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1 L’EVOLUTION DU METIER D’ENSEIGNANT-CHERCHEUR CONSTATS ET REFLEXIONS RAPPORT DE SYNTHESE DES ATELIERS AMU José Rose (AMU, LEST-CNRS) Janvier 2017 INTRODUCTION « Nous demander de faire plus avec moins et de plus en plus vite, c’est juste impossible, on est pris à la gorge »« on est saturés, on n’en peut plus »« on court toujours derrière l’alourdissement des volets de chacune de nos activités »« c’est toujours plus »« on est saturés, faut nous laisser respirer »« on aimerait bien faire tout ça mais juste on est débordés »« on y arrive tout simplement plus »« ça oblige à adopter des stratégies de survie »et pourtant « c’est un beau métier qu’on a choisi » ; « c’est une passion sinon on ne ferait pas ce métier de dingue ». Voilà ce que l’on a pu entendre dans les ateliers de réflexion sur le métier d’enseignant-chercheur organisés par Aix Marseille Université. Voila ce que ce rapport se propose d’expliciter. Le dispositif mis en place et le déroulement des ateliers Ce dispositif de consultation des personnels initié par les responsables d’AMU dans le cadre de la démarche du SDRH visant à déterminer des objectifs en matière de ressources humaines sur la base d’un état des lieux et des ressources disponibles, avait un triple objet : analyser les grandes évolutions du contexte général et réfléchir sur la façon dont elles sont perçues ; en caractériser les incidences concrètes sur le métier d’enseignant-chercheur ; identifier les besoins de chacun en matière d’accompagnement au changement. La consultation des personnels a eu lieu en novembre 2016 dans six ateliers mis en place à Aix et Marseille autour des grands secteurs disciplinaires de l’université : Droit et sciences politiques, Economie et gestion, Médecine, Sciences, Arts Lettres Langues et Sciences humaines, IUT. Un cadre de réflexion très élaboré en amont était présenté aux participants par Marie De Barbarin, responsable du projet, et les trois membres de l’équipe projet (Ariel Mendez, Jacques Dejou et Bruno Hamelin) avec la présence dAlain Sommervogel, assistant maîtrise d’ouvrage. Le diaporama proposait des analyses et des zooms sur des expériences susceptibles d’amorcer la discussion mais aussi de

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L’EVOLUTION DU METIER D’ENSEIGNANT-CHERCHEUR

CONSTATS ET REFLEXIONS

RAPPORT DE SYNTHESE DES ATELIERS AMU

José Rose (AMU, LEST-CNRS)

Janvier 2017

INTRODUCTION

« Nous demander de faire plus avec moins et de plus en plus vite, c’est juste

impossible, on est pris à la gorge »…« on est saturés, on n’en peut plus »…« on court

toujours derrière l’alourdissement des volets de chacune de nos activités »… « c’est

toujours plus »…« on est saturés, faut nous laisser respirer »…« on aimerait bien faire

tout ça mais juste on est débordés »…« on y arrive tout simplement plus »…« ça

oblige à adopter des stratégies de survie »…et pourtant « c’est un beau métier qu’on a

choisi » ; « c’est une passion sinon on ne ferait pas ce métier de dingue ».

Voilà ce que l’on a pu entendre dans les ateliers de réflexion sur le métier

d’enseignant-chercheur organisés par Aix Marseille Université. Voila ce que ce

rapport se propose d’expliciter.

Le dispositif mis en place et le déroulement des ateliers

Ce dispositif de consultation des personnels initié par les responsables d’AMU

dans le cadre de la démarche du SDRH visant à déterminer des objectifs en matière

de ressources humaines sur la base d’un état des lieux et des ressources disponibles,

avait un triple objet : analyser les grandes évolutions du contexte général et réfléchir

sur la façon dont elles sont perçues ; en caractériser les incidences concrètes sur le

métier d’enseignant-chercheur ; identifier les besoins de chacun en matière

d’accompagnement au changement.

La consultation des personnels a eu lieu en novembre 2016 dans six ateliers mis en

place à Aix et Marseille autour des grands secteurs disciplinaires de l’université :

Droit et sciences politiques, Economie et gestion, Médecine, Sciences, Arts Lettres

Langues et Sciences humaines, IUT.

Un cadre de réflexion très élaboré en amont était présenté aux participants par

Marie De Barbarin, responsable du projet, et les trois membres de l’équipe projet

(Ariel Mendez, Jacques Dejou et Bruno Hamelin) avec la présence d’Alain

Sommervogel, assistant maîtrise d’ouvrage. Le diaporama proposait des analyses et

des zooms sur des expériences susceptibles d’amorcer la discussion mais aussi de

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mieux faire connaître la politique d’AMU et les services existants. Cette présentation

a permis aux participants d’intervenir aisément sur les nombreux sujets proposés. Les

personnes présentes ont été très contributives et plutôt satisfaites de cette initiative :

« on a appris plein de choses », « il faut le faire savoir aux collègues pour qu’ils

viennent plus nombreux ».

La participation est toutefois restée assez modeste sans doute du fait d’une

publicité restreinte faite à l’initiative. On a ainsi dénombré 10 personnes en droit et

sciences politiques avec surtout des élus et responsables, 8 en économie et gestion

avec essentiellement des maîtres de conférences, 13 en médecine avec une dominante

de pharmaciens, 30 en sciences avec une assez grande diversité de disciplines, de

corps et de niveaux de responsabilité, 17 en ALLSH avec des personnes de

disciplines variées mais toutes élues dans les instances du Campus et 15 en IUT. Ceci

limite la représentativité des opinions collectées ce d’autant que les invitations n’ont

pas été lancées de la même façon sur les sites.

Cette petite centaine de participants à cette consultation rend toutefois bien compte

de la diversité disciplinaire de l’université et ce critère est essentiel car l’appartenance

disciplinaire est structurante et porteuse de représentations spécifiques. En revanche,

la présence dominante de responsables et d’élus n’a pas permis de couvrir la diversité

universitaire en termes de générations et de degrés d’engagement institutionnel.

De cet échantillon ressort une assez grande convergence de vue concernant le

diagnostic et le vécu, même si les tonalités varient selon les disciplines. Et certaines

idées – la lourdeur des taches administratives, les besoins en personnel d’appui, la

mutualisation - sont constamment revenues au cours des ateliers.

Le rapport de synthèse

Il s’est avéré difficile de synthétiser la grande richesse des contributions tout en

rendant compte de l’hétérogénéité des situations comme des pratiques au sein de

l’université. Un discours unificateur est donc inenvisageable d’autant que ce sujet du

métier d’enseignant-chercheur est un révélateur de questions plus générales qui se

posent à l’enseignement supérieur depuis des décennies.

Il ne s’agit donc pas de brosser un portrait représentatif des personnels AMU mais

plutôt de collecter un ensemble d’analyses et d’idées intéressantes dont on ne peut

mesurer le poids réel ni les associer à tel ou tel mais qui peuvent servir de support à

une réflexion sur la politique de l’établissement et la gestion de ses ressources. Le

lecteur est donc invité à la prudence dans la mesure où l’on ne peut apprécier le poids

réel des opinions exprimées ni l’écart entre les discours et les pratiques de chacun. A

quoi s’ajoute le fait que le rapporteur, constamment soucieux de rendre compte des

propos tenus ne peut faire totalement abstraction de ses propres représentations et

opinions.

Ce rapport écrit s’efforce tout de même de rester au plus près des interventions de

chacun et de répondre à l’attente des responsables AMU concernant le degré

d’adhésion à leurs analyses. C’est pourquoi il s’organise en référence à la trame du

power point introductif avec une première partie de cadrage général (changements du

contexte, valeurs) et une deuxième sur les activités des universitaires (enseignement,

recherche, administration). La dernière partie propose des conclusions transversales et

suggère quelques idées plus personnelles.

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I. LE CADRE DE REFERENCE

1. LES GRANDES EVOLUTIONS DU CONTEXTE D’ACTION

Tendances générales

L’analyse proposée par les responsables de la consultation mettait l’accent sur les

évolutions sociétales les plus récentes, notamment les mutations technologiques, et

leur impact sur l’université mais également sur les transformations de l’enseignement

supérieur et de la recherche, de ses modalités de financement et de gestion, de ses

temporalités, de ses types de relations et des attentes de la société à son égard.

Un accord semble se faire sur le diagnostic proposé et la convergence de vue est

assez grande sur les évolutions auxquelles l’université doit faire face et les

conséquences que cela a sur l’exercice du métier, même s’il y a des différences de

pondération de ces évolutions selon les contextes locaux et les intérêts de chacun.

Suggestion a été faite à ce propos de distinguer changements externes et internes,

cadre imposé et marges de manœuvre des universitaires (« on pourrait sans doute, et

plus qu’on ne le pense souvent, se libérer de certaines contraintes ou éviter d’en

imposer nous-mêmes de nouvelles »).

Une société en pleine transformation

Les évolutions technologiques, l’usage généralisé d’Internet par exemple,

modifient l’accès aux connaissances mais aussi les rythmes de vie avec ce sentiment

d’urgence et d’étouffement sous la multitude des sollicitations (« on court toujours

derrière », « comment dire non ? »). Elles modifient aussi les manières d’apprendre

des étudiants qui semblent maîtriser les technologies dans leur vie courante mais pas

forcément dans le travail universitaire.

A cela s’ajoutent les effets du mouvement général d’individualisation et de mise en

concurrence qui affecte les manières d’exercer son métier, les rythmes de travail et

les relations entre les équipes et les universitaires (« c’est la course à l’échalote »)

mais aussi la façon dont sont prises ou non les responsabilités communes et assurée la

coordination des activités.

L’université est également affectée par l’évolution des attentes de la société, de

plus en plus diversifiées et nombreuses comme on le voit par exemple en Médecine

avec la pression accrue de la demande de soins qui pèse sur le métier comme sur les

études.

Enfin, la montée des pratiques d’évaluation perceptible dans tous les secteurs de la

société se manifeste aussi dans les universités.

De multiples changements au sein de l’université

A l’université, on a d’abord et avant tout assisté à un changement d’échelle avec la

progression des effectifs étudiants que n’a pas toujours suivi celle des personnels, et

la démultiplication des filières et des diplômes. A cela s’est ajoutée la

professionnalisation des formations supérieures qui a généré une spécialisation et une

mise en concurrence accrues.

Cet effet de nombre affecte très différemment les disciplines et les niveaux de

formation. Se juxtaposent ainsi dans la même université des filières à petits effectifs

comme dans certaines langues, d’autres à effectifs très importants (en droit

notamment) et à progression constante (psychologie) tandis que d’autres connaissent

plutôt une stabilité (en sciences) voire des difficultés de recrutement. A cela vient

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s’ajouter la spécificité des IUT et les différences entre licences et masters. Des grands

amphis aux petits groupes, la pratique n’est pas la même ni la charge de travail ni la

possibilité de faire évoluer son métier. Et les objectifs d’excellence sont parfois

difficiles à tenir dans un contexte de stabilité et de répartition inégale des moyens.

Se superpose à cela un effet de qualité avec l’arrivée de générations nouvelles

ayant d’autres représentations, d’autres compétences, d’autres attentes. Comme l’ont

signalé certains participants, cela peut générer chez les étudiants aussi bien un souhait

d’autonomie accrue qu’une attente d’encadrement et même de coconnage.

Par ailleurs, les modes de gestion et d’administration de l’université ont fortement

changé avec une formalisation accrue des activités qui pèse beaucoup sur le métier

universitaire (« une chape », « une lourdeur », ) d’autant que les taches

administratives, croissantes pour la plupart des universitaires, ne sont pas toujours

reconnues à leur juste valeur. Ces normes sont parfois perçues comme trop calquées

sur les pratiques extérieures et ne prenant pas suffisamment en compte les spécificités

de l’université (« pourquoi pas une fonction publique universitaire ? »). A quoi

s’ajoutent le raccourcissement des délais (« c’est souvent pour hier ») et une exigence

accrue de mise aux normes et à l’épreuve (« toujours rendre des comptes et entrer

dans le cadre », « à chaque mission nouvelle un critère supplémentaire d’évaluation et

une pression accrue ») ainsi que la nécessité d’aller chercher des moyens pour

travailler ce qui n’est pas bien pris en compte dans les évaluations. De plus, la période

sur laquelle se répartissent les activités d’enseignement s’est allongée en dépit d’une

diminution globale du volume d’enseignement, et les tâches administratives associées

empiètent désormais sur l’été ce qui rend difficile la participation aux congrès par

exemple.

Tout cela se répercute sur la façon d’exercer le métier (« à chaque mission nouvelle

un critère supplémentaire d’évaluation ») et aussi de conduire sa carrière avec des

attentes accrues des instances de décision (« on exige toujours plus ») et une

reconnaissance inégale des divers types d’activités.

Cette masse de travail et cette diversification des activités est de plus en plus

difficile à supporter et elle génère des pratiques de lassitude et de contournement

(« ça oblige à adopter des stratégies de survie ») qui peuvent compromettre la mise en

œuvre d’objectifs pourtant partagés, par exemple la prise en charge des publics

spécifiques (les handicapés par exemple) et la mise en œuvre de mesures pourtant

appréciées (« la saturation est telle qu’on n’a pas le temps de s’approprier les

initiatives et dispositifs existants »).

Enfin, l’autonomie des universités n’a pas été accompagnée de moyens suffisants

et le maillage territorial, très visible dans les IUT du fait des interventions des

responsables politiques, coûte cher en ressources humaines et en temps de travail.

2. LES VALEURS UNIVERSITAIRES

Dans un tel contexte, que reste-t-il des valeurs fondatrices du métier universitaire ?

Telle était la question posée par les responsables de la consultation qui mettaient en

avant les valeurs de référence de ce métier mais aussi la façon dont elles ont

récemment évolué. Cette question a trouvé de forts échos dans les ateliers et s’est

focalisée sur deux thèmes.

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Les valeurs universitaires menacées

Des valeurs fortes existent dans l’enseignement supérieur et elles sont souvent à

l’origine de la vocation car le métier universitaire est avant tout une passion.

Viennent en tête la liberté et l’indépendance, la liberté de penser, d’organiser son

travail et de gérer son temps, de faire son cours et sa recherche à sa guise,

l’indépendance comme principe constitutionnel (« c’est moi qui décide ») et

l’autonomie dans la conduite de son enseignement (« pas de programme et de

contraintes de méthode comme dans le secondaire », « plus de liberté que dans les

entreprises ») et de sa recherche. Ceci est très fortement affirmé dans toutes les

disciplines, en droit particulièrement mais aussi en lettres et sciences humaines où la

préférence pour l’enseignement supérieur s’affirme en comparaison avec

l’enseignement secondaire plus hiérarchique et contraint.

Est également cité l’attachement au service public et tout ce que cela signifie de

valeurs et de pratiques à l’égard des étudiants et du métier (« nous sommes aussi des

professionnels »). Ceci explique les vives réactions des universitaires quand ils le

sentent attaqué. Certains soulignent aussi l’attachement aux valeurs républicaines et à

la démocratie (« faire vivre démocratiquement nos instances »).

Ces valeurs de référence sont nettement liées aux disciplines. On met ainsi en avant

le soin en médecine, la connaissance en sciences, la culture en lettres, l’humanisme

en sciences humaines, le droit en droit. Coexistent alors des cultures de

métiers différentes même si le cœur - la recherche, le savoir, la transmission – reste

fort.

Ces valeurs sont désormais menacées. Elles le sont par l’éclatement interne entre

les disciplines mais aussi entre les générations qui n’ont pas la même appétence pour

la prise des responsabilités. Elles le sont par la transformation des modes de gestion

jugés trop « top down » alors que certaines universités étrangères donnent plus

d’autonomie aux personnes. Elles le sont par les multiples injonctions supérieures et

le développement des pratiques contractuelles et évaluatrices qui génèrent des

pressions et des effets d’urgence parfois difficiles à vivre (« il faut toujours rendre des

comptes, entrer dans le cadre même si le cadre est censé nous protéger » ; « plus on

réfléchit, plus il faut remplir de fiches »). Et aussi par l’évolution de la société avec la

perte du prestige social de l’université, particulièrement ressentie dans des disciplines

comme le droit et la médecine voire l’IUT (« ils n’ont pas l’impression qu’ils ont raté

leur vie ? » demande un jeune à une amie dont les parents sont universitaires) et qui

se matérialise par l’insuffisante reconnaissance salariale notamment pour les maitres

de conférences (« on est moins payés que les étudiants qui sortent de nos

formations ») qui ont juste envie d’être rémunérés à hauteur de leur investissement et

de la complexité de leur travail (« on a un haut niveau de management et c’est

valorisé dans la société mais pas à l’université »).

Ainsi, ce « métier magnifique » par son utilité sociale, par sa variété et les

possibilités qu’il offre d’évoluer et de doser différemment ses activités au gré de la

vie, est perçu comme menacé. Alors que l’hyperactivité est souvent de mise, on a le

sentiment de manquer de temps pour faire correctement son travail. Face à une

hiérarchie et des contraintes administratives accrues, on perd le sens du métier et le

temps manque pour l’exercer (« est-ce dans ces multiples réunions qu’on fait le

métier ? »). Et cela complique le travail, réduit les initiatives et freine les

changements.

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Des appartenances multiples

Au cours de cette consultation, un fort sentiment d’appartenance à l’enseignement

supérieur et au statut d’enseignant-chercheur s’est exprimé mais les formes

d’appartenances concrètes se sont révélées très variées et vécues de façon plus ou

moins intense.

Les appartenances premières vont vers la discipline, car il y a des cultures

disciplinaires spécifiques, le département, car les décisions qui s’y prennent affectent

directement la façon d’exercer son métier au quotidien (emploi du temps, répartition

des charges) et le laboratoire de recherche lorsqu’il constitue un collectif vivant (« on

va là où ça vit, là où il y a du collectif « ) et offrant des relations riches humainement.

Le sentiment d’appartenance va aussi vers la formation dont on a la charge ou le

diplôme que l’on a créé, vers des collectifs comme des équipes pédagogiques

lorsqu’elles fonctionnent bien et donnent un fort sentiment de satisfaction, ou encore

vers l’IUT qui a des singularités anciennes (« on croit au système IUT et cela s’est

encore accru avec la fusion »). Elle est parfois complexe comme en santé avec la bi-

appartenance et l’attachement principal, mais pas exclusif, au service hospitalier, lieu

d’ancrage essentiel. En revanche, l’appartenance à l’établissement reste souvent

formelle même si elle est affichée (« l’AMU c’est loin », « on subit plus les directives

que l’on ne fait partie d’une famille ») et sans doute plus affirmée depuis la fusion.

Selon les personnes, les circonstances et les interlocuteurs, on met ainsi en avant

telle ou telle appartenance et l’on affiche des facettes différentes (la discipline ou le

département entre collègues, l’établissement dans les relations externes et les

représentations officielles). Et ces appartenances évoluent au cours de la carrière et

selon les engagements institutionnels : d’abord la discipline puis le labo puis la

composante ou le diplôme, enfin l’établissement. Elles varient aussi selon les filières,

le sentiment d’appartenance étant plus marqué dans les IUT ou les masters.

II. LES FACETTES MULTIPLES DU METIER D’ENSEIGNANT-CHERCHEUR

1. DES MISSIONS VARIEES ET DE PLUS EN PLUS DIFFICILES A ASSURER

Plusieurs métiers

Par leur statut, les universitaires sont à la fois enseignants et chercheurs (« c’est une

richesse et un défi »). En réalité, ils ont aussi des taches administratives parfois très

prenantes et bien d’autres activités (« au cours de sa carrière on fait au moins dix

métiers »). Cette situation, généralement méconnue des étudiants qui ne savent pas

que les enseignants ont d’autres taches en dehors des cours, est problématique à plus

d’un titre, la difficulté majeure étant de pouvoir les réaliser toutes au mieux et de bien

les combiner.

Ceci n’est pas véritablement nouveau puisque le décret du 6 juin 1984, découvert

par certains à l’occasion de cette consultation (« on ne connait pas bien les textes qui

régissent notre métier », « ils devraient être largement diffusés et connus de tous »,

« l’accueil des nouveaux serait utile pour cela »), définissait déjà de façon très large

les missions des universitaires. Mais il y a toujours eu un décalage entre cette « fiche

de poste » et la réalité des missions effectuées au quotidien. On peut d’ailleurs

s’étonner que ce cadre de référence, qui place toutes les activités sur le même plan

sans toutefois mettre en évidence le rôle administratif, n’ait pas bougé depuis 30 ans

et soit identique pour tout le monde quel que soit son ancienneté et sa composante

d’appartenance.

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Désormais, l’universitaire est enseignant-chercheur-administrateur et chacun de ces

métiers a connu ces dernières années une forte expansion des activités liées (« ça

s’étend, ça se développe, ça se complexifie ») et des exigences accrues en termes de

suivi (« on demande plus de rapports, plus de synthèses ») et de qualité

(« aujourd’hui, il faut être non pas bon, mais très bon », « l’excellence est partout

dans la communication de l’Université et les enseignants-chercheurs ont le sentiment

de ne pas être au niveau attendu ») qui sont sources d’amélioration mais aussi de

frustration (« on ne peut pas tout faire dans l’excellence »).

Ce constat d’accroissement des charges et de la pression quotidienne, qui génère

une lassitude croissante avec l’âge, est largement partagé même s’il peut y avoir des

différences selon les disciplines, notamment selon la place occupée par l’activité

d’enseignement.

Chacun s’efforce alors, tant bien que mal, de concilier et de doser ces diverses

facettes du métier car « on est sans cesse obligé de faire des choix ». Coexistent ainsi

des profils d’universitaires différents allant du chercheur réputé au pédagogue

impliqué en passant par l’administrateur efficace et l’homme orchestre aux multiples

taches voire l’autoentrepreneur. Et souvent l’enseignement, perçu par certains comme

le prix à payer pour accéder au statut universitaire, est la variable d’ajustement. Enfin,

ce dosage varie selon les disciplines et les périodes de la vie avec, généralement, un

fort investissement initial dans la recherche et une prise de responsabilités plus

tardive tandis que l’enseignement reste une constante plus ou moins investie selon les

moments.

Ces arbitrages personnels génèrent parfois des problèmes dans les collectifs de

travail que sont les départements ou les laboratoires. Ainsi, quand certains accordent

une priorité absolue à la recherche, la charge d’enseignement et d’administration se

reporte sur les autres ce qui crée des sentiments de culpabilité et des suspicions voire

des insatisfactions quant à la répartition équitable des charges communes. Cela prend

une forme singulière à l’IUT, dans la mesure ou les enseignants-chercheurs effectuent

beaucoup d’heures complémentaires et de tâches administratives, et ne peuvent

préserver, comme ils le souhaiteraient, leur activité de recherche.

Cette pression temporelle et matérielle a bien d’autres conséquences. Elle explique

sans doute le fait que la transmission des savoirs et savoir-faire et l’accompagnement

s’effectuent moins bien qu’avant entre les jeunes et les plus anciens. Elle pose aussi la

question de la valorisation. Le plus rationnel du point de vue de la carrière est de

donner la priorité à la recherche mais cela ne va pas toujours de soi (« ce n’est pas la

culture de l’IUT »). Et surtout cela accentue la séparation entre les générations, les

plus jeunes s’engageant prioritairement dans la recherche tandis que les plus anciens

assument les charges de gestion (« le soutien des jeunes maîtres de conférences est

utile mais qu’en est-il pour les vieux ? Que peut-on faire pour eux, notamment pour

ceux qui ont fait beaucoup d’administration et qui ont décroché de la recherche ? »).

Des évolutions de carrière incertaines

Si l’on veut faire carrière, il faut attester de son activité dans les trois registres de la

recherche, de l’enseignement et de l’administration même si celui de la recherche est

prioritaire et si l’engagement dans les autres domaines n’est pas toujours reconnu à sa

juste valeur par les instances de gestion des carrières. Cela peut constituer un sérieux

obstacle si l’on veut que les autres missions soient bien réalisées.

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Sur ce point, des divergences de vue se sont exprimées à propos du rôle du CNU,

certains appréciant le fait d’être évalué par des instances de pairs élus, d’autres

déplorant les critères retenus, voire les pratiques de certaines sections, dont les

critères de décision sont parfois arbitraires et très variables selon les personnes et les

moments, tandis que d’autres sections ont mis en place une pratique exemplaire.

A cela s’ajoutent des situations spécifiques – celle des docteurs, des enseignants

d’IUT n’ayant pas d’obligation de recherche, des ATER (« ne pourrait-on pas

explorer l’option de deux demi-postes sur un même support, certes plus couteuse

mais qui donnerait plus de disponibilité aux doctorants », « ce sont les seuls avec les

vacataires à faire des TP alors que les titulaires font les TD ») - et des contraintes

propres à certaines disciplines dans lesquelles les perspectives de carrière des maîtres

de conférences sont bornées par la pyramide des postes et le manque de mobilité

(« c’est la seule situation où l’on ne peux candidater pour un changement de corps et

cela va durer vingt ans », « c’est un problème majeur : que va-t-on faire de et pour ces

gens ? »). C’est très net à l’IUT où les possibilités d’avancement, notamment de

passage vers un poste de professeur, sont réduites ce qui ne permet pas de motiver les

plus jeunes, certains préférant d’ailleurs penser leur carrière en dehors de l’université.

De plus, les enseignants-chercheurs se sentent souvent seuls pour gérer leur

carrière et il serait sans doute utile de réaliser un état des lieux précis de la situation

de tous les personnels et des perspectives de carrière qui s’offrent à eux.

On constate enfin qu’au cours de la carrière bien peu est fait pour conforter les

compétences par la formation. Or la formation disciplinaire ne suffit plus aujourd’hui

pour effectuer tous les métiers de l’universitaire. Plusieurs participants suggèrent

ainsi de développer la formation continue en utilisant toutes les ressources

disponibles, y compris internes, en diffusant plus largement l’information (« on

trouve où le plan de formation ? »), en mettant en place des incitations voire des

obligations et en rendant accessibles les formations indispensables, par exemple la

maîtrise de l’anglais. Mais il subsiste des réticences à cet égard car « l’atavisme de

l’enseignant-chercheur est de se considérer comme bon, sachant y faire et n’ayant pas

besoin d’être formé ».

Le besoin de repenser le métier

Il y aurait donc à repenser le métier d’universitaire qui s’est énormément diversifié,

chacun ne pouvant pas tout faire, qui plus est bien, ni évoluer comme il le

souhaiterait. L’impossibilité de dégager le temps nécessaire pour assurer toutes les

missions est une contradiction dont on sort difficilement car on se voit contraint de

privilégier telle ou telle activité ce qui génère de la frustration.

C’est ce qui conduit certains intervenants à envisager une spécialisation des

universitaires sur un profil (chercheur, enseignant, gestionnaire) mais à condition que

la reconnaissance suive et que ceci puisse évoluer dans le temps. En revanche,

d’autres craignent un ciblage des postes qui romprait avec la définition statutaire de

l’universitaire tandis que d’autres encore plaident plutôt pour une gestion collective

des diverses charges pouvant améliorer la situation sans remettre en cause le statut

d’enseignant-chercheur.

A cet égard, un certain clivage d’âge semble se manifester, les nouvelles

générations ayant parfaitement intégré les règles du métier et s’engageant

prioritairement dans la recherche en évitant les charges de gestion (« on trouve de

moins en moins de candidats pour les responsabilités ») tandis que les générations

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intermédiaires stagnent parfois dans leur carrière faute de temps pour la recherche et

que les plus âgées manifestent une certaine lassitude. Pour répondre à cela, on

pourrait imaginer des formes plus souples d’évolution des carrières avec une

modulation des fonctions au cours de la vie, une mobilité accrue au sein de

l’université, voire vers d’autres organisations avec, par exemple, des allers et retours

entre l’université et les entreprises.

2. LES ACTIVITES D’ENSEIGNEMENT

La présentation introductive de la consultation faisait état de réflexions diverses sur

les transformations affectant l’enseignement et présentait divers dispositifs mis en

place ces dernières années (le CIPE par exemple ou la valorisation des implications

pédagogiques). L’accent était mis sur les comportements des nouvelles générations

étudiantes en notamment au développement des technologies, sur l’évolution de leurs

savoirs et compétences, sur leurs attentes et l’impact que cela peut avoir sur les

pratiques pédagogiques. Enfin, étaient rappelées les récentes évolutions du cadre

d’enseignement : semestrialisation, professionnalisation des formations, évaluation.

Le contexte général

Le fait majeur dans ce domaine est celui du nombre. Certes, il est plus ou moins net

selon les disciplines qui se différencient par l’ampleur et, surtout, par l’évolution des

effectifs étudiants. Mais il pèse un peu partout et limite les possibilités d’évolution

des pratiques (« on sait ce qui marche, on sait que le contrôle continu est efficace, on

maitrise les méthodes pédagogiques mais on ne le fait pas faute de moyens »).

Ceci génère une « situation schizophrénique », particulièrement nette dans les

filières à gros effectifs, dans la mesure où il faudrait à la fois accueillir tous les

étudiants et faire réussir tout le monde. Si l’on veut en sortir, il n’y a alors que deux

options aussi insatisfaisantes l’une que l’autre : sélectionner à l’entrée ou accepter

que tout le monde ne réussisse pas. L’IUT se singularise à cet égard puisque les

étudiants y sont sélectionnés en amont, réunis en petits effectifs et très encadrés ce

qui limite les problèmes d’absence et assure un taux de réussite élevé (« ce n’est pas

simplement parce qu’ils sont sélectionnés, c’est parce qu’ils sont chouchoutés,

accompagnés, soutenus »). Mais ceci n’est pas généralisable (« ça n’est pas possible

avec de gros effectifs ») et cela interroge sur la question délicate de l’accès aux études

supérieures (« l’université devrait évoluer sur cette question de la sélection »).

Enfin, le contexte est marqué par une grande inégalité dans la répartition des

moyens humains au niveau de l’établissement mais aussi dans la répartition des

charges au sein des départements. Ceci ne favorise pas une approche collective et

dynamique de la dimension pédagogique du travail universitaire alors qu’une

information partagée sur le contenu des enseignements de chacun, qu’un échange

fréquent sur les comportements des étudiants et les obstacles rencontrés, qu’une

certaine harmonisation des pratiques pourraient constituer un préalable à une action

conséquente en matière d’enseignement et réduire les sentiments d’isolement et

d’inéquité.

Des pratiques étudiantes nouvelles

Les comportements étudiants sont en pleine transformation et une analyse précise

des compétences effectives des sortants de l’enseignement secondaire serait bien utile

pour ajuster l’enseignement supérieur à ces nouveaux publics.

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Il y a d’abord l’effet du numérique – « c’est la génération power point qui

privilégie la forme au contenu » - qui génère une autre façon de s’approprier le cours

(« ils prennent des notes sans réfléchir »), une moindre assiduité aux cours en amphi

(« c’est la génération replay »), sauf s’il y a une réelle plus-value par exemple en

insistant sur la réflexion d’ensemble et l’apprentissage du passage entre savoir et

savoir-faire, mais aussi rend possible d’autres accès au savoir (« c’est la génération

wikipédia »). Toutefois, si l’on y regarde de plus près, le rapport des étudiants à la

technologie n’est pas aussi évident que cela (« on pense qu’ils savent et c’est une

erreur ») ni aussi largement partagé qu’on ne le pense, et il faudrait certainement

favoriser pour tous l’apprentissage des outils en l’adaptant à chaque discipline.

Par ailleurs, mais est-ce vraiment nouveau, nombre d’étudiants travaillent d’abord

pour la note, accessoirement pour le savoir et le métier. Du coup, ils connaissent des

détails mais pas les bases (« les difficultés scolaires se sont parfois accumulées depuis

le secondaire et cela devient difficile de rattraper même en y mettant des moyens »),

réussissent mais oublient aussitôt, trient plutôt les informations qu’ils ne structurent

leurs connaissances. Il y a donc un vrai besoin d’encadrement pédagogique et de

réflexion sur les façons d’apprendre et d’acquérir des compétences.

Il semblerait aussi que les étudiants soient de plus en plus exigeants

(« consommateurs avertis », « clients vindicatifs », « ils font un pet de travers et c’est

un mail au doyen, voire au président »), certains étant même parfois déçus par

l’enseignement supérieur (« elle est finie la vénération à l’égard des professeurs »)

voire se projetant au-delà (« la vraie vie c’est après les études »). Ils sont également

anxieux sur leur avenir (« un système tubulaire oblige à choisir très tôt son

orientation ») et préoccupés de leur présent. Pour autant, il semble y avoir une

certaine stabilité des relations entre enseignants et étudiants même si elles sont moins

hiérarchiques, plus directes et plus riches (échange de courriels, envoi de documents

complémentaires).

Ceci sans oublier que les étudiants se distinguent beaucoup par leur origine

scolaire, le type de bac notamment, leurs performances mais aussi leurs origines

sociales, autant de facteurs corrélés aux chances de réussite et aux orientations. C’est

un facteur supplémentaire d’hétérogénéité qui peut être stimulant mais aussi

problématique (« on ne peux se satisfaire du taux d’échec élevé des bac techno à

l’IUT mais ce n’est pas facile à améliorer »). Et ceci entretient le débat récurrent sur

le niveau des étudiants, jugé plus ou moins satisfaisant selon les uns et les autres

(« les étudiants ont changé mais sont-ils vraiment moins bons ? », « peut-être sont-ils

moins armés pour affronter la difficulté »).

Une pédagogie à transformer

Face à ces publics nouveaux, des évolutions sont nécessaires en matière

d’enseignement. On peut s’appuyer sur les technologies qui ont aussi leurs vertus. On

peut mettre un accent accru sur les savoir-faire et les savoir-être sans pour autant

négliger la maîtrise des savoirs et l’articulation à la recherche. On peut revoir les

modes d’appropriation des cours et contourner la prise de note

systématique, confortable pour les étudiants et les enseignants mais assez peu

mobilisatrice. On peut mieux combiner les formes d’enseignement - le présentiel et

l’enseignement à distance, l’auto-formation et l’accompagnement, le cours magistral

et les séances en petits groupes – et éviter de se lancer dans le tout numérique car

l’apprentissage a besoin d’interactions. On peut favoriser le développement des plate-

forme de e-learning pour l’apprentissage des langues et les formations par simulation

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comme en médecine. On peut faire évoluer les formes d’évaluation des étudiants en

valorisant les production personnelles ou collectives, en se donnant les moyens

d’organiser un véritable contrôle continu, en limitant la fraude aux examens par

l’appel à l’intelligence (« je donne le sujet à l’avance, j’autorise les documents et je

mets l’accent sur la réflexion ») voire en allégeant la charge de surveillance en

faisant appel à du personnel d’appui.

Tout ceci exige une réflexion pédagogique sur les vertus de ces diverses formes

d’enseignement et les apports réels des innovations (travail en équipe, réalisation de

projets, pédagogie inversée, serious games) mais aussi sur les conséquences

pédagogiques de certaines évolutions institutionnelles, l’organisation en semestres par

exemple, ou au contraire de certaines inerties, comme celle des concours

d’enseignement qui sont en décalage avec les pratiques enseignantes mais qui

pourtant sont à prendre comme référence pour la formation.

Et ceci suppose une acceptation de la pluralité des situations, chaque discipline

ayant à définir sa façon de faire (« à l’IUT, les enseignants font tout, des cours, des

TD, des TP et il n’y a pas de différence entre maitres de conférences et professeurs »,

« les professionnels interviennent dans les formations ») mais aussi de la lenteur des

évolutions (« ca prend beaucoup de temps de préparer un cours différent, on ne peut

le faire pour tous les cours ») et de l’illusion de transférer tel quel un modèle étranger

(« les méthodes anglo-saxonnes sont intéressantes mais elles s’appliquent dans un

contexte d’hyper-sélectivité du système universitaire »).

Le jeu en vaut toutefois la chandelle car les étudiants ont une réelle appétence pour

la recherche et l’innovation et parce que l’université accuse un retard certain en

matière d’usage des techniques pédagogiques, le risque étant grand que le secteur

privé s’approprie le marché des cours en ligne alors que l’université pourrait être en

pointe dans ce domaine et même y trouver un intérêt financier (« si on ne s’améliore

pas, on est mort »).

C’est pourquoi les incitations sont si importantes, notamment les primes. Et les

efforts doivent être soutenus car les universitaires ne connaissent pas bien les

dispositifs existants et ne se les approprient pas suffisamment (« il y a de

l’autocensure »). Ainsi certains ne candidatent pas (« c’est beaucoup de temps passé

pour peu de chance de réussite ») tandis que d’autres restent critiques (« il y a une

surdétermination de l’aspect technologique qui tend à réduire la part innovante de la

pédagogie », « on n’évalue pas assez l’engagement dans l’innovation et le CNU ne le

valorise pas », « la PRP devrait être aussi valorisée que la PEDR »). Et surtout, ils

manquent de temps et d’intérêt pour remplir les dossiers (« les dossiers ne sont pas

simples à remplir », « on ne distingue pas bien engagement et innovation

pédagogique ») . Ainsi, à l’IUT, beaucoup aimeraient candidater sur tous les

dispositifs développés par l’université car l’implication pédagogique a toujours été

très forte et les projets ne manquent pas. Mais il faut du temps pour bâtir les projets et

les enseignants-chercheurs, notamment les plus jeunes, n’ont pas le temps de remplir

les dossiers (« Il faut forcer pour que les gens y aillent »). Dès lors, « beaucoup de

cheveux blancs s’investissent dans la pédagogie » ce d’autant que sa prise en compte

dans la carrière est insuffisante (ainsi d’un jeune MCF en informatique qui a monté

un fablab, s’est beaucoup investi, n’a pas candidaté à la PEP et ne se projette pas dans

l’université car il sait qu’il ne pourra pas évoluer).

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Une formation pédagogique à développer

La formation des universitaires au métier d’enseignant est notoirement insuffisante.

Elle l’est pour les débutants et les doctorants même si des initiatives ont été prises

dans ce domaine depuis quelques années et pourraient être prolongées (« pourquoi

pas instaurer des maitres de stages ? »). Elle l’est aussi en cours de carrière.

Dans ce domaine, il y a beaucoup à faire car la formation continue des enseignants

se limite souvent à l’auto-formation et à la découverte circonstancielle de situations

nouvelles, comme cela peut se produire en cours de CRCT, alors qu’elle pourrait être

formalisée et pensée au regard des autres activités universitaires. On pourrait ainsi

mieux tenir compte des besoins de chacun (« l’offre est parfois fantaisiste et il n’y a

pas toujours de réponse positive lorsque l’on sollicite pour un besoin précis et le

CNRS est mieux à cet égard »), promouvoir les formations pour les pédagogies

innovantes proposées par le CIPE (« elles sont tout à fait adaptées »), utiliser les

compétences internes (« les ressources de savoir ne manquent pas à l’université »),

développer des propositions de formation dans des domaines particuliers (la sécurité,

l’accueil des handicapés, la gestion des petits groupes, l’attitude face aux incivilités).

Une politique efficace en la matière suppose une certaine constance et des moyens

conséquents car les réticences (« qu’il en est-il du compte épargne temps dans le

supérieur ? ») et les obstacles ne manquent pas (« on est déjà débordés donc comment

prendre du temps pour se former ? »). Ceci est attesté par la difficulté à trouver des

volontaires pour nombre de modules de formation proposés. Et ceci suppose des

efforts particuliers en matière d’information et de communication mais aussi

d’organisation des formations. Entre catalogue défini de façon centralisée et mise en

place de modules ad hoc, les variantes sont en effet nombreuses et plus ou moins

appréciées (« on nous envoie le catalogue de formation mais cela ne suffit pas et on

ne voit pas bien comment cette offre s’inscrit dans le processus de GRH global et sa

temporalité », « on ne sait pas prioriser nos besoins »).

Une autre façon de former les universitaires, plus modeste et peut-être plus

accessible, consisterait à améliorer la dimension collective du travail enseignant en

favorisant le travail en équipes, en suscitant un travail de réflexivité à travers des

ateliers d’échange de pratiques. Et l’on pourrait aussi développer les bilans de

compétences pour les universitaires (« on nous demande en permanence d’identifier

nos forces et nos faiblesses et l’on aimerait parfois pouvoir faire un bilan de

compétences sans avoir à les découper entre enseignement, recherche et

administration et en pensant globalement »).

La reconnaissance insuffisante de l’activité enseignante

Outre celui des moyens, l’obstacle principal à une évolution de l’enseignement à

l’université est l’insuffisante reconnaissance des efforts accomplis en la matière. Ceci

provient avant tout du primat de la recherche dans le recrutement et l’évaluation des

enseignants-chercheurs ce qui devrait certainement être revu si l’on entend accroître

l’engagement pédagogique des universitaires.

Les initiatives prises par les établissements sont toutefois appréciées. Il en est ainsi

de la décharge partielle d’enseignement proposée aux maîtres de conférences

fraichement nommés et des diverses primes pédagogiques ou autres comme la PRCT

(« qui a l’inconvénient d’engendrer un surcroît de travail de préparation des cours au

retour »). On pourrait aussi développer les aides à l’innovation sur projets et

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s’interroger sur la pérennité des actions soutenues à leur lancement mais sans relai

assuré de la composante pour la suite.

Dans un système idéal, la complexification de l’enseignement devrait aussi se

traduire dans les obligations de service, certains pensant même que les primes

suscitent une compétition inutile (« cela fait partie de notre métier et il vaudrait mieux

aider tout le monde à le faire mieux que de récompenser seulement certains ») et

préférant les systèmes d’appels à projet. Tandis qu’inversement la limitation des

heures d’enseignement n’est pas forcément faite (« il n’y a pas de limitation des

services sur le Campus LLSH, seulement des recommandations »). Et certains, par

exemple en gestion, imaginent d’autres formes de valorisation du côté des entreprises

avec le développement de la formation continue et des activités de conseil.

Reste à voir comment évaluer les enseignements. Ce sujet est très sensible chez les

universitaires et la façon de faire (évaluer les enseignements et pas les enseignants,

préserver l’anonymat) reste assez timide et sans retombée assurée. On pourrait aller

plus loin en demandant les avis des étudiants, en rendant publiques les informations

sur le devenir professionnel des étudiants. Sur ce point, l’évolution des mentalités est

sans doute à accélérer en montrant par exemple que l’évaluation est aussi une mise en

valeur (« elle fait aussi remonter du positif »). On pourrait également diversifier les

formes d’évaluation en ne se limitant pas à une appréciation individuelle et

quantitative mais en concevant des formes plus collectives et plus qualitatives. Reste

que l’évaluation de l’enseignement est complexe, celle du degré d’engagement aussi

(« pour les primes, le mode déclaratif ne facilite pas toujours le classement des

dossiers car on sait faire ronfler nos dossiers ») tandis que cela génère une lassitude

(« on n’en finit pas de s’évaluer, de s’autoévaluer »).

Faire évoluer l’offre de formation

Certains participants ont fait part de leur expérience en la matière. Ainsi, en

histoire, on a reconfiguré l’offre de formation en réduisant les options en licence car

leur multiplication est très couteuse. Mais ce n’est pas l’esprit général sur le campus

et dans certaines filières, les langues par exemple ou l’histoire (« je suis la seule à

pouvoir parler de ma spécialité »), où il faut préserver les situations même s’il y a peu

d’étudiants ou infléchir une situation de démultiplication de spécialités qui était aussi,

par exemple en sciences, une réponse à un certain sur-encadrement.

D’autres soulignent qu’il y a encore trop de formations pointues et à petits effectifs

alors qu’on pourrait les réduire et attribuer en échange des décharges pour

responsabilités ce qui augmenterait le nombre de candidats. D’autres affirment la

nécessité de rationaliser l’offre de master mais soulignent les réticences des collègues

alors qu’il faudrait être raisonnable. D’autres suggèrent de revoir la répartition des

enseignements mais ce n’est pas facile car le cadre national est contraignant

(semestrialisation, deux sessions d’examen, maquettes). Et certains se demandent

même s’il faut vraiment des chercheurs pour enseigner en début de cursus

universitaire lorsque la simple remise à niveau est importante et même si c’est au

risque d’une certaine secondarisation des études supérieures. On pourrait également

réfléchir à l’expérience spécifique des IUT qui construisent leurs programmes au sein

de la Commission Pédagogique Nationale qui réunit enseignants, experts et

partenaires sociaux.

Dans ce domaine comme dans d’autres, le besoin de supports et de soutiens

administratifs pour la gestion des diplômes se fait fortement ressentir (« c’est très

confortable et efficace dès que des personnels administratifs s’impliquent »).

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3. LA RECHERCHE

La note d’orientation insistait sur quelques grandes évolutions du paysage de la

recherche - la pluridisciplinarité, l’évaluation, l’internationalisation, la valorisation, la

recherche de financements - et leurs conséquences pour le métier universitaire. Elle

évoquait aussi les formes d’appui mises en place telles que la Maison de la recherche

ou l’affectation de personnels administratifs. Ce diagnostic général semble trouver

l’assentiment des participants qui ont particulièrement insisté sur deux idées.

Les formes multiples de la recherche et les difficultés rencontrées

La recherche regroupe en fait de multiples activités de teneur assez différentes. On

peut en effet participer à un programme de recherche dans une équipe ou de manière

personnelle, faire du terrain ou des expériences, écrire et lire, se documenter et

publier. Autant de pratiques dont les retombées sur l’enseignement sont assez

différentes (« c’est quoi faire de la recherche ? Aller à la paillasse ou simplement

participer à la vie de son labo ce qui peut suffire pour enseigner »). Et puis certaines

dimensions de la recherche sont plus problématiques que d’autres.

Ainsi, l’injonction à l’interdisciplinarité est diversement appréciée d’autant qu’il y

a souvent un écart important entre les incitations ministérielles et la réalité (« le CNU

reste disciplinaire »). Cette « mode » est aussi une contrainte que l’on applique

parfois formellement (« on rajoute le nom d’un collègue connu dans le dossier ») sans

nécessité évidente pour la recherche. Et cette interdisciplinarité, sans doute utile pour

faire émerger de nouvelles connaissances à condition de ne pas abandonner sa propre

discipline (« faire de l’interdisciplinarité, c’est d’abord être bon dans sa discipline »)

n’est pas toujours bien reconnue dans les carrières.

De son côté, la valorisation de la recherche est perçue comme difficile à mettre en

œuvre car c’est un métier en soi qui suppose l’exploration de formes adaptées aux

diverses disciplines.

Quant à l’activité internationale, elle été assez peu évoquée. De fortes réticences se

sont toutefois exprimées à l’égard des grandes opérations de recherche internationales

car les réponses aux appels à projets sont couteuses et risquées. Certains préfèrent

rechercher des financements du côté des entreprises et se contentent de se mettre dans

quelques grands contrats européens mais sans en être les pilotes ni très investis.

Même s’il y a encore quelques collègues qui ne font pas de recherche (« il faudrait

les sanctionner mais comment ? les accompagner mais le veulent-ils ? »), la plupart

des universitaires tentent de préserver cette dimension de leur métier. Beaucoup

déplorent toutefois le manque de temps pour faire de la recherche (« on est éparpillés

et constamment dans l’urgence alors on bricole ») même s’il y a des nuances selon les

disciplines. La recherche « c’est ce qu’il reste après le reste » disent des universitaires

de Droit ou de Lettres, particulièrement dans les filières à gros effectifs (« c’est les

vacances, je vais enfin pouvoir écrire un article », « c’est triste de se dire qu’on fera

de la recherche à la retraite »), tandis que ceux de sciences mettent plus facilement la

recherche en tête de leurs activités. Et il est souvent difficile de revenir à la recherche

quand on s’est engagé dans d’autres taches, notamment administratives, et donc il ne

faut pas faire cela trop tôt dans la carrière.

Les soutiens à la recherche

Les dispositifs d’appui sont plutôt appréciés et beaucoup plaident pour une

mutualisation des moyens rendue nécessaire par la limitation des ressources humaines

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et financières et par la hausse des couts d’équipement. Il en est ainsi de l’expérience

très positive des lieux d’appui (MMSH, Maison de la recherche, bureau de la

recherche, plateformes) et l’intérêt de leur proximité mais aussi la nécessité de mieux

les faire connaître et utiliser.

La Maison de la recherche est particulièrement plébiscitée (« c’est une réussite »,

« elle a généré une dynamique bien au delà des objectifs fixés au départ », « les

personnels sont très compétents et de haut niveau ce qui facilite le pontage de projets

internationaux », « c’est l’occasion de se rencontrer, de faire émerger des projets ») et

cela crée de nouvelles attentes qui justifieraient sans doute la démultiplication de

lieux de coordination de ce type même si cela ne peut pas se décliner à l’identique sur

tous les sites : ainsi une maison de la recherche de l’IUT ne serait guère envisageable

du fait de sa spécificité et de la dispersion des appartenances.

La PEDR est également appréciée mais il y a parfois de l’autocensure (« je ne

candidate pas car je sais que les jeux sont faits ») et quelques avis divergents (« la

PEDR est une façon d’être payée deux fois et donc de valoriser une fois de plus la

recherche au détriment des autres missions »). De plus, son attribution au niveau

national et local est à revoir car les sections du CNU n’ont pas les mêmes procédures

et cela génère des inégalités (« c’est par exemple le problème des enseignants de SHS

en sciences »). De même, la modulation de service au début de la carrière est utile

pour la recherche (par exemple l’année recherche pour les internes en Santé) mais le

choc de l’enseignement est simplement reporté d’un ou deux ans et l’on peut se

demander s’il ne faudrait pas envisager l’équivalent pour la pédagogie et l’appliquer

aussi en cours de carrière.

Divers autres sujets ont été évoqués dans les ateliers : la précarité dans le domaine

de la recherche illustrée par la situation des ATER, le nombre insuffisant de CRCT

(« il faut des dossiers exceptionnels pour en bénéficier »), les besoins ponctuels de

formation à certaines dimensions connexes à la recherche comme la diffusion

scientifique, le développement des relations entre les composantes et les équipes de

recherche, l’amélioration du fonctionnement collectif par mise en place de chartes et

d’entretiens individuels, les difficultés de pilotage des laboratoires du fait de

l’indépendance de chacun des participants à l’égard de la direction (« on est passé de

« que votre volonté soit faite » à « que ma volonté soit faite »).

Là encore, le besoin d’appui des personnels administratifs est important mais

variable d’une discipline à l’autre et selon la taille des équipes de recherche. S’il

semble suffisant du côté des sciences où l’on préférerait des postes supplémentaires

de techniciens et d’ingénieurs, il est perçu comme quasi absent dans d’autres secteurs

(droit, lettres et sciences humaines) et dans les petites équipes. Enfin, l’information

sur la recherche, indispensable par exemple concernant les appels à projets européens,

arrive par différents canaux ce qui complique parfois la vie (« il faudrait écrire

l’Europe pour les nuls ») même si les aides existantes, comme la cellule Europe de

Protisvalor ou les chargés de mission (chargé Europe au niveau de Bruxelles, DRV de

Campus), jouent un rôle utile d’appui mais aussi de professionnalisation des

universitaires.

4. LES ACTIVITES ADMINISTRATIVES

La présentation introductive insistait sur les grandes transformations du métier

administratif (formalisation, bureaucratie, reporting, évaluation) et les façons dont il

s’exerce : prise de responsabilité, management du personnel, accompagnement. Tout

ceci a rencontré un large écho dans les ateliers qui ont abordé deux grands sujets.

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Le travail administratif et sa prise en charge

Le commentaire des tableaux de répartition des postes selon les composantes a été

l’objet d’étonnements et de commentaires divers soulignant les fortes inégalités

existant au sein d’AMU. De fait, les taux d’encadrement en enseignants et en

personnels administratifs sont très variables. Certes, ceci s’explique en partie par les

règles nationales d’attribution des postes mais sans doute aussi par la politique

développée sur le long terme dans les établissements. Et il n’est sans doute pas simple

d’infléchir fortement cette répartition, les mieux lotis ayant quelques arguments à

faire valoir comme l’a montré la discussion en sciences ou à l’IUT (« les données

statistiques sont peu comparables, il faut regarder seulement les BIATSS qui sont

affectés aux missions des EC et tenir compte des sites, des normes nationales, des

volumes d’enseignements et de la répartition entre CM, TD et TP »).

On a également souligné l’intérêt de mutualiser les postes administratifs à

condition de préserver une certaine proximité, voire de créer des postes

supplémentaires. Mais le multi-sites, couteux en postes (« même si on s’efforce de

dématérialiser au maximum »), rend difficile cette mutualisation. Il est également

essentiel de créer des postes pour la gestion des contrats dans les labos mais cette

orientation rencontre forcément des résistances. Certains envisagent même la

transformation de quelques postes d’enseignants tandis que d’autres, considérant que

la situation est d’abord marquée par le sous-encadrement, souhaitent plutôt la création

de postes de soutien à la recherche et une meilleure répartition des postes existants

(entre disciplines et entre la scolarité, la recherche et les autres missions). On a aussi

souligné l’importance des secrétariats de scolarité si l’on veut limiter le mouvement

très ancien de glissement de fonctions vers les enseignants.

A quoi s’ajoute une formalisation accrue de toutes les procédures qui vient

compliquer et amplifier le travail de chacun. On pourrait peut-être à ce propos

assouplir l’interprétation des textes règlementaires (« envoyer des signaux positifs par

rapport à la relaxation des contraintes ») sans pour autant perdre la garantie qu’ils

offrent, ce qui simplifierait le travail administratif.

Par ailleurs, la complexification des taches suscite un besoin accru de management

des composantes (« ne pas hésiter à mettre à plat, à arbitrer, à modifier les

pratiques ») et de reconnaissance des hiérarchies fonctionnelles (« pour donner plus

de poids aux directeurs de labos, il faudrait bloquer tous les accès directs qui court-

circuitent le rôle des directeurs »).

On a aussi évoqué les relations entre universitaires et personnel administratif,

plutôt satisfaisantes à la base mais plus difficiles avec les services centraux qui sont

plus éloignés et pas toujours au fait de la réalité de terrain. On a également évoqué le

besoin de formation des personnels administratifs, qui ne connaissent pas bien la

recherche, et celui de mieux reconnaître leur implication et de les faire évoluer dans

leur carrière. Au final, il apparait que la satisfaction des besoins administratifs est une

condition d’évolution de l’enseignement comme de la recherche.

Les taches administratives croissantes des universitaires

A l’évidence, la dimension gestionnaire du travail concerne de plus en plus de

monde et est de plus en plus lourde à porter au point parfois de compromettre le

métier de base. Ce travail administratif (gestion des diplômes, réponses aux appels à

projets de recherche, reporting) est souvent perçu comme une contrainte

insupportable (« c’est juste super casse-couilles ») et une activité dans laquelle on ne

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peut se projeter positivement et qui représente un travail caché, mal reconnu et

insuffisamment valorisé (« des décharges existent mais elles sont rares et trop

réduites »). Il n’est qu’à voir « le mépris du CNU à l’égard des taches

administratives », lequel n’évalue que sur la recherche même s’il faut aussi attester

d’une activité dans les autres registres. De plus, on confie souvent des responsabilités

aux universitaires sans leur donner les moyens de les exercer (« il n’y a ni carottes ni

bâtons, ni reconnaissance ni valorisation »). Et les primes administratives ont des

montants « ridicules » souvent sans rapport avec l’investissement effectué.

D’autres participants se sont toutefois exprimés pour souligner que l’administration

est fondamentale et doit être mise en valeur et pensée au regard de l’activité même

d’enseignement et de recherche.

Par ailleurs, il apparaît que ces tâches démultipliées sont très inégalement réparties.

Du fait de la faible implication des plus jeunes, le groupe des responsables se restreint

(« on ne trouve plus de candidats, ça va devenir inquiétant », « il faut accompagner

les jeunes collègues pour qu’ils ne se détachent pas des taches communes »). Il y a

donc urgence à mieux répartir les forces. De plus, il y a parfois beaucoup trop

d’opérateurs (« derrière l’apparence d’une grand cohésion du secteur Droit il y a en

fait une mosaïque de petits responsables »).

Et beaucoup témoignent du fait que la reconnaissance des compétences des

directeurs, qui fonctionnent non pas à l’argent ou au prestige mais à la capacité

d’action et à la reconnaissance, est insuffisante. Si on n’infléchit pas cela, il y aura

bientôt pénurie de candidats (« quand on veut abandonner une charge, il faut trouver

quelqu’un pour la reprendre et ce n’est pas facile »). Parfois, on peut trouver une

reconnaissance externe comme en gestion où le rapprochement avec le monde socio-

économique est plus facile ce qui peut offrir des opportunités d’accès à des ressources

financières complémentaires. L’un des participants a aussi suggéré que l’on rende

possible l’attribution de la PCA aux directeurs adjoints des grosses unités. Quant au

système des primes et décharges, il pourrait être amélioré. On pourrait même

envisager la création d’un statut d’enseignant administratif (« il y en a qui aiment cela

et qui le font bien et savent que le retour à la recherche est difficile ») ou au moins

développer une voie d’avancement spécifique ou utiliser plus le 46.3 qui ne repose

pas que sur la recherche et qui permet à des maîtres de conférence hors-classe de

devenir professeur.

Dans ce domaine aussi, des besoins de formation se sont manifestés. Ainsi, une

formation au management est souhaitée car c’est une responsabilité réelle et de plus

en plus complexe (« apprendre à faire un management humaniste en cohérence avec

les orientations générales ne va pas de soi »). Pour l’instant, cela se limite à la

transmission de quelques astuces et à un tuilage approximatif entre directeurs alors

que c’est un véritable métier qui suppose une formation minimum dans divers

domaines tant administratifs que de gestion (« on ne sait pas organiser une réunion »,

« on ne sait pas manager des équipes »). La formation des directeurs et la mise à

disposition d’une « boîte à outils » ou d’un simple glossaire s’avèrent à cet égard très

utiles. Dans ce domaine, on pourrait combiner la proposition de modules types et le

traitement à la carte selon les besoins (« les directeurs d’IUT sont formés mais il n’y a

pas de formation à la direction d’une composante à AMU ») et développer les

entretiens individuels comme il en existe dans nombre d’organisations. Un des

participants s’est même demandé s’il ne faudrait pas nommer des gestionnaires et en

finir avec « l’autogestion » des instances universitaires.

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5. QUELQUES PROPOSITIONS

Au fil des échanges, quelques propositions concrètes ont émergé mais cela reste

sans doute modeste au regard des objectifs affichés initialement. On peut tout de

même faire une liste récapitulative des suggestions faites par les uns et les autres.

Celles-ci relèvent de plusieurs registres et s’adressent à l’ensemble des acteurs

concernés, le ministère comme les responsables au sein de l’université, tout en

interrogeant les pratiques de l’ensemble des universitaires. En ce sens, il ne s’agit ni

d’une liste de revendications ni d’un programme mais d’un simple récapitulatif des

pistes évoquées au cours des ateliers.

Avant tout améliorer la situation des personnels

Aller vers une revalorisation salariale du métier.

Revoir les primes et décharges pour responsabilités pédagogiques, de recherche et

d’administration et améliorer leur mode d’attribution.

Privilégier les décharges plutôt que les primes et les distribuer aux diverses étapes

de la vie selon l’évolution des activités.

Imaginer une modulation des services au cours de la carrière et selon les degrés

d’engagement dans les diverses missions d’intérêt commun : progressivité dans la

modulation des services en début de carrière, décharges pour les débutants en

échange d’une participation aux dispositifs d’intégration et de formation

pédagogique, décharges en cours de carrière pour soutenir la prise de responsabilités

administratives et l’implication dans des missions nouvelles ou des innovations

pédagogiques ou accompagner les mobilités.

Accroître le nombre de congés et de délégations de recherche éventuellement en

échange d’une formation à l’innovation pédagogique avant le retour.

Développer la formation des enseignants sous toutes ses formes et pour toutes les

facettes du métier.

Penser autrement les recrutements en élargissant les critères de sélection à

l’ensemble des facettes du métier et pas seulement à la recherche.

Rendre la journée d’intégration obligatoire ainsi que le suivi de certains modules de

formation aux innovations et aux nouvelles missions universitaires.

Débloquer les carrières des maîtres de conférences en mettant en place des listes

d’aptitudes comme dans le secondaire et des postes de professeur banalisés (sans

laboratoire ni discipline précise) pour élargir le champ du recrutement.

Reconnaître un statut d’enseignant administratif.

Créer des postes d’ingénieurs et de techniciens pour les plateformes et les

dispositifs mutualisés.

Mais aussi améliorer les modes de gestion

Assouplir l’interprétation des textes juridiques et viser à une simplification des

procédures administratives.

Développer les outils de connaissance pour avoir, par exemple, une meilleure vue

sur les acquis scolaires des nouveaux étudiants, sur les carrières des universitaires ou

sur l’impact des dispositifs mis en place.

Diffuser largement les textes qui régissent le métier d’enseignant-chercheur.

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Atteindre plus d’équité dans la répartition des postes enseignants et administratifs.

Inciter à une gestion la plus collective possible des charges pédagogiques.

Lever l’obstacle du plafond d’heures d’enseignement pour les docteurs.

Organiser la journée d’intégration à Aix et Marseille et faciliter la participation en

banalisant la journée d’enseignement.

Avancer sur l’évaluation des activités en diversifiant ses formes (interne et externe,

quantitative et qualitative, individuelle et collective) et en explicitant ses objectifs

(connaissance et action, contrôle et amélioration, pilotage).

III. ANALYSER LA SITUATION POUR MIEUX L’INFLECHIR

Cette question de l’évolution du métier d’enseignant-chercheur est un objet

d’intérêt de longue date tant parmi les responsables politiques (voir les multiples

rapports régulièrement réalisés depuis des décennies comme ceux de de Baecque en

1974, d’Espéret en 2001, de Belloc en 2003) que chez les chercheurs (voir les travaux

de Musselin, Romainville ou Lanciano cités en bibliographie).

C’est avec un regard de sociologue du travail et des professions et sur la base d’une

expérience universitaire variée tant par les disciplines pratiquées que par les

responsabilités occupées, que l’on propose ici quelques réflexions transversales

susceptibles de favoriser la poursuite de la réflexion mais peut-être aussi la mise en

place d’une stratégie et de mesures concrètes.

1. TENDANCES GENERALES

Apparaît d’abord une certaine convergence de vue sur le diagnostic et la façon de

concevoir le métier universitaire mais les modes d’adaptation et les pratiques varient

beaucoup selon les contextes et les moyens disponibles. Dit autrement, il n’y a pas de

véritable opposition sur la conception de l’université et du métier d’enseignant-

chercheur mais des différences fortes sur les conditions d’exercice de ce métier. Il n’y

a pas non plus à proprement parler de problème d’identité professionnelle mais plutôt

une forte volonté d’obtenir les moyens d’exercer son métier et de le faire évoluer.

Plusieurs suggestions vont dans ce sens, notamment le souhait de réfléchir aux

diverses formes de la recherche pour rendre possible le maintien des deux facettes du

métier et également le souci d’explorer des modes pertinents d’évaluation

susceptibles d’améliorer effectivement les pratiques quotidiennes.

A cet égard, la question des moyens matériels et humains et de leur répartition,

encore très inégalitaire, est cruciale car elle définit les possibilités concrètes

d’évolution des pratiques. La poursuite d’un redéploiement interne des ressources

ainsi que la définition d’une politique différenciée s’avèrent donc nécessaires si l’on

veut espérer la mise en place effective des grandes orientations de l’université, faire

évoluer le métier et aller vers plus d’unité au sein d’AMU.

On note en effet de réelles différences d’appréciation entre les disciplines par

exemple sur l’évaluation, la place de la recherche et les moyens humains disponibles

ou encore sur la capacité à faire face aux évolutions. Elles sont également variables

selon les générations, concernant par exemple la place du collectif, et selon les types

de responsabilités occupées, notamment sur l’importance des tâches de gestion.

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A cela s’ajoute une gestion de plus en plus problématique du temps, souvent

accéléré, non maitrisable, découpé, dilué, fuyant ou insuffisant. Question d’autant

plus difficile à résoudre qu’elle se pose aussi dans la société en général.

Pour autant, les objectifs essentiels de l’université semblent partagés et concernent

essentiellement la diffusion de savoirs de haut niveau, la préoccupation pour une

certaine égalité des chances d’accès et la préservation du métier d’enseignant-

chercheur dans un monde en transformation rapide.

2. DIVERSITES UNIVERSITAIRES

La multiplicité des appartenances possibles des universitaires a été mise en

évidence. Celles-ci varient notamment selon les personnes, leur spécialité et les

périodes de leur vie, chacun mettant tantôt en avant sa discipline, le site, la

composante, le diplôme, l’UFR, le laboratoire, le corps, l’université, l’Université ou

même la fonction publique. La prise en compte de cette variété est essentielle pour

trouver des leviers adaptés à la réalisation d’une politique d’établissement.

A cela s’ajoute la variété des publics étudiants qui se distinguent fortement tant sur

leurs acquis que sur leurs compétences, appétences et projets. Cela pose de

redoutables problèmes dans l’exercice du métier. Et cela interroge sur des sujets

délicats comme l’éventuel traitement différencié des deux cycles de formation quant à

la place accordée à la recherche et à la spécialisation.

La multiplicité des missions confiées aux universitaires est aussi un défi car elle

suppose des arbitrages constants et des ajustements difficiles à trouver. Cela interroge

sur la capacité de l’institution à juxtaposer des profils différents, à faire évoluer les

spécialisations de chacun et à faire vivre les collectifs. Et cela met en question la

façon dont ces diverses missions sont reconnues dans la carrière et par les instances

locales ou sections du CNU qui, elles aussi, ont des politiques variées.

Par ailleurs, la façon dont chacun vit les contraintes et prend en charge les diverses

dimensions du métier est très variable selon les personnes et les contextes. Un

examen précis de ces contraintes et de leurs origines (le cadre national, la politique

d’établissement, les décisions des universitaires eux-mêmes) serait utile pour mieux

faire apparaître les marges de manœuvre possibles.

Il reste enfin à prendre en considération les différences existant entre les

générations, entre les nouveaux arrivants plus soucieux de leur carrière et privilégiant

la recherche et les plus anciens fortement engagés dans les responsabilités

administratives et souvent bloqués dans leur carrière.

3. TENSIONS ET RESOLUTIONS

Une autre façon de présenter cette analyse consiste à repérer les tensions et

contradictions présentes dans l’enseignement supérieur afin de mieux comprendre les

réticences qui peuvent se manifester à l’égard du changement ou de la mise en place

d’une politique d’établissement, et par là, définir un chemin susceptible de mobiliser

le plus grand nombre. Ces tensions se situent sur divers plans.

Les unes concernent tous les universitaires car elles affectent le métier lui-même. Il

y a ainsi une tension très nette entre le travail et l’emploi, entre les transformations de

l’activité (charge accrue, démultiplication des taches) et ses modes de reconnaissance

(salaire, recrutement, carrière). Il y a aussi des écarts entre les mobiles de la vocation

initiale (la recherche, l’excellence, la liberté) et la réalité concrète du métier (la

pluralité des missions, la hiérarchie, le manque de temps), entre le métier rêvé

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(accomplir toutes les missions pour tous) et le métier réel (courir après le temps,

sélectionner), entre le désir de liberté individuelle et la prise en charge des

responsabilités collectives. Il en existe aussi entre les attentes à l’égard des étudiants

et la réalité de leurs acquis et capacités, entre les caractéristiques du public étudiant et

l’inertie relative des pratiques pédagogiques, entre le souhait d’ouverture de

l’université à tous et l’objectif d’assurer la réussite de tous.

D’autres tensions se manifestent entre les personnes et les instances de direction.

Ainsi, les logiques individuelles (la carrière et ses critères) et institutionnelles (les

missions, le rayonnement, l’organisation) peuvent s’opposer, les représentations de

l’activité chez les enseignants (la liberté) et chez les décideurs (le besoin de réguler)

peuvent diverger et il peut y avoir un écart entre le désir de changement et les moyens

pour y parvenir.

Enfin, des tensions peuvent naître de la situation générale des universités et des

politiques mises en œuvre. Il en est ainsi de la prise compte des charges communes

(de plus en plus nombreuses) et de leur répartition (souvent inégale), de l’écart entre

les missions attribuées à l’université (de plus en plus variées) et les moyens financiers

disponibles (stables voire en baisse).

Reste à réduire ces tensions et à résoudre ces contradictions. Pour y parvenir, il

convient avant tout de modifier les contextes d’action en les rendant plus riches et

plus valorisants pour les personnels et en offrant à ceux-ci plus de possibilités

d’exercer le métier qu’ils ont choisi.

Il convient également de prendre en compte ce qui est à la fois une richesse et une

difficulté de l’enseignement supérieur à savoir la multiplicité des lieux de décision et

la diversité des niveaux de responsabilité. Il faut donc bien apprécier à quel niveau il

convient d’intervenir selon les sujets à traiter.

Dans certains cas, tous les niveaux sont concernés. Il en est ainsi si l’on veut

approcher une certaine équité dans la répartition des charges et des moyens, améliorer

l’organisation collective des tâches et favoriser l’innovation.

Dans d’autres cas, la responsabilité première se situe au niveau du Ministère et cela

concerne notamment les règles d’affectation des moyens humains et financiers mais

aussi le cadre réglementaire régissant le métier et le fonctionnement des universités.

Le CNU a aussi son rôle à jouer notamment pour mieux reconnaître la pluralité des

missions des universitaires. De son côté, l’établissement a un poids décisif qui se

matérialise par le développement des incitations, la diffusion de l’information et

l’association du plus grand nombre aux réflexions et aux décisions. L’UFR intervient

aussi en fixant quelques règles communes et en veillant à la qualité des procédures.

De son côté, le département peut faciliter la vie quotidienne de chacun, le

laboratoire faire vivre le collectif et chaque enseignant-chercheur veiller au bon

exercice de son métier.

4. INTERROGATIONS

Les contributions des participants aux ateliers suggèrent finalement des questions

générales qui peuvent s’adresser aux décideurs et orienter leur réflexion sur la façon

de conduire leur politique.

Comment assurer un pilotage centralisé tout en laissant une marge d’initiative aux

personnes et une certaine autonomie aux composantes ?

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Comment conduire le changement et quel équilibre trouver entre incitation et

contrainte, conviction et contrôle ?

Comment faire évoluer l’offre de formation et notamment réduire le nombre de

spécialités, les reconfigurer éventuellement voire établir une différence plus forte

entre les cycles, pour disposer de marges de manœuvre financières tout en assurant la

pertinence de cette offre,?

Comment faire face à la restriction des moyens et combiner rationalisation des

activités, mutualisation, adaptation de l’offre de formation, évolution des personnels

et des métiers, recherche de nouvelles ressources financières ?

Comme assurer une bonne transmission des savoirs et savoir-faire entre anciens et

nouveaux universitaires ?

Comment construire l’avenir avec des personnes dont un grand nombre sont en fin

de carrière ?

D’autres questions, citées ici sans hiérarchie, concernent plus directement les

universitaires eux-mêmes.

Comment faire face aux évolutions du métier dans un cadre professionnel qui a

finalement peu évolué ?

Comment construire son expérience professionnelle entre travail d’autoréflexivité,

échanges de pratiques et formation formelle ?

Comment donner de la souplesse aux services de chacun en les modulant

notamment au cours des étape de sa carrière ?

Comment anticiper le départ des personnes les plus engagés et contrecarrer la

tendance des nouvelles générations à éviter les responsabilités collectives ?

CONCLUSION

Pour finir, on peut envisager quelques prolongements de la réflexion collective

amorcée à Aix Marseille Université.

On pourrait par exemple mieux connaître et faire connaître les initiatives prises

dans d’autres universités ou au CNRS ainsi que les expériences étrangères.

On pourrait poursuivre la réflexion sur certains sujets comme les nouvelles

missions de l’université, l’aide à l’insertion professionnelle des étudiants par

exemple.

On pourrait élargir la consultation du personnel, par exemple en proposant, sur la

base du diaporama utilisé dans les ateliers et/ou du rapport de synthèse ici présenté,

une bourse aux idées et aux propositions voire un forum ou encore mettre en

discussion ce rapport dans les conseils.

Autant de façons d’approfondir ce travail de réflexion générale sur le métier

d’enseignant-chercheur, la façon dont il s’exerce aujourd’hui, le sens que chacun lui

donne et la direction dans laquelle il peut évoluer.

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QUELQUES REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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Dahan A., Mangematin V., 2010, Recherche ou temps perdu ? Vers une intégration

des tâches administratives au métier d’enseignant- chercheur, Gérer et comprendre,

2010/4, n° 102

Drucker-Godard C., 2013, Être enseignant-chercheur aujourd’hui, Politiques et

management public, vol. 30, n° 1

Gastaldi L., Lanciano-Morandat C., 2012, Les dispositifs d’évaluation de

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Schlencker J.M., 2015, Université : pour une nouvelle ambition, rapport Institut

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Viry L., 2006, Le monde vécu des universitaires ou la république des égos, Presses

universitaires de Rennes.

On peut également signaler une étude en cours conduite auprès des universitaires

par des sociologues des universités de Poitiers, Tours et Besançon et visant à « mieux

comprendre la nature des tâches que les enseignants et enseignants chercheurs

d’université doivent réaliser dans l’exercice de leurs fonctions, le type d’exigences et

de difficultés auquel ils peuvent être confrontés ». Les résultats de cette enquête

devraient éclairer les débats amorcés dans cette consultation.

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TABLE DES MATIERES

Introduction ........................................................................................................................ 1

I. Le cadre de réflexion ....................................................................................................... 3

1. Les grandes évolutions du contexte d’action .............................................................. 3

2. Les valeurs .................................................................................................................. 4

II. Les facettes du métier d’enseignant-chercheur .............................................................. 6

1. Des missions variées et de plus en plus difficiles à assurer ........................................ 6

2. L’activité d’enseignement .......................................................................................... 9

3. La recherche ............................................................................................................. 14

4. Les tâches administratives ........................................................................................ 15

5. Quelques propositions concrètes .............................................................................. 18

III. Analyser la situation pour mieux l’infléchir .............................................................. 19

1. Tendances ................................................................................................................. 19

2. Diversités .................................................................................................................. 20

3. Tensions .................................................................................................................... 20

4. Interrogations ............................................................................................................ 21

Conclusion ........................................................................................................................ 22

Quelques références bibliographiques .............................................................................. 23

Table des matières ............................................................................................................ 24