîtrise des savoirs et l’articulation à la recherche. On peut revoir les
modes d’appropriation des cours et contourner la prise de note
systématique, confortable pour les étudiants et les enseignants mais assez peu
mobilisatrice. On peut mieux combiner les formes d’enseignement - le présentiel et
l’enseignement à distance, l’auto-formation et l’accompagnement, le cours magistral
et les séances en petits groupes – et éviter de se lancer dans le tout numérique car
l’apprentissage a besoin d’interactions. On peut favoriser le développement des plate-
forme de e-learning pour l’apprentissage des langues et les formations par simulation
11
comme en médecine. On peut faire évoluer les formes d’évaluation des étudiants en
valorisant les production personnelles ou collectives, en se donnant les moyens
d’organiser un véritable contrôle continu, en limitant la fraude aux examens par
l’appel à l’intelligence (« je donne le sujet à l’avance, j’autorise les documents et je
mets l’accent sur la réflexion ») voire en allégeant la charge de surveillance en
faisant appel à du personnel d’appui.
Tout ceci exige une réflexion pédagogique sur les vertus de ces diverses formes
d’enseignement et les apports réels des innovations (travail en équipe, réalisation de
projets, pédagogie inversée, serious games) mais aussi sur les conséquences
pédagogiques de certaines évolutions institutionnelles, l’organisation en semestres par
exemple, ou au contraire de certaines inerties, comme celle des concours
d’enseignement qui sont en décalage avec les pratiques enseignantes mais qui
pourtant sont à prendre comme référence pour la formation.
Et ceci suppose une acceptation de la pluralité des situations, chaque discipline
ayant à définir sa façon de faire (« à l’IUT, les enseignants font tout, des cours, des
TD, des TP et il n’y a pas de différence entre maitres de conférences et professeurs »,
« les professionnels interviennent dans les formations ») mais aussi de la lenteur des
évolutions (« ca prend beaucoup de temps de préparer un cours différent, on ne peut
le faire pour tous les cours ») et de l’illusion de transférer tel quel un modèle étranger
(« les méthodes anglo-saxonnes sont intéressantes mais elles s’appliquent dans un
contexte d’hyper-sélectivité du système universitaire »).
Le jeu en vaut toutefois la chandelle car les étudiants ont une réelle appétence pour
la recherche et l’innovation et parce que l’université accuse un retard certain en
matière d’usage des techniques pédagogiques, le risque étant grand que le secteur
privé s’approprie le marché des cours en ligne alors que l’université pourrait être en
pointe dans ce domaine et même y trouver un intérêt financier (« si on ne s’améliore
pas, on est mort »).
C’est pourquoi les incitations sont si importantes, notamment les primes. Et les
efforts doivent être soutenus car les universitaires ne connaissent pas bien les
dispositifs existants et ne se les approprient pas suffisamment (« il y a de
l’autocensure »). Ainsi certains ne candidatent pas (« c’est beaucoup de temps passé
pour peu de chance de réussite ») tandis que d’autres restent critiques (« il y a une
surdétermination de l’aspect technologique qui tend à réduire la part innovante de la
pédagogie », « on n’évalue pas assez l’engagement dans l’innovation et le CNU ne le
valorise pas », « la PRP devrait être aussi valorisée que la PEDR »). Et surtout, ils
manquent de temps et d’intérêt pour remplir les dossiers (« les dossiers ne sont pas
simples à remplir », « on ne distingue pas bien engagement et innovation
pédagogique ») . Ainsi, à l’IUT, beaucoup aimeraient candidater sur tous les
dispositifs développés par l’université car l’implication pédagogique a toujours été
très forte et les projets ne manquent pas. Mais il faut du temps pour bâtir les projets et
les enseignants-chercheurs, notamment les plus jeunes, n’ont pas le temps de remplir
les dossiers (« Il faut forcer pour que les gens y aillent »). Dès lors, « beaucoup de
cheveux blancs s’investissent dans la pédagogie » ce d’autant que sa prise en compte
dans la carrière est insuffisante (ainsi d’un jeune MCF en informatique qui a monté
un fablab, s’est beaucoup investi, n’a pas candidaté à la PEP et ne se projette pas dans
l’université car il sait qu’il ne pourra pas évoluer).
12
Une formation pédagogique à développer
La formation des universitaires au métier d’enseignant est notoirement insuffisante.
Elle l’est pour les débutants et les doctorants même si des initiatives ont été prises
dans ce domaine depuis quelques années et pourraient être prolongées (« pourquoi
pas instaurer des maitres de stages ? »). Elle l’est aussi en cours de carrière.
Dans ce domaine, il y a beaucoup à faire car la formation continue des enseignants
se limite souvent à l’auto-formation et à la découverte circonstancielle de situations
nouvelles, comme cela peut se produire en cours de CRCT, alors qu’elle pourrait être
formalisée et pensée au regard des autres activités universitaires. On pourrait ainsi
mieux tenir compte des besoins de chacun (« l’offre est parfois fantaisiste et il n’y a
pas toujours de réponse positive lorsque l’on sollicite pour un besoin précis et le
CNRS est mieux à cet égard »), promouvoir les formations pour les pédagogies
innovantes proposées par le CIPE (« elles sont tout à fait adaptées »), utiliser les
compétences internes (« les ressources de savoir ne manquent pas à l’université »),
développer des propositions de formation dans des domaines particuliers (la sécurité,
l’accueil des handicapés, la gestion des petits groupes, l’attitude face aux incivilités).
Une politique efficace en la matière suppose une certaine constance et des moyens
conséquents car les réticences (« qu’il en est-il du compte épargne temps dans le
supérieur ? ») et les obstacles ne manquent pas (« on est déjà débordés donc comment
prendre du temps pour se former ? »). Ceci est attesté par la difficulté à trouver des
volontaires pour nombre de modules de formation proposés. Et ceci suppose des
efforts particuliers en matière d’information et de communication mais aussi
d’organisation des formations. Entre catalogue défini de façon centralisée et mise en
place de modules ad hoc, les variantes sont en effet nombreuses et plus ou moins
appréciées (« on nous envoie le catalogue de formation mais cela ne suffit pas et on
ne voit pas bien comment cette offre s’inscrit dans le processus de GRH global et sa
temporalité », « on ne sait pas prioriser nos besoins »).
Une autre façon de former les universitaires, plus modeste et peut-être plus
accessible, consisterait à améliorer la dimension collective du travail enseignant en
favorisant le travail en équipes, en suscitant un travail de réflexivité à travers des
ateliers d’échange de pratiques. Et l’on pourrait aussi développer les bilans de
compétences pour les universitaires (« on nous demande en permanence d’identifier
nos forces et nos faiblesses et l’on aimerait parfois pouvoir faire un bilan de
compétences sans avoir à les découper entre enseignement, recherche et
administration et en pensant globalement »).
La reconnaissance insuffisante de l’activité enseignante
Outre celui des moyens, l’obstacle principal à une évolution de l’enseignement à
l’université est l’insuffisante reconnaissance des efforts accomplis en la matière. Ceci
provient avant tout du primat de la recherche dans le recrutement et l’évaluation des
enseignants-chercheurs ce qui devrait certainement être revu si l’on entend accroître
l’engagement pédagogique des universitaires.
Les initiatives prises par les établissements sont toutefois appréciées. Il en est ainsi
de la décharge partielle d’enseignement proposée aux maîtres de conférences
fraichement nommés et des diverses primes pédagogiques ou autres comme la PRCT
(« qui a l’inconvénient d’engendrer un surcroît de travail de préparation des cours au
retour »). On pourrait aussi développer les aides à l’innovation sur projets et
13
s’interroger sur la pérennité des actions soutenues à leur lancement mais sans relai
assuré de la composante pour la suite.
Dans un système idéal, la complexification de l’enseignement devrait aussi se
traduire dans les obligations de service, certains pensant même que les primes
suscitent une compétition inutile (« cela fait partie de notre métier et il vaudrait mieux
aider tout le monde à le faire mieux que de récompenser seulement certains ») et
préférant les systèmes d’appels à projet. Tandis qu’inversement la limitation des
heures d’enseignement n’est pas forcément faite (« il n’y a pas de limitation des
services sur le Campus LLSH, seulement des recommandations »). Et certains, par
exemple en gestion, imaginent d’autres formes de valorisation du côté des entreprises
avec le développement de la formation continue et des activités de conseil.
Reste à voir comment évaluer les enseignements. Ce sujet est très sensible chez les
universitaires et la façon de faire (évaluer les enseignements et pas les enseignants,
préserver l’anonymat) reste assez timide et sans retombée assurée. On pourrait aller
plus loin en demandant les avis des étudiants, en rendant publiques les informations
sur le devenir professionnel des étudiants. Sur ce point, l’évolution des mentalités est
sans doute à accélérer en montrant par exemple que l’évaluation est aussi une mise en
valeur (« elle fait aussi remonter du positif »). On pourrait également diversifier les
formes d’évaluation en ne se limitant pas à une appréciation individuelle et
quantitative mais en concevant des formes plus collectives et plus qualitatives. Reste
que l’évaluation de l’enseignement est complexe, celle du degré d’engagement aussi
(« pour les primes, le mode déclaratif ne facilite pas toujours le classement des
dossiers car on sait faire ronfler nos dossiers ») tandis que cela génère une lassitude
(« on n’en finit pas de s’évaluer, de s’autoévaluer »).
Faire évoluer l’offre de formation
Certains participants ont fait part de leur expérience en la matière. Ainsi, en
histoire, on a reconfiguré l’offre de formation en réduisant les options en licence car
leur multiplication est très couteuse. Mais ce n’est pas l’esprit général sur le campus
et dans certaines filières, les langues par exemple ou l’histoire (« je suis la seule à
pouvoir parler de ma spécialité »), où il faut préserver les situations même s’il y a peu
d’étudiants ou infléchir une situation de démultiplication de spécialités qui était aussi,
par exemple en sciences, une réponse à un certain sur-encadrement.
D’autres soulignent qu’il y a encore trop de formations pointues et à petits effectifs
alors qu’on pourrait les réduire et attribuer en échange des décharges pour
responsabilités ce qui augmenterait le nombre de candidats. D’autres affirment la
nécessité de rationaliser l’offre de master mais soulignent les réticences des collègues
alors qu’il faudrait être raisonnable. D’autres suggèrent de revoir la répartition des
enseignements mais ce n’est pas facile car le cadre national est contraignant
(semestrialisation, deux sessions d’examen, maquettes). Et certains se demandent
même s’il faut vraiment des chercheurs pour enseigner en début de cursus
universitaire lorsque la simple remise à niveau est importante et même si c’est au
risque d’une certaine secondarisation des études supérieures. On pourrait également
réfléchir à l’expérience spécifique des IUT qui construisent leurs programmes au sein
de la Commission Pédagogique Nationale qui réunit enseignants, experts et
partenaires sociaux.
Dans ce domaine comme dans d’autres, le besoin de supports et de soutiens
administratifs pour la gestion des diplômes se fait fortement ressentir (« c’est très
confortable et efficace dès que des personnels administratifs s’impliquent »).
14
3. LA RECHERCHE
La note d’orientation insistait sur quelques grandes évolutions du paysage de la
recherche - la pluridisciplinarité, l’évaluation, l’internationalisation, la valorisation, la
recherche de financements - et leurs conséquences pour le métier universitaire. Elle
évoquait aussi les formes d’appui mises en place telles que la Maison de la recherche
ou l’affectation de personnels administratifs. Ce diagnostic général semble trouver
l’assentiment des participants qui ont particulièrement insisté sur deux idées.
Les formes multiples de la recherche et les difficultés rencontrées
La recherche regroupe en fait de multiples activités de teneur assez différentes. On
peut en effet participer à un programme de recherche dans une équipe ou de manière
personnelle, faire du terrain ou des expériences, écrire et lire, se documenter et
publier. Autant de pratiques dont les retombées sur l’enseignement sont assez
différentes (« c’est quoi faire de la recherche ? Aller à la paillasse ou simplement
participer à la vie de son labo ce qui peut suffire pour enseigner »). Et puis certaines
dimensions de la recherche sont plus problématiques que d’autres.
Ainsi, l’injonction à l’interdisciplinarité est diversement appréciée d’autant qu’il y
a souvent un écart important entre les incitations ministérielles et la réalité (« le CNU
reste disciplinaire »). Cette « mode » est aussi une contrainte que l’on applique
parfois formellement (« on rajoute le nom d’un collègue connu dans le dossier ») sans
nécessité évidente pour la recherche. Et cette interdisciplinarité, sans doute utile pour
faire émerger de nouvelles connaissances à condition de ne pas abandonner sa propre
discipline (« faire de l’interdisciplinarité, c’est d’abord être bon dans sa discipline »)
n’est pas toujours bien reconnue dans les carrières.
De son côté, la valorisation de la recherche est perçue comme difficile à mettre en
œuvre car c’est un métier en soi qui suppose l’exploration de formes adaptées aux
diverses disciplines.
Quant à l’activité internationale, elle été assez peu évoquée. De fortes réticences se
sont toutefois exprimées à l’égard des grandes opérations de recherche internationales
car les réponses aux appels à projets sont couteuses et risquées. Certains préfèrent
rechercher des financements du côté des entreprises et se contentent de se mettre dans
quelques grands contrats européens mais sans en être les pilotes ni très investis.
Même s’il y a encore quelques collègues qui ne font pas de recherche (« il faudrait
les sanctionner mais comment ? les accompagner mais le veulent-ils ? »), la plupart
des universitaires tentent de préserver cette dimension de leur métier. Beaucoup
déplorent toutefois le manque de temps pour faire de la recherche (« on est éparpillés
et constamment dans l’urgence alors on bricole ») même s’il y a des nuances selon les
disciplines. La recherche « c’est ce qu’il reste après le reste » disent des universitaires
de Droit ou de Lettres, particulièrement dans les filières à gros effectifs (« c’est les
vacances, je vais enfin pouvoir écrire un article », « c’est triste de se dire qu’on fera
de la recherche à la retraite »), tandis que ceux de sciences mettent plus facilement la
recherche en tête de leurs activités. Et il est souvent difficile de revenir à la recherche
quand on s’est engagé dans d’autres taches, notamment administratives, et donc il ne
faut pas faire cela trop tôt dans la carrière.
Les soutiens à la recherche
Les dispositifs d’appui sont plutôt appréciés et beaucoup plaident pour une
mutualisation des moyens rendue nécessaire par la limitation des ressources humaines
15
et financières et par la hausse des couts d’équipement. Il en est ainsi de l’expérience
très positive des lieux d’appui (MMSH, Maison de la recherche, bureau de la
recherche, plateformes) et l’intérêt de leur proximité mais aussi la nécessité de mieux
les faire connaître et utiliser.
La Maison de la recherche est particulièrement plébiscitée (« c’est une réussite »,
« elle a généré une dynamique bien au delà des objectifs fixés au départ », « les
personnels sont très compétents et de haut niveau ce qui facilite le pontage de projets
internationaux », « c’est l’occasion de se rencontrer, de faire émerger des projets ») et
cela crée de nouvelles attentes qui justifieraient sans doute la démultiplication de
lieux de coordination de ce type même si cela ne peut pas se décliner à l’identique sur
tous les sites : ainsi une maison de la recherche de l’IUT ne serait guère envisageable
du fait de sa spécificité et de la dispersion des appartenances.
La PEDR est également appréciée mais il y a parfois de l’autocensure (« je ne
candidate pas car je sais que les jeux sont faits ») et quelques avis divergents (« la
PEDR est une façon d’être payée deux fois et donc de valoriser une fois de plus la
recherche au détriment des autres missions »). De plus, son attribution au niveau
national et local est à revoir car les sections du CNU n’ont pas les mêmes procédures
et cela génère des inégalités (« c’est par exemple le problème des enseignants de SHS
en sciences »). De même, la modulation de service au début de la carrière est utile
pour la recherche (par exemple l’année recherche pour les internes en Santé) mais le
choc de l’enseignement est simplement reporté d’un ou deux ans et l’on peut se
demander s’il ne faudrait pas envisager l’équivalent pour la pédagogie et l’appliquer
aussi en cours de carrière.
Divers autres sujets ont été évoqués dans les ateliers : la précarité dans le domaine
de la recherche illustrée par la situation des ATER, le nombre insuffisant de CRCT
(« il faut des dossiers exceptionnels pour en bénéficier »), les besoins ponctuels de
formation à certaines dimensions connexes à la recherche comme la diffusion
scientifique, le développement des relations entre les composantes et les équipes de
recherche, l’amélioration du fonctionnement collectif par mise en place de chartes et
d’entretiens individuels, les difficultés de pilotage des laboratoires du fait de
l’indépendance de chacun des participants à l’égard de la direction (« on est passé de
« que votre volonté soit faite » à « que ma volonté soit faite »).
Là encore, le besoin d’appui des personnels administratifs est important mais
variable d’une discipline à l’autre et selon la taille des équipes de recherche. S’il
semble suffisant du côté des sciences où l’on préférerait des postes supplémentaires
de techniciens et d’ingénieurs, il est perçu comme quasi absent dans d’autres secteurs
(droit, lettres et sciences humaines) et dans les petites équipes. Enfin, l’information
sur la recherche, indispensable par exemple concernant les appels à projets européens,
arrive par différents canaux ce qui complique parfois la vie (« il faudrait écrire
l’Europe pour les nuls ») même si les aides existantes, comme la cellule Europe de
Protisvalor ou les chargés de mission (chargé Europe au niveau de Bruxelles, DRV de
Campus), jouent un rôle utile d’appui mais aussi de professionnalisation des
universitaires.
4. LES ACTIVITES ADMINISTRATIVES
La présentation introductive insistait sur les grandes transformations du métier
administratif (formalisation, bureaucratie, reporting, évaluation) et les façons dont il
s’exerce : prise de responsabilité, management du personnel, accompagnement. Tout
ceci a rencontré un large écho dans les ateliers qui ont abordé deux grands sujets.
16
Le travail administratif et sa prise en charge
Le commentaire des tableaux de répartition des postes selon les composantes a été
l’objet d’étonnements et de commentaires divers soulignant les fortes inégalités
existant au sein d’AMU. De fait, les taux d’encadrement en enseignants et en
personnels administratifs sont très variables. Certes, ceci s’explique en partie par les
règles nationales d’attribution des postes mais sans doute aussi par la politique
développée sur le long terme dans les établissements. Et il n’est sans doute pas simple
d’infléchir fortement cette répartition, les mieux lotis ayant quelques arguments à
faire valoir comme l’a montré la discussion en sciences ou à l’IUT (« les données
statistiques sont peu comparables, il faut regarder seulement les BIATSS qui sont
affectés aux missions des EC et tenir compte des sites, des normes nationales, des
volumes d’enseignements et de la répartition entre CM, TD et TP »).
On a également souligné l’intérêt de mutualiser les postes administratifs à
condition de préserver une certaine proximité, voire de créer des postes
supplémentaires. Mais le multi-sites, couteux en postes (« même si on s’efforce de
dématérialiser au maximum »), rend difficile cette mutualisation. Il est également
essentiel de créer des postes pour la gestion des contrats dans les labos mais cette
orientation rencontre forcément des résistances. Certains envisagent même la
transformation de quelques postes d’enseignants tandis que d’autres, considérant que
la situation est d’abord marquée par le sous-encadrement, souhaitent plutôt la création
de postes de soutien à la recherche et une meilleure répartition des postes existants
(entre disciplines et entre la scolarité, la recherche et les autres missions). On a aussi
souligné l’importance des secrétariats de scolarité si l’on veut limiter le mouvement
très ancien de glissement de fonctions vers les enseignants.
A quoi s’ajoute une formalisation accrue de toutes les procédures qui vient
compliquer et amplifier le travail de chacun. On pourrait peut-être à ce propos
assouplir l’interprétation des textes règlementaires (« envoyer des signaux positifs par
rapport à la relaxation des contraintes ») sans pour autant perdre la garantie qu’ils
offrent, ce qui simplifierait le travail administratif.
Par ailleurs, la complexification des taches suscite un besoin accru de management
des composantes (« ne pas hésiter à mettre à plat, à arbitrer, à modifier les
pratiques ») et de reconnaissance des hiérarchies fonctionnelles (« pour donner plus
de poids aux directeurs de labos, il faudrait bloquer tous les accès directs qui court-
circuitent le rôle des directeurs »).
On a aussi évoqué les relations entre universitaires et personnel administratif,
plutôt satisfaisantes à la base mais plus difficiles avec les services centraux qui sont
plus éloignés et pas toujours au fait de la réalité de terrain. On a également évoqué le
besoin de formation des personnels administratifs, qui ne connaissent pas bien la
recherche, et celui de mieux reconnaître leur implication et de les faire évoluer dans
leur carrière. Au final, il apparait que la satisfaction des besoins administratifs est une
condition d’évolution de l’enseignement comme de la recherche.
Les taches administratives croissantes des universitaires
A l’évidence, la dimension gestionnaire du travail concerne de plus en plus de
monde et est de plus en plus lourde à porter au point parfois de compromettre le
métier de base. Ce travail administratif (gestion des diplômes, réponses aux appels à
projets de recherche, reporting) est souvent perçu comme une contrainte
insupportable (« c’est juste super casse-couilles ») et une activité dans laquelle on ne
17
peut se projeter positivement et qui représente un travail caché, mal reconnu et
insuffisamment valorisé (« des décharges existent mais elles sont rares et trop
réduites »). Il n’est qu’à voir « le mépris du CNU à l’égard des taches
administratives », lequel n’évalue que sur la recherche même s’il faut aussi attester
d’une activité dans les autres registres. De plus, on confie souvent des responsabilités
aux universitaires sans leur donner les moyens de les exercer (« il n’y a ni carottes ni
bâtons, ni reconnaissance ni valorisation »). Et les primes administratives ont des
montants « ridicules » souvent sans rapport avec l’investissement effectué.
D’autres participants se sont toutefois exprimés pour souligner que l’administration
est fondamentale et doit être mise en valeur et pensée au regard de l’activité même
d’enseignement et de recherche.
Par ailleurs, il apparaît que ces tâches démultipliées sont très inégalement réparties.
Du fait de la faible implication des plus jeunes, le groupe des responsables se restreint
(« on ne trouve plus de candidats, ça va devenir inquiétant », « il faut accompagner
les jeunes collègues pour qu’ils ne se détachent pas des taches communes »). Il y a
donc urgence à mieux répartir les forces. De plus, il y a parfois beaucoup trop
d’opérateurs (« derrière l’apparence d’une grand cohésion du secteur Droit il y a en
fait une mosaïque de petits responsables »).
Et beaucoup témoignent du fait que la reconnaissance des compétences des
directeurs, qui fonctionnent non pas à l’argent ou au prestige mais à la capacité
d’action et à la reconnaissance, est insuffisante. Si on n’infléchit pas cela, il y aura
bientôt pénurie de candidats (« quand on veut abandonner une charge, il faut trouver
quelqu’un pour la reprendre et ce n’est pas facile »). Parfois, on peut trouver une
reconnaissance externe comme en gestion où le rapprochement avec le monde socio-
économique est plus facile ce qui peut offrir des opportunités d’accès à des ressources
financières complémentaires. L’un des participants a aussi suggéré que l’on rende
possible l’attribution de la PCA aux directeurs adjoints des grosses unités. Quant au
système des primes et décharges, il pourrait être amélioré. On pourrait même
envisager la création d’un statut d’enseignant administratif (« il y en a qui aiment cela
et qui le font bien et savent que le retour à la recherche est difficile ») ou au moins
développer une voie d’avancement spécifique ou utiliser plus le 46.3 qui ne repose
pas que sur la recherche et qui permet à des maîtres de conférence hors-classe de
devenir professeur.
Dans ce domaine aussi, des besoins de formation se sont manifestés. Ainsi, une
formation au management est souhaitée car c’est une responsabilité réelle et de plus
en plus complexe (« apprendre à faire un management humaniste en cohérence avec
les orientations générales ne va pas de soi »). Pour l’instant, cela se limite à la
transmission de quelques astuces et à un tuilage approximatif entre directeurs alors
que c’est un véritable métier qui suppose une formation minimum dans divers
domaines tant administratifs que de gestion (« on ne sait pas organiser une réunion »,
« on ne sait pas manager des équipes »). La formation des directeurs et la mise à
disposition d’une « boîte à outils » ou d’un simple glossaire s’avèrent à cet égard très
utiles. Dans ce domaine, on pourrait combiner la proposition de modules types et le
traitement à la carte selon les besoins (« les directeurs d’IUT sont formés mais il n’y a
pas de formation à la direction d’une composante à AMU ») et développer les
entretiens individuels comme il en existe dans nombre d’organisations. Un des
participants s’est même demandé s’il ne faudrait pas nommer des gestionnaires et en
finir avec « l’autogestion » des instances universitaires.
18
5. QUELQUES PROPOSITIONS
Au fil des échanges, quelques propositions concrètes ont émergé mais cela reste
sans doute modeste au regard des objectifs affichés initialement. On peut tout de
même faire une liste récapitulative des suggestions faites par les uns et les autres.
Celles-ci relèvent de plusieurs registres et s’adressent à l’ensemble des acteurs
concernés, le ministère comme les responsables au sein de l’université, tout en
interrogeant les pratiques de l’ensemble des universitaires. En ce sens, il ne s’agit ni
d’une liste de revendications ni d’un programme mais d’un simple récapitulatif des
pistes évoquées au cours des ateliers.
Avant tout améliorer la situation des personnels
Aller vers une revalorisation salariale du métier.
Revoir les primes et décharges pour responsabilités pédagogiques, de recherche et
d’administration et améliorer leur mode d’attribution.
Privilégier les décharges plutôt que les primes et les distribuer aux diverses étapes
de la vie selon l’évolution des activités.
Imaginer une modulation des services au cours de la carrière et selon les degrés
d’engagement dans les diverses missions d’intérêt commun : progressivité dans la
modulation des services en début de carrière, décharges pour les débutants en
échange d’une participation aux dispositifs d’intégration et de formation
pédagogique, décharges en cours de carrière pour soutenir la prise de responsabilités
administratives et l’implication dans des missions nouvelles ou des innovations
pédagogiques ou accompagner les mobilités.
Accroître le nombre de congés et de délégations de recherche éventuellement en
échange d’une formation à l’innovation pédagogique avant le retour.
Développer la formation des enseignants sous toutes ses formes et pour toutes les
facettes du métier.
Penser autrement les recrutements en élargissant les critères de sélection à
l’ensemble des facettes du métier et pas seulement à la recherche.
Rendre la journée d’intégration obligatoire ainsi que le suivi de certains modules de
formation aux innovations et aux nouvelles missions universitaires.
Débloquer les carrières des maîtres de conférences en mettant en place des listes
d’aptitudes comme dans le secondaire et des postes de professeur banalisés (sans
laboratoire ni discipline précise) pour élargir le champ du recrutement.
Reconnaître un statut d’enseignant administratif.
Créer des postes d’ingénieurs et de techniciens pour les plateformes et les
dispositifs mutualisés.
Mais aussi améliorer les modes de gestion
Assouplir l’interprétation des textes juridiques et viser à une simplification des
procédures administratives.
Développer les outils de connaissance pour avoir, par exemple, une meilleure vue
sur les acquis scolaires des nouveaux étudiants, sur les carrières des universitaires ou
sur l’impact des dispositifs mis en place.
Diffuser largement les textes qui régissent le métier d’enseignant-chercheur.
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Atteindre plus d’équité dans la répartition des postes enseignants et administratifs.
Inciter à une gestion la plus collective possible des charges pédagogiques.
Lever l’obstacle du plafond d’heures d’enseignement pour les docteurs.
Organiser la journée d’intégration à Aix et Marseille et faciliter la participation en
banalisant la journée d’enseignement.
Avancer sur l’évaluation des activités en diversifiant ses formes (interne et externe,
quantitative et qualitative, individuelle et collective) et en explicitant ses objectifs
(connaissance et action, contrôle et amélioration, pilotage).
III. ANALYSER LA SITUATION POUR MIEUX L’INFLECHIR
Cette question de l’évolution du métier d’enseignant-chercheur est un objet
d’intérêt de longue date tant parmi les responsables politiques (voir les multiples
rapports régulièrement réalisés depuis des décennies comme ceux de de Baecque en
1974, d’Espéret en 2001, de Belloc en 2003) que chez les chercheurs (voir les travaux
de Musselin, Romainville ou Lanciano cités en bibliographie).
C’est avec un regard de sociologue du travail et des professions et sur la base d’une
expérience universitaire variée tant par les disciplines pratiquées que par les
responsabilités occupées, que l’on propose ici quelques réflexions transversales
susceptibles de favoriser la poursuite de la réflexion mais peut-être aussi la mise en
place d’une stratégie et de mesures concrètes.
1. TENDANCES GENERALES
Apparaît d’abord une certaine convergence de vue sur le diagnostic et la façon de
concevoir le métier universitaire mais les modes d’adaptation et les pratiques varient
beaucoup selon les contextes et les moyens disponibles. Dit autrement, il n’y a pas de
véritable opposition sur la conception de l’université et du métier d’enseignant-
chercheur mais des différences fortes sur les conditions d’exercice de ce métier. Il n’y
a pas non plus à proprement parler de problème d’identité professionnelle mais plutôt
une forte volonté d’obtenir les moyens d’exercer son métier et de le faire évoluer.
Plusieurs suggestions vont dans ce sens, notamment le souhait de réfléchir aux
diverses formes de la recherche pour rendre possible le maintien des deux facettes du
métier et également le souci d’explorer des modes pertinents d’évaluation
susceptibles d’améliorer effectivement les pratiques quotidiennes.
A cet égard, la question des moyens matériels et humains et de leur répartition,
encore très inégalitaire, est cruciale car elle définit les possibilités concrètes
d’évolution des pratiques. La poursuite d’un redéploiement interne des ressources
ainsi que la définition d’une politique différenciée s’avèrent donc nécessaires si l’on
veut espérer la mise en place effective des grandes orientations de l’université, faire
évoluer le métier et aller vers plus d’unité au sein d’AMU.
On note en effet de réelles différences d’appréciation entre les disciplines par
exemple sur l’évaluation, la place de la recherche et les moyens humains disponibles
ou encore sur la capacité à faire face aux évolutions. Elles sont également variables
selon les générations, concernant par exemple la place du collectif, et selon les types
de responsabilités occupées, notamment sur l’importance des tâches de gestion.
20
A cela s’ajoute une gestion de plus en plus problématique du temps, souvent
accéléré, non maitrisable, découpé, dilué, fuyant ou insuffisant. Question d’autant
plus difficile à résoudre qu’elle se pose aussi dans la société en général.
Pour autant, les objectifs essentiels de l’université semblent partagés et concernent
essentiellement la diffusion de savoirs de haut niveau, la préoccupation pour une
certaine égalité des chances d’accès et la préservation du métier d’enseignant-
chercheur dans un monde en transformation rapide.
2. DIVERSITES UNIVERSITAIRES
La multiplicité des appartenances possibles des universitaires a été mise en
évidence. Celles-ci varient notamment selon les personnes, leur spécialité et les
périodes de leur vie, chacun mettant tantôt en avant sa discipline, le site, la
composante, le diplôme, l’UFR, le laboratoire, le corps, l’université, l’Université ou
même la fonction publique. La prise en compte de cette variété est essentielle pour
trouver des leviers adaptés à la réalisation d’une politique d’établissement.
A cela s’ajoute la variété des publics étudiants qui se distinguent fortement tant sur
leurs acquis que sur leurs compétences, appétences et projets. Cela pose de
redoutables problèmes dans l’exercice du métier. Et cela interroge sur des sujets
délicats comme l’éventuel traitement différencié des deux cycles de formation quant à
la place accordée à la recherche et à la spécialisation.
La multiplicité des missions confiées aux universitaires est aussi un défi car elle
suppose des arbitrages constants et des ajustements difficiles à trouver. Cela interroge
sur la capacité de l’institution à juxtaposer des profils différents, à faire évoluer les
spécialisations de chacun et à faire vivre les collectifs. Et cela met en question la
façon dont ces diverses missions sont reconnues dans la carrière et par les instances
locales ou sections du CNU qui, elles aussi, ont des politiques variées.
Par ailleurs, la façon dont chacun vit les contraintes et prend en charge les diverses
dimensions du métier est très variable selon les personnes et les contextes. Un
examen précis de ces contraintes et de leurs origines (le cadre national, la politique
d’établissement, les décisions des universitaires eux-mêmes) serait utile pour mieux
faire apparaître les marges de manœuvre possibles.
Il reste enfin à prendre en considération les différences existant entre les
générations, entre les nouveaux arrivants plus soucieux de leur carrière et privilégiant
la recherche et les plus anciens fortement engagés dans les responsabilités
administratives et souvent bloqués dans leur carrière.
3. TENSIONS ET RESOLUTIONS
Une autre façon de présenter cette analyse consiste à repérer les tensions et
contradictions présentes dans l’enseignement supérieur afin de mieux comprendre les
réticences qui peuvent se manifester à l’égard du changement ou de la mise en place
d’une politique d’établissement, et par là, définir un chemin susceptible de mobiliser
le plus grand nombre. Ces tensions se situent sur divers plans.
Les unes concernent tous les universitaires car elles affectent le métier lui-même. Il
y a ainsi une tension très nette entre le travail et l’emploi, entre les transformations de
l’activité (charge accrue, démultiplication des taches) et ses modes de reconnaissance
(salaire, recrutement, carrière). Il y a aussi des écarts entre les mobiles de la vocation
initiale (la recherche, l’excellence, la liberté) et la réalité concrète du métier (la
pluralité des missions, la hiérarchie, le manque de temps), entre le métier rêvé
21
(accomplir toutes les missions pour tous) et le métier réel (courir après le temps,
sélectionner), entre le désir de liberté individuelle et la prise en charge des
responsabilités collectives. Il en existe aussi entre les attentes à l’égard des étudiants
et la réalité de leurs acquis et capacités, entre les caractéristiques du public étudiant et
l’inertie relative des pratiques pédagogiques, entre le souhait d’ouverture de
l’université à tous et l’objectif d’assurer la réussite de tous.
D’autres tensions se manifestent entre les personnes et les instances de direction.
Ainsi, les logiques individuelles (la carrière et ses critères) et institutionnelles (les
missions, le rayonnement, l’organisation) peuvent s’opposer, les représentations de
l’activité chez les enseignants (la liberté) et chez les décideurs (le besoin de réguler)
peuvent diverger et il peut y avoir un écart entre le désir de changement et les moyens
pour y parvenir.
Enfin, des tensions peuvent naître de la situation générale des universités et des
politiques mises en œuvre. Il en est ainsi de la prise compte des charges communes
(de plus en plus nombreuses) et de leur répartition (souvent inégale), de l’écart entre
les missions attribuées à l’université (de plus en plus variées) et les moyens financiers
disponibles (stables voire en baisse).
Reste à réduire ces tensions et à résoudre ces contradictions. Pour y parvenir, il
convient avant tout de modifier les contextes d’action en les rendant plus riches et
plus valorisants pour les personnels et en offrant à ceux-ci plus de possibilités
d’exercer le métier qu’ils ont choisi.
Il convient également de prendre en compte ce qui est à la fois une richesse et une
difficulté de l’enseignement supérieur à savoir la multiplicité des lieux de décision et
la diversité des niveaux de responsabilité. Il faut donc bien apprécier à quel niveau il
convient d’intervenir selon les sujets à traiter.
Dans certains cas, tous les niveaux sont concernés. Il en est ainsi si l’on veut
approcher une certaine équité dans la répartition des charges et des moyens, améliorer
l’organisation collective des tâches et favoriser l’innovation.
Dans d’autres cas, la responsabilité première se situe au niveau du Ministère et cela
concerne notamment les règles d’affectation des moyens humains et financiers mais
aussi le cadre réglementaire régissant le métier et le fonctionnement des universités.
Le CNU a aussi son rôle à jouer notamment pour mieux reconnaître la pluralité des
missions des universitaires. De son côté, l’établissement a un poids décisif qui se
matérialise par le développement des incitations, la diffusion de l’information et
l’association du plus grand nombre aux réflexions et aux décisions. L’UFR intervient
aussi en fixant quelques règles communes et en veillant à la qualité des procédures.
De son côté, le département peut faciliter la vie quotidienne de chacun, le
laboratoire faire vivre le collectif et chaque enseignant-chercheur veiller au bon
exercice de son métier.
4. INTERROGATIONS
Les contributions des participants aux ateliers suggèrent finalement des questions
générales qui peuvent s’adresser aux décideurs et orienter leur réflexion sur la façon
de conduire leur politique.
Comment assurer un pilotage centralisé tout en laissant une marge d’initiative aux
personnes et une certaine autonomie aux composantes ?
22
Comment conduire le changement et quel équilibre trouver entre incitation et
contrainte, conviction et contrôle ?
Comment faire évoluer l’offre de formation et notamment réduire le nombre de
spécialités, les reconfigurer éventuellement voire établir une différence plus forte
entre les cycles, pour disposer de marges de manœuvre financières tout en assurant la
pertinence de cette offre,?
Comment faire face à la restriction des moyens et combiner rationalisation des
activités, mutualisation, adaptation de l’offre de formation, évolution des personnels
et des métiers, recherche de nouvelles ressources financières ?
Comme assurer une bonne transmission des savoirs et savoir-faire entre anciens et
nouveaux universitaires ?
Comment construire l’avenir avec des personnes dont un grand nombre sont en fin
de carrière ?
D’autres questions, citées ici sans hiérarchie, concernent plus directement les
universitaires eux-mêmes.
Comment faire face aux évolutions du métier dans un cadre professionnel qui a
finalement peu évolué ?
Comment construire son expérience professionnelle entre travail d’autoréflexivité,
échanges de pratiques et formation formelle ?
Comment donner de la souplesse aux services de chacun en les modulant
notamment au cours des étape de sa carrière ?
Comment anticiper le départ des personnes les plus engagés et contrecarrer la
tendance des nouvelles générations à éviter les responsabilités collectives ?
CONCLUSION
Pour finir, on peut envisager quelques prolongements de la réflexion collective
amorcée à Aix Marseille Université.
On pourrait par exemple mieux connaître et faire connaître les initiatives prises
dans d’autres universités ou au CNRS ainsi que les expériences étrangères.
On pourrait poursuivre la réflexion sur certains sujets comme les nouvelles
missions de l’université, l’aide à l’insertion professionnelle des étudiants par
exemple.
On pourrait élargir la consultation du personnel, par exemple en proposant, sur la
base du diaporama utilisé dans les ateliers et/ou du rapport de synthèse ici présenté,
une bourse aux idées et aux propositions voire un forum ou encore mettre en
discussion ce rapport dans les conseils.
Autant de façons d’approfondir ce travail de réflexion générale sur le métier
d’enseignant-chercheur, la façon dont il s’exerce aujourd’hui, le sens que chacun lui
donne et la direction dans laquelle il peut évoluer.
23
QUELQUES REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Charles C., 1994, La république des universitaires : 1870-1940
Collet-Lassere J., 2015, Le recrutement, le déroulement de carrière et la formation
des enseignants-chercheurs, rapport IGAEN
Cosnefroy L., 2015, Etat des lieux de la formation et de l’accompagnement des
enseignants du supérieur, rapport IFE, ENS Lyon
Dahan A., Mangematin V., 2010, Recherche ou temps perdu ? Vers une intégration
des tâches administratives au métier d’enseignant- chercheur, Gérer et comprendre,
2010/4, n° 102
Drucker-Godard C., 2013, Être enseignant-chercheur aujourd’hui, Politiques et
management public, vol. 30, n° 1
Gastaldi L., Lanciano-Morandat C., 2012, Les dispositifs d’évaluation de
l’enseignement supérieur et de la recherche : quel devenir pour des établissements
singuliers ? Quaderni, n° 77, 2012/1 Musselin Ch. (2008), Les universitaires, La Découverte Repères
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collégiale, Revue du Mauss, 2009, n°1, L’Université en crise : mort ou résurrection,
La Découverte
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l’université : usages, rôles et limites, Recherche et formation, n° 66
Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur : Dossier « Innover
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Rose J., 2014, Mission insertion : un défi pour les universités, Presses
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Schlencker J.M., 2015, Université : pour une nouvelle ambition, rapport Institut
Montaigne
Viry L., 2006, Le monde vécu des universitaires ou la république des égos, Presses
universitaires de Rennes.
On peut également signaler une étude en cours conduite auprès des universitaires
par des sociologues des universités de Poitiers, Tours et Besançon et visant à « mieux
comprendre la nature des tâches que les enseignants et enseignants chercheurs
d’université doivent réaliser dans l’exercice de leurs fonctions, le type d’exigences et
de difficultés auquel ils peuvent être confrontés ». Les résultats de cette enquête
devraient éclairer les débats amorcés dans cette consultation.
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TABLE DES MATIERES
Introduction ........................................................................................................................ 1
I. Le cadre de réflexion ....................................................................................................... 3
1. Les grandes évolutions du contexte d’action .............................................................. 3
2. Les valeurs .................................................................................................................. 4
II. Les facettes du métier d’enseignant-chercheur .............................................................. 6
1. Des missions variées et de plus en plus difficiles à assurer ........................................ 6
2. L’activité d’enseignement .......................................................................................... 9
3. La recherche ............................................................................................................. 14
4. Les tâches administratives ........................................................................................ 15
5. Quelques propositions concrètes .............................................................................. 18
III. Analyser la situation pour mieux l’infléchir .............................................................. 19
1. Tendances ................................................................................................................. 19
2. Diversités .................................................................................................................. 20
3. Tensions .................................................................................................................... 20
4. Interrogations ............................................................................................................ 21
Conclusion ........................................................................................................................ 22
Quelques références bibliographiques .............................................................................. 23
Table des matières ............................................................................................................ 24