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ft0& t c 1qoo A L'EXPÉDITION - DE STAC AU XVII O SIÈCLE, I. La découverte du Nouveau-Monde et celle d'un passage aux Indes orientales par le cap de Bonne- Espérance ouvrirent une ère nouvelle aux notions européennes. Une limite fut posée entre le moyeP ge et les temps môdernes. Le commerce, l'indus- trie, la politique, entrèrent dans des voies inconnues jusqu'alors; leur horizon s'agrandit en même temps que les bornes de l'univers semblèrent reculées.. Des intérêts nouveaux développèrent alors dans certaines nations leur véritable génie, méconnu jusque-là, 'parce qu'il n'avait pu prendre son essor; on vit leur puissance b'élever tout à coup à un degré qui dut les étonner elles-mêmes et effrayer à la fois les autres nations. Celles-ci, 11e leur côté, redoublèrent d'efforts lie - Document D il Il Il Il III 11101111Ili Il Ili 0000005622603

L'Expedition de Siam au XVIIe sieclebibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/55b9d...4683, lAngleterre ne possédait que quelques comp-toirs sur les c6tes de Malabar et de Coromandel,

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L'EXPÉDITION-

DE STAC

AU XVIIO SIÈCLE,

I.

La découverte du Nouveau-Monde et celle d'unpassage aux Indes orientales par le cap de Bonne-Espérance ouvrirent une ère nouvelle aux notionseuropéennes. Une limite fut posée entre le moyePge et les temps môdernes. Le commerce, l'indus-

trie, la politique, entrèrent dans des voies inconnuesjusqu'alors; leur horizon s'agrandit en même tempsque les bornes de l'univers semblèrent reculées.. Desintérêts nouveaux développèrent alors dans certainesnations leur véritable génie, méconnu jusque-là,'parce qu'il n'avait pu prendre son essor; on vit leurpuissance b'élever tout à coup à un degré qui dut lesétonner elles-mêmes et effrayer à la fois les autresnations. Celles-ci, 11e leur côté, redoublèrent d'efforts

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-4-pour contre-balancer des accroissements aussi rapideset maintenir l'équilibre européen, en créant, à leurtour, des établissements semblables dans ces contréeslointaines ou en s'emparant de ceux de leurs rivales.

Les Espagnols et les Portugais, auxquels l'Europedut ces étonnantes découvertes, ne demeurèrent paslongtemps paisibles possesseurs de leur conquêtes, soitdans le Nouveau-Monde, soit en Asie. Ces conquêtesleur furent disputées par des peuples qui l'emportaientsur eux par le génie de la colonisation. Les fruits deleurs travaux et de leur sang passèrent bientôt engrande partie dans d'autres mains, et le peu qui leurresta prouva combien une nation habile à conquérirl'est peu le plus souvent à conserver. En voyant lesrésultats définitifs des immenses entreprises des Espa-gnols et des Portugais, on dirait que leur missionconsistait surtout à frayer les voies aux peuples del'Europe véritablement colonisateurs, c'est-à-dire auxAnglais et aux Hollandais.

Le vaste empire que les Portugais avaient fondédans les Indes orientales s'était écroulé en moins dedeux siècles. Plusieurs causes concoururent à le ren-verser aussi rapidement qu'il s'était élevé. A des hotu-mes tels que Vasco de Gama, le grand Albuquerque,Jean de Castro; il- aurait fallu des successeurs qui,avec des qualités moins brillantes, fussent capables decoServer et de faire fleurir les colonies par une ad-ministration sage et prudente et une intégrité de con-duite éprouvée aussi bien par les indigènes que par lesnationaux. Mais trop souvent les vice-rois ne s'occu-,paient que de leurs -intérêts et oubliaient ceux de la

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patrie. Renouvelés après trois années d'exercice, ils;avaient eu assez de temps pour (aire le mal, pas assezpour faire le bien, et ils se trouvaient bientôt rem-placés par d'autres, qui, loin de réparer lesemblaient prendre à tàehe de l'aggraver encore.. Lescompagnons ordinaires dune trop grande prospérité,la mollesse, la débauche, l'orgueil et l'amour de latyrannie, avaient envahi ce peuple de conquérants,qui auiait eu besoin de se multiplier en quelque àortepar ses vertus et ses talents, pour gouverner une, aussigrande étendue de territoire, et pour rester entouréde ce prestige qui avait frappé les indiens et leuravait fait croire que les Portugais étaient des hommesd'une nature supérieure. La réunion du Portugùl àl'Espagne, sous Philippe il, en 1580, accéléra la ruinede la première de ces deux mitions dans l'Inde', en luidonnant pour ennemi un peuple qui, par son indus-trie, sa persévérance infatigable et le besoin de secréer au loin un territoire et un empire qu'il nepouvait trouver en Europe, devait s'élever sur sesdébris.

Les Hollandais, qui jusque-là n'avaient fait que •ecommerce de commission, se voyant exclus, A la findu 166 siècle, des ports de Lisbonne, où ils achetaientles productions des Indes pour les vendre à l'Europe,se déterminèrent à aller les chercher aux Indes mèmes.Un demi-siècle éprès, ils avaient des comptoirs à Javaet dans lé Bengale; ils s'étaient emparés d'Àmboine etde Tidor, d'une 'partie de l'île de Ceylan, de Malacc;la compagnie des Grandes-Indes était créée; et Bataviafondée dans l'île de Java, Batavia le centre de leur

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commerce dans;I'Orient, et, pour ainsi dire, une nou-velle pairie, dans le cas où l'autre viendrait à leur man-quer. En 1650, le cap de Bonne-Espérance leur appar-tenait, ainsi que des villes importantes sur les côtesde Coromandel et de Malabar Toutés ces conquêtes,faites pour la plupart sur les Portugais, furent recon-nues par le traité conclu, à La Haye, entre ces deuxPuissances, en 1669. Un établissement fondé dans lesCélèbes, la même année, et l'occupation de Bantam,en 4683, mirent le comble à la prospérité d'une pe-tite nation qui, un siècle auparavant, n'existait pointParmi les nationsde l'Europe.

Dans la seconde moitié du 17' siècle, rien ne faisaitprévoir encore que l'Angleterre serait un jour puis-sance prépondérante dans l'Inde. Une compagnie,créée par Elisabetb, s'était soutenue jusqu'à cetteépoque avec des alternatives de succès et de revers ;elle avait établi â AcJiem, à Bantam, dans les lies deJava, de Poléron, d'Amboine et de Banda, des comp-toirs, des forts et des coknies qu'elle se

'vit enlever

successivement par les Hollandais, qui jouaient 'alorsen partie dans l'Inde le rôle réservé dans l'avenir auxAnglais. Ce ne furent point seulement les ennemis dudehors que la compagnireut à combattre, mais desnégociants anglais qui, à force d'argent, obtinrent deCharles II, prince prodigue et dissipateur, le privilégede rivaliser avec elle, et rendirent les mers de l'Asie lethéâtre de luttes souvent sanglantes. Malgré tous cesobstacles, elle avait fait les préparatifs suffisants pourespérer de tirer vengeance des Hollandais, lorsqu'eileenfut empêchée par Charles 1f, qui, payé par la Hol-

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-lande, défendit qu'on donnàt suite à l'expédition. Eu4683, l'Angleterre ne possédait que quelques comp-toirs sur les c6tes de Malabar et de Coromandel, etBancoolen dans l'île de Sumatra. Un siècle plus tard,Mile était maltresse dans l'Inde.

La Fronce -ne pouvait voir les autres nations de• l'Europe fonder au loin des colonies, sans chercher à-les imiter. Vers l'époque qui nous occupe, elle possé-dait déjà quelques établissements en Amérique : ellevoulut en avoir aussi dans l'Asie. Louis XIV régnaitalors, et Colbert était ministre de la marine. La mêmeannée, 46134, deux compagnies furent créées : l'unedes Indes occidentales, l'autre des Indes orientales. Acette dernière fut accordé un privilége de cinquanteans, qui lui permettait de former de grandes entre-prises, d'en attendre et d'en obtenir tes résultats. Sesconquêtes devaient lui appartenir en propre; ceux quih serviraient avec honneur devaient être récompen-sés par l'Etat comme ?'ils eussent servi l'Etat lui . même.

Le roi, dit Voltaire, donna plus de six millions denotre monnaie I la compagnie; il invita les personnesriches à s'y intéresser: les reines, les princes et toute la,cour- fournirent deux millions numéraire de ce temps-là; les cours supérieures donnèrent douze cent millelivres, les financiers deux millions, le corps des mar-chands six cent cinquante mille livres : toute la nationsecondait son maître (1). r,

-Un tel empressement prométtait des succès mal-heureusement les succès ne répondirent point à des

(I) Voltaire, Siècle 4e Louis XIV.•

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-s--iespérances qui paraissaient fondées sur 4es bases'-so-lides. Madagascar - avait été choisi comme centre des

iopérations4e la compagnie. Des agents prévaricateurset coupables d'excès de toutes sortes envers les natu-rels-firent tant de tort à leurs commettants, que ceux-ci se virent obligés de remettre au gouvernement une

- possession devenue onéreuse,-- Les vaisseaux- de la compagnie allèrent alors direc-tement aux Jndes. En 1675, un comptoir fut créé àSurate, dans le Malabar; et Pondichéfi fut fondé en-1679, sur la Côte deCoromandel. La jalousie des'Hollandais .ne permit -pas à.la compagnie de mener àbonne fin ses tentatives d'établissement au. Japon;car partout on rencontrait les Hollandais dans l'Inde.Le petit peuple de marchands s'était attribué le mono-pole-de tout le commerce de cette vaste contrée. Cen'était, pour ainsi dire, qu'avec sa permission et sonbon plaisir que les grandes nations de l'Europe parti-.cipaient à quelques-uns de ses profils ;,et lorsquellescherchaient à s'étendre, elles avaient à ne pointdé--passer certaines limites,., ou bien la Hollande ne tar-dait pas à les y faire rentrer. La Hollande n'était rienen Europe, et tdut en Orient. Là se trouvait son véri-table empire. C'était en Orient, non moins qu'en Eu-Tope, que ses ennemis devaient combattre sa puis-'sauce.

Le plus redoutable de tous était alors Louis XIV,qui cherchait tous les moyens de venger son orgueilhumilié par cette faible république.

Il faut rappeler ici ses griefs en deux mots.Louis XIV s'était emparé déjà d'une bonne partie

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.de la Flandre et de la Frànche-Comté, comme indem-nité de la dot de sa femme, que l'Espagne né luiavait point payée, lorsque les Hollandais, inquietspour leur territoire, lui envoyèrent, en qùalité d'am-bassadeur, un obscur bourgeois d'Amsterdam, pourlui signifier qu'il eût à mettre bas les armes et à ren-dre la Franche-Comté. Le grand roi n'était pas en-core prêt à soutenir la lutte contre une bonne partiede l'Europe que les Hollandais avaient commencé àsoulever contre lui il fallut @ic le soleil s'arr&4t uninstant devant Josué. Mais bientôt 2Ô0,000 hommesfurent sur pied, et 100 vaisseaux construits et équi-pés par les soins de Colbert, dont le génie improvisaune marine Û la France. Que pouvaiept les Hollan-dais contre de telles forces, secondées par l'alliancede l'Angleterre et de la Suède? En voyant les Fran-çais à quelques lieues' d'Amsterdam, ils délibérèrents'ils ne transporteraient pas le siège de la patrie .àBatavià; peu s'en fallut qu'on ne vît alors tout unpeuple de fugitifs renoncer à l'Europe et demanderaux Indes un asile. Mais ils avaient mi milieu d'eux unhomme de génie, Guillaume d'orange, qui les sauvade la colère de Louis XIV. L'armée française rutobligée de quitter un terri(oire que Guillaume inondaen ouvrant les écluses; et pour avoir cru plutôt Lou-vois, qui voulait des garnisons dans chaque place, queCondé et Turenne, dont l'avis était de les démantelerà mesure qu'on les prenait; pour avoiragi d'ailleursavec trop de précipitatièn, on ne conserva rien d'unpays dont la conquête entière paraissait ne devoircoûter que quelques mois. Après cet échec, la haine de

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Louis contre les Hollandais n'en devint que plus Forte;toute occasion de se venger partout où il le pourraitlui parut bonne et opportune. On lui en offrit un.moyen, qui lui permettait en même temps de contre-balancer 'leur puissance dans l'Inde et d'y augmenterla sienne; il l'accepta sans hésiter. Il ne fallait pas tant-pour le déterminer.

Louis XIV était ambitieux de toute sorte degloireet de puissance. Rien de ce qui pouvait étendre auloin son nom et son influence ne lui était indifférent.Jaloux de son honneur tout autant que de celui de laFronce, ou plutôt les confondant l'un dans l'autrecomme il confondait l'Etat dans Lui-même, il souffraiten pensant que la prospérité de son royaume s'arré-.tait à peu près à ses limites européennes, et qu'il necomptait qu'un petit nombre de colonies, dont l'exis-tence avait besoin d'être tolérée, pour ainsi dire, parune nation qu'il détestait.

• k ces motifs, qui lui faisaient désirer d'attacher sonnom à l'établissement de colonies dans les contréeslointaines, s'en joignait un autre qui n'était pas moinspuissant sur lui, c'est-à-dire le zèle ieligieux. Aussifier qu'aucun de ses prédécesseurs du titre dé roitrès-chrétien, il voulait le justifier par an prosélytismequi l'entratna quelquefois trop loin, et qu'il n'auraitdû faire servir qu'à propager le christianisme dans desrégions où il était entièrement inconnu. Si sa ferveurreligieuse n'était pas d'ailleurs suffisamment prouvée,si elle ne s'était pas manifestée par des actes regret-tables, les pièces relatives à ses négociations avec leroyaume de Siam en feraiçnt foi, et on pourraiLs'as-

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surer aussi, en les lisant, que dans son zèle pour lareligion il n'oubliait point le soin de sa propre gloire.

il..

Il suffisait de jeter les yeux sur une carte pour seconvaincre que te peuple de l'Europe qui obtiendraitle privilège d'un établissenient dans le royaume deSiam pouvait prétendre aux bénéfices principaux ducommerce de cette partie de l'Asie. Eût-il fallu seborner aux profits extérieurs, ce pays eût-i1 été im-productif par lui-même, sa situation seule présentitdes avantages certains; mais il n'en est point ainsi. Lanature l'a favorisé autant qu'aucun autre. Bleui que tarichesse et la fertilité du sol semblent lui être moinsnécessaires qu'à beaucoup d'autres, puisqu'il peut re-cevoir si facilement les productions de ceux qui l'en-vironnent, cependant il ne leur est inférieur sons au-cun rapport. Tous les fruits qu'on y trouve, et il y ena une infinie variété, sont sains, agréables et d'unesaveur qu'ils n'ont point sous d'autres climats. Outreceux qui lui sont communs avec d'autres contrées,cette terre féconde en fournit qui lui sont particuliers,et dont on trouve une nomenclature détaillée dansplusieurs ouvrages concernant spécialement le roynumede Siam (t), et particulièrement dans quelques-uns

(t) Turpin, Histoire civile et naturelle du royaume de Siam. -Raynni, Hist. philosophique des deux Indes. - Le P. Tachart.

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écrits, à l'époque de l'expédition française, par dehommes qui y prirent part (1).

Le riz, qui forme la principale nourriture des habi-anis du pays, est récolté en énorme quantité dans lesterres où il est, cultivé: et Jans celtes où il ne l'estpoint, il vient encore assez abondamment pour encou-rager la paresse habituelle des indigènes, en ne leur

/laissant aucune inquiétude sur leur aliment essentiel.fCette abondance du riz est due, en grande partie, aux

Y débordements périodiques et réguliers du grand fleuvequi, sous le nom de Ména,n ou mère des eaux, tra-verse tout le royaume du nord au sud et se jette dansle golfe de Siam par trois embouchures. Ainsi que leNil, il déborde tous les ans et couvre pendant quatreans la terre, sur laquelle il laisse, en se retirant, aulimon gras et humide, très-favorable à la productiondes plantes et du riz en particulier.

Mais le parti le plus avantageux qu'on peut tirer dusol, dans l'intérêt du commerce, c'est la culture desépices et surtout du poivre, ainsi que le prouve unrapport des marchands du comptoir de Surate, endate de 4683 « Treize mille personnes travaillentmaintenant au poivre dans le royaume de Siam, etM. Constance Phaulkon fait compte que chaque hommerendra tous , les ans au moins deux pikles de poivre,qui feront, lorsque toutes les plantes seront en estatde rendre, vingt-six mille pikles (2), pourvu qu'il n'ar-

(I) Voyage de Siam des PP. jésuites. - Simon de ].aRelation du royaume de Siam.

(%) Le pike équivalait à-125 livres, poids do Paris. Par con-séquent, 20,000 PikIos correspondaient à 3,250,000 livres.

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rive pas- (le grands débordements. Nous ne croyonspas que votre Compagnie doive perdre une occasionaussi facile d'avoir de cette épicé et à un prix raison-nable. Le traité est d'autant plus advantageux quenous ne voyons pas de voie de pouvoir tirer le poivred'ailleurs. Il y en aura pour fournir toute la France,etvous priverez les -autres nations des advantages qu'el-les trouvent h apporter cette épice chez nous (1). .

S'il fallait une autre preuve, on la trouverait dansce passage d'une lettre écrite par Constance Phaul-kon lui-même à Martin, l'habile directeur et le plusferme soutien de la compagnie des Indes à cette épo-que « Le poivre; grâce è Dieu, vient si bien quenous espérons que la compagnie en pourra, dans deuxans, retirer douze mille pikies, à moins qu'il n'arrivequelque malheur imprévu; et, si cette affaire n'a pastout le succès que je souhaite; la faute n'en viendrapai très-aseurément de notre costé. J'aurai beaucoupde joie que la compagnie s'établisse - en ce royaumed'une telle manière et avec tant de vitesse que colala puisse amener h profiter non-seulement de la ré-colte du poivre, - mais aussi des négoces qu'elle peut,faire en la Chine et au Japoii. »• A ces richésses naturelles beaucoup d'autres vien-nent se joinds encore ce sont des mines d'or, decuivre, d'aimant, de fer, de plomb, et d'une espèceparticulière d'étain très-estimée et recherchée dans

(4) Co document est inédit, ainsi que les suivants qui serontcités textuellement. C'est en grande partie sur des documentsde cette rature que toute cette relation a été faite.

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loite l'Asie. Il n'est point nécesaire de chercher cesmines bien avant dans les entrailles de la terre; ellesse trouvent presque à la surface, comme si la Provi-dence, par une bienveillance particulière pour lepeuple de cette contrée, ne se fût point contentée delui fournir toutes sortes de biens, mais eût voulu enmémo temps qu'il les obtint sans efforts.

Cependant, vers l'époque dont nous nous occuporis,ce peùple était loin de profiter de tous les avantagesqu'il avait., pour ainsi dire, sous la main. La tyranniela plus absolue, qu'il sentait peser sur lui, paralysaitses forces et k rendait aussi insouciant qu'impropre -àtirer de la terre des productions qui passaient presqueentièrement dans les mains du despote ou de ses mi-nistres, et dont on ne lui permettait de-retenir qu'unefaible partie pour lui-même. Pour qu'un peuple de-vienne riche, il ne suffit point que son pays le soit, ilfaut encore qu'une liberté sage et modérée lui laissepour son propre compte l'exercice et le profit princi-pal de son génie et de ses bras. Il n'en était point

- . ainsi à Siam. Six mois de l'année seulement apparte-naient aux indigènes; pendant lessix autres mois, ilsétaient obligés de travailler pour le gouvernement;sans en recevoir ni nourriture ni paye d'aucune sorte.Privés des avantages d'une liberté limitée, et ne jouis-sant pas même du triste bénéfice de l'esclavage quiest une subsistance assurée en échange de l'abandonplein et entier de soi-même, ils ne trouvaient aucuneforce, aucun courage ni pour l'agriculture, ni pourle commerce, ni pour l'industrie, et, cédant à cetteapaihie :naturelle aux Asiatiques on bien air de

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la liberté, les uns se soumettaient au joug du dcspo-usine, plutôt esclaves que sujets, les autres fuyaientdans les forêts et les endroits reculés où ne pouvaitles atteindre le bras de leurs mattres. Aussi, lorsqueles Français entrèrent Jans ce royaume, ne trouvè-rent-ils qu'un désert dans un espace de huit jours demarche, depuis le port de Merguy jusqu'à la capitale.Ce n'était point leur contrée que fuyaient les habi-tants, .car elle était belle et fertile; c'était seulementl'oppression. Il y avait environ deux siècles qu'ils vi-vaient sous ce régime. Auparavant le commerce etl'agriculture Ilorissaient chez eux; ils voyaient un assezgrand nombre de navires venir échanger les produitsétrangers contre-les nationaux. Mais tout était changé -à l'arrivée des Français. Le despotisme avait anéantitoute industrie et tout travail spontané. La plupartdes' terres restaient sans culture, et les objets d'artdont les Siamois se servaient leur étaient fournis parles étrangers qui venaient trafiquer chez eux.

En résumé; riche en tontes sortes de productions,ce pays pouvait encore, à la faveur de sa situation,servir d'entrepôt à celles des contrées de l'Asie quil'environnaient et devenir le centre d'un commerceétendu. Habité par un peuple qu'une dure servituderendait peu attaché ou plutôt hostile au plus faible des•gouvernements, il offrait une conquête facile à l'am-bition européenne. Muni de ports et de villes com-modes et avantageusement sifués, il ne rendait né-cessaires aucuns frais de premier établissement. Voilàce que comprit Louis Xlv, jaloux de faire de la Franceune puissance dans : l'Inde, plus jaloux encore de ha-

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lancer ou de détruire celtes que ses ennemis les Hol-landais y avaient fondée; Ulie circonstance. favorableà ses projets se présenta; l'occasion lui - fut offertede fonder à Siam un établissement qui pouvait lui ser-vit de point d'appui dans l'Orient il voulut en pro-filer.

lii,

Constantin Phanlkon, plus connu dans l'histoiresous le nom de Constance, reçut le jour en Grèced'un père vénitien et d'une femme noble de Vile deCéphalonie, dont l'aïeul de Constance avait ét: gou-vrnetir. noué d'un esprit entreprenant, actif, aven-:tureux, il se trouva de bonne heure trop h l'étroitdans le lieu de sa naissance, où,. d'ailleurs, il n'avaitaucune fortune à attendre de ses parents, et il tentades'en créer une dans quelque région étrangère.

.D'abord, il s'attacha au service d'un capitaine devaisseau anglais, que. le commerce attirait à Céphalo-nie, et passa avec lui en Angleterre; mais ne voyantaucun moyen d'y réussir promptement, et suivantson penchant è tenter la Fortune loin des voies ordi-naires, il s'embarqua pour l'Inde sur un vaisseau de laCompagnie anglaise, au service de laquelle il jugea èpropos de s'engager. Plusieurs voyages qu'il fit Siamet dans les royaumes voisins lui procurèrent assez deprofits pour Ic mettre en état d'acheter un vaisseau et

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de négocier pour son propre compte (4). Son couragene fut point abattu par deux naufrages qu'il eut à es-suyer à l'embouchure de la rivière de Siam, préèisé-ment en face d'un pays où la fortune lui réservait unrang élevé, comme si elle et voulu lui faire sentirtout d'abord qu'il faut toujours payer chèrement sesfaveurs, ou plutôt l'éloigner d'un lieu où il devaittrouver la fin la plus malheureuse, après une prospé-rité éphémère.

Un troisiMie naufrage sur la côte de Malabar, aulieu d'être la cause de sa ruine entière, dèvint cellede son élévation. Jeté seul sur le rivage, après avoirvu les flots engloutir son navire, dont il n'avait pusauver que deux mille écus environ, il se livra long-temps à de tristes pensées, maudissant le présent etdésespérant de l'avenir. Il finit par s'endormir, épuiséde fatigue et de douleur.-Pendant son sommeil, ainsiqu'il le raconta souvent par la suite, lui appanit unhomme d'une figure extraordinaire et pliné de ma-jesté, qui, ni lui souriant et d'une voix accompagnéed'une irrésistible autorité, lui ordonna de retournerdans l'endroit d'où il était venu; Réveillé par l'imjres-sin que produisit sur lui- cette singulière apparition,il chercha longtemps dans son esprit quel sens il devaiten tirer pour sa conduite future; et le matin il se rd-menait sur la côte, abandonné tout entier à ses rê-veries, lorsqu'il vit de loin se diriger vers lui unhomme qui marchait avec précipitation. Le visage pâle

(I; Le P. d'Orléans, Hist. de 4f. Constance.

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de cet inconnu et ses vêtements encore tout dégout-tants d'eau permirent à constance de reconnattre unnaufragé comme lui, avant qu'ils eussent échangé au-cune parole; à son langage, il reconnut un Siamois.Ils purent se comprends et se consoler l'Un Vautredans leur commune infortune, car constance phaulkonparlait la langue de Siam. Il apprit don ,c que c'étaitun ambassadeur que le roi de ce pays avait envoyé enPerse et qui, à son retour, avait fait naufrage à l'en-droit où cet accident lui était arrivé à lui-même, aveccette différence, que l'autre n'avait pu sauver que sapersonne. Moins, dénué que le Siamois, puisqu'il luirestait encore quelque argent, il -lui offrit 'de le rame--net dans son pays, ce qui fut accepté avec empresse-meut. ils achetèrent une barque, des vivres, des ha-bits, et une navigation heureuse[les conduisit bientôtdans le royaume de Siam (1).1 -

Reconnaissant du service que Phaulkon lui avait,rendu, l'ambassadeur ne tarda point à en informer leJjarealon ou premier ministre, auprès duquel il avaitdu crédit. celui-ci, après une entrevue qu'il lui ac-corda, conçut de cet étranger une opinion si favorable,qu'il résolut de l'attacher au service du roi, qui lui.-même était assez éclairé pour distinguer les hommeshabiles et s'en servir..

- Les Maures établis h Siam avaient le privilége depréparer et d'ordonnancer, le cérémonial de réception

-des ambassadeurs, dont le roi se montrait fort jaloux,et, sous ce prétexte, ils tiraient du trésor des sommes

(j ) Le P. d'Orléans, Hisr. de M. Constance.

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énormes. Constance fut assez' adroit pour les sup-planter dans ce soin. Les cérémonies de réceptioneurent plus d'éclat qu'auparavant, et furent loin néan-moins d'être ausi dispendieuses. Les Maures/ind.gués, prétendireiit qu'il leur était dû de fohessomiiiésqu'ils avaient avancées. Non-seuiàment Coiistancleur prouva-que c'étaient eux-mêmes qui devaientlavaleur dé plus de 300,000 écus, mais il leur en ar-rucha même l'aveu (4). Telle fut l'origine de la grandefiiveur dont il fut honoré. Elle devint telle, que le roine se servait pins que de lui dans les circonstances-lesplus importantes; que les "mandarins lés plus consi-dérables se montràient empressés à lui faire leur cour:et que tous les'sujets ?adressaient à lui pur obtenirce qu'ils voulaient. La charge de barcalon êtaS de-venue vacante, le roi voulut la lui donner; mais l'a-droit favôri se réservant toute l'autorité qui était at-tachée à tette charge, en refusa d'abord lé titre, afinde ne point exciter à un trop haut point 'ria jalousiedes mandarins par une fortune dont les progrès ii'é-taientdéjà que trop rapides à leurs -yeux. :11 put alorsemployer.' sans obstacle ion activité et ses talents aubien du royaume, en même temps qu'il s'occupaitde son élévation particulière.

Mais sa qualité d'étranger parvenu lui inspirait lesplus vives inquiétudes sûr son avenir. II voyait l'envies'attacher à sa personne et crottre avec son crédit. Ilcomprenait que, le roi de Siùm, qui était fort âgé,venant à mourir, tout l'édifice de sa fortûne s'écrou-

(t) Le P. d'Orléans, Sis!, de M. Constance.

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lerait promptement, il sentait le besoin de donner àcelle-ci, partout où il le trouverait, un appui qu'il nepouvait rencontrer dans la nation sur laquelle il avaittant de pouvoir, mais un pouvoir éphémère. Il cher-pha de quelle puissance il pourrait tirer cette protec-tion qui lui serait indispensable plus tard, se propo-sant de lui donner en échange tous les avantages , d'uncommerce dont il connaissait 'le prix et de lui ouvrirles ports et le royaume qu'il avait à sa disposition. Larenommée avait porté dans ces contrées lointaines lebruit de la glaire et de la puissance de Louis XIV:Constance résolut de s'aresser à lui. Il le connais-,sait pour un prince ambitieux et dévoué aux intérêtsde la religion; il pensa avec raison : qu'il l'intéresseraiten lui faisant espérer pour ses sujets un libre accèsdans le royaume de Siam, et poûr la propagation duchristianisme, l'appui du crédit dont il jouissait. Ilsavait, d'ailleurs, que ce prince s'occuperait toujoursbeaucoup plusdes affaires de l'Europe que de cellesde l'inde; que ces dernières n'auraient jamais è sesyeux une importance assez éraude pour que, s'il ve-nait è s'emparer de Siam, il en changeât l'organisa-tion au point de lui enlever è lui-méme.le pouvoirqu'il avait acquis, et que la reconnaissance lui feraitun devoir de le lui laisser, sinon de l'augmenter en-core. Louis XIV liii présentait donc toutesles garan-ties qù'il désirait, sans qu'il eût à en craindre aucuninconvéùieht. Aussi eut-il recours à lui et non auxHollandais, dont l'esprit dominateur M mercantile èla fois ne le rassurait point suffisamment. Il ne voyaitpas, d'ailleurs, d'un bon oeil leurs envahissements

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prodigieux dans l'iode, et il 'n'était point fôché d'éta-blir un contre-poids à l'extension de leur commercedans le royaume de Siam en particulier, où ils avaientdéjà pénétré. Ces vues d'intérêt personnel étaientcouvertes sous le désir apparent du bien général de lanation siamoise. C'était la mettre en rapport avec unmonarque puissant dont l'alliance et la protectioipouvaient la défendre contre ses énnemis; c'étaitoffrir de nouveaux débouchés à ses productions et en-courager l'activité et l'industrie, qui n'étaient sansdoute pas entièremeiit détruites; c'était, enfin, ouvriraux nations européennes une concurrence qui pou-rail enrichi! - le pays en leur permettant de s'y enri-chir elles-mêmes.• Aussi, en parlant ce langage au roi de Siam, Con-

stance n'eut-il point de peine à le faire entrer com-plétemerit dans ses desseins. Ce roi fut bientôt déter-miné à rechercher une allince où son ministre luifaisait entrevoir de si grands avantages.

Pour atteindre ce but, une preinièrè ambassadefut envoyée à Louis XIV en 1681 ; mais elle péritpèndant la traversée. Untel contre-temps ne chan-gea rien aux dispositions de Constance Phaulkon en-vers la France il ne fit qu'en retarder l'effet.

Cependant il ne négligeait aucun moyen de ddnheiaide et protection au petit nombre de Françaii établisà Siam ou se trouvant en rapport avec ce royaûme;afin de faciliter par ses bons offices les ' relations qu'ilavait tarif à coeur de créer avec le gouvernement deLouis XIV, lorsqu'une nouvelle occasion de les pré-poser viendrait se présentér. Jusque-là, il 'en'coura-

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geait, et soutenait de tout son crédit, et de préférenceh ceux des autres nations, lis.missionnaires françaisqui prêchaient l'Evangile dans cette contrée. Il con-tribuait à la prospérité du séminaire qu'ils y avaientfpndé, en leur fournissant un grand nombre dejeunSélèves et en déterminant même des talapoins ou prê-tres du pays à se faire instruire par eux. Enfin, enfaisant valoir le zèle que le roi de Siam montrait pourla propagation du.catholicisme et son désir de leconnattre è . .fond, il faisait entrevoir la possibilité deconvertir sinon ce printe lui—même,, du moins unegrande partie de ses sujets.'.là.

En même temps il déterminait le roi à signer, avecla Compagnie française des Indes, un contrat en vertuduquel (C doresenavant la Compagnie puisse achepter,sans aucun empeschement, du cuivre et autres mar-chandises qui viennent du dehors le royaume deSiam, comme aussi que d'aujourd'hui, 4684, en troisans, la Compagnie puisse achepter tout le poivre quis'est, semé et qui se recueillera dans tout Je circuit deCountepa, sans qu'aucun marchand étranger en puisseachepter. De plus, Sa Majesté ordonne que-tout lepoivre qu'elle a donné ordre de semer dans tout lecircuit des terres du costé d'en haut et de celles d'enbas de Siam et de Ligor, sera pour la Compagnie, etque, encore bien que le poivre augmentast ou dinii-nuast de prix .parmy 71es marchands, la Compagnidcependant l'acheptera tousjours pour le même prii, 'eton deffendra à tous marchands estrangers d'achepterou enlever aucun poivre de celuy qui sera recueillydans les liéux g-dessus. S'il arrivoit que les officiers

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des magazins du roy n'eussent pas besoing de poivre,en ce cas, le chef de la Compagnie prendra le tout..• Voici en quels termes les directeurs de la Compa-gnie écrivaient eu France, le 28 avril 1685 « Lecommerce de Siam n'a pas été désavantageux, partirculièrement . pour les marchandises de la caste qui yont été vendues. Il y a eu du proffit, mais qui. auroitété plus considérable si nous avions eu des fonds pourfaire des cargaisons plus fortes. Depuis que M. Des-landes a fait l'accord au sujet du poivre, neuf millehommes y ont travaillé, dont chacun a été taxé etobligé de cultiver et entretenir deux cents pieds ourampes de celte épiceri. Le roy a encore envoyéquatre mille hommes pour travailler à ce plantage, cequi fait à présent treize mille personnes. Le roy deSiam continue dans ses sentiments advantageux etrespectueux pour notre grand monarque. Ce princeprend un plaisir singulier au récit de tant de bellesactions de notre invincible roy; ,c'est une de ses pas-sions d'en entendre, parler, et nous sommes chargésd'en écrire les moindres particularités. - La, nouvellequi fut donnée, l'année dernière, à ce prince de lamort de nostre incomparable reine l'a fait déterminerd'envoyer en France pour en faire ses condoléancesà nostit grand roy. Les envoyez nommez pour cetteaction sont passez à Goa, dans un navire portugais,avec d'autres envoyez que ce prince:envoye aussi auroy de Portugal. Ils doivent tous partir de Goa pourLisbonne dans le mois de janvier prochain. Les gensqui sont nommez pour. passer de là en France sontchargez de présens pour nostre grand roy. Le royde

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Siam coûtinuè dans le dessein d'envoyer d'autres am-bassadeurs en France : ce prince n'attend que lessentiméns de la cour sur ce second envoi.

« LèiièurPhadlkon a tellement acquis les bonnesgrkes du roy, qu'il est à présent un des principauxofficiers, et toutes les affaires passent par ses mains.C'est un homme d'esprit et de crédit,--fort affectionnéà vostre Compagnie, qui vous sert avec coeur danstoutes les. occasions. Le roy de Siam continue aussitiùsjôurs dan la bienveillance pour vostre Compa-gniè. »

TV.

Informé de toutes ces avances, qui intéressaient àla fois son zèle religieux, son ambition et son désird'abaisser la puissnce hollandaise flatté par tantd'endioits.sensibles, Louis XIV se déôida facilementààccepter une alliancequi lui était offerte avec tantd'exlipressemcnt et d'une manière si peu équivoque.Après une sêcôndeatbassade du roide Siam, qui futplus heureuse que la première, mais de l'arrivée delaquelle il n'était point encore informé, il résolut delui en envoyer une à son tour, pour l'assurer de sonamitié, lui témoigner sa reconnaissance de tout ce qu'ilavait fait jusque-là en faveur de la religion et ducommerce de la France, l'engager à persévérer dansces bons procédés et sentiments, et établir les basesd'un traité d'alliance entre les, deux pays. Il choisit

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jour ambassadeur extraordinaire lé chevalié déChaumant, auquel il adjoignit l'abbé de Choisyhomme habile et expérimenté, et des missionnairesqui devaient travailler à la conversion des Siamoisparmi eux se trouvait le P. Tachart (t) en quiPhaulkon prit une confianc&touté particulière (2).

Le 3 mars 4685, cette ambassade partit du port deBrest sur le vaisseau l'Oiseau et là frégate la Maligne,commandés par M. de Vàudricourt. Après une lieu-lieuse traversée, pendant laquelle. elle relâcha auCap et à Batavia, où elle put reconnattre et admirerla puissance et l'industrie des Hollandais, elle arriva;le 3 septembre, à la Barre de Siam, grand banc desable placé vis-à-vis des trois embouchures du fleuvéMénam, et près duquel se trouve une rade sûre pourles vaisseaux.

Le roine fut pas plutôt informé de l'arrivée du che.valier de Chaumont, qu'il lui envoya deux des man-darins les plus considérables pour le complimenter etrecevoir ses instructions sur le mode de réceptiohqu'il désirait, voulant lui en accorder une aussi écla-tante que possible, et digne du souverain qui l'en-voyait; En effet, il n'y eut sorte d'honneurs, qu'on ne

(1) Le P. Tachart a publié une relation des événements qui sepassèrent sous ses yeux et auxquels il prit une part importante.Le chevalier de Chaumont, l'abbé de Choisy et quelques autresagents du gouvernement français à Siam ont également laissé desrelations de leurs voyages dans ce payé.

(2) Journal du voyage de Siam fait en 1685 et 1686, en tacompagnie de M. le chevalier de Chaumant, par M. L. de C.(M. l'abbé de Choisy)). - Relation du voyage dis cheudiier deChaumant à la cour de Siam, en 1685 et 1686.—Lei'. Techart,Voyages de Siam des PI'. JSsteites.

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rendit au chevalier et à sa suite. On lui fit remonteren grande pompe, dans des bateaux faits d'une seulepièce et nommés balons, le fleuve Menam jusqu'àSiam ou Juthia, capitale du royaume, où le roi l'at-tendait. La lettre qué Louis . XIV adressait à ce princeavait été placée dans un balon particulier, enferméedans une hotte précieuse, sous hn dais magnifique-ment orné. Partout où passait l'ambassadeur, le peu-pie accourait en foule, partout il recevait di nom-breuses salves d'artillerie et d'autres honneurs quejusqu'alors on n'avait accordés à aucun ambassadeur,et qui excitaient la surprise et l'6dmiration des Sia-mois aussi bien que la jalousie des étrangers, en prou-vant le cas particulier que le roi de Siam faisait deLouis XJV.

Lorsque le chevalier de Chaumont se trouva de-vant le roi, il lui dit, en se servant de ConstantinPhauikon pour interprète, que le roi son maUre, fa-meux par tant de victoires et par la paix, qu'il avaitaccordée à ses ennemis, lui avait commandé de venirle trouver aux extrémités de l'univers, jour lui pré-senter les marques de son estime et de son amitié,mais que rien n'était plus capable d'unir deux, sigrands princes que de vivre dans les sentiments d'unemême croyance. Il finit sa harangue en disant que laplus agréable nouvelle, qu'il pourrait porter au roison maUre, serait que Sa Majesté siamoise, persuadéede la vérité, 'voulét se faire instruire dans la religionchrétienne, que cela cimenterait .à jamais l'estime etl'amitié entre les deux rois, et que les Français vien-draient dans son royaume avec plus .d'empressement

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et de confiance. II luit remit ensuite une lettre déLouis XIV, conçue en ces termes:

« Très-haut, très-puissant, très-excellent et très-magnanime prince, et nostre cher et bon amy, Dieuveuille augmenter vostre grandeur avec une fin heu-reuse. Nous aons appris avec déplaisir la perte desambassadeurs que vous nous envoyastes en 1681 ; etnous avons été informé par les prestres missionnairesqui sont venus à Siam, et par les lettres que nos mi'-nistres ont reçues de la part de celay à qui vous con-fiez vosprincipales affaires, l'empressement aveclequel vous souhaitez nostte amitié royale. C'est poury sati sfaire que nous avons choisy le sieur chevalierde Chumont pour, nostte ambassadeur, qui vousapprendra plus particulièrement nos intentions, surtout ce qui peut contribuer à establir pour tousjourscette amitié solide entre nous. Cependant nous seronstrès-aise de trouver les occhsions de vous témoignerla reconnoissance avec laquelle nous avons appris quevous continuez à donner vostre protection aux évesqueset aux autres missionnaires qui travaillent à l'instruc-tion de vos subjets dans li religion chrestienne, etnostre estime particulière pour vous nous-fait désirerardemment que vous veuilliez bien vous-mesme lesécouter et apprendre d'eux les véritables maximes etles mystères sacrés d'une si sainte loi; dans laquelleon a la connaissance du vrai Dieu. Nous avons chargénostre ambassadeur des choses les plus curieuses denostre royaume, qu'il vous présentera comme unemarque de nostre estime, •et il vous expliquera aussicc que nous pouvons désirer de vous pour Vadvautage

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dii commerce de nos sujets. Sur' ce, nous prions biéuqu'il veuille augmenter vostre grandeur..

Escrit en nostré château royal,* le 21 janvier1685.-

• Vostre très-cher et bon amy,

« Signé Louis.Et plus bas COLBEIIT. » f

On peut'voir par la dernière'ernièr partie de cette lettréqùe l'intérêt de la religion n'était pas l'unique soinde Louis XIV; et que la mission du chevalier- deChaumont avait encôre un autre objet, (ont positif etmatériel' Constantiti Phaulkôn répondit pleinement àl'èpinion qu'on avait conçue de son zèle à sérvir lesFrançais. Un grand nombre de couversions"efurentlieu, et il ne tint pas à lui que le roi lui-même ne seconvertit. Mais, quoique circonvenu et pressé détoutes parts, quoique recevant alec plaisir les instriic-.lions des missionnaires chrétiens, ce prince ne se dé-cida -point à' embrasser une religion dont tous Iddogmeslui'semblaient pohrtant bous et utiles. Cettetiédeur se rencontrait d'ailleurs dans une foule deSiamois, et l'on pouvait prévoir à l'estime égale qu'ilsfaisaiént de toutes les religiôn's, que, s'ils l'embras-saient, le christianisme serait toujours un faible lienpour les retenir, et que, le cis échéant, ils renonce'raient sans peine à un culte qui lie les avait pointpassionnés.

Mais, d'un autre' côté, les èncouragenients et laprotection qu'obténait le commerce français semblaientdevoir lui assurer une prospérité durable. Phaulkontic cessait 'de protester au chevalier de Chaumont qu'il

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élèverait notre commerce sur les ruines de celui desHollandais, qu'il promettait d'entraver autant qu'il serait en son pouvoir. Le contrat dont nous avons citéplusieurs, articles prouve que cette promesse n'étaitpas vaine, que l'intention bien arrêtée du ministre deSiam était de nous accorder tons les bénéfices des en-treprises commerciales qui se pouvaient faire dans ceroyaume. Pour ne nous laisser aucun doute k cetégard et nous donner une entière sécurité, en mêmetemps que pour arriver pins vite et plus sûrement àses fins pailiculières, il entra en qualité d'associé - dans• a Compagnie française, et prit une part active à sesopérations, en fournissant pour son propre comptesoit des capitaux, soit des marchandises, voulant s'i-dentifier ainsi, par les mêmes chances de revers et desuccès, avec une nation à laquelle il avait donné toutesa, confiance.

Un document précieux que, sur l'autorité d'un sa-vant distingué (1), on peut croire l'oeuvre de l'abbé deChoisy et écrit de sa main, indique la marche qui luisemblait devoir être suivie si l'on voulait réussir àSiam. Ce document montre que le naturel des Sia-mois était doux, docile, plein de modération et d'hon-nêteté, peu enclin à la débauche, la plupart d'entre euxn'ayant qu'une femme. Curieux et aimant passion-nément les mathématiques, ondevoit voir bientost tousles grands mandarins venir en prendre des leçons chezlés jésuites de Siam et deLouvo. Comme c'estoit unecontinue introduite de tout temps dans le royaume,

(1) M. de Plomnerqué.

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que les talapoins entretinssent dans leurs maisons desséminaires de Ja pluspart des enfans de condition dupays, par l'ordre du roy et l'autorité du seigiieur. Con-stance , les ecclésiastiques franQois pourroient élever cesmêmes enfans dans leurs maisons et les instruire desprincipes de la religion chrétienne, en leur enseignentla géométrie, la navigation, l'arithmétique, laméca-nique et les, autres parties des mathématiques, dont ilsestoient si curieux.

« Pour ce qui estait' du commerce, l'auteur de cedocument, qui ne se flattoit pas d'y estre fort savant,ne croyoit devoir en- rapporter que ce que luy en avaitdit le seigneur Constance 4° que le roy de Francen'avoit qu'à faire dresser les articles d'un traitédéfi-nitif, et qu'il le ferait signer du roy de Siam, ne doub-lant pas que Sa Majesté ne réglast toutes choses aveccette sagesse qui lui 'attiroit l'admiration de tout l'uni-vers.. 20 M. le marquis de Seignelay demandoit une placeforte pour assurer le commerce; mais il lui avait déjàesté respondu qu'il ne seroit point expédient de pren-dre possession, la première année, au nom du royd'une place forte ou capitale dans les provinces, pourles, inconvéniens.suivans: premièrement, les peuples,qui n'estoient pas accoutumés aux François, en seroienttroublés et peut-estre fort .méconténs mais surtoutles Hollandois et les Anglais, qui prèndroient. leursMesures pour ruiner le commerce de Siam, ce qui leurseroit peut-estre assez facile, parce que les Françoisn'ypourroient avoir de longtemps ,des forces capables deles enempeschcr. D'ailleurs les Maures et les Chinois,puissans dans ce royaume, entreraient en défiance

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contre le premier ministre, et comme c'estoit par leursmains que jusqu'alors le plus grand trafic s'estoit fait,il arrivéroit que les marchands de ces nations se reti-.reroient, comme on disoit qu'ils avoient commencé dele faire, depuis que le seigneur Constance vouloit lespriver les avantages de leur négoce. Au contraire, ciis'établissant peu à peu et sous l'autorité du roy deSiam, personne nesoupçonneroit quoy que ce fust, toutse mesnageant dans le dernier secret, comme le sei-gueur Constance le demandoit. Le roi se verroit mais'tre de toutes les provinces, les villes, les vaisseaux duroy de Siam, et de la cour tnesme par les personnesd'autorité qu'on y auroit placées de sa part; Ce seroitparles mains de ses officiers que se feroit tout lecommerce-_on l'avertiroit -de tout; et, dans quelquetemps, les affaires s'estant establies, le nombre desFrançois accru, les officiers du roy sQachant la langue,le revenu de la Compagnie des Indes s'estant aug-menté, de quoy ne pourroit-on pas venir à bout? »

Ces indications si précises, et qui ne tendaient àtien moins, en dernier résultat, qu'à nous. rendremaîtres du royaume de Siam, étaient conformes auxvues du gouvernement de Louis XIV, dès l'époquemême où le chevalier de Chaumont fut envoyé. Noncontent de composer cette ambassade d!hommes ca-pables de lui donner des renseignements exacts surl'état politique et social de ce royaume, le gouverne-ment crut devoir y attacher en même temps un ingé-nieur pour lever les plans des principales villes, et luifaire connaître si elles étaient fortifiées ou commentelles pouvaient l'être. Celui qui fut chargé de ce soin,

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en envoyant en. France les plansde plusieurs villes,écrivit qu'il avait trouvé là capitale, dans :une très-belle situation, au milieu d'une grande plaine bornéede tous côtés par l'horizon, excepté du côté de l'orient,où l'on voit les. montagnes de Camboje, qui en sont àhuit grandes lieues. La rivière passait autrefois toutautour de la ville; mais, depuis quelques années, onavait fait une digue qui l'en empêchait; cependant il•y avait toujours de l'eau tout autour, excepté à cettedigue qui séparait les eaux de la grande rivière. L'en-ceinte était une fort mauvaise muraille de . briques,éboulée presque partout, et flanquée, seulement enquelques endroits, de très-mauvais ouvrages. Cetteenceinte avait 64,000 toises de tour. La ville étaitpercée de belles rues et de canaux à côté des rues,derrière les maisons; Celles-ci n'étaient pour la plu-part que de bambous. La ville paraissait renfermerune population assez nombreuse, mais difficile à éva-luer au juste. .

.11 donnait quelques détails sur une autre ville,Louvo, dont l'enceinte n'était que de terre relevée sansordre, avec un mauvais fo'sé d'un côté et une rivièrede l'autre, mais dont le terrain d'alentour et la situa-tion surpassaient .tout ce que l'on pouvaitdire.0 étaitauprès de cette ville que se faisait la chasse des élé.-phants, dont il vit un jour prendre une douzaine. Leroi, qui aimait beaucoup cette ville, y avait fait bâtirun palais qui n'axait rien de, beau que des tuiles d'unvernis si brillant qu'elles paraissaient toutes d'or lors-que le soleil donnait dessus.

A, son retour, en France, le chevalier de Chaumont

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ne ramena point cet ingénieur. Il le fit autori-ser à fortifier les meilleures places du royaume,en qualité d'ingénieur du roi de Siam, cherchantainsi à écarter tout soupçon des véritables desseinsque le gouvernement français avait formés sur cepays.

Constantin 'Phaulkon, qui ne négligeait aucun moyende cimenter une alliance qu'il avait fait naRre et qu'ilavait à coeur d'entretenir, décida le roi de Siam à en-voyer à Louis XIV une nouvelle ambassade. Composéede trois mandarins, elle partit sur les vaisseaux du che-valier de Chaumont, et arriva en France en mêmetemps que lui. C'est de cette troisième ambassadequ'il est tant fait mention dans toutes nos histoires.Louis XIV voulut la 'recevoir entouré de toute sagloire, déterminé en cela non point seulement par sonamour pour l'ostentation, comme on le lui a repro-ché dans cette circonstance , mais par le désir deprouver à ces étrangers que sa puissance répondait àl'idée qu'on:leur en avait donnée D'ailleurs il ne fai-sait que: rendre aux envoyés du roi de Siam des hon-neurs que le sien en avait reçus le premier. S'il eneût cru le chevalier de Chaumont, il les aurait, traitésencore plus splendidetiieht. Dans une lettre que lechevaliér écrivait de Siam, il disait que jamais ambas-sadeur 'de Perse, de Mogol, ni même de. la Chine n'a-vait été reçu 'comme lui; que le roi de Siam avait passéparclésus toutes ses coutumes pour honorer le pre-mier ambassadeur de France qui eût paru dans lesIndes qu'il n'avait pas logé dans une maison qui nefût faite exprès et magnifiquement meublée; que par-

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tout il était reçu sous un dais en broderie paries plusdistingués des mandarins, et que, pour reconnaretant d'honneurs, il ne fallait en refuser aucun auxambassadeurs siamois, allant jusqu'à proposer de tirerle canon dans toutes les villes où ils passeraient.Louis XIV n'était pas homme à négliger entièrementun tel avis. Au surplus, quand son goût naturel pourl'éclat et la pompe ne l'y eût point porté suffisamment,la reconnaissance et son intérêt lui faisaient un de-voir d'user de représailles.

Voilà ce que plusieurs historiens ont méconnu,parce qu'ils ne se sont pas enquis des faits d'une ma-nière suffisante. Ils ont regardé presque tous cetteambassade siamoise comme une pure comédie,n'ayantd'antre objet que de frapper les yeux , sans songerqu'il y avait un côté grave dans le caractère deLouis XIV, et que les frivolités eittieures de sa con-duite couvraient souvent un but sérieux.

Rien ne fut donc omis pour faire aux envoyés uneréception digne de la grandeur de Louis Audienceroyale, fêtes, spectacles, tout fut prodigué à ces Orien-taux, qui, tout en reconnaissant l'immense inférioritéde leur patrie, savaient pourtant admirer chez nous,sans se laisser éblouir, et faisaient toujours preuve debon sens par des observations simples à la fois et ju-dicieuses, Des volumes entiers furent imprimés alorssur les divertissements de toutes sortes qu'on leur pro-cura, sur les manières, les habitudes, les moindresparoles, les moindres actions de ces étrangers pendantleur séjour en France. Rarement on rencontre uneréflexion sérieuse sur le véritable objet de leur mis-

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sion (I). Des pages nombMuses sont consacres à lanomenclature détaillée et minutieuse desprésentsqu'ils déposèrent aux pieds de Louis XIV, de ceuxqu'ils furent chargés d'offrir à leur roi, aux visitesqu'ils reçurent, b celles qu'ils rendirent, à la des-cription de leurs costumes, aux flatteries les plus in-signifiantes pour Louis; elles sont écrites, pour la plu-part, dans la vue de satisfaire la curiosité la plus fri-vole ; l'intérêt national n'y joue aucun rôle. Il fautdire aussi qu'à cette époque le public s'occupait peude discuter les questions d'intétêt général, qui, d'ail-leurs, ne tombaient point chaque jour comme aujour-d'hui dans son domaine. S'il s'enquérait des actes dugouvernement, ce n'était guère pour les contrôler,et la presse périodique en était encore aux propor-tions du Mercure galant, recueil qui fournit surabon-damment des détails sur les moindres particularités denos affaires de Siam, en laissant de côté les chosesutiles.

V.

Un traité avait été conclu à Louvo entre les deuxnations. Mais les clauses n'en avaient pas été suffi- -samment élaborées par le chevalier de Chaumont, qui-passa la meilleure partie du temps de son séjour à

(1) Mercure galant, septembre, novembre et décembre 1686;janvier, mars, avril 1687. - J. d'Auneau, le Voyage des asnbas-adeu,-s de Siam en France, et leur réception eu 1686.

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Siameô voyages avec le roi et en cérémonies ihfruc-tueuses; Constance Phaulkôn, estimant que ce traiténedonnait pas assez d'avantages aux Français, leureu offrit de nouveaux et de plus positifs. LI chargeale P; Tachait, qui jouissait de toute sa confiance, etqu'il munit d'une lettre de créance du roi de Siam, dese rendre auprès de Louis XIV, et de lui proposerd'établir des Français pour gouverneurs dans toutesles places du royaume, de leur remettre tous les postesqui lui seraient demandés,, et de donner A la nationfrançaise une entière liberté de commerce, aux condi-.tions les plus avantageuses. Pôur montrer que ses in-tentions étaient sérieuses, il demandait qu'on envoyâtimmédiatement des vaisseaux 1 des troupes de terre etde mer, et des ingéiiieurs pour fortifier 'les places.Venant ensuite à son but particulier, il réclamait déLouis XIV, comme récompense de ses bons officesenvers la FrSce, In permission de s'y retirer, s'il sur-venait quelque changement qui compromit sa sûretéet celle de sa famille dans le royaume de Siam. IIavouait son désir d'être naturalisé Français et son in-tention d'envoyer prochainement son fils à Paris.

Louis XIV s'empressa de répondre à des offres siavantageuses. Afin d'obtenir de Phaulkon un completdévouement, indispensable à l'exécution de ses projets,il lui accorda, outre des lettres de naturalité pour lui etsa famille, un brevèt d'assurance pour une terre donnanttitre de comte eu France, avec la permission de portertrois fleurs de lis dans ses armes. Il le nomma, de plus,chevalier de l'ordre • e Saint-Michel. Persuadé que detels procédés fortifieraient le ministre dé Siam dans.

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les intérêts de la France, le roi ordonna ensuite t'ar-mement de cinq vaisseaux à Brest, et fit embarquer600 hommes d'infanterie, sans compter les équipages,un assez gSnd nombre d'officiers de marine et desbombardiers, avec des mortiers et des bombes. Ildonna le commandement de ces troupes à-un maréchaldes camps nommé Desfarges, homme d'une valeuréprouvée, qui avait vieilli dans les armées, mais qui,dans le cours de cette mission, montra moins d'habi-leté qu'on ne l'avait espéré. Un commissaire de ma-rine, nommé -de Lasalle, devait l'accompagner. Deuxenvoyés extraordinaires; MM. de la Loubère et Céheret,étaient chargés de défendre auprès du roi de Siam lesintérêts de la France.

Les instructions très-détaillées qui furent remisesaux deux envoyés leur rappelaient les antécédents dela compagnie française des Indes-Orièntales. Etablieen 4664, elle avait subi toutes les difficultés des en-trepr•ises nouvelles, et aurait infailliblement succombé,site gouvernement n'eût jugé à propos, en 1685, dechercher à la rétablir, en déterminant un certain nom-bre d'actionnaires t fournir de nouveaux fonds. Leseul établissement de l'ancienne était à Surate ; lanouvelle n'en avait point d'abord cherché d'autre. En-siiite, le gouvernement, ne voulant point que le com-merce des toiles de coton peintes, la seule marchan-dise que pût fournir Surate, fit du tort aux manufac-tures de France, avait entravé cette industrie en ymettant des droits exclusifs, de sorte que la compagnies'était vue obligée de porter ailleurs le centre de sesopérations. « L'empressement avec lequel le roy de

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- 38 -SiaÔ a recherché l'amitié de Sa majesté fie laisseaucun lieu de doubter que ceux qu'Elle a chargés ducommerce dés Indes ne puissent réparer avantageu-sement Iô . perte qu'ils font dans l'établissement deSurate par ceux qu'ils pourront faire dans le royaumede Siam, qui se trouve beaucoup plus avantageuse,et qui peut fournir des ports et des retraites seures,tant pour les vaisseaux qui feront le commerce de lacoste deCoromandel, que pour ceux qui le ferontdons les parties plus orientales des Indes.

« Il n'y a pas lieu de doubler que les protestationsd'amitié du roy de Siam ne soient sincères, par l'inté-rest considérable que ce roy a de s'attirer la protec-tion de Sa Majesté contre les Hollandais, qui sont sesennemis naturels, et qui, estant maîtres de Malaca,qui faisait autresfois partie de son royaume, sont tousles jours en estat de l'attaquer jusques dans sa villecapitale, sans qu'il puisse, dans la faiblesse où il est,opposer des forces suffisantes contre des ennemis quisont aussi. redoutables; et cette raison est si puissanteà son esgard, qu'il s'en expliqua luy-mesmc au che-valier de . Chaumont, et lui offrit mesme de conveniravec iuy de tout ce qu'il luy demanderoit pour l'ad-vantage de la compagnie française.

« Sa Majesté veut que le P. Tachart soit chargé deproposer au sieur Constance d'establir, de la part etsous l'autorité du roy de Siam, un gou'erneur fran-çais à Bankok, et de donner une retraite dans cetteville à une garnison française qui y sera establie, avecla permission de fortiffier ce poste à la manière d'Eu-rope, afin de le garder, pour le service du roy de .Siam

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contre tes entreprises que pourraient faire tes roys sesvoisins ou les liollandois. Le posté de Merguy estaussi considérable pour le commerce de Coromandelet pour celui du reste des Jades, que celuy de Ban-kok pour le commerce du golphe de Siam et de lacoste de la Chine ainsy ils doivent pareillement de-mander qu'il y soit establi un gouverneur et une gar-nison française; et il est d'autant plus important del'obtenir, que c'est la seule retraite que les vaisseauxde la compagnie qui font le commerce de la coste deCôromandel et du golphe de Bengale puissent avoirpendant l'hyver, et que, d'ailleurs, ce poste met en-tièrement la compagnie hors de la dépendance desilollandois, en ostant la nécessité de passer par te des-troit de la Sonde ou de Malaù, les rivières qui af-fluent h Merguy donnant facilité pour la voiture desmarchandises qu'on voudroit envoyer à Bankok.

« Bien qu'il n'y ayt aucune apparence qu'ils trou-vent de la difficulté dans ce qu'ils demanderont de lapart de Sa Majesté, et que le plus grand inconvénientqui pust arriver serait d'être obligé de se servir de laforce ouverte, ce qui feroit nu très-mauvais effet pourla religion et rendroit plus difficiles les étabtissemensde la compagnie, cependant, si le changement quipeut estre arrivé depuis le départ du P. Tachart, oucelny de la volonté du roy de Siam, leur ostoit touteespérance de réussir dans leur négociatiôn, Sa Majestés résolu, en ce cas, de faire attaquer Bankok et des'en rendre maistre h force ouverte.

« Après avoir réglé ce qui regarde les deux postesde Merguy et de Bankok, et avoir. yen débarquer . les

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troupes pourprendre possession du lieu qui aura estéaccordé, ils se débarqueront avec toute leur suite pouraller à Siam, dans les bastiments qui leur seront en-voyez par le roy, auquel ils porteront la lettre de SaMajesté, qui sera présentée par ledit sieur de la Lou-hère, de la mesme manière que le:sieur chevalier deChaumont la présenta lorsqu'il y fut de sa part. Lesprésents destinez pour le roy de Siam de la part de SaMajesté seront portez à cette première audience avecles précautions nécessaires pour estre donnez dans leurentier et sans estre gastez. Ceux destinez pour ledictroy de la part de Monsieur le Dauphin seront présen-

:tez à une autre audience, et à l'esgerd de ceux deMadame la Dauphine pour la princesse de Siam, ilss'informeront de la manière la plus convenable de lesprésenter, sans insister néanmoins 4 demander pourcet effet des choses contraires aux usages du pays. »

Les mêmes instructions recommandaient fortementaux deux envoyés de rappeler au roi de Siam les es-pérances qu'il avait données de se faire instruire àfond dans la religion chrétienne. En cela, ils devaientse concerter avec l'évêque de Métellopolis, établi àSiâm depuis plusieurs années, et avec ConstancePhaulkon lui-mémé, dont le zèle pour le christianismedevait les servir beaucoup. Louis XIV les avertissaitqu'il n'estimait rien de plus glorieux pour lui que decontribuer à faire connattre la sainteté de notre reli-gion au roi de Siam, quoiqu'il ne se dissimulât pointla difficuté qu'on rencontrerait à le convertir. Ils de-vaient demander aussi que les missionnaires françaiscontinuassent à jouir des avantages qu'on leur avait

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accordés, et tAcher de leur en procurer de nouveaux.Le commandant des troupes, flèsfarges, était muni

d'une instruction particulière par laquelle il étaitaverti que, suivant l'opinion du roi, 600 hommeschoisis devaient suffire dans ces commencements, etque, fortifiés par cinq vaisseaux, ils se trouveraient enétat de tout entreprendre et de porter la terreur danstous les endroits des Indes, s'il y avait nécessité de lefaire; que, dans le cas, peu probable, où il lui faudraitattaquer Bankok pour s'en rendre maître, cette ville,la plus importante du royaume de Siam, était presqueentièrement ouverte du côté de la terre, et qu'ellen'était actuellement défendue que par quelques Mait-res qui n'avaient jamais fait la guerte; que les natu-rels ne lui offriraient pas beaucoup plus de résistance,attendu que les Hollandais, avec 200 des leurs, enavaient toujours battu 20,000. 11 lui était prescrit defortifier Mergny et Bankok, aussitôt que ces deux pla-ces seraient en sa possession. Les conseils qui luiétaient donnés sur les moyens d'y parvenir prouventque le gouvernement possédait les renseignements lesplus précis sur ces deux positions. Il était prévenuaussi que rien n'était plus impoitant que cette promptefortification, qui le mettrait à couvert de toute sur-prise, particulièrement de la part des Hollandais, con-tre lesquels il devait être toujours en garde. Et,comme de l'établissement solide et durable du com-merce devait dépendre le succès des antres desseinsdu gouvernement, il devait faire tous ses efforts pourle soutenir et lui donner une entière protection, aprèss'èlre entendu à cet égard avec le chef du comptoir

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de "la compagnie, qui devait s'établir dans le principalposte occupé par lui.

Chaque agent supérieur émportait une instructionparticulière, attestant, par tous les détails et toutes lesprévisions qu'elle renfermait, que le gouvernementavait pris cette affaire è coeur et travaillait pour l'avenir.

L'instruction du commissaire de la marine, outre despres&iptions nombreuses concernant la surveillancedes équipages et tout ce qui avait rapport aux vais-seaux, lui enjoignait d'établir des hôpitaux dans tous lespostes occupés par les Français, et d'avoir soin queles médicaments et le linge embarqués pour cet usagey fussent répartis d'une manière convenable; de faire,de concert avec Desfarges, au moins une 'fois par

mois, une revue des troupes; de visiter les fortifica-tions, de tenir un compte exact des journées d'ou-vriers et des matériaux; Etendant ensuite ses obser-vations à d'autres objets, il devait s'appliquer à con-naître les moeurs et le génie des Siamois, les produc-tions de leur pays et celles qui étaient apportées soitdis Indes, soit de l'Europe, le chiffre approximatif dela consommation, celui de l'exportation, dans quellescontrées celle-ci avait lieu, si les Siamois payaient enor, en argent ou par échange Tes marchandises qu'onleur portait, quelles étaient ses manufactures, de quelspriviléges et avantages jouissaient les autres nations àSiam; en un mot, toutes ses remarques sûr les moyensles plus sûrs d'établir notre commerce et notre in-fluence devaient être consignées dans des mémoiresqu'il était chargé d'ônvoyer en France par toutes lesoccasions.

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Le 1tT mars 1687, l'escadre sortit du port de Brest,commandée par M. de Vaudricourt, le même quiavait conduit à Sien' le chevalier de Chaumont. Cettefois c'étaient cinq navires qu'il avait sous ses ordres.C'était bien encore une ambassade, mais fortifiée detroupes qu'il était chargé de mener dans un pays quine lui était plus inconnu.

Par la même voie; s'en revenaient dans leur patrieles trois ambassadeurs siamois, qui, après avoir étémagnifiquement traités par Louis XIV, et défrayés detoute la dépense de leur séjour en France, portaientencore de sa part 'de riches présents à leur souverain.Il y avait des étoffes de brocard, d'or et d'argent,avec des fonds de diverses couleurs et rehaussées debrillantes garnitures; deux miroirs d'argent, pesantensemble 95 marcs; des chandeliers et des girandolesde même métal, des fusils, des pistolets, de beauxmeubles en marqueterie, deux grands tapis de la Sa-vonnerie, et quantité de verres et de cristaux garnisde cuivre doré ou de vermeil; une épée d'or avec sonbaudrier et un portrait du roi à cheval. Ce n'étaitpoint Louis XIV seulement qui tenait è donner auroi de Siam une haute idée de sa richesse et de samunificence, mais aussi les princes de la cour, et enparticulier le duc du Maine, qui envoyait un magnifi-que lustre et une caisse remplie de curiosités précieu-ses. Ces mandarins rapportaient en même temps unefoule d'objets qu'ils avaient achetés en France parl'ordre et pour le compte de leur makre, des cristaux,des glaces, des étoffes, des habits, des monires, des in-struments d'optique et de mathématique, des sphères,

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-kil'-

cent mousquetons et soixante piècesde canon de dif-férents calibres.

La traversée ne fut point heureuse. Les Holtaniais,qui, à son premier voyage à Siam, avaientîait ûnbon accueil à M. de Vaudricourt dans leur établissé-ment du Gap et de Batavia, le reçurent fort mal cettefois; à peine lui permirent-ils de prendre les rafral-chissements indispensables à son équipage, et ils refusè-rent aux malades, qui étaient fort nombreux, le tempset les secours nécessaires pour se rétablir. Côirnais-sant alors les véritables desseins du gouvernementfrançais; qu'ils avaient tout intérêt à entraver, ils segardèrent d'en favoriser l'exécution; ils se souciaientpeu d'observer les lois 'de l'humanité, pourvu qu'ilscontribuassent à faire manquer une dntreprise rivale:

Au commencement d'octobre 4687, la flotte setrouva en face de la Barre de Siam. Attendus impa-tiemment par te roi et son ministre, les envoyés dé-bar au bruit •du canon. Les troupes furentabondamment piourvuesde vivres, etconstance Phaul-kon fit transporter les malades à Bankok, pour qu'ilsy reçussent tous tes soins que nécessitait leur guérison.

Fidèle aux engagements qu'il avait pris avecLoûls XIV, il s'empressade remettre Bankok entreles mains du général Desfarges; et, pour donner plusde solennité à cet acte, il le reçut dans la ville à Jatête de trois cents Siamois et d'une centaine de Por-tugais, lui conférant hautement le titre de général destroupes françaises et siamoises. de Bankok, avec uneentière autorité sur ces dernières. Avant de quitterBankok, Phaulkon préposa un mandarin et des ouvriers

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du pays à la construction de magasins destinés à re-cevoir les munitions qui n'étaient point encore débar-quées entièrement, •et il donna d'utiles conseils surl'hygiène à suivre pour conserver sous ce climat lasanté de nos soldats.

Quelques jours après, les envoyés firent leur entréedans la ville de Siam. ils eurent du roi une audiencequi annonçait la continuation de ses bonnes disposi-tions et lui remirent la lettre de Louis XIV, qui futaussi bien accueillie que - la première. Desfarges, ac-compagné de douze officiers, lui fut présenté parConstance Phaulkon. Il assura ce prince qu'il était dé-cidé à lui consacrer le reste d'une vie toujours fidèleet déouée, et que ses fils étaient résolus d'en faireautant, ainsi què tous les Français qu'il avait amenés.À quoi le roi répondit qu'il acceptait leurs servicesavec empressemént et qu'ils pouvaient compter surlui pour leur avancement et leur fortune autant quesur Louis XII/ lui-même.

Plein de sollicitude pour le bien-étre de nos trou-pes, qu'il regardait déjà comme les siennes, il ordonnaque rien ne manquât dans les logements et les hôpi-taux, s'enquérant continuellement de l'état des ma-.lades et se montrant affligé lorsqu'il en mourait.

Cependant la dyssenterie faisait de grands ravagesparmi nos soldats. Une mauvaise nourriture et le dé-faut de rafraîchissements pendant la traversée enavaient déjà fait périr un graiid nombre. De 600 quis'étaient embarqués, il n'en restait guère que 400, quiencore n'étaient point S tous bien portants. Toutefois,pour remplir ses instructions, nesfarges n'hésita point

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à diviser sa petite troupe. II envoya un déthchcmentcommandé par un brave officier, nommé du Bruant,prendre possession de Mergny, la seconde place quinous avait été promise, trop distante de Binkok pourque les deux garnisons pussent facilement se secourir.si elles en avaient besoin; mais rien ne donnait àcraindre une telle éventualité.

Le traité signé par le chevalier de Chaumont futmodifié de la manière la plus avantageuse pour lacompagnie, qui obtint tous les privilèges qu'elle pou-vait désirer. Pbaulkon s'associa particulièrement pourune valeur de 300,000 livres

k son commerce, qu'il

protégeait toujours de tout son crédit. 11 semble que,dans un triste pressentiment du sort qui lui était ré-servé à Siam, il voulût mettre une partie de sa fortunesous une sauvegarde puissante, sinon pour lui-même,du moins pour les siens.

Mais déjà ce n'était plus seulement un centre decommerce que le gouvernement français cherchait àcréer dans le royaume de Siam, c'était en mtiietemps un point d'appui pour ses opérations militairesdans les autres parties de l'Inde, et une retraite pourses vaisseaux.

Le roi de Golconde avait repris Sint-Thomé surla compagnie, maîtresse de cette place pendant quel-ques années. II s'était de plus rendu coupable de vio.lence envers les commis de la compagnie. fleâ né-gociations étaient entamées depuis assez longtempsentre le roi et 'les directeurs, qui demandaient unéquivalent, sans avoir pu encore l'obtenir. Louis XIV,instruit de cette lenteur volontaire du roi det3olconde

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à donner satisfaction, chargea le capitaine de marineDuquesne-Guitton, neveu du grand Duquesne, et Cé-beret, l'un des deux envoyés à Siam, d'obtenir, parune nouvelle négociation ou par les armes, qu'il fûtfait droit A de justes réclamations. C'est ici qu'onpeut voir le rôle important que le gouvernement ré-servait au royaume de Siam, et quelle force il comp-tait en tirer pour former dans l'Inde d'autres établis-sements. JI est dit dans l'instruction du sieur Céberet,relative à cet objet « Sa Majesté, voulant bien ac-corder à la compagnie des marques de sa protection,a donné des ordres au sieur Duquesne-Guitton, capi-taine du vaisseau l'Oiseau, de passer de Siam à lacoste de Golconde avec ledict vaisseau et la Ouste laNormande, pour appuyer l'entreprise des directeurset leur faire obtenir des conditions advantageuses.Elle veut donc qu'il convienne avec lediet sieur -Du-quesne-Guitton, avant qu'il soit détaché de Siam, desrendez-vous qu'ils auront à prendre pour l'exécutiondes ordres de Sa Majesté, et que ledict sieur Céberet,après avoir achevé les négociations dont il est chargéà Siam, s'en aille par terre à Merguy, où il sçait quela compagnie a donné ordre au navire le Présidentde se rendre pour hyverner, avec les prises qu'il aurapu faire sur le roy de Golconde et ses subjets. Ledictsieur Céberet estant bien informé des choses qui con-viennent à la compagnie pur son plus grand advan-tage, Sa Majesté se remet à luy de demander ce quiluy sera le plus convenable, et elle lui dira seulementà cet esgard qu'il doit insister, autant qu'il sera pos-sible, pour obtenir la propriété ou la disposition d'un

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poste convenable pour le commerce, laissant à sonchoix de demander la restitution de Saint-Thomé oud'une autre place sur les lieux, entre celles qu'il trou-vera les plus advantageuses.

L'instruction du capitaine Duquesne-Guitton estécrite dans le même sens: « Jl prendra à Siam lespilotes !es plus expérimentez 'ipi'il pourra trouver,pour faire sa route par le destroit de Malaca, et seTendra à la rade de Merguy, où il trouvera le navirele Président avec le sieur Céberet. Sa Majesté a chargéla compagnie d'envoyer ledict vaisseau à la cosW deGolconde avec ordre de prendre les navires qui setroùveront appartenir au roy de ce pays ou à ses sub-jets, et exercer contre eux toutes sortes d'hostilitez,et de mener à Merguy les prises qu'il pourra faire, letout dans le dessein de luy donner la paix, s'il se meten estat de la mériter. Et comme Sa Majesté û chargéledict sieur Céberet de cette négociation où de conti-nuer les hostilitez, s'il l'estime nécessaire, Iedict sieurDuquesne-Guitton se conformera à ce que le sieurCéberet luy fera connoitre du service de Sa Majesté. p

Céberet et Duquesne-Guitton passèrent à la côtede Coomandel, en janvier 1688. Malheureusementils trouvèrent le roi de Golconde prisonnier, par suited'événements imprévus, et furent obligés de revenir:sans avoir pu remplir leur mission.

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VI.

En se renfermant dans son objet principal, le gou-vernement obtenait les résultats qu'il s'était promisd'un second envoi à Siam. La religion et surtout lecommerce recevaient du roi et de son ministre favoriun nouvel appui et de grands encouragements. Lesdeux places les plus importantes avaient été remisesentre là mains dei Français, en sorte qu'ils pouvaientregarder comme de plus'en plus fondée la prétentionde disposer bientôt de ce pays, comme s'il leur eûtappartenu en pr6pre, et jusqu'à un certain point es-pérer môme d'en devenir tout à fait maîtres.

Cependant certaines circonstances devaient, dès cetteépoque, inspirer aux esprits tant soit peu clairvoyantsde justes inquiétudes sur la stabilité d'une influencedont les bases n'étaient point aussi fermes que ses pro-grès avaient été rapides. Certains symptômes faisaiententrevoir. qu'il faudrait aux Français beaucoup de mé-nagemezts, de précautions et de courage pour la dé-lèndre contre le mauvais vouloirS de la majorité desindigènes et

1la jalousie des étrangers.

Les mandarins les plus considérables du ryaurne,voyant leur autorité diminuer à mesure que celle dufavori augmentait, ne pouvaient en dissimuler leurmécontentement. Ils cherchaient tons les moyens derenverser un crédit qu'ils avaient toujours détesté, etdont les effets tendaient livrez les destinées du'paysà une nation dont ils reconnaissaient sans peihe la su-

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périorité. On peut croire qu'ils ne' demeurèrent pas- étrangers à une conspiration tramée contre le roi parles mahométans du royautiie, jaloux des honneurs ex-traordinaires accordés aux envoyés de France et desavantages de toutes sortes dont jouissaient les Français,bien qu'ils ne fussent- établis è Siam que depuis très-pende temps. Phaulkon donna des preuves de courageen combattant les conjurés, qui avaient pris les armeset devenaient de plus en plus menaçants. La victoirecomplète qu'il remporte, en lui donnant le double re-lief de ministre habile et d'homme d'action, le renditencore plus cher au roi et augmenta son autorité, sansdiminuer cependant ses inquiétudes sur son avenir. Ilavait appelé les Français dans l'espoir qu'ils lui seraientun ippui, et pour associer leur fortune réciproque;toutefois, malgré sa confiance en eux, ce n'était passans crainte qu'il les voyait devenir eux-mômes enbutte à la haine des principaux Siamois, qui les regar-daient eux et lui comme des intrus M des ambitieux.Il avait compté aussi que la brillante réception faite parLouis xiv à leurs ambassadeurs, que l'éclat de lapuissance de ce prince et ses propositions séduisantesfascineraient les yeux de toute la nation, et la dispo-seraient peu à peu à recevoir Te joug dela Fronce. Etpourtant il s'aperçut à son grand désappointement,que les Français n'étaient point aimés; il apprit mêmeque le plus considérable des trois mandarins qui étaientvenus en France comme ambassadeurs, en était re-venu notre ennemi déclaré et Faisait partager sanspeine à un grand nombre de ses égaux la haine quil'animait.

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Dans de telles circonstances, et les Français étantsi peu nombreux, la plus grande union devenait né-cessaire entre les chefs qui les commandaient, ou plu-tôt il aurait été à désirer qu'une sage prévoyance eûtréuni l'autorité dans une seule main et constitué uneunité de pouvoir, précise, déterminée, ne donnantlieu h aucune contestation, à aucun conflit. L'atten-tion du gouvernement ne se flxa.point d'une manièresuffisante sur cet objet important, et cet oubli enlratnades désordres que le caractère susceptible et irritabledu chef de nos troupes rendit encore plus graves.Pendant la traversée, la désunion avait commencé àéclater entre MM. Desfarges et Vaudricourt. Celui-ciprétendait que le commandement des vaisseaux luiayant été accordé par le roi, tous ceux qùi s'y trou-vaient devaient lui obéir.; et particulièrement que lapunition des soldats le concernait, pendant toute ladurée de la navigation. Desfarges, de son côté,- sou-tenait que la manoeuvre seule des vaisseaux apparte-riait à Vaudricourt, qui n'avait rien à voir dans le com-mandement et la direction des troupes, dont lui seulSétait chargé. Desfarges pouvait être dans son droit,mais il le défendit avec tant d'aigreur et d'emporte-ment que, malgré la bonté de sa cause, il se nuisitdans l'esprit des gens modérés qui l'accompagnaient,à tel point que, tout en rendant -justice à son hon-neur et à sa bravoure, ils n'eurent plus confiance enlui et tremblèrent pour l'avenir. L'exemple donnéhautement par les deux principaux représentants de -l'autorité fut suivi par les antres chefs: dans chaquenavire il y eut conflit de pouvoir, et la mésintelligence

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prit dès lors racine au milieu de cette poignée d'hom-mes qui avaient'tant besoin de demeurer unis.

Tel avait été le prélude de diviions plus sérieusesqui se manifestèrent à Siam entre Desfarges ét tesenvoyés céberet et de la Loubèr& Ces divisionsde-vinrent telles, que ceux-ci rompirent toute bonne re-lation avec le général, chacun ensuite agissant de soncôté pour l'exécution d'ordres qu'il interprétait dansle sens le plus favorable à son autorité plutôt qu'aux[niérêts du gouvernement. Par ufle déclaration offi-cielle en date du 12 décembre 1687, les deux envoyés,rappelant à Desfarges que, selon les intentions du roi,les bombardiers, les bômbes et les mortiers devaientretourner en France, le sommèrent de les y ren-voyer; et, en cas qu'au préjudice de la présente dé-claration et sommation, Desfarges passât outre et re-tînt les bombardiers, bombes et mortiers, ils le pré-venaient qu'il en répondrait au roi en son propre etprivé nm. Ce n'était point là le véritable motif deleurs dissensions ; car tin passage d'uhe lettre écritepar Desfarges à M. de Seignelay, prouve qu'ils étaiententièrement d'accord sur ce point. Mais dans la mêmelettre, il se plaignait de n'être compté pour rien parles envoyés dans leurs négociations avec Phaulkon, etde n'être appelé à leurs conférences que lorsque tou-tes les résolutions étaient arrêtées. Ailleurs c'était,selon lui, le sieur de la Loubère qui cherchait à alié-ner ses officiers S le montrant comme facile à sé-duire par les présents du roi de Siam et de son mi-nistre, a sans sçavoir que toutes les couronnes ensem-ble ne le feraient pas • écarter de son chemin et de la

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fidélité qu'il devoit au roy; c'est pourquoi, sans detrès-profonds respects qu'il avait pour les ordres de SaMajesté et ceux de M. de Seignelay, il croyait que sarage l'aurai( porté aux dernières extrémités. .

A ces plaintes plus ou moins fondées de Desfarges,si l'on joint celles qu'il adressait en même temps àM. de Seignelay sur le mauvais état de nos troupes,réduites, commeon l'a vu, à 400 hommes environ,et divisées en deux corps éloignés l'un de l'autre, surle manque d'officiers habiles et de soldats capables desupporter une plus grande fatigue, on compreùdra.qu'il y avait de justes inquiétudes à concevoir dans lecas d'un événement qui obligerait de recourir à laforce.

Pour contre-balancer ces motifs de crainte, le géné-rai écrivait que le roi de Siam ne cessait de lui de-mander des officiers pour ses troupes, et qu'il lui par-lait toujours de la grandeur, des belles qualités et dela bonté du roi, qui l'avaiênt séduit pour jamais; queson ministre, persévérant dans soh affection pour lesFrançais, leur fournissait tous les matériaux dont ilsavaient besoin pour fortifier, comme ils l'entendraient,les postes qui leur avaient été donnés. il envoyait unétat détaillé de l'arsenal de Bankok, ville où se trou-vaient 70 pièces de différents calibres; 700 mousquets,avec des boulets, des balles et de la poudre en grandequantité, des sabres, des lances - et des munitionsde tout genre. il mandait aussi qu'on se disposaità mettre Merguy dans un état de défense conve-nable à l'importance de cette place. L'ingénieur euchef envoyait des plans du fleuve Menam, depuis la

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rade jusqu'à la capitale, ceux des villes de Siam, deLouvo, Bankok, Ligor, BourdelLin et Singor. Il pro-posait un fort sur le fleuve, à quatre lieues au-dessusde Bankok, et rendait un compte détaillé des fortifi-cations qu'on allait commencer à Merguy.

Ayant de recevoir ces nouvelles, bonnes et mau-,vaises, sur l'état de ses affaires à Siam, Louis MVavait pris la résolution d'y envoyer quelques troupesnouvelles pour soutenir les premières et arriver plussûrement è l'accomplissement de ses desseins. Enjanvier 1688, le vaisseau l'Oriflamme, commandé parM. dé 1'Estrille, conduisit 200 soldats. Â son retour,M. de l'Estrille devait passer par le détroit de Ma-lacca et mouiller b Merguy. L'intention du roi étaitde tenir en respect les indiens et les nations euro-péennes qui négociaient dans les Indes, en leur mon-trant un de ses vaisseaux. M. de l'Estrille devait aussise faire voir de tous les navires qu'il rencontrerait, etparattre devant les endroits les plus habités; carLouis XIV ne négligeait aucune occasion de mani-fester et de faire redouter sa puissance.

Cependant Phanikon exploitait, toujours à notreprofit aussi bien que pour le succès de ses desseinspersonnels, la confiance parfaite et l'attachement queson maUre témoignait à notre nation. Il lui persuadaque la garde de sa personne royale, remise à desFraùçais, offrirait toutes les garanties possibles desûreté. Il fut donc décidé que le P. Tachart, porteurd'une nouvelle lettre de créance du roi de Siam; iraitencore en France pour prévenir notre gouverne-ment de cette dernière résolution, et l'assurer, en

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faisant valoir cette considération, jointe à beaucoupd'autres, que le prince qui l'envoyait, allié tou-jours fidèle et dévoué, promettait dans peu un vassalsoumis.

Il partit au commencement de 1688, accompagnéde trois mandarins, sur , les vaisseaux qui ramenaientM. de Vaudricourt, et il arriva en France au mois dejuillet de la même année. MM. de la Loubère et Céberet revinrent parla même voie.

Il est démontré par une lettre adressée, enseptem-bre 1688, à M. du Bruant, gouverneur de Merguy,-par un sieur de Lagny, qui se trouvait par sa posi-tion en rapport fréquent avec M. de Seignelay, queles affaires de Siam étaient l'objet d'une vive et con-stante sollicitude de la part du gouvernement. « Oncompte, monsieur, écrivait M. de Igny à M. duBruant, que vous n'aurez pas perdu un moment àvous fortifier. M. le marquis de Seignelay m'a ditaussy que vous deviez vous ménager, avec votre pru-dence ordinaire, la confiance de M. Constance et desSiamois, tant pour la protection que le roy leur veuteffectivement donner, que pour tirer tous les advan-(ages nécessaires à mettre votre poste en bon estat :on le regarde comme le plus important des Indes, etcomme k plus solide establissement que les Françoisypuissent faire.

« -j 'ai fait en mon particulier diverses réflexions sûrce que j'ay entendu du dessein du roy de Siam, defaire de grandes places et particulièrement à Mergoy.Je croy qqe ce roy et M. Constance ont pris cet en-testoment par la suggestion des ingénieurs; car une

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grande place, dont vous sçavez les inconvénjensmieux que personne, paroist détestable pour les In-diens particulièrement; et, à l'esgard des François,comme il ne faut pas compter sur de grosses troupesen des lieux si éloignés, je croy qu'on se peut assu-rer dans une petite place bien munie mieux que dansune grande. De plus, il faut considérer ceux avec quion peut avoir affaire; or, il est certain qu'un bon ré-duit, gardé par les François, résistera à tonte la puis-sance des Indes. Et, à l'égard des ITollandois, si on ala guerre avec eux, il leur sera toujours difficile, avectoutes les affaires qu'ils auront, d'assembler tout cequ'il faut pour un siège régulier. ils ne sont pas friandsdes actions chaudes; et, quoiqu'ils soient présomp-tueux des advantages qu'ils prennent avec les nationsfoibles, ils cessent de l'estre au dégainer, et surtoutavec les François.

« Comme les affaires de la religion et les chosesmilitaires doivent tuer leur concours et leur véhiculedu commerce, c'est aussy ce qu'on doit cultiver avecun grand soin.. Il semble que la Compagnie a establymaintenant le sien sur un point fixe, et qu'elle est enestat de l'augmenter insensiblement, et de le rendretrès-considérable par le débit des denrées et des mar-chandises du royaume, et en y apportant celles desIodes qui nous sont nécessaires, il nous manquoitdes retraites, que nous avons acquises. La place deMerguy peut non-seulement servir de lieu de sûretépour nos vaisseaux, mais d'entrepost certain pour toutce qu'il ya à faire dans les terres, depuis le cap Co-morin, jusqu'au fond -du golphe du Gange, Achem, et

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le reste de Sumatra, toute la coste de l'isthne de Ma-lacca, la coste de l'ouest, les parties orientales qui sontau delà, et même pour faire des entreprises vers les Mo-luques, selon que les gens entendus les pourront faire,afin d'en tirer des épiceries. M. Martin, qui est très-habileet qui a du courage, pourra beaucoup contribuer àces desseins, sur les ordres qu'il en a. Quoique celane soit point de votre fait particulièr, monsieur, néant-moins un homme d'un aussy bôn esprit qùe vous estcapable de toutes choses; et je croy que, quand vousaurez des veues bien dirigées, vous ne devez faire au-cane difficulté de les communiuer h M. le marquisde Seignelay. Surtout, je cray qu'il faut multiplierprès de Merguy la culture des poivriers, autant qu'onpourra, et qu'il faut même essayer d'y cultivei la gi-rofle et la muscade. Enfin, monsieur, j'espère quevous nous donnerez des instructions dont nous pour-rons nous servir utilement. »

VII.

Les dépêches apportées par M. de Vaudricourt etles communications de MM. de la Louhère, Céberetet du P. Tachart, en éclairant le gouvernement surnoire véritable situation à Siam, lui firent comprendrequ'il lui restait encore beaucoup à faire pour parveniraux fins qu'il s'était proposées. JI sentit dès lors lebesoin de foire face aux dangers qui lui étaient si-gnalés, et de porter un prompt remède à des incon-

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vénien(s qu'il n'avait point prévus. On doit lui rendrela justice de convenir que, lorsqu'il se fut engagédans cette entreprise, il ne manqua point de zèle pourla •mèner à bonne fin, qu'il répondit à toutes lesavances, et qu'il aurait satisfait à toutes les exigencesde sa position, s'il eût consacré des troupes plusnômbreues au succès de sa tentative.

Le P. Tachart n'eut aucune peine, ainsi qu'onpeut le présumer, à obtenir le principal objet de sademande. On accorda au roi de Siam une garde corn-posée de quatre-vingts cavaliers qui devaient être rom-mandés par le marquis d'Eragny, capitaine au régi-ment des gardes françaises. Un traité, signé par cedernier et je P. Tachart, renfermait toutes les condi-tions stipulées pour cet engagement. A partir du moisde mars 1689, époque del'embacquement, les appointe-ments, solde, nourriture, équipement et entretien desgardes devenaient à la charge du roi de Siam. Le mar-quis d'Eraguy et ses officiers, indépendants du généralcommandant les troupes françaises , s'engageaient àservir le roi de Siam contre tons ses ennemis, commeils serviraient le roi de France lui-même; ils devaientlui prêter un serment de fidélité absolue, à l'excep-tion pourtant de M. d'Éragny, qui, se trouvant enmême temps soumis aux rdres des deux rois, ne de-tait le prêter qu'avec certaines restrictions ; si le roide Siam jugeait à propos d'employer dans, ses troupesou ailleurs quelques officiers de cette compagnie, ildevait, au préalable, en frévenir le marquis d'Era-guy, et, s'il arrivait que ceux-ci prévariquassent dansleurs fonctions, ils ne pouvaient être punis que par

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un conseil de guerre • composé d'officiers français etréuni par le marquis d'Eragny et le comte ConstancePhaulkon.

Ce traité fut conclu par notre gouvernement avectout l'empressement qu'il méritait. il était facile decomprendre que Phaulkon avait voulu mettre la per-sonne du roi à la disposition des Français, afin d'enobtenir plus facilement, pour eux et pour lui-même,tous les avantages qu'ils désiraient, et de mettre ainsientre leurs mains l'arme la plus puissante et l'otage leplus important.

Dans l'état ordinaire des choses, pour soutenir nosintérêts et tirer le parti le plus fructueux des circon-stances, le gouvernement avait besoin d'un représen-tant assidu auprès du roi de Siam. Ce prince résidaittantôt à Louve, tantôt dans sa capitale, et le généralDesfarges, obligé de demeurer à Bankok, qu'il avaitordre (le quitter le moins possible. ne pouvait remplircet office. D'ailleurs, ses qualités n'étaient point decelles qui font saisir l'à-propos d'une ouverture avan-tageuse et réussir une négociation diplomatique. Onchoisit, le marquis d'Eragny, en qui on reconnut l'ha-bileté nécessaire, et que sa position autorisait à ap-procher sans cesse le roi de Siam. Le titre d'ordon-nateur et d'inspecteur général pour le service du roide France devait lui doiner autorité sur les autreschefs, qui ne pouvaient agir que d'après ses avis ouses ordres. La direction principale des affaires étaitremise entre ses mains, et l'unité de pouvoir se trou-vait ainsi créée.

Les instructions dont il était déjà muni prouvent,

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de la par( du gouvernement, des vues arrêtées, unsystème suivi qui se développait à mesure que les cir-constances devenaient plus favorables. Si le roi deSiam forcé par la mauvaise volonté de ses sujets,faisait quelqùe entreprise au préjudice de la France,les troupes françaises devaient, non-seulement con-server Bankoh et Merguy, mais s'emparer des fortsde Talanquam et de Pipty, et employer tous leurs ef-forts pour réduke les factieux è reconnatire l'autoritéde Louis XIV. Comme les maladies dont le roi deSiam était attaqué le mettaient en danger d'une mortprochaine, ce cas échéant, M. d'Eragny devait accor-der toute protection à Constance Phulkon et luidonner l'assurance qu'il serait continué dans le mêmerang et la même autorité dont il avait joui jusque-là,s'il cherchait, selon ses promesses; à mettre leroyaume à la disposition du roi de France, soit pourqu'il le gouvernAt lui-même, soit pour qu'il le remità celui dés prétendants qui conviendrait le plus àl'exécution de ses desseins.

La mort de Phaulkon lui-même étai( prévue, et,dans ce cas, nos troupes devaient tâcher de s'emparerdes positions les plus importantes, surtout des fortsqui dominaient le cours du fleuve Ménam et des prin-cipales rivières. S'il se votait contraint d'entrer enrupture ouverte, le général Desfarges avait ordre defaire prisonniers les mandarins les plus considérablesdu royaume et de s'en servir comme d'otages pourcontenir les Siamois et rétablir la paix aux conditionsles plus avantageuses. -

Il était vivement recommandé à M. d'Eragny,s'il

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ne trouvait aucun changement, d'employer les plusgrands ménagements dans ses rapports avec le comtePhaulkon, de ne rien négliger pour entretenir sesbonnes grâces, de prendre conseil de lui dans tontesles circonstances où il s'agirait du service commun desdeux rois, mais, pour. ce qui concernait les intérêtsde la France, d'user de réserve et de ne lui confierque ce qu'il estimerait ne devoir point lui être caché.- Louis XIV ne se croyait point assez redoutable dans•l'Inde pour oser faire interdire aux Hollandais le com-merce dans le royaume de Siam. Aussi, quoiqu'il fût,à cette époque, en guerre contre eux, prévenait-il lemarquis d'Eiagny qu'il n'était point encore temps dedemander au roi de Siam de leur défendre tout né-goce dans ses Etats. On voit par là quelles étaient sesintentions pour l'avenir. Quant au présent, il enjoi-gnait seulement aux gouverneurs de BaukoketdeMerguy d'être continuellement sur leurs gardes à l'é-gard des Hollandais, et à l'inspecteur général de faireen sorte de découvrir leurs desseins pour les faire.échouer.

L'intérêt de la religion n'était pas plus négligéqu'auparavant. On rappelait à M. d'Eragny que c'é-tait le principal motif qui avait fait rechercher, un éta-blissement dans ce royaume païen, et on l'avertissaitqu'il devait concourir de tous ses moyens à la propa-ger et à procurer aux missionnaires le plus de facilitéspossible pour atteindre ce but.

Mais on a vu que'le zèle religieux ne préoccupaitpoint le gouvernement d'une manière exclusive. Lecommerce avait toujours une grande part à ses soins.

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Après avoir comparé les avantages respectifs de Pou-dichéri et de Merguy, il décida que le siége de la com-pagnie serait transféré de la première de. eS deuxplaces dans la seconde, qui deviendrait son principalétablissemeni, le centre de ses opérations et un lieude retraite pour ses vaisseaux. Martin devait s'y ren-dre pouè exercer ses fonctions de directeur généralhomme bien capable de retirer de cette nouvelle po-sition tous les fruits qu'elle comportait. P6urque legouvernement et la compagnie se prêtassent un munid appûi dans une entreprise où chacun avait à ga-gner, ilfut convenu que celle-ci payerait la garnisonde Merguy, qu'elle fournirdit du canon pour les bat-tories de cette place, et qu'elle lèverait à ses frais deuxcents hommes destinés à renforcer les troupes fran-çaises. Ainsi la compagnie se trouvait appelée à sup-porter liS partie des charges d'un établissement auxbénéfices duquel elle devait participer, et qi'elle avaittoùt intérêt à soutenir et à protéger.

Des instructions particulières étaient rédigées pourinformer MM. Desfarges etdu Bruant de ces nouvellesdispositions, jugées indispensables, et pour leur com-mander de prendre en toute chose les avis et au be-soin les ordres du marquis d'Eragny. Desfarges setrouvait averti « de faije tout ce qui dépendroit de luypour maintenir cette bonne intelligence si nécessairedans un pays éloigné. En même temps, Sa Majestéétoit bien aise de lay dire qu'il dèvoit soutenir avecdignité le caractère dont elle l'avoit revêtu et l'hon-neur du nom françoi, et maintenir les officiers quiestaient sous son commandement dans une exacte

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discipline. II devait observer que le succès dans sesfonctions, et tout le service que le roy pouvait atten-dre de luy, despendoient de Ta réputation, et qu'ilfalloit bien prendre garde à ne pas laisser avilir celledes François, qu'il avoit trouvée si hautement establiedans les Indes. Il n'estoit pas moins nécessaire; pourconserver cette réputation, de maintenir les officierset soldats, et les autres François qui se trouveroienten ce royaume, dans une pratique exacte des bonnesmoeurs, et enfin de faire respecter les François parleur sagesse autant que par leur valeur.))

On lui ordonnait aussi de ne point admettre dansBankok d'autres soldats siamois- que le petit nombrede ceux qui s'y trouvaient lorsqu'on en avait pris pos-session; de veiller à 6e qu'ils n'entreprissent riencontre la sûreté des Français, et de demeurer tou-jours sur ses gardes, attendu que ces Siamois pou-vaient se laisser corrompre par les ennemis des deuxrois ou céder au torrent de quelque révolution im-prévue. il devait donner tous ses soins à faire con-struire dans Bankok une citadelle qui pût offrir plûsde résistance que deux forts occupés par les Français,afin qu'ils pussent s'y retrancher sûrement, s'ils yétaient contraints. Il lui était prescrit d'avoir toujoursdes vivres au moins pour dix-huit mois. Enfin on luiindiquait, sur l'achat des bestiaux et du riz, sur lesmoyens de n'Lre jamais privé d'eau, quoi qu'il arri-vât, des précautions qui attestaient une attention viveet soutenue, un zèle actif et éclairé.

Pour attacher les Siamois aux Français par des liensdurables, pour opérer une fusion complète.entre les

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deux nations, les chefs devaient autoriser leurs soldaisfrançais à contracter des mariages avec lesfemmessiamoises, M leur rappeler constamment que les ser-vices rendus au roi de . Siam seraient considérés par leroi de France comme rendus " à luimême, et qu'ilsentraîneraient les mêmes récompeises. C'était leurcréer une seconde patrie, sans les détacher pourtantde la première.

Outre les 80 hommes qui allaient composer lagarde du roi de Siam, et les '200 qui devaient êtrelevés aux frais de la compagnie , Louis XIV avaitdonné l'ordre d'en envoyer 50 de plus: 600 cha-peaux, I , 1200 paires de souliers, 300 épées et 300 cein

-turons éviient prêts à être expédiés. Il était inutiled'envoyer des habits de drai',, la toile suffisant auxsoldats dans ce pays et s'y trouvant en abondance;inutile aussi de transporter des instruments pour lesfortifications, le roi de Siam s'étant engagé è eu four-nu, ainsi qué des matériaux et des ouvriers, en aussigrand nombre qu'il le faudrait. Tout faisait espérerque, dans peu 1 Baiikok et Mer4u', devenues deuxplaces redoutables, permettraient aux Français de semaintenir à Siani, quelles que fassent les éventualités.

Le P. Tachart revenait de Itome après avoir obtenudu pape des encouragements et des privilèges pourl'église chrétienne de Siam. Il avait éprouvé un grandcontentement du baptême des trois mandarins quil'avaient accompagné, de cinq autres moins AgIs,étudiants au collége des jésuites, et de deux jeunesprinces macassars que Phaulkon. avaiC envoyés 'enFrance et qui avaienf eu l'honneurl'honnèur d'être tends sur

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les fonts parle roi, le duc de Bourgogne, Madame laDauphine et Madame. C'était sous de si heureux auspi-ces que le zélé missionnaire, avec douze nouveaux jésui-tes, allait entreprendre sou troisième voyage aux Indes.

On était au commencement d'avril 4689. Le vais-seau l'Oiseau était prêt à mettre à la voile. Le gou-vernement, plein d'une confiance égale aux succèsqu'il avait déjà obtenus, domptait sur l'efficacité desnouvelles mesures qu'il venait de prendre, lorsqâ'ilapprit qu'une cruelle catastrophe avait renversé tout àcoup l'édifice qu'il élevait avec tant de soin; que, de-puis un an environ, tout était perdu pour-la Francedans le royaume de Siam. -

VIII.

• La haine des ennemis de Phaulkon était devenued'autant plus active qu'il prenait plus de précautionspour se mettre à l'abri de leurs coups. Au moment oùses efforts pour éloigner les chances d'une révolutionet assurer pour toujours sa fortune semblaient devoirêtre couronnés de succès, une terrible révolution vintè éclater, qui détruisit sa fortune et sa vie.

Un des principaux mandarins ou opras, nomméPitracha, conçut le projet d'exploiter à son profit cetteantipathie qui du ministre s'élevait jusqu'au roi lui-même, et, en les enveloppant tous deux dans la mêmeruine, de s'emparer de la couronne (4). Le roi n'avait

(1) Mercure ga1ant, novembre et décembre 1659.—'Vo1lant desVerquains, Histoire de la révotution de Siam. - Le P. d'Orléans, -Histoire de M. Constance.-

s

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qu'une fillefille légitime et deux frères.qu'il avait toujoursdétestés et tenus à l'écart du trône par suite de cetteaversion. L'ambitieux mandarin espéra que les plusforts obstacles à son dessein ne viendraient point, dece côté, ayant été surtout assez adroit pour mettredans son parti un fils adoptif du roi, en lui donnantla perspective d'épouser la fille de ce dernier, si, parleurs efforts réunis, ils parvenaient à le renverser dutrône. Aux talapoins il représenta le culte de la pu-gode avili, méprisé et forcé bientôt, par ceux-là mômesqui devaient le protéger , de céder sa prérogative dereligion nationale à une autre, inconnue, despotique,et qu'ils.ne comprenaient point; aux : ma55, ilmontra le royaume livré à l'étranger et le sort desSiamois entre les mains, d'une nation qui, se croyantinfiniment supérieure à eux, ne se ferait aucun scru-pule de les opprimer; à tous il fit comprendre la né-cessité de se défaire au plus tôt d'un ministre odieuxqui les sacrifiait à ses vues personnelles, et d'un roi fai-ble, instrument docile de pernicieux et coupables pro-jets. La popularité dont il jouissait, et qu'il cherchait en-core à augmenter par toutes sortes de voies, lui permet-tait de comptersur le peuple lorsqu'il aurait recours à lui.

Phaulkon, entouré de la faveur royale, disposant àson gré de la force armée, soutenu par les Français,était l'adversaire le plus redoutable à attaquer. Pitra-•cha mit un soin tout particulier à détacher de lui S lepetit nombre de partisans qu'il comptait encore.parmiles grands du royaume, et à pratiquer ses ennemis,à la tête desquels se trouvait le chef de l'ambassadesiamoise de 1686.

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• Instruit de ces sourdes menées, Phaulkon ne s'en inquiéta point d'abord. Poursuivant son entreprise, iltravaillait activement aux fortifications de Eankok etde Merguy, fondait un collège pour les missionnairesfrançais de la propagande, et faisait construire desmaisons aux jésuites dans les villes de Siam et deLouvo. il ne se résolut à agir sérieurement contre Pi-troche, que lorsque celui-ci, profitant d'une maladiegrave du roi, et assuré d'ailleurs de l'appui des man-darins, se fut servi des sceaux ou les eut éontrefait,pour obtenir des armes des gouverneurs de Siam etde Piply. Afin de détruire le mal dans sa racine, Phaul-kon résolut de faire arrêter Pitracha. Il se concerta,dans ce but, avec le général Desfarges, qui l'assurade son concours. Mais il s'aperçut bientôt que cettepromesse était vaine. Desfarges se mit en route, il estvrai, avec une partie de sa garnison pour Louvo, oùse trouvait le roi, Phaulkou et Pitracha mais, arrivéà Siam, il ne voulut pas aller plus Loin, le bruit s'é-tant répandu que le roi était mort, son ministre ren-verséet Pitracha maître du royaume. Il retourna àBankok, et rien ne put l'en faire sortir. il paraît quecette conduite lui fut conseillée par un ennemi parti-culier de Phanlkon, qui lui persuada que, dans une cir-constance aussi critique, se diviser c'était se perdre.Du reste, cet homme, qui était chef du comptoir dela compagnie à Siam, fut mis, plus tard, en jugementpour avoir donné de fausses nouvelles de ce qui sepassait à Louvo, afin d'empêcher Desfarges de s'yrendre, pour avoir aidé à la révolution par diverses ma-noeuvres et cherché à s'emparer des effets de la com-.

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pagnie, espéraùt mettre les choses dans un tel étatdeconfusion, qu'on ne pourrait lui demander aucuncompte. Il est néanmoins difficile de s'expliquer le re-fus opiniâtre que fit Desfares de secourir Phaulkon,et l'on pourrait l'accuser d'avoir manqué de loyautéou de bravoure,. s'il n'eût d'ailleurs donné pendanttoute sa vie des preuves de l'une et de l'autre. Eneffet, il savait, avant de retourner à Bankok, que lesbruits répandus étaient faux, que le gouvernementn'avait subi encore aucun changement, et que le se-cours de ses armes pouvait contribuer puissaniment àrenverser les efforts dés conspirateurs. Pour justifiersa conduite, Desfarges allégua dans la suite que Idparti qu'il avait jugé à propos de suivre comme le plusprudent, au milieu de ces bruits qui couraient d'unerévolution arrivée à Louve, avait été d'écrire à Phaul-kon de se rendre dans la ville de Siam pour offrir en-semble leurs services aux deux princes, légitimes hé-ritiers de la couronne, qui s'y trouvaient en ce mo-ment, et que Phaulkon, ne l'ayant point fait, il avaitru agir sagement en retournant à Louve (1). Mais il

y u tout lieu de croire qu'il se laissa entraîner par lesconseils des ennemis de Phaulkon.

Pour ôter à la révolte un prétexte plausible et ga-gner du temps, Phaulkon avait obtenu du roi qu'ildésignât publiquement sa fille comme devant lui suc-céder, après qu'elle aurait choisi pour mari un de sesoncles. Il avait toujours différé d'instruire compléte-

(1) Rleiioa des révolutions arrivdos il, Siam dans VanS. 1688.,Desrarge. Amsterdam, 1691.

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meut ce prince de ce qui se tramait contre lui, crai-gnintle prompt éclat d'une, impuissante vengeance, etcomptant que les Français l'aideraient à réprimer desdesseins dont le gouvernement, réduit à ses propresforces, empêcherait difficilement l'exécution; Le partide Pitracba n'en devenait pas moins chaque jour plusnombreux e(plus menaçant. Informé que te roisavaittout et ne tardèrait point à donner l'ordre del'arrê-ter, ce chef pensa que Te moment d'agir ouvertementétait arrivé, et qu'il n'y avait plus de sûreté pour liiique dans une révolte déclarée. Alors, il fit appel à sespartisans et parvint, avec leur secours, à s'emparer dela personne du roi. Une petite troupe d'Européensrassemblés à la hAte par Phaulkon opposa aux révol-tés une faible résistance, et, après avoir montré bèsu-coup de courage et de résolution pour arracher le roide leurs mains, il devint lui-même prisonnier.

Desfarges, mandé à Louvo par Pitracha; sous unordre supposé du roi, ne fit cette fois aucune difficultéd'y aller, ne soupçonnant dans l'usurpateur aucuneintention mauvaise contre lui et les siens, quoiqu'iln'ignorât point qu'il avait déjà maltraité plusieursFrançais. Pitracha, en lui donnant audience, parûtenvironné de tout l'appareil du pouvoir. il était assissur un carreau de velours; quatre sabres étaient dres-sés à ses côtés; .un grand nombre de mandarins se te-naient autour de lui. Il dit avec fierté à Desfargesqu'on t'avait mandé à dessein de savoir pourquoi lesFrançais, contre lesquels les Siamois avaient de grands -sujets de plainte, étaient venus dans le royaume, pour-quoi ils avaient osé maltraiter à Bankôk des sujets du

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roi, et enfin s'il avait autorisé plusieurs officiers fran-çais à s'enfuir de la cour. Le général s'aperçut alorsseulement du piège où il était tombé. L'indignationsuccédant chez lui à l'aveuglement, il se mettait endevoir de. répliquer vivement, lorsque Pitracha lui .dé-Clara que toute justification était inutile, qu'il eût aupréalable à faire venir sa garnison de Bankok, et qu'a-lors il pourrait chercher à se justifier , que , s'il yréussissait, sa place forte lui serait sans doute remise.Desfarges refusa énergiquement de faire ce qui luiétait ainsi demandé. Mais il ne repoussa point avec lamême fermeté la proposition insidieuse que lui firentles '.trois mandarins venus en France de réunir lesgarnisons de .Bankok et de Merguy, pour les menercontre les Laos, ennemis du royaume. Heureusementle gouverneur de Merguy n'était pas homme à se lais-ser duper. II demeura ferme dans Merguy, et il futpermis à oesfarges de retourner à Bankok, aprè3 qu'ileut laissé ses deux fils comme otages.

Se voyant maUre du royaume et n'ayant pointd'inquiétudes sérieuses du côté des Français, Pitrachane tarda point à se défaire du malheureux Phaulkon.Quoique réclamé instamment comme Français parflesfarges, il fut déclaré coupable de haute trahison,condamné à mort et exécuté, en juin 1688 (4). On leconduisit, monte sur un éléphant, dans une forêt voi-sine de la ville, et là le glaive mit fin aux tourmentsde toutes sortes qu'on lui avait fait souffrir dans sa

(1) Le P. d'Orléans, Histoire de M. Constance. V&Iant des Vor-quaîns,Histoire de taa rdvolution de Siam. Mercure galant, 4689.

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prison. Ses derniers moments furent ceux d'un chré-tien et d'un homme plein de courage. Il n'était âgéque de quarante ans. Dans l'incertitude où il futlaissé sur le sort de sa famille, il dut craindre pourelle,-en mourant, un traitement aussi cruel que celuiqu'il subissait. Dons Guyomar de Pina, son épouse;d'une bonne famille (t), quoique Voltaire ne Faitjugée digne par sa naissance que des plus vils em-plois, échoppa miraculeusement, et- après avoir souf-fert mille maux, aux poursuites du fils de Pitrachaqui en était devenu épris, et dont elle repoussa lespropositions avec autant de courage que de QertuPlus tard elle revint en Fiance avec son fils, et ré-clama de la justice de Louis XIV les fonds que sonmari avait fournis à la compagnie des Indes. Le roivoulut bien satisfaire à -cette juste demande les fonds,qu'il avait donnés au marquis de Seignelay, dans lacroyance que toute la famille de Phaulkon avait périavec lui, devaient être restitués à la veuve et au filsd'un homme qui avait cherèhé à rendre un si grandservice àla France. -Mais les directeurs de la compa-gnie élevèrent des réclamations qu'ils firent durerjus-qu'en 1700, époque où Louis XLV leur ordonna deservir aux héritiers Phaulkon une rente qui leur per-mit de subsister (s).

(t) Le P. d'Orléans, histoire de M. Conslafll'e.(2) Le fils de Phaulkon, devenu capitaine de vaisseau, quitta

le service de )a France et retourna à Siam, où il parvint à dehautes dignités. Ses prodigalités l'empêchèrent de laisser aucunefortune à de nombreux enfants, qui vécurent dans l'obscurité.Turpin, Histoire de Siam-

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• il est présumable que la mort du roi de Siam, qui- suivit de près celle de son ministre, fut ordonnée parPitracha. Quant au fils adoptif de ce prince et à sesdeux frères, ils ne tardèrent pas à périr. Le premiereut la tête tranchée publiquement etses membres fu-rent exposés devant le palais; les deux autres furentétouffés, après avoir été enfermés dans" un sac de ve-lours, genre de supplice réservé aux personnes les plusconsidérables.. Débarrassé dé . tous ces obstacles, Pi-S

tracha se fit reconnaître comme successeur du der-nier roi.- Sommé de se rendre de nouveau à.Louvo, Des-farges eut le courage de ne point obéir, quoiqu'on luieût déclaré que son refus coûterait la vie aux deuxfils qu'il avait laissés entre les mains de l'usurpateur.Il méritait qu'on n'en vint pas à cette extrémité sesfils furent épargnés. Mais il fut assiégé dans Bankok,où.il eut beaucoup à souffrir. Après avoir montré auxSiamois une fermeté et une résolution qui les étonna,les gouverneurs de Bankok et de Merguy purent sor-tir, à des conditions honorables, d'un royaume oùnos armes pouvaient avec peu d'efforts faire réussirl'oeuvre de notre politique. Le gouvernement ne fitdès tors aucune tentative pour rentrer à Siam. Il com-prit que toutes nos espérances d'établissement en cepays étaient détruites avec la fortune de l'homme quinous y avait appelés.

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Appréciation de l'expédition de SiamPar les historiens.

'X.

Dans cet ensemble de nos relations avec Siam au17 e siècle, on ne peut s'empêcher de reconnattre unbut sérieux, un système de combinaisons tendant àouvrir à notre politique et à notre commerce d'im-portants débouchés. On voit de plus que l'exécutionde ce dessein fut menée bien près du succès, etqu'elle aurait pu réussir complétement, à l'aide demesures plus complètes. Il teste maintenant à mon-trer comment l'expédition de Siam a été appréciéepar nos principaux historiens. Commençons par Vo!-taire (1). L'extrême goût, dit-il, que Louis XIVavait pour les choses d'éclat fut encore () bien plusflatté par l'ambassade qu'il reçut de Siam, pays oùVon avait ignoré jusqu'alôrs que la Franée existât. Ilétait arrivé, par une de ces singularités qui prouventla supériorité des Européens sur les autres nations,qu'un Grec, fils d'un cabaretier de Céphalonie, nomméPhalk Constance, était devenu barcalon, c'est-à-dire

s(1) Voltaire. Siècle de Louis XI V.(2) Le doge de Gôncs avait été obligé de venir à Versailles

faire réparation au roi et implorer sa clémence,

s

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premier ministre ou grand vizir du royaume de Siam.Cet homme, dans le dessein de s'affermir et de s'éle-ver encore, et dans le besoin qu'il avait de secoursétrangers, n'avait osé se confier ni aux Anglais ni auxHollandais ; .ce sont des voisins trop dangereux dansles Indes. Les Français venaient d'établir des comp-toirs sur la côte de Coromandel, et avaient porté dansces extrémités de l'Asie la réputation de léur roi.Constance crut Louis XIV propre è être flatté par unhommage qui viendrait de si loin, sans être attendu.La religion, dont les ressorts font jouer la 'politiquedu monde depuis Siam jusqu'à Paris, servit encore 'àses desseins. Il envoya, au nom du roi de Siam sonmaître, une solennelle ambassade avec de grands pré-sents à Louis XIV, pour lui faire entendre que ce roiindidn, charmé de sa gloire, ne voulait faire un traitéde commerce qu'avec la nation française, et qu'il n'é-tait pas même éloigné de se faire chrétien. La gran-deur du roi flattée et sa religion trompée l'engagèrentj en'voyer au roi de Siam deux ambassadeurs et sixjésuites, et, depuis, il y joignit des officierset huitcents soldats ; mais l'éclat de cette ambassade sia-moise fut le seul fruit qu'on en retira. Constance pé-rit quatre ans après, victime de son ambition ; quel-que peu de Français qui restèrent auprès de lui furentmassacrés, d'autres obligés de fuir, et sa veuve, aprèsavoir été sur le point d'être reine, fut condamnée parle successeur du roi de Siam à servir dans la cuisine,emploi pour lequel elle était née. D

Il y a lieu de s'étonner que, dans un ouvrage causa-&é spécialement à la louange de Louis XIV, Voltaire

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ait glissé si rapidement sur un point dont il pouvait ti-rer un parti avantageux, et que, préoccupé du goûtparticulier de son héros pour la pompe et l'éclat, ilait négligé d'approfondir les véritables motifs qui lefaisaient agir dans cette circonstance, quelque disposéqu'il fût è les comprendre et à les faire ressortir. Onne peut guère expliquer ce silence par le défaut dedocuments; car, si Voltaire eût voulu consulter seu-lement les relations imprimées de l'expédition fran-çaise à Siam, à travers la foule de détails inutiles dontelles sont surchargées, il aurait trouvé matière à unautre jugement, et, s'il ne se fût point étendu davan-tage sur cette entreprise, il en eût sans doute parlé plusfavorablement. Sans recourir à des documents inéditsou aux ouvrages contemporains de l'expédition, il pou-vait se servir utilement d'une Histoire du règne deLouis XIV (1), publiée quelques années avant lasienne, et qui, inférieure sous tant de rapports auSiècle de Louis XIV, l'emporte cependant sur ce li-vre par une plus grande exactitude relativement à 1'affaire de Siam.

Voici ce que rapporte Reboullet, l'auteur de cettehistoire

« (1685). L'éclat de tant de qualités héroïques, quibrillaient dans la personne du roi, joint au bonheurqui accompagnait toutes ses entreprises, bonheur quin'avait jamais été interrompu par te mélange d'aucunedisgrâce, avait porté sa gloire jusqu'aux extrémités dela terre. Dès l'année d'auparavant (1684), il avait reçu

i) Reboullet, Histoire du règne de Louis XII'.

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une ambassade du

roi de Siam, qui, charmé de ce quelarenomméepubliait de la grandeur du roi de France,lui envoyait demander son amitié, et lui faisait propo-ser un traité d'alliace et de commerce, offrant de luilivrer pour sûreté, et en garantie des engagemeiitsqu'il voulait prendre avec lui, les places de Bankok etde Merguy, c'est-à-dire les deux clefs de son royaume.C'était le premier ministre de ce prince, ConstanceFalkon , si connu sous le nom de M. Constance, quil'avait engagé dans cette démarche. » Ici l'historien 'en-tre dans le détail des antécédents de Phaulkon, de lahaute fortune à laquelle il était parvenu, de la haine.que lui portaient les mandarins.

Puis il ajoute c Ce fut pour se mettre à couvertde ce danger qu'il engagea le roi de Siam à recher-cher l'alliance du roi de France, perivadé qu'unefois que les Français seraient établis dans les placesqu'on leur livrerait, il trouverait toujours chez eux,en cas de besoin, un asile qui le mettrait è couvert detout S qu'on pourrait entreprendre contre lui; Il nelui-fut pas bien difficile de persuader ce prince. Outrequ'il ne voyait que par les yeux de son ministre, ilétait - si frappé des merveilles du règne de LouiieGrand, il faisait un si grand cas de lui et il souhaitaitsi fort de devenir son allié, qu'il consentit avec plaisirà tout ce qu'on lui proposa. Ainsi il envoya des am-bassadeurs en France, qui arrivèrent à Paris vers lafin de 4684.

a Comme Constance souhaitait fortement que sonprojet réussit, outre le traité d'alliance et de commerceque les ambassadeurs devaient proposer, ils avaient

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ordre de faire savoir à la cour de France qué le roideSiam était fort porté en:favear des chrétiens, à qui ilaccordait nue pleine liberté de conscience dans sesEtats, et ils devaient ensuite insinuer adroitement qu'ilne serait pas éloigné d'embrasser lui-même le chris-tianisme, si le roi de France l'y invitait par une am-bassade.

« Sans examiner si les avantages qui pouvaient re-venir à la France d'une alliance avec le roi de Siamétaient aussi considérables qu'on les faisait, dumoinsest-il sûr que ce prince, quoiqu'il favorisât les chré-tiens, n'avait jamais eu la moindre pensée de se fairechrétien lu)-tnéme. Cependant, comme on ignoraitses véritables dispositions et qu'il fallait s'en rapporterà ce que disaient ses ambassadeurs, le roi n'hésitapoint à envoyer une ambassade, qu'il ne pouvait pasrefuser: à un prince qui envoyait de si loin demanderson amitié. - Le chevalier de Chaumont, capitaine devaisseau, personnage non moins recommandable par -sa piété que par sa valeur, fut nommé pour cette com-mission. Il s'embarqua à Brest, au commencementde cette année 4685, accompagné d'un grand nom-bre de jeunes gentilshommes, qui firent le voyagepour lui faire honneur, et de six missionnaires que leroi envoyait à la Chine... (1689). Une révolution s'a-chevait à Siam, qui fit évanouir les espérances qu'onavait conçues en France d'établir un grand commercédans ce royaume. Le chevalier de Chaumont y avaitété reçu avec des marques de distinction qu'on accorderarement dans les cours des rois d'Asie. Constance,agissant selon les vues dont, nous avons parlé plus

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haut; lui proposa un traité de commerce avec laFronce, .offrant de remettre aux troupes que le roi en-verrait les-forteresses de Bankok et de Merguy, c'est-è-dire les deux plus fdrtes places du royaume. Cepro.jet ne fut pas dugoût du chevalier de Chaumont, quine trouvait pas qu'un établissement à Siam pût ja-mais être d'une grande utilité à la France. Mais ljésuite Tachart, l'un des six missionnaires que le roiavait fait partir pour la Chine, trouvant, au contraire,ces offrès avantageuses, se chargea de faire la propo-sition à la cour et promit de la faire agréer. Dès lors,il eut tout le' secret d'une nouvelle ambassade que leroi de Siam envoyait en France, et il fut chargé, con-jointement avec les ambassadeurs siamois, de la né-géciatioti pour laquelle on les envoyait. Elle eut lesuccès que Constance s'en était promis. Le roi envoyaà Siam des troupes au nombre de huit centshommes,commandés par le sieur Desfarges, et l'établissementse fit comme il avait été projeté. Suit le récit dé-taillé de la révolution de Siam. .Ilebdullet, on le voit,est plus explicite que Voltaire; il a justement attribuéplus d'importance que lui à cette entreprise.

Un autre historien du 48e siècle, Baynal, s'est tenuégalement plus pi-ès de la vérité que l'auteur du Siè-cle de Louis XIV; il y serait peut-être arrivé tout àfait, si, entratné et égaré par l'esprit irréligieux de sonépoque, il n'eût attribué surtout • à la religion lemauvais succès de nos affaires à Siam « Un Grec,dit-il, d'un esprit inquiet et ambitieux (1), nommé

(t) Raynal, Histoire philosophique des deux tudes.

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Constance Phaulkon, voyageant à Siam, avait plu auprince, et, en peu de temps, il était parvenu à l'em-ploi de principal ministre ou barcalon, charge à peuprès semblable à celle de nos anciens maires dupalais.

« Phaulkon gouvernait despotiquement le peuple etle roi. Ce prince était faible, valétudinaire et sanspostérité. Son ministre forma le projet do lui succé--der, peut-être même celui de le détrôner. On sait queces entreprises sont aussi faciles et aussi communesdans les pays soumis aux despotes qu'elles sont dif-ficiles et rares dans les pays où le prince règne par lajustice....

« Phaulkon imaginâ de faire servir les Français àson projet, comme quelques ambitieux s'étaient servisauparavant d'une garde de six cetila Japonais, quiavaient disposé plus d'une fois de la- couronne deSiam. Il envoya, en 4684, des ambassadeurs enFrance pour y offrir l'alliance de son maître, desports aux négociants français, et pour y demanderdes vaisseaux et des troupes.

« La vanité fastueuse de Louis XIV tira un grandparti de cette ambassade. Les flatteurs de ce prince,digne d'éloges, mais trop loué, lui persuadèrent quesa gloire, répandue dans le monde entier, lui attiraitles hommages de l'orient. J] ne se borna point à jouirde ces vains honneurs; il voulut faire usage des dis-positions du roi de Siam en faveur de la compagniedes Indes, et plus encore en faveur des missionnaires.Il fit partir une escadre où il y avait plus de jésuitesque de négociants; et, dans le traité qui fut conclu

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entre les deux rois, les ambassadeurs de Fronce, di-rigés par le jésuite Tachart, s'occupèrent beaucoupplus de religion que de commerce; »

On a remarqué que, dans celte circonstance, la re-ligion occupa beaucoup, il est vrai, l'attention deLouis XIV, mais que ce ne fut point au préjudice ducommerce. Les articles cités pins haut d'un traité con-clu entre la compagnie et le roi de Siam le prouventsuffisamment; de plus, les différentes instructions re-mises aux-agents du gouvernement attestent partoutque la religion, , le commerce et la politique avaientune part égale à sou zèle et à ses soins. Mais Raynalvoulait justifier le titre et l'esprit de son ouvrage,d'ailleurs si recommandable, Cil tomba dans l'erreuren avançant que Louis XIV vit surtout dans l'entreprisede Siam une affaire de propagande religieuse, commeVoltaire y était tombé lui-même en prétendant que ceprince n'y chercha qu'une satisfaction de sou amour-propre.

Raynal ne dissimule aucun des avantages que laFronce pouvait trouver dans un établissement en ceroyaume; il s'étend fort longuement, avec science etréflexion; sur sa situation favorable, ses produitsM sesdébouchés; il dit les justes espérances que la'compa-pie avait fondées sur Siam, qui pouvait remplaceravantageusement pour elle Surate et Pondichéri; ilindique les moyens que les Français rencontraient làde s'assurer des bénéfices qui leur étaient offerts, ettermine ainsi trop rapidement son tableau par quel-ques mots, où il ne rend pas assez de justice auxintentions, sinôn aux efforts du gouvernement de

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Louis XIV « On aurait puy cultiver le poivré, et peut-étr d'autres épiceries qu'on n'y recueillait point,Parce qu'on en ignorait la culture, et que le malheuJ.reux habitant de Siam. indifférent à tout, ne réussissaità rien. Les Français ne s'occupèrent point de ces- o-jets. Les facteurs de la compagnie, les officiers, lestroupes, les jésuites n'entendaient rien au commerce;ils ne songeaient qu'aux conversions et à se rendreles maîtres. Enfin, après avoir mal secouru Phiulkojau moment où il voulait exécuter ses desseins, ils fu-rent entraînés dôns sa chuti; et les forteresses deMerguy et de Bankok, défendues par des garnisonsfrançaises, fureit reprises par le plus lâche de tous lespeuples. ii

A mesure qu'on s'éloigne du siècle de Lèuis MV,l'expédition de Siam devient de plus en plus en hutteàl'injustice ou à l'oubli. Anquetil ne juge pas mêmeà propos de la mentionner. Il attache plus d'importanceaux intrigues de cour, aux petites pasions du grandroi, aux fortunes diverses de ses maîtresses et autres!rivolitéè. -

On aurait pu s'attendre à trouver dans un auteuraussi grave que Siimondi quelques détails circonstan-ciés, une appréciation saine et juste de l'affaire deSiam. Quelques lignes lui suffisent pour la raconteret l'apprécier (t)

e Un ambassadeur vint des Indes complimenterLouis au nom du roi de Siam. C'était un Grec intri.gant, devenu premier ministre du monarque siamois,

(t) Sismondi, JIistoi,'e des Français.

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J

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qui avait imaginé cette ambassade pour solliciter EVai-liance de Louis XIV, comme garantie contre les Hol-landais. Ce témoignage de 1étendue de sa renomméeflatta :pèut-tre Louis plus iqua •ucun autre événementde:son règne. ) -

Ainsi, k roi, ,charmé de cet hommage venu deloin, uaurait rien fait pour y pondre; il s'en seraittenu à la : gtpri0k4'umne vaine4émonstratton siamoise.Heureusement l'histoire 4e M. de Sismondi est ailleursplus éclairée.

Rour 4onner une idée de la ,manière dont certainsauteurs de nos jours se laisent à rabaisser le règnedu grand ri.;e. ter-minerai ces citations par lepassage suivant de l'un de nos écrivains le plus envogue, non 3point; il est vrai, dans le genre histo-tique:

.a Forbin se trouva, dit cet écrivain plein d'imagi-nation,, dans son Uistéire de ka marine française,un des acteurs de cØte impudente conié4ie, iconnue, d'ailleurs, que les ministres 4e Louis XIV,aidés du jésuite Le Teiller, jouèrent devant le grandroi, qui les crut -de toutes les forces de son orgueil,si si perbement1bonas,,.et4e son hypocrite dévotionil s'agsst de la prétendue ambassade, envoyée parle rpi de Siam, pour rendre hommage à la splendiderenommée du roi de Franco... Or, d'ambassadeurssiamois, il n'y en avait pas; car l'ambassade et lesprésents, tout vait péri dns un naufrage.; mais de cenifiage 4eux sçqétaires avaient surnagé; telle étaitla fable. Le vrai est que ces secrétaires étaient d'ef-frontés coquins endoctrinés, par les ministres; que

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l'ambassade n'avait jamais existé, et que toute cettechimère avait été imaginée pour flatter la vanité dumattre, qui se prit le mieux du, monde à ce glorieuxgluau. »

-e--

1'ypogr a I IiiC PANCKOIICI( E,r',e des Poitevins, 8 et 14.

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