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www.neur-one.fr [email protected] 1 08/11/2014 DES NEUROSCIENCES…3/7 L'HISTOIRE DU SYSTEME NERVEUX: DE LA PREHISTOIRE A NOS JOURS Résumé De la renaissance au 19 ème siècle : Naissance de la neurophysiologie, de la neurologie, naissance de la psychiatrie Le français René Descartes (1596-1650) crée la dichotomie « corps - esprit », cette dichotomie qui alimente encore les débats philosophiques et scientifiques aujourd'hui. Descartes met en évidence la glande pinéale en 1649, siège de l'âme selon lui. Thomas Willis (1628-1678) met en place la discipline en 1681 qui s’appelle la Neurologie. Il a auparavant publié en 1664 un ouvrage de Neuroanatomy. L’amateur hollandais Anton van Leeuwenhoek (1632-1723)s grâce à l’invention de son microscope, décrit en 1717 une fibre nerveuse. Luigi Galvani met en évidence des dimensions électriques des nerfs (1791). En 1794, le français Philippe Pinel écrit un article Mémoire sur la manie où il distingue la folie comme une maladie, c'est la naissance de la psychiatrie. Avec son collègue Jean-Baptiste Pussin, ce précurseur d’un humanisme envers ceux qui étaient appelés « les fous » ou « les aliénés », il va chercher à mieux aider ces fous et comprendre les causes de ces maladies. XVIIeme siècle Descartes Au XVIIe siècle, deux hommes émergent : l'un est français, philosophe et connu pour son Discours de la méthode, le second, anglais, médecin et auteur du De Cerebri Anatome, Thomas Willis. René Descartes donne, dans Les Passions de l'âme, publié à Paris en 1649 et, dans le Traité de l'homme, paru peu après sa mort, sa définition de la biologie, du fonctionnement du corps, des mouvements et de leurs organisations. Il propose une disposition dualiste de tout être humain où l'âme, « le principe de tout mouvement volontaire du corps », s'oppose aux activités fondamentales du corps réalisées par ce qu'il appelle « la machine ». Il existe deux parties dans l'homme, l'esprit d'un côté et un ensemble de processus du domaine du vivant qu'il décrit ainsi : « Entre les mouvements qui se font en nous, il y en a qui ne dépendent point du tout de l'esprit... Même ceux qui sont éveillés, le marcher, chanter et autres actions semblables quand elles se font sans que l'esprit y pense. » Là se trouve posée l'opposition entre mouvements volontaires et actions automatiques : la réaction spontanée non réfléchie vient de la « machine » alors qu'une action consciente et réfléchie se trouve élaborée dans l'esprit, là où est l'âme. Le dualisme est évident. On a critiqué Descartes sur cette manière très manichéenne de représenter le fonctionnement humain (voir Damasio, 1995), de séparer brutalement psychisme et matérialisme. On devrait cependant se poser la question de l'intérêt de sa démarche à son époque. Présenter un ensemble de phénomènes biologiques comme « issus d'une machine », a été fondamental et a ouvert la voie à un champ scientifique tout à fait nouveau ! Puisque certaines fonctions physiologiques ne font intervenir que des processus et des agencements matériels, on peut en faire des objets d'étude sans crainte de toucher aux domaines tabous que la religion et certaines philosophies empêchaient d'aborder. Les perspectives qu'il ouvre dans la conclusion du Traité de l'homme, s'inscrivent dans une approche scientifique aux retombées fort larges. Avec le schéma ci-dessous. René Descates (1596-1650) donna une description et contribution précoce à l'étude des réflexes. Lorsqu'une personne approche du feu son gros orteil, la chaleur provoque la remontée de l'activité nerveuse par les nerfs jusqu'au cerveau. Cette activité nerveuse est alors réfléchie en retour le long des muscles de la jambe. Ces muscles se contractent et le pied s'éloigne du feu. L'idée d'une activité réfléchie a donné naissance au mot "réflexe". Du temps de Descartes les différences entre les nerfs sensoriels et les nerfs moteurs n'avait pas encore été découverte et on ne savait pas que généralement que les fibres nerveuses ne conduisent l'influx nerveux que dans une seule direction. Néanmoins Descartes fut le premier à concevoir les processus corporels en termes scientifiques et cette mise au point a conduit a assurer un savoir et des concepts plus rigoureux. Descartes Illustration du rapport corps-esprit par Descartes. Les entrées sensorielles sont transmises par les organes sensoriels à la glande pinéale dans le cerveau, puis à l’esprit immatériel. A droite, le réflexe est la soustraction à la cause de la douleur

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DES NEUROSCIENCES…3/7

L'HISTOIRE DU SYSTEME NERVEUX: DE LA PREHISTOIRE A NOS JOURS Résumé

De la renaissance au 19 ème siècle : Naissance de la neurophysiologie, de la neurologie, naissance de la psychiatrie

Le français René Descartes (1596-1650) crée la dichotomie « corps - esprit », cette dichotomie qui alimente encore

les débats philosophiques et scientifiques aujourd'hui. Descartes met en évidence la glande pinéale en 1649, siège

de l'âme selon lui.

Thomas Willis (1628-1678) met en place la discipline en 1681 qui s’appelle la Neurologie. Il a auparavant publié en 1664 un ouvrage de Neuroanatomy.

L’amateur hollandais Anton van Leeuwenhoek (1632-1723)s grâce à l’invention de son microscope, décrit en 1717

une fibre nerveuse.

Luigi Galvani met en évidence des dimensions électriques des nerfs (1791). En 1794, le français Philippe Pinel écrit un article Mémoire sur la manie où il distingue la folie comme une

maladie, c'est la naissance de la psychiatrie. Avec son collègue Jean-Baptiste Pussin, ce précurseur d’un

humanisme envers ceux qui étaient appelés « les fous » ou « les aliénés », il va chercher à mieux aider ces fous et

comprendre les causes de ces maladies.

XVIIeme siècle

Descartes

Au XVIIe siècle, deux hommes émergent : l'un est français, philosophe et connu pour son Discours de la méthode, le second, anglais, médecin et auteur du De Cerebri Anatome, Thomas Willis.

René Descartes donne, dans Les Passions de l'âme, publié à Paris en 1649 et, dans le Traité de l'homme, paru peu après sa mort,

sa définition de la biologie, du fonctionnement du corps, des mouvements et de leurs organisations. Il propose une dispositio n dualiste de

tout être humain où l'âme, « le principe de tout mouvement volontaire du corps », s'oppose aux activités f ondamentales du corps réalisées par ce qu'il appelle « la machine ». Il existe deux parties dans l'homme, l'esprit d'un côté et un ensemble de processus du domaine du vivant

qu'il décrit ainsi : « Entre les mouvements qui se font en nous, il y en a qui ne dépendent point du tout de l'esprit... Même ceux qui sont

éveillés, le marcher, chanter et autres actions semblables quand elles se font sans que l'esprit y pense. »

Là se trouve posée l'opposition entre mouvements volontaires et actions automatiques : la réaction spontanée non réfléchie vient de la « machine » alors qu'une action consciente et réfléchie se trouve élaborée dans l'esprit, là où est l'âme. Le dualisme est évident. On a

critiqué Descartes sur cette manière très manichéenne de représenter le fonctionnement humain (voir Damasio, 1995), de séparer

brutalement psychisme et matérialisme. On devrait cependant se poser la question de l'intérêt de sa démarche à son époque. Pr ésenter un

ensemble de phénomènes biologiques comme « issus d'une machine », a été fondamental et a ouvert la voie à un champ scientifique tout à fait nouveau ! Puisque certaines fonctions physiologiques ne font intervenir que des processus et des agencements matériels, on peut en

faire des objets d'étude sans crainte de toucher aux domaines tabous que la religion et certaines philosophies empêchaient d'aborder. Les

perspectives qu'il ouvre dans la conclusion du Traité de l'homme, s'inscrivent dans une approche scientifique aux retombées fort larges.

Avec le schéma ci-dessous. René Descates (1596-1650) donna une description et contribution précoce à l'étude des réflexes. Lorsqu'une personne approche du feu son gros orteil, la chaleur provoque la remontée de l'activité nerveuse par les nerfs jus qu'au cerveau.

Cette activité nerveuse est alors réfléchie en retour le long des muscles de la jambe. Ces muscles se contractent et le pied s'éloigne du feu.

L'idée d'une activité réfléchie a donné naissance au mot "réflexe". Du temps de Descartes les différences entre les nerfs sen soriels et les

nerfs moteurs n'avait pas encore été découverte et on ne savait pas que généralement que les fibres nerveuses ne conduisent l 'influx nerveux que dans une seule direction. Néanmoins Descartes fut le premier à concevoir les processus corporels en termes sci entifiques et

cette mise au point a conduit a assurer un savoir et des concepts plus rigoureux.

Descartes

Illustration du rapport corps-esprit par Descartes. Les entrées sensorielles sont transmises par les organes sensoriels à la glande pinéale dans le cerveau, puis à l’esprit immatériel. A droite, le réflexe est la soustraction à la cause de la douleur

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Descartes a parfois sur le cerveau des idées bien fantaisistes, mais même si la présentation est totalement erronée, le discours ressemble à une

argumentation scientifique. Lorsqu'il se propose d'expliquer la façon dont circulent les sensations et le cheminement vers les organes, il associe encore, comme du

temps de Galien, la circulation sanguine et la transmission nerveuse. Le sang, partant du cœur, monte au cerveau. Là, seulement les « parties les plus subtiles »

traversent les pores étroits du cerveau pour devenir des « esprits animaux » (on parle aujourd'hui, d'influx nerveux) qui par la suite se distribuent à l'ensemble du

corps en suivant les nerfs, véritables tuyaux composés de faisceaux de fibres. L'effet provoque la contraction d'un muscle tout en inhibant son antagoniste. Cette

coordination réciproque des muscles à fonctions opposées décrites si clairement dès le XVIIe siècle, étonnera Sherrington lui-même qui dans son livre

fondamental de 1906 reprendra le schéma de Descartes. Notre philosophe dissocie aussi une direction centripète qui conduit l'excitation sensorielle vers le

cerveau et une direction centrifuge, qu'empruntent ces mêmes esprits vers la périphérie ; en atteignant les muscles, ils assurent leurs contractions. Descartes a

parlé du réflexe en des termes imagés mais précis comme il l'explique dans le clignement de paupière :

Si quelqu'un avance promptement sa main contre nos yeux, comme pour nous frapper quoique que nous sachions qu'il est notre ami, qu'il ne

fait cela que par jeu et qu'il se gardera bien de nous faire aucun mal, nous avons toutefois de la peine à nous empêcher de les fermer, ce qui montre que

ce n'est point par l'entremise de notre âme qu’ils se ferment puisque c'est contre notre volonté, laquelle est sa seule ou du moins sa principale action,

mais que c'est à cause que la machine de notre corps est tellement composée que le mouvement de cette main vers nos yeux excite un autre mouvement

en notre cerveau, qui conduit les esprits animaux dans les muscles qui font baisser les paupières (Descartes, Les Passions de l'âme, n° 13).

Fearing (1970) attribue à Descartes la primauté du concept du réflexe, Canguilhem considère que c'est plutôt Willis. Si le philosophe n'a pas donné

une définition précise du phénomène, ses propos ont pourtant été clairs. Le dessin de l'enfant retirant son pied gauche pour l'avoir approché trop près du feu, a

fait le tour du monde et explique bien le phénomène. La description mécaniciste du corps humain fait jouer un rôle fondamental à la glande pinéale que Descartes

considère comme l'interface entre l'ensemble physique et l'âme. De par sa position, elle établit une relation directe entre les esprits et les configurations

matérielles. Pourquoi la glande pinéale ?

La raison qui me persuade que l'âme ne peut avoir en tout le corps aucun autre lieu que cette glande où elle exerce immédiatement ses fonctions est

que je considère que les autres parties de notre cerveau sont toutes doubles, comme nous avons deux yeux, deux mains, deux oreilles et enfin tous les organes de

nos sens extérieurs sont doubles ; et que, d'autant que nous n'avons qu'une seule et simple pensée d'une même chose en même temps, il faut nécessairement qu'il y

ait quelque lieu où les deux images..., se puissent assembler en une avant qu'elles parviennent à l'âme » (Les passions de ¡'âme, art. 32.).

Très critiqué pour avoir choisi cette glande aujourd'hui nommée l'épiphyse comme interface, il en a expliqué le fonctionnement dans différents dessins

(figure). Dans des figures célèbres (figures 29 et 33 du Traité de l'homme), une femme regarde un segment de flèche limité par trois points. Le message visuel reçu

par les yeux et véhiculé par les nerfs optiques, se dirige vers la glande pinéale qui s'oriente de façon à commander aux muscles. Le biceps, par exemple va se

contracter afin que le bras puisse pointer vers le point central de la flèche.

La figure représente la conception cartésienne de la coordination entre les organes des sens et les raisons pour lesquelles on prête plus attention à un

stimulus sensoriel qu'à un autre. Le stimulus lumineux provenant de ABC détermine, à travers ses passages, la formation de l' image abc sur la glande

pinéale H. La force de cette image est telle qu’elle arrive à empêcher qu'un mime degré d'attention soit prêté à l'image d provenant du stimulus olfactif

D. Dans sa conception du mécanisme de l'odorat, René Descartes se fondait sur l'ancienne théorie selon laquelle les cavités nasales sont en contact

avec le cerveau à travers les porosités de la membrane perforée de l'os ethmoïde. Il en arrive à penser que les menues particules odorantes présentes

dans l'air, en pénétrant à travers de telles porosités, stimulent les bulbes olfactifs. D'après la figure de la page 85 de l'ouvrage « L'homme et un traité

de la formation du fœtus », Paris, publié chez Théodore Girard, 1664.

Et toute action de l'âme consiste en ce que, par cela seul qu'elle veut quelque chose, elle fait que la petite glande à qui elle est étroitement jointe se

meut en la façon qui est requise pour produire l'effet qui se rapporte à cette volonté (Les passions de l'âme, art. 41 ).

Le style brillant et structuré de Descartes en ferait presque oublier le côté imaginatif ! Cette glande se trouve être ainsi l'expression de la volonté. Une telle

démarche laisse perplexe car si elle donne une image assez complète et rationnelle des activités nerveuses, elle est totalement fausse.

Progressivement toutefois, les ventricules, trop simples sont abandonnés comme siège des fonctions psychiques au profit des parties solides de la "substance" même du cerveau. Le schéma de Némesius se trouve remplacé par de splendides planches anatomiques.

Mais la signification fonctionnelle des structures rapportées reste imprécise. Aux XVIIème et XVIIIème siècles d'autres scien tifiques se

détournèrent de la théorie traditionnelle de Galien centrée sur les ventricules et commencèrent à s'intéresser de plus près à la matière

cérébrale. Ils découvrirent que le tissu cérébral est formé de 2 parties: la substance grise et la substance blanche. Ils exp liquaient ainsi la relation entre la structure et la fonction: puisque la substance blanche est en continuité avec les nerfs du corps, il est envisageable qu'elle

contienne des fibres qui véhiculent l'information vers et à partir de la substance grise.

Willis

Willis Thomas, FRS né le 27 janvier 1621 à Great Bedwyn, Wiltshire et mort le 11 novembre 1675 à Londres, est un médecin anglais qui a joué un rôle important dans l'histoire de l'anatomie et a été un cofondateur de la Royal Society (1662). Sa car rière médicale se

déroula à Westminster, Londres, et de 1660 à sa mort à Oxford où il fut titulaire de la Chaire de Philosophie naturelle. Il fut l'un des

pionniers de la recherche neuroanatomique et le précurseur de la neuropathologie. Il obtient son Master of Arts à Christ Chur ch à

l'université d'Oxford en 1642, son Bachelor of Medicine en 1646 et son Medical Doctorate en 1660.

Il est le créateur du terme « neurologie». Auteur de maintes découvertes en neuroanatomie et neuropathologie (vingt autopsies

sont analysées dans ses livres). Il décrivit les méfaits du paludisme en Angleterre. Il décrivit aussi le premier la névrite diabétique et

probablement la myasthénie sous l'appellation de « paralysia spuria non habitualis» (1672). Il aurait fait la première description du

syndrome des jambes sans repos.

C'est à lui que l'on doit la découverte du "polygone de Willis" (circulus arteriosus), une partie du système vasculaire du cerveau.

La description du cerveau et des nerfs qu'il donne dans son traité Cerebri anatomi de 1664 est si minutieuse et élaborée et s i riche en

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[email protected] 3 08/11/2014

informations nouvelles qu'il représente un contraste saisissant avec les vagues et maigres contributions de ses prédécesseurs. Son travail

n'était d'ailleurs pas le fruit de ses seules recherches individuelles: il fut aidé par Sir Christopher Wren et Thomas Millington, ainsi que par son élève Richard Lower et reconnut sa dette envers eux. Wren était l'auteur des magnifiques illustrations du livre. Willis f ut aussi le

premier philosophe de la nature à utiliser le terme acte réflexe pour décrire les activités élémentaires du syst ème nerveux. Il a été le

premier à numéroter les nerfs crâniens dans l'ordre dans lequel les anatomistes les énumèrent habituellement.

Préoccupé par la recherche du lien entre cerveau et esprit, Willis étendit les concepts proposés par Galien, selon lesquels le cerveau était l'organe responsable de l'excrétion des « esprits animaux» que l'on supposait avoir pour origine la lame criblée de l'ethmoïde,

un os de la base du crâne recouvrant les fosses nasales. Willis fit aussi des plexus choroïdes le siège de l 'absorption du liquide

céphalorachidien. Les incursions étonnamment perspicaces de Willis dans l'anatomie et la physiologie du cerveau eurent une én orme

influence. Sa marque fut indélébile et représente une ligne de partage dans le développement des neuros ciences.

Thomas Willis (1628-1678) avec ses travaux anatomiques et ses publications nombreuses va être le premier clinicien scientifique. Il alliera dans ses explications une anatomie sérieuse et un fonctionnement prometteur. The spectacular differences between the cerebral cortex of humans and other animals led Willis to argue that "the cerebrum is the primary seat of the rational soul in man, and of the sensitive soul in animals. It is the source of movements and ideas."

Une différence essentielle entre les deux protagonistes Descartes et Willis concerne le cœur. Pour Descartes c'est le primus

movens, l'organe essentiel capable d'assurer les différents mouvements, d'agir sur le cerveau et de commander aux muscles. Wi llis qui

applique les théories de Harvey sur la circulation sanguine, n'en fait qu'un simple muscle à la rythmicité autonome. Pour lui les esprits

animaux d'origine sanguine, acquièrent leurs véritables propriétés dans le cerveau et le cervelet ou ils seront véritablement purifiés et sublimés. Le long des nerfs et des fibres, ils présentent des mouvements de flux et de reflux qui conduisent les sensations comme les

commandes musculaires. Chacun de ces deux auteurs n'est pas avare de métaphores dans leurs descriptions : Descartes se veut mécanicien

et fait appel à des leviers, des treuils, des poulies, aux orgues, à leurs tuyaux ou à des automates. Willis semble lui, fair e plutôt référence à

des engins à feu comme des canons à poudre, des briquets à air ou des miroirs ardents. Chimiste, il conçoit l'esprit animal comme une substance inflammable ou explosive.

Willis définit dans le De motu musculari, en 1670, l'organisation des mouvements spontanés et réflexes et précise les trois

éléments successifs qui les composent : l'initiation, la transmission et la réalisation.

Il pose là les principes généraux du réflexe et distingue ensuite, différents types de mouvements suivant l'intensité du stimulus qui le génère et suivant

les trajets utilisés dans l'encéphale : une stimulation faible et plus ou moins permanente, empruntant le cervelet et le tronc cérébral, assure les activités

automatiques (cardiaque, respiratoire...). Ce premier niveau caractérise le fonctionnement vital de l'organisme. Une stimulation plus intense met enjeu les

récepteurs sensoriels classiques et informe les corps striés où se fait l'intégration. De là s'initient des mouvements involontaires complexes comme la marche et les

activités adaptatives apprises. Enfin des stimulations intenses induisent une action volontaire en passant par les corps calleux. Il n'est plus question de glande

pinéale mais de l'ensemble des fibres calleuses qui jouerait le rôle d'interface avec les fonctions psychiques et l'âme (Molnar, 2004).

Au même moment se développe en Italie l'école dite des « latrophysiciens », qui décrivent le corps humain de façon biomécanique et mathématique.

Giovanni Borelli (1608-1679) qui en est le chef de file, se pose en disciple de Galilée (1564-1642), et de Kepler (1571-1630). Professeur de mathématique à

l'université de Pise. Il écrit un ouvrage fondamental, le De motu animalium qui ne parait qu'après sa mort en 1680. Il analyse les mouvements du corps humain et

ceux de certains animaux. Ne disait-il pas que la physiologie motrice doit être considérée comme une partie des sciences mathématiques et physiques comme l'est

par exemple l'astronomie. Son ouvrage décrit de façon rigoureuse la locomotion. Il insiste chez l'homme sur le rôle de la rotation du bassin et sur l'intervention

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des différentes articulations. Il dissocie très bien les différentes forces latérales et la propulsion du corps en avant, au cours de la poussée sur la jambe d'appui. Il

complète son ouvrage par l'analyse de la marche de différents animaux comme celle du cheval ou celle des insectes parcourant à l'envers les plafonds grâce à des

« pieds filamenteux ». Borelli rejette l'idée de muscles animés par des agents immatériels comme les esprits animaux ou par de l'air. Pour le prouver il réalise une

expérience où un animal complètement immergé se débat dans l'eau, il ne présente aucune bulle d'air au niveau de ses muscles même mis à nu. Les fameux esprits

inducteurs de la contraction, ne sont pas de l'air. Parallèlement se développe l'école des « latrochimistes » pour qui la plupart des opérations nécessaires au

fonctionnement du corps se font selon des processus de fermentation que ce soit dans la digestion, la respiration ou dans les activités neuromusculaires.

Willis n'atteint pas le même niveau de réflexion que Descartes. Il observe. Aidé par l'architecte de la cathédrale Saint- Paul de

Londres, Christopher Wren, qu'il prend comme dessinateur, il réalise les meilleures images du cerveau données jusqu'alors. Il montre que l'écorce cérébrale plissée recouvre des centres sous-corticaux, comme les corps striés ou des noyaux du thalamus. Il distingue une

substance corticale grise ou cendrée, qui d'après lui engendre les esprits animaux d'une substance blanche, le corps calleux qui unit les

deux hémisphères, tandis qu'au niveau médullaire la même substance blanche identifiée distribue ces esprits au reste de l'organisme en lui.

La découverte de circonvolutions (les gyrus) et de sillons (les sulcus ou scissures) à la surface du cerveau de tous les indi vidus fut un progrès considérable. Ce schéma qui permet de diviser le cerveau en lobes permettait ainsi de supposer que les différentes fonctions du

cerveau correspondaient à différentes circonvolutions. Le décor était fin prêt pour que s'ouvre l'ère de la théorie des local isations

cérébrales.

Les recherches sur les tissus vivants vont commencer au milieu du XVIIe siècle. Anton van Leeuwenhoek (1632-1723) inventant le premier microscope

optique, en est un des pionniers. Il observe les anastomoses capillaires entre les artères et les veines, décrit les globules rouges et les micro-organismes à partir de

préparations issues de la surface dentaire. Il accumule de nombreuses observations sur le sang, le lait, les os, la cuticule des insectes ou des crustacés. Il donne

une description microscopique d'une section de nerf montrant sans ambiguïté que les fibres nerveuses ne forment pas un tube creux pour véhiculer les esprits

animaux mais sont constituées de fibres pleines dont les diamètres varient. Ces résultats restent ignorés pendant plus d'un siècle. Au cours de cette période les

microscopes en se perfectionnant, permettent de vérifier l'hypothèse d'entités globulaires observées dans les organes vivants. On les appelle « cellules » et ces

premières données sont à la base de toute la construction biologique.

Si l'organisation cellulaire des divers organes du corps humain se révèle peu à peu, la connaissance du système nerveux montre par contre des

difficultés insurmontables sur le moment, les techniques utilisées pour les autres tissus semblent là inapplicables (Ochs, 2004).

Jean Astruc (1684-1766) de Montpellier utilise le mot réflexe comme un substantif et rapporte ce mécanisme à la métaphore du faisceau lumineux renvoyé par un

miroir. Fearing (1934) cite ce passage de la thèse du français Jules Cayrade (1840-1886) qui en 1864 utilisait deux articles d'Astruc pour reprendre sa

formulation du réflexe :

Alors il supposa que les impressions extérieures mettent en mouvement les esprits animaux qui, reflués dans le tube nerveux viennent

frapper une des colonnes du cerveau ; Là ils sont réfléchis suivant un angle égal à l'angle d'incidence, vont porter un ébranlement et, comme

conséquence, le mouvement dans un tube nerveux sur la ligne de réflexion.

Astruc considère les organes reliés par des « sympathies », notion ancienne issue de la tradition Hippocratique mais dont l'utilisation permet de

clairement décrire le réflexe.

XVIIIeme siècle

A partir de René Descartes (1596-1650) apparaît un courant mécaniste, le courant de la neurophysiologie, qui influencera très

fortement la Psychologie comparée ( infos).

Descartes, et plus tard Julien Offray de La Mettrie (1709-1751) ont généralisé le modèle du fonctionnement du corps des êtres

vivants comme une machine ou un automate.

Vous pouvez lire l'excellent article de Julie Martineau ( infos). « La fascination que l’automate exerce sur la quasi-totalité des cultures et des époques historiques s’explique par cette duplicité : il est, pour les hommes, non seulement miroir déformant d’une image indécise, mais ferment

de critique et d’interrogation. L’automate est au centre des frottements des catégories logiques, au point où les savoirs se heurtent, se nouent et se dénouent. Ses racines mythologiques, philosophiques, théâtrales, puis physiques, biologiques, techniques enfin lui confèrent la vocation de

" pierre de touche " d’une vision globale du savoir et des pouvoirs » Beaune, 1980, p. 11

De nombreux scientifiques du XVIIIe et au XIXe siècle, purement mécanistes, découvrirent les mécanismes électriques cérébraux

comme :

Luigi Galvani (1737-1798) qui découvrit l'électricité animale ( infos),

Robert Whytt (1714-1766) - infos -, Charles Bell (1774-1842), François Magendie (1783-1855), qui étudièrent le fonctionnement de la moelle épinière, la physiologie du système nerveuxet des réflexes.

Au XVIIIe siècle, se développe la mode des automates. Ainsi en 1738, Jacques de Vaucanson (1709-1782) présente à l'Académie des Sciences son

fascinant joueur de flûte ou son canard qui était capable de manger ou de nager (figure). En face de ces animaux-machines qui semblent être la réalisation

vivante des propos de Descartes, l'émotion est extrême. Au niveau biologique, l'analyse du rôle du système nerveux dans les mouvements profite de la prolifération

des préparations animales. En séparant le cerveau, centre de la volonté, encore «magique», de zones plus «triviales» comme le bulbe ou la moelle épinière, on

espère appréhender et comprendre ce que Descartes appelait « la machine ». Le choix expérimental s'est tourné vers les animaux à sang froid capables de

survivre beaucoup plus longtemps à température ambiante. Canguilhem explique que la vivisection pratiquée communément à cette époque, ne choque personne

et doit même correspondre à des pratiques très anciennes :

La vivisection remonte à la nuit des temps, c'est-à-dire à la nuit des instincts et des rêves. Elle exploite dans ses premières et plus frustes

tentatives, les effets de gestes dont la préméditation était différente ou même dépourvus de préméditation. Sectionner la tête d'une vipère, comme l'ont

fait Redi ou Fontana, c'est imiter une réaction de conservation. La bêche du jardinier, la faux du moissonneur et l’arme du chasseur ont devancé le

scalpel du physiologiste. Le couteau du sacrificateur, de l'haruspice étrusque, a fait de même... Il est en tout cas bien connu des biologistes que le choix

de l'animal d'étude commande souvent la découverte. Pour ce qui a trait à notre sujet, il est clair que le poïkilotherme se trouve être un animal moins

bien « régulé » que l'homéotherme... C'est là une condition favorable à l'étude des mouvements du type réflexe (Canguilhem, 1997).

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Le canard de Vaucanson - auteur inconnu – domaine public : L’homme, cet automate dotée d’une âme

La physique, à son apogée au XVIIème siècle, influença fortement la vision sur l’homme et le monde. Le corps devint alors une machine hydraulique dans lequel les mouvements étaient définis par le transfert de liquide. René Descartes, par la citation « je pense donc je suis» sépare les mouvements réflexes, commun avec les animaux, des actes réfléchis, propre de l’homme et qui seraient guidés par l’esprit. Cette théorie trouvera sa force dans la fabrication des automates, notamment le canard de Vaucansonhttp://fr.wikipedia.org/wiki/Canard_dig%C3%A9rateur.

Le XVIIIe siècle fut aussi caractérisé en NEUROSCIENCES par :

L’étude des réflexes ; Les débuts de la neuro-électrophysiologie

Histoire des « réflexes »

Cette époque, est marquée par de grands scientifiques : le Suisse Albrecht Haller (1708-1777), formé à Tübingen et élève du grand professeur H.

Boerhaave (1668- 1738). Haller, un expérimentaliste célèbre est un des premiers à insister sur le concept d'irritabilité du muscle et de sensibilité du nerf. Il publie

en 1762 un ouvrage qui fait date Elementa physiologiae corpori humani. Robert Whytt (1714-1766) professeur à Édimbourg, spécialiste de neurologie clinique, a

beaucoup expérimenté sur l'animal. Si d'un côté il poursuit des études sur les maladies nerveuses de type hypocondriaques et hystériques, il démontre l'importance

de la moelle épinière chez une grenouille décapitée. L'utilisation d'une aiguille fine introduite dans le canal rachidien, détruit la substance nerveuse et rend

l'animal flasque et incapable de réagir. La conservation de la moelle épinière, laisse par contre persister l'ensemble des réactions réflexes. Dans un autre ouvrage

sur les Essais sur les mouvements vitaux et involontaires de l'animal (1751), Whytt reprend avec beaucoup de précision l'explication du réflexe pupillaire en

réaction à la lumière. Au XVIIIe siècle, l'influence de Descartes, et de « l'homme machine », reste manifeste. On peut dire que sous son impulsion s'est développée

une véritable « physiologie mécaniciste ». Le fonctionnement du vivant s'exprime dans les principes du vitaliste ou de l'animiste, comme chez Georges Ernest Stahl

(1660-1734) et Claude Perrault (1613-1688). Le premier, professeur de médecine à Halle, défend la théorie du « phlogiston » où les mécanismes chimiques de

l'individu sont gouvernés par une âme sensible capable de contrôler toutes les actions corporelles. Le second publie en 1680 un Essai de physique où il analyse les

mouvements des plantes et des animaux. L'âme des êtres vivants organise les sensations et les déplacements suivant deux types de mouvements, certains

originaires de l'extérieur et bien visibles et d'autres de l'intérieur que d'après lui, on maîtrise beaucoup mieux. À Montpellier, Paul Barthez (1734-1806) qui

rédige de nombreux articles pour l'encyclopédie défend un vitalisme dans les «forces motrices et sensitives ».

À l'opposé, des auteurs développent des préceptes matérialistes refusant toute place à l'âme qu'ils ne savent pas localiser. Le plus connu à l'époque

reste Julien Offray de La Mettrie (1709-1751) avec son ouvrage publié en 1748, L'Homme machine, dans lequel il critique les idées de Descartes en considérant

que le philosophe est resté en chemin ! L'homme ressemble complètement à l'animal. Si l'animal est une machine, l'homme l'est aussi ! Il ne refuse pas l'idée d'une

conscience interne et des capacités d'organisations dans le cerveau mais il va jusqu'à dire : « Le cerveau a ses « muscles » pour penser comme les jambes ont

leurs muscles pour marcher ».

La contribution de La Mettrie se veut unificatrice en présentant des mécanismes de fonctionnement à différents niveaux de complexité. Sans le préciser

clairement, il semble déjà supposer un fonctionnement réflexe aux différents stades d'intégration. Ses propos font scandale. Obligé de quitter la France, il se

réfugie en Prusse où il reçoit une pension de Frédéric le Grand. Dans cette lignée, Pierre Jean Georges Cabanis (1757-1808) avec son principal ouvrage

Rapports du physique et du moral de l'homme (1802), propose une philosophie matérialiste de la genèse des idées sous l'angle de la physiologie : « Nous

concluons avec la même certitude que le cerveau digère en quelque sorte les impressions : qu'il fait organiquement la sécrétion de la pensée. »

Il aborde aussi le problème des victimes de la guillotine afin de savoir s'il y a une certaine souffrance après décapitation. Il propose trois degrés

d'activité : le plus élémentaire, celui du réflexe, un niveau semi-conscient et enfin, un volontaire complètement conscient. Cabanis propose à la fin de sa vie une

attitude plus spiritualiste en accordant à la nature une certaine finalité.

La fin du XVIIIe siècle voit apparaître deux personnalités essentielles dans l'explication du réflexe Johann August Unzer (1727-1799) et Jiri Prochaska

(1749-1820). L'ouvrage de Unzer professeur à Halle, Principes de physiologie, publié en 1775, fait preuve d'un esprit systématique et classificateur qui dénote

une approche synthétique brillante. Il critique Descartes trop mécaniste sans être lui-même animiste, comme Stahl ou Whytt. Parmi les machines vivantes, il

considère qu'il faut dissocier celles qui ont une âme et un cerveau de celles qui n'ont ni l'un ni l'autre. Il distingue les forces et les actions de l'âme, des forces

uniquement animales, purement nerveuses. Le mouvement des animaux décapités vient de cette force psychique animale qui ne se réduit donc pas aux seules lois

physiques et mécaniques, Il suppose des phénomènes excito-moteurs induits par des impressions sensibles « sans conscience». Chez les animaux sans cerveau, les

mouvements ont pour origine l'action nerveuse elle-même. Chez les animaux possédant un cerveau, il faut y ajouter l'action de l'âme, prise ici avec le sens d'un

psychisme intérieur et individuel. La notion de vitalisme est sous-jacente, Canguilhem analyse avec bienveillance cette présentation de Unzer :

Le vitalisme c'est d’abord le refus simultané de toutes les théories métaphysiques concernant l'essence de la vie. Et c'est pourquoi la plupart des

vitalistes se réfèrent explicitement à Newton comme au modèle du savant soucieux d'observations et d'expériences...

Le vitalisme, ce serait simplement la reconnaissance de la vie comme ordre original de phénomènes et donc de la spécificité de la connaissance

biologique. Nous sommes enclins à penser aujourd'hui que la physique newtonienne n'était pas si exempte de métaphysique qu'on le disait, pour s'en

féliciter (Canguilhem, 1977).

Prochaska , professeur d'anatomie et d'ophtalmologie, est par ses descriptions, le plus précis dans sa définition des réflexes. Son ouvrage de 160 pages

le De functionibus systematis nervosi commentatio (1784) en établit les principes généraux. Il termine sa carrière comme professeur à Vienne, où il est considéré

comme un anatomiste célèbre. Il apporte deux idées nouvelles très importantes :

- La notion de vis nervosa insiste sur la force nerveuse conduite dans les nerfs qui, déclenchée par l'application d'un stimulus, varie suivant

l'état de l'animal ou du sujet et suivant ses relations avec le milieu extérieur. Elle peut exister sans le cerveau et nécessite seulement, une étroite

relation avec la sensibilité.

- Le « sensorium commune » correspond aux centres dans le système nerveux central où les sensations sont intégrées avant d'induire une

réponse motrice. Sa présence est ubiquitaire, dans le cerveau comme dans le bulbe rachidien et la moelle épinière.

François Achille Longet (1811-1871) dans son traité physiologie de 1842, cite Prochaska:

Les impressions externes qui se font par les nerfs sensitifs se propagent avec rapidité en suivant toute la longueur de leur trajet jusqu'à leur

origine. Dès qu'elles y sont parvenues, elles s'y réfléchissent, d'après une loi constante, et passent dans les nerfs moteurs correspondants, d'où des

mouvements constants et déterminés dans les muscles... Le siège du sensorium commune s'étend jusque dans la moelle, ainsi que le prouvent les

mouvements qui subsistent chez les animaux décapités, mouvements qui ne peuvent se produire sans une sorte de consensus entre les nerfs spinaux.

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Prochaska ayant publié trois observations sur des foetus humains anencéphales capables de se mouvoir, considère que de telles réactions prouvent

l'existence d'une force dans les nerfs, même sans cerveau. Il précise l'aspect automatique et inconscient des réflexes en démontrant l'intégration des sensations

dans le « sensorium commune » tout à fait à l'insu de l'âme comme le montrent les réponses présentes chez des patients perturbés. Un sujet qui dort, répond à la

suite d'une piqûre ou d'un pincement, des épileptiques sont capables de réflexe au cours de leurs crises. Ce « sensorium commune » prend enfin ici une fonction

beaucoup plus claire et la moelle apparaît comme le premier niveau d'intégration comme le définira un siècle plus tard Sherrington.

Si on répète que le réflexe se produit en dehors de la volonté et de la conscience, cela veut dire qu'il est une expression du corps qui se fait sans

l'intervention de l'âme. Le XVIIIe siècle a vu par la diversité des préparations utilisées, se développer une sorte de physiologie comparée où chaque modèle avait

apporté sa propre contribution. César Julien Legallois (1770-1840) stigmatise l'intérêt d'une telle approche dans son avant-propos des Expériences sur le

principe de la vie (1812) :

Je ne vois dans l'échelle des animaux que celle de toutes les combinaisons possibles d'organes, capables d'entretenir la puissance nerveuse

avec des qualités variables comme ces combinaisons, mais au fond de même nature dans toutes. Parmi ces combinaisons, celles qui sont les plus

simples et dans lesquelles les conditions nécessaires à l'entretien de la puissance nerveuse existent dans toutes les parties, sont susceptibles d'être

divisées par portions, et la vie peut continuer dans chaque portion comme dans l'animal entier ou plutôt chaque portion devient un nouvel animal.

Celles, au contraire, dans lesquelles ces conditions sont concentrées dans certaines parties, n'admettent pas de semblables divisions avec le même

succès ; la vie ne peut continuer dans les segments qui se trouvent séparés de ces parties, que le temps que la puissance nerveuse peut subsister par

elle-même sans être renouvelée (Canguilhem, 1977).

On sent déjà poindre l'idée du développement cérébral et de la phylogenèse et ce texte justifie pleinement l'emploi d'animaux où toute la masse

nerveuse n'est pas regroupée au niveau du cerveau. Legallois qui s'étonne du manque d'attention chez les expérimentateurs, des particularités anatomiques de

leurs animaux d'expérience, semble affirmer la valeur d'une préparation réduite pour localiser une structure et en dégager sa fonction. Claude Bernard (1813-

1878) quelques années après, définira des notions comparables. Legallois applique ses méthodes aux mammifères et en 1806, il est le premier expérimentateur à

pratiquer des sections systématiques du système nerveux. Il localise ainsi le centre fonctionnel moteur de la respiration sur de jeunes lapins décortiqués capables

de survivre sans air au moins 15 minutes, en pratiquant après l'ablation du cervelet, des sections transversales successives au niveau du pont et du bulbe

rachidien. Il situe cette zone à la hauteur du nerf crânien VIII. Si des travaux réalisés sur des chiens par C. Le Louy (1726-1785) avaient pu déterminer le rôle

vital des régions bulbaires et mésencéphaliques, c'est Pierre Jean-Marie Flourens (1794-1867) qui confirmera les données de Legallois en définissant cette région

comme le nœud vital de l'organisme. En effet c'est à ce niveau aussi que sont contrôlés la circulation sanguine et les battements cardiaques.

Grâce à l'utilisation de l'électricité, aux travaux de Luigi Galvani (1737-1798) et Alessandro Volta (1745-1827) ou à la microscopie optique, grâce aux

histologistes comme Jan Purkinje (1787-1869) et Otto Friederich Karl Deiters (1834-1863), les recherches sur le système nerveux prennent un nouveau départ

dès le début du XIXe siècle. Dans ce contexte, une découverte fondamentale allait déterminer le sens de l'influx dans la moelle épinière : les racines ventrales

conduisent les messages moteurs, les racines dorsales, les messages sensitifs. Connue sous le nom étonnant de Bell-Magendie, cette terminologie vient de

l'association entre deux hommes que tout a opposés. L'histoire des Sciences fourmille ainsi d'anecdotes étonnantes sur la confrontation entre scientifiques au

moment où une nouvelle théorie apparaît. Ici la lutte fait intervenir deux des plus grandes statures de la physiologie française pour l'un et anglaise pour l'autre.

Charles Bell (1774-1832) est le grand scientifique britannique du début du XIXe siècle (Fearing, 1934; Finger, 1994) alors que François Magendie (1783-1855)

est professeur au Collège de France (Olmsted, 1944 ; Jeannerod, 1983). Leurs caractères et leurs idées diffèrent sur tout, n'oublions pas que l'épisode se situe

pendant les guerres napoléoniennes ! Bell ne supporte pas la vivisection et réalise ses expériences sur des animaux moribonds pour qu'ils ne souffrent pas. En fait,

la plupart du temps d'ailleurs, c'est son assistant John Shaw (1792-1827) qui opère. Par contre, Magendie dissèque sans coup férir ! Bell s'est toujours considéré

comme l'initiateur et le spécialiste de l'organisation fonctionnelle des nerfs. Il a développé ses idées en énonçant le principe d'un « cercle nerveux » où

commandes motrices et afférences sensorielles se trouvent associées dans un cercle avec du côté central, la moelle épinière et en périphérie, les muscles (The

nervous System and the human body, (Bell, 1843). Il développe dans ce travail des idées nouvelles sur le sens musculaire, qui seront reprises par Sherrington plus

de 60 ans plus tard.

La publication de Magendie date de 1822 et décrit, sur huit chiots, les rôles respectifs des deux racines, sans citer le premier article de Bell qui avait

été publié en 1811 : « les antérieures sont destinées au mouvement et les postérieures au sentiment... ».

La dispute, menée par le frère de John Shaw (celui-ci est mort en 1827) Alexandre, prend un tour dramatique et Magendie va paraître isolé. Les

Allemands et les Anglais soutiennent Bell et même en France, Flourens et Longet n'interviennent pas. Pourtant après 1840, Vulpian dénonce les falsifications de

Bell qui avait arrangé ses résultats et reprend les travaux du français. Bernard lui rend justice dans un article de 1867 sur l'état de la physiologie française. De

même, l'Américain Austin Flint junior (1812-1886) qui, en publiant en 1868 une bibliographie sur lui, le considère comme le véritable spécialiste des racines

spinales. Malgré les travaux scientifiques de Bell, il apparaît aujourd'hui que c'est Magendie qui a été le plus rigoureux et le plus convaincant dans ces

expérimentations même si l'idée semble au départ avoir été proposée par Bell.

Une autre polémique surgit en 1832-1833, entre Marshall Hall (1790-1857), un médecin anglais, et Johannes Müller (1808-1858) le physiologiste

allemand, sur l'antécédence de leurs travaux concernant les réflexes. L'Anglais qui en a réétudié toutes les composantes affirme avoir expérimenté pendant 24.000

heures ! Dans ses mémoires les fonctions réflexes du bulbe et de la moelle épinière sont redéfinies avec grand détail. Fearing (1970) raconte qu'en 1838, un des

présidents de la Société de Médecine de l'University College de Londres, J.D. George, donne lecture d'un commentaire extrêmement sévère sur les travaux de Hall

lui reprochant de ne jamais citer ses prédécesseurs alors qu'il avait utilisé outrageusement leurs données, en particulier celles de Prochaska. George va même

jusqu'à ajouter que s'il avait lu avec plus d'attention les publications des autres, il aurait sûrement fait moins de « découvertes » ! Cette intervention du London

Medical Gazette complète un éditorial intitulé « Reflex function, an old discovery » où est sous-entendu que l'article de Hall est un véritable plagiat habilement

dissimulé !

Hall a quand même fort bien synthétisé l'ensemble des données sur les réflexes localisant ce mécanisme au niveau spinal, en dehors de tout corrélât

psychique qu'il situe dans les structures supérieures. Cette stricte indépendance entre fonctions corticales et spinales diffère de Müller qui, dans son Handbuch

der Physiologie (1838), situe le réflexe en continuité avec l'ensemble des structures nerveuses centrales. Marcel Gauchet (1992) oppose bien les deux hommes sur

ce mécanisme :

Hall le tient pour un phénomène purement mécanique, confiné à la seule moelle épinière, entièrement distinct des autres modes de l'activité nerveuse et

complètement indépendant de la sphère psychique, quand Müller penche pour une lecture plus ouverte, refusant l'idée d'un phénomène totalement non psychique

et admettant de faire une certaine place à la sensation et à la volition (Gauchet, 1992).

La réflexologie

La physiologie française du milieu du XIXe siècle, est dominée par Claude Bernard (1813-1878). Ce grand positiviste a exposé sa doctrine

philosophico-scientifique dans l'Introduction à la médecine expérimentale {1865). Pour lui, la connaissance médicale ne peut reposer que sur une observation des

phénomènes complétée par une expérimentation claire et précise.

La méthode expérimentale, considérée en elle-même, n'est rien autre chose qu'un raisonnement à l'aide duquel nous soumettons méthodiquement nos

idées à l'expérience des faits... L'expérimentation ou l'art d’obtenir des expériences rigoureuses et bien déterminées est la base pratique et en quelque sorte la

partie exécutive de la méthode expérimentale appliquée à la médecine.

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Sa notion nouvelle d'équilibre du milieu intérieur, reprise et élargie plus tard par Walter Bradford Cannon (1842-1916) sous le terme d'homéostasie, a

joué un rôle fondamental dans toute la biologie. Il attache au réflexe une grande importance car il contrôle les fonctions de relation mais aussi intervient dans le

milieu intérieur où il existe des mécanismes réflexes stabilisant l'équilibre métabolique nécessaire à l'adaptation au milieu. Après les prises de position de Hall et

de Müller, la paternité du concept du réflexe a été l'objet de nombreuses discussions. En 1864, Edmé Félix Vulpian (1826-1887), grand professeur de physiologie

à la Salpêtrière et ami de Charcot, essaie de faire le point :

L'honneur de la découverte des mouvements réflexes revient donc à Prochaska surtout et à Legallois, mais je dois ajouter qu'aucun auteur

n'a tant insisté que Flourens sur les centres distincts qu'on peut créer par l'expérience... On voit que les phénomènes réflexes avaient été étudiés avant

les travaux de Marshall-Hall et de J. Muller (1833) mais ils n'avaient pas encore pris rang dans l'enseignement classique de la physiologie, et même on

peut dire que l'on n'avait pas encore une idée bien nette de leur importance avant ces deux auteurs...

Pour Canguilhem, le meilleur traité français sur cette notion est celui de C.Trichet dans le livre de physiologie sur les muscles et les nerfs, publié en

1882. Il est un des premiers à refaire explicitement référence à Willis.

Le psychisme de la moelle épinière

Fearing dans son ouvrage de 1934 met en avant la fameuse polémique entre Éduard, Friedrich Wilhem Pflüger (1829-1910) et Rudolf Hermann Lotze,

(1817-1881) apparue au milieu du XIXe siècle entre deux spécialistes qui divergent sur l'importance et le rôle à accorder à la moelle épinière. Jeannerod, met

aussi cette discussion en exergue dans le Cerveau machine (1983). Pour Pflüger, le réflexe fait intervenir la moelle épinière et ses structures périphériques mais

en conférant au centre spinal des propriétés psychiques comparables à celles des autres centres nerveux centraux. On aurait donc une sorte d'unité de

fonctionnement quel que soit le niveau nerveux envisagé. Au contraire, pour Lotze, philosophe passionné par la science, la moelle épinière ne peut avoir de

fonctionnement propre et se situe sous le contrôle du reste du cerveau. Ce mécanisme n'a besoin que d'un premier niveau d'intégration, Sher-rington plus tard

soutiendra la même position. Sous-jacente à la querelle, c'est la question même de l'automatisme du mouvement et de ses composantes volontaires et involontaires

qui est en jeu. Quel type de mouvement réalise la moelle spinale ? Cette opposition entre le cortex et la moelle est encore persistante chez certains esprits. Ne

considèrent-ils pas aujourd'hui que les réseaux neuroniques du cortex cérébral sont différents des autres ? Pour ceux-là, ils ont des propriétés et des fonctions

particulières que ne possèdent sûrement pas des réseaux analogues situés dans des structures plus basses du névraxe ? Nous ne partageons pas cet avis ; le tissu

nerveux à quelque niveau qu'il soit, possède un fonctionnement identique quel que soit la région considérée. Il y a une différence, c'est vrai et elle est de taille : les

réseaux du cortex sont sûrement beaucoup plus complexes et la combinatoire qu'ils présentent entre eux doit être tout à fait exceptionnelle.

Pflüger est un débatteur convaincu et ses articles polémiques présentent un argumentaire vigoureux. En 1853, il commence par s'en prendre à

Marshall Hall, lui reprochant de ne répéter que des expériences anciennes et surtout de ne pas insister sur le psychisme spinal. Gauchet (1992) a une formule

lapidaire pour les opposer: « Disons pour simplifier à l'extrême que là où Hall voyait mécanisme, Pflüger voit conscience. »

G. H. Lewes, philosophe et physiologiste anglais, qui soutient Pflüger, va même plus loin et écrit : « Toute action est basée sur un arc réflexe et le

cerveau et la moelle constituent un arc de réflexion qui a la propriété commune de la sensibilité aussi bien que les autres propriétés psychiques » (Gauchet, 1992).

Pour les tenants de ce courant, le psychisme se trouve partout, là où il y a une organisation nerveuse interne. À partir de ses propres expérimentations,

Pflüger pense que la moelle épinière par son niveau de conscience, est capable de produire un mouvement. Gauchet considère dans son ouvrage L'Inconscient

cérébral que la polémique entre les deux allemands aura des retentissements jusque dans la compréhension de la conscience. Le mécanisme réflexe étant le seul

fonctionnement réellement défini à ce moment-là sur des bases scientifiques, il est, pour certains, le moyen privilégié pour aborder le psychisme et la conscience :

Le désenclavement réflexologique du cerveau, si l'on ose ainsi s'exprimer met sur la voie d'une plongée du psychique dans l'épaisseur de l'activité organique... Ce

désenclavement, il y a plusieurs manières de le penser, dont deux extrêmes ainsi que l'illustrent les prolongements de la controverse Plfüger/Lotze : ou bien en

étendant les propriétés de sensibilité et de volonté caractéristiques de l'activité cérébrale à l'ensemble du système nerveux, ou bien en faisant de l'automatisme

caractéristique des centres inférieurs, la loi véritable du cerveau (Gauchet, 1992).

Contrairement à Pflüger, Lotze se présente comme un homme calme et pondéré, défendant l'idée d'une moelle épinière au service du cerveau. Les

actions spinales ne sont pas « intelligentes » seules. Le fait de décapiter une grenouille ne supprime pas l'influence exercée auparavant par les centres supérieurs.

Les influences descendantes par une mémoire persistante façonnent toujours la moelle. Le débat particulier entre Pflüger et Lotze repose aussi les relations entre

le corps et l'esprit. Si le dualisme de Descartes persiste, pour les matérialistes convaincus l'âme n'existe pas puisque tout est matière et pour l'école allemande qui

suit la philosophie naturelle, il n'y a pas de rupture entre les mécanismes naturels et les processus de l'esprit humain (Clarke et Jacyna, 1987). Les défenseurs

d'une telle doctrine associent le psychisme aux fonctions corporelles. Le corps et l'âme sont coextensifs. Le psychiatre Wilhelm Griesinger (1817-1868) adopte

pour principe que la conscience se trouve dans les centres nerveux « les plus simples ». Le bon état du psychisme d'un individu dépend d'une balance harmonieuse

entre les influences sensorielles et motrices circulant dans le cerveau. Un déséquilibre dans cette balance entraîne une maladie mentale. Carpenter, l'anglais

maintient un tel principe de continuité dans la nature avec une progressive complexité due à l'élaboration des phénomènes. Quand on s'élève dans l'axe cérébro-

spinal, on passe progressivement de formes simples vers des structures psychiques plus complexes où le réflexe suit lui-même une évolution parallèle en

préservant une continuité fondamentale.

Thomas Laycock (1812-1876) insiste sur une telle idée et fait du réflexe la continuité évolutive de l'esprit dans la nature. Comme Griesinger,

il établit un parallélisme entre l'émergence progressive des structures nerveuses et l'apparition des fonctions psychiques dans le royaume animal :

Laycock précise sa véritable pensée quand il déclare en 1840 que les ganglions crâniens, bien que ce soient les organes de la conscience,

sont sujets aux mêmes lois que celles qui gouvernent les autres ganglions, le système nerveux diffus des animaux et le vitalisme des végétaux. En bref,

comme le réflexe spinal a supporté l'affinité génétique de l'irritabilité qui existe chez les animaux les plus simples et chez les plantes, les opérations

dans les centres nerveux les plus élevés conservent le caractère fondamental des réflexes les plus élémentaires (Clarke et Jacyna, 1987).

Laycock qui trouve l'idée du réflexe chez Hall trop étroite, est un des premiers à proposer en 1844 à la section médicale de la British Association for

the Advancement of Science, un article qui a pour titre « On the reflex function of the Brain ». Certains historiens ont avancé que Griesinger et Laycock avaient

par leurs écrits préfigurés certains concepts repris plus tard par les psychologues.

Suivant ces différentes analyses, le psychologue anglais Herbert Spencer (1820-1903), va concrétiser les idées précédemment présentées. Dans son

livre de 1855, The Principle of Psychology, il reprend la notion d'évolution des êtres vivants et du système nerveux organisé suivant des stades de complexité

croissante : si les animaux des niveaux inférieurs ne possèdent que des régulations automatiques et rigides, les espèces situées à des niveaux plus complexes ou

même au sommet de l'évolution, possèdent une organisation variable beaucoup plus lâche, on parlerait aujourd'hui de plasticité. Spencer développe l'idée d'un

monde vivant unitaire où l'esprit se trouve situé en haut dans un processus en perpétuelle réorganisation et dont les origines constituent la base des expressions

les plus simples de la vie. Avec un tel raisonnement, le concept d'émergence semble en permanence, sous-jacent. Si le réflexe se situe au commencement, il se

trouve aussi au sommet de la hiérarchie suivant une organisation beaucoup plus riche mais tout en restant de même essence. Ainsi, bien avant la révolution

darwinienne, les physiologistes et les psychologues, influencés par les idées de Jean Lamarck (1744-1829), s'appuient sur une vision dynamique du monde.

L'écossais Alexander Bain (1818-1903) qui comme Spencer est membre de l'école associationniste anglaise à la suite de Thomas Hobbes (1588-1679), John Locke

(1632-1704), John, Stuart Mill (1806-1873) ou William James (1842-1910), fait partie de cette lignée empirique donnant une place essentielle à l'organisation

sensori-motrice. Il s'intéresse surtout aux relations entre le corps et l'esprit en s'appuyant toujours sur la même conception :

Nous avons toute raison de croire que toutes nos actions mentales sont accompagnées d'une suite ininterrompue d'actes matériels. Depuis

l'entrée d'une sensation jusqu'à la production au-dehors de l'action qui y répond, la série mentale n'est pas, un seul instant, séparée d'une série

d'actions physiques... (Bain, 1873).

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Les théories évolutionnistes de Charles Darwin (1809-1882) vont jouer un rôle considérable en confortant cette manière de voir. Il présente sa théorie

sur la sélection naturelle pour la première fois en 1859 dans L'Origine des espèces, un ouvrage de 490 pages. Le succès est immédiat bien que cette présentation

évolutionniste ne soit pas nouvelle mais touche, à cette époque, tous les milieux scientifiques, des zoologistes aux psychologues en passant par les biologistes purs

et par les embryologistes. Un nouveau concept apparaît alors où le développement embryonnaire récapitulerait l'évolution. Jeannerod (2002) parle d'une «

adoption quasi générale de la notion de récapitulation ».

Déjà en 1824, A.E.R. Serres écrivait: « L'homme ne devient homme qu'après avoir franchi des étapes d'organisation transitoires qui l'assimilent

d'abord aux poissons puis aux reptiles enfin aux oiseaux et aux mammifères. » C'est cependant Ernst Haeckel (1834-1919), naturaliste allemand et fervent disciple

de Darwin, qui émet en 1868, la loi de « biogénétique fondamentale » qui, bien que basée sur des données fausses comme il sera montré ultérieurement, considère

que l'ontogenèse résume la phylogenèse. Cette loi, aujourd'hui très contestée, privilégie une indéniable unité du monde vivant suivant une organisation

extrêmement hiérarchique dans laquelle l'homme figure au sommet. Darwin s'intéresse surtout aux fonctions psychologiques dans La Descendance de l'homme

(1871), comme le résume Jeannerod (2002) :

Darwin à la suite de Spencer, considérait que les enchaînements de réflexe, puis les instincts, au caractère fixe et héréditaire, devaient céder

progressivement le pas à des modalités d'adaptation à l'environnement plus diversifiées, où intervenaient le rôle de l'intelligence et de la raison.

Élève de Laycock, J. Huglings Jackson (1835-1911) subit la même influence et professe que le cerveau, organe de la conscience, subit les lois réflexes

comme le reste des structures nerveuses. En défendant l'existence d'un principe « idéagène » (voir Jeannerod, 1983) capable d'assurer la reproduction des

réponses motrices à la suite d'un même stimulus, il classe les fonctions sensori-motrices suivant une hiérarchie liée à leurs possibilités d'intervention : Les actions

les plus automatiques correspondent aux plus simples et aux plus rigides. Les activités élaborées, spontanées, les moins automatiques, c'est- à-dire les plus

plastiques et les plus conscientes se situent dans les centres nerveux supérieurs. Dans les cas pathologiques, disparaît en premier les fonctions supérieures, et

souvent il ne reste que des automatismes. Ce classement qui fait intervenir la phylogenèse comme l'ontogenèse, comprend les formes animales les plus anciennes à

organisation psychique limitée, comme les animaux à organisation beaucoup plus complexe, les plus récemment apparus. Ces derniers peuvent seuls atteindre un

niveau de formulation consciente. Il y a ainsi un processus continu de complexification partant de structures vivantes élémentaires jusqu'à des éléments beaucoup

plus élaborés et particulièrement adaptables, l'homme se situe au sommet de cette hiérarchie Jeannerod précise la pensée de Jackson :

Stratification ou hiérarchie ? Jackson conçoit-il l'organisation nerveuse comme la superposition de réflexes autonomes, la partie cérébrale

de l'édifice fonctionnant sur le même modèle que la partie médullaire ou bien comme une hiérarchie de niveau interdépendant, le niveau le plus élevé

contrôlant (et, en l'occurrence, réprimant) les niveaux sous-jacents ? La notion de libération des niveaux inférieurs par la dissolution semble bien

impliquer une intégration de ces niveaux à l'ensemble du système nerveux (Jeannerod, 1983).

Suivant Henry Ey, il faut reconnaître cependant que Jackson se sortira peu à peu de la notion de réflexe pour un modèle plus souple d'organisation

centrale. À la fin du XIXe siècle, le réflexe semble l'unique mode de fonctionnement nerveux. On a tendance à l'utiliser pour décrire toutes les activités cérébrales.

L'école russe va confirmer cette place prépondérante. Ivan Sechenov (1829-1905), le père de la physiologie et de la psychologie russe se veut un disciple fervent

de Spencer. Influencé par l'école allemande où il s'est formé et par Bernard, il a assimilé toute la complexité du phénomène en démontrant chez la grenouille le

contrôle inhibiteur du tronc cérébral (voir Sechenos, 1857). Il voit dans le réflexe une adaptation homéostatique au milieu extérieur. Il y a dans tous les

mouvements involontaires, une étroite relation avec l'activité mentale et la pensée. Sechenov, proche aussi de Jackson, publie en 1863 Les Réflexes du cerveau. En

fait, son premier titre, Essai, tente d'établir les bases physiologiques des processus psychiques, a été refusé par la censure du Tsar. Il propose un titre beaucoup

plus agressif qui lui, ne pose aucun problème de parution. Sechenov se défend d'apporter des données immorales qui propageraient une philosophie nihiliste. Il

propose une attitude naturaliste où les actions obéissent à la loi de la cause et de l'effet. Son texte est adressé au lecteur qu'il veut convaincre de la simplicité et de

l'unicité du fonctionnement cérébral humain. Il écrit:

«Tous les actes psychiques sans exception... se développent par voie réflexe. De là, tous les mouvements conscients résultant de ces actes et

classiquement considérés comme volontaires, sont des mouvements réflexes dans le sens le plus strict du terme. » Il précise même plus loin : « Donc, non

seulement on apprend à coordonner ses mouvements grâce à la répétition de réflexes associés mais en même temps on acquiert la possibilité de les inhiber. »

Enfin, la dernière phrase de l'ouvrage affirme comme un défi qu'il ne peut pas y avoir d'activité cérébrale s'il n'y a pas d'activité sensorielle. Le principe «

stimulus-réponse » est la règle ! « Maintenant laissez n'importe qui essayer de soutenir que l'activité psychique et son expression - le mouvement musculaire - sont

possibles, même un seul mouvement, sans stimulation sensorielle externe ! »

Pour Sechenov, les éléments propres au réflexe entrent dans la composition du mouvement volontaire : lorsqu'une action se produit, la cause initiale de

son déclenchement n'est plus présente à ce moment-là, elle a pu avoir lieu très longtemps auparavant. Une réponse comportementale est toujours précédée d'une

stimulation même si elle est ancienne. Peu importe l'intervalle de temps entre le stimulus et la réponse, la volonté s'exprime toujours à la suite de quelque chose

qui peut être enfoui depuis très longtemps dans le passé. Les nerfs sont capables de conserver une trace de l'excitation longtemps après la stimulation. Comme dit

Jeannerod :

Cette mémoire des nerfs n'est pas un contenu psychique : elle s'explique entièrement par des lois physiques de répartition de l'excitation à

l'intérieur des différentes fibres d'un même nerf... - il n'y a pas la moindre différence entre une impression réelle et la mémoire de cette impression. De

la même manière d'ailleurs que la cause du réflexe (son stimulus déclenchant) peut passer inaperçue de l'observateur extérieur, la réponse elle-même

peut être absente. Elle est seulement inhibée. Le réflexe psychique sera alors réduit à un évènement purement intérieur, à une pensée, à une image

mentale, à une évocation en apparence « privée », mais qui aura en fait été déclenchée par un événement extérieur imperceptible et dont la sortie aura

été bloquée (Jeannerod, 1983).

À l'époque de Sechenov, l'idée de mémoire est développée par Ewald Hering (1834- 1918) avec sa communication en 1870 à l'Académie des Sciences

de Vienne sur « La mémoire comme fonction générale de la matière organisée». À partir de là, la pensée prend une nouvelle dimension, s'installe dans la durée et

la réflexologie s'étale dans le temps. Tout l'environnement, les choses et les différents objets, les éléments de la vie quotidienne forment un flux d'information

organisant et maintenant la sphère sensorielle de chaque individu. L'état mental de celui-ci alimenté en permanence aurait le pouvoir de tout enregistrer et de tout

analyser, pour répondre au mieux devant les différentes sollicitations.

La biologie nerveuse se sent déjà assez sûre d'elle-même pour définir ses propres fonctionnements sans utiliser d'autres sciences. Le cerveau est pris

comme une structure élaborative où l'esprit n'est plus l'âme comme la définissait Descartes mais va devenir dans les années qui viennent un organe qu'elle tentera

avec plus ou moins de réussite d'aborder (Young, 1990).

Histoire de l’électrophysiologie cellulaire

L'étude du fonctionnement du système nerveux sera en effet véritablement lancée au XVIIIème siècle par la découverte de la

«bioélectricité» dont le médecin et physicien Luigi Galvani fut l'un des pionniers.

Mais déjà à la fin du 17eme, Jan Swammerdam réfute la spéculation cartésienne des Esprits Animaux.

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Physiology textbooks often credit Swammerdam with being the first person to have shown that muscles do not increase in volume on contraction. The little-known and intriguing truth is that although he did indeed show this, he literally did not believe his own eyes. To test Descartes' hypothesis that the influx of 'animal spirits' increased muscle volume on contraction, Swammerdam placed a frog muscle in an air-tight syringe, and measured the volume of the muscle in its contracted and relaxed state by observing the movement of a bubble of water in the end of the syringe (in doing so, he incidentally invented the plethymograph). Swammerdam first did the experiment with a whole frog heart that had been dissected out (see panel a of the accompanying figure). The result was incontrovertible: when the heart spontaneously contracted "the drop of water adhering near the extremity of the tube, c, descends in a very remarkable and surprizing manner ... the drop thus fallen down, d, will, on the heart's dilating itself again, rise to its former situation, c."—This completely contradicted Descartes' hypothesis. He then altered the procedure slightly, using a frog's thigh muscle with the nerve protruding through a small hole in the side of the glass siphon (panel b of the figure). The results were disappointing: "In this experiment, the sinking of the drop is so inconsiderable, that it can scarce be perceived. Most of us will recognize his next, fatal, step. Swammerdam explained away the results from the thigh muscle experiment, arguing that this experiment is very difficult sensible, and requires so many conditions to be exactly performed, that it must be tedious to make it and pointing out that because the thigh muscle had neither blood supply nor antagonistic attached to it, it could not be expected to function normally, concluding "for this reason, the heart is fitter for this experiment than any other muscle". But in fact, the thigh muscle preparation gave the right result. Muscles do not change their volume. Although he can be commended for not hiding problematic results, Swammerdam was wrong. Convinced that the big effect was what counted, he dismissed the thigh muscle results. His mistake came because when the heart contracted, it probably compressed some of the air trapped in the ventricles, reducing the total volume in the syringe. Swammerdam decisively proved Descartes wrong, but unwittingly he provided us all with a salient lesson in how to interpret experiments and the need to exclude artefacts.

Galvani et« I'electricite animale»

Luigi Galvani, né à Bologne le 9 septembre 1737 et mort dans cette même ville le 4 décembre 1798, est un physicien et médecin italien.

Luigi Galvani, rappelant les anciens travaux de William Gilbert, confirme expérimentalement, en 1791, le rôle de l'électricit é

dans la contraction musculaire, Diderot et P-H Thiry d'Holbach, mais aussi Jean-Paul Marat, le martyr Jacobin, participent à ce débat. La

longue controverse qui s'ensuit avec Alessandro Volta conduit à l'invention, par ce dernier, de la pile.

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A la suite de la découverte de la bouteille de Leyde dont les décharges provoquent de fortes contractions musculaires, la question de l’action possible du « fluide électrique» sur les corps vivants suscite un grand intérêt. Tandis que des « électriciens guérisseurs» expérimentent sur l’homme. les anatomistes tels Caldani à Bologne des 1756 appliquent l’électricité à diverses parties de cadavres d'animaux. A la fin des années 1770 Galvani s'intéresse à son tour a l'influence de l’électricité. On ne s'étonnera done pas de trouver dans son laboratoire une machine électrostatique, des bouteilles de Leyde et des grenouilles « préparées de la manière habituelle». c’est-à-dire en ne conservant que les membres inférieurs avec leurs nerfs cruraux. II observe, comme d'autres avant lui. les vives contractions des cuisses lorsque l’électricité est directement appliquée au nerf. Mais voilà qu'une observation, mentionnée dans ses notes de 1781, suscite son étonnement. Alors que le scalpel d'un de ses assistants touche le nerf d'une grenouille, la cuisse se contracte violemment au moment où une étincelle jaillit de la machine, située a bonne distance. Pure coïncidence ? Galvani aide de sa femme Lucia et de son neveu Giovanni Aldini varie les conditions de l’expérience: l’étincelle déclenche en effet à distance une contraction musculaire pourvu que le nerf soit prolongé par un conducteur suffisamment long (ce phénomène ne sera compris qu'à la fin du XIXe siècle: le conducteur constitue une antenne pour le rayonnement électromagnétique émis lors de l’étincelle).

L'éclair d'un orage est une décharge d'électricité de même nature que l'étincelle des machines, comme l'a montré Benjamin

Franklin. Peut-il provoquer le même effet que l'étincelle d'une machine électrique ? se demande Galvani. Un jour d'orage, il installe des

grenouilles préparées sur sa terrasse. L'expérience est concluante: « chaque fois qu'un éclair jaillissait, les muscles subissaient au même

moment de nombreuses et violentes contractions»

Mais un nouveau phénomène imprévu apparaît: même par temps calme, des contractions se produisent lorsque le crochet de cuivre fixé dans la moelle épinière de la grenouille vient au contact des barreaux de fer du balcon. Cela semble « sans rapport avec les états

électriques de l'atmosphère». note Galvani. Pour vérifier ce point, il redescend dans son laboratoire et multiplie les expériences. La cuisse

se contracte chaque fois que nerf et muscle sont reliés l'un à l'autre par un arc formé de deux métaux différents".

Galvani formule alors l'hypothèse d'une « électricité animale» qui serait sécrétée par le cerveau et se déchargerait lorsque nerf et muscle sont reliés par les métaux. C'est seulement en 1791 lorsqu'il pense avoir accumulé assez de preuves en faveur de cette hypothèse,

que Galvani publie, en latin, les résultats d'une dizaine d'années d'expérimentation tenace et scrupuleuse: De viribus electricitatis in motu

musculari. Commentarius (Commentaire sur les forces électriques dans le mouvement musculaire).

Pierre Bertholon de Saint-Lazare

Volta

Lorsqu'il lit le De viribus. Alessandro Volta est déjà un physicien réputé. D'abord sceptique, il s'empresse de répéter les expériences de Galvani. Il s'enflamme: la découverte de Galvani est pour lui « une des plus belles et des plus surprenantes, et le germe de

plusieurs autres». Mais s'il adhère d'abord à l'idée d'une électricité d'origine organique, ses doutes apparaissent rapidement. À la fin de

l'année 1792 après avoir expérimenté non seulement sur la grenouille mais aussi sur des animaux entiers, sur sa propre langue ou ses yeux, il rejette l'hypothèse de l'électricité animale. Ses expériences l'ont convaincu du rôle essentiel de « l'arc métallique»: pour lui les tissus

organiques ne jouent qu'un rôle passif, et c'est le contact de deux métaux différents qui « met en mouvement» l'électricité.

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C'est le début d'une « guerre scientifique» entre galvanistes et voltaïstes qui se répand bientôt dans toute l'Europe et se poursuit

après la mort de Galvani. Chaque expérience des uns suscite une contre-expérience des autres. Galvani et ses partisans parviennent notamment à obtenir des contractions sans aucun métal, par exemple en mettant en contact le nerf avec l'extérieur du muscle 0

C'est en cherchant à augmenter les tensions électriques produites - croit-il - par le contact de deux métaux différents que Volta est

amené à l'empilement de rondelles de zinc, d'argent et de carton imbibé d'eau salée qui constitue sa fameuse pile. Le succès retentissant de

la pile mettra fin à la controverse. C'est donc un instrument, et non une théorie, qui y met fin' Il faut attendre, une trentaine d'année plus tard, les pionniers de l'électrophysiologie tels Carlo Matteucci pour remettre à l'honneur les hypothèses de Galvani sur l'él ectricité animale,

qualifiées de fondatrices par le célèbre physiologiste allemand Emil du Bois- Reymond.

Carlo Matteucci, Emil du Bois- Reymond

Matteucci sera le premier, au début des années 1840 à enregistrer et mesurer le courant électrique généré par le tissu musculaire, grâce à un galvanomètre sensible mis au point par son collègue Nobili. Il constate qu'entre la tranche de section d'un muscle et sa s urface,

s'établit un courant (dit « courant de repos»). Il observe aussi que les courants électriques se modifient durant la contraction du muscle et

sont capables de s'additionner sur un montage en série de manière analogue à une pile de Volta. C'est ainsi qu'il met au poin t le modèle

expérimental de la « patte galvanoscopique» chez la grenouille: le nerf sectionné d'une patte de grenouille est capable de transmettre un courant à un muscle qui se contracte mis à son contact et se comporte donc comme une sorte de détecteur électrique sensible. Mateucci

invente en 1846 un modèle de kymographe qui permet l'enregistrement des phénomènes é lectriques et dont l'utilisation se répand

rapidement en physiologie pour mesurer l'électricité produite par les contractions musculaires en fonction du temps Ses trava ux en

bioélectricité ont directement influencé les recherches d'Emil du Bois-Reymond (1818-1896) un étudiant du célèbre physiologiste allemand Johannes Peter Müller (1801-1858) de Berlin. Du Bois-Reymond. en tentant de reproduire les expériences de Matteucci fera plus tard la

découverte du potentiel d'action des nerfs.

Carlo Matteucci. né le 21 juin 1811 à Forli près de Venise et mort le 25 juin 1868 à Ardenza. près de Livourne est un physicien, neurophysiologiste et homme politique italien. Son œuvre scientifique fait de lui l'un des pionniers de l'électrophysiologie. En électrochimie, i l établit, en 1835 les principes de l'électrolyse indépendamment (et apparemment en méconnaissance) des travaux fondateurs réalisés deux ans plus tôt par Faraday sur ce sujet Emil Heinrich du Bois-Reymond né à Berlin le 7 novembre 1818 et mort dans la même ville le 26 décembre 1896 est un physiologiste allemand, l'un des fondateurs de l'électrophysiologie. Élève de Johannes Peter Müller. Emil du Bois-Reymond appartient à l'école allemande des physiologistes du XIXe siècle, antivitalistes et matérialistes.

L'histoire du neurone associe une double démarche, l'une physiologique et l'autre morphologique, tout en faisant appel à bien d’autres

disciplines. La physique va jouer là un rôle pionnier. André Marie Ampère (1775-1836), mathématicien puis chimiste reste célèbre pour ses travaux sur

l'électromagnétisme. En adoptant la théorie atomique et l'hypothèse d'Avogadro, il permet d'aborder le domaine moléculaire; s on invention du

galvanomètre sera essentielle pour la mesure du courant électrique. L'autorité de François Arago (1786 1853), qui découvre l’électromagnétisme avec

Ampère, va aussi être décisive non seulement pour ses propres travaux d’astronomie, d'optique ou d'électricité mais aussi pou r l'enthousiasme politique

dont il fait preuve. Tous les deux influencent les études sur le système nerveux depuis que Galvani a découvert la présence d'une électricité animale. Les

différents travaux alors réalisés vont utiliser des appareils et des méthodes issus directement de cette discipline. Une des premières grandes difficultés sera

de savoir comment mesurer la conduction nerveuse : n'était-elle pas aussi rapide que la vitesse de la lumière, comme le pensait Johannes Millier en 1838.

Nous n'aurons probablement jamais les moyens d'évaluer la rapidité de l'action nerveuse, parce qu'il nous manque, pour établir des comparaisons, ces

distances immenses à l'aide desquelles nous pouvons calculer la vitesse de la lumière, qui, en ceci a de l'analogie avec elle (Muller).

À cette époque, tous les scientifiques cherchent à mesurer les phénomènes qu'ils tentent d’explorer. Ils veulent obtenir des mesures rigoureuses et

identifier les composantes d'un mécanisme. Si les travaux avec la grenouille, animal de prédilection, sont les plus nombreux, l’homme va devenir un véritable sujet

d'étude permettant un lien entre la neurologie et la psychologie. Physiologistes, physiciens mais aussi psychologues abordent l’étude des voies nerveuses et de

leur conduction. Des méthodologies nouvelles, comme l'électrophysiologie et la psychophysique vont prendre leur essor. Le système nerveux commence à être vu

comme un système de communication que les Ingénieurs de l'époque développent En 1868. Hermann Helmholtz, un disciple de Müller décrit les voies sensorielles:

Les fibres nerveuses sont souvent comparées à des fils télégraphiques traversant une région et la comparaison est heureuse pour illustrer la

frappante et importante particularité de leur mode d'action Dans un réseau télégraphique, on trouve partout le même fil de cuivre ou de fer transp ortant la

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même sorte d'information, un courant électrique, mais elle induit des résultats différents dans les diverses stations auxquelles elle est connectée suivant la

particularité des appareils auxiliaires qu’elles possèdent... Toute la différence qu'on peut voir dans l’excitation des différents nerfs dépend seulement de la

différence des organes auxquels le nerf est relié et auxquels il transmet un état d'excitation.

Cette métaphore des fils télégraphiques devient la règle complétée par les chemins de fer et leurs aiguillages. Forbes décrit, en 1922, les derniers

résultats obtenus sur la physiologie du réflexe en opposant ta simplicité d'organisation des nerfs vis-à-vis des centres nerveux, il utilise toujours les mêmes

comparaisons : « De ce point de vue les fibres et les centres peuvent être comparés respectivement à des câbles et à des bureaux centralisés d'un système

téléphonique. » Plus tard, on prendra une autre comparaison plus parlante encore : « Le système nerveux est construit comme un ordinateur ! », et ce sera le

début des approches théoriques sur le fonctionnement cérébral.

Le neurone l'élément de base, dont les corps cellulaires sont dans les centres nerveux, conduit et reçoit une information à courte et longue distance par

ses dendrites et ses axones (Barbara, 2007). Il apparaît comme la structure de communication par excellence.

1. La naissance de Télectrophysiologie

L’idée d'« influx nerveux », comme s'il y avait quelque chose de mystérieux dans cette fonction de transmission de l'information, est d'origine très

ancienne et remonte au moins à Galien lorsqu'il écrit dans Du mouvement des muscles : « Les nerfs qui jouent par conséquent le rôle de conduits apportent aux

muscles des forces qu'ils tirent du cerveau comme d'une source. »

Cette notion, reprise pendant plus de quinze siècles sous le nom de «pneuma psychique », correspond à une sorte d'esprit ou de force extraite des

aliments ingérés, conduite dans l'ensemble des tubes nerveux sous forme d'« esprits animaux ». Elle transmet les désirs du cerveau à tout le corps et en particulier

aux muscles. Si l'idée de circulation dans les nerfs est claire, la façon dont ce phénomène se produit et s'organise demeure extrêmement vague. Jan Swammerdam

(1637-1680), dans Biblia Naturae ou Bible de la Nature, réalise pour la première fois la préparation « sciatique/ gastrocnémien de grenouille » qui devient si

célèbre qu'elle sera utilisée pendant près de quatre siècles pour toute étude relative au fonctionnement neuromusculaire. Elle est également privilégiée dans la

majorité des enseignements consacrés à la physiologie nerveuse. Swammerdam démontre, avec brio, que le volume du muscle ne varie pas au cours de la

contraction musculaire (Cobb, 2002).

L'utilisation expérimentale de l'électricité débute dès l'aube du XVIIIe siècle. Elle va très vite évoluer grâce à l'utilisation de la bouteille de Leyde

réalisée pour la première fois en 1745 dans la ville de Leyde aux Pays-Bas par Pieter van Musschenbroek (1692-1761). Il découvre les décharges électriques en

janvier 1746 en électrisant de l’eau au moyen d'une chaîne tenue à la main et plongée dans un vase. En séparant ensuite le fil métallique du conducteur et en le

tenant à nouveau avec la main, il a été frappé d'une décharge électrique si violente qu'il en parla dans une lettre envoyée à Réaumur (1683-1757). Ewald Georg

von Kleist (1700-1748), chanoine de Poméranie, a aussi utilisée, en octobre 1745, une telle bouteille. Jean Nicolas Sébastien Allamand, un assistant de

Mussenbroeck, et Andréas Cunaens la connaît également.

Jean Antoine Nollet (1700-1770) va, de 1730 à 1732, être associé aux recherches du surintendant du Fay, spécialiste de l'électricité, l'un des deux plus

grands « électriciens » du début du XVIIIe siècle avec l'Anglais Stephen Gray. Dufay propose à Nollet de l'accompagner en Angleterre, ce qui lui permet

d'acquérir une connaissance précise des procédés utilisés, mais aussi en général, des différents instruments indispensables en sciences expérimentales. En 1733,

la réputation de son habileté manuelle est bien connue et lui permet d'obtenir la direction du laboratoire de Réaumur. Ainsi, il exécute les projets du savant et

réalise les expériences souvent compliquées que Réaumur imagine.

Deux ans plus tard, Nollet rencontre aux Pays-Bas, van Musschenbroek, Willem Jacob 's Gravesande et Alamand et devient ainsi un des pionniers en

électricité. L'abbé Nollet, par ses conférences et les expériences qu'il présente, atteint la célébrité. Il est un des grands vulgarisateurs de la physique en France.

Dans son célèbre cabinet de physique, il attire nobles et curieux avec des expériences où électrisant le corps humain, la personne atteinte provoque des étincelles,

attire des petits bouts de papier et a ses cheveux dressés. Nollet aurait aussi administré à un ensemble de chartreux se tenant par la main une décharge électrique

qu'ils auraient ainsi tous ressentie.

Benjamin Franklin (1706-1790) sera pourtant celui qui comprendra le mieux les principes électriques et inventera le paratonnerre. Il démontre que le

fluide électrique apparaît sous deux états, notés positivement et négativement, et qu'ainsi la décharge d'un corps électrisé correspond à la remise à l'équilibre d'un

excès d'une des deux charges du corps. Il développe cette notion à partir de 1750, énonce le principe de conservation de la charge électrique, et interprète, comme

une action à distance, l'attraction exercée par un corps électrisé sur un corps léger. L'électricité va devenir même un moyen de soigner. Il semble que l'application

d'électricité procède du miracle, notion que le médecin Jean-Paul Marat (1743-1793), avant de devenir révolutionnaire, utilisera abondamment.

En fait c'est à Luigi Galvani (1737-1798) que l'on doit les premiers résultats en biologie expérimentale. Professeur à l'université de Bologne, il utilise

la bouteille de Leyde et réalise ses expériences sur l'excitabilité du système nerveux chez lui, là où il a installé ses machines productrices d'activité électrostatique.

Une expérience est restée fameuse: le 16septembre 1786, il pend une patte de grenouille encore vivante à un crochet en cuivre fixé au grillage en fer de son

jardin. Le contact de deux métaux différents lui fait découvrir de façon fortuite, les effets du courant électrique. Galvani explique le phénomène ainsi : les fibres

musculaires sont de petites bouteilles de Leyde, les filets nerveux des éléments conducteurs en contact avec l'armature interne, un arc métallique induirait une

décharge de cette bouteille capable de provoquer une contraction à l'établissement du contact entre le nerf et la surface du muscle.

Marie Brazier (1984) considère ces expériences comme les tous débuts de l’électrophysiologie. Pour notre italien, les muscles par eux-mêmes

produisent l'électricité nécessaire à leurs contractions. Publiées en 1791, le retentissement de ses expériences qui permettaient enfin d'abandonner la terminologie

des « esprits animaux » est immédiat. L'audience de son auteur est telle que son nom est devenu un verbe et un substantif : tous ont été galvanisés par ses

expériences !

Luigi Galvani (1737-1798) Luigi Galvani sur sa terrasse teste les effets des courants électriques, créés par des dipôles métalliques, sur les réflexes de grenouilles décérébrées (1786). A cette époque, Galvani testait les effets de « l'électricité atmosphérique ». D'après un dessin réalisé par un artiste à partir d’un croquis d'Emil du Bois-Reymond. Le dessin a été exécuté 54 ans après la mort d'Emil Dubois-Reymond lorsque l'artiste visite la maison de Galvani en Italie. D'après Reden von Emil du Bois-Reymond, 1887, vol. 2.

Alessandro Volta (1745-1827) s'oppose pourtant violemment à son compatriote en refusant le concept d'électricité animale (Brazier, 1959). Volta

rejette l'idée d'un muscle générateur d'électricité. Lui qui invente en 1800 une pile électrique réalisée grâce à la présence de métaux différents, juge que

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l'électricité est « métallique » et produite dans les expériences de Galvani, par le contact de métaux différents capables de stimuler le nerf puis le muscle. En

réponse, Galvani réalise une expérience où il n'y a pas de métal au contact du nerf. Il prépare les nerfs sciatiques de deux pattes de grenouille :

Je pliai le nerf de l'une [des pattes] à la façon d'un petit arc, ensuite je soulevai le nerf de l'autre avec une baguette de verre usuelle, la

laissait tomber sur cet arc nerveux, en faisant attention à ce que le nerf dans sa chute touchât en deux points l'autre nerf courbé en arc et que

l'extrémité sectionnée de celui-ci fût l'un des deux points. Je vis se contracter la patte dont je faisais tomber le nerf sur l'autre... Quelle hétérogénéité

pouvait bien être évoquée dans ces contractions, alors que seuls les nerfs sont en contact entre eux (cité dans Kayser, tome 2,1969).

Cette expérience démontre la production d'une activité électrique, mais l'autorité de Volta et l'importance qu'a pris la découverte de sa pile, fait

injustement abandonner les théories de Galvani. Il faut attendre que Léopoldo Nobili (1784-1835) construise en 1825 un galvanomètre « asiatique » pour avoir un

instrument capable d’enregistrer les réponses électriques liées à la contraction musculaire. Carlo Matteucci (1811- 1868) redonne le premier, raison à Galvani. Il

subit à Florence l'influence de Nobili. Le grand-duc de Toscane lui offre la chaire de physiologie de Pise ; c'est dans cette ville qu'il fournit le plus gros de son

travail en étudiant les plaques électriques de la torpille et en préparant des grenouilles « galvanoscopiques ». Il démontre l'apparition de courant électrique

pendant la contraction musculaire et va même en définir le sens entre la section d'un muscle et sa surface intacte :

On prend pour cela la grenouille préparée que j'ai appelée galvanoscopique; ensuite on coupe d'une manière quelconque le muscle d'un

animal vivant, et on introduit, dans la blessure, le nerf de la grenouille galvanoscopique. En se bornant à cela, il arrive souvent que la grenouille se

contracte. Si on fait l'expérience avec soin, on découvre facilement qu'afin de réussir, il faut toucher, avec deux points différents du filament nerveux,

deux points différents de la masse musculaire. C'est ainsi qu’en touchant avec le bout du nerf de la grenouille galvanoscopique, le fond de la blessure,

la grenouille se contracte constamment. Ceci prouve évidemment que c’est bien un courant électrique qui circule dans le nerf, puisqu'il faut former un

arc dans lequel ce même nerf est compris (cité par Brazier, 1988).

Emil du Bois-Reymond (1818-1896) participe activement à l'étude des mécanismes nerveux électriques. En 1841, travaillant chez Müller qui le charge

de vérifier les expériences de Matteucci, il confirme ses résultats sur la circulation d'un courant électrique dans les nerfs et dans les muscles mais pense qu'il s'est

trompé de sens du courant ; il va de la surface intacte du nerf (+) à sa section (-). Il affirme que ce courant, propriété des tissus eux-mêmes, correspond à une

onde négative, brève et discontinue. C'est Jules Antoine Regnauld (1820-1895) qui détermine pour la première fois en 1854 la différence de potentiel entre la

surface du muscle de grenouille et sa section avec des valeurs comprises entre 24 et 61 mV. Du Bois-Reymond donne en 1867 d'autres chiffres : entre 38 et 82 mV

pour le muscle de grenouille et seulement 24 mV, pour le nerf sciatique. À la suite d'une excitation répétée, le courant musculaire ou nerveux diminue. Une des

grandes difficultés, à l'époque, est la polarisation des électrodes. La répétition des stimulations et le contact entre le métal et la préparation biologique induisent

des dégagements gazeux. Successivement, Regnauld (1854), Mateucci (1856) et enfin du Bois-Reymond (1859) perfectionnent le système en utilisant un sel neutre

de ce métal. L'électrode de du Bois-Reymond comprend une tige de zinc en contact avec une solution de sulfate de zinc. Cette solution étant toxique, le contact

avec les tissus s'opère par une solution de chlorure de sodium. En 1889, Jacques Arsène d'Arsonval (1851-1940) propose une électrode plus simple constituée

d'argent chloruré faisant contact avec une même solution de chlorure de sodium. Du Bois-Reymond dans une revue de question de 1848, fait le point sur

l'excitabilité électrique :

Ce n'est pas à la valeur absolue de la densité du courant à chaque instant que le nerf moteur répond par une secousse du muscle correspondant, mais

c'est à la variation de cette valeur d’un instant à l'autre et, plus précisément, l’incitation motrice qui suit ces variations est d'autant plus forte qu'elles

se produisent plus vite pour une même amplitude ou qu'elles sont plus grandes par unité de temps (cité dans Kayser).

Cette conception très critiquée semble souligner que seule la variation de l'intensité existe et que la durée de passage d’un courant constant ne joue

aucun rôle, un courant très bref devant être aussi efficace qu'un courant de plus longue durée. Pourtant Fick en 1860 en travaillant sur un muscle beaucoup plus

lent, le muscle adducteur des valves d'un mollusque : l'Anodonte, a tiré des conclusions différentes. Jusqu'à 10 secondes, la vitesse d'établissement du courant est

indifférente. Au-delà, l'efficacité diminue avec la durée pour devenir nulle quand cette durée approche 120 secondes. Pour une amplitude donnée de variation de

courant, la nouvelle intensité doit persister un certain temps pour que la variation puisse agir comme excitant. Fick applique ses résultats à la grenouille :

Les expériences ci-dessus m'ont amené à la pensée que pour les muscles striés de la grenouille non plus, la loi de du Bois-Reymond n’est pas la

dernière expression de la réalité. Il était à croire que, là aussi, le courant, pour produire l'excitation, doit passer pendant un certain temps ; seulement,

devait-on penser aussi que les durées pendant lesquelles le courant doit passer sont extraordinairement plus courtes que pour le muscle paresseux de

l'Anodonte.

En 1870, le physicien autrichien, Arthur Kônig (1856-1901) qui travaille dans le laboratoire de Helmholtz montre qu'un courant d'intensité maximale

devient inefficace quand la durée du passage est réduite à une milliseconde. Il faut augmenter la durée de la stimulation jusqu'à 17 à 18 ms. En 1892, le physicien

hollandais Hoorweg critique la formule de du Bois-Reymond et démontre chez l'homme que l'excitation du nerf par des décharges de condensateurs dépend de la

quantité d'électricité et non de la variation d'intensité. Du Bois-Reymond explique les phénomènes électriques observés dans le nerf et le muscle en croyant qu'il y

avait en permanence dans ces structures un courant électrique, un peu comme des aimants brisés capables de produire des éléments aimantés plus petits ; les

forces électromotrices auraient été induites par des fragments de très petite taille, polarisés électriquement et formés une pile orientée longitudinalement dans le

muscle. Au moment de l'excitation, ces éléments électrogènes auraient été désorientés et auraient produit une onde négative.

C'est Louis Lapicque (1866-1952) qui reprend très largement cette loi d'excitation. Ses travaux et son importance dans l'histoire de l'électrophysiologie

méritent qu'on examine en détail son parcours et qu'on essaie de comprendre comment, après des résultats prometteurs, il termine sa carrière scientifique dans

une terrible impasse ! Il apparaît comme une énigme dans le paysage de la physiologie.

Il a été un grand chercheur dans l'étude des deux paramètres de l'excitabilité neuromusculaire : l'intensité et la durée d'un stimulus. Fasciné par la

physique et la chimie, il raisonne en fait très peu en biologiste, il n'aura de cesse de formuler des lois simples d'explications au détriment de la complexité des

principes du vivant. Au cours de travaux commencés en 1903, il se préoccupe de la contraction de toute une variété de tissus, de muscles et de nerfs de vertébrés

ou d'invertébrés. Cependant, le sciatique et son muscle, le gastrocnémien de grenouille, constituent son modèle de choix. Il démontre que l'intensité liminaire

augmente avec la diminution de la durée du passage du courant bien que cette durée varie largement. Lapicque dès 1909 propose comme mesure de ce « temps

physiologique » la durée de passage du courant avec une intensité égale au double de celle nécessaire pour exciter la préparation avec des durées très longues. Il

a appelé cette durée « la chronaxie » et le seuil liminaire d'excitation « la Rhéobase ». Ses premiers résultats suggèrent que les fibres rapides possèdent de petites

chronaxies et sont plus faciles à exciter que les fibres lentes à grande chronaxie. La différence entre les intensités liminaires, est d'autant plus grande que les

courants de stimulations sont plus brefs (Lapicque, 1926,1936).

Ce concept, Lapicque en a fait un principe fondamental du système nerveux et une théorie nouvelle, « l'isochronisme ». Partant de mesures

systématiques réalisées avec sa femme, il met en évidence que les nerfs et les muscles qu'ils innervent ont la même chronaxie :

Le muscle strié a même chronaxie que son nerf moteur : fait expérimental contraire à la doctrine classique, étrange en regard de la totale indifférence

de structure entre les deux tissus, d'une démonstration directe si délicate qu'elle donne facilement prise à la critique, mais fait expérimental tout de même, qui

s'imposait à moi de plus en plus malgré mes préjugés contraires. Le curare, sans toucher à la chronaxie nerveuse, augmente la chronaxie musculaire... quand les

chronaxies des deux tissus présentent entre elles un écart déterminé, en sorte que l'arrêt de la transmission semble dû à cet hétérochronisme (Lapicque, 1938).

Il complète sa théorie en 1928, en proposant que ces valeurs soient sous le contrôle d'un centre régulateur capable d'agir sur la vitesse fonctionnelle

des neurones en modifiant les chronaxies. Il parle de « chronaxies de subordination ». En l'absence de centres supérieurs, on parle de « chronaxies de constitution

» tenant à la nature même du neurone. Une auto régulation réflexe provenant de la sensibilité musculaire différencie la chronaxie des antagonistes et permet

d'aiguiller les influx entre commandes antagonistes en assurant la coordination des mouvements. La « chronaximétrie », en devenant un moyen de tester l'état

central, se place à côté de l'école Pavlovienne qui essaie, elle aussi, depuis le début du siècle de tester les excitations et les inhibitions de l'extérieur en notant

l'intensité des réponses à des signaux comme par exemple, la salivation... Paul Chauchard (1912-2003), un disciple, va même jusqu'à situer le centre régulateur

dans la formation réticulée (Chauchard, 1960).

Cette théorie très ambitieuse dont Lapicque avait fait un dogme, va s'avérer sans fondements scientifiques. Les mesures de la « chronaxie » se révèlent

être extrêmement sujettes à caution. La détermination expérimentale d'un seuil révèle que la limite entre les intensités efficaces n'est pas franche et qu'elle fluctue,

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même pour une fibre isolée. Plus grave, la valeur de la chronaxie n'est pas stable et baisse avec l'épaisseur de la gaine de tissu conjonctif autour des fibres

nerveuses. La mesure au niveau d'un large tronc nerveux est plus élevée que sur une branche nerveuse plus fine. Plus inquiétant encore, les chronaxies dépendent

de la taille des électrodes et sont liées à leurs résistances (suivant la loi V = RI). Malgré la brillante théorie qu'il a imaginé, Lapicque parait, au milieu des années

trente, être parti sur une fausse piste. La discussion fut pourtant longue et âpre entre William Albert Hugh Rushton (1901-1980), Harry Grundfest (1903-1984) et

Lapicque. Entre 1930 et 1935, à cinq articles de Lapicque, répondent cinq articles de Rushton et un de H. Grundfest dans le Journal de Physiologie de Londres

(voir Lapicque, 1932 et Rushton, 1932). Les arguments et les contre arguments démontrent à l'évidence que de telles mesures ne méritent pas un tel intérêt.

Keith Lucas, le maître de Rushton, avait montré que la chronaxie pouvait varier d'une préparation à l'autre et qu'elle différait entre nerfs et muscles. Il

avait trouvé deux types d’excitabilités, une chronaxie courte qui devait correspondre à l'excitabilité du nerf, l'autre beaucoup plus longue, due sans doute à une

excitation directe du muscle. Grâce au curare capable de bloquer la conduction du nerf au muscle, il avait été constaté que la première chronaxie disparaissait

alors que celle de longue durée persistait. Lapicque ne niait pas l'effet du curare mais l'interprétait comme dû à la disparition de l'isochronisme. Rushton reprend

les expériences de Lucas et confirme les approximations du concept. Il avoue d'ailleurs que si la théorie de l'isochronisme a été abandonnée, ce n'est pas du fait de

ses propres articles mais parce qu'elle ne pouvait cadrer avec les travaux sur l'acétylcholine de Henry H. Dale et de William Feld berg et encore moins avec les

enregistrements de S.W. Kuffler et de Bernard Katz au niveau synaptique. Par la suite, Rushton a changé de sujet d'étude pour s'intéresser aux pigments visuels.

Quant à Lapicque, sa position dominante au Collège de France lui permet de faire perdurer une physiologie à son image, il faudra attendre qu'Alfred Fessard

(1900-1980) soutenu par Henri Pieron (1881-1964), d'abord timidement puis avec vigueur propose une autre physiologie où les travaux de l'école anglaise

seraient lus et appréciés à Paris. Il ira visiter E. Adrian, travaillera à Arcachon avec Feldberg et Nachmanson sur l'acétylcholine de l’organe électrique de

torpille. C'est véritablement à Fessard que nous devons la relance, malgré le retard, de l’ensemble de l'école française (Debru étal., 2008).

Revenons à la mesure de la vitesse de l'influx nerveux.

Hermann von Helmholtz

Hermann von Helmholtz (1821-1894) est l'un des plus grands savants du dix-neuvième siècle et l’un des derniers esprits scientifiques à large spectre. Il commença par étudier la médecine et la chirurgie et servit comme chirurgien militaire tout en poursuivant

des études de sciences (mathématiques, chimie, physiologie) et de philosophie. Elève du physiologiste berlinois Johannes Müller, il

s’éloigna cependant du vitalisme de son maître pour adopter une vision plus progressiste de la physiologie, imprégnée de phys ique et de

chimie, ce qui le conduisit à l'étude des phénomènes physicochimiques du travail musculaire. En 1847, il lut à la Société Physique de Berlin son célèbre mémoire sur la conservation de la force (Über die Erhaltung der Kraft) dans lequel il développait les prin cipes

mathématiques de la conservation de l'énergie et leurs applications dans des domaines allant de la mécanique à la physiologie. Ses

contributions ultérieures n'eurent pas moins d'importance dans leur variété: mesure de la vitesse de l’influx nerveux, physiologie

sensorielle (optique physiologique, théorie des sensations auditives), hydrodynamique, thermodynamique chimique, électrodynamique, épistémologie, philosophie, esthétique (avec son collègue Ernst Brücke), n'eurent pas moins d’importance. Marqué par sa premi ère

éducation kantienne - en particulier par la théorie de la structure a priori de l'expérience dont on trouve des traces dans le mémoire sur la

conservation de l'énergie - il adopta cependant une théorie empiriste de la perception pour laquelle l'acquisition des structures perceptives

dépend de l'expérience, à savoir de la mise en jeu des appareils sensoriels, et des jugements inconscients qui se forment alo rs. Se différenciant du transcendantalisme kantien qui identifie la structure a priori de l'espace à la géométrie euclidienne, Helmholtz soutint que

la géométrie euclidienne présuppose des faits d'expérience, comme la translation et la congruence, également présupposés dans les

géométries non euclidiennes. Indépendamment de Riemann et après lui, Helmholtz développa le concep t de variété à n dimensions.

Helmholtz fut un des scientifiques les plus influents du dix-neuvième siècle par sa combinaison de philosophie empiriste, de théorie mécaniciste, de traitement mathématique, et de recherche de principes unificateurs.

Sa découverte, en 1850, de la vitesse de propagation de l’influx nerveux constituait la réfutation des idées de Johannes Müller,

qui pensait que l’influx nerveux se propage d'une manière quasi instantanée, trop rapidement pour donner lieu à une mesure. L a mesure de

la vitesse de l'influx nerveux est fondatrice pour le domaine de la psychophysiologie car elle implique qu'il existe un décal age entre la réception d'un stimulus et la perception, et pose en même temps la question des processus d'élaboration de la perception consciente, à

l'étude de laquelle Helmholtz consacrera également des recherches. Mais la mesure du temps mis par l’influx nerveux pour parcourir une

longueur donnée ne pouvait être réalisée que grâce à des dispositifs élaborés d'expérimentation et d’enregistrement, posant des problèmes

d'instrumentation et d’interprétation physiologique.1 Comment mesurer un temps très court, la durée entre l’excitation électr ique du nerf et la réponse musculaire (le « temps perdu», qui se compte en dix-millièmes de seconde) sur de petites distances (la longueur du nerf

sciatique innervant le muscle gastrocnémien de grosses grenouilles est de 50 à 60 millimètres) ? Helmholtz utilise d'abord po ur cela la

technique du physicien Claude Pouillet (1791-1868) qui utilise l'amplitude de la déviation du galvanomètre comme mesure de la durée de

passage d’un courant électrique dans un circuit .2 La mesure est comparative: le nerf est stimulé électriquement soit près du muscle soit plus loin. La réponse musculaire est décrite par le mouvement d’un poids accroché au muscle (un dispositif qui donnera ultérieurement lieu à de

belles découvertes). Cependant, dans la deuxième note, Helmholtz substitue à la technique de Pouillet un dispositif plus mani able: le poids

est muni d'un style qui enregistre les mouvements de contraction musculaire sur un cylindre tournant enduit de noir de fumée. Ces

techniques sont également utilisées par Helmholtz pour étudier les propriétés de la contraction musculaire. Les travaux de Helmholtz sur la mesure de la vitesse de propagation de l'influx nerveux sont considérés comme marquant les débuts d'une nouvelle ère de précision pour

l'expérimentation physiologique, reposant sur les développements d'une instrumentation physique applicable à divers domaines.

1 Sur ce qui suit. cf. l'étude détaillée de Henning Schmidgen. Die Helmholtz-Kurven. Auf der Spur der veriorenen Zeit. Merve Verlag Berlin 2009. La première note, traduite par Emile Du Bois-Reymond à partir du rapport préliminaire de Helmholtz transmis par Johannes Müller

à l’Académie des sciences de Berlin en janvier 1850 et publié dans la revue Archiv fùr Anatomie. Physiologie und wissenschaft liche Médian

(1850, p. 71-73). a été transmise à l’Académie des sciences de Paris par Alexandre de Humboldt. associé étranger de l'Académie des sciences,

qui en outre jouait toujours un rôle diplomatique important entre Berlin et Paris. Le 5 mars 1850. Du Bois - Reymond venu à Paris présente à l’Académie des sciences (et le 30 mars à la Société philomatique) ses recherches sur l'électricité animale et relate également les expériences de

Helmholtz. Une deuxième note est publiée dans les Comptes rendus en 1851. Le manuscnt. qui n'a pas été publié dans son intégralité, comporte

deux dessins de tracés et un texte explicatif non publiés alors. Ces dessins ainsi que les enregistrements originaux correspondants sous forme de

plaques photographiques conservées aux Archives de l'Académie des sciences ont été publiés par Henning Schmidgen dans le volume susmentionné. La commission désignée selon l'usage par l’Académie pour examiner les communications de Helmholtz est composée de

Flourens. Magendie et Pouillet. Le registre « Mise à l'étude 1848-1855» ne comporte aucune remarque écrite des rapporteurs.1

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2 Claude Pouillet. « Note sur un moyen de mesurer des intervalles de temps extrêmement courts, comme la durée du choc des corps

élastiques, celle du débandement des ressorts, de l'inflammation de la poudre etc. ; et sur un moyen nouveau de comparer les intensités de courants électriques, soit permanents, soit instantanés». Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences, vol. XIX. 1844. p. 1384-1389.

L'amplitude de la déviation du galvanomètre est vue comme dépendant de l’intensité du courant mais aussi du temps pendant lequel il exerce son

action. L’appareil est capable de déceler des intervalles de l'ordre du dix-millième de seconde.

Jusqu'au milieu du XIXe siècle, on a cru que les messages sensoriels ou les commandes motrices se déplaçaient à une vitesse trop rapide pour pouvoir

être analysée. En fait, Hermann Helmholtz (1769-1859) un autre élève de Müller, caractérise cette vitesse en trouvant un chiffre beaucoup plus faible que celui

attendu. Elle ne dépasse pas, pour le nerf de grenouille, quelques dizaines de mètres à la seconde. Professeur de physiologie à Kônisberg, Helmholtz expérimente

sur le nerf sciatique de grenouille et fait ses mesures en utilisant un myographe à pendule de son invention (Meulders, 2001). La méthode repose sur le principe

mis au point en 1844 par le Français Claude Pouillet (1790-1868) pour suivre la vitesse d'un projectile. Le courant électrique circule dans le fils de platine d'un

galvanomètre jusqu'à temps que le muscle se contracte. Le galvanomètre est devenu un « galvanoscope ». Après avoir présenté ses premiers résultats à Berlin, il

fait paraître le 25 février 1850 une première note aux comptes rendus de l'Académie des Sciences où il expliquait :

J'ai trouvé qu'il faut à l’irritation nerveuse, pour arriver du plexus du sciatique au muscle gastrocnémien d’une grenouille, un espace de

temps qu’il n’est pas trop difficile d'évaluer... La distance entre les points irrités du nerf étant de 50 à 60 millimètres, l'irritation nerveuse a mis à

parcourir cet espace 0.0014 à 0.0020 de seconde (60 millimètres parcourus en 0.0014 de seconde reviendraient à peu près 43 mètres par seconde; 50

millimètres en 0.0020, à 25 mètres). Les grenouilles avaient été conservées à une température de 2 à 6 degrés centigrades, et la température du

laboratoire était de 11 à 15 degrés. Ces dernières données ne sont pas sans intérêt ; en effet, j’ai trouvé qu'à des températures plus basses,

correspondaient de moindres vitesses de propagation de l'agent nerveux... (M. Helmholtz transmis par M. de Humboldt. Comptes rendus de l’Académie

des Sciences, 1850,30, pp. 204-206).

Une deuxième note est publiée, mais avec une méthode différente, plus précise et moins sujette à discussion. Ces données et celles apportées peu de

temps après par Valentin, EJ. Marey, du Bois-Reymond et Frans Cornélius Donders (1818-1889) fournissent enfin une quantification précise de la vitesse de

conduction. Helmholtz, fait aussi des mesures chez le sujet humain et estime la vitesse à 60 mètres par seconde soit le double de celle qu'il a obtenu sur les nerfs

de grenouille. Une conduction aussi lente en étonne beaucoup qui ne peuvent imaginer que l'activité nerveuse ne soit pas instantanée. Cette vitesse prend une

toute autre dimension quand se pose la conduction dans le cerveau, c'est-à-dire lorsque les chercheurs ont voulu aborder le temps nécessaire pour produire « la

pensée ». Un tel défi est en fait lié aux débuts de la psychophysique. Cette nouvelle discipline qui consacre la psychologie allemande a pourtant été lancée par un

ophtalmologiste hollandais Donders (1818-1889) qui posait la question : « La pensée n'aurait-elle pas non plus la vitesse infinie qu'on lui attribue habituellement,

et serait-il possible de mesurer le temps nécessaire pour la formation d'une idée ou pour la détermination de la volonté ? ».

Ces recherches remontent en fait au germano-suisse, Adolph Hirsh (1830-1901), astronome et psychologue. L'étude du ciel posait le problème de la

vitesse d'observation des étoiles entre individus ; de nombreux scientifiques avaient noté souvent un désaccord dans le comportement de chacun, certains mettant

beaucoup moins de temps que d'autres à faire la même observation. Hirsh donne à cette durée entre le temps d'impression du signal et la réaction individuelle, le

nom de «temps physiologique». Le physiologiste autrichien Sigmund Exner (1846-1926) propose ultérieurement l'expression de «temps de réaction ». L'objectif

central de Hirsh consiste à mesurer la rapidité des opérations physiologiques impliquées au cours des observations astronomiques et à corriger les erreurs

individuelles souvent signalées plutôt que de faire un ajustement moyen basé sur les différences entre observateurs. Grâce à l'utilisation du chronoscope de Hipp

capable de faire des mesures au 1/1000e de seconde, Il présente le 8 novembre 1861 à la Société des Sciences de Neuchâtel une communication en français

intitulée : « Expériences chronoscopiques sur la vitesse des différentes sensations et de la transmission nerveuse » et publiée l'année suivante (1862). Il définit là,

la notion de «temps physiologique» comme le temps écoulé entre la présentation du stimulus, sa conduction au cerveau, son traitement par le système nerveux

central, sa transmission aux nerfs moteur et la contraction musculaire finale. Il observe que ce temps varie suivant l'organe sensoriel, la réaction à une

stimulation tactile étant plus brève que pour une stimulation auditive ou visuelle (Debru, 2006). Dans le cas de la stimulation tactile, la réponse est plus rapide si

la stimulation est sur la joue que sur la main ou encore sur le pied (11 centièmes de seconde, 14 et 17 centièmes). Ces travaux ont le plus souvent été oubliés et

l'on a retenu que ceux de H. Helmholtz, de F.C. Donders, de Baxt et d'Exner. C'est Wilhem Wundt (1832-1920) et son élève américain James Mc Keen Cattell

(1860- 1944), qui ont définitivement démontré par leurs expériences l'intérêt du paradigme du « temps de réaction ». En 1874, dans ses

GrundzügederPhysiologischen Psychologie (1874, chapitre 19), il résume les travaux de ses prédécesseurs et y ajoute les siens. Le temps nécessaire pour faire

intervenir la pensée se décompose en deux temps physiologiques (la transmission sensorielle et la transmission motrice) et deux temps psychologiques (la durée de

la perception et la durée de la réaction). Le temps de la transmission est à peu près connu quant à la durée des deux actes internes, elle peut être déduite grâce à

des dispositifs expérimentaux compliquant ou facilitant l'acte de perception ou l'acte de réaction. Dans de tels cas, on peut en attribuer les variations soit au

premier acte psychologique soit au second.

Julius Bernstein (1839-1917), élève à la fois de Helmholtz et de du Bois-Reymond caractérise, en 1868, l'onde nerveuse circulant dans les nerfs et

montre qu'elle correspond à une variation négative de courant. Grâce à la mise en oeuvre d'un appareil un « rhéotome différentiel », capable de mesurer des

courants avec des temps extrêmement courts, il démontre que l'onde négative produite ne dépasse pas 0,7 milliseconde et que cette variation négative apparaît

d'autant plus tardivement après la stimulation, que l'électrode de dérivation est éloignée de l'électrode de stimulation. Il trouve une vitesse de conduction de

l'ordre de 28 m/s confirmant ainsi que l'onde négative circule à la même vitesse que l'influx, c'est donc le même phénomène. Helmholtz montre que l'énergie

électrique peut provenir de l'énergie chimique comme cela se passe dans les tissus vivants, suivant la formule : F = U + T dF/dT où F est l'énergie électrique et U

l'énergie chimique. Bernstein, dès 1902, fait une analyse thermodynamique de la force électromotrice capable de créer le potentiel de repos dans les nerfs et les

muscles. Il propose plusieurs hypothèses sur l'origine du potentiel de repos en comprenant le phénomène : l'intérieur des nerfs et des fibres musculaires est riche

en potassium et pauvre en sodium et en chlore ; puisque certains ions comme le sodium ne passent pas à travers les membranes, Il émet l'hypothèse que le voltage

a pour origine la différence de concentration entre l'intérieur et l'extérieur de la cellule comme le prédisait la loi de Nernst. Il tente plusieurs fois de vérifier cette

idée sans aller plus avant.

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Ludimar Hermann (1838-1914) fait aussi partie de cette brillante école de Berlin. Au départ grand ami de du Bois- Reymond il se brouille avec lui dès

1868 et part pour Zurich jusqu'en 1884 puis rejoint Königsberg. Il réfute la thèse de « l'électrotonus » comme l'expression d'un courant autour du nerf et du

muscle, hypothèse de nombreux auteurs dont Matteucci et du Bois-Reymond. Il en donne, lui, une explication rigoureuse, en démontrant qu'il s'agit de la diffusion

d'un courant autour des structures excitables dû à un arrangement particulier du système physique. Il considère le protoplasme des fibres nerveuses comme un

noyau conducteur dans lequel la polarisation se réalise à la surface des fibres à la limite du protoplasme et du liquide interstitiel. Il a été un des premiers à

orienter les problèmes de conduction au niveau de la membrane.

Il s'oppose encore à du Bois-Reymond sur la mise en place du courant. N'ayant pas observé de courant dans le nerf au repos, il rejette la notion de

force électromotrice préexistante; Il pense que seule une lésion provoque un courant de repos alors que les courants liés à l'activité sont d'une autre nature.

Hermann publie en 1879 le Handbuch der Physiologie, qui sera pendant au moins trente ans l'ouvrage de référence de la physiologie allemande. Le premier

volume concerne les muscles et leurs propriétés, le second, les nerfs. Il définit deux lois essentielles sur la conduction des fibres nerveuses. Celle du courant

d'action où le segment excité est négatif par rapport au reste de la fibre et celle de l'excitation électrique qui précise qu'une fibre est excitée lorsqu'elle est soumise

à une polarisation négative. De ces principes, Hermann en déduit que des courants locaux « s'écoulent » du segment au repos vers la partie excitée, négative.

Cette négativité se communique de proche en proche, la région située juste après l'excitation se polarise à nouveau se trouvant dans un état réfractaire.

L'excitation ne peut se propager que dans une direction. Par contre, dans une fibre stimulée artificiellement, l'activité, née sous la cathode, excite les segments

situés de part et d'autre de la zone où elle a été créée et peut se propager uniformément dans deux directions opposées. Toujours sur la grenouille, c'est lui qui

découvre que l'amplitude de l'onde circulante est supérieure à la négativité elle-même caractérisant un « dépassement ou overshoot » dont nous verrons plus loin

l'importance dans les mécanismes mêmes de la conduction. Les courants locaux seront confirmés par les expériences de Rafael Lorente de No (1902-1990) qui les

a matérialisés sur un nerf sciatique de grenouille géante (1947). Le nerf long de 26 mm repose sur une feuille de papier filtre de 30 x 20 cm, imbibée de liquide

physiologique. En stimulant le nerf sciatique il induit des potentiels d'actions et mesure grâce à des électrodes placées en divers lieux du plan occupé par le milieu

conducteur, les différents potentiels produits en des points plus ou moins éloignés du nerf. De l'ensemble des tracés, il reconstruit le graphique de la répartition

des courants à l'instant t et visualise ainsi le champ électrique qui se propage avec les potentiels d'action. Les charges électriques qui s'écoulent le long de lignes

de courant, perpendiculaires aux lignes équipotentielles présentent une intensité qui obéit à la loi d'Ohm. Le milieu dans lequel est placé le nerf joue un rôle

essentiel dans la conduction.

En 1899, Walther Nernst ( 1864-1941 ) énonce une théorie déjà très élaborée sur l'excitation des fibres nerveuses. Le point de départ repose sur les

faits établis par d'Arsonval, démontrant que les courants alternatifs de fréquence élevée n'excitent pas les nerfs et les muscles. Pour expliquer cette inefficacité,

Nernst considère la façon dont à l'échelle moléculaire, les phénomènes rendent compte du passage d'un courant électrique à travers les tissus. Il remarque que de

nombreux électrolytes ne sont pas répartis de façon homogène entre l'intérieur et l'extérieur des cellules. Il compare la membrane cellulaire à une séparation

semi-perméable opposée à l'égalisation ionique par diffusion. Si un courant traverse les tissus, les ions qui ne peuvent pas franchir la membrane s'accumulent en

créant des différences de concentrations. Dans le cas d'un courant continu, les différences de concentrations augmentent avec la durée du passage du courant, par

contre dans le cas des courants alternatifs, où le sens du courant change toutes les demi-périodes, les différences de concentrations sont d'autant plus faibles que

la fréquence est plus élevée. Nernst suggère qu'une réaction chimique lente se produit grâce aux différents ions accumulés de part et d'autre de la membrane. Il

définit une loi d'excitation qu'il tentera de vérifier expérimentalement.

Avant d'aller plus loin, les connaissances histologiques en renouvelant le paysage structurel du tissu nerveux vont jouer un rôle capital dans la

compréhension des phénomènes électriques à venir.

Champ de potentiel produit dans un plan par le potentiel d’action d’un nerf, a : schéma du dispositif expérimental. a 1 : vue en coupe, n : nerf, me : milieu conducteur constitué par une feuille de papier filtre imbibée de solution de Ringer. S : support isolant, h : huile, isolant servant à limiter la diffusion des courants du choc électrique de stimulation délivré par st. a2 : vue de dessus, n : nerf, e : électrode mobile de dérivation. a3 : position de 9 points de dérivation dans le plan conducteur, b : potentiels recueillis au niveau des 9 points de la figure a3, au moment de la propagation du potentiel d'action dans le nerf, c : champ de potentiel et lignes de courant (fléchées) à l'instant t2 construites à partir des tracés de potentiel b (les chiffres sont relatifs aux potentiels exprimés en unités arbitraires). D'après Lorente de No, A study of nerve physiology, New York, Rockefeller Inst. Med. Res., 1947.

La doctrine du neurone

On peut s'étonner de la difficulté d'approche du tissu nerveux, mais la consistance même de cette matière molle a posé d'infinis problèmes de fixation ;

la texture très complexe d'un tel tissu empêchait de réaliser une pièce histologique convenable, observable entre lame et lamelle au microscope. Après A. van

Leeuwenhoek 1632-1723), c'est Felice Gaspar Ferdinand Fontana (1730-1805), directeur du musée d'Histoire naturelle de Florence qui est le premier à décrire

une fibre nerveuse et à observer la repousse de nerf. Sur un lapin, le nerf vague ayant été sectionné 29 jours avant le sacrifice de l'animal, il fait l'étude des fibres

régénérées et décrit les « cylindres nerveux passant sans interruption d'une part à l'autre de la partie sectionnée ». Il ne mentionne pas de canal interne, ce qui est

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extrêmement important vis-à-vis de ceux qui croient encore au passage d'une substance dans les nerfs. Parallèlement on commence à voir des cellules nerveuses.

L'académicien français René Dutrochet (1776-1847) décrit dans les ganglions d'escargots ou de limaces de très gros corps cellulaires (1824) et les considère

comme de véritables sources d'énergies transmises au nerf et conduites jusqu'au muscle.

Jan Purkinje (1787-1869), professeur de physiologie à l'université de Breslau, construit un microtome qui lui permet de réaliser des coupes fines et de

les observer sur un nouveau type de microscope. Après des études de philosophie, Purkinje devient médecin à Prague. C'est le fondateur de l'histologie (John

1959), ses recherches sur la vision en ont fait un pionnier de l'ophtalmologie clinique. Le premier, il décrit dans le cœur les fibres dites de Purkinje. Il se rend

célèbre en intervenant au congrès des naturalistes et des médecins allemands à Prague en 1837. Il repère aussi dans le cervelet la couche des très gros neurones

dont l’arborescence est remarquable et qu'on associe à son nom : les cellules de Purkinje. Parmi ses élèves deux scientifiques sont à retenir: Gabriel Valentin

(1810-1883) et Rudolph Kôlliker (1857-1908). À ce moment-là, on ne fait pas encore le lien entre les fibres et les corps cellulaires, Il faut attendre Robert Remak

(1815-1865), un jeune Polonais, pour proposer que les axones décrits dans les nerfs aient pour origine des corps cellulaires localisés dans les centres.

Théodore Schwann (1810-1882) découvre en 1839, la gaine de myéline dépôt secondaire de graisse, qui entoure les axones. C'est lui qui ancre

définitivement la théorie tissulaire et démontre l'utilisation de l'oxygène dans le développement embryonnaire. Il caractérise le rôle des enzymes comme la pepsine

et la bile dans la fonction digestive comme celui des bactéries dans les mécanismes de fermentation et de putréfaction du tissu organique. Rudolf Virchow (1821-

1902) prend une place internationale éminente en donnant une grande impulsion aux études histologiques physiologiques ou pathologiques. Il découvre la

leucémie et propose une implication majeure de l'irritation locale dans le cancer, il est pionnier dans l'étude des pigments pathogènes et grâce à la mise au point

de diverses méthodes, il apporte de précieux renseignements sur le cerveau et la moelle épinière, il découvre aussi les cellules gliales. Son rayonnement atteint

l'Europe entière. Charcot se réfère à lui.

Une des figures les plus attachantes de cette époque en pleine exploration histologique est sûrement Otto Deiters (1834- 1863) qui est formé par

Virchow. La réalisation de ses coupes de tissus nerveux et ses études histologiques font autorité. Malheureusement il meurt brutalement du typhus, à l'âge de 29

ans. Le manuscrit inachevé qu'il laisse est mis en forme par Max Schultze (1825-1874) qui le publie sous forme d'une monographie en 1865 sous le titre

Investigations sur le cerveau et la moelle épinière de l'homme et des mammifères. Schultze, qui travaille avec Deiters, développe des méthodes de fixation et de

coloration que ce dernier avait su parfaitement utiliser. Le tissu nerveux se trouve durci grâce à une conservation dans un liquide composé d’acide chromique ou

de bichromate de potassium. Coupé en sections sériées ou dilacéré après microdissection grâce à de très fines aiguilles, le tissu laisse apparaître certains groupes

de cellules ou de fibres. Les figures, de toute beauté, détaillent les différents composants des cellules. On reconnaît par exemple des motoneurones de la moelle

épinière avec leurs corps étoilés et leurs prolongements ; certains diversifiés et de petite taille ressemblent aux dendrites. L'un d'eux, cependant, de par sa position

et sa forme particulière semble se prolonger beaucoup plus que les autres, c'est l'axone ou le cylindraxe (figure). Deiters soutient qu'il n'y a pas d'anastomoses

avec les autres cellules nerveuses. La théorie cellulaire des neurones remonte à Schwann et à Wilhelm His (1831-1904) qui donnent aux courts diverticules le nom

de dendrites malgré des méthodes histologiques rudimentaires et à Kolliker qui nous l'avons vu, émet l'hypothèse que les cylindraxes des nerfs correspondent aux

longs prolongements des corps cellulaires de la substance grise bien que ce point reste encore contesté. Louis Ranvier (1835-1922), qui publie en 1869 avec son

ami Victor-André Cornil (1837-1908) un manuel d'histologie pathologique, est préparateur au Collège de France. Il est l'anatomiste de Bernard et devient

professeur dans une chaire d'anatomie en 1875. En 1871, il traite le nerf sciatique de grenouille vivant, à l'acide osmique et le dissocie, ce qui lui permet de

décrire les étranglements qui porteront son nom (Ranvier, 1875). Il n'en a pas saisi d'emblée toute la portée et pense qu'ils servent à la nutrition des éléments

nerveux comme le laisse croire une coloration au picro-carminate qui pénètre progressivement.

La structure anatomique du neurone (motoneurone de la moelle épinière). On distingue, au centre, le corps cellulaire ou soma, avec son noyau,

l'arborisation dendritique, avec ses branches multiples et ramifiées, et l’axone unique qui émerge du corps cellulaire. D'après un dessin de Deiters, publié dans un

ouvrage posthume, 1865.

C'est alors qu'éclate une des plus violentes querelles de la fin de ce siècle : le système nerveux serait-il un immense réseau ou toutes les cellules

communiqueraient entre elles ou est-il composé de cellules individualisées ? Joseph von Gerlach (1820-1896), se veut le chef de file des « réticularistes » ; grâce

aux méthodes au carmin et au chlorure d'or, il a décrit des réseaux distincts de fibres, des plexus entre les neurones qui semblent relier les différents somas entre

eux (1872).

À l'opposé, des histologistes défendent l'idée d'un système nerveux composé d'unités isolées, de cellules élémentaires comme dans tous les autres tissus

du corps humain. Dieters et Kolliker soutiennent que les axones sont indépendants entre eux, mais ils croient, par contre, à un véritable réticulum entre les

dendrites.

Camillo Golgi et Santiago Ramón y Cajal

Parallèlement, à la fin du XIXe siècle, ce seront les progrès dans l'optique et la chimie qui permettront de découvrir grâce à la coloration des coupes histologiques du tissu nerveux et leur observation au microscope, la structure et l'organisation des ne urones. Deux

figures incontournables de cette découverte. Camillo Golgi et Santiago Ramón y Cajal partageront ainsi tous les deux le Prix Nobel de

physiologie et médecine en 1906.

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The Nobel Prize in Physiology or Medicine 1906 was awarded jointly to Camillo Golgi and Santiago Ramón y Cajal

"in recognition of their work on the structure of the nervous system"

http://hobertlab.org/wp-content/uploads/2013/03/DeCarlos_2007.pdf

http://www.biusante.parisdescartes.fr/chn/docpdf/morphologie.pdf

Les travaux de Ramón y Cajal participaient aux débats de l'époque sur la validité de la théorie cellulaire.

En 1838, le botaniste Matthias Jakob Schleiden postulait que toutes les plantes étaient formées de cellules et formulait sa théorie sur la formation

indépendante des cellules (proposition suscitant de nombreuses recherches et rejetée au final au profit de la mitose). En 1839, Théodore

Schwann démontrait l'existence de cellules dans les tissus d'animaux. Toutefois, l'organisation du cerveau restait alors un sujet de controverses.

La position dominante considérait le tissu nerveux comme une exception à la théorie cellulaire et le décrivait sous forme d'une structure réticulaire. En 1873, l'Italien Camillo Golgi développait une méthode de coloration argentique permettant de visualiser la morphologie cellulaire.

En 1894, Ramón y Cajal pressentait lors d'une conférence à Londres (Croonian Lectures) ses arguments en faveur de cellules individualisées

comme élément de base du tissu nerveux, les neurones. Il posait alors les bases du développement des neurosciences.

Camillo Golgi (1843-1926) entre alors en scène. Médecin à la maison des Incurables à Abbiategrasso, près de Milan, il travaille dans la cuisine de

l'hôpital transformé en laboratoire et découvre une technique de coloration nouvelle du tissu nerveux qui va révolutionner toutes les réalisations précédentes.

L'histoire a tout de la fiction et, paradoxe ! la plus fidèle et la plus chaleureuse description de cette découverte a été faite par son pire ennemi, Ramón y Cajal

dans son livre fondamental :

Camillo Golgi (1843-1926) Santiago Ramón y Cajal (1852-1934)

Un morceau de tissu nerveux traînait depuis quelques jours, durcissant dans du liquide de Muller pur ou mélangé d'acide osmique.

Distraction d'histologiste ou curiosité de savant, le voilà immergé dans un bain de nitrate d'argent. Les aiguilles rutilantes, aux reflets chatoyants d'or,

attirent bientôt l'attention. On le sectionne, on déshydrate ses coupes, on les éclaircit, on les regarde. Spectacle inattendu ! Sur un fond jaune d'une

translucidité parfaite, apparaissent, clairsemés, des filaments noirs, lisses et minces ou épineux et épais, des corps noirs, triangulaires, étoilés,

fusiformes ! On dirait des dessins à l'encre de Chine sur un papier transparent du Japon. L'œil, habitué aux inextricables lacis des coupes au carmin et

à l'hématoxyline où l'esprit s'efforce en des prodiges de critique et d'interprétation toujours en suspens, est déconcerté. Ici, tout est simple, clair, sans

confusion. Il n'y a plus à interpréter, il n'y a qu'à voir et constater cette cellule aux multiples branches, rameuses, couvertes de givre, embrassant de

leurs ondulations un espace étonnement grand ; cette fibre lisse et égale, qui née de la cellule, s'en éloigne à des distances énormes, et, tout d'un coup,

s'épanouit en une gerbe d'innombrables fibres bourgeonnantes ; ce corpuscule confiné à la face d'un ventricule, d'où il envoie une tige se ramifier

jusqu'à la surface de l'organe; d'autres cellules étoilées, comme des comatules ou des phalangides. Émerveillé l'œil ne peut se détacher de cette

contemplation. Le rêve technique est réalité ! L'impression métallique a fait cette dissection fine inespérée. C'est la méthode de Golgi ! {tome 1, pp. 28-

29).

L'intérêt de la technique réside dans sa réussite partielle (figure). Si seulement quelques cellules réagissent au colorant celles qui sont imprégnées le

sont sur toute leur longueur jusque dans leurs diverticules les plus fins, le reste de la coupe demeure incolore. Golgi publie sa première note sur la «reazione

nera» en 1873, dans la Gaietta Medica Italiana. Un article plus important sur le bulbe olfactif parait en 1875 où il démontre toutes les ressources et les

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possibilités de cette technique. Très vite célèbre dès les publications suivantes, il obtient un poste de professeur à l'université de Pavie. Pour la première fois, on

peut étudier des ensembles neuroniques, leurs prolongements et leurs différents contacts. On aurait pensé avoir résolu la fameuse polémique. Hélas ! Golgi

soutient que les dendrites ont un rôle nutritif en réunissant les vaisseaux sanguins aux corps cellulaires (Mozzarello, 2000). En étudiant les axones, il croit voir

que leurs terminaisons donnent lieu à des réseaux enchevêtrés. Il se met dans le camp de Gerlach (Shepherd, 1991). Logique avec lui- même, il imagine un

système nerveux purement unitaire et défend les théories holistiques en se démarquant fortement d'Hitzig et de Ferrier.

.

Rappelons l'importance de l'Italien en tant que biologiste cellulaire. Au-delà de sa technique si novatrice sur le système nerveux, il met en évidence de

nombreuses structures gliales. En 1878, il identifie dans les muscles, les organes tendineux éponymes (voir plus loin). Entre 1886 et 1892, il élucide le cycle de

l'agent de la malaria : le plasmodium. En 1898, c'est toujours à lui qu'on doit la description d'une structure cellulaire fondamentale, l'appareil réticulaire interne

responsable de la mise en place et du trafic intracellulaire des protéines, appareil appelé dès cette époque « l'appareil de Golgi ». Cette gloire mondiale a soutenu

jusqu'au bout, la théorie « réticulariste » alors que le clan opposé devenait chaque jour plus important !

La « réaction noire » des sels d'argent de Camillo Golgi. D’après une coupe du cortex cérébral (Institut Cajal, Madrid).

En 1886, His par exemple conclut que la transmission d'un stimulus dans les organes sensoriels peut se faire sans continuité directe. Il observe sur des

tissus embryonnaires que les éléments semblent se développer suivant une certaine contiguïté et non par une fusion à quelque niveau que ce soit. Auguste Forel

(1848-1937) parvient à la même conclusion en suivant l'atrophie des cellules nerveuses à la suite de sections de nerfs ou de dégénérescences systématiques. Il

utilise lui-même la technique de Golgi mais n'a jamais pu mettre en évidence les anastomoses dont parle l'Italien. Fridtjof Nansen (1861 -1930), un Norvégien,

adopte la même méthode pour des neurones d'invertébrés et là aussi, il ne peut colorer aucun réseau entre les différentes cellules mises en évidence.

La preuve définitive de l'existence de neurones identifiés, sans la présence d'un réticulum fusionnel, va être apportée par Santiago Ramón y Cajal

(1852-1934) (figure). Né en Aragon, il vit à l'écart en Espagne. Dès 1887, il maîtrise la coloration de Golgi. Pourtant très rapidement il apporte à la « reazione

nera » des améliorations méthodologiques significatives : il augmente la concentration de bichromate de potassium, allonge de 1 à 6 jours, le temps

d'imprégnation dans le nitrate d'argent, et utilise en général, de petits et de jeunes mammifères, lorsque la myéline n'occupe pas encore toute la préparation.

Moins développée l'organisation est donc moins compliquée, comme la myéline est moins dense, le colorant pénètre mieux. Cajal dispose d'échantillons de bien

meilleure qualité que les autres histologistes (Ramón y Cajal, 1894). Il observe ses coupes avec un microscope doté d'un objectif « Zeiss ». Cet objectif de grande

ouverture, extrêmement moderne pour l'époque lui est offert par le gouvernement de Zaragoza pour le remercier de son aide pendant l'épidémie de choléra. Il

réalise des préparations épaisses pour avoir une plus grande profondeur de champ, pour suivre sur une plus grande distance, les différents prolongements d'une

même cellule. En général il observe et étudie très longtemps ses coupes, les regarde à différentes profondeurs pour bien repérer les multiples contacts. Ensuite,

sans plus s'intéresser à elle, il dessine l'ensemble. C'est un artiste dont la précision scientifique provoque l'admiration de tous ! Ramón y Cajal fait son entrée dans

le petit monde de l'histologie nerveuse au congrès de Berlin de 1889. C'est là qu'il rencontre Kolliker qui enthousiasmé par ses préparations lui fait connaître

toute la communauté. L'Allemand qui, au début de sa carrière a défendu la théorie « réticulariste », reprend les observations de Cajal et après avoir lu les

premiers articles de l'Espagnol, s'empresse de les traduire en allemand. À cette même réunion, Cajal fait la connaissance de Wilhelm von Waldeyer (1836-1921)

qui publiera deux ans plus tard la revue de base de la doctrine du neurone. Il y précisera que cette cellule est « une entité bien définie » et que les relations entre

les neurones ne sont pas directes. Cajal comptait lui-même présenter cette théorie, il s'était fait devancé ! En 1890, Cajal démontre comment les axones se déve-

loppent à partir des cônes de croissance. Cette approche tirée de l'embryologie conforte la théorie neuronique. Ses travaux sont d'abord publiés en espagnol en

1899 et en 1904 (« textura del sistema nervioso del hombre y de los Vertebrados ») puis en français en 1909 et en 1911 grâce à une excellente traduction du

docteur Azoulay, Histologie du système nerveux de l'homme et des vertébrés. Le problème des connexions entre neurones est abordé par le physiologiste Charles

S. Sherrington (1857-1952). Foster, son maître lui ayant confié un chapitre dans le traité qu'il écrit sur la physiologie, il en profite pour créer un nouveau terme

pour définir les connexions entre neurones, « les synapses ». La preuve définitive de l'identité d'un neurone devra cependant attendre plus de cinquante ans et la

mise en fonction de microscopes électroniques. C'est en 1955 que Palade proclame qu'il existe un espace entre deux neurones, une fente synaptique de 200 à 400

angstrôms, là où se fait le lien à distance entre une membrane pré et postsynaptique.

Théorie réticulaire et théorie du neurone. Pour Golgi (schéma de gauche), les neurones sont en continuité. Pour Cajal (schéma de droite),

les neurones sont en contiguïté.

L'académie Nobel est bien malicieuse en 1906 d'accorder la même année, sa récompense suprême à deux personnalités aussi différentes que Golgi et

Cajal. Si le choix est judicieux, les deux hommes ne s'aiment pas ! Golgi a failli au départ refuser de se rendre à Stockholm recevoir son prix. Il a une amertume

tenace ayant l'impression que l'Espagnol triomphe en utilisant beaucoup mieux que lui sa propre technique (figure). La remise des prix a lieu le 10 décembre au

soir avec un discours d'accueil prononcé par K. Mornes, le recteur de l'Institut Royal du Karolinska. Ses propos très prudents n'évoquent pas l'opposition

séparant les deux hommes, il essaie seulement de s'en sortir avec élégance. D'un côté il décrit comme exemple de fonctionnement nerveux, un réflexe ainsi que

l'arrivée des afférences dans des régions localisées du corps, de l'autre il insiste sur la complexité de l'organisation nerveuse et des difficultés :

Le système nerveux central apparaît aussi confus qu'un ensemble de filaments, chacun aussi fin que les fils d'une toile d'araignée et de

cellules microscopiques composées de processus cellulaires. Il a été impossible d'isoler les composants individuels de spécimens de tissus nerveux,

comme il a été impossible de savoir comment par des techniques de colorations, une seule cellule nerveuse avec ses prolongements peut être considérée

comme une seule entité !

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On ne fait pas plus ambigu ! Golgi reste sur la réserve et ne répond pas aux propos aimables de Cajal. Comme c'est l'habitude les récipiendaires

donnent le lendemain de la cérémonie officielle une conférence, l'Italien prononce la sienne en français sur « La doctrine du Neurone : théorie et faits ». Non

seulement il ne se rallie pas à une idée maintenant solidement établie, mais essaie de démontrer que la notion même de neurone est une erreur fondamentale. La

seule fonction importante qu'il défend dans le système nerveux, est le réseau :

J'ai reconnu l'existence de ces réseaux de nombreuses années avant que la théorie du Neurone ait présenté son apparence triomphante sur

la scène scientifique. C'est un véritable organe nerveux qui a ainsi été trouvé dans le détail des différences dans toutes les couches de la substance grise

du système nerveux. Ce qui m'est apparu comme d'une importance capitale en regard du rôle de ce réseau dans le fonctionnement du système nerveux

central a été sa structure même; je peux ici donner une description des différents éléments indispensables à sa formation...

L'ensemble du discours est sur ce ton, agressif, sans aucune concession, comme une dernière bataille... sachant que la guerre est perdue! Son exposé

sera une suite d'attaques contre les défenseurs de la théorie ennemie, de Waldeyer à Cajal qu'il ne citera pas une fois ! La violence de cet homme qui se trompe

complètement quant à la morphologie neuronique mais qui intuitivement sans le savoir, n'a pas fonctionnellement entièrement tort, a quelque chose de pathétique.

En défendant des structures en réseau, on aurait aujourd'hui mieux analysé ses errements !

Le lendemain, Cajal présente à son tour, sa communication en français aussi, sur « Structure et connexions des neurones ». Sans se démonter, avec sa

force de caractère, ses arguments rigoureux et la tranquillité de l'homme qui sait qu'il est dans le vrai, il expose point par point la théorie neuronique. Il définit la

cellule nerveuse comme une entité morphologique en rappelant que c'est Golgi lui-même qui en a donné les meilleurs arguments. Dès l'introduction, il énonce :

Les cellules nerveuses sont des individualités morphologiques, des neurones, suivant le mot consacré par l'autorité du professeur Waldeyer.

Cette propriété fut déjà démontrée par mon illustre confrère le professeur Golgi à l'égard des prolongements dendritiques ou protoplasmiques des

cellules nerveuses.

Bien qu'anatomiste, il présente la circulation des influx dans les prolongements du neurone suivant leurs polarisations, circulation centripète dans les

dendrites et centrifuges dans les axones. Il commente ses plus belles planches anatomiques, de la moelle épinière au cortex et décrit dans les corps cellulaires le

réticulum neurofibrillaire expliquant qu'il évolue suivant l'état du neurone. Il termine en retournant les arguments utilisés par les réticularistes, que ce soit au

cours de la dégénérescence d'un nerf ou au cours de l'embryogenèse. La solidité de sa démonstration est éclatante !

Cajal a marqué à jamais l'histoire des neurosciences en définissant le neurone aussi bien au niveau anatomique, physiologique, génétique et

métabolique (De Felipe et Jones, 1988 ; De Felipe, 2002). En dehors de ses descriptions des différentes régions cérébrales, il a aussi combattu de nombreuses

théories fausses et a eu une vision tout à fait prophétique sur le fonctionnement nerveux (Sotello, 2003). Un exemple parmi d'autre doit être mentionné à propos de

la théorie « neurotrophique » : Cajal pense dans les années 1890, que les cônes de croissance des neurones sont orientés vers leurs cibles comme les bactéries

vers les toxines produites, il suit les théories de l'École de Pasteur à Paris sur les mouvements amiboïdes des microbes et envisage un mécanisme chimiotactique.

Il travaille alors sur la dégénérescence et la régénération des fibres nerveuses. L'Allemand Bethe (1872-1954) affirme qu'à la suite de la section d'un nerf

périphérique, la partie périphérique peut régénérer sans l'aide de la partie centrale et croit à un véritable syncytium remodelant l'organisation nerveuse. À cette

époque, la « théorie caténaire » selon laquelle les axones des nerfs au lieu d'être le résultat de l'accroissement de l'expansion des neuroblastes, proviennent de la

fusion d'un grand nombre de corpuscules ectodermiques se dirigeant vers la périphérie.

Ces éléments reliés en chaîne seraient le siège d'une différentiation fibrillaire continue qui aboutirait à la construction de très nombreux axones

fusionnés avec les neurones médullaires. La théorie réticulariste revenait sous forme d'une «théorie neurotrophique » défendue par le Suédois J. Forssman. Ce

dernier avait fait des sections de nerfs en empêchant que les deux parties se joignent et il observait à nouveau un développement de la partie périphérique sans

contact avec la partie centrale... Les résultats de Cajal, présentés dans son ouvrage publié en 1913-1914, Estudios sobre la degeraciónyia regeneración del

sistema nervioso, démontrent que la régénération d'axones périphériques provenant de la partie centrale coupée se fait par pénétration dans le manchon axonique

périphérique, quel que soit l'obstacle que l'on place entre les deux parties. De plus, il prouve que les substances qui aident à la repousse proviennent des cellules

de Schwann. Pour le montrer, il utilise deux sections de nerf périphérique, l'une non traitée et l'autre en présence de chloroforme pour tuer les cellules de

Schwann environnantes. La repousse n'a lieu qu'avec des cellules de Schwann vivantes. Cajal démontre brillamment que toute repousse nerveuse repose sur la

présence de substances périphériques, en particulier dans les gaines de Schwann. Il est dommage que cette étude n'ait pas eu de suite... Il faudra attendre les

travaux de Andrew Lumsden et Alun Davies (1986) qui avec une autre méthode, une culture, ont montré que les axones sensoriels du noyau trigéminal sont attirés

lors du développement, par leur cibles périphériques.

Ecole allemande et son influence

http://www.vetopsy.fr/comportement/ethologie/ethologie-histoire-courant-neurophysiologiste.php Au début du XIXe, l'école allemande est celle qui a apporté le plus de rigueur aux études menées dans ces domaines :

Johannes Peter Müller (1801-1858), fondateur de l'école allemande, fut le professeur d'Helmholtz, Carl Ludwig (1816-

1895), Theodoe Schawnn (1810-1882) et Rudolf Virchow (1821-1902), les auteurs de la théorie cellulaire, et Wundt. Il collabora avec

Dubois-Reymond et travailla, entre autres, sur les sensations ( infos);

Emil Heinrich du Bois-Reymond (1818-1896), physiologiste allemand, est l'un des fondateurs de l'électrophysiologie et l'un des plus

virulents antivitalistes et matérialistes ( infos) ;

Hermann Von Helmholtz (1821-1894) fut le chef de file de l'école expérimentale allemande. Il travailla sur les réflexes, l'audition et

la perception des couleurs ( infos). il fut le professeur de Hall, Sechenov et Wundt ;

Wilhelm Max Wundt (1832-1920) fonda le premier laboratoire de psychologie scientifique, en 1879, à Leipzig. Il est considéré

comme le père du structuralisme en psychologie ( infos).

Granville Stanley Hall (1844-1924) fut le chef de file du fonctionnalisme en psychologie infos). Il a fondé le premier laboratoire de psychologie scientifique aux États-unis et la première revue scientifique en psychologie (American Journal of Psychology)

Ernst Heinrich Weber (1795-1878) considéré comme précurseur de la psychologie expérimentale etGustav Fechner (1801-1887) à

l'origine de la loi qui porte leur nom ( infos) ;

Eduard Pflüger (1829-1910), qui outre ses travaux sur la respiration cellulaire et l'embryologie, travailla sur les réflexes de la grenouille. Une grenouille, dont la moelle a été sectionnée, enlève avec ses pattes un papier buvard imprégné d'acide placé sur la peau de son dos.

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Au milieu du XIXe siècle, Claude Bernard (1813-1878) et Charles Scott Sherrington (1857-1952) font largement progresser la

neurophysiologie. A partir de ce moment, la psychologie travaillera en étroite collaboration avec ce courant neurophysiologique.

Tous ces scientifiques recherchent les causes qu'ils estiment purement mécaniques des comportements, même complexes.

A. Bethe, dans ses expériences sur le guidage des fourmis le long des pistes en 1898 ( infos), déduit que ces insectes ne sont que des machines réflexes sans sentiments ni volition.

Jacques Loeb (1859-1924), en étudiant les tropismes, du grec " faire tourner ", pense avoir découvert les causes mécanistes de tout comportement. « Ces tropismes détermineraient obligatoirement, les mouvements des plantes et des animaux, non seulement des espèces animales les plus inférieures, mais encore des plus élevées de la série zoologique, même de l’homme. »

Tous ses travaux vont déboucher sur la réflexologie et sa physiologie surtout dominée par l'école russe.

Ecole russe et son influence

Les premiers travaux significatifs de réflexologie sont ceux d'Ivan Sechenov ou Setchenov (1825-1905) dont le livre principal

est " Les réflexes du cerveau " est écrit en 1863. Il démontra les rôles facilitateurs et inhibiteurs du cerveau sur la réflexivité de la moelle

en travaillant sur la grenouille.

Le concept d'inhibition commençait à se préciser avec Weber ( cf. plus haut), puis plus tard avec Sherrington <.

N'oublions pas qu'à l'époque ce terme de réflexe est de signification très large tendant à désigner presque tous les comportements. Même Freud parlait de réflexe verbal lors d'abréaction.

Sechenov travailla avec Claude Bernard ( cf. plus haut), Helmholtz et Müller ( cf. plus haut) et influença fortement Pavlov (

cf. plus bas).

A la même époque, signalons les travaux de Edward Thorndike (1874-1949), à l'origine du mouvement behavioriste ( infos),

qui découvrit l'apprentissage par essai et erreurs ou conditionnement opérant ( infos).

La réflexologie russe est dominée par deux grands scientifiques :

Vladimir Mikhailovich Bekhterev (1857-1927), qui collabora avec Wundt ( cf. plus haut), travailla sur l'anatomie cérébrale et les réflexes conditionnés ; Bekhterev découvrit de nombreuses structures cérébrales et est le premier à avoir présenti le rôle de

l'hippocampe dans la mémoire ( infos). Ivan Petrovitch Pavlov (1849-1936).

Pavlov est à la base de la découverte du conditionnement classique et de ses lois ( infos). Pavlov explique que tous les

comportements ne sont qu'une suite de réflexes conditionnés ou non conditionnés. Il a obtenu le prix Nobel en 1907 pour son

travail sur le système nerveux central.

Toutes ces écoles rejettent le concept d'instinct des vitalistes ( infos) et vont se rejoindrent dans la psychologie comparative expérimentale.

C’est aussi au 19ème siècle, que Von Helmholtz éradique définitivement la philosophie vitaliste de l'anatomie et de la

physiologie, et mesure la vitesse de l'impulsion nerveuse (27.25 m/s) pour s'intéresser, dans la même perspective, à la visio n et à l'audition.

A cette époque, d'après les expériences effectuées sur les grenouilles, seules les contractions musculaires étaient censées être commandées

par les impulsions électriques.