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Battu le 6 mai dernier dans les urnes, Nicolas Sarkozy n’en a pourtant pas moins obtenu une victoire à la Pyr- rhus sur un autre terrain : son mode de gouvernement, rythmé, multi- pliant les annonces et la communi- cation parfois à marche forcée, ce style a durablement impressionné la rétine des Français. S’ils lui ont sans doute fait payer au printemps sa frénésie supposée, éprouvante et perçue comme trop corrosive pour l’unité nationale en le renvoyant à ses chères études d’anglais, nos concitoyens n’ont toutefois pas mesuré à quel point ils s’étaient habitués à cette « geste » sarkozyenne, nerveuse et saccadée, qui avait au moins le mérite de laisser croire qu’il se passait toujours quelque chose à l’Élysée. Les sondages, qui montrent un petit regain de la popularité du Président sortant, semblent indiquer qu’il existe une certaine nostalgie de cette mise en scène quotidienne du pouvoir, qui lui donnait un petit parfum de modernité. En choisissant de prendre en la matière le contre-pied systématique de son prédécesseur, François Hollande, fidèle à lui-même, pense pouvoir démontrer à terme que c’est la cohérence dans la durée qui finit par donner des résultats et du coup prévaloir pour les électeurs quand revient l’heure des choix. Mais ce faisant il prend un gros risque. Car entre l’ancien chef de l’État et le Président « normal » le contraste est saisissant. Sarkozy parlait tous les jours, interpellait, vitupérait… Hollande redoute cette omniprésence médiatique et préfère attendre la fin de l’été pour se faire inviter sur le plateau du 20 heures, et s’expliquer sur les premiers mois de son action. Et sur ses premiers errements… Mais, pressée par la crise et les inquiétudes sourdes qu’elle suscite, l’opi- nion semble beaucoup moins bien disposée à donner aujourd’hui tout le « temps au temps » dont il rêverait au premier successeur socialiste de François Mitterrand à la magistrature suprême. L’ère du numérique, le règne de Twitter et celui entre-temps de Nicolas Sarkozy sont passés par là. À François Hollande de réussir et du même coup d’imposer sa propre « modernité ». L’ex-Président, quant à lui, entend bien relancer sa carrière. S’il ne sait pas encore comment, il attend son heure. Son omnipré- sence, à distance, dans le duel Copé-Fillon, parfois à son corps défendant, interdit à la droite de vraiment tourner la page. Lui s’en réjouit. « Ne rien faire, ne pas tenter de revenir au moins avant 2014 ! » lui a conseillé le fidèle Patrick Buisson, toujours au bout du fil. Comment cet « homme politique à l’arrêt, mais homme politique tout de même », selon la formule de l’un de ses proches, compte-t-il revenir ? Et surtout quand ? Par la droite, personne n’en doute, et sans doute plus vite que ne pouvait le laisser penser son échec. Dossier Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Rédacteur en chef : Joël Genard STÉPHANE DE SAKUTIN/AFP www.lhemicycle.com NUMÉRO 450 — MERCREDI 26 SEPTEMBRE 2012 — 2,15 ¤ FRED TANNEAU/AFP THOMAS SAMSON/AFP Après s’être attaqué aux prix de l’essence et du gaz, le gouvernement s’apprête à ouvrir le dossier du financement des énergies renouvelables. Pour contenir la hausse des factures d’électricité, il faudra bien s’attaquer au financement de la CSPE. FRANK PERRY/AFP FRED DUFOUR/AFP Chantal Jouanno P. 3 Pascal Durand P. 2 I l est temps de désamorcer la bombe à retardement que constitue pour les consommateurs la contribution au service public de l’électricité (CSPE), une taxe prélevée directement sur les factures d’électricité. Celle-ci a été instaurée en 2003 pour couvrir les dépenses d’EDF dans le cadre du sou- tien aux énergies renouvelables. Mais les charges ont augmenté beaucoup plus vite ces dernières années que les recettes apportées par cette taxe. Et cette tendance devrait encore s’accé- lérer dans les années qui viennent. La CSPE est passée successivement de 4,50 euros le mégawattheure à sa création à 7,50 euros au 1 er janvier 2011, puis à 9 euros en juillet 2011 et 10,50 euros au 1 er juillet 2012. Son montant pour 2013 n’a quant à lui pas encore été fixé. Elle a donc plus que doublé en deux ans. Mais malgré ce rattrapage, les charges censées être couvertes par cette taxe continuent à dépas ser allègrement les recettes gé nérées. Le régulateur du secteur, la Commission de régulation de l’énergie (CRE), a égale- ment tiré la sonnette d’alarme à de nombreuses reprises. Selon son dernier rapport, le besoin de financement de la CSPE lié aux seules énergies renouve- lables devrait atteindre 8 milliards d’eu- ros en 2020, ce qui nécessiterait d’aug- menter la taxe au-delà de 20 euros le mégawattheure, le double de son niveau actuel. J.G. > Lire en p. 2, 3 et 5 Le logement social pour retarder la dépendance Comment repousser l’âge d’entrée en Ehpad et alléger la facture de la dépendance ? Certaines collectivités expérimentent le logement inter- générationnel, une solution inspirée de l’étranger qui commence à donner des résultats. > Lire l’enquête de Tatiana Kalouguine en p. 6 et 7 Gouverner c’est… agir plus vite ! L’épineux dossier des énergies renouvelables Édito Thierry Guerrier Et aussi Au sommaire Aux Quatre Colonnes : Groupe socialiste : ça tangue par Pascale Tournier >p. 4 L’innocence des médias par Fabrice Le Quintrec >p. 4 Économie : Des choix impopulaires mais nécessaires ! par Axel de Tarlé >p. 5 À distance : Israël vs Amérique aux Nations unies par François Clemenceau >p. 11 NKM dans la lignée de Simone Weil Nathalie Kosciusko-Morizet a renoncé à briguer la présidence de l’UMP, faute des parrainages requis. Elle demeure combative. La philosophie de Simone Weil l’inspire au quotidien et lui permet de tenir des positions qu’elle qualifie d’« authentiques ». > Lire l’Admiroir d’Éric Fottorino en p. 15

l'Hémicycle - #450

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l'Hémicycle numéro 450 du mercredi 26 septembre 2012 Au sommaire : - Aux Quatre Colonnes : Groupe socialiste : ça tangue par Pascale Tournier >p. 4 - L’innocence des médias par Fabrice Le Quintrec >p. 4 - Économie : Des choix impopulaires mais nécessaires ! par Axel de Tarlé >p. 5 - À distance : Israël vs Amérique aux Nations unies par François Clemenceau >p. 11

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Battu le 6 mai dernier dans les urnes,Nicolas Sarkozy n’en a pourtant pasmoins obtenu une victoire à la Pyr-rhus sur un autre terrain : son modede gouvernement, rythmé, multi-pliant les annonces et la communi-

cation parfois à marche forcée, ce style a durablementimpressionné la rétine des Français. S’ils lui ont sansdoute fait payer au printemps sa frénésie supposée,éprouvante et perçue comme trop corrosive pour l’uniténationale en le renvoyant à ses chères études d’anglais,nos concitoyens n’ont toutefois pas mesuré à quel pointils s’étaient habitués à cette « geste » sarkozyenne,nerveuse et saccadée, qui avait au moins le mérite delaisser croire qu’il se passait toujours quelque chose àl’Élysée. Les sondages, qui montrent un petit regain dela popularité du Président sortant, semblent indiquerqu’il existe une certaine nostalgie de cette mise en scènequotidienne du pouvoir, qui lui donnait un petit parfumde modernité. En choisissant de prendre en la matière le contre-piedsystématique de son prédécesseur, François Hollande,fidèle à lui-même, pense pouvoir démontrer à termeque c’est la cohérence dans la durée qui finit par donnerdes résultats et du coup prévaloir pour les électeursquand revient l’heure des choix. Mais ce faisant il prendun gros risque. Car entre l’ancien chef de l’État et lePrésident « normal » le contraste est saisissant. Sarkozyparlait tous les jours, interpellait, vitupérait… Hollanderedoute cette omniprésence médiatique et préfère attendre la fin de l’été pour se faire inviter sur le plateaudu 20 heures, et s’expliquer sur les premiers mois de sonaction. Et sur ses premiers errements… Mais, pressée parla crise et les inquiétudes sourdes qu’elle suscite, l’opi-nion semble beaucoup moins bien disposée à donneraujourd’hui tout le « temps au temps » dont il rêveraitau premier successeur socialiste de François Mitterrandà la magistrature suprême. L’ère du numérique, le règnede Twitter et celui entre-temps de Nicolas Sarkozy sontpassés par là. À François Hollande de réussir et du mêmecoup d’imposer sa propre « modernité ». L’ex-Président,quant à lui, entend bien relancer sa carrière. S’il ne saitpas encore comment, il attend son heure. Son omnipré-sence, à distance, dans le duel Copé-Fillon, parfois à soncorps défendant, interdit à la droite de vraiment tournerla page. Lui s’en réjouit. « Ne rien faire, ne pas tenter derevenir au moins avant 2014 ! » lui a conseillé le fidèlePatrick Buisson, toujours au bout du fil. Comment cet« homme politique à l’arrêt, mais homme politique toutde même », selon la formule de l’un de ses proches,compte-t-il revenir ? Et surtout quand ? Par la droite,personne n’en doute, et sans doute plus viteque ne pouvait le laisser penser son échec.

Dossier

Gérant-Directeur de la publication : Bruno Pelletier Rédacteur en chef : Joël Genard

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Après s’être attaqué aux prix de l’essence et du gaz, le gouvernements’apprête à ouvrir le dossier du financement des énergies renouvelables.Pour contenir la hausse des factures d’électricité, il faudra bien s’attaquerau financement de la CSPE.

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PascalDurand

P. 2

Il est temps de désamorcer la bombeà retardement que constitue pourles consommateurs la contribution

au service public de l’électricité (CSPE),une taxe prélevée directement surles factures d’électricité. Celle-ci a étéinstaurée en 2003 pour couvrir lesdépenses d’EDF dans le cadre du sou-tien aux énergies renouvelables. Maisles charges ont augmenté beaucoupplus vite ces dernières années que lesrecettes apportées par cette taxe. Et

cette tendance devrait encore s’accé -lé rer dans les années qui viennent. La CSPE est passée successivementde 4,50 euros le méga wattheure à sa création à 7,50 euros au 1er janvier2011, puis à 9 euros en juillet 2011 et10,50 euros au 1er juillet 2012. Sonmontant pour 2013 n’a quant à lui pasencore été fixé. Elle a donc plus quedoublé en deux ans. Mais malgré cerattrapage, les charges censées être couvertes par cette taxe continuent à

dépas ser allègrement les recettes gé nérées.Le régulateur du secteur, la Commissionde régulation de l’énergie (CRE), a égale-ment tiré la sonnette d’alarme à denombreuses repri ses. Selon son dernierrapport, le besoin de financement de laCSPE lié aux seules énergies renouve-lables devrait atteindre 8 milliards d’eu-ros en 2020, ce qui nécessite rait d’aug-menter la taxe au-delà de 20 euros leméga wattheure, le double de son niveauactuel. J.G. > Lire en p. 2, 3 et 5

Le logement social pourretarder la dépendanceComment repousser l’âge d’entrée en Ehpad et alléger la facture de ladépendance ? Certaines collectivités expérimentent le logement inter -générationnel, une solution inspirée de l’étranger qui commence à donnerdes résultats. > Lire l’enquête de Tatiana Kalouguine en p. 6 et 7

Gouverner c’est…agir plus vite ! L’épineux dossier des

énergies renouvelablesÉditoThierry Guerrier

Et aussi

Au sommaire • Aux Quatre Colonnes : Groupe socialiste : ça tangue parPascale Tournier > p. 4 • L’innocence des médias par FabriceLe Quintrec > p. 4 • Économie : Des choix impopulaires maisnécessaires ! par Axel de Tarlé > p. 5 • À distance : Israël vsAmérique aux Nations unies par François Clemenceau > p. 11

NKM dans la lignée de Simone WeilNathalie Kosciusko-Morizet a renoncé à briguer laprésidence de l’UMP, faute des parrainages requis.Elle demeure combative. La philosophie de SimoneWeil l’inspire au quotidien et lui permet de tenirdes positions qu’elle qualifie d’« authentiques ».> Lire l’Admiroir d’Éric Fottorino en p. 15

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Vous avez qualifié la conférenceenvironnementale organisée parl’exécutif de « très bon signal »…Oui, parce que c’en est un. Les dis-cours du président de la Républiqueet du Premier ministre ont donnéun cap. Nous n’attendions pas qu’ils apportent des solutions àtoutes les questions en deux jours.Nous attendions de voir la déter-mination, au sommet de l’État, àprendre en compte la pro bléma-tique éco lo gique, et qu’on cesse de l’opposer aux problématiqueséconomiques et sociales.Pour les écologistes, il devenaitassez pénible d’entendre cesderniers temps dans la bouche decertains ministres que les seulsproblèmes qui se posaient à laFrance étaient industriels et so -ciaux. Nous pensons qu’il n’y aurapas de réponse à ces questions cruciales si on n’intègre pas ladimension environnementale etécologique. Je vous cite l’exemplede la reconversion d’industries liéesaux transports et aux bâtiments.

Vous faites référence aux proposdu ministre du Redressementproductif, Arnaud Montebourg ?Je ne pensais pas seulement àArnaud Montebourg. Ce discoursétait prononcé par un certain nombre de dirigeants socialistes,comme Gérard Collomb ou Ma -nuel Valls… J’ai considéré ces prisesde position comme des effets detribune. Je ne les ai pas jugéesimportantes car elles étaient le fait

de personnalités qui n’étaient pasen responsabilité sur ces domaines.Avec les associations environne -mentales, les ONG, les syndicats,nous avions besoin de répon sesclaires pour savoir où le présidentde la République comptait allerdans les années qui viennent, comment il voulait utiliser lesfonds du plan de croissance auniveau européen, ou dans le cadrede la BPI, et nous avons eu lesréponses que nous attendions. Il aréaffirmé qu’il fallait économiserl’énergie, et aller vers une autrepolitique énergétique ; que celanécessitait un engagement majeur,notamment pour la rénovation de logements – un million par an.

C’est l’engagement le plus fortde cette conférenceenvironnementale ?Il s’agit d’une mesure capitale pournous, car c’est une mesure fon da-mentale pour la baisse de la consom -mation d’énergie, et un levier pourla croissance. La France consommetrop d’énergie fossile et électriqued’origine nucléaire par rapport àd’autres pays, et accuse un retardconsidérable sur les énergies re -nouvelables. Il y a un choix à faire.C’est le signal qu’a donné le prési-dent de la République.

Chantal Jouanno a considéré quecette conférence environnementalese résumait à un « petit Grenelle ».J’ai fait partie des gens qui consi -déraient que le Grenelle de l’envi-

ronnement était un progrès, laréférence ne me gêne donc abso -lument pas. L’adjectif « petit » neme gêne pas non plus, puisquela conférence environnementalen’a duré que quarante-huit heures,alors que le « Grenelle » avait durébeaucoup plus longtemps. Mais ily a une différence fondamentalede méthode.La première différence, c’est quenous avons un Président qui fixele cap, et un Premier ministre quigouverne. Je n’ai pas le souvenirqu’avec le Grenelle il soit sortiautre chose que de la mise en scènede Nicolas Sarkozy… La deuxièmedifférence : la conférence envi-ronnementale a vocation à être unrendez-vous annuel. Nous pour-rons donc faire des évaluations desactions entreprises avec les mêmesacteurs, tous les ans.Il faut savoir qu’il a été très diffi-cile d’évaluer les résultats du« Grenelle » car il y avait des di -vergences considérables sur les constats. Ce que nous savons, c’estqu’il y a eu une déperdition trèsforte, qui a levé des espoirs, et quià la fin nous a menés plutôt audésespoir…Enfin, lors de cette conférence en -vironnementale, le choix fait d’in-clure les parlementaires, car ce sonteux qui votent, au final. C’est ce quia aussi fait défaut au « Grenelle ».

Sur le dossier de l’exploitationdu gaz de schiste, l’Élysée n’a pasfermé la porte…

L’exécutif a annoncé un moratoirepour les cinq ans qui viennent,François Hollande s’est engagé sur la période de son mandat. LePrésident et le Premier ministreont assuré qu’aucun permis derecherche ou d’exploitation neserait délivré durant cette période.C’est clair. De notre côté, nousserons vigilants sur le fait qu’on nemanipule pas l’opinion publique,en essayant de faire croire qu’onpourra imaginer des méthodesd’extraction propres.

Qu’avez-vous regretté de ne pasvoir à l’ordre du jour de cetteconférence ?Nous sommes très attachés à laquestion de la fiscalité écologique,c’est un levier fondamental. Ilexiste des niches fiscales bénéfi-ciant aux industries polluantes qui coûtent 22 milliards à l’État.Ces niches fiscales peuvent être re -pensées – il ne s’agit pas de mettreen danger ces industries.EELV aurait également aimé avoirdes réponses plus fortes sur lesquestions santé-environnement.Nous avons entendu avec plaisir lePrésident lier pour la première foisdans un discours la question desépidémies de cancer avec celle desmicroparticules, mais on aurait puavoir un engagement plus fort…Je ne veux pas qu’on nous voiedans une logique d’insatisfactionpermanente. On reproche souventaux écologistes d’être dans la cri-tique. C’est notre histoire : nous

nous sommes élevés contre unmodèle dominant. Il faut aussisavoir positiver, en considérant cequi avance. Les discours du Prési-dent et du Premier ministre nousservirons pour des arbitrages futurs.

Comment vous sentez-vousdans cette majorité ?Nous avons fait un choix : dans la situation de crise que nousconnaissons, pouvions-nous nouscontenter de rester en dehors,de jouer les commentateurs cri-tiques ? C’est une position intel-lectuelle agréable, mais nouspréférons agir. Nous savons bienque les socialistes ne sont pas desécologistes, que nous sommesminoritaires dans la société, il fautaccepter la réalité.Il faut convaincre les socialistes du bien-fondé de nos positions, etnous le ferons dans le dialogue.Nous avons préféré le faire à l’in-térieur plutôt qu’à l’extérieur. Laquestion n’est pas de savoir si noussommes à l’aise ou mal à l’aise.Visiblement, c’est plutôt pour lesautres que le sujet se pose : il nousest souvent demandé si nos mi -nistres comptent quitter le gou-vernement. On nous demande aussi pourquoi nous sommes de -venus si aimables… Notre attitudeest conforme à nos choix, noussouhaitons faire bouger les lignes,et il est plus facile de le faire au gouvernement.

Propos recueillispar Thomas Renou

2 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 450, MERCREDI 26 SEPTEMBRE 2012

Agora

PASCAL DURANDSECRÉTAIRE NATIONALD’EUROPE ÉCOLOGIE- LES VERTS

Le secrétaire national d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) revient pour l’Hémicycle sur la conférenceenvironnementale. Il voit dans ce premier rendez-vous un « signal fort ». Il nous décrit l’état d’espritdes écologistes dans la majorité.

«Les discours du Président et du Premier ministre lorsde la conférence environnementale nous serviront

pour les arbitrages futurs »

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Vous avez qualifié la conférenceenvironnementale de « petitGrenelle » ?Oui, ce fut un tout petit Grenelle :cette conférence environnementalen’a duré que neuf heures. Pour leGrenelle de l’environnement, nousavions débattu pendant plus deneuf mois. J’ai participé à un groupede travail lors de la Conférence en -vironnementale : en neuf heures,à cinquante à la table, nous avionsà peu près dix minutes de tempsde parole… Ce n’est pas de cettema nière que l’on prend des déci-sions structurelles radicalementnouvelles. C’est un petit Grenellecar on retrouvait les mêmes parti -cipants, les mêmes pratiques quepour le Grenelle, sauf que la duréeétait vraiment inférieure. Contrai -rement à ce que dit Pascal Durand,il n’y a pas eu de concertation avecles parlementaires pour définir l’ordre du jour.

Vous pointez les défautsde la méthode choisie…Nous, parlementaires, n’avons pasdu tout été associés à la définitiondu programme de cette conférence.Pascal Durand ne dit pas la vérité :les parlementaires étaient associésaux négociations du Grenelle. Lesdeux chambres étaient représen-tées, la majorité et l’opposition l’étaient également. Après que lesgroupes de travail ont travaillé, ily a eu un long débat au Parlementsur les deux « Grenelle ». Nousavons débattu pas moins de soixante heures au Parlement surla loi Grenelle 2.

Le président de la République a-t-ilannoncé une véritable transitionécologique ?Le chef de l’État n’a abordé quetrois sujets : la rénovation des bâti-ments, la fermeture de Fessenheimet l’Agence de la biodiversité. Surla rénovation thermique, tous lesécologistes convaincus sont d’ac-cords. C’est la priorité numéro unpour répondre d’une part à la question énergétique, et d’autrepart à la question de la précarité.Cette question avait bien été iden-tifiée lors du Grenelle de l’envi-ronnement. Nous avions mis enplace la rénovation des 800 000lo gements sociaux, qui était fi -nancée par la CDC par un prêt de1,8 milliard d’euros. Le plan prévupar la nouvelle majorité accélère lacadence, mais c’est exactement lamême méthode.Point important : le Premier mi -nis tre, Jean-Marc Ayrault, n’a rienproposé sur la question essentielledu lien entre santé et environ-nement. Enfin, rien n’a été pro-posé pour lutter contre les émis-sions de particules fines.

Comment jugez-vous la décisionprise de fermer Fessenheimen 2016 ?C’est un engagement purementpolitique. Selon Europe Écologie-Les Verts, on ne peut être écologistesans être antinucléaire – je me souviens pourtant que l’anciendirigeant de Greenpeace interna-tional défendait le nucléaire… Jene suis pas une obsédée du nu -cléaire – à chaque fois qu’on peut

s’en pas ser, il faut le faire –, maisla prio rité, c’est la réduction des gaz à effet de serre. La réduction dela part du nucléaire ne doit pas sefaire au prix d’une augmentationde ces derniers. L’Autorité de sûreténucléaire, dans son dernier rap-port sur Fessenheim, n’avait pas

conclu à la nécessité de fermer rapi-dement Fessenheim. Par ailleurs, iln’y a eu aucune concertation avecles acteurs locaux.

Fukushima n’a rien changé,selon vous ?Si, mais en termes d’augmentationdes exigences de sécurité. Au Sénat,nous avons produit à l’Officeparlementaire d’évaluation deschoix scientifiques et techniquesun rapport qui montre que laréduction de la part du nucléaireest possible sans augmentationdes gaz à effet de serre, de manièreprogressive, en remplaçant lesfermetures de centrales par desréacteurs de 4e génération et nondes EPR, et en développant desénergies renouvelables. Ce rapportmontre que l’opposition des éner-gies est stérile. La fermeture deFessenheim, encore une fois, estun choix po litique.

L’Agence de biodiversité,un bon point ?C’est un engagement du « Grenelle »,et c’était un peu… « mon bébé ».Quand j’étais secrétaire d’État àl’Écologie, on a passé de nom-breuses heures à négocier le sujetpour rassembler dans une même

structure le Conservatoire du littoral,la Direction des parcs nationaux,et celle des parcs régionaux. Mal-heureusement, le Premier ministre,François Fillon, ne m’a pas sou te -nue dans ce dossier, car il ne l’a pasjugé prioritaire.C’est de bonne guerre qu’ilsreprennent ce dossier. Je défendsle principe des agences – j’ai étéprésidente de l’Ademe –, car ellesoffrent plus d’indépendance et de souplesse.

Vous avez été déçue par lesannonces sur la fiscalitéécologique ?Oui, car la question de la taxe car-bone a encore été écartée. J’ai payéle prix fort pour avoir défenducette taxe, quand j’étais au gou-vernement. Je reste convaincueque c’est le meilleur moyen struc-turel pour changer le système. Lavraie révolution, celle que pouvait

apporter de la taxe carbone, n’aurapas lieu…

L’Élysée n’a pas totalement ferméla porte à l’exploitation du gazde schiste ?Non, et c’était d’ailleurs la posi-tion de notre gouvernement. Jesuis pour ma part très opposée àl’exploitation du gaz de schiste,car le potentiel de ressources est,je le pense, très surestimé. Plusgrave : son exploitation va porteratteinte de manière considérableaux paysages français. Je rejoinsles écologistes d’EELV pour dénon-cer l’idée que les gaz de schisteconstituent une énergie d’avenir,car affirmer cela revient à masquerla nécessité d’économiser l’énergie.

Lors de cette conférenceenvironnementale, vous avezdéploré l’absence de l’UMP,mobilisée par sa compétitioninterne.La question écologique a été tota -lement absente de la campagneprésidentielle, à gauche comme àdroite. Le PS et l’UMP sont deuxpartis un peu sclérosés, ils sontrestés dans des schémas où seulescomptent la production et la consommation. Ils intègrent assezmal la dimension écologiste. Cetteconférence environnementale aété un bon coup politique pourles socialistes : ils ont récupéréle Grenelle et ont mis leur nomdessus, c’est de bonne guerre.

Propos recueillispar T.R.

NUMÉRO 450, MERCREDI 26 SEPTEMBRE 2012 L’HÉMICYCLE 3

Agora

La sénatrice de Paris, ex-secrétaire d’État à l’Écologie, en charge des questions écologiques à l’UMP, n’a vu qu’un « petit Grenelle » dans la conférence environnementale organiséepar l’exécutif, qui s’est tenue les 14 et 15 septembre à Paris.

«La vraie révolution, celle que pouvait apporterla taxe carbone, n’aura pas lieu… »

FRED

DU

FOU

R/AF

P

CHANTAL JOUANNOSÉNATRICE UMP DE PARIS

«LA CONFÉRENCEENVIRONNEMENTALE A

ÉTÉ UN BON COUP POLITIQUEPOUR LES SOCIALISTES »

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4 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 450, MERCREDI 26 SEPTEMBRE 2012

Plan large

Opération de communicationratée. L’image d’une majoritéunie que voulait afficher le PS

aux journées parlementaires de Dijona été brouillée par l’apparition despremières dissensions. En cause : levote du traité budgétaire européen,prévu le 2 octobre. Le Premier mi -nistre Jean-Marc Ayrault et les prési-dents des deux groupes parlemen-taires Bruno Le Roux et FrançoisRebsamen avaient beau marteler lerespect de règles communes et rap-peler à l’ordre les parlementaires qui veulent sortir du rang, rien n’ya fait. Le PS renoue avec son vieuxdémon, celui des querelles interneset des débats qui n’en finissent plus.Certes comme le rappelle OlivierDussopt, député de l’Ardèche, « l’Europe a toujours été un sujet dedébat au sein du PS, cela fait partie denotre ADN », et seulement une petitevingtaine de députés sur près de 300risquent de voter contre le texte. Il n’empêche, cela fait du bruit. ÀDijon, il fallait voir les camérasfondre sur ceux qui se montrentallergiques au TSCG.Cette situation n’est pas sans créerdes tensions dans un groupe qui secherche après avoir été longtempsdans l’opposition. « Après les couacsgouvernementaux, voilà les couacs par-lementaires », s’énerve le vice-prési-dent du groupe socialiste, républicainet citoyen (SRC), Olivier Faure. Àl’heure où les courbes de sondagesplongent et que l’attente des Françaisest au contraire de plus en plus forte,un bon nombre d’élus PS craignentqu’une musique trop discordante en-tre le gouvernement et le Parlementaffaiblisse l’exécutif. « Les “non”seront comptés par l’opi nion publiquecomme des “non” de division », assurele président du groupe SRC Bruno Le Roux. Le député de Paris Jean-Christophe Cambadélis d’ana ly serfroidement : « La cargaison est ins -table. Et c’est normal : des jeunes veu-lent exister et le PS, ontologiquement

un parti d’opposition, cherche ses mar-ques, dans une situation où il a tous les pouvoirs. Mais attention, à forcede faire trop pencher le bateau PS, celapeut être dangereux. » Pour LaurentBaumel, député d’Indre- et-Loire, les

récalcitrants au traité se trompent de moment politique et de logique.« Vouloir affirmer son existence n’est pas un luxe qu’on peut se permettre aujourd’hui. Il n’y a pas de place pourle jeu formel. Ceux qui disent non autraité jouent à tort le congrès de Tou louse et ils se coupent du groupe. »Visés : principalement les députésJérôme Guedj, Pascal Cherki, MalekBoutih, Razzy Hammadi et la sé -natrice Marie-Noëlle Lienemann.Te nants de l’aile gauche et – à l’ex-ception de la sénatrice de Paris –nouveaux entrants dans l’hémicycle,ils incarnent la nouvelle générationd’élus tout feu tout flamme, im -pétueux et venus en nombre, qui

entend bien bousculer les codes, augrand dam des faux jeunes et desanciens, qui en retour les jugentirrespectueux, immatures et don-neurs de leçons.Dans les couloirs de l’auditoriumdijonnais où a lieu le rassemblementdes parlementaires PS, l’anonymatn’est plus requis pour porter un jugement sévère sur cette frange d’irréductibles, qui auraient ten-dance à confondre réunions degroupe avec des sessions de conseilnational. Luc Belot, député duMaine-et-Loire et réputé proche deJean-Marc Ayrault, les trouve carré-ment de « mauvaise foi ». « Certainsavancent plusieurs fois les mêmes argu-ments, alors que des réponses senséesleur ont été apportées », tempête-t-il.« Qu’ils cessent de se prendre pour lesseigneurs de la guerre, alors qu’ils ontété élus sur des circonscriptions en ormassif », ajoute un autre parlemen-taire. Dans son discours de clôture,le Premier ministre Jean-Marc Ayraultavait mis les formes pour tenter deconvaincre les opposants au TSCG :

« Je ne souhaite pas une majorité capo-ralisée. Cela ne correspond pas à notreculture. Nos histoires sont diverses. Elles sont notre richesse, mais prenonsgarde à ce qu’elles ne deviennent pasnos fai blesses. » En privé ses proposétaient beaucoup plus directs :« Qu’ils arrêtent de se croire au congrèsde l’Unef », a-t-il lâché en marge dudîner. Ambiance…Face aux coups de semonce, lesdéputés incriminés restent de mar-bre. Au-delà des questions de fondsur le traité « merkozy » qui les dis-tinguent de leurs nombreux cama-rades, les élus à la gauche de lagauche veulent faire vivre le débat.« François Hollande a besoin d’un par-lement vivant, qui n’a pas comme seuleligne d’horizon la discipline parlemen-taire, argue le nouveau député del’Essonne Malek Boutih. C’est luirendre service. » « Je me souviens d’unPS atone entre 1997 et 2002, on en acrevé, s’exclame Jérôme Guedj, autrenouveau député du 91. Mon envien’est d’être ni godillot, ni guérillero,mais député de plein exercice. Je nevais pas attendre un an comme dansla franc-maçonnerie pour prendre laparole. » Le suppléant du ministreFrançois Lamy ne s’est d’ailleurs pas fait prier pour cosigner avec 76autres de ses pairs l’appel en faveurdu droit de vote des étrangers divul-gué dans la presse. Une initiative« artisanale » qui là encore a suscitébien des commentaires acides dansles travées des journées parlemen-taires. Entre parole maîtrisée et élansspontanés, l’équilibre n’a pas encoreété trouvé et Bruno Le Roux en -tend bien donner le « la » à l’avenir.« C’est bien de réaffirmer ses enga -gements, mais ce n’est pas le bonmoment. On ne peut souffrir aucunemauvaise expression », condamne- t-il. « La question du quoi est toutaussi importante que celle du com-ment, qui inclue le calendrier, les consi -dérations d’ordre juridique et l’état desrapports de force », ajoute GuillaumeBachelay, suppléant de LaurentFabius et numéro 2 du parti. À cescritiques, Malek Boutih, autre co -signataire de l’appel, de rétorquer :« On est issu d’une génération Inter-net et Facebook, qui ne s’exprime pasdans le cadre de négociations feutrées.Et le rajeunis sement, cela ne se voit pas que sur la photo. » Le groupe PSn’a pas fini de tanguer.

Un traité européen qui suscite des divisions, un appel en faveur du vote desétrangers jugé inopportun, le tout sur fond de querelles entre « anciens » et« modernes ». Les députés socialistes peinent encore à trouver leurs marques.Par Pascale Tournier

Diffusé sur Internet, le médiocre brûlotintitulé L’I nnocence des musulmans agénéré une onde de choc destructrice.Ressenti comme un blasphème dans lemonde islamique, il a déclenché uneflambée de violences, à moins qu’il nese soit agi que d’un simple prétexte pourdonner libre cours à une rage troplongtemps contenue.En France, ces mêmes technologies decommunication qui ont servi à faire connaître cette vidéo ont été utiliséespour mobiliser des manifestants quiavaient pourtant interdiction de serassembler. C’est le genre de situation qui, à tou t instant, peut dégénérer.Les autorités américaines ne sont pas plus responsables des vidéos circulant surYou Tube que les autorités françaises ne lesont des caricatures de Charlie Hebdo. Dansles démocraties occidentales (que cela plaiseou non), on est censé croire aux vertus de la liberté d’expression et il est bon queceux qui vivent dans un même pays par -tagent un socle de valeurs communes.Cette liberté d’expression est bafouée unpeu partout et, même en France, il arrivequ’elle le soit. Journalistes, auteurs, photo -graphes de presse et caricaturistes doi ventpouvoir faire leur travail même si, dumême coup, il leur arrive de faire des mé -contents ; cette règle ne peut s’accommo -der d’une application à géométrie variable.Comment, dès lors, concilier les libertésgaranties par la Constitution américaineou la Déclaration de 1789 avec le respectdû à tout un chacun car le « vivre ensem-ble » doit s’accompagner de compromiset de juste mesure ?La solution est sans doute à rechercherdans la déontologie professionnelle et lesens des responsabilités. La provocationfait vendre. Les chrétiens en ont fait lesfrais plus souvent qu’à leur tour.Quand la ligne jaune est franchie, enFrance, on peut saisir les tribunaux. Deslois existent et donc… on transgresse. EnAngleterre, point n’est besoin de textes :les photos « topless » de Kate Middletonpubliées par un magazine français n’ontpas été reprises par les journaux britan-niques, pas même par les tabloïds lesplus racoleurs. L’autorégulation fonc-tionne car la Couronne est respectée.À l’inverse, il existe en France une tradi-tion voltairienne d’irrespect à l’endroit des religions. Cette tradition fait partie de notre patrimoine intellectuel et doitconserver droit de cité. Mais les médiasdoivent aussi prendre conscience que,pour un croyant, les convictions re li -gieuses ne constituent pas une simpleopinion, elles engagent l’être tout entier ;ce qui peut faire sourire les uns risque de blesser les autres… Inutilement ?

L’opinionde Fabrice Le Quintrec

DR

L’innocencedes médias

Groupe socialiste : ça tangueAux Quatre Colonnes

L’Assemblée nationale au régime secAprès avoir consulté la questure avant l’été, le président de l’Assembléenationale Claude Bartolone devait annoncer hier plusieurs changements

dans le fonctionnement du Parlement. Transparence, budget, train de vie,indemnités pour frais de mandats (IRFM), réserve parlementaire, tellesdevaient être les questions abordées. Des économies seront par exempleenvisagées pour les voya ges à l’étranger.

Pascal Cherki (1), RazzyHammadi (2), Malek Boutih (3)

et Jérôme Guedj (4) : ils incarnentla nouvelle génération d’élustout feu tout flamme.

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Essence, gaz, le gouvernementa tout faux… D’un côté, onse gargarise de confé rence

environnementale pour assurer la « transition énergétique ». Del’autre on subventionne les éner-gies fossiles ! Allez comprendre !En matière d’énergie, le gouver -nement est totalement schizo-phrène. Au lieu d’instaurer une« taxe carbone » pour favoriser les énergies propres, on crée aucontraire des « primes carbone »,des « subventions carbone » pourfavoriser la consommation de gazet d’essence !

On subventionne l’essence…Fin août, face à la flambée des prixde l’essence, le gouvernement adécidé de réduire de 3 centimes lestaxes qu’il prélève sur le carburant.Manque à gagner pour les caissesde l’État : 300 millions d’euros. Çan’est rien d’autre qu’une « subven-tion carbone ». Cet argent aurait

été bien plus utile pour dévelop-per les technologies propres duXXIe siècle.

...et le gazTrois semaines plus tard, rebeloteavec le gaz. Le gouvernement inter-vient pour interdire une hausse de 7 % des prix du gaz. Celle-ci seraautoritairement plafonnée à 2 %.Et tant pis si cette mesure a toutesles chances d’être retoquée par le Conseil d’État. En juillet der -nier, déjà, le gouvernement a étécondam né pour s’être opposé à unehausse des tarifs du gaz. Résultat, lesconsommateurs vont se voir factu-rer un rattrapage de près de 38 euros.À l’époque, c’était le gouvernementFillon qui s’était opposé à la haussedes prix du gaz. Car, en la matière,droite et gauche se rejoignent. Ilsentretiennent les Français dans l’illusion de l’énergie bon marché,avec pour message : « Faites tournerla chaudière, c’est pas cher ! »

L’exemple allemandCertes, on comprend la compas-sion du gouvernement pour lesautomobilistes, et les ménages quise chauffent au gaz, mais il n’est pas interdit d’avoir une vision àlong terme. Car, la hausse du prixdes énergies fossiles est un excellentmoyen de réaliser en douceur latransition énergétique.L’exemple allemand en matièred’électricité est frappant. Outre-Rhin, le prix du kilowattheure estpresque deux fois plus élevé qu’enFrance (25,30 euros pour 100 kWhen Allemagne, à comparer aux14,20 euros en France). Et pour-tant, la facture moyenne d’électri-cité est moins élevée en Allemagne(844 euros par an, contre 875 eurospour un ménage français). Expli-cation : les Allemands ont apprisà consommer moins d’électricité,à consommer mieux. Les habitatssont mieux isolés, l’électroména-ger consomme moins. Réduire safacture d’électricité en consom-mant moins est évidemment plusvertueux que de bénéficier de subventions. L’énergie la moinschère est celle que nous neconsommons pas !Empêcher la hausse des prix, c’estretarder la transition vers une économie décarbonée. C’est entre-tenir cette illusion d’un État tout-puissant, qui peut tout régler, etnous extraire de la contraintemondiale. Demain, le gouverne-ment bloquera-t-il le prix de labaguette de pain si le cours descéréales continue de flamber ? Ilfaut laisser le signal-prix agir !

La bonne idée du bonus-malusMais ne soyons pas injustes. Legouvernement prend égalementdes mesures favorables à cette tran-sition. Il entend ainsi mettre enplace, à partir de 2014, un tarif« progressif » des prix du gaz. Lespremiers mètres cubes – dits de« nécessité » – sont facturés peu cher.Au-delà d’un certain niveau, onentre dans une consommation de« confort », facturée plus cher. C’estle principe du bonus-malus. Lespetits consommateurs sont avanta-gés, au détriment des gros consom-mateurs qui paient plus cher. Enclair : on a intérêt, financièrement,à consommer peu de gaz.

Le retour de la taxe carboneMais il y a mieux. Le gouvernemententend ranimer la « taxe carbone ».Pour restaurer la compétitivité desentreprises, Jean-Marc Ayrault s’estengagé à diminuer les charges desentreprises. Louis Gallois, l’ancienprésident d’EADS, va bientôt rendreson rapport sur le sujet. Il avait estiméqu’il fallait réaliser un « choc decompétitivité » de 30 à 50 milliardsd’euros. En clair, baisser les chargesqui pèsent sur les entreprises de 30à 50 milliards. Qui va payer pources 30 à 50 milliards ? La Sécuritésociale, déjà lourdement déficitaire– 14,7 milliards d’euros de déficitattendus pour 2012 – ne peut pass’asseoir sur 50 milliards de recettes.Les ménages seront très certaine-ment appelés à cotiser davantage via une hausse de la CSG. MaisFrançois Hollande a égalementévoqué « la fiscalité verte ». En clair,une taxe carbone viendrait finan-cer la Sécurité sociale. Cette taxede vrait frapper aussi bien le char-bon, que le gaz ou l’essence. L’avan-tage est double : cela permet de ré -duire les charges des entreprises etfavorise la transition énergétique.

Le litre d’essence à… 2,10 euros ! Pour prendre la mesure de l’effortdemandé, pour récolter mettons25 milliards d’euros (soit la moitiédu « choc de compétitivité »), ilfaudrait relever les taxes sur l’es-sence de… 50 centimes ! Ce quiferait donc le litre d’essence à2,10 euros ! Bien sûr, la mesure est forcément impopulaire. C’estpourquoi Nicolas Sarkozy avait fini par remiser sa « taxe carbone ».

La tâche ne sera pas plus aisée pourFrançois Hollande. Au contraire,les commentateurs ne manque-ront pas de remarquer qu’aprèsavoir baissé de 3 centimes les taxessur l’essence le gouvernement veut maintenant augmenter cesmêmes taxes.

Un peu de courage ! Et pourtant, instaurer une telle« taxe carbone » présente un doubleavantage économique (baisse descharges pour les entreprises) et éco-logique (baisse des émissions deC02). Mieux, ce serait l’occasionpour la France d’accélérer la fa meusetransition écologique. Permettre à laFrance d’entrer de plain-pied dansle XXIe siècle, en développant lesnouvelles technologies vertes.C’est d’ailleurs le seul horizon quenous propose ce gouvernement :à l’annonce de la fermeture pro-grammée de l’usine PSA d’Aulnay,la réponse du gouvernement fut de mettre le paquet sur les voituresélectriques, en renforçant les primessur les voitures « zéro émission ».Jean-Marc Ayrault a enfoncé le clou,en nous promettant à l’issue de la Conférence environnementale une voiture consommant à peine2 litres aux 100, d’ici dix ans. Alors« banco » : pour accélérer cettetransition, rien de tel que l’essencechère. « L’essence à deux euros le litreest une fantastique publicité pour nos voitures électriques », expliqueCarlos Tavares, directeur généraldélégué de Renault. Et pour cause,si la voiture est plus chère à l’achat,un « plein d’électricité » coûte…1,50 euro ! Ça fait rêver !

Économie

Des choix impopulairesmais nécessaires !Instaurer une taxe carbone pourrait permettre à la France de réduire les émissions de CO2.Ce serait également l’occasion d’accélérer la transition énergétique. Mais au lieu de cela, ce sontdes « primes carbone » qui sont mises en place. De quoi laisser perplexe.

Rien de tel que le litre d’essence à 2,10 euros pour accélérer la transitionénergétique. PHOTO PHILIPPE HUGUEN/AFP

Par Axel de Tarlé

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Au Creusot, en Saône-et-Loire, la résidence Pueblafait partie d’une expérimen -

tation de logements « soli daires » àl’échelle du département. Dans cepetit immeuble inauguré en marsdernier, des seniors et handicapésoccupent le rez-de-chaussée tandisque de jeunes couples et des familleslogent dans les niveaux supérieurs.En vertu d’une charte de bon voisi-nage, les jeunes acceptent de fairedes courses groupées, d’effectuer dupetit bricolage ou des démarchesadministratives pour les plus âgés.Ceux-ci offrent de leur temps librepour des gardes d’enfants.Autour des habitants de Puebla,toute une série de services ont étédéveloppés par les institutionnelsà l’initiative du projet, le conseilgénéral, la ville, et l’Opac 71 : repasà domicile, épiceries ambulantes,centre de loisirs, soirées culturellesou accompagnement physique despersonnes à faible mobilité.Que cette expérience ait lieu enSaône-et-Loire, parmi les départe-ments ruraux les plus touchés parle vieillissement, n’est pas anodin.« Notre expérimentation vise à main-tenir des personnes âgées dans unlogement social adapté, en agrégeantpour eux un maximum de servicesexistants, explique Salvatore Ian-nuzzi, directeur de programme àl’Opac 71. C’est une façon de re -pousser l’âge du départ en institu-tion, et par là une prise en chargecoûteuse pour la collectivité. »

L’idée est de garder les personnesâgées dans le droit commun,quelles que soient leurs ressources.De fait, pour l’occupant, cette solu-tion n’implique pas un coût plusélevé qu’un logement social. Pourle bailleur, le coût de constructiond’un immeuble intergénérationnelest sensiblement le même que celuid’un logement social.

Une nécessité budgétaireAlors que neuf Français sur dixpréféreraient vieillir à domicile, laré ponse de la collectivité ne peutplus se résumer au simple pla -cement des personnes âgées enEhpad (établissement d’héberge-ment pour personnes âgées dépen-dantes). À l’horizon 2040, 7 millionsde Français auront plus de 80 anset 2 millions seront en situation dedépendance. Le coût pour la collec-tivité pourrait alors représenter 2 %du produit intérieur brut français,contre 1,2 % aujourd’hui. Permettreaux seniors de vieillir chez eux pluslongtemps ce n’est donc pas seu -lement leur faire plaisir, c’est unenécessité budgétaire.Face à l’épineux problème de laprimo-dépendance, les départe-ments et communes, qui ont lages tion du parc social et des Ehpad,se retrouvent en première ligne.Certains, comme le département deSaône-et-Loire, ont compris le rôlequ’ils pouvaient jouer dans le ra -lentissement du processus : « Unbailleur ne peut plus aujourd’hui

rester dans une posture de construc-teur. Il doit devenir aménageur et in -tégrer cette dimension de services »,poursuit Salvatore Iannuzzi.Ailleurs en France, d’autres im -meubles intergénérationnels sonten projet ou déjà en fonctionne -ment. À Saint-Apollinaire, en Côte-d’Or, à Parempuyre, en Gironde, ouà Chaponost, dans le Rhône, descommunes rurales de moins de8 000 habitants. À Seyssinet-Pariset,dans la banlieue de Grenoble. Etmême dans le très chic quartier duMarais, au cœur de la capitale, ouprès du parc de la Tête d’Or, enplein centre de Lyon.

Pas une simple utopieÀ Saint-Apollinaire, la résidenceGénérations a été créée en 2000 par l’Opac de Dijon, la ville et unorganisme spécialisé en géron to -logie, la Fedosad. Elle comprend 76logements sociaux occupés pour

moitié par des familles avec enfantsen bas âge et pour moitié par desplus de 60 ans, un Ehpad de 22 pla ces et un accueil de jour pourpersonnes souffrant d’Alzheimer.

Les habitants profitent d’un relaisd’assistantes maternelles, d’un cen-tre de loisirs intergénérationnels,d’une salle de quartier et d’unrestaurant scolaire.Après douze années d’existence,le succès de Générations est lapreuve que l’habitat intergénéra-tionnel n’est pas qu’une simpleutopie. « Nous avons beaucoup dedemandes pour loger à Générations,observe Isabelle Benoît, responsa -ble de l’Office des aînés de la ville.Au point que la municipalité préparepour fin 2013 un nouveau projet dansle quartier du Pré-Thomas qui inté-grera cette fois des personnes handi-capées et des jeunes en insertion. » Lamairie souhaite également étendrel’« esprit Générations » au reste de

Le logement social pourretarder la dépendanceComment repousser l’âge d’entrée en Ehpad et alléger la facture de la dépendance ? Certainescollectivités expérimentent le logement intergénérationnel, une solution inspirée de l’étrangerqui commence à donner des résultats.

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Dossier

Béguinage, colocation, autogestion :l’imagination au secours du grand âge

Plusieurs solutions permet-tent de prendre en compte le

grand âge et la précarité des per -sonnes au sens large, en comblantle fossé des générations. L’habitat« kangourou » consiste, pour unepersonne âgée, à proposer à unjeune une chambre dans son ap -partement en échange d’un loyergratuit ou modique et de petitsservices. La Ville de Paris encou -rage ce type de colocation, en par -tena riat avec des associations.

Actuellement quelque 300 binômessenior-jeune étudiant ou apprenticohabi tent dans la capitale.En Belgique, où l’habitat kangou -rou est très répandu, la communede Molenbeek – à forte popula-tion immigrée – a créé dès 1986 le foyer Dar al Amal (« maison del’espoir »). Ce bâtiment aux loyersmodérés accueille en colocationune famille d’origine immigrée etune personne âgée ou un couplede personnes âgées.

Le béguinage, né dans les Flandres,commence à se pratiquer dansl’Hexagone. Destiné à un publicplus favorisé, il consiste à bâtir desmaisons ou groupes de maisonssouvent équipées d’outils domo-tiques très sophistiqués permettantaux seniors de rester plus long -temps à domicile et de socia liser.Des expérimentations sont me -nées actuellement à Saint-Quentin,dans l’Aisne, à Avesnes-le-Comte et Vieille-Église, dans le Nord-Pas-

de-Calais, ainsi qu’à Vireux-Walle -rand, en Champagne-Ardenne.Enfin, l’habitat groupé, très déve -loppé aux Pays-Bas et au Dane-mark, revient à se regrouper pourconstruire un bâtiment auto -financé. Les logements sont adap-tés aux besoins des uns et des autres.Le groupe détermine égalementdes locaux communs (chambred’hôte, garage, buanderie) et desespaces de vie pouvant accueillirdes activités communes.

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la commune, à commencer par lesservices municipaux : crèche, cen-tre de loisirs, office municipal desaînés, service culture.Mais on est encore loin de l’en-gouement qu’ont connu le Dane-mark, les Pays-Bas ou la Belgiquepour l’habitat intergénérationnel(voir encadré). En France, le conceptse heurte à un manque de volon-té po litique face au logement socialen général. Les quelques projetsqui aboutissent sont portés parquel ques élus obstinés. « Nous dis-posions de fonds pour un immeublesocial que nous avons décidé d’affec -ter à ce projet-là, mais l’Opac n’auraitpas obtenu de financement spéci fiquepour construire sur la base de ceprojet », regrette Évelyne Couillerot,première vice-présidente du conseilgénéral de Saône-et-Loire en charge

des personnes âgées, qui porte leprojet d’habitat solidaire à bout debras. Une expé rience d’équili briste :« Nous sommes à flux tendu au planfinancier et il nous faut résoudre denombreuses difficultés sans coûts sup-plémentaires », précise l’élue.

EHD, audace et créativitéL’habitat intergénérationnel n’estd’ailleurs pas l’apanage des bailleurs

sociaux. Le « leader » en la matièreest Entreprendre pour humaniser la dépendance (EHD), une sociétéco opérative financée par l’économiesociale et solidaire, qui a déjà unedizaine de bâtiments de ce type àson actif. Ses projets étonnent parleur audace et leur créativité.À Lyon, une résidence intergéné -rationnelle de 80 logements a étécréée par EHD dans le site excep-tionnel d’un ancien couvent, cédépar une congrégation de sœursfranciscaines. Les appartementssont loués 5 à 7 euros le mètre carréet attribués selon les critères du lo -gement social à des personnes âgéeset des étudiants de milieu social dé -favorisé en classes préparatoires auprestigieux lycée du Parc.Ici, les sœurs de la maison d’Assiseoccupent encore une partie du bâti-

ment et veillent à la bonne ententeentre les locataires. « On nous de -mande des allumettes, une bâche pours’asseoir dans le parc. Nous sommesune présence rassurante », confiesœur Johanne, qui se réjouit d’avoirréuni la quasi-totalité des locataires,jeunes et vieux, à la première fêtedes voisins.À chaque projet, le fondateur d’EHD, Bernard Devert, ancien

agent immobilier devenu prêtre,pousse le concept un peu plus loin.À La Tronche, près de Grenoble,une maison de retraite médica liséevient d’être construite à côté d’unemaison intergénérationnelle ac -cueillant des personnes âgées etdes internes du CHU de Grenoble.À Tassin-la-Demi-Lune, près deLyon, une « petite unité de vie mé -dicalisée » de 24 places réservée àdes gens « très âgés et très fragi liséspar la vie » est en construction dansun parc de 14 hectares non loin du centre de recherche Mérieux. Ilvoisinera avec un second bâtimentde 14 logements en partie occupépar des étudiants.Un même parc et une même routepartagés par des étudiants, des re -traités et des actifs : ce projet résumeà lui seul l’ambition de BernardDevert. « Toutes nos opérations n’ontqu’un but : briser l’isolement, casserl’angoisse des personnes âgées liée à lasolitude et à la pauvreté », explique-t-il. L’ecclésiastique ne comprendpas que des personnes âgées validessoient placées en instituts spéciali -sés lourdement financés par leurfamille ou la collectivité. « Il faut ré -orienter les Ehpad vers la fin de vie »,tonne-t-il.

La société civile prend le relaisFace à la crise des finances publiqueset le manque d’ambition de l’État,une « société-providence » pourraitêtre en train de se mettre en place.« Si l’État-providence s’efface quant àla prise en charge du risque de la dé -pendance, il faut bien que la sociétécivile prenne le relais », résume Ber -nard Devert. Évelyne Couillerot enconvient : « Ce n’est pas parce que l’onessaie de trouver des solutions que leproblème de fond est réglé : répondreà la question du vieillissement c’est la quadrature du cercle. »« Les collectivités territoriales et pu -bliques montrent un certain intérêtpour l’immobilier intergénérationnel,mais le problème c’est qu’elles n’ontplus un sou », lâche Grégoire Lechatde l’association France Active, quifinance EHD. L’idée est d’innovernon seulement sur le projet, maisaussi sur les moyens mis en œuvrepour le rendre possible. Ce quepermet la finance solidaire. « Nous,nous proposons autre chose qu’unesubvention pure et dure : un panachéde mécénat, de fonds publics, debénévolat », ajoute-t-il.Chaque année, EHD lève plusieursmillions d’euros pour financer sesinvestissements auprès de richesmécènes et de fonds communs deplacements « solidaires ». À obser -ver ses comptes, il s’avère quel’habitat générationnel est toutsauf un gouffre financier : le chiffred’affaires de cette entreprise decinq salariés était de 850 000 eurosen 2009 pour un résultat de120 000 euros. De quoi inspirer lespouvoirs publics.

Tatiana Kalouguine

La première résidenceintergénérationnelle parisienneest en construction au30-32 quai des Célestins, dans le 4e arrondissement. À quel besoindes Parisiens est censé répondrece projet ? Le vieillissement de la population,conjugué à l’avancée de l’espérancede vie, constitue un enjeu de taillepour nos sociétés. La question desrelations entre les générations setrouve posée avec force, et tous lesacteurs, qu’ils soient économiques,politiques, institutionnels, sont in vités à répondre à cette nouvelledonne. C’est le défi que la collecti -vité parisienne tente de relever, etnotamment en proposant une nou-velle approche du logement.

D’autres initiatives sontactuellement en cours en France,mais plutôt en zones rurales.Y a-t-il une problématiqueparisienne spécifique ?Le centre de Paris est structurelle-ment peu adapté, aussi bien pour lesseniors que pour les jeunes salariés.Les immeubles anciens, étroits etsou vent dépourvus d’ascenseurssont inadaptés aux personnes vieil-lissantes. Pour autant, on note unsouhait des personnes âgées, atta -chées à leur quartier, à continuer àvivre chez elles. Concernant le loge-ment des jeunes employés, on saitles difficultés rencontrées par lesjeunes fraîchement insérés dans lavie professionnelle pour se logerdans nos arrondissements centraux,du fait du prix de l’immobilier. Pour-tant, avec ses bars, restaurants, lieuxde convivialité, notre arrondisse-ment de cœur de ville est un bassind’emploi important pour ce public,souvent contraint de vivre loin dela capitale.

Comment se répartiront les logements entre les différentespopulations ? De quelle façonse fera le « recrutement »des locataires ?Notre projet prévoit la création deprès de 90 logements destinés à desretraités et des jeunes salariés. Leursrythmes et modes de vie différentsimpliquent qu’ils soient logés ausein de deux immeubles distincts,qui sont cependant contigus et com-municants : les retraités habiterontau 32 quai des Célestins et les jeunesemployés au 30 quai des Célestins.Des espaces communs seront créés.Du point de vue de l’attribution et de la gestion de ces logements, il

s’agira de logements sociaux des ti -nés aux retraités, et d’un foyer-loge-ment pour les jeunes salariés.

Quels services seront proposés auxhabitants ? Des partenariats sont-ilsprévus avec des prestataires publicsou privés ?Au-delà des logements, la résidenceproposera un ensemble d’espacesde service partagés : hall d’entréeet coin boîtes aux lettres, salle deconvivialité commune, espace Web,laverie, salle de gym. Les espacescollectifs sont regroupés dans lesdeux niveaux bas, rez-de-chausséehaut et rez-de-chaussée bas. Deuxterrasses compléteront cet ensemble.

Comment la mairie a-t-elle prévud’animer les échangesintergénérationnels ?La gestion administrative a été pro-posée à deux opérateurs. L’associa-tion ALJT administrera le foyer dejeunes travailleurs, et Coallia (an -ciennement Aftam), spécialiste del’habitat social adapté, sera encharge de la gestion des logementsseniors. Ces deux structures serontchargées d’animer et de faire vivreles lieux. Le projet de vie de la rési-dence doit aussi bien évidemmentreposer sur le partage de servicesentre personnes de différentes gé -nérations. Sa philosophie consisteen un échange bénéfique à chacun :temps disponible des per sonnes âgées utilisé pour aider les jeunesadultes, force de vie des jeunespour atténuer la solitude de cer-tains seniors.

Propos recueillis par T.K.

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Dossier

Christophe Girard, maire (PS)du 4e arrondissement de Paris.PHOTO ÉRIC FOUGÈRE

« À Paris, la questiondes relations entreles générations se pose avec force »

Le village Générations de Saint-Apollinaire où cohabitent des personnesâgées et des couples avec jeunes enfants. PHOTOS JEFF PACHOUD/AFP

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Apparu pour la premièrefois au Bangladesh en1976, le microcrédit a été

longtemps réservé aux pays envoie de développement. Destinéinitialement à encourager l’initia-tive économique, le dispositif estrelayé aujourd’hui en France parles villes et les départements sousune dimension sociale.Avec 9941 prêts accordés en 2011,le microcrédit personnel a enre-gistré une progression de 26 % par rapport à l’année précédente.Les prêts ont financé à 72,3 % desprojets d’emploi et de mobilité, à12,4 % des besoins de logement, et

à 4,5 % des démarches d’éducationet de formation, précise la Caissedes dépôts et consignations (CDC)en charge du Fonds de cohésionsociale. « La progression enregistréetémoigne d’un réel succès de cet outilde lutte contre l’exclusion bancaire à forte utilité sociale », estime laCaisse, qui publiera en fin d’annéeles résultats d’une enquête sur lesimpacts du microcrédit sur l’in-sertion professionnelle ou sociale,les conditions de vie, la situationbudgétaire ou encore l’inclusionbancaire des bénéficiaires. « Cesrésultats, encore modestes, traduisentune dimension primordiale du micro-crédit personnel », poursuivent les

représentants de l’organisme. « Ils’agit d’un prêt accompagné, c’est- à-dire d’une offre de financement“sur-mesure” qui prend en compteles contraintes et les besoins spéci-fiques de chaque emprunteur. Cetaccompa gnement social et financierne peut, en conséquence, être bana-lisé », ex plique encore la CDC.

Favoriser l’insertion socialeet professionnellePreuve de l’engouement suscitépar l’initiative, le Crédit municipalde Paris a accordé cette année son1500e microcrédit personnel. Leprogramme, élaboré à la demande

de la ville, permet de répondre auxbesoins de financements ponctuelsde personnes qui n’ont pas accèsà des crédits classiques, soit envi-ron 10 % de la population, prin-cipalement des intérimaires, desbénéficiaires du revenu de solida-rité active (RSA) ou de l’allocationpour adulte handicapé (AAH).En pratique, le microcrédit per-sonnel repose sur un prêt « accom-pagné » d’un montant de 300 à3 000 euros échelonné jusqu’àtrente- six mois. Il est destiné àfinancer des projets personnels(permis de conduire, frais de santé,formations professionnelles, équi-pement ménager…). Les intérêts

sont de 4 % (TEG fixe annuel). Àl’issue du prêt, les emprunteurshabitant Paris ainsi que les dépar-tements et les villes partenairesd’Île-de-France bénéficient d’unremboursement de tout ou partiedes intérêts versés. Depuis sa créa-tion en 2008, le microcrédit per-sonnel s’est étendu à la Seine- Saint-Denis et à la Seine-et-Marneen 2009, à l’Essonne en 2010 et auVal-de-Marne en 2011.Alternative aux crédits revolving,le programme – qui prévient du

surendettement – s’invite à pré-sent dans les DOM-TOM. En Gua-deloupe, les habitants en difficultéfinancière des Abymes, de Pointe-à-Pitre et de Saint-François béné-ficient depuis le printemps d’uneoffre de microcrédit sociale simi-laire. Si là aussi la CDC se portegarante, une convention doit êtresignée entre les villes et les deuxorganismes bancaires impliquésdans le système, le Crédit agricoleet la Caisse d’épargne.

« Le microcrédit n’est pas assezsoutenu par les pouvoirs publics »À Orthez, la démarche constitueaussi une première dans les Pyré-nées-Atlantiques, même si une aidesemblable était déjà proposée aupa-ravant par des associations commele Secours catholique ou Famillesrurales. Un dispositif désormaisétendu aux jeunes de 18-25 ans àNantes, Grenoble et Besançon.L’objectif revendiqué étant de favoriser leur insertion sociale etprofessionnelle, tout en facilitantl’accès au logement, à la formation,

à la mobilité ou encore aux soinsmédicaux.Au cœur du programme, les cen-tres communaux d’action sociale(CCAS) reconnaissent une « vraiedynamique de croissance » du dis-positif. Sénatrice (PS) de Loire-Atlantique, Michelle Meunier ana-lyse : « Le microcrédit est une offrenouvelle à la situation de crise. Le service public s’adapte car les consé-quences sociales de la crise vont per-durer longtemps. »Pionnière du microcrédit enFrance, l’association pour le droità l’initiative économique (Adie)déplore néanmoins que cette aidesoit trop peu soutenue par les pou-voirs publics. « Le microcrédit rem-plit une mission d’intérêt général encontribuant au combat pour l’emploiet en permettant la création de micro-entreprises qui participent elles-mêmesà la création de richesses. » L’asso-ciation de regretter que « le micro-crédit accompagné reste sous-utilisé etqu’il ne soit pas davantage soutenupar les pouvoirs publics. »

Ludovic Bellanger

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Initiatives

Initié en Île-de-France, le microcrédit personnel encadré par la Caisse des dépôts connaît uneprogression sans précédent. Destiné à financer des dépenses de logement ou de santé, cet outild’insertion s’étend désormais aux jeunes. Une démarche sociale reprise à présent en Guadeloupe.

Contre la précarité, les villes font crédit9 941 prêts accordés aux particuliers en difficulté en 2011

Tour de France du microcrédit personnelDepuis le début de l’année,la Caisse des dépôts a initié

une série de colloques régionauxqui rassemblent toutes les partiesprenantes à l’échelle d’un terri-toire : établissements financiers,structures d’accompagnement etcollectivités locales. Trois mani-festations de ce type se sont déjàtenues en Picardie, Bourgogne et

Bretagne. D’autres doivent êtreorganisées prochainement enHaute-Normandie, Champagne-Ardenne, Languedoc-Roussillon,et aux Antilles-Guyane. « Ces ren-contres permettent de faire émergerles bonnes pratiques, d’identifier lesfreins et de mutualiser les ressources »,estime la Caisse des dépôts etconsignations.

À travers ses directions régionales,l’organisme veille au maillage ter-ritorial des offres de microcrédit en favorisant le rapprochement et la collaboration des banques etdes associations en charge de l’ac-compagnement. Ces dernières sontrecensées par département sur lesite www.france-microcredit.org.

«LA PROGRESSIONENREGISTRÉE TÉMOIGNE

D’UN RÉEL SUCCÈS DE CETOUTIL DE LUTTE CONTREL’EXCLUSION BANCAIRE À FORTE UTILITÉ SOCIALE »

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Vous avez refusé l’extensiondu centre commercial Parly 2 :quelles solutions préconisez-vouspour redynamiser lescentres-villes ?Il faut alléger les contraintes quipèsent sur les petits commerces,concernant notamment l’emploi.

De nombreuses boutiques n’em-bauchent pas car les procéduresadministratives sont trop lourdesà gérer. Par ailleurs, il est importantde développer une vraie concer -tation avec la commission d’amé-nagement commercial. L’une desquestions fondamentales est delimiter l’accumulation de grandessurfaces comme c’est le cas dansl’Ouest parisien où les demandesd’extension et d’ouvertures s’ac-cumulent. Nous devons retrouverles moyens de réglementer lesprojets en y incluant à présent les« drive ».

Craignez-vous un risquede ghettoïsation des villesà travers le renforcementdes pénalités financièresen cas de non-respectde la loi SRU ?

La loi SRU est une bonne mesure,mais elle impose aujourd’hui untaux de logements sociaux extrê-mement élevé qui ne prend pasen compte l’histoire des villes [Ver-sailles totalise 17,7 % de logementssociaux, ndlr]. La hausse des péna-lités va nous conduire à accélérernotre programme. Mais dans dessecteurs comme Versailles où leprix du foncier est élevé, le risqueest de devoir densifier les quartierssociaux au lieu de les répartir surl’ensemble du territoire. Une loi doitprendre en compte la réalité du terrain. Il faut faire confiance auxmaires! Construire une ville prend du temps. Je considère la nouvellemesure comme de la précipitationavec le risque de voir apparaître des ensembles de logements so -ciaux à l’image des années 1970avec les conséquences que l’on

connaît aujourd’hui. On ne peutpas construire à l’emporte-pièce.

En tant qu’ancien président de laCité de l’architecture, à quels défisselon vous les villes devront-ellesfaire face demain ?La question du logement danstoutes ses formes demeure fonda-mentale. Il faut accélérer la construc-tion. Mais le problème majeur re -pose aujourd’hui sur les lourdeursde la réglementation et le poids desrecours. La mixité sociale et éco no -mique, qui passe par le transport,est également un enjeu essentielpour demain. La ville doit prendreen compte aussi une dimensionenvironnementale à travers leconcept de ville-nature. De manièregénérale, nous devons disposer delois incitatives, mais pas excessives.

Propos recueillis par L.B.

FRANÇOIS DE MAZIÈRESDÉPUTÉ-MAIRE (DVD) DE VERSAILLES

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Inauguré cet été, l’Espace méditerranéen de l’adolescence (EMA) casse lesclichés de l’hôpital pour soigner les jeunes en détresse. Il permet d’assurerun suivi médical complet et accorde à la culture une place essentielle dansl’application des soins.

DEAUVILLE S’OPPOSEÀ HONDA� Le torchon brûle entre le constructeurde motos japonaises et Deauville. Laville, qui avait octroyé un droit d’usagede sa marque au groupe, souhaitereconduire le contrat à des conditionsfinancières plus avantageuses.Assignée par Honda devant le TGIde Paris « aux fins de déchéance de la marque française Deauville,et d’annulation de la marqueinternationale Deauville », la commune entend « protéger sa notoriété et obtenir la justecompensation de l’utilisationde sa marque ».

TROIS DÉPARTEMENTSS’ENGAGENT DANSLE DÉVELOPPEMENTDURABLE�Pour la première fois depuis sa création, trois conseils généraux fontleur apparition au palmarès desRubans du développement durable.Un trophée placé sous l’égide de l’AMF.Aux côtés des nouveaux labellisés,les communes de La Roche-sur-Yon,Valenciennes et Villefranche-sur-Saône,et les agglomérations de Lorient et de Pau, la Somme, la Seine-Saint-Deniset La Réunion se sont distinguées par leur engagement environnemental.

F1 : LE CASTELLET FACEÀ MAGNY-COURS�Après Magny-Cours, dans la Nièvre,le Var a officialisé la candidature du circuit Paul-Ricard, situé au Castellet,pour l’organisation dès 2013 du GrandPrix de France de F1. « Notre projet a évolué en fonction de la conjonctureéconomique et du fait de la non-implication financière de l’État »,explique le responsable du circuit,Stéphane Clair. Le budget s’élève àquelque 30 millions d’euros, dont untiers assuré par les collectivités locales.

« SAINT-DENISENTRE LES LIGNES »�Accessibles depuis le printemps,les 26 webdocumentaires consacrésà la Seine-Saint-Denis associentinterviews et montagesphotographiques interactifs. Le sitewww.saintdenisentreleslignes.frpermet de découvrir des lieux et despersonnages souvent méconnus,parfois insolites, de la ville. Un visageinédit de Saint-Denis, au-delà de sa Basilique et du Stade de France.

À RENNES, L’EAU DESPISCINES LAVE LA VOIRIE�Pour le deuxième été consécutif,Rennes a utilisé les eaux de vidange de ses piscines pour alimenter sesbalayeuses et ses laveuses. En 2011, 7 % des besoins des services de la propreté ont été assurés par cettenouvel le ressource. À terme, l’objectifest d’économiser 10 % de laconsommation d’eau de la ville,soit 1,6 million de mètres cubes par and’ici à 2020 grâce à de nouvellesexpérimentations.

En bref

Un hôpital qui associe soins,culture et éducation

Marseille

Âgés de 11 à 18 ans, ils sontatteints d’hyperactivité, detroubles du comportement

ou de l’alimentation. Bientôt desado lescents en guérison ou enrémission de cancer seront aussiaccueillis. Hospitalisés à la journéeou à temps plein, les jeunes pa tientsdécouvrent à l’EMA marseillais un espace médical pluridiscipli-naire qui fait la part belle aux arts.« L’hos pitalisation peut avoir deseffets de désintégration de l’identité en réduisant les gens à leur maladieou à leur mal-être », relève CarineDelanoë-Vieux, chef de projet desaffaires culturelles à l’AP-HM. Elleconsidère : « La culture permet de sti mu ler, de redynamiser des chosespositives et saines de soi-même. » Ici,les thérapies sont sans effets secon-daires : baby-foot et téléviseur pourse détendre, médiathèque pour lireet visionner des films, salle de sportet de danse pour travailler surl’image corporelle, cours d’arts plas-tiques, studio de webradio…

« Un hôpital pour vivre »Le professeur Marcel Rufo, pédo -psychiatre porteur du concept,salue « un hôpital pour vivre, avecune pulsion de vie. Un hôpital dans la ville pour les adolescents et leurfamille qui permet de pratiquer unemédecine globale du sujet et non unemédecine d’organe. »Outre la modernité des locaux installés au cœur du vaste parc del’hôpital Salvator, les murs colorésaffichent les mots d’esprit et lestoiles peintes par les patients.L‘équipe soignante adopte égale-ment une tenue vestimentaire sem-blable à celle des adolescents afinde « créer le lien », explique encoreSylvain Filiol, responsable des soins.Présidente de la Fondation Hôpi-taux de Paris-Hôpitaux de France,Bernadette Chirac estime : « Je suissûre que les adolescents qui viendrontici retrouveront la joie de vivre. Uneadolescente qui s’ennuie est une ado-lescente qui ne guérira pas. » La fon-dation subventionne les 50 mai-

sons des adolescents qui existenten France, des structures similairesà l‘EMA mais de moindre enver-gure. « L’idée est d’offrir des lieuxd’accueil pour les jeunes en détresse,

ne relevant ni de la pédiatrie ni dumonde des adultes. » Environ 15 %des 11-18 ans, soit 900 000 ado-lescents, sont estimés en « grandesouffrance psychique ». L.B.

Le professeur Marcel Rufo avec la présidente de la Fondation Hôpitauxde Paris-Hôpitaux de France, Bernadette Chirac. PHOTO BORIS HORVAT/AFP

«Une loi doit prendre en comptela réalité du terrain »

3 questions à

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Depuis les élections législativesde 2012, les deux assemblées duParlement sont à gauche. Pourquoiconsidérez-vous nécessaire d’ouvrirun débat institutionnel sur la question du Sénat ? En ce qui me concerne, je pose leproblème dans le cadre d’une né -cessaire évolution plus globale desinstitutions que prône depuis long-temps ma formation politique, etqu’elle a proposée très clairement àl’occasion des élections qui viennentd’avoir lieu. Malheureusement, laquestion d es institutions a été peuprésente dans la campagne électo-rale. Seul le Front de gauche a misen avant le thème d’une VIe Répu-blique citoyenne et sociale, en rup-ture avec la Ve République.Le candidat François Hollande et le Parti socialiste ont peu abordé ces sujets. Certes, François Hollandes’est démarqué de la « monarchie sarkozienne ». Son discours a été axésur des réformes institutionnellestout à fait indispensables et en gé -néral partagées par toute la gauche :limitation du cumul des mandats,moralisation de la vie politique, indé-pendance de la justice, nominationdes présidents de chaînes publiquespar une autorité indépendante… En revanche, il n’a pas été proposéde toucher au cœur du fonctionne-ment de la Ve République.

Quelles sont les évolutionsque vous préconisez ?Le Parlement, je l’ai dit, n’est pasreprésentatif de la population, cequi n’est pas sans rapport avec leconstat que les parlementaires sontles élus les plus décriés, alors qu’ilssont censés représenter le peupletout entier ! Il est temps d’aller versla proportionnelle à toutes les élec-tions, de rendre effective l’obligationde parité, d’instaurer le non-cumuldes mandats et la limitation de leur

renouvellement, le statut de l’éluet la citoyenneté de résidence.Outre sa représentativité se pose la question du rôle du Parlement.Aujourd’hui, il est totalementsecond puisque le champ d’inter-vention de la loi est restrictif (art. 34de la Constitution). Le partage del’ordre du jour est à l’avantage dugouvernement. Le président de laRépublique dispose d’un domaineréservé très large. L’exécutif possèdedes prérogatives en matière finan-cière (art. 40) et procédurale.Il faut réaffirmer la primauté de laloi, mettre fin à l’incapacité juri-dique du Parlement en matièrefinancière. Le vote du Parlementdoit être requis en matière euro-péenne, de politique étrangère etd’engagement militaire ; de mêmeen matière de nominations.Je pense en effet qu’en France lebicamérisme actuel est « boiteux ».

Vous considérez donc que le Sénatdoit avoir plus de pouvoir ?Des propositions existent qui ontpour objet de renforcer le rôle duSénat par une représentation plusforte des régions, dotées elles-mêmesde pouvoirs très étendus, par exem-ple par le transfert de compétences

régaliennes, ce qui ferait du Sénatun « Bundesrat à la française ». Jesuis pour ma part hostile à unerégionalisation de la République.En revanche, donner plus de pouvoirsau Sénat comme représentant descollectivités territoriales dans le cadred’une reconnaissance institution-nelle de la démocratie locale dansune république décentralisée n’estpas à rejeter. L’implication des collec-tivités territoriales devrait donc trou-ver sa place dans la « création législa -tive ». Cela implique de leur donnerplus de pouvoirs, avec par exempleun droit d’initiative législative (à par-tir d’un seuil). Dans ce cadre, le Sénatpourrait examiner les initiativeslocales, évaluer leurs possibilités degénéralisation par la loi, consulterl’ensemble des collectivités…

Quels sont les scrutins quipourraient être envisagés ? - Au suffrage indirect, comme au -jourd’hui, avec l’élection des séna-teurs par les élus locaux sur unebase démographique élargie : nom-bre de délégués plus important enfonction de la population des cir-conscriptions départementales ;- Ou au suffrage universel direct.Pour ma part, je considère que c’est

le seul conforme à la réalité de lapopulation des territoires. Donc lessénateurs pourraient être élus ausuffrage universel direct dans lecadre départemental, les listes étantcomposées de citoyens ayant ouayant eu un mandat local.

Une deuxième piste a été évoquéequi consisterait à conférer à la deuxième chambre le « travailde long terme »…Le « sujet » est séduisant, tant leParlement travaille sur le courtterme, dans un monde pourtantmouvant de façon de plus en plusrapide, où les grands enjeux éco-nomiques, écologiques, démogra-phiques, géopolitiques, nous pré -occupent et où la question de laprospective est posée.On ne peut cependant considérerqu’une deuxième chambre soitmieux « outillée » que l’Assembléenationale pour travailler sur le long terme. Une chambre « du longterme » s’apparenterait davantage àun conseil consultatif, composé enconséquence et destiné à donneravis et expertises au Parlement. Cesdeux pistes, en tout état de cause,s’inscrivent dans le cadre classiquede la démocratie représentative desrégimes parlementaires actuels.

Vous proposez une troisième pistede réflexion…J’ai lu avec grand intérêt le profes-seur Dominique Rousseau qui, dansson récent ouvrage – Le ConsulatSarkozy –, propose de « donner vie »à la République sociale, démocra-tique et décentralisée inscrite dansl’article 1er de la Constitution, encréant une troisième chambre : « uneassemblée sociale qui, avec l’Assembléenationale et l’Assemblée territoriale,formera le Parlement ».Il propose aussi de « rendre présentle citoyen » par une participation

directe de celui-ci, qui pourrait pren-dre la forme de « conventions decitoyens » tirés au sort sur des listesélectorales qui, après délibération,pourraient produire des recomman-dations aux assemblées parlemen-taires pour qu’elles en débattent.Ces propositions me confortentdans le choix qui est le mien d’uneréflexion approfondie sur la repré-sentation des citoyens. Mais je nepense pas souhaitable de créer unetroisième chambre législative.Je propose donc une autre piste : latransformation du Sénat en uneassemblée composée pour moitiéde représentants des collectivitéslocales élus au suffrage universeldirect sur listes départementales de candidats ayant une expérienceélective dans une collectivité (unmandat par exemple). L’autre moi-tié serait composée de représentantsdes « groupes sociaux » élus au suf-frage universel direct sur des listes(régionales ou départementales)composées de citoyens proposés par des organisations syndicales etassociatives représentatives (dansdes proportions à définir).Ce changement de statut de ladeuxième chambre serait à mon sensun signe fort de la prise en compteréelle de « l’auto-organisation » descitoyens, saut qualitatif nécessairepour revivifier la démocratie.

Propos recueillispar Joël Genard

C’est le secrétaire national du PCFqui remplace Nicole Borvo Cohen-Seat. Élue depuis 1995,elle ne souhaitait pas effectuer un3e mandat. Elle avait finalementaccepté, pour des raisons de parité,à condition de laisser sa place àPierre Laurent en cours de mandat.Le passage de témoin, prévu dès les sénatoriales de 2011,est désormais réalisé.

�� Nicole Bricq confie une mission àClaude Revel sur le développementde l’influence française en matière de normes. Les normes sont un sujethautement stratégique pour un État,puisqu’elles contribuent à la fois au développement de ses marchésextérieurs et à son rayonnementglobal. Ancienne élève de l’ÉNA,spécialiste et conseil en influencenormative internationale, professeureet directrice d’un Centre d’intelligence

économique et influence internationale,auteure de nombreuses publicationssur ces sujets et ancienne membre du Haut Conseil de la coopérationinternationale auprès du Premierministre, Claude Revel sera chargée de formuler des propositionsopérationnelles sur la présenceinternationale et le positionnementde la France en matière de normes.Sa mission couvrira au moinstrois champs :

- la présence française dansles principales instances denormalisation, professionnelles,multilatérales, privées ;- les enjeux des normes dans desaccords de libre-échange à veniret en cours tels que l’accord Union européenne/États-Unis, leTrans-Pacific Partnership, des accordsavec les pays de la Méditerranée…lesquels fixent une perspectivede convergence réglementaire ;- la prise en compte de nos normespar les bailleurs de fondsinternationaux.

�� Luc Oursel. Le président du groupenucléaire public Areva a été élu à la présidence de l’Associationnationale de la recherche et de latechnologie (ANRT), un organismequi promeut les partenariats derecherche entre acteurs publics etprivés. Il remplace Louis Gallois, ex-dirigeant de la SNCF et d’EADS,qui avait été désigné président de l’ANRT le 1er juin dernier, avant d’être nommé quelques jours plus tard commissaire général à l’investissement par le gouvernement.

�� Philippe Parini. Évincé cet été par la gauche de son poste stratégique de directeur général des financespubliques au ministère de l’Économie,ce haut fonctionnaire est nommé à la tête d’une direction régionale…placée sous l’autorité de son successeurà Bercy.

�� Yves Bréchet, professeur desuniversités, est nommé membre duComité de l’énergie atomique enqualité de personnalité qualifiée dansle domaine scientifique et industriel.Il est nommé haut commissaire àl’énergie atomique.

10 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 450, MERCREDI 26 SEPTEMBRE 2012

Nicole Borvo Cohen-Seat, démissionnaire de son siège de sénatrice et de la présidence dugroupe CRC, défendait l’idée d’un Sénat rénové en profondeur, point d’appui au développementd’une démocratie citoyenne « à bout de souffle ». Elle s’en explique dans l’Hémicycle.

Un Sénat rénové ?Débat

Pleins feux sur…

Nicole Borvo Cohen-Seat a été sénatrice de Paris de 1995 à 2012.

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NUMÉRO 450, MERCREDI 26 SEPTEMBRE 2012 L’HÉMICYCLE 11

L’année dernière, BenyaminNetanyahu était venu à NewYork prononcer un discours

très remarqué dans lequel il tendaitla main à tous les pays du prin tempsarabe désireux d’améliorer leur rela-tion avec Israël. À propos de l’Iran,il avait indiqué qu’il ne pouvait sepermettre la « moindre erreur de ju -gement » ou se reposer sur le « vœupieux » que les Iraniens cessent deproclamer leur volonté de « rayerIsraël de la carte ». Cette semaine,l’enjeu est différent.D’abord parce que depuis l’an passé

les Iraniens ont continué de pro-gresser dans leur enrichissement d’uranium. Le dernier rapport endate de l’AIEA (Agence internatio -nale de l’énergie atomique) à ce sujetmontre que les autorités de Téhéranont même « nettoyé » au moins unsite sur lequel auraient eu lieu destests de chaîne de réaction nucléaire.Depuis le mois de février, le mi nistrede la Défense Ehud Barak parle d’une « zone d’immunité », afin designa ler qu’à force d’enterrer leurséqui pements nucléaires toute inter-vention militaire contre ces bases

de viendrait inefficace. C’est la raisonpour laquelle, depuis le printemps,les autorités israéliennes ont tenté de forcer le bras de leurs alliés amé -ricains et européens pour leur de -mander de renforcer leur pression sur Téhéran, voire de « tracer deslignes rouges », une sorte d’ultima-tum afin de raccourcir le calendrierd’une éventuelle frappe si l’Iran re -fusait de plier.Or les Américains ont refusé cequ’ils ont perçu comme « un dik-tat ». D’autant plus brutalementque les services de renseignement

occidentaux sont convaincus qu’ilreste encore du temps avant que l’Iran parvienne au seuil de la fa -brication d’une bombe prête à êtreinstallée sur un engin balistique.Selon le spécialiste des affaires derenseignement en Israël Yossi Mel-man, « Netanyahu est allé trop loin »car « nous ne sommes pas sûrs que l’Iran veuille aller jusqu’au bout de sadémarche ». Selon l’auteur de Spiesagainst Armageddon (sorti aux États-Unis début septembre), l’Iran sou -haite probablement devenir unepuissance « de seuil », capable de

bâtir la bombe très vite grâce à unetechnologie testée, mais sans laposséder physiquement dans sonarsenal.Toute la question est donc de savoirsi les grandes puissances et Israëlsont capables de vivre avec cettehypothèse ou s’il faut bombarder l’Iran au plus tôt, quitte à ce que laRépublique islamique en profite poursortir du TNP (Traité sur la non-proli -fération des armes nucléaires), ce quilui laisserait une porte ouverte pourredémarrer son programme nucléairede façon encore plus opaque.

Le Premier ministre israélien devrait renouveler jeudi devant l’Assemblée générale de l’ONU sonplaidoyer en faveur d’une intervention rapide pour frapper l’Iran et son programme nucléaire.Par François Clemenceau

Israël vs Amérique aux Nations unies

À distance

Comment vous situez-vous dans ce débat incessant en Israël sur lanécessité de frapper l’Iran, seuls ouavec les Américains, et maintenantplutôt qu’après la présidentielleaméricaine ?Dans ce pays, nous sommes tou-jours au bord d’une guerre, dans la guerre ou juste après. Ce n’est pas très enviable mais c’est notrecondi tion existentielle. La questiondu nu cléaire s’est posée dans larégion lorsque nous-mêmes avonsaccédé, sans le reconnaître officiel -lement, au statut de puissancenucléaire. Mais qui pouvait imagi -ner que nous nous en étions dotéspour l’utiliser ? À moins d’être aubord de la fin du monde. Depuiscette époque, beaucoup ont com-pris et accepté de ne pas chercherà acquérir la bombe. C’est le cas dela Turquie ou de l’Arabie saoudite.L’Iran a cassé cette règle du jeu. Lerégime iranien se bat pour obtenirune hégémonie régionale. Cela nesignifie pas que cette hégémoniepasse par la destruction de l’Étatd’Israël. D’autant qu’il ne disposerade cette bombe qu’au plus tôt danssix mois et sinon plutôt deux ans,voire six ans. Sauf que nous le

vivons comme un danger. Je nepense pas qu’il faille répondre à ce danger tout de suite et certai -nement pas seuls. Il nous fautl’indispensable appui des États-Unis, la neutralité bienveillantedes Européens. En attendant, il estclair qu’il faut se préparer à cetteéchéance. Nos moyens ne sont passuffisants pour mettre un termeau programme nucléaire iranien.Mais je crois que le prix exorbitantque l’Iran aura à payer ne vaut pas la peine. C’est pourquoi je croisqu’il faut continuer de jouer sur les sanctions même si elles ne sont pas efficaces à 100 %. Car laguerre doit rester le dernier ressortune fois que tous les autres ont été épuisés.

Comment comprendre que cettequestion ne fait pas consensus en Israël alors que votre Premierministre parle d’une action à menerdans les semaines qui viennent ?La presse israélienne est rempliede pétitions et d’articles qui seprononcent contre une attaque sur l’Iran. L’establishment militaireest contre, et ce, depuis longtemps.Or malgré cette pression de l’opi nion

et de son propre entourage, Be -nya min Netanyahu n’a pas bougé.Je crois qu’il vient en fait de com-mettre une énorme erreur. Unhomme d’État ne peut pas deman-der à un autre de se lier les mains.On ne pose pas ses conditions à son allié, surtout lorsqu’on en estsi dépendant. Or Netanyahu s’estmis dans la tête d’influencer l’élec-tion présidentielle américaine ensoutenant clairement Mitt Romney,son ami personnel. Comme lui, ilest néolibéral, néoconservateur et c’est un cold warrior, quelqu’unqui fonctionne encore avec unementalité et des réflexes qui datentde la guerre froide. L’arrogance deNetanyahu est inexplicable. Carnous ne sommes pas une puissancemondiale et, de ce fait, on ne peutpas dicter aux États-Unis leur politique. Mon intuition est queNetanyahu essaie d’obtenir l’assu -rance que l’Amérique nous sui -vra immédiatement après notreattaque contre l’Iran. Mais c’estune démarche idiote, car même siRomney est élu rien ne dit qu’ilmènera une politique étrangèretrès différente de celle pratiquéepar Barack Obama.

Iriez-vous jusqu’à dire que tousles acteurs de cette crise ont desobjectifs personnels dans cettepériode qui s’ouvre ? Notre travail, à nous les intel-lectuels, c’est de faire de la préven-tion. Car après on sait qu’il seratrop tard. Dans quels lendemainsnous réveillerons-nous ? N’y a-t-il

vraiment rien de plus urgent ? Laquestion palestinienne n’est-ellepas la plus importante sur le longterme ? Tout ce qui permet àNetanyahu, avec l’Iran, de faireoublier l’occupation des territoirespalestiniens est une bonne chosepour lui. Mais pour nous ?

Propos recueillis par F.C.

3 questions à

Zeev Sternhell, 77 ans, historien du fascisme, est professeur de sciencepolitique à l’Université hébraïque de Jérusalem. Il a reçu, en 2008,le prix Israël pour l’ensemble de ses travaux en sciences sociales.Il est également cofondateur du mouvement La paix maintenant.

« La guerre doit rester le dernierressort une fois que tous lesautres ont été épuisés »

ZEEV STERNHELLPROFESSEUR DE SCIENCE PO LITIQUE À L’UNIVERSITÉ HÉBRAÏQUE DE JÉRUSALEM

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Pratiques

Suivant les termes de la loi de1971, l’Anah a pour missionde mettre en œuvre la poli-

tique nationale de développementet d’amélioration du parc de loge-ments privés existant. Son statutd’établissement public à caractèreadministratif est régi par le code de la construction et de l’habita-tion. L’agence lutte, entre autres,pour la rénovation thermique deslogements, l’adaptation et l’acces -sibi lité notamment liées à la perted’auto nomie des personnes, le dé -velop pement d’une offre de loge-ments à loyers et charges maîtrisés.Elle participe aussi à l’humanisationdes centres d’hébergement, auxcôtés d’associations luttant contrel’habitat indigne, dans le but demettre aux normes ou de transfor -mer des structures en subvention-nant les hôtels sociaux, les maîtresd’ouvrage propriétaires et les projetsd’amélioration d’accueil de jour.Plus de 388 millions d’euros desubventions ont été distribués parl’Anah et 72 958 logements ontpu être traités en 2011. La majo ritédes « récipiendaires » sont des par-ti culiers propriétaires.La somme dédiée aux communesest assez résiduelle puisqu’il s’agit de927 825 euros pour 116 logementsaidés au titre de la lutte contre l’ha -bitat indigne et très dégradé.

L’insalubrité, motif d’une aideà destination des communesLa notion d’insalubrité intervientlorsque le logement ou ses condi-tions d’occupation sont dangereuxpour la santé et la sécurité des per-sonnes. Elle est déclarée par un pro-fessionnel. C’est la loi de mobilisa-tion pour le logement et la lutte

contre l’exclusion du 25 mars 2009qui a initié un volet décisif dans lecombat contre le risque saturnin oula dégradation de l’habitat. En viron500 000 logements sont es timésinsalubres dans le parc privé.Mais la subvention n’est jamais undroit acquis. La décision est prise auniveau local par la délégation del’Anah (le préfet de département),dont les bureaux sont ouverts aupublic à la Direction départementaledes territoires (DDT). Le logementdoit être achevé depuis au moinsquinze ans à la date où la décisiond’accorder la subvention est prise.Les travaux sont supérieurs à unmontant minimum de 1 500 euroset doivent être réalisés par des pro-fessionnels du bâtiment.Dans les programmes contre la pré-carité énergétique et pour la miseaux normes thermiques comme« Habiter mieux », l’Anah rassem-ble simplement des collaborationsinstitutionnelles : les collectivitésversent dans un pot commun pourrénover des logements afin d’aider

les ménages propriétaires. Dans ledépartement de l’Hérault, par exem-ple, plus d’une centaine de com-munes ont bénéficié d’une aide del’Anah.

L’action territoriale pouraccompagner les politiquesde l’habitatEn plus du domaine particulier del’insalubrité, l’Anah procure auxdécideurs locaux des moyens fin-anciers pour engager des politiqueslocales. En 1991, l’agence s’étaitdéjà mobilisée concernant le parclocatif national, en conformité avecla loi d’orientation pour la ville quiintroduisit des Opérations pro-grammées d’amélioration de l’habi-tat (Opah). Par le mécanisme de la délégation de compétence, l’Anahsoutient les plans locaux et dé -par tementaux d’habitat ainsi que la conduite de projets dans lesdispo sitifs programmés. Ceux-ciconsti tuent le principal outil d’in-tervention publique pour planifieret quadriller l’aménagement des

territoires selon des critères de qua lité sociale. L’année passée,220 026 674 euros ont été allouéssur 709 opérations incluant 41 393lo gements dans le cadre des pro-grammes locaux des collectivités.À l’échelle des communes ou desétablissements publics de coopéra-tion intercommunale (EPCI), l’Anahcontribue ainsi à financer le Pro-gramme local de l’habitat qui fixe,pour six ans, les principes et objec-tifs sur le territoire de la collectivitépour répondre aux besoins en loge-ments. À l’échelle des départements,les conseils généraux sont concernéspar le Plan départemental d’actionpour le logement des personnesdéfavorisées. Chaque dé partementdoit en être doté, de même que d’unPlan départemental de l’habitatpour lesquels une contribution

technique ou financière de l’Anahest toujours possible. L’Anah accom-pagne aussi les collectivités à traversles diagnostics territoriaux quifocalisent les différents savoirs insti-tutionnels et techniques pour pro-duire des documents de référenceutiles pour dimensionner au plusjuste les politiques des élus. Signa -lons enfin les conventions de dé lé -gation de compétence (État-collec-tivité) qui, pour une durée de sixans, précise la répartition entre lescrédits consacrés au logement socialet ceux affectés à l’habitat privé.Il résulte de cette double problé-matisation du logement – la con-naissance technique et l’appui par subventionnement – que l’Anah estaujourd’hui le partenaire primor-dial des élus locaux en matièred’habitat.

Les fichesthématiquesde l’Hémicyclepar Richard Kitaeff,Professeur à Sciences-Po Paris

une source de financement pour les communesL’Agence nationale de l’habitat :

Nom

Prénom

Société

Fonction

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Code postal Ville

Tél. (facultatif) Fax e-mail

Date et signatureBulletin d’abonnement à retournersous enveloppe affranchie àl’Hémicycle, 55, rue de Grenelle, 75007 Pariscourriel : [email protected]

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Bulletin d’abonnement

L’Anah bénéficie d’un service detéléconseillers permettant de trou-ver le bon interlocuteur (Indigo :0 820 15 15 15), soit la délégationlocale, soit les services de la collec -tivité locale délégataire de com-pétence, soit l’animateur de votreOpah. Il existe des organismesspécialisés pour aider à constituerle dossier de demande d’aide.

�Le contenu du dossier doit com-porter les imprimés de demanded’aide, la preuve de la propriété dulogement, le dossier technique etl’avis d’imposition pour les pro-priétaires occupants.� Le service instructeur calcule lemontant de l’aide qui peut vousêtre délivré, et donne une réponsedans les quatre mois suivant le

dépôt. La décision d’attributionsera prise par le préfet de départe-ment ou le président de la collec-tivité délégataire.� L’aide pour les communes ou lesoutien à des programmes locauxintervient sur dossier puis sur labase d’une concertation conven-tionnelle entre les différents parte-naires institutionnels.

Comment obtenir une aide de l’Anah ?

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12 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 450, MERCREDI 26 SEPTEMBRE 2012

L’effort en matière de logement social ne cache pas le manque de cohérencedont souffre la politique du logement, toujours marquée par le désengagementde l’État. L’Agence nationale de l’habitat (Anah) finance les propriétaireset octroie des subventions parfois méconnues au profit des communes afinde lutter contre l’insalubrité.

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NUMÉRO 450, MERCREDI 26 SEPTEMBRE 2012 L’HÉMICYCLE 13

Culture

Il s’agit de présenter la face lu mi -neuse de cette civilisation qui en -globa en son sein une huma nité

infiniment variée et riche », expliquele président-directeur du musée,Henri Loyrette, dans la préface ducatalogue coédité par les éditionsHazan.« Nous avons souhaité mettre en avantune approche large et inclusive quirassemble des mondes très divers (an -dalou, mamelouk, ottoman, persan) »,ajoute M. Loyrette, qui a voulu sor-tir les arts de l’Islam de leur « mar-ginalisation » dès son arrivée auLouvre, en 2001.Le nouveau département des artsde l’Islam du musée a été inaugurépar le président François Hollandele 18 septembre, alors qu’un filmanti-islam réalisé aux États-Unisprovoque une vague d’indignationet de violences antiaméricainesdans le monde musulman.

« Mosaïque »Pour le Louvre, « il s’agit de montrerl’Islam, avec un grand I. En languefrançaise, cela désigne la civilisation.Le propos n’est pas de se centrer ex clu-sivement sur l’islam avec un petit i,qui désigne la sphère religieuse », in -dique Sophie Makariou, directricedu département des arts de l’Islam.

« Le mot Islam, il faut l’assumer, luiredonner sa grandeur, il faut le porter, il ne faut pas le laisser aux djiha -distes », martèle depuis des moisMme Makariou.Sur les 18000 pièces de la collectiondu Louvre, enrichie de dépôts desArts décoratifs, Mme Makariou achoisi d’en présenter 3000 quiem brassent douze siècles – du VIIe

au XVIIIe – et concernent une zonegéographique immense, de l’Es-pagne à l’Inde du Nord.« L’art islamique, ce n’est pas seulementl’art des communautés musulmanes.C’est l’art de tous ceux qui ont fait le monde islamique et là-dedans, il y avait des chrétiens et des juifs »,déclare-t-elle dans un entretien àl’AFP. Sophie Makariou a voulu faireun sort à une vision trop simplistede cette civilisation. Elle a glisséquelques représentations humaineset une coupe à vin en jade, l’alcoolétant toléré par le soufisme.C’est un monde « complexe », faitde « mosaïques religieuses y comprisau sein de l’islam, de mosaïques lin-guistiques, de mosaïques ethniques »,souligne-t-elle.Un monde qui ne vit pas en autar-cie. Une des pièces phares de la col-lection, le Baptistère de Saint Louis,qui a servi à baptiser Louis XIII, est

un bassin mamelouk en cuivreincrusté d’or et d’argent, ré a li sé auXIVe siècle en Égypte ou en Syrie.Cette pièce majeure a été verséedans la collection du musée dès1793, en même temps que l’Aiguièredu trésor de Saint-Denis, un vase de cristal de roche taillé et sculpté

en Égypte vers 1100. Il provient dela cour des califes fatimides.La collection des arts de l’Islam duLouvre est ancienne et a connu des hauts et des bas, des momentsd’enthousiasme (fin XIXe, début XXe

notamment) et des périodes nette-ment plus ternes (au moment de la

décolonisation et dans les années1970). En 1993, la collection obtient800 m2, dans le cadre du GrandLouvre. En 2003, elle devient undépartement à part entière dans lemusée. Avec ses nouveaux espaces,elle triple ses surfaces d’exposition.

Pierre-Henry Drange

Arts de l’Islam au Louvre :raffinement, diversité, complexité

Le musée des Beaux-Arts deLyon en appelle au public pouracquérir un tableau d’Ingres

Le Louvre dévoile les trésors de sa collection des arts de l’Islam dans les nouveaux espacesprestigieux pensés pour elle. Avec la volonté de montrer la richesse et la diversité des créationsartistiques des terres de l’Islam.

«

Le musée des Beaux-Arts deLyon a lancé jusqu’au 15 dé -cembre prochain une sous -

cription auprès du public pouracquérir une œuvre d’Ingres,L’Arétin et l’envoyé de Charles Quint,qui attend 80 000 euros afin decompléter les dons des collectivitéset des entreprises.« Nous avons eu des sollicitations de particuliers en ce sens », a expliquéune porte-parole du musée. Lesdons sont possibles à partir de1 euro, directement au musée ousur Internet à l’adresse suivante :

www.donnerpouringres.fr – et ilsdonnent droit à une déductionfiscale de 66 %.Le musée du Louvre à Paris avait étépionnier, fin 2010, en matière demécénat individuel, en réunissantauprès du public le million d’eurosqui lui manquait pour acquérirLes Trois Grâces de Lucas Cranachl’Ancien.L’Arétin et l’envoyé de Charles Quint,œuvre peinte par Jean AugusteDominique Ingres (1780-1867) en1848 et qui se trouve actuellementdans une galerie parisienne, est en

vente au prix de 750 000 euros.Quelque 670 000 euros seront ap -portés notamment par la Ville deLyon, des entreprises et le minis -tère de la Culture.Chaque donateur aura son nomdans la salle auprès de l’œuvreexposée. Pour tout don à partirde 150 euros, les mécènes béné-ficieront d’un accès privilégié unmardi, jour de fermeture du musée.Et à partir de 300 euros, ils serontconviés à une soirée privée aumusée en présence du directeur etdes conservateurs. P.-H.D.

Pyxide au nom d’al-Mughîra, boîte en ivoire sculpté, Espagne, Cordoue, 968, 17,6 cm. PHOTO KENZO TRIBOUILLARD/AFP

Jean Auguste Dominique Ingres, L’Arétin et l’envoyé de Charles Quint(détail), 1848. PHOTO DR

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Àdroite, les premières hési-tations des politiques àpropos du « mariage gay »

font place progressivement à une opposition plus déterminée.François Fillon a pris position surle sujet, relayant sur Twitter sespropos de dimanche soir sur RTL.

« Vouloir faire voler en éclatsl’institution millénaire dumariage me paraît extrêmementimprudent. Je réclame le principede précaution. »> François Fillon, député de Paris

(@francoisFillon)

Nombreux pensent en effet quecette évolution sociale va mettre à bas un édifice social déjà fragilisépar la crise actuelle.

« Ce projet est dangereux pournotre société. Sous prétexted’égalité, il sape en effet lesfondements de notre société quesont le mariage et la famille. »> Guillaume Chevrollier,

député de la Mayenne(http://guillaumechevrollier.over-blog.com)

À gauche, les politiques observentet évaluent les forces en présence.Christophe Girard, élu parisien,suit de près les prises de positiondes prélats français.

« Mariage pour tous et sesconséquences : je préfère lespropos ouverts de Mgr Daucourtarchevêque de Nanterre à ceuxétranges de Mgr Barbarin ! »> Christophe Girard, maire

du 4e arrondissement de Paris (@cgirard)

La gauche s’attend à un débat publicdifficile. La rudesse de langage qu’aconnue l’hémicycle lors de l’examende la loi instituant le Pacs est visi-blement restée dans les mémoires.Ainsi, Roger Madec prévient :

« Je crains que nous n’ayons àaffronter, au cours du débat public

qui s’ouvre, d’autres caricatures,d’autres insultes et d’autresanathèmes du même niveau.Une telle réforme de société, si majeure, si attendue, méritemieux que le caniveau dans lequelcertains tenteront de l’entraîner.Il est regrettable que ceux-là s’ycomplaisent. »> Roger Madec, sénateur de Paris

(http://www.rogermadec.fr/)

Mais le sujet de buzz chez les poli-tiques en ligne cette semaine estincontestablement la tribune de77 députés socialistes appelant à la mise en place du droit de votedes étrangers aux élections locales.À gauche, il n’est plus question de tergiverser ou de reculer. Ceten gagement date de 1981, il esttemps. Sur Twitter, le ministre AlainVidalies confirme son action pouratteindre la majorité qualifiée :

« Nous travaillons chaque jourpour trouver, au-delà de lagauche, la majorité des 3/5e

nécessaire au Congrès pour ledroit de vote des étrangers »> Alain Vidalies, ministre délégué aux

Relations avec le Parlement (@AVidalies)

Pendant ce temps, les parlemen-taires s’emploient à convaincre les

quelques hésitants et argumententsur leurs blogs.

« Il ne serait pas souhaitabled’inscrire cette réforme à l’ordredu jour dans le contexte de“crispation” identitaire queconnaîtrait notre pays. Cetargument n’est pas recevable,car il nous conduit à intérioriser à l’excès la pression que font pesersur le débat public les partis lesplus extrêmes. »> Christophe Caresche,

député de Paris (http://www.caresche.fr/)

En revanche, la tribune a fait grin-cer quelques dents. Il est vrai queces derniers temps, la cacophonieest une maladie passée à gauche.

« Bruno Le Roux a raison derappeler que nous sommes 297 députés dans le groupe SRC(socialistes, radicaux et citoyens)et non 75 ! »> Sylviane Bulteau, députée de Vendée

(http://www.facebook.com/sylvianebulteau)

Plus encore que sur le mariage, ladroite est vent debout contre laréforme annoncée. Les expressionsutilisées sur les blogs et dans lestweets sont très fortes : principenon négociable, cynisme, pacterépublicain menacé, communau-

tarisme, les élus de droite n’ont pasl’intention de faire dans la dentelle.

« Alors qu’il existe un lienindéfectible entre la nationalité etla citoyenneté depuis la Révolutionfrançaise, les socialistes voudraienttransformer la citoyennetéfrançaise en une citoyennetéen tranches. Loin de favoriserl’intégration ou l’assimilationdes étrangers, c’est l’ensemble denotre pacte républicain qui seraitmis en danger. »> Éric Ciotti, député des Alpes-Maritimes

(http://www.eric-ciotti.fr)

« Pour moi, si l’on veut accéder audroit de vote, qui est la plus hautemanifestation de l’appartenance à notre pays, il faut faire

la démarche de vouloir lier sondestin à la France en demandantla nationalité française, enacceptant ses droits et ses devoirset en entamant une procédure denaturalisation. C’est un principenon négociable. »> Jean-Pierre Barbier, député de l’Isère

(http://www.jeanpierrebarbier.fr)

« C’est du cynisme électoraliste.La gauche donne le droit de voteaux étrangers dès 2013 pourempêcher une vague bleue auxmunicipales en 2014. Favoriserle vote communautariste pourcompenser la perte du votepopulaire, c’est le calcul d’unegauche qui sacrifie l’intérêtgénéral pour garder le pouvoir. »> Claude Goasguen, député de Paris

(http://claudegoasguen.typepad.com)

Pourtant, les deux projets de lois quivont porter ces réformes socialessont encore à l’étude au sein dugouvernement. Aucun texte n’estfinalisé et ne sera présenté avantplusieurs semaines, voire plusieursmois. Ces premières passes d’armestraduisent-elles l’impatience gran-dissante sur le texte phare de cettefin d’année, la loi de finances pour2013, ou augurent-elles de débatsmusclés lorsque le gouvernementdévoilera ses projets ?

EIP l’Hémicycle, Sarl au capital de 12 582¤. RCS : Paris 443 984 117. 55, rue de Grenelle - 75007 Paris. Tél. 01 55 31 94 20. Fax : 01 53 16 24 29. Web : www.lhemicycle.com - Twitter : @lhemicycle

GÉRANT-DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Bruno Pelletier ([email protected]) RÉDACTEUR EN CHEF Joël Genard ([email protected]) ÉDITORIALISTES/POINTDE VUE François Clemenceau, Thierry Guerrier, Bruno Jeudy, Gérard Leclerc, Fabrice Le Quintrec, Éric Maulin AGORA Thomas Renou DOSSIERS Tatiana Kalouguine, Elsa NathanINTERNATIONAL Philippe Dessaint, Patrick Simonin L’ADMIROIR Éric Fottorino COLLABORENT À L’HÉMICYCLE Ludovic Bellanger, Jean-Louis Caffier, Florence Cohen, Antoine Colonna,Axel de Tarlé, Pierre-Henry Drange, Anita Hausser, Richard Kitaeff, Manuel Singeot, Guillaume Tabard, Brice Teinturier, Philippe Tesson, Pascale Tournier CORRECTION Aurélie CarrierMAQUETTE David Dumand PARTENARIATS Violaine Parturier ([email protected] - Tél. : 01 45 49 96 09/06 74 25 28 81) IMPRESSION Roto Presse Numéris,36-40, boulevard Robert-Schumann, 93190 Livry-Gargan. Tél. : 01 49 36 26 70. Fax : 01 49 36 26 89 ACTIONNAIRE PRINCIPAL Agora SASU Parution chaquemercredi ABONNEMENTS [email protected] COMMISSION PARITAIRE 0413C79258 ISSN 1620-6479 Dépôt légal à parution

Passes d’armes surles débats sociétauxLes premières informations sur le projet de loi concernant l’ouverture du mariage aux couples de même sexe et la tribune de 77 députés en faveurdu droit de vote des étrangers raniment le clivage droite-gauche sur cesdébats de société. Un aperçu au travers des différentes tribunes sur le Net.

Politicsonline

14 L’HÉMICYCLE NUMÉRO 450, MERCREDI 26 SEPTEMBRE 2012

> Jean-Sébastien Vialatte, député UMP du Var (@JS_Vialatte)

Le tweet de la semaine

«DROIT DE VOTE AUX ÉTRANGERSET SALAFISTES DANS LES CONSEILS

MUNICIPAUX : NON. #LAÏCITÉ »

Chaquesemaine,le tourdes blogsdes éluspar Manuel Singeot

Le député du Var résume en un tweet les peurs de la société françaiseà propos de l’immigration. Tous salafistes ?

À droite, l’identité nationale refait surface avec la question du droit de vote des étrangers. PHOTO CITIZENSIDE.COM/AFP

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NUMÉRO 450, MERCREDI 26 SEPTEMBRE 2012 L’HÉMICYCLE 15

L’admiroir

Bien sûr, elle regrette. Natha-lie Kosciusko-Morizet sevoyait bien en « troisième

homme » (ce n’est pas son expres-sion) – ou plutôt en premièrefemme, dans la course à la prési-dence de l’UMP. « Il était bon d’avoirtrois candidats, dit-elle dans ce caféproche de l’Assemblée nationaleoù elle nous a conviés. Cela auraitévité le duel, l’hyperpersonnalisationet l’agressivité. Nous nous serionsgarantis contre un mauvais taux departi cipation. Cela aurait donné uneélection démocratique, ouverte. » Leproces sus de désignation lui paraîtsi archaïque… « Pourquoi attendre2015 pour le changer ? » se demande-t-elle à haute voix tout en connais-sant la réponse. La politique à ceniveau reste une affaire d’hommes« qui se cooptent entre hommes ».

« Une expérience passionnante »Mais NKM est combative plusqu’abattue. L’ex-porte-parole deNicolas Sarkozy a connu et reçutous les « coups durs » que réserveune campagne présidentielle.D’avoir été « au cœur du réacteur »(c’est son expression) a été « uneexpérience passionnante, irrempla -çable », dans un contexte qu’ellequalifie de « dramatique », plein detensions, de diabolisation de l’an-cien Président, où « du jour au len-demain le monde des médias a changédu tout au tout » à son égard. « Onme trouvait sympathique et soudainj’étais honnie. » Si elle a mis unpoint d’honneur à ne pas jouer unecarte personnelle, à tenir des posi-tions « authentiques », elle a mesuréla violence de cette compétitionau sommet.C’est pourquoi l’ancienne minis-tre de l’Écologie ne se reconnaît pasde modèle dans un monde poli-tique façonné par les hommes entreeux. « Pour les femmes, la question nese pose pas en ces termes. Leur parcoursest personnel alors que le système coop-tatif des hommes les pousse à l’imi-tation ou à la construction contrequelqu’un. » Elle donne l’exempletrès actuel de Nicolas Sarkozy qui,dans sa famille politique, est pourcertains une référence, pour d’au-tres un repoussoir dont il faut se

démarquer. « On choisit une voie ouune rupture avec cette voie. »Pour NKM, la règle est infaillible :« Jamais un homme politique ne prendpour modèle une femme. Le modèled’une femme politique doit-il être unhomme ? Si c’est une femme, un pro-blème surgit : les figures féminines sontla plupart du temps tragiques. » Elle citeJeanne d’Arc, Marie Stuart, Catherinede Russie. « Nous sommes vite dans laviolence, regrette Nathalie Kosciusko-Morizet. L’histoire a fait un tri dra-matique. Il reste peu de place pour unmodèle positif ou apaisé. »

Sa « rencontre »Dans ce contexte, le nom qui vientà l’esprit de la maire de Longju-meau est celui de la philosopheSimone Weil. « Pour son expériencetotale, son honnêteté intellectuelle.Elle va très loin dans ses parcours,même si c’est pour découvrir qu’ilsétaient des impasses. Elle va au boutde sa démarche marxiste, ouvriériste,spiritualiste, jusqu’à l’épuisement. »Simone Weil mourra à 34 ans de fai-blesse autant que de sa tuberculose,après avoir travaillé en usine, mal-gré sa santé chancelante, pour mesu-rer l’aliénation du travail posté. Sa« rencontre » avec la philosophe

fut fortuite. Un jour de son adoles-cence, dans un train de banlieue, unhomme quittant la rame lui cria :« Lisez La Pesanteur et la Grâce, celivre vous ressemble ! » Rentrée chezelle, la jeune femme découvrit l’ou-vrage… sur la table de nuit de samère. « J’y ai trouvé de l’intérêt, maisje n’ai pas été saisie. » Le choc vien-dra avec un autre écrit de celle queses détracteurs appelaient la Viergerouge. Son titre : L’Enracinement.Dans ce texte rédigé peu avant samort, Simone Weil voit dans lacourse à l’argent (« qui détruit lesracines partout où il pénètre ») et dansla faillite de l’éducation les raisonsd’un profond déracinement de laFrance. Déracinement qui, selonelle, mènera à la défaite de 1940 età l’impuissance face au nazisme.Plus précisément, Simone Weil esti-mera que cette maladie morale dela France, coupée des valeurs uni-verselles, fera le lit du totalitarismeallemand, ses symptômes étant l’ir-responsabilité et l’idolâtrie. « Il meparaît impossible d’imaginer pour l’Eu-rope une renaissance qui ne tienne pascompte des exigences que Simone Weila définies dans L’Enracinement »,écrira Camus. Cette approche « parle »à Nathalie Kosciusko-Morizet : « La

réflexion de Simone Weil est très éclai-rante aujourd’hui, explique-t-elle. Elledéfend l’idée que l’homme n’est pas unfétu de paille. Il doit plonger ses racinesquelque part. Dans sa famille, dans unmétier, dans une passion comme lamusique. Elle parlait des paysans frap-pés par l’exode rural et ballottés dansles villes. De nos jours, on a multipliéles déracinements. »

« Rendre visible une identité »À Longjumeau, NKM cherche àmettre en œuvre une politique « quidonne une identité à la ville ». Com-bien d’habitants s’installent là carles prix de l’immobilier sont plusabordables que dans la Petite Cou-ronne ? « Ils ignorent tout de l’églisedu XIIIe siècle, du théâtre Adolphe-Adam,du Postillon de Longjumeau, qui ren-voie à l’histoire du relais de Poste. »Elle pense à Simone Weil quandelle s’efforce de « rendre visible uneidentité » pour sa ville et ses habi-tants. Elle est convaincue de faire« œuvre utile » en leur donnant lesentiment « d’être de quelque part ».Un souci qui passe par des initiativesparfois inattendues. Comme lavolonté qu’elle déploya pour queLongjumeau soit la ville-départ duTour de France 2010. « C’était une

démarche de promotion interne. Jevoulais qu’on puisse lire partout, ycompris à l’étranger, le nom de Long-jumeau. Que les habitants reçoiventce message. » L’ancienne ministre aaussi donné quelques signes sym-boliques de développement durableavec la création d’un verger péda-gogique bio et de plusieurs ruches.À chaque naissance, à chaque ma -riage, elle offre un pot de miel deLongjumeau. Une façon d’enracineren douceur ceux qui naissent, essai-ment et s’aiment dans cette citévoisine de la capitale. « Plus la mon-dialisation s’impose, estime-t-elle,plus il faut préserver le sens des terroirs,d’une identité forte. » C’est le credode cette jeune femme au tempéra-ment d’artiste qui confie avoirun temps pratiqué la peinture etla sculpture, « exclusivement desvisages ». Grande lectrice de bio-graphies, elle se dit « fascinée par lavie des personnages ». Elle affectionnesurtout les vies romancées – par Ste-fan Zweig en particulier –, quandl’auteur laisse son sujet en liberté,sans le capturer ou le détourner àson profit, sans l’enfermer dans unepensée. C’est dans cet esprit qu’ellefait vibrer en elle l’héritage vivantet vibrant de Simone Weil.

Par Éric Fottorino

NKM dans la lignéede Simone WeilNathalie Kosciusko-Morizet a renoncé à briguer la présidence de l’UMP, faute des parrainagesrequis. Elle demeure combative. La philosophie de Simone Weil l’inspire au quotidien et luipermet de tenir des positions qu’elle qualifie d’« authentiques ».

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