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Trois ans après l’assassinat du président Sadate par des soldats islamistes, Gilles Kepel avait fait découvrir au grand public la réalité du partage du pouvoir en Égypte dans un livre éclairant intitulé Le Prophète et Pharaon. Il y racontait l’essor du mouvement islamiste en Égypte depuis la création des Frères musulmans, en 1928. Pour lui, Sadate avait inauguré une ère de répartition des rôles entre l’armée et les islamistes : aux militaires le pouvoir politique et la mainmise sur l’économie, aux Frères la rue et l’islamisation de la société, à condition que l’État, sa sécurité, sa diplo- matie et ses réseaux ne soient pas menacés. La semaine dernière, dans une interview, Gilles Kepel qualifiait Mohamed Morsi de « roi Soliveau », à l’image du monarque sans autorité de la fable de La Fontaine « Les Grenouilles qui demandent un roi ». Inspiré d’Ésope, le texte se conclut ainsi : « De celui-ci contentez-vous, De peur d’en rencontrer un pire. » On croirait enten- dre le maréchal Tantaoui. Le patron du Conseil suprême des forces armées (CSFA) a choisi de pro- longer ce pouvoir bicéphale au sommet de l’État. En obtenant de la plus haute institution judiciaire l’invali- dation du Parlement à majorité islamiste, en limitant les prérogatives du nouveau chef de l’exécutif, en gar- dant un droit de veto sur toute décision présidentielle jusqu’aux nouvelles élections parlementaires (si tant est qu’elles se tiennent dans un délai raisonnable), le CSFA divise une nouvelle fois le pouvoir « en se tenant au côté du Président ». Comme ce fut le cas pendant des années en Turquie avec des généraux plaçant les gouvernements démocratiques sous surveillance. Comme en Algérie, où pas un Président, de Chadli à Bouteflika, n’a pu diriger le pays dans la durée, sans pactiser avec des hiérarques en uniforme se sentant dépositaires de la survie d’un régime et de leurs comptes en banque. Mohamed Morsi a donc pris soin de prêter serment devant le peuple de Tahrir avant de le faire à nouveau devant les juges. Acte purement symbolique pour montrer qui l’a fait roi. Plus tard, il a participé à la céré- monie de transfert du pouvoir sur une base militaire qui servit si longtemps de décor aux procès des tribunaux kaki contre les islamistes. Geste tout aussi symbolique des hauts gradés pour rappeler au Frère Morsi quel est le rapport de force. On lui a remis la décoration du « Bouclier des forces armées ». Sans qu’il sache s’il sera le bouclier des militaires pour les protéger de la colère du peuple, ou si les généraux feront rempart devant lui pour que l’expérience de la démo- cratie en Égypte puisse continuer à balbutier. Dossier Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Rédacteur en chef : Joël Genard DR www.lhemicycle.com NUMÉRO 448 — MERCREDI 4 JUILLET 2012 — 2,15 ¤ ÉRIC PIERMONT/AFP La situation des finances publiques laisse désormais peu de marge de manœuvre. L’effort exigé pourrait atteindre les 33 milliards d’euros l’an prochain. THOMAS SAMSON/AFP L’HÉMICYCLE Guy Carcassonne P. 3 Bruno Le Roux P. 2 Au sommaire Le harcèlement sexuel n’est ni de droite ni de gauche par Pascale Tournier >p. 4 Le Conseil européen, l’Allemagne et le fédéralisme par Éric Maulin >p. 4 Maîtriser l’incendie des finances locales par Florence Cohen >p. 5 La rigueur s’impose Édito François Clemenceau P riée par le gouvernement Ayrault de fournir un audit détaillé de l’état des finances publiques, la Cour des comptes a lancé lundi un sérieux avertissement pour l’année 2013. Et dans l’immédiat, il faudra dénicher 7 à 10 milliards d’euros (recettes fis- cales nouvelles et économies supplé- mentaires sur la dépense publique) pour espérer respecter l’engagement pris par la France à l’égard de ses par- tenaires européens de ramener son déficit à 4,5 % du produit intérieur brut (PIB) contre 5,2 % en 2011. Le gouvernement va donc devoir ajuster les curseurs d’un collectif budgétaire attendu ce mercredi en Conseil des ministres pour corriger la loi de finances 2012. Mais comment imprimer la marque de la nouvelle majorité sur un budget concocté par le gouvernement Fillon et faire face à une situation économique qui ne cesse de se dégrader ? Avant la prési- dentielle, la précédente majorité avait assuré à plusieurs reprises qu’un nou- veau plan d’austérité ne serait pas né- cessaire cette année. Mais la rigueur se profile désormais à grands pas. Le ministre de l’Économie et des Fi- nances, Pierre Moscovici, a pris les de- vants en annonçant dimanche que le gouvernement s’apprêtait à abaisser ses prévisions de croissance à 0,4 %, au mieux, pour 2012, soit mécaniquement une perte de recettes de 3 milliards d’euros pour les caisses publiques qu’il faudra bien combler ! Pire l’an prochain, dans l’hypothèse médiane d’une croissance économique de 1 %, l’effort exigé pour ramener comme prévu les déficits publics à 3 % du PIB atteindrait 33 milliards d’euros. De la maîtrise des finances publiques dépendra le retour à l’équilibre promis par le président François Hollande pour 2017. Joël Genard Les obsèques d’Olivier Ferrand auront lieu ce mercredi à 14h30 en l’église Saint-Sulpice à Paris avant son inhumation au cimetière du Montparnasse. Fondateur du think tank Terra Nova, cet agitateur d’idées avait été élu pour la première fois député dans la 8 e circonscription des Bouches-du-Rhône. Il fut le promoteur de la procédure des primaires au sein du PS. GÉRARD JULIEN/AFP Les zones d’ombre d’un projet pétrolier La France est-elle préparée face aux défis qui l’attendent en cas de découverte d’un « mégagisement » pétrolier en Guyane ? Les élus ne cachent pas leurs doutes, après le couac gouvernemental autour de la décision d’autoriser les premiers forages exploratoires. > Lire l’enquête de Tatiana Kalouguine en p. 6 et 7 Le ministre de l’Économie et des Finances, Pierre Moscovici, accuse la droite de n’avoir « rien foutu » pour réduire les déficits en 2012. Égypte : le bouclier du Frère Morsi

l'Hémicycle - #448

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l'Hémicycle numéro 448 du mercredi 4 juillet 2012 Au sommaire : - Le harcèlement sexuel n’est ni de droite ni de gauche par Pascale Tournier >p. 4 - Le Conseil européen, l’Allemagne et le fédéralisme par Éric Maulin >p. 4 - Maîtriser l’incendie des finances locales par Florence Cohen >p. 5

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Trois ans après l’assassinatdu président Sadate pardes soldats islamistes, GillesKepel avait fait découvrirau grand public la réalitédu par tage du pouvoir en

Égypte dans un livre éclairant intitulé Le Prophète etPharaon. Il y racontait l’essor du mouvement islamisteen Égypte depuis la création des Frères musulmans,en 1928. Pour lui, Sadate avait inauguré une ère derépartition des rôles entre l’armée et les islamistes :aux militaires le pouvoir politique et la mainmisesur l’économie, aux Frères la rue et l’islamisation dela société, à condition que l’État, sa sécurité, sa diplo-matie et ses réseaux ne soient pas menacés. Lasemaine dernière, dans une interview, Gilles Kepelqualifiait Mohamed Morsi de « roi Soliveau », à l’imagedu monarque sans autorité de la fable de La Fontaine« Les Grenouilles qui demandent un roi ». Inspiré d’Ésope,le texte se conclut ainsi : « De celui-ci conten tez-vous,De peur d’en rencontrer un pire. » On croirait enten-dre le maréchal Tantaoui. Le patron du Conseilsuprême des forces armées (CSFA) a choisi de pro-longer ce pouvoir bicéphale au sommet de l’État. Enobtenant de la plus haute institution judiciaire l’invali -dation du Parlement à majorité islamiste, en limitantles prérogatives du nouveau chef de l’exécutif, en gar-dant un droit de veto sur toute décision présidentiellejusqu’aux nouvelles élections parlementaires (si tantest qu’elles se tiennent dans un délai raisonnable), leCSFA divise une nouvelle fois le pouvoir « en se tenantau côté du Président ». Comme ce fut le cas pendantdes années en Turquie avec des généraux plaçant lesgouvernements démocratiques sous surveillance.Comme en Algérie, où pas un Président, de Chadli àBouteflika, n’a pu diriger le pays dans la durée, sanspactiser avec des hiérarques en uniforme se sentantdépositaires de la survie d’un régime et de leurscomptes en banque.Mohamed Morsi a donc pris soin de prêter sermentdevant le peuple de Tahrir avant de le faire à nouveaudevant les juges. Acte purement symbolique pourmontrer qui l’a fait roi. Plus tard, il a participé à la céré-monie de transfert du pouvoir sur une base militaire quiservit si longtemps de décor aux procès des tribunauxkaki contre les islamistes. Geste tout aussi symboliquedes hauts gradés pour rappeler au Frère Morsi quelest le rapport de force. On lui a remis la décoration du« Bouclier des forces armées ». Sans qu’il sache s’ilsera le bouclier des militaires pour les protéger de lacolère du peuple, ou si les généraux feront rempartdevant lui pour que l’expérience de la démo -cratie en Égypte puisse continuer à balbutier.

Dossier

Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Rédacteur en chef : Joël Genard

DR

www.lhemicycle.com NUMÉRO 448 — MERCREDI 4 JUILLET 2012 — 2,15 ¤

ÉRIC

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AFP

La situation des finances publiques laisse désormais peude marge de manœuvre. L’effort exigé pourrait atteindreles 33 milliards d’euros l’an prochain.

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GuyCarcassonne

P. 3

BrunoLe Roux

P. 2

Au sommaire • Le harcèlement sexuel n’est ni de droite nide gauche par Pascale Tournier > p. 4 • Le Conseil européen,l’Allemagne et le fédéralisme par Éric Maulin > p. 4 • Maîtriserl’incendie des finances locales par Florence Cohen > p. 5

La rigueur s’imposeÉditoFrançois Clemenceau

Priée par le gouvernementAyrault de fournir un auditdétaillé de l’état des finances

publiques, la Cour des comptes a lancélundi un sérieux avertissement pourl’année 2013.Et dans l’immédiat, il faudra dénicher7 à 10 milliards d’euros (recettes fis-cales nouvelles et économies supplé-mentaires sur la dépense publique)pour espérer respecter l’engagementpris par la France à l’égard de ses par -tenaires européens de ramener sondéficit à 4,5 % du produit intérieurbrut (PIB) contre 5,2 % en 2011.Le gouvernement va donc devoir

ajuster les curseurs d’un collectifbudgétaire attendu ce mercredi enConseil des ministres pour corriger laloi de finances 2012. Mais commentimprimer la marque de la nouvellemajorité sur un budget concocté parle gouvernement Fillon et faire faceà une situation économique qui necesse de se dégrader ? Avant la prési-dentielle, la précédente majorité avaitassuré à plusieurs reprises qu’un nou-veau plan d’austérité ne serait pas né -cessaire cette année. Mais la rigueur seprofile désormais à grands pas.Le ministre de l’Économie et des Fi-nances, Pierre Moscovici, a pris les de-

vants en annonçant dimanche que legouvernement s’apprêtait à abaisserses prévisions de croissance à 0,4 %, aumieux, pour 2012, soit mécaniquementune perte de recettes de 3 milliardsd’euros pour les caisses publiques qu’ilfaudra bien combler !Pire l’an prochain, dans l’hypothèsemédiane d’une croissance éco no miquede 1 %, l’effort exigé pour ramenercomme prévu les déficits publics à 3 %du PIB atteindrait 33 milliards d’euros.De la maîtrise des finances publiquesdépendra le retour à l’équilibre promispar le président François Hollande pour2017. Joël Genard

Les obsèques d’Olivier Ferrand auront lieuce mercredi à 14h30 en l’église Saint-Sulpiceà Paris avant son inhumation au cimetière duMontparnasse. Fondateur du think tank TerraNova, cet agitateur d’idées avait été élu pour lapremière fois député dans la 8e circonscriptiondes Bouches-du-Rhône. Il fut le promoteurde la procédure des primaires au sein du PS.

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/AFP

Les zones d’ombred’un projet pétrolierLa France est-elle préparée face aux défis qui l’attendent en cas dedécouverte d’un « mégagisement » pétrolier en Guyane ? Les élusne cachent pas leurs doutes, après le couac gouvernemental autourde la décision d’autoriser les premiers forages exploratoires.> Lire l’enquête de Tatiana Kalouguine en p. 6 et 7

Le ministre de l’Économieet des Finances, PierreMoscovici, accuse la droitede n’avoir « rien foutu » pourréduire les déficits en 2012.

Égypte : lebouclier duFrère Morsi

H448_P01:L'HEMICYCLE 2/07/12 18:36 Page 1

Vous êtes un proche du présidentde la République et du Premierministre. Le groupe PS va-t-ilpouvoir trouver son indépendanceface au couple exécutif ?Il ne s’agit pas de trouver une in-dépendance, mais de respecter larépartition des rôles établie parnos institutions. Je veillerai à ceque la majorité à l’Assemblée, quenous avons réclamée aux Fran çais,puisse donner au Premier ministrela capacité de faire des réformes, etpour réussir, il faudra que le Parle -ment soit écouté.

Le groupe PS sera-t-il un groupede députés godillots ?Mais c’est le contraire ! Pour réussir,il faudra que tout ce qui remontede nos circonscriptions soit prisen compte. Il s’agit du lien avecnos citoyens, c’est exactementl’in verse d’une majorité aux or-dres. La majorité que nous avonsconnue durant le quinquennatprécédent avait inventé des motscomme la « coproduction légis -lative », mais ils n’ont jamais sula mettre en œuvre. Je suis pourun Parlement qui permette laréussite des engagements du Pré -sident, c’est-à-dire en discutant,en amendant.

Vous attendez-vous à des rapportsdifficiles avec vos alliés à gauche ?Il ne faut pas oublier le principede base, à l’Assemblée nationale :il faut prendre le temps nécessairepour parvenir à trouver des accords.Ce n’est pas parce que nous dispo -sons d’une majorité absolue que

nous pouvons nous passer d’unélargissement, nous souhaitonstravailler avec toute la gauche.

Il y a eu de nombreuses frictionsavec ces alliés, notamment avecles écologistes, qui n’ont pasobtenu la présidence de lacommission du développementdurable. Une promesse non tenue ?Rien ne leur a été promis. Ils sou -haitaient effectivement la prési-dence de la commission du dé-veloppement durable, nous leuravons proposé la présidence dela commission des affaires eu-ropéennes, qui est extrêmementimportante, mais aussi une vice-présidence de l’Assemblée etplusieurs vice-présidences decommissions permanentes…

Pourquoi ont-ils pointé alorsla première « tentationhégémoniste » du PS ?Le mécontentement des députésécologistes a été assez incom-préhensible au regard de l’offrede postes qui leur a été faite àl’Assemblée. L’hégémonie, c’estquand on ne propose rien.

Le ministre des Relations avecle Parlement, Alain Vidalies, n’a-t-ilpas été maladroit de dénieraux écologistes la liberté de vote ?Il a simplement dit que la soli -da rité des écologistes devait s’ex-primer, à partir du moment oùnous avons signé avec eux unaccord politique, et que noussommes ensemble au gouverne-ment. Si nous sommes unis, nous

aurons plus de chances de réussirles réformes.

Jean-Luc Mélenchon a soutenuque le PS avait tenté d’empêcherla constitution d’un groupe Frontde gauche à l’Assemblée…S’il est dans la réalité, il doit direle contraire.

Allez-vous profiter à l’Assembléedes outils anti-obstruction crééspar la réforme de 2008, que voustrouviez si mauvais quand vousétiez dans l’opposition ?Le règlement de l’Assembléen’em pêche pas d’avancer, de tra-vailler. Les textes existent maisne suffisent pas, il y a un espritpour les faire fonctionner. Jesouhaite que cet esprit soit celuid’un profond respect pour le tra-vail qui sera fait par l’opposition,si toutefois ce travail ne se can-tonne pas à l’obstruction. Dansle cas contraire, nous sauronsprendre nos responsabilités.

Le groupe PS avait été trèscombatif durant la précédentelégislature. Vous attendez-vous

à la même combativité de la partdes députés de l’opposition ?Nous étions prêts dès l’été 2007 àcombattre tous les mauvais textesde la droite. Nous proposerons cetété les textes liés aux engagementsdu président de la République, ilsprendront en compte la situationdifficile des finances de notre pays.

À l’opposition d’adopter la bonnestratégie. Ils sont pour le momentdans un débat interne, et je ne saispas s’ils l’auront réglé dans lesprochaines semaines…

Christian Jacob nous disaitque le collectif budgétaire étaitpour les socialistes le rendez-vousde la crédibilité…Pendant cinq ans, ils ont systéma -tiquement raté tous les « rendez-vous de la crédibilité », jusqu’àmettre le pays dans une impasseextrêmement grave. Nous avons,de notre côté, le « rendez-vous duchangement ». Malgré la situationdifficile, nous allons montrercomment la justice peut être lemoteur de ce changement, touten tenant les engagements pour

un rétablissement de nos financespubliques.

La loi sur l’interdiction du cumul desmandats, qui concerne une grandemajorité des députés socialistes,va-t-elle être difficile à mettreen œuvre ?Les députés socialistes en ont étéavertis quand ils ont déposé leurcandidature aux législatives, cetengagement leur a été rappelélorsqu’ils ont validé le programmeprésidentiel. Cette réforme sur lecumul des mandats va arriver dansles prochains mois à l’Assembléenationale, et elle sera mise enœuvre à l’occasion des prochainesélections locales. Il n’y a aucunesurprise, et le groupe socialistesera déterminé à mener à biencette réforme.

Le PS s’était engagé à appliquerle non-cumul pour ses élusdès la fin 2012…La réforme s’appliquera lors dupremier renouvellement, en 2014.Son application pourrait êtreplus précoce pour les socialistes.J’attendrai d’en discuter avec lapremière secrétaire, Martine Aubry,pour savoir comment elle voitles choses.

Les députés PS ne seront donc pasobligés d’appliquer le non-cumuldès la fin de cette année ?L’obligation est créée par la loi, etje souhaite que cette loi soit votéele plus vite possible.

Propos recueillispar Thomas Renou

2 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 448, MERCREDI 4 JUILLET 2012

Agora

Bruno Le Roux conteste les frictions entre le PS et ses alliés de gauche lors de l’installation de lamajorité à l’Assemblée. Il estime que les postes proposés aux députés d’EELV étaient importants,et dément que le PS ait voulu empêcher la constitution d’un groupe Front de gauche.

«Le mécontentement des députés écologistes a été assezincompréhensible au regard de l’offre de postes qui leur a été faite

à l’Assemblée. L’hégémonie, c’est quand on ne propose rien »

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BRUNO LE ROUXDÉPUTÉ DE SEINE-SAINT-DENIS,PRÉSIDENT DU GROUPE SRCÀ L’ASSEMBLÉE NATIONALE

«CE N’EST PAS PARCE QUENOUS DISPOSONS D’UNE

MAJORITÉ ABSOLUE QUENOUS POUVONS NOUS PASSERD’UN ÉLARGISSEMENT »

H448_p02-03:L'HEMICYCLE 2/07/12 17:14 Page 2

Quel bilan tirez-vousdes législatives ?Le scrutin a montré que les Fran -çais souhaitaient ou acceptaientque le nouveau président de laRépublique dispose à l’Assembléede la majorité dont il avait besoin,cela s’est traduit dans l’hémicycle.

Le Parti socialiste a obtenu unemajorité solide…Ce n’est pas la déferlante quenous avons connue en 1993, parexemple, mais c’est effectivementune majorité solide, qui permetaux socialistes de ne pas dépendrede ses alliés.

Une telle majorité pourrait-ellegêner l’exécutif ?Il ne faut jamais se plaindre d’êtreriche. Cela peut parfois poser desproblèmes, mais des problèmesqu’un exécutif peut maîtriser enentretenant de bonnes relationsavec sa majorité.

Le PS n’a jamais disposé d’autantde leviers du pouvoir. Faut-ilcraindre un « État PS » ?Je ne crois pas, ce n’est pas dansl’air du temps. Quand la droiteconnaissait une telle situation,personne ne s’en offusquait. Jene vois pas de raison de s’en in-quiéter davantage quand cettesituation arrive au profit de lagauche. Que François Hollandedispose de plus de pouvoir quen’en ait jamais eu François Mit-terrand, cela ne fait aucun doute.Qu’il en abuse, et il en serait ins -tantanément pour ses frais.

Le ministre des Relations avec leParlement, Alain Vidalies, indiquene pas souhaiter faire « table rase »de la réforme de 2008.Qu’en pensez-vous ?Cela ne m’étonne pas du tout, et jetrouve cette décision très sage. Jeconsidère qu’une réforme consti-tutionnelle n’acquiert sa véritéqu’après une alternance. L’alter-nance s’est produite, et la nouvellemajorité va découvrir que la ré-forme de 2008 lui apportera de

nombreux avantages. Non seule-ment elle ne sera pas remise encause, mais je ne serais pas surprisde découvrir que les socialistes semordent les doigts d’avoir refusél’introduction au Sénat des dispo -sitifs anti-obstruction qui existentdésormais à l’Assemblée.

Le PS compte tout de même revenirsur le contrôle des nominations…Il faudrait alors réviser la Consti-tution. C’est l’autre enseignementdes législatives : cette majorité estforte, mais elle n’est pas suffisantepour permettre à la gauche deréviser seule la Constitution. Elle

ne pourra le faire qu’avec l’accordde la droite.

François Hollande s’est engagéà créer une loi sur l’interdictiondu cumul des mandats. Cela va-t-ilpermettre d’améliorer nettementle travail parlementaire ?Cela fait des années que je militepersonnellement en ce sens, car jesuis convaincu que c’est l’inter -diction du cumul des mandats quichangera tout. Mais il faudra alors

que soient prises simultanémentdes dispositions pour assurer unminimum de présence hebdoma -daire des députés à l’Assemblée.Si tel n’est pas le cas, cela risquede créer des effets pervers. Un dé -puté cessant d’être cumulard serad’autant plus inquiet de perdrel’unique mandat qui lui reste. Ilpasserait alors son temps dans sacirconscription, sans jamais mettreles pieds à l’Assemblée…

Alain Vidalies indique que l’ordredu jour ne sera plus « pollué » pardes lois dites « émotionnelles »…Si le gouvernement partage sa

lucidité sur le problème, cela suffiraà ce que cette question ne se poseplus.

La procédure accélérée a ététrop utilisée durant la dernièrelégislature ?Ce n’était pas le signe d’un acti -visme, mais d’un dysfonctionne -ment dans les relations entre leParlement et le gouvernement.J’espère que l’on n’assistera plusà ce dysfonctionnement.

François Hollande a-t-il raisonde vouloir réintroduire une dosede proportionnelle pour l’électiondes députés ?C’est tout à fait souhaitable. Jerappelle qu’en 1992 le doyenGeorges Vedel avait présidé deuxcommissions. L’une sur les insti-tutions, et l’autre, oubliée de tous,portait sur les modes de scrutin.La commission Vedel était parve -nue à cette idée d’un « suffragemajoritaire amendé » : l’électionde 10 % des députés au scrutinproportionnel, les autres conti -nuant à être élus au scrutin ma-joritaire à deux tours. Il est temps,

vingt ans plus tard, que cette idéesoit mise en œuvre. Il va aujour-d’hui de soi que le Front natio -nal, le Front de gauche, l’extrêmegauche ou les centristes doiventêtre représentés au Parlement.

Cette modification obligeà un nouveau redécoupage…Oui, car la Constitution fixe lenombre maximum de députés à577. Il faut donc réaliser un nou-veau redécoupage, mais ce n’estpas un obstacle terrible.

Qu’est-ce que l’expression« présidence normale »vous inspire ?De la perplexité. Je ne vois pascomment on peut exercer norma -lement une fonction anormale.Je pense qu’il y a une contradic-tion dans les termes, que c’est unpro blème de sémantique. Je croiscomprendre que l’intention deFrançois Hollande est d’être unPrésident qui conserve un compor -tement simple. Cela me convientparfaitement. Exer cer de manièresimple une fonction anormaleme semble possible. Si l’on com-mence à chronométrer la vi tessed’un convoi présidentiel sur l’au-toroute pour s’assurer qu’il ne dé -passe pas 130 km/heure, on tombedans quelque chose de complète-ment absurde. Il est pourtant vraique dépasser 130 km/heure surl’autoroute n’est pas normal. Maisle passager en question n’est pasnormal.

Propos recueillis par T.R.

NUMÉRO 448, MERCREDI 4 JUILLET 2012 L’HÉMICYCLE 3

Agora

GUY CARCASSONNEPROFESSEUR DE DROIT PUBLICÀ L’UNIVERSITÉ PARIS-OUESTNANTERRE LA DÉFENSE

Le constitutionnaliste Guy Carcassonne trouve « sage » la décision de ne pas revenir surla réforme institutionnelle de 2008. Il estime que c’est l’interdiction du cumul des mandatsqui « changera tout » à l’Assemblée.

«Je considère qu’une réforme constitutionnelle n’acquiert sa véritéqu’après une alternance. La nouvelle majorité va découvrir que la

réforme institutionnelle de 2008 lui apportera de nombreux avantages »

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«LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE : C’ÉTAITLE SIGNE DURANT LA DERNIÈRE

LÉGISLATURE D’UN DYSFONCTIONNEMENTDANS LES RELATIONS ENTRE LE PARLEMENTET LE GOUVERNEMENT »

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4 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 448, MERCREDI 4 JUILLET 2012

Plan large

En apparence l’Allemagne recule, enréalité le fédéralisme avance.Lors du sommet des 28 et 29 juin lachancelière allemande Angela Merkela paru finalement déroger à ses prin -cipes intangibles. Le pacte de crois-sance, souhaité par François Hollandepour ne pas renégocier le traité dediscipline budgétaire, était sans douteacquis avant même la réunion deschefs d’État et de gouvernement ; enrevanche l’extension de la compétencedu Mécanisme européen de stabilité(MES), qui doit entrer en applicationen juillet 2012, n’était absolumentpas inscrite au programme. Conçupour remplacer le Fond européen destabilité financière (FESF) et le Méca -nisme européen de stabilité financière(MESF), le MES, qui est un fonds dese cours européen permanent, pourradésormais recapitaliser directementles banques, sans passer par les États,et racheter de la dette, sans imposerune rigueur budgétaire soumise à unstrict contrôle européen. À cette éven-tualité Angela Merkel s’était pourtanttoujours opposée au nom du principe« pas de prestation sans contrepartie ».Elle a finalement cédé, sous la pressionde la France, de l’Italie et de l’Espagne,ce qu’on interprète comme un change-ment de rapport de force.Cette concession concourt cependantà renforcer rapidement le fédéralismeeuropéen. Le rapport du présidentdu Conseil européen, Herman VanRompuy, « Vers une véritable Unionéconomique et monétaire », présentélors du sommet, en exprime la philo -sophie. Inspiré des thèses du Conseilallemand des experts économiques(CAEE), il expose les quatre élémentsessentiels pour l’avenir de l’UE. Deuxde ces éléments relèvent du fédéralismeéconomique : le cadre financier inté-gré et le cadre budgétaire intégré, etdeux autres du fédéralisme politique,qui en est le complément nécessaire :un cadre de politique économique in -tégré et un renforcement de la légiti -mité démocratique et de l’obligationde rendre des comptes (devant le Par-lement européen).À l’heure où les peuples doutent desvertus de l’Europe, le plan arrêté auConseil européen n’est pas seulementd’ordre économique et social mais,fondamentalement, politique et ins -titutionnel. Les solidarités de faitsont-elles plus fortes que la volontéinconstante des peuples ? C’est toutel’équation de l’Europe, nécessaire etpourtant non démocratique, qui setrouve ici récapitulée.

Le Conseil européen,l’Allemagne etle fédéralisme

DR

Baptême du feu pour legouvernement. Le premiertexte porté par deux de

ses mi nistres – Christiane Taubira(Justice) et Najat Vallaud-Belkacem(droits des femmes) – est présentéau Parlement. Le projet de loiconcernant le harcèlement sexuelsera, en effet, examiné le 11 juilletau Sénat, puis les 24 et 25 juillet àl’Assemblée nationale. Le choix dela procédure accélérée est autantmotivé par le vide juridique ré -sultant de la décision du Conseilconstitutionnel d’invalider l’an-cienne loi que par le symbolequ’elle représente. François Hol-lande, qui a décidé de rétablir unministère des Droits des femmesdans un gouvernement paritaire, sedevait de répondre à l’urgence, parl’entremise de son exécutif. Mais ilne l’a pas fait n’importe comment.Le texte, qui sera sous les projec-teurs la semaine prochaine, a étéapprouvé à l’unanimité en com-mission des lois du Sénat, la se-maine dernière. C’est un mix entrele projet de loi présenté le 13 juinen conseil des ministres, les pré -conisations du groupe de travail

constitué ad hoc par le Sénat, lessept propositions de loi déposéespar des sénateurs de tous bords etles recommandations de la déléga-tion au droit des femmes, présidéeau Sénat par Brigitte Gonthier-Maurin. Les principes d’écoute, deconcertation et de mise en valeurdu travail parlementaire que sou-haite afficher le Premier ministre,Jean-Marc Ayrault, semblent avoirété respectés. « Il s’agit d’une bonnesynthèse de tous les points de vue »,confirme Jean-Pierre Sueur, le pré -si dent de la commission des lois.« L’état d’esprit est au consensus. Lorsde leur audition, les deux ministresconcernées se sont montrées ouvertesà des aménagements de leur texte »,ajoute de son côté la sénatrice cen-triste Muguette Dini (Rhône-Alpes).La sénatrice socialiste CatherineGénisson (Pas-de-Calais) se félicitede la place qui a été accordée autravail des élus. Cela donne le« la » pour l’avenir : « Le Sénatvient en soutien et en accompagne-ment de l’action du gouvernement,sans s’exonérer de faire des propo -sitions pour enrichir le texte. » « LeParlement peut être un vrai moteur

pour le gouvernement », surenchéritla sénatrice écologiste EstherBenbassa (Val-de-Marne).Ce consensus général n’était pour-tant pas acquis. Le Sénat, qui s’estemparé du sujet dès l’abrogationde l’ancienne loi, le 4 mai, par leConseil constitutionnel, n’a pasvu d’un bon œil la préemptiondu dossier par le gouvernement.Par la voix de Chantal Jouanno,l’UMP n’a pas hésité à critiquer lepassage en force du pouvoir exé -cutif et à qualifier ce projet de loi« d’usine à gaz ». « Par sa volontéde communiquer sur la question, legouvernement a fait fi du travail defond effectué au Sénat. On a perdudu temps », assène aujourd’huila sénatrice de Paris. Le sénateurUMP Alain Gournac (Yvelines)abonde dans le même sens. « Leprojet de loi est un texte mal fichu,technocratique et fait sans nous. Onnous a laissé travailler comme deschiens pour presque rien », tonne levice-président de la délégation audroit des femmes. Des associationssont aussi montées au créneaupour dénoncer les failles du projet.La commission des lois a donc

revu la copie, en tenant comptedes critiques. L’unanimité qui aprévalu préfigure le vote en séance.Aucune remise en cause majeuren’est à attendre le 11 juillet. Dé-pourvu d’animosité, le débat risquenéanmoins d’être long. Chaquegroupe va vouloir exprimer sonattention « sur un sujet qui n’estni de droite ni de gauche », rappelleCatherine Génisson. « Les débatsseront l’expression des nuances et desaméliorations », estime MuguetteDini, qui votera le texte sans« arrière-pensée ». Le sénateur socia-liste Philippe Kaltenbach (Hauts- de-Seine) souhaite par exempleintroduire le nombre de dépôts deplainte pour harcèlement sexueldans le bilan social de l’entreprise.À l’UMP, on s’interroge par ailleurssur l’âge à partir duquel l’abusd’autorité peut être considérécomme circonstance aggravante.Faut-il se baser sur 15 ans, la ma -jorité sexuelle, ou sur 18 ans, la ma-jorité légale ? La question ne faitpas l’unanimité. Mais ChantalJouanno reste sans ambiguïté :« Notre priorité demeure avant toutl’adoption rapide de ce texte. »

Le projet de loi défendu par les ministres Christiane Taubira et NajatVallaud-Belkacem est le premier texte du gouvernement à être présentédevant le Sénat, le 11 juillet. Enrichi en commission des lois la semainedernière, il répond autant à la nécessité de parer à une urgence qu’à unsouhait du pouvoir exécutif de mettre en valeur le travail parlementaire.Par Pascale Tournier

« Le harcèlement sexuel n’estni de droite ni de gauche »

Aux Quatre Colonnes

Comment s’articule le texte définitifde la commission des lois par rapportau projet de loi du gouvernement ? C’est un texte de synthèse et de cla -rification. Contrairement au pro jetde loi du gouvernement, nousavons distingué deux définitionsbien distinctes du harcèlement.Il y a bien le fait répété et le faitunique. Nous avons aussi révisé lespeines. Dans les deux cas, la peineest fixée à deux ans et à 30 000euros d’amende. Nous n’avons pasà hiérarchiser les souffrances des

victimes. Autre modification ma-jeure : le statut fonction publiqueest désormais concerné.

Quels sont les débats attendusen séance ? Des termes comme « environne-ment », dans l’article 1er, vont êtrediscutés. Certains préfèrent les mots« ambiance », « contexte »… Lacommission des affaires sociales aproposé une disposition concernantles circonstances aggravantes. Ellen’a pas été acceptée à la commis-

sion des lois. Le groupe CRC a dé-posé un amendement allant dansle même sens. Il s’agit d’intégrerla notion de vulnérabilité écono-mique. Mais comment la définir ?C’est une notion relative. La réalitéest-elle la même à Paris ou à Rodez ?C’est la jurisprudence qui le défi nit,le souhaite-t-on, alors qu’on sou-haite un texte clair et précis ?

La méthode du gouvernementa été critiquée sur ce dossier.Était-ce justifié ?

L’UMP regrette que les PPL n’aientpas été examinées et s’est aussi in-terrogée sur la nécessité d’un pro-jet de loi. Avoir d’un côté les PPLet les projets de loi du gouverne-ment est un débat dépassé. Avecla réforme constitutionnelle, c’estle texte de la commission des loisqui vient en séance. Mais on ne vapas interdire ni au gouvernementni aux sénateurs de déposer destextes sur un sujet aussi sensible.

Propos recueillis par P.T.

Alain Anziani est rapporteur du projet de loi sur le harcèlement sexuel. Il détaille lesaméliorations apportées par la commission des lois au texte du gouvernement.

« C’est un texte de synthèse et de clarification »Alain Anziani, sénateur (PS) de la Gironde

L’opinion d’Éric MaulinDirecteur de l’Institut des HautesÉtudes Européennes (IHEE)

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Comment accueillez-vousl’initiative de La Banque postaleet du Crédit agricole ? C’est vraiment nécessaire parcequ’on a un vrai problème. Sur lecrédit à court terme, le départe-ment ouvre une ligne de crédittous les ans de 20 millions d’euros.Elle nous permet de réguler notretrésorerie pour réaliser des em-prunts seulement en fin d’année.Nous n’avions aucun problèmepour bénéficier de cette ligne detrésorerie. Or, cette année, nousavons eu la désagréable surprisede constater, en lançant l’appelà crédit, que le maximum desoffres dont nous bénéficions estde 8 millions d’euros. Ce qui veutdire qu’on ne va pas pouvoir jouer,comme on le faisait les autresannées, sur notre masse de tré-sorerie, ce qui nous permettaitde réaliser des gains financiersen termes d’intérêts assez impor-tants. Donc, surcoût : le crédit

est devenu rare, mais il est égale-ment devenu cher, les offres serapprochent d’un taux de 5 %actuellement.

Qu’en est-il du financementà long terme ?Nous avons commencé à solli -citer les banques dès le moisd’avril parce que nous savionsque nous aurions des difficultéset, effectivement, les organismesbancaires ne nous répondentpas à la hauteur des crédits quisont demandés. Ils répondent surde petites sommes, en général.Quand on fait un appel à 10 ou20 millions, on nous dit : « Nous,on répond à 4 millions. » Et c’estcomme cela que nous avonsmobilisé le tiers de nos besoins,avec 4 organismes bancaires et desprêts à 2, à 3 et à 4 millions. Pourle reste, on continue, on espèreque ça va se débloquer parce queça va assécher totalement nos

fonds propres et nous amener, sila situation n’évoluait pas (maisje ne doute pas qu’elle va évo -luer), à réduire considérablementnos investissements pour l’annéeà venir, ce qui serait dramatiquedans le contexte actuel.

La banque qui doit associerLa Banque postale et la Caissedes dépôts peut vous sauver ?Je l’attends avec impatience, c’estune nécessité économique majeure.Mais je crois que le gouvernementen est bien conscient. Nous savionsdepuis le début de l’année que lesdélais auraient du mal à être tenus.Notre département a un encoursde dette de 180 millions d’euros,donc nous sommes bien situés, pastrop endettés. Néanmoins, commela plupart des départements, nousavons tendance à recourir un peuplus à l’emprunt depuis deux outrois ans.

Propos recueillis par F.C.

NUMÉRO 448, MERCREDI 4 JUILLET 2012 L’HÉMICYCLE 5

Il y a le feu aux finances descollectivités locales. De la villequi ne repeindra pas les salles

de classe au département qui met-tra un frein à l’entretien des routes,c’est toute une mécanique de tré-sorerie et d’investissement qui estgrippée. Le constat chiffré est in-quiétant : selon Dexia, il devraitmanquer cette année 6 milliardsd’euros de crédit à long termeau niveau local. Et l’an prochainsera à peine meilleur : la pénuriede financement devrait atteindre4,7 milliards d’euros, pour un be-soin total de 17,5 milliards.Pour tenter de circonscrire l’incen -die, deux établissements bancairesjouent les pompiers. La Banquepos tale a dégainé en premier. Elledébloque une enveloppe de 2 mil-liards d’euros de crédit à courtterme, des prêts à un an maximum.Cet argent sera puisé dans les li -quidités de la filiale de La Poste,qui peut se targuer d’être la seulebanque à afficher des dépôts lar -gement excédentaires par rapportà ses crédits. L’autre geste vientdu Crédit agricole, qui détient20 % du marché du financementdes collectivités selon la Banquede France. La Banque verte metsur la table 1,9 milliard d’eurospour des crédits à long terme,cette fois. L’offre consiste en unprêt amortissable sur quinze ans,à un taux légèrement inférieur à5 %. Elle s’adresse aux collectivités

moyennes et grandes, pour despro jets d’une certaine envergure,de 5 à 50 millions d’euros. Et,perspective rassurante, le Créditagricole n’exclut pas de renouvelerce type d’offre à l’avenir.Si cet incendie financier n’en finitpas de prospérer, c’est qu’il évoluesur un terrain favorable, celui del’assèchement du crédit. Depuis ledébut de la crise, les banques fontpreuve d’une extrême prudenceen accordant des prêts avec parci-monie et selon des critères de plusen plus stricts. De plus, en ce quiconcerne le financement à moyenet long termes, la succession deDexia – principal bailleur de fondsdes collectivités – prend formedans la douleur. Un projet d’éta -blissement bancaire associant LaBanque postale et la Caisse desDépôts est, certes, censé voir lejour avant la fin de l’année, maisil se heurte à l’examen tatillonde Bruxelles. La Commission eu-ropéenne émet des réserves surle plan de démantèlement de labanque franco-belge. Le problème ?

Les modalités de liquidation, éta -blies en octobre dernier, prévoientque Dexma – la structure de re -finan cement de la banque mori-bonde – lui survive et serve àfinancer les prêts de la futurebanque aux collectivités. Inaccep -table pour Bruxelles, qui y voitune pérennisation du mo dèle,jugé bancal, de Dexia. Du coup, lenouveau ministre de l’Économie,Pierre Moscovici, use de toute soninfluence pour convaincre lesautorités européennes du bien-fondé du plan de l’automne der -

nier, élaboré par… le gouverne-ment de François Fillon ! Paradoxequi n’est pas couronné de succèsjusqu’à présent.Mais bon. Sautons l’étape, admet-tons que les hypothèques bruxel-loises soient levées et que lanouvelle entité voie le jour. Ellene couvrira pas tout le terrain oc-cupé par Dexia, acteur historique.Détenue à 65 % par La Banquepostale et à 35 % par la Caisse desdépôts, elle devrait distribueren rythme de croisière environ5 milliards d’euros de crédit à long

terme, alors que la Franco-Belgen’en octroyait pas moins de 8 mil-liards au plus fort de son activité.La crise des finances publiqueslocales n’est donc pas près d’êtrerésolue, ce qui ne manquera pasde laisser bien des pans de l’éco -nomie française dans l’ornière(le bâtiment, par exemple), dansla mesure où l’échelon local porteprès des trois quarts de l’inves -tissement public. Les efforts despompiers sont donc bienvenus…mais insuffisants.

Florence Cohen

Maîtriser l’incendie des finances localesLa Banque postale et le Crédit agricole mettent à la disposition des collectivités locales prèsde 4 milliards d’euros sous forme de prêts. Un geste nécessaire, mais loin d’être suffisant pourcombler des besoins financiers criants.

PIERRE CAMANIPRÉSIDENT PS DU CONSEIL GÉNÉRAL DE LOT-ET-GARONNE

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Feu vert a donc été donné,le 20 juin, à une campagnede recherches de pétrole

fran çais dans le bassin de Zae dyus,au large des côtes guyanaises. D’icideux à trois ans, la France saurasi elle dispose bel et bien d’un« mégagisement » d’hydrocar -bures d’une capacité d’« au moins300 millions de barils », commele pensent les pétroliers Shell,Total et Tullow Oil, partenairesdans ce projet. Si tel est le cas, le début de l’ex-traction du pétrole débuterait en2016 et sa commercialisation àpartir de 2019. Avec à la clé uneproduction qui pourrait avoisiner10 milliards d’euros par an.Les élus guyanais se disent « pleind’espoir » en imaginant la formi-dable rente dont pourrait bientôtbénéficier leur territoire sinistré.Mais ce qui apparaît désormaiscomme « l’affaire Nicole Bricq »– la ministre de l’Écologie et del’Énergie qui a suspendu les der -niers arrêtés permettant les fo -rages, avant de se faire désavouer(voir encadré) – en a refroidiplus d’un, révélant les lacunes dece dossier. L’État français a-t-iltout prévu pour se prémunir desrisques, garantir la préservationdes écosystèmes et, surtout, s’assu -rer de retombées financières im-portantes ? Rien n’est moins sûr.In petto, certains politiques guya -nais confient leur malaise face àun dossier bouclé un peu trop vite.Le conseiller régional Rémy-Louis

Budoc, bien que cho qué par l’an-nonce « un peu cavalière » de laministre de l’Écologie, reconnaîtque cette suspension était « peut-être un mal nécessaire » : « Nous nesommes pas allés assez loin dans les

conditions préalables de garanties definancement, de fiscalité et d’environ-nement », estime ce représentantde la Guyane au Conseil éco no -mique, social et environnemental(CESE). Il n’est pas le seul à par -tager les inquiétudes de l’ancienneministre désavouée.

Des risques sous-évaluésLa première crainte de Guyanaisporte sur les risques d’une éven -tuelle catastrophe pétrolière surune plate-forme offshore de cettenature et à cet endroit. « Ce n’estpas un projet comme un autre,c’est une véritable aventure, avec desrisques technologiques énormes, dansune zone de courants parmi les plus

puissants au monde », s’alerte unfondateur du collectif Or bleucontre or noir, créé en oppositionau projet pétrolier.La tragédie de « Deepwater Hori-zon » dans le golfe du Mexique,

en avril 2010, et la fuite de laplate-forme Chevron au large duBrésil, en novembre 2011, sontencore dans toutes les mémoires.Une douzaine d’accidents majeurssont survenus dans le monde surdes plates-formes offshore depuis1976.Anne Duthilleul, chargée de mis-sion par le gouvernement pouraccompagner ce projet pétrolier,se veut rassurante : « Il existe déjàplusieurs exemples de plates-formesde ce type depuis dix ans, et l’explo-ration se fait suffisamment loin descôtes pour avoir le temps de réagiren cas de problème », tempère-t-elle.Un discours qui fait bondir lesécologistes.

Christian Roudgé, coordinateurde Guyane nature environnement(GNE), ne cache pas sa colère :« Qui paiera en cas d’accident detype 3 [le plus grave, NDLR] au largede la Guyane, si le pétrole atteintles côtes ? Aucun assureur européenn’accepte aujourd’hui de couvrir laresponsabilité pleine et entière d’unexploitant offshore », poursuit-il.Dans le cas du projet Shell, l’Étatfrançais a pris soin de souscrireune assurance internationalecomplémentaire. Objectif : « pou-voir réagir de façon renforcée » en casde déversement d’hydrocarburesen mer, selon Anne Duthilleul.Preuve que rien, en France, negarantit le principe du pollueur-payeur dans le domaine offshore.La chose serait impensable auxÉtats-Unis. Le coût de la tragédiede Deepwater fut abyssal, mais leprincipe du pollueur-payeur futappliqué. « Grâce à une législationtrès contraignante pour les exploi -tants, l’État fédéral américain a pufaire jouer la responsabilité pleineet entière de la compagnie : BP a dûprovisionner 20 milliards de dollarsdans l’attente de sa condamnation,ce qui a d’ailleurs failli causer sa dis-parition », commente ChristianRoudgé.Il n’existe pas à ce jour de législa-tion internationale sur l’offshore.Au niveau européen, un projet dedirective a été élaboré, mais ne de-vrait pas voir le jour avant deux ans.Une transposition en droit fran çaisn’est donc pas pour demain.

Les zones d’ombred’un projet pétrolier

Guyane

La France est-elle préparée face aux défis qui l’attendent en cas de découverted’un « mégagisement » pétrolier en Guyane ? Les élus ne cachent pas leursdoutes, après le couac gouvernemental autour de la décision d’autoriserles premiers forages exploratoires.

6 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 448, MERCREDI 4 JUILLET 2012

Dossier

Chronologie d’un psychodrame gouvernementalLe 13 juin, la ministre del’Écologie Nicole Bricq décide,

en partenariat avec Arnaud Mon-tebourg au redressement produc-tif, de « suspendre » les opérationsen vue d’une « remise à plat dupermis » d’explorer accordé auxcom pagnies pétrolières il y a dixans. Cette annonce surprise, alorsqu’un navire de forage est déjà en

route pour la Guyane, provoque« l’incompréhension » des diri geantsde Shell France comme des élus lo-caux. À la colère de Shell succèdecelle de Total, appuyé par l’Unionfrançaise des industries pétrolières(UFIP). Laurence Parisot, la prési-dente du Medef, s’en serait mêmeémue « directement à Matignon, voireà la présidence de la Ré pu blique »,

selon Le Monde. De leur côté, lesélus de Guyane tentent de rassurerles pétroliers. Le 21 juin, alors quela ministre se trouve au sommetde la Terre de Rio de Janeiro, deuxdéputés guyanais révèlent, aprèsune entrevue avec le ministre desOutre-mer Victorin Lurel, que lesdeux arrêtés préfectoraux blo quésont finalement été signés, auto ri -

sant les pétroliers à forer dès lelundi suivant. Un rétropédalagedu gouvernement en forme dedésaveu à Nicole Bricq, qui lui asans doute coûté son portefeuille.Devenue ministre du Commerceextérieur, elle est remplacée àl’Écologie par Delphine Bathodans le gouvernement Ayrault II.

«JE VEILLERAI À CE QUE,PAR LA FISCALITÉ ET LES

REDEVANCES, CETTE FUTUREEXPLOITATION VOUS SOITRETOURNÉE EN LARGE PART »

Déclaration du 16 janvier du candidatFrançois Hollande lors de sa visite en Guyane

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Les baleines négligéesLa seconde inquiétude concernela faune marine, particulièrementdense dans la zone concernée.Pour cartographier les fonds ma -rins, les explorateurs vont effectuerune étude « sismique » consistantà produire des explosions sonoressous-marines ultra puissantes, dontles ondes se répandent à plus de100 km à la ronde.Or, la dangerosité de ces ondesest clairement démontrée sur lestortues marines (cinq espèces pro-tégées) et surtout sur les cétacés,dans un rapport du cabinet deconseil Creocéan, mandaté parle consortium pétrolier – qui re-groupe Shell (45 %), Tullow Oil(27,5 %), Total (25 %) et Northpet(2,5 %).À la demande de l’État et des asso -ciations écologistes, Shell a priscertaines précautions afin de mi -ni miser les impacts. La compa gnieaurait, selon Anne Duthilleul,acce pté de phaser son activitésismique en juillet-août, périodede passage des tortues marinesqui viennent pondre sur les côtesguya naises, et prévu que des obser -vateurs qualifiés embarquent dansle bateau de sismique pour repé -rer les mammifères marins visuel -lement et à l’aide de sonars, afind’interrompre la campagne pen-dant leur passage. En revanche, malgré l’insistancedu GNE et du WWF, Shell a refuséde suspendre son activité de sep-tembre à décembre, pendant le picde présence des baleines.

Pas d’étude d’impact,ni d’étude publiqueCes concessions ont été négociéesen dehors de tout cadre réglemen-taire, regrette Christian Roudgé :« À l’échelle des enjeux, des risques in -duits, de la quantité et de la qua litédes espèces présentes, ce projet méritaitune étude d’impact indépendante etune enquête publique, comme l’exigedésormais une disposition du Gre -n elle II, entrée en vigueur le 1er juin »,soulève-t-il.

Dans un rapport sur l’offshore du13 mars, le Conseil économique,social et environnemental ré-clame en outre que soient misesen œuvre des consultations pu -bliques en amont de tout projetd’exploration, ce qui n’a pas étéle cas. « Avec 11 millions de km2

d’espaces maritimes dans le monde,la France a une responsabilité inter-nationale particulière en matière deprotection de ces espaces maritimes »,soulignait récemment Anne-MarieDucroux, présidente de la sectionEnvironnement du CESE.

Une fiscalité insuffisanteLe point le plus sensible porte surla rente pétrolière future. « Jeveillerai à ce que, par la fiscalité etles redevances, cette future exploita-tion vous soit retournée en large part »,déclarait le 16 janvier dernier lecandidat François Hollande lorsde sa visite en Guyane. Force estde constater que l’on est loin ducompte.Le taux d’imposition maximumest aujourd’hui fixé à 12 % de lavaleur du pétrole extrait du sous-sol marin, en vertu d’un articleinséré dans la loi de financesrec tificative de 2011. Un taux dé -risoire si on le compare à ce queprévoit la Norvège, grand payspétrolier européen (voir encadré).« Nous voulons aller au-delà de la loide finances, car ceci nous a été impo -sé en catimini par le gouvernementprécédent », plaide Chantal Berthe -lot, députée (PRG) de Guyane.« Ce qu’une loi de finances peut faire,une autre peut le défaire », souligneAnne Duthilleul. Mais elle pré -cise que les taux appliqués dansd’autres pays portent sur des fo -rages moins profonds.

Un code minier « colonial »Pour Rémy-Louis Budoc, il est ur-gent de refondre en profondeurle code minier « quasi colonial »qui régit l’exploitation du sous-solfrançais et la délivrance des per-mis d’exploitation. Et d’y intégrerles notions de transparence, deconsultations publiques, de respectde l’environnement, sans oublierl’aspect fiscal. « C’est au gouvernement que revientde mettre en place une législationqui offre de meilleures garanties pournotre territoire », ajoute le conseiller

régional. Chantal Berthelot y estaussi favorable, « à condition dele faire avec les partenaires », car« l’entreprise a besoin de savoir quelsera le cadre réglementaire, c’est celaun bon partenariat ». Aujourd’hui,même Shell ne se dit « absolumentpas opposé » à la perspective dechan ger le code minier. Pourquoi alors faire taire NicoleBricq, la ministre de l’Écologie quia déclaré ce que tout le mondepense tout bas, à savoir que « dansle cadre d’un code minier inadapté etobsolète, le précédent gouvernementa octroyé un permis exclusif de re -cherches à un consortium privé sanscontrepartie suffisante pour l’intérêtnational » ?Ce couac gouvernemental auguremal de la promesse du candidatHollande d’aller vers la transitionénergétique. C’est aussi une en-taille sérieuse dans le pacte conclupar le Parti socialiste avec ses alliésd’Europe Écologie-Les Verts.

Tatiana Kalouguine

NUMÉRO 448, MERCREDI 4 JUILLET 2012 L’HÉMICYCLE 7

La question des retombéeséconomiques et sociales est

bien sûr au cœur des préoccupationsdes Guyanais. Cette région de 230 000habitants est l’une des plus pauvresde France, avec 15 000 chômeurs(23 % de la po pu lation active) et12 000 personnes touchant le RSA.À ce jour, le consortium pétrolier aannoncé la création de 160 emploisdirects et entre 400 et 500 emploisindirects et induits. Mais c’esttoute l’économie locale qui pourraitêtre tirée par cette activité. « Mêmesi l’exploitation ne débutera quedans six à huit ans, c’est maintenantqu’il faut commencer à préparerle tissu guyanais à la demandeet aux standards de Shell »,précise Anne Duthilleul. Unprogramme devrait être lancépar Shell et ses sous-traitantspour former des Guyanais durantcinq ans afin d’être prêts au momentde l’exploitation.

Dossier

En Norvège, une rente bien négociéeGrâce à ses immenses gise-ments en mer du Nord, la

Norvège est le 8e exportateur depétrole au monde. Depuis le débutde l’exploitation pétrolière en1971, son PIB a plus que quadru-plé. Pour y parvenir, le pays s’estdoté d’une fiscalité particulière-ment avantageuse : il prélève 78 %

des bénéfices réalisés par les ex-ploitants grâce au pétrole prélevédans ses eaux. En France, la légis -lation actuelle limite à 12 % lesprélèvements, non pas sur lesbé né fices mais sur la valeur dupé trole sur les marchés interna-tionaux. Difficile de comparer cesdeux taux, puisque les coûts de pro-

duction des pétroliers font baisserl’assiette de l’impôt en Norvège.Mais pour les experts il est clairque la fiscalité française n’est pasà l’avantage de l’État. Un pointque le nouveau gouvernementsouhai tera sans doute modi fierd’ici à la fin de la phase explora -toire en Guyane, en 2014.

Le forage pétrolier au largede la Guyane est au centred’une polémique qui embarrassele gouvernement.PHOTO JODY AMIET/AFP

Emploi :l’espoirmesuré desGuyanais

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Contrairement à la privatisa-tion en vigueur au Royaume-Uni et au tout public des

Pays-Bas, la distribution d’eau po-table en France s’appuie selon lesvilles soit sur une régie publique,soit sur une concession accordéeà une entreprise privée. Une dé -légation de service public (DSP)qui dessert les deux tiers de lapopulation, estime la Fédérationprofessionnelle des entreprises del’eau (FP2E).Le marché français reste dominépar trois groupes qui se partagentl’essentiel des appels d’offres lan-cés par les collectivités locales,ren dant parfois difficile une réellemise en concurrence. Au printemps2010, la Commission européennea ainsi lancé une enquête sur laconcurrence dans le secteur del’eau et de l’assainissement. LaLyonnaise des Eaux (filiale de SuezEnvironnement), Veolia Environ-nement (ex-Compagnie généraledes eaux) et la Saur, principale-ment présente dans les zones ru-rales et périurbaines, contrôlentplus de 98 % du marché des délé-gations de service public.Face à cette mainmise, plusieursvilles ont choisi un retour à unegestion municipale de leur eau, àl’image de Paris. « C’est une positionde principe : Paris doit maîtriser etpréserver la ressource. C’est un enjeuenvironnemental et sanitaire qui nepeut être conduit que par le public »,défendent les services chargés del’eau de la capitale.

À Lyon, la bataille de l’eauest lancéeDans l’Essonne, où la distributionde l’eau potable est actuellementgérée par la Société des Eaux del’Essonne, les élus de la commu-nauté d’agglomération ont votéégalement pour la création d’unerégie publique qui prendra encharge, à partir du 1er janvier2013, la distribution de l’eau po-table dans les six communes del’agglomération, dont Évry. Uneévolution qui conduira à unebaisse du prix de la distributionde l’eau de l’ordre de 10 %. En cequi concerne la qualité, « les mêmescontrôles qu’auparavant seronteffec tués », assure la communau téd’agglomération, qui analyse : « La

régie présente deux autres avantages :elle favorise la transparence pour leconsommateur et garantit une meil-leure maîtrise de l’entretien. » Mêmetendance à Bordeaux, où la com-munauté urbaine a voté pour lepassage de l’eau et de l’assainisse-ment en régie publique à l’horizon

2019 ; et ce, avant même la fin ducontrat la liant à la Lyonnaise desEaux, en vertu de l’arrêt Olivet duConseil d’État. Celui-ci autorise lescollectivités à rompre par antici-pation et sous certaines conditionsles contrats signés avant 1995 pourune durée supérieure à vingt ans.« L’eau est un bien particulier quidoit être géré par le public, ce n’est paspossible que l’on délègue encore sousdes durées de vingt à trente ans »,confie le président (PS) de la CUB,Vincent Feltesse. Sur cette base,Montbéliard a annoncé son inten -tion de reprendre en régie directedès 2015 la gestion de son réseaud’eau courante, attribuée à Veoliajusqu’en 2022.Une orientation qui fait à présentdes émules au sein du Grand Lyon,dont « l’abonnement est le plus cherde France », dénonce son vice-pré-sident (communiste) Gérard Claisse,alors que se dessine la bataillepour le service public lyonnaisde l’eau post-2015. Un passage en

régie pourrait l’emporter, sur lemodèle de Grenoble qui a remu-nicipalisé son eau en 2000, faisantbaisser de 20 % ses tarifs tout ensoutenant ses investissements.« Pour nous écologistes, il est impor-tant que la production de l’eau soitpublique, pour s’assurer de la sécu-

rité des approvisionnements et de lagarantie de la qualité », expose PaulCoste (EELV) à Lyon. Mais pour sonvice-président (Synergies-Avenir)Michel Reppelin, « La communau téurbaine ne peut pas prendre toutesles compétences. »

Orléans et Marseille ProvenceMétropole en DSPC’est ainsi qu’une majorité de col-lectivités demeurent en DSP. Lemaire (UMP) d’Orléans, SergeGrouard, constate que « les DSPpeuvent être aussi performantes quedes régies, voire meilleures, d’autantqu’elles intègrent également le coûtdes investissements ». La commu-nauté urbaine Marseille ProvenceMétropole (MPM) a elle aussi re-conduit le principe d’une délé -gation pour la gestion de l’eau.« Compte tenu de l’endettement de lacommunauté urbaine, nous n’avonspas les moyens de passer en régie »,justifie Eugène Caselli, président(PS) de MPM.

Après un audit juridique, comptableet financier, le Syndicat des eauxd’Île-de-France (Sedif) a entérinéla reconduction de la plus impor-tante délégation de service publicd’Europe. Un nouveau contrat« exemplaire », analyse son prési-dent André Santini, maire (NC)

d’Issy-les-Moulineaux, qui dessert4 millions d’habitants sur 142communes. Outre une baissede prix « significative », le nouvelaccord apporte « plus de transpa-rence, plus d’efficacité », indiqueChristian Cambon, sénateur-maire(UMP) de Saint-Maurice dans leVal-de-Marne.Un bras de fer entre les com-munes et les opérateurs privés quia vu Antibes réaliser un tour deforce sans précédent. En charge dela distribution de l’eau de la villedepuis 1927, Veolia a conservé ladélégation moyennant une baissedu prix pouvant atteindre 43 %,une remise qui en fait l’eau lamoins cher de France. Le contratprendra effet au 1er janvier 2013pour une durée de dix ans. « Labaisse significative du prix tientcompte de la fin des amortissementsde la création du réseau et des tra-vaux de mise aux normes », justifiele groupe, qui mentionne égale-ment « une diminution de la margepar les gains de productivité ».

Un débat citoyendans le VaucluseConseillère municipale d’opposi-tion (PS) à Avignon, Christine La-grange plaide pour un grand débatcitoyen sur la gestion de l’eau,avec en ligne de mire le retourà une gestion publique de sa dis-tribution. « Je suis convaincue quec’est la bonne solution. » Pour

la communauté d’agglomérationdu Grand Avignon, présidée parMarie-Josée Roig (UMP), il appa-raît néanmoins « regrettable » quele débat se focalise sur la questiondu mode de gestion. « L’essentieln’est pas dans la distinction entre lagestion publique ou privée, mais plu-

tôt dans la capacité pour la puis-sance publique de contrôler cettegestion. Les investissements consé-quents que les collectivités ont àsupporter pèsent et pèseront encoreforcément sur les usagers, quel quesoit le mode de gestion. »Alors que 75 % des délégationsde service public en cours arriventà échéance en 2015, Éric Grasset,président de la régie de Grenoble,compare les modes de gouver-nance. « Les investissements ne sepensent pas de la même façon. Unerégie fait toujours des amortissementslongs parce qu’elle peut se projeterdans le temps. Si nous effectuons desbénéfices, on réinvestit dans la réno-vation. Le délégataire entretient moins,il n’effectue pas de travaux quand iln’y a pas d’intérêt. »Entre régie publique, délégationet gestion mixte publique/privé,« Il y a beaucoup d’effets de manchequi perturbent la réalité desdossiers », juge Marc Reneaume,président de la FP2E. « Ce qu’il fautgarder en tête, c’est que non seule-ment la réflexion d’une collectivité estlogique, mais elle est même légale.Avant de reconduire un contrat dedélégation, la loi fait obligation dese poser la question du mode de ges-tion », rappelle-t-il. Et d’analyser :« Ceux qui veulent faire croire qu’il ya un système qui est finissant et unautre qui serait émergent se trompentprobablement assez lourdement. »

Ludovic Bellanger

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Initiatives

Face aux marges des opérateurs privés, de nombreuses communes agitent la menaced’un retour à une gestion municipale de l’eau potable. Si la délégation de service public restemajoritaire au sein des collectivités, le bras de fer s’intensifie à coups d’arguments technico-économiques pour les uns, politiques pour les autres.

Villes en eaux troublesRégies publiques et opérateurs privés s’opposent sur la gestion de l’eau potable

«L’ESSENTIEL N’EST PAS DANSLA DISTINCTION ENTRE LA

GESTION PUBLIQUE OU PRIVÉE,MAIS DANS LA CAPACITÉ POURLA PUISSANCE PUBLIQUE DECONTRÔLER CETTE GESTION »Marie-Josée Roig, présidente (UMP) du Grand Avignon

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Depuis 2005, plus de 200 communes appliquent la loi Oudin-Santinipour soutenir l’accès à l’eau des pays en voie de développement.

Baptisé « Eau solidaire », ledispositif présenté par leSedif garantit un prix social

de l’eau. « Nous sommes les premiersà mettre en place le droit à l’eau »,se targue Christian Cambon, pre-

mier vice-président du syndicat.Le nouveau contrat liant l’Île-de-France à Veolia prévoit le verse-ment chaque année de plus de2 millions d’euros. Un fond dédiéaux clients en difficulté pour payerleurs factures d’eau, en particulierlorsque celles-ci dépassent 3 %de leurs ressources financières. Leprogramme concernerait près de265 000 familles dans la région.À Antibes, la municipalité a optépour un « ticket eau » qui dis-pense les foyers les plus modestesde s’acquitter de leur facture.

« L’eau n’est pas unemarchandise »Une préoccupation sociale initiéeà Séquestre, dans le Tarn, et àLibourne, en Gironde. Les deuxcommunes ont développé unetarification progressive de l’eau.Une approche « socialement juste,économiquement viable et environ-

ne mentalement efficace », analyseGérard Poujade, maire (PS) deSéquestre.« Notre logique a d’abord été d’affir-mer un nouveau statut de l’eau »,souligne pour sa part l’adjoint(PS) au maire de Libourne, GilbertMitterrand, à l’origine de la dé-marche. « Ce n’est pas une mar-chandise, c’est un bien commun del’humanité qui doit être accessibleà tous. C’est le service que nous fai-sons payer, car lui, il a un coût »,poursuit l’élu.En fonction de la quantité d’eauconsommée – vitale, utile ou deconfort –, les tarifs évoluent. Pourcette raison, les associations d’usa-gers libournais dénoncent aujour -d’hui « un cadeau imaginaire » dontla charge pèse sur les familles nom -breuses, contraintes de payer auprix fort la deuxième tranche deconsomma tion (jusqu’à 180 m3).

L.B.

LYON TESTE LE« COMBI FRET »� La livraison en mode vert a le vent enpoupe. Après les triporteurs électriquesà Paris, Lyon a testé au printemps unnouveau concept de logistique urbaine.Intégré au programme européen CityLog, il visait à minimiser l’impact destransports de marchandises en ville.À Vaulx-en-Velin et Villeurbanne, le projet« Combi Fret » a ainsi permis l’utilisationde véhicules hybrides pour effectuer« le dernier kilomètre ».

PRIORITÉ AUX TRANSPORTSCOLLECTIFS À LILLE� « Si l’engorgement des accèscontinue, notre région va finir pardevenir un cul-de-sac au lieu d’être uncarrefour d’échanges ! » La remarquesignée Philippe Vasseur, président de laCCI du Nord, a fait mouche. Asphyxiée,Lille mise sur ses transports en communpour fluidifier son trafic. Outre ledoublement des rames de métro, unecentaine de bus supplémentaires sontprévus aux côtés du développementde l’autopartage. La métropole souhaitequ’un voyage sur cinq se fasse entransports publics d’ici 2020.

UN FONDS DE SOUTIENAUX JEUNES ENTREPRISESDE L’OUEST� Initié par les régions Pays de la Loire,Bretagne, Basse et Haute-Normandie,le fonds Go Capital Amorçage entendsoutenir la création ou ledéveloppement d’activitéstechnologiques innovantes. Dotéede 32 millions d’euros, l’initiative viseà pallier les difficultés de financementdes jeunes entreprises. Une centaine de projets ont déjà été examinés.

DU PAPIER INFALSIFIABLETESTÉ EN MAIRIE� Afin de lutter contre la falsificationdes actes civils, les mairies de Garches(Hauts-de-Seine), Domont (Val-d’Oise), Carrières-sur-Seine (Yvelines),Bourron-Marlotte (Seine-et-Marne)et Les Pennes-Mirabeau (Bouches-du-Rhône) expérimentent depuisle printemps du papier inaltérable.Sept points de vérification sontprévus pour garantir son authenticité,parmi lesquels le mot « copie » quiapparaît quand on le photocopie,et une tache d’encre de contrôle quidisparaît quand on y appose le doigt.

OPEN DATA : NANTESS’ASSOCIE AUDÉPARTEMENTET À LA RÉGION� Pionnières en matière d’ouverturedes données publiques (liéesà l’économie, au tourisme, à lacartographie…), Nantes, la Loire-Atlantique et la région des Pays dela Loire mutualisent leurs efforts.Un rapprochement inédit qui donneranaissance à une plate-forme Internetcommune en fin d’année dotée deformats d’affichage plus lisibles. Lalecture des informations restant à cejour le point faible de l’e-démocratie.

En bref

Après Libourne et Séquestre, 142 communes du sud de l’Île-de-Francebénéficieront d’un tarif social de l’eau, pour que les plus démunis soientdispensés du paiement de leur facture.

Un tarif social de l’eauen Île-de-France

L’eau, source de solidaritéentre l’Alsace et le Cameroun

En 2010, le dispositif « 1 %des factures d’eau » pour lespays en développement a

généré 24 millions d’euros. « Maisle potentiel annuel est de 67 millionsd’euros s’il était généralisé », relèveCassilde Brénière, responsable dusecteur Eau à l’Agence française dedéveloppement (AFD). Avec 43 pro-jets menés dans 22 pays, Paris yparticipe depuis l’origine, commeLyon qui consacre 0,4 % de sesrecettes des services de l’eau et del’assainissement pour aider descommunes de Madagascar notam-ment. En Alsace, les communes duBas-Rhin, regroupées en syndicat,participent à l’amélioration de lagestion de l’eau du départementdu Mbam-et-Inoubou, au Came-roun. Les Alsaciens fournissentl’expertise, les ingénieurs came -rounais viennent en formation en

France. « On est clairement dansun souci de solidarité internationale,il n’y a pas d’intérêt lucratif, contrai-rement au privé. On ne vend pas demarché et on n’ira pas exploiter lesservices de l’eau de tel ou tel pays »,commente Anne Le Strat, adjointeau maire de Paris qui aide au dé -ploiement du réseau de distributiond’eau à Jéricho (en Cisjordanie).Si la France soutient l’adoption dela loi à l’échelle européenne, la soli -darité n’est pas l’apanage des grandesvilles : trois petites communesBousbecque (Nord), Couëron (Loire-Atlantique) et Verrières-le-Buisson(Essonne) – se mobilisent aux côtésdes agences locales de l’eau et d’ONG.Au total, elles ont réuni un budgetde 650000 euros sur trois ans pourcréer un service municipal de l’eauà Zorgho, au Burkina Faso.

L.B.

Gilbert Mitterrand. L’adjoint socialiste au maire de Libourneest à l’origine de la tarification sociale et progressive de l’eau.

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Financeslocales

25 propositions du SénatRéforme de la taxe professionnelle

Dans son rapport*, la mis-sion commune d’informa-tion du Sénat – constituée

de 25 sénateurs représentatifs del’équilibre des groupes politiques,présidée par Anne-Marie Escoffier,et son rapporteur Charles Guené –souligne que « 60 % des entreprises(soit environ 2 millions d’entreprises)sont ga gnantes » après la réforme dela taxe professionnelle, tandis que

« 20 % (845 000 entreprises) sontperdantes, les 20 % d’entreprisesrestantes voient leur contributionéconomique stabiliser ».Elle constate aussi que « le secteurindustriel apparaît comme le prin -cipal bénéficiaire de la réforme avecun allégement de 2,2 milliardsd’euros », tandis que le secteur deprestations de services a vu sacontribution économique « aug-menter, parfois dans des proportionsconsidérables » (en particulier lesecteur de l’intérim).En outre, le rapporteur souligneque « les collectivités ont appliquéles règles relatives à la cotisationminimale de CFE, sans toutefois enévaluer toutes les conséquences ».En conclusion, la mission avance25 propositions pour opérer unetransition entre la taxe profes-

sionnelle et la contribution éco -no mique territoriale (CET).Concernant les entreprises, ellesouhaite éviter la création de nou-velles impositions forfaitaires surles entreprises de réseaux (IFER)sauf s’il était constaté, dans lesprochaines années, de nouveauxsecteurs éco nomiques bénéficiantdes gains anormaux à la suite de laréforme de la taxe professionnelle.

L’une des propositions vise aussià simplifier les formalités de dé -claration des effectifs par l’utili -sation des déclarations annuellesdes données sociales (DADS) ou derenforcer la connaissance du tauxd’imposition moyen de la valeurajoutée par secteur d’activité.Plus innovant encore, la missionpréconise de ne pas mettre en placedes dispositifs spécifiques pour cer-tains secteurs d’activité, y comprisl’intérim, et d’explorer toutes lespistes pour cibler la réforme sur lesseules entreprises industrielles.Compte tenu de la situation desPME le rapport préconise de pré -server les mécanismes de dégrè -vement favorables aux petites etmoyennes entreprises.Enfin, pour ces PME, il est souhaitéd’expliciter par voie de circulaire

le dispositif de la base minimumde CFE et de renforcer les possibi -lités de modulation en fonction duchiffre d’affaires des entreprises.Il faut ainsi prévoir une entrée« en sifflet » dans le régime dedroit commun pour les auto- entrepreneurs.En ce qui concerne les collecti -vités locales, le rapporteur observeque « l’ampleur de la réforme de

la taxe professionnelle, conjuguéeà la rapidité de sa mise en œuvre, aempêché toute simulation fiable deses effets, maintenant les collecti -vités territoriales dans un état d’in-certitude qui commence à peine às’estomper ». Il constate que « lesnouvelles impositions éco nomiqueslocales sont plus inégalement répar-ties sur le territoire que ne l’était lataxe professionnelle », ce qui « rendnécessaire un renforcement des nou-veaux dispositifs de péréquation créésdans le cadre de la réforme ».Selon Charles Guené, « si l’auto -nomie financière des collectivitésterritoriales a été préservée, leur au-tonomie fiscale s’est, globalement,vue fortement réduite. Ce constatvaut principalement pour les départe-ments et les régions, le bloc commu-nal (communes et établissements

publics de coopération intercommu-nale) disposant toujours d’impor-tantes ressources fiscales dont il peutmo duler les taux. »

Joël Genard

* Rapport d’information de Charles Guené,fait au nom de la mission commune

d’information sur les conséquences de lasuppression de la taxe professionnelle

n° 611 (2011-2012) - 26 juin 2012.

Ajuster les paramètres du fondsnational de péréquationdes ressources intercommunaleset communales (FPIC) auregard des évaluations dufonctionnement du dispositifen 2012.

Renforcer les dispositifsdépartemental et régionalde péréquation de la CVAE(cotisation sur la valeur ajoutéedes entreprises) et simuler leurseffets en amont de l’examende la loi de finances pour 2013pour garantir, d’une part, unepéréquation efficace et, d’autrepart, la sérénité du débatparlementaire.

Remédier aux effets perversdu transfert au bloc communalde la part départementale de la

taxe d’habitation, ce transfertayant vocation à s’effectuer« à droit constant ».

Adapter les modalités derépartition de la CVAE auxcaractéristiques des groupes ;le mode actuel de répartitionétant excessivement dépendantdes choix d’organisation juridiquedes groupes et pénalisantcertains territoires.

Indexer les tarifs de l’ensembledes IFER sur l’inflation, les tarifs

figés actuels n’ayant aucunejustification économique etrisquant de susciter des débatsincessants.

Modifier la règle de répartitionde la CVAE pour favoriser lesimplantations nouvelles d’établis -sements classés « Seveso », pourmaintenir une incitation fiscaleà l’installation d’industriesdangereuses sur les territoires.

Maintenir la dotation decompensation de la réforme de

la taxe professionnelle (DCRTP)et le fonds national de garantieindividuelle des ressources(FNGIR) hors de l’enveloppenormée des concours financiersde l’État aux collectivitésterritoriales, afin de garantirla stabilité de leur montant.

Poursuivre le processus derévision des valeurs locatives,les principaux impôts locauxétant désormais assis sur desassiettes obsolètes.

La mission d’information du Sénat avance toute une série de propositions destinées à opérerune transition entre la taxe professionnelle et la contribution économique territoriale.

Ce que proposeen complémentCharles Guené :

Anne-Marie Escoffier, aujourd’hui ministre de la Décentralisationet présidente de la mission commune d’information du Sénat.

«SI L’AUTONOMIE FINANCIÈRE DESCOLLECTIVITÉS TERRITORIALES A ÉTÉ

PRÉSERVÉE, LEUR AUTONOMIE FISCALE S’EST,GLOBALEMENT, VUE FORTEMENT RÉDUITE.CE CONSTAT VAUT PRINCIPALEMENT POURLES DÉPARTEMENTS ET LES RÉGIONS »

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L’Union européenne et la Hongrie :vers la réconciliation

Avez-vous le sentiment que lestensions s’apaisent entre l’Unioneuropéenne et votre pays ?Oui, pour l’essentiel nous avonslevé les malentendus, mais il restequelques divergences juridiques.Nous sommes allés trop vite surcertaines réformes et le législateurtravaille sur de nouveaux textes.

Cela étant dit, nous sommes unÉtat de droit, démocratique etsou verain. En 2010, nous avonsélu une majorité de centre droit,le Fidesz, qui a remporté la ma -jorité des deux tiers lui permet-tant de réformer la Constitution.Bien sûr, quand il y a des grandesré formes, il y a des oppositions.Nous avons ainsi dégagé un blocde constitutionnalité autour degrands principes, de la mêmefaçon que votre Conseil consti -tutionnel a affirmé en 2006 qu’ilexiste une identité constitution-nelle, basée sur la laïcité, la so li -darité et la République. Les trai-tés internationaux doivent êtreconformes à ces principes. Au Par-lement européen, des députés ontcritiqué nos choix, mais le Parle-ment n’a pas de force juridique,c’est de la politique.

Le Fidesz avait-il un mandat clairpour engager une telle réforme ?Viktor Orbán avait clairement ditentre les deux tours que si le Fi-desz avait la majorité des deuxtiers, ces réformes seraient me-nées. Avant, le pays était dansune situation de blocage, lespartis n’arrivant pas à se mettred’accord. Aujourd’hui, cette ma-jorité a une responsabilité trèsforte. Les citoyens ont dit : « Vousavez les commandes du navire,mais s’il n’avance pas, vous enserez les seuls responsables. »

Parmi les dossiers qui ont faitpolémique, le premier fut celuide la législation sur les Églises…C’est une question délicate car elletouche la liberté de conscience. Ily a vingt ans, nous avons vouludonner un maximum de droitsaux citoyens. Avec cette libérali -sation, il suffisait d’être une cen-

taine pour créer une Église.Évidemment, la Hongrie est deve-nue le pays le plus religieux dumonde ! Tout le monde rece vaitdes avantages fiscaux. Nous avonsappelé cela le « Business Church ».Nous avons donc pris en consi -dération les religions représen -tatives, qui existent partout dansle monde. Nous avons touché làà des groupes organisés qui ontvoulu faire croire à une persé -cution.

Dans le même temps, les modesde nomination au Conseil del’audiovisuel ont été modifiéset critiqués. Pourquoi ? Y a-t-il quelque part des nomina-tions neutres ? Nous avons décidéque c’est au Parlement d’élire lesmembres de ce CSA, donc il y auraune proximité avec la majorité.Vous remarquerez qu’il y a aussiune proximité entre cette majoritéet les Hongrois qui ont voté pourelle… Cela étant dit, ces personna-lités appartiennent à la sociétécivile, regardons leurs carrières !Ce ne sont pas des marionnettes.Nous avons proposé de faire uneanalyse comparative des nomina-tions en Europe. Curieusement,personne n’a été intéressé…

Les nominations à la Banquecentrale et le statut des jugesavaient été les principaux pointsde discorde…

Nous avons voulu nommer untroisième vice-président. Cela aété contesté à Bruxelles, commeviolant l’indépendance de l’insti -tution. Nous sommes revenus là- dessus. Autre point, nous avonsdiminué le salaire de son président.Avec la crise, nous avons plafonnéles salaires des serviteurs de l’État,

comme votre Président vient de lefaire avec les ministres. 2 millionsde forints c’est le maximum. Autre-fois c’était 8 millions. Pour ce quiest des juges, nous avons changéla règle qui voulait que le présidentde la Cour suprême et du Conseilsupérieur de la magistrature soientla même personne. Il y a désormaisun président du CSM élu par le Par-lement, idem pour la Cour.

La commission de Venise a pourtantcritiqué la Hongrie sur cette question…C’est vrai, elle a estimé que le pré-sident du CSM avait trop de pou-voirs. Nous en avons convenu, ilsera donc accompagné de conseil-lers. Nous avons aussi une procé-dure d’infraction à Bruxelles surl’âge de la retraite des juges pourmotif de discrimination. Maisle préambule de la Constitutioneuropéenne prévoit que les Étatsmembres sont libres de fixer l’âgede la retraite… La situation étaitque, dès 62 ans, les juges pouvaientrecevoir leur retraite et toucherencore leur salaire…

Toutes ces polémiques ont-elleséloigné la Hongrie de l’UE ?Non, certainement pas, le senti-ment eurosceptique traverse toutle continent, il est lié à la crise.L’intégration européenne est unetrès forte valeur pour nous, c’estpourquoi nous voulons une Eu-rope forte.

On a vu, dans ce contexte, votrediplomatie se redéployer…L’Europe est notre partenaire. Noussommes membres du « club »,nous avons des visions parfoisdivergentes, comme dans une fa-mille. Pour autant, nous avonsnaturellement des relations avecles pays tiers.

M. Orbán a eu des mots durs contrele projet de pipeline européen ?Oui, Viktor Orbán dit ce qu’ilpense, c’est son caractère. Pour-quoi dire que quelque chose quine fonctionne pas marche ? Nousne sommes d’ailleurs pas les seulsà le dire. La Russie, comme leKazakhstan et la Chine sont nospartenaires. Mais les États-Unisaussi. Nous sommes membres del’Otan et présents en Afghanistan.Nous y sommes allés ensemble,nous sortirons ensemble.

L’austérité en Hongrie est-ellela seule voie possible pour sortirde la crise ?Nous estimons que l’endettementdes États est un vrai problème. Unesclavage. De même que le déficitbudgétaire. L’austérité reste unprincipe fort, après avoir connules conséquences d’un déficitde 9 %, nous avons mis la règled’or dans la Constitution.

Dans ce contexte, la Hongrie a taxéles entreprises françaises.Sont-elles toujours mises à l’écart ?Tous les secteurs ont été touchés.Nous voulons dire aux entreprisesque nous voulons une relation surla durée avec elles. Nous compre-nons que ces taxes n’ont pas étéune bonne surprise, mais ellesétaient nécessaires autant qu’ex-ceptionnelles. La page se tourne.Nous devons réduire le déficit demoitié, mais si nous avions aug-menté les impôts, nous aurionsperdu la majorité et l’espoir demettre en place les réformes.Nous aurions aussi ouvert la voieaux extrémistes.Pour ce qui est de la relation avecla France, elle est importante surtous les plans. Pour les échangeséconomiques, nous attendonsbeau coup dans le domaine de laproduction. La Hongrie est unpoint logistique majeur avec leréseau autoroutier et le Danube.Nous sommes un pont entrel’Union européenne et l’Est.Début 2013, nous présideronsl’Initiative Europe centrale, nousvoulons dire aux Français quenous les attendons, qu’il n’y apas de priorité pour les entreprisesallemandes…

Propos recueillispar Antoine Colonna

Les ministres des Finances de l’Union européenne (Écofin) ont levé les sanctions financièresimposées à la Hongrie. 495 millions d’euros d’aide provenant du Fonds de cohésion européenavaient été gelés faute de discipline budgétaire suffisante. L’ambassadeur de Hongrie enFrance, László Trócsányi, se félicite de cette décision qui marque un tournant après plusieursmois de tension diplomatique. Il s’en explique en exclusivité pour l’Hémicycle.

«L’INTÉGRATION EUROPÉENNE EST UNE TRÈSFORTE VALEUR POUR NOUS. C’EST POURQUOI

NOUS VOULONS UNE EUROPE FORTE »László Trócsányi, ambassadeur de Hongrie en France

DR

Europe

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Le secteur cinémato gra phiqueconstitue un secteur éco no -mique regroupant la distri-

bution de films, l’exploitation desalles et la production cinéma to -graphique. La légitimité des aides« politiques » à ce secteur s’appuiemoins sur une carence de l’initiativeprivée que sur le rôle, fondamental,du cinéma dans l’expression descultures. Ainsi, le traité de Maas-tricht du 7 février 1992 admet lesaides d’État – norma lement prohi -bées – bénéficiant au secteur ciné-matographique, à condition qu’ellesn’altèrent pas les conditions deséchanges dans une mesure contraireà l’intérêt commun des membresde l’Union européenne.

L’aide aux projets culturelsd’intérêt local et aux sallesde cinémaQuand des élus soutiennent desprojets tels que l’éducation àl’image, les festivals ou les com-missions du film, cela n’est pas considéré comme des aides auxentreprises mais comme des inter-ventions qui entendent répondreà un intérêt public. Une délibéra-tion d’un conseil exécutif local,qu’il s’agisse de la commune, dudé partement ou de la région, suffità voter la subvention. S’inscri -vant dans les articles L. 2121-29et L. 3211-1 du Code général descollectivités territoriales, ces aidesne sont soumises à aucun enca -dre ment particulier et relèvent dela politique culturelle. Les destina -taires de l’aide sont la plupart dutemps des associations.Concernant les subventions à desentreprises existantes ayant pourobjet l’exploitation de salles ci né-matographiques, la notion d’en-treprise se définit comme un éta-blissement constitué en société etexclut les établissements exploitésen régie qui sont soumis à une ré-glementation propre. Il doit s’agirde toute installation utilisée parl’exploitant en un lieu déterminéet qui fait l’objet d’une exploita-tion autonome. Les exploitationsambulantes (comme les « bus ci -né ma » ou autre) sont consi déréescomme de tels établis sements. Au

niveau des conditions de l’octroide l’aide, les entreprises doiventremplir deux conditions. D’abord,être titulaires de l’autorisationd’exercice délivrée par le Centrenational de la cinématographie(CNC) pour chaque salle de l’éta -blis sement qui bénéficie d’unesubvention. Ensuite, réaliser moinsde 7 500 entrées (par semaine) oufaire l’objet d’un classement « Artet Essai ». Ce classement dépendd’un décret du ministre de laCulture, édicté le 22 avril 2002.Actuellement, plus de 1 000 éta -blissements y sont énumérés enFrance (c’est-à-dire 40 % des écransnationaux).La personne physique qui exploitel’établissement doit produire àl’appui de sa demande auprès dela collectivité un dossier complet(statuts de l’exploitation, descrip-tion de l’équipement, comptesd’exploitation, relevé d’informa-tion sur les entrées hebdoma -daires…). L’élément essentiel dudossier est le projet cinéma to -graphique présentant les actionsprévues, en matière de program-mation en direction de publicsdéterminés, de formation à laculture cinématographique ou deprospection des nouveaux publics.L’article R. 1511-42 prévoit quel’aide éventuelle est attribuéeconformément aux stipulationsd’une convention conclue entrel’exploitant et la collectivité localequi doit fixer l’objet de l’aide, lesobjectifs correspondant au projetcinématographique, et les obliga-tions que la collectivité peut fixerà l’exploitant (comme l’accueildes scolaires), son montant et les

modalités de versement. Norma -lement conclue pour une périodepluriannuelle, la convention pré -voira généralement des dispositionspermettant sa révision, notammentsi la fréquentation évolue. On peutconseiller de stipuler que la sub-vention devra être remboursée, encas de non-respect par l’exploitantde ses obligations. À propos dumontant de l’aide, celle-ci pourrafinancer à la fois des dépenses defonctionnement ou des dépensesd’investissement. En général, lemontant annuel de l’aide apportépar une ou plusieurs collectivitésne peut excéder 30 % du chiffred’affaires de l’établissement, ou30 % du coût du projet si celui- ci porte exclusivement sur destravaux qui sont susceptibles dedonner lieu à l’octroi d’un soutienfinancier de l’État.

La productioncinématographique et l’EuropeL’entreprise de production prendl’initiative de la responsabilité fi-nancière et artistique de l’œuvre.Elle est cessionnaire des droits desauteurs et conclut les différentscontrats avec les techniciens et lesartistes, ainsi que les différentscontrats d’exploitation de l’œuvre.L’entreprise peut également in -tervenir en coproduction avecd’autres entreprises françaises ouétrangères. La collectivité attri -bu taire, pour aider la production,précise quels sont les types d’entre-prises concernés, le type d’activitésfaisant l’objet d’aides, les critèresde sélection des demandes (intérêtartistique du projet, intérêt localpour la collectivité…).

Quel que soit le fondementjuridique national de l’aide, leurnotification devra respecter lesrègles communautaires de respectde la concurrence. La Commissiona d’ailleurs confirmé la natureéconomique de ces aides (Com-munication de 2001 sur les œuvrescinémato gra phiques ou audiovi-suelles). Très complexes en cettematière, les règles com munau -taires d’enca dre ment des régimesnationaux d’interventions écono -miques sont liées au droit des aidesd’État.En revanche, il existe des fondseuropéens permettant un soutien

direct de la part des institutionseuropéennes. Le Conseil de l’Eu-rope, par son fonds Eurimages,soutient la production et l’exploi -tation d’œuvres européennes (avec1 350 longs-métrages soutenus de -puis 1988). Le programme Mediadépend de la Direction généralede l’Éducation et de la Culture dela Commission euro péenne : il estdestiné à renforcer le cinéma etles œuvres interactives dans tousles États membres. Ses ressourcessont importantes et il disposed’antennes partout dans l’Unioneuropéenne et, en France, à Mar-seille et Strasbourg.

12 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 448, MERCREDI 4 JUILLET 2012

Parmi les interventions économiques des élus, le cinéma et l’audiovisuel constituent unecatégorie à part. Les aides à ce secteur, couvertes à la fois par les collectivités territorialeset les fonds européens, doivent tenir compte de considérations d’ordre culturel.Il peut s’agir aussi bien d’aides aux festivals, aux tournages, aux salles exploitantes…

Les fichesthématiquesde l’Hémicyclepar Richard Kitaeff,Professeur à Sciences-Po Paris

Le cinéma et l’aidedes collectivités locales

Pratiques

Nom

Prénom

Société

Fonction

Adresse

Code postal Ville

Tél. (facultatif) Fax e-mail

Date et signatureBulletin d’abonnement à retournersous enveloppe affranchie àl’Hémicycle, 55, rue de Grenelle, 75007 Pariscourriel : [email protected]

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À NOS LECTEURSL’Hémicycle s’interrompt pour cette période estivale. Rendez-vousle 19 septembre avec de nouvelles signatures et un objectif : faire

de ce journal un lieu de débats et de réflexions politiques en respectantle pluralisme. N’oubliez pas de renouveler votre abonnement !

H448_p12:L'HEMICYCLE 2/07/12 17:41 Page 12

Joli village dans le sud de laBretagne, La Gacilly a misentre autres le cap jusqu’au

30 septembre sur le Brésil. « La rai-son de ce choix ? Le fait que le Brésil,devenu sixième puissance mondiale,accueille en 2012 le prochain sommetdes Nations unies sur le développe-ment durable, vingt ans après celui,historique, de 1992 », justifie aisé-ment Cyril Drouhet, commissairedu festival.Et pour parler du Brésil, qui pour-rait mieux le faire que des Bré -siliens ? Pour ce faire, Peuples etNature remonte au XIXe siècle etaux premiers photographes bré -siliens avec Marc Ferrez, dont lesclichés nous présentent un Brésildes origines, encore préservé del’interventionnisme humain. Rioy apparaît comme une tranquille

station balnéaire assoupie et unenature grandiose est immortaliséepar le photographe.Plus proche de nous, José Medeiros– considéré comme « le pape duphotojournalisme brésilien » – afigé le Brésil humain, celui de lamixité sociale, avec de nombreuxportraits et des scènes de la viequotidienne, depuis les années 1950jusqu’à la dictature militaire quirenversa la Deuxième République,en 1964.Pour illustrer l’époque actuelle, letravail de l’agence brésilienneTyba, fondée en 1991, ou encorecelui de Julio Bittencourt, qui sepenche sur les laissés-pour-comptede l’urbanisation. Sur le pignond’une maison de La Gacilly,donnant de loin une impressionde maison ancienne à colombages,

il présente un collage de la façadedu 911 Prestes Maia, un immeublede 22 étages de São Paulo, devenuen 2006 l’un des plus grands squatsd’Amérique latine avec 750 fa -milles hébergées dans les condi-tions les plus précaires.

« Une forme de symbole »« L’idée était de montrer commentnous occupons l’espace et les barrièresque nous créons. Une forme de sym-bole », explique ce jeune photo -graphe indépendant.Aujourd’hui, peut-être un peugrâce à celui qui considère la photo« comme une espèce de mégaphonepour donner la parole aux sans-voix »,le Prestes Maia est fermé et seshabitants ont théoriquement ététous relogés.Dans une autre ruelle, où les fleurs

viennent rompre la sévérité desfaçades de schiste, une cinquan-taine de photos inédites de RobertDoisneau réjouissent toujoursau tant : une fillette qui, tirant lalangue sous l’effort, essaie de pren-dre son premier envol à bicyclettesoutenue par son père ; un char-bonnier au visage encore noirci quisavoure au zinc son petit verre deblanc ; une jeune fille au bouquetde roses surprise à Saint-Denis.« Mon père avait perdu sa mère à8 ans. Il avait su d’emblée que la vieétait dure. C’est pourquoi tout cequ’il pouvait arracher de positif à lavie, il l’a fait […]. Il ne trouvait pas çaphotogénique, la douleur. Toute sa vie,il a été à la recherche de la beauté fu -gitive de l’instant », confie FrancineDoisneau, l’une des filles du pho-tographe, dont on fête en 2012 le

100e anniversaire de la naissance.Francine Doisneau et sa sœur,Annette, sont à la tête d’un fondextraordinaire de 450 000 clichésquand un fond de 200 000 est déjàconsidéré comme imposant.« Mon père s’est toujours considérécomme un modeste photographe, unartisan, qui allait faire des photoschez de grands artistes, comme Picasso,Braque ou Buster Keaton, dit encoreFrancine Doisneau. Il n’a jamaisété en quête de reconnaissance. Çane l’intéressait pas. »

Pierre-Henry Drange

NUMÉRO 448, MERCREDI 4 JUILLET 2012 L’HÉMICYCLE 13

Le Brésil et Robert Doisneau s’invitentau festival Peuples et NatureLe Brésil et un Robert Doisneau inédit s’offrent jusqu’à la fin de l’été aux visiteurs curieux en19 expositions photographiques gratuites, disséminées dans les ruelles ou dans la verdure,à La Gacilly (Morbihan), pour la 9e édition du festival photo Peuples et Nature.

Culture

Peuples et Naturedu 1er juin au 30 septembre

à La Gacilly (Morbihan)www.festivalphoto-lagacilly.com

H448_p13:L'HEMICYCLE 2/07/12 17:20 Page 13

Combien de Français adhèrentà un parti politique ? Com-bien sont actifs, combien

participent ? Pour chaque parti,les chiffres sont flous, notoirementréputés comme peu fiables carconstamment soupçonnés d’êtregonflés. Nous entendons ces pro-pos de manière récurrente dans lesmédias qui suivent de près la viepolitique française. Trois Françaissur quatre ont un accès à Internet,20 millions sont inscrits sur Face-book, le Web doit logiquementêtre un moyen massivement em -ployé pour recruter de nouveauxadhérents.

Adhérer : rien moins de simpleLes entreprises privées qui recrutentleurs clients sur Internet le savent :le processus d’adhésion est unmoment crucial. L’internaute doitfranchir cette étape en quelquesclics, faute de quoi il se ravise etrenonce. Et les informations de-mandées à ce moment-là doiventêtres clairement perçues commenécessaires.PS, UMP, EELV, Modem et Parti degauche mettent tous en avant lapossibilité d’adhésion sur la paged’accueil de leur site. Le NouveauParti anticapitaliste et le Parti com-muniste n’ont pas fait ce choix.Le PC le place dans la rubrique« le Parti » et le NPA propose unerubrique « contact » qui permetd’écrire aux branches locales duparti. Le contact du parti au niveaunational se trouve dans la rubrique« Qui sommes-nous ? ». Les partis qui permettent l’adhé-sion depuis leur site ont choisi dif-férentes politiques : pour certains,il est possible d’adhérer directe-ment en ligne alors que d’autresdemandent aux internautes delaisser leurs coordonnées pour unereprise de contact ultérieure faite

vraisemblablement par un res pon-sable local. Les cotisations sontparfois libres, comme au Modem,avec un seuil minimum, ou béné-ficient d’un « tarif d’appel » pourune primo adhésion – c’est le casdu PS qui a réactivé les adhésionsà 20 euros. L’UMP et le Frontnational ont une grille fixe – 10 à35 euros pour l’UMP, 15 à 250 eurospour le Front national. Ces grillesfixes donnent même des nomsaux différentes catégories, tell’adhésion « Prestige » à 250 eurospour le FN ou le tarif « couple » à35 euros pour l’UMP. Un voca -bulaire issu des usages marketingpour les clubs de services privés.Les partis de gauche privilégientune grille de cotisation en fonctiondes revenus. Exception notable, lePS ne donne pas le mode de calculde cette cotisation conditionnéeaux revenus. L’adhésion est à20 euros la première année etles renouvellements de cotisationsont ensuite calculés au niveau de

chaque fédération (ce point n’estpas expliqué sur le site). Mais, d’unemanière générale, les cotisationsdemandées grimpent rapidementet atteignent des montants biensupérieurs – plusieurs centainesd’euros – à ce que les partis dedroite demandent.

L’argent, oui, mais sans rien direde son utilisationInternet est un univers au seinduquel l’argent trouve difficile-ment sa place. Les entreprisesprivées l’ont bien compris : toutedemande de cotisation pour adhé -rer à un club s’accompagne im-manquablement d’un descri ptiftrès clair des droits et avantagesque cette cotisation va procurer.Un certain nombre d’associationsont elles aussi adopté cette lo-gique. Client ou adhérent, l’actede paiement ouvre droit à descontreparties.Sur Internet, presque tous les partiscommencent leur dialogue avec

leurs futurs adhérents en parlantd’argent. En revanche, seul leParti communiste explique l’in -térêt d’une adhésion et détailleles droits de ses adhérents. Pourles autres partis, l’adhérent sembleêtre en tout premier lieu unmoyen de financement. Commentse passe la vie interne au mou ve-ment ? Comment ces partis sontstructurés ? Les réponses à ces ques -tions n’existent pas, ou très peu.Tous les mouvements politiquesne publient pas leurs statuts, etquand ils le font, ces statuts setrouvent systématiquement dansles profondeurs du site. L’adhérentqui veut les connaître doit allerfouiller. Et l’information mise enavant concerne beaucoup plus lesélus que l’action du collectif.

Militer ne veut pas direparticiperLa participation des militants n’estpas non plus un sujet que lespartis mettent en avant. Certes, en

période électorale, beaucoup met-tent à disposition sur leur site lestracts en PDF, des bannières publi-citaires ou des vidéos que les mili-tants blogueurs peuvent placersur leur site. Mais la parole et lesidées des adhérents semblentnettement moins les intéresser.Seuls le PS, le Modem et EELV dis-posent d’un réseau social qui leurest propre, et encore ces réseauxsociaux ne sont pas mis en valeursur les sites. « La coopol » du PS estreléguée en bas de page d’accueil,le réseau « les Démocrates » duModem est gratifié d’un petit« sticker » peu visible en milieude colonne de droite et EELVplace le lien de son réseau socialdans la barre de rubrique maissans l’identifier plus clairementqu’avec la mention générale « leréseau ». L’UMP compte sur sespages Facebook qui ne rassemblentque quelques milliers de « fans ».Le mur de la page Facebook duparti est révélateur : les informa-tions mises en avant ne suscitentque quelques dizaines de commen -taires en moyenne alors que lessujets politiques dépassent souventla centaine de commentaires d’in-ternautes sur les sites des grandsmédias.

La politique sans les citoyensEn définitive, le fonctionnementdes partis politiques reste, sur cepoint, en mode « top-down » : lesmilitants sont sollicités pour sou-tenir, diffuser, relayer, mais pasvraiment pour donner leur opi-nion ou proposer des idées. Ladémocratie participative chère àSégolène Royal durant sa cam-pagne de 2006-2007 n’a, en finde compte, pas accouché d’unchangement significatif des us etcoutumes des partis politiques enligne. Manuel Singeot

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 12 582¤. RCS : Paris 443 984 117. 55, rue de Grenelle - 75007 Paris. Tél. 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle

GÉRANT-DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Bruno Pelletier ([email protected]) RÉDACTEUR EN CHEF Joël Genard ([email protected]) ÉDITORIALISTES/POINT DEVUE François Clemenceau, Bruno Jeudy, Gérard Leclerc, Fabrice Le Quintrec, Éric Maulin, Marc Tronchot AGORA Thomas Renou DOSSIERS Tatiana Kalouguine, Elsa Nathan INTERNATIONALPhilippe Dessaint, Patrick Simonin L’ADMIROIR Éric Fottorino COLLABORENT À L’HÉMICYCLE Ludovic Bellanger, Jean-Louis Caffier, Florence Cohen, Antoine Colonna, Axel de Tarlé,Pierre-Henry Drange, Anita Hausser, Richard Kitaeff, Manuel Singeot, Guillaume Tabard, Brice Teinturier, Philippe Tesson, Pascale Tournier CORRECTION Aurélie Carrier MAQUETTEDavid Dumand PARTENARIATS Violaine Parturier ([email protected] - Tél. : 01 45 49 96 09) IMPRESSION Roto Presse Numéris, 36-40, boulevard Robert-Schumann, 93190 Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70. Fax : 01 49 36 26 89 ACTIONNAIRE PRINCIPAL Agora SASU Parution chaque mercredi [email protected] COMMISSION PARITAIRE 0413C79258 ISSN 1620-6479 Dépôt légal à parution

L’adhésion en ligne :les raisons d’un échecInternet permet aux partis politiques de recruter en ligne de nouveaux adhérents. Les logiquesprivilégiées pour l’instant vont à l’encontre des us et coutumes de la Toile. Pas facile de mettreen place la démocratie participative si souvent évoquée durant la campagne de Ségolène Royalen 2006-2007.

Politicsonline

14 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 448, MERCREDI 4 JUILLET 2012

Paradoxe : les partis politiques déploient plus d'imagination pour recruter sur les plages que sur Internet.

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Ramener du travail à la mai-son n’est pas un fait nou-veau. De nombreux cadres,

de la fonction publique commedu privé, sont habitués à ces dossiersqui font la navette entre bureau etdomicile. Mais Internet, dont lafonction première est de faciliterl’accès à l’information, est en trainde changer la nature de ce travailfait chez soi. Désormais, ce n’est plusun dossier que l’on peut prendresous le bras, c’est tout son bureau.Le Cloud en effet permet cela. Deplus en plus d’entreprises dépor-tent tout ou partie de leur systèmed’information dans un espace vir -tuel accessible via Internet selondes protocoles sécurisés. Ces infor-mations sont disponibles partout,chez soi comme dans l’entreprise.

La souplesse qu’apportent tous cesoutils et services en ligne entrepourtant en contradiction avec lalégislation du travail. Par exemple,le droit français impose un tempsde repos obligatoire de onze heuresconsécutives entre deux journéesde travail. Un collaborateur qui litdonc tranquillement ses mails lesoir à 22 heures chez lui et refaitla même opération le lendemainmatin à 8 heures pendant sonpetit déjeuner est en infractionavec le code du travail. Sans enavoir forcément conscience : il nefait que lire ses mails et, le caséchéant, apporter une réponsesuccincte ou urgente.Nous assistons en réalité au chocfrontal entre deux logiques : d’uncôté, le droit du travail est là pour

encadrer l’activité professionnelleet éviter qu’un employé ne soitutilisé en permanence, et parfoissans rémunération. Durée légaledu travail, temps de repos obli -gatoire, congés payés, toutes cesrègles ont été édictées pour luttercontre l’ancienne exploitationqui a accompagné la révolutionin dustrielle et sont désormais desacquis sociaux. En face, les nou-veaux usages induits par la révo -lution numérique apportent dela souplesse aux employés et desgains de compétitivité à des entre-prises qui en ont besoin, dans uncontexte économique tendu ré sul-tant d’une compétition planétairesans merci.Le législateur va pourtant devoirse pencher sur cette redéfinition de

la limite entre vie privée et vie pro-fessionnelle. Son impact est parfoisnon négligeable : un abonnementà un opérateur mobile permettantl’accès illimité à Internet coûteentre 30 et 80 euros par mois,prix auquel il faut parfois ajouterl’acquisition d’un smartphone. Et,pour des employés qui sont sou-vent en déplacement à l’étranger,le coût des communications ex-plose. Qui va prendre en chargecette dépense ? L’employé, alorsqu’une partie de l’utilisation se faità titre professionnel, ou l’entre-prise, même si le collaborateur em-ploie l’abonnement et le terminalà titre personnel ? Comment fairele ratio ? Comment aussi estimerla part de revenu liée à une activitéen ligne sur les réseaux sociaux ?

Comment enfin assurer une sécu-rité suffisante des systèmes d’infor-mation des entreprises lorsque desquantités importantes d’informa-tions parfois stratégiques sont luessur des appareils non sécurisés oudans des lieux où le collaborateurpeut être espionné ? Certaines en-treprises ont réagi et interdit cesactivités en dehors des lieux ethoraires de travail. Elles se priventpourtant d’une souplesse alorsque certains concurrents étran -gers n’ont pas ces scrupules.Ce dossier va arriver rapidementsur les bureaux de nos députés etsénateurs. Sa complexité va de-mander doigté, finesse et surtoutdes lois souples et protectrices. Unvrai défi pour la législature quidébute. M.S.

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Le Web efface les frontières entrevie privée et vie professionnelleUtilisation de terminaux personnels connectés en permanence, réseaux sociaux, télétravail, deplus en plus de collaborateurs ne coupent jamais vraiment le lien avec leur travail. Le législateurva devoir se pencher sur cette redéfinition de la limite entre vie privée et vie professionnelle.

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