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1 LES BOURBONS Le livre capital de notre ami Maître Godbout, L’orgueil et la déchéance 1 , qui donne les documents prouvant les trahisons qui ont mérité les châtiments de la Révolution, révèle (en citant Louis Amiable), que Louis XVI était franc-maçon. Cette accusation ayant choqué plusieurs lecteurs, voici les éléments que nous avons trouvés à ce sujet. Auparavant, voici un autre document peu connu, cité par Alain Le Bihan dans Loges et Chapitres de la Grande Loge et du Grand Orient de France (2 è moitié du XVIII è ) 2 , p. 211 : "Saint-Flour (Cantal) "Loge SAINT-VINCENT "Constituée par le G.O. le 26 juin 1788, pour prendre rang au 12 avril, la loge fut installée par celle de Sully, du même orient, le 1 er septembre suivant. "Député : Dubois de Niermont. "En 1801, les deux loges de Saint-Flour furent reconstituées sous le titre de la Parfaite Union. "[Voir J. Delmas, "Les Loges maçonniques de Saint-Flour au XVIII è s.", Bull. historique et scientifique de l’Auvergne, 1897. - Delmas signale que le 1 er septembre 1788, lors de l’installation de la loge de S t Vincent, le comte d’Antil prononça "un discours sur l’origine de la maçonnerie dont le style ne le cède en rien à la docu- mentation". Ceux qui surent ne pas se contenter de cette présentation, parfaitement vide, du discours de Pierre- Joseph d’Antil de Ligonez, membre de la loge des Elus de Sully, et qui se reportèrent au texte, y découvrirent une phrase à sensation : "Le comte de Clermont reçut le duc de Villeroi, le fils du gouverneur et l’amy de Louis 15 qui initia ce prince à nos mistères ainsi que son favori Bontemps avec lequel ce Roy, si amy de l’humanité, tenait assez souvent Loge dans ses appartemens". "Il reste à M. Chevallier de l’avoir révélée au grand public et d’avoir discuté, avec autorité, de ce qu’il est permis d’en déduire. (Les Ducs sous l’Acacia, p. 173 à 179).]" Ainsi LOUIS XV AVAIT ETE INITIE FRANC-MAÇON ! On comprend pourquoi il ne lutta pas contre la maçonnerie, mais fut d’une violence sans pareil contre les Jésui- tes 3 . Louis Amiable, référence maçonnique dont les écrits ne sont pas à prendre avec légèreté, écrit dans Une loge Maçonnique d’avant 1789, la RLLes Neufs Soeurs, Alcan 1897, p. 96 : "Le roi Louis XVI était franc-maçon. Pour lui et pour ses deux frères, le comte de Provence et le comte d’Artois, avait été fondée, le 1 er août 1775, "à l’orient de la Cour", une loge dénommée "la Militaire-des- Trois-Frères-Unis"(1). C’était alors la seconde année du règne de ce roi de vingt ans qui avait pour ministres Turgot et Malesherbes, radieuse aurore dont les promesses ne furent pas tenues. Le caractère philanthropique de l’institution, l’attrait du mystère, l’antiquité des traditions, l’exemple et les exhortations de leur cousin le duc de Chartres, voilà sans doute ce qui avait amené les trois augustes frères à recevoir l’initiation. Ils ne tar- dèrent pas, vraisemblablement, à se refroidir pour une association dont l’esprit progressiste et réformateur ne put leur échapper ; mais ils n’allèrent pas jusqu’à rompre avec elle. C’est pour cela que Louis XVI, lorsqu’il vint se réconcilier avec les Parisiens trois jours après la prise de la Bastille, fut reçu à l’entrée de l’Hôtel-de- Ville avec les honneurs maçonniques de la "voûte d’acier". Et, après la mort de Louis XVIII, une pompe fu- nèbre fut célébrée par le Grand Orient pour honorer la mémoire de ce roi, "protecteur de la franc- maçonnerie". 1 Éditions Saint-Rémi. Important. Préface de L-H Remy. 2 Ouvrage édité en 1967 par la Bibliothèque nationale, par la Commission d’Histoire économique et sociale de la Révolu- tion Française, Tome XX, Mémoires et documents. Il n’y a rien de plus sérieux. 3 Si pour un évêque on peut dire : "Dis-moi qui tu crosses, je te dirai qui tu es", les choix amis-ennemis des Rois expli- quent leurs actes. Pour le débauché et misérable Louis XV, monarque "sans moeurs entouré de ministres sans foi" (abbé Barruel), ce fut net: il trahit les engagements de son sacre. Lire Godbout. Bernard Lazare : "Sans l’abolition des Jésuites, la Révolution n’eût pas été possible". Revue Internationale des Sociétés Secrètes du 16-6-1929, p. 582. Voltaire à Helvétius, 1761 : "Une fois que nous aurons détruit les Jésuites, nous aurons beau jeu de cet infâme régime de ces gardes du Pape".Id, p. 581.

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    LES BOURBONS

    Le livre capital de notre ami Matre Godbout, Lorgueil et la dchance1, qui donne les documents prouvant les trahisons qui ont mrit les chtiments de la Rvolution, rvle (en citant Louis Amiable), que Louis XVI tait franc-maon. Cette accusation ayant choqu plusieurs lecteurs, voici les lments que nous avons trouvs ce sujet.

    Auparavant, voici un autre document peu connu, cit par Alain Le Bihan dans Loges et Chapitres de la Grande Loge et du Grand Orient de France (2 moiti du XVIII)2, p. 211 :

    "Saint-Flour (Cantal) "Loge SAINT-VINCENT "Constitue par le G.O. le 26 juin 1788, pour prendre rang au 12 avril, la loge fut installe par celle de Sully,

    du mme orient, le 1er septembre suivant. "Dput : Dubois de Niermont. "En 1801, les deux loges de Saint-Flour furent reconstitues sous le titre de la Parfaite Union. "[Voir J. Delmas, "Les Loges maonniques de Saint-Flour au XVIII s.", Bull. historique et scientifique de

    lAuvergne, 1897. - Delmas signale que le 1er septembre 1788, lors de linstallation de la loge de St Vincent, le comte dAntil pronona "un discours sur lorigine de la maonnerie dont le style ne le cde en rien la docu-mentation". Ceux qui surent ne pas se contenter de cette prsentation, parfaitement vide, du discours de Pierre-Joseph dAntil de Ligonez, membre de la loge des Elus de Sully, et qui se reportrent au texte, y dcouvrirent une phrase sensation :

    "Le comte de Clermont reut le duc de Villeroi, le fils du gouverneur et lamy de Louis 15 qui initia ce prince nos mistres ainsi que son favori Bontemps avec lequel ce Roy, si amy de lhumanit, tenait assez souvent Loge dans ses appartemens". "Il reste M. Chevallier de lavoir rvle au grand public et davoir discut, avec autorit, de ce quil est

    permis den dduire. (Les Ducs sous lAcacia, p. 173 179).]" Ainsi LOUIS XV AVAIT ETE INITIE FRANC-MAON !

    On comprend pourquoi il ne lutta pas contre la maonnerie, mais fut dune violence sans pareil contre les Jsui-tes3.

    Louis Amiable, rfrence maonnique dont les crits ne sont pas prendre avec lgret, crit dans Une loge Maonnique davant 1789, la RL Les Neufs Surs, Alcan 1897, p. 96 :

    "Le roi Louis XVI tait franc-maon. Pour lui et pour ses deux frres, le comte de Provence et le comte dArtois, avait t fonde, le 1er aot 1775, " lorient de la Cour", une loge dnomme "la Militaire-des-Trois-Frres-Unis"(1). Ctait alors la seconde anne du rgne de ce roi de vingt ans qui avait pour ministres Turgot et Malesherbes, radieuse aurore dont les promesses ne furent pas tenues. Le caractre philanthropique de linstitution, lattrait du mystre, lantiquit des traditions, lexemple et les exhortations de leur cousin le duc de Chartres, voil sans doute ce qui avait amen les trois augustes frres recevoir linitiation. Ils ne tar-drent pas, vraisemblablement, se refroidir pour une association dont lesprit progressiste et rformateur ne put leur chapper ; mais ils nallrent pas jusqu rompre avec elle. Cest pour cela que Louis XVI, lorsquil vint se rconcilier avec les Parisiens trois jours aprs la prise de la Bastille, fut reu lentre de lHtel-de-Ville avec les honneurs maonniques de la "vote dacier". Et, aprs la mort de Louis XVIII, une pompe fu-nbre fut clbre par le Grand Orient pour honorer la mmoire de ce roi, "protecteur de la franc-maonnerie".

    1 ditions Saint-Rmi. Important. Prface de L-H Remy.

    2 Ouvrage dit en 1967 par la Bibliothque nationale, par la Commission dHistoire conomique et sociale de la Rvolu-

    tion Franaise, Tome XX, Mmoires et documents. Il ny a rien de plus srieux. 3 Si pour un vque on peut dire : "Dis-moi qui tu crosses, je te dirai qui tu es", les choix amis-ennemis des Rois expli-quent leurs actes. Pour le dbauch et misrable Louis XV, monarque "sans murs entour de ministres sans foi" (abb Barruel), ce fut net: il trahit les engagements de son sacre. Lire Godbout. Bernard Lazare : "Sans labolition des Jsuites, la Rvolution net pas t possible". Revue Internationale des Socits Secrtes du 16-6-1929, p. 582. Voltaire Helvtius, 1761 : "Une fois que nous aurons dtruit les Jsuites, nous aurons beau jeu de cet infme rgime de ces gardes du Pape".Id, p. 581.

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    (1) Relativement cette loge, voir ltude documente que lauteur de la prsente monographie a publie dans la revue La Rvolution franaise, cahier de dcembre 1895 (t. XXIX, p. 326-333), sous ce titre : "Les Bourbons francs-maons".

    Nous avons pu avoir une photocopie de ltude documente ; en voici le texte intgral :

    I. LES BOURBONS FRANCS-MAONS "M. Aulard a reu de M. Louis Amiable lintressante lettre quon va lire : Aix-en-Provence, le 25 septembre 1895, "Monsieur et cher confrre, "Notre confrre M. Monin a publi sous ce titre, dans la Revue Bleue du 25 mai dernier, une intressante

    tude dont il avait donn lecture, le 3 mars prcdent, la sance annuelle de la Socit de lhistoire de la Rvolution. En ayant eu un peu tardivement connaissance, jai vu quil y avait lieu de corroborer et de recti-fier le travail de notre rudit confrre, en sa partie principale, daprs certains documents manuscrits quil ne lui avait pas t possible de consulter et daprs des documents imprims qui sont peu connus. Jai d atten-dre loccasion dun rcent voyage Paris pour vrifier sur place mes notes antrieures et pour obtenir lauto-risation de faire usage des renseignements puiss la source manuscrite. Je suis maintenant en mesure dclairer dune clart plus vive le curieux point dhistoire tudi par M. Monin ; et je crois devoir en faire profiter lorgane de notre Socit.

    "Ce point dhistoire est la participation de Louis XVI et de ses deux frres, qui rgnrent plus tard sous les noms de Louis XVIII et de Charles X, une loge maonnique qui est dnomme dans le travail de M. Monin la loge des TROIS-FRERES A LORIENT DE LA COUR. Notre confrre se base sur le passage suivant dun discours prononc dans une "pompe funbre clbre par le Grand-Orient de France, le 25 novembre 1824, la mmoire de Louis XVIII, roi de France, protecteur de la Maonnerie" :

    "La reconnaissance ne nous permet plus de cacher ce mystre. Une loge fut cre en 1775 parmi les gar-des-du-corps Versailles, sous le titre distinctif des TROIS-FRERES A LORIENT DE LA COUR ; et lon a dj p-ntr lallgorie lgre qui couvre ce glorieux patronage. Force plus tard, hlas ! de renoncer ce nombre ternaire si chri, elle reprit ses travaux sous un autre titre. Elle existe encore dans cet orient, pleine de vi-gueur et de force, et fire de ce prcieux souvenir.

    "Ce tmoignage est vridique ; mais il nest que dune exactitude approximative, lorateur de 1824 ayant parl daprs des souvenirs, non daprs des documents.

    "En 1775, Louis XVI rgnait depuis un an, ayant succd le 10 mai 1771 son grand-pre Louis XV, et avait le sage Turgot pour un de ses principaux ministres. Il tait g de vingt ans, tant n le 23 aot 1754.

    "En 1775, le Grand-Orient de France existait depuis deux ans, stant substitu la Grande Loge de France, en 1773, par une rvolution dont le duc de Montmorency-Luxembourg avait pris linitiative et qui avait marqu une re de rgnration pour la franc-maonnerie franaise. Le Grand-Orient avait pour chef nominal et dcoratif, sous le titre de grand-Matre, un prince de la famille royale, alors g de vingt-six ans, Louis-Philippe-Joseph dOrlans, duc de Chartres, qui devint un peu plus tard duc dOrlans, la mort de son pre et qui mourut sur lchafaud, en 1793, portant le nom de Philippe-Egalit. Il est permis de croire que les trois augustes frres furent incits par lexemple et les exhortations de leur cousin se faire agrger lassociation maonnique, qui pouvait dj compter parmi ses adeptes deux ttes couronnes, Frdric Il, roi de Prusse, et lempereur Franois, pre de la reine Marie-Antoinette.

    "Le 17 aot 1775, le Grand-Orient, en sa chambre des Provinces, tait saisi dune demande en constitu-tion par une loge qui venait de se former lO de Versailles et qui se dnommait : L Royale et Militaire des TROIS-FRERES-UNIS. Le rapport sur cette demande fut confi au F Lamarque ; et laffaire fut renvoye une prochaine assemble pour y tre statue.

    "Le 7 septembre, la constitution fut accorde, sur le rapport du F Lamarque. Seulement la qualification de "royale" fut carte comme trop significative ; mais, dautre part, la dsignation de Versailles fut rempla-ce par celle de "la Cour". Le nouvel atelier fut donc constitu, pour prendre rang du 1er aot prcdent, sous le titre distinctif de L. MILITAIRE-DES-TROIS-FRERES-UNIS, A LO DE LA COUR. Telles sont les constata-tions consignes dans le registre des procs-verbaux de la chambre des Provinces, qui est conserv aux ar-chives du Grand-Orient.

    "La loge ainsi constitue et dnomme figure sur des documents imprims que lon peut qualifier doffi-ciels et qui forment toute une srie de 1776 1789.

    "On la trouve dabord sur un "Tableau alphabtique des loges constitues ou reconstitues par le Grand-Orient de France", en vingt-huit pages grand in-4, runi en un recueil factice avec les actes de la fondation du Grand-Orient et de son fonctionnement avant 1777, sous le titre de "Circulaire du G O", dont il existe

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    un exemplaire la Bibliothque de la ville de Paris jointe au muse Carnavalet. La Cour y est place entre Compigne et le Croisic. Ce premier tableau lui donne pour vnrable le F Minette de Saint-Martin, exempt des gardes-du-corps de Monsieur, pour dput au G O labb Le Clerc, et indique ladresse chez le F Simonet, commis du bureau de la Guerre.

    "A partir de 1777, sous le titre dEtat du Grand-Orient de France, fut imprim un recueil priodique de format in-8, qui devait paratre en fascicules trimestriels et former un tome pour chaque anne. La publica-tion ne fut rgulire quen 1777 et en 1778. Six fascicules imprims en 1779, 1780 et 1781 forment un troi-sime tome. Ces trois premiers volumes existent dans diverses bibliothques, notamment celle du Grand-Orient et la Bibliothque nationale. Deux autres tomes sont rarissimes, peut-tre introuvables dans leur in-tgralit. Le quatrime comporte des fascicules parus en 1783 et 1784. Le cinquime en comporte de 1785 et 1786, peut-tre mme de postrieurs. De ces deux derniers volumes je ne connais que trois fascicules, quune heureuse occasion a mis entre mes mains : la premire et la seconde partie du tome quatrime, la quatrime partie du tome cinquime.

    "Ce recueil fournit cinq tableaux des loges, savoir celui de 1777 (t. II, 2 partie) ; celui de 1779 (t. III, 3 partie) ; celui de 1781 (t. III, 6 partie) ; celui de 1783 (t. IV, 2 partie), celui de 1786 (t. V, 4 partie). La MI-LITAIRE-DES-TROIS-FRERES-UNIS se retrouve dans ces cinq tableaux.

    "Dans ceux de 1777-1783, lOrient de La Cour est class la lettre L : ainsi, celui de 1783, il figure aprs Joigny, entre La Charit-sur-Loire et La Fre. Il est remarquer, sur ce dernier tableau, que la dsigna-tion de la Cour y est devenue simplement quivalente de Versailles ; car elle sert pour deux autres loges nouvellement constitues dans cette ville, le PATRIOTISME, qui date de 1780, et la CONCORDE, qui est de 1782. Le vnrable nest plus un militaire en 1777, cest le F Schmidt, commis de la Marine ; en 1783, le F Chauvet, commis de la Guerre. Quant au dput, nous apprenons que labb Le Clerc, rest investi de ce mandat, nest pas un ecclsiastique quelconque, mais bien un dignitaire ayant lattache de la curie romaine, en dpit des bulles de Clment XII et de Benot XIV qui avaient excommuni les francs-maons. Cest labb Le Clerc de Saint-Etraint, protonotaire apostolique, commandeur de lordre du Christ de Portugal, demeurant Paris, rue des Jeneurs.

    "En 1786, la MILITAIRE-DES-TROIS-FRERES-UNIS est mise hors pair et place en relief, tandis que le PA-TRIOTISME et la CONCORDE restent classes comme il vient dtre dit. Elle figure en tte des loges des corps militaires, comme investie dune dignit particulire, avant celles des Gardes du Roi, des Mousquetaires et de la Gendarmerie de France. Le vnrable est toujours un civil, le F Chauvet ; mais labb Le Clerc de Saint-Etraint est remplac, comme dput, par le F de Castel, chevalier de lordre royal et militaire de Saint-Louis, marchal des logis des gardes-du-corps de Monsieur, frre du Roi, rue des Ecouffes, au Marais.

    "Vers cette poque, le Grand-Orient, pour raisons dconomie et de commodit, a cess limpression des tableaux des loges en format in-8, et la reprise dans le format in-32 : ce sont les petits volumes annuels du "Calendrier du G O", continus aujourdhui sous le nom dannuaires. Sa bibliothque possde les calen-driers de 1785, 1787, 1788 et 1789, o la MILITAIRE-DES-TROIS-FRERES-UNIS est place comme au tableau de 1786.

    "Voil donc dix documents imprims, officiels, qui confirment et accentuent limportance spciale et uni-que de la loge dont il est ici question.

    "M. Monin aurait pu rapprocher du tmoignage de 1821 un fait bien connu de tous ceux qui se sont oc-cups de lhistoire de la Rvolution et popularis nagure par un tableau de J.-P. Laurens, la Vote dacier.

    "Reportons-nous au 17 juillet 1789, troisime jour aprs la prise de la Bastille. Louis XVI vient Paris pour se rconcilier avec les Parisiens. A la barrire du Point-du-Jour, le maire Bailly, qui est franc-maon, lui a prsent les clefs de sa capitale. Le carrosse du roi est prcd par le franc-maon La Fayette, comman-dant en chef de la garde nationale, dont le moindre signe est obi de tous. Arriv lHtel-de-Ville, le roi y entre en passant sous la vote symbolique forme par des francs-maons qui croisent leurs pes au-dessus de sa tte.

    "Prenons les trois histoires de la Rvolution franaise qui ont eu jusqu prsent le plus grand nombre de lecteurs. Thiers (2 dition, 1828, t. I, p. 109) mentionne simplement cet accueil comme un signe dhonneur. Michelet, (dition de 1879, t. I, p. 211) y voit "un honneur bizarre emprunt aux usages maonniques, qui semblait double sens, et qui pouvait faire croire que le roi passait sous les Fourches-Caudines". Louis Blanc (dition de 1878, t. III, p. 208) insiste davantage, et apprcie mieux :

    "En passant devant le Pont Neuf, le roi dut tre doucement rassur par la vue des bouquets de fleurs que les femmes du peuple avaient placs lembouchure et la lumire de chaque canon, ide char-mante qui dune menace de guerre faisait un symbole damour ; mais la place de Grve, il eut contempler une crmonie trange. La plupart des rvolutionnaires, nous lavons dit, taient affilis aux

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    socits secrtes de la franc-maonnerie. Or, quand un frre tranger se prsente en visiteur dans une loge, sil est revtu des hauts grades, les membres de la loge se rangent sur son passage, et joignant leurs pes au-dessus de sa tte, ils forment ce quon appelle la vote dacier. Cet Honneur singulier fut rendu Louis XVI au moment o il mit pied terre pour monter les degrs de lHtel-de-Ville. Dun pas ferme, il savana sous le berceau des lames croises, et au bruit des applaudissements, il entra dans la grande salle. "La crmonie ne parut pas trange Louis XVI, pour qui elle avait dj t pratique en loge. Il fut, cette

    fois encore, honor en franc-maon par des francs-maons. "Depuis assez longtemps dj, limportance historique de la L MILITAIRE-DES-TROIS-FRERES-UNIS, bien

    quignore du grand public et manquant encore dune dmonstration complte, navait pas chapp aux ru-dits en franc-maonnerie. Elle a t signale, il y a trente ans, dans une Histoire du Grand Orient de France (sans nom dauteurs, Rennes et Paris, 1865, 1 vol. in-12, p. 71) par un homme qui a appartenu ltat-major du Grand Orient, le F Jouaust, alors avocat Rennes, mort, il y a peu dannes, juge au tribunal civil de Nantes. Cet auteur, comme la fait ensuite M. Monin, sest bas uniquement sur le discours solennellement prononc en 1821. Mais il a vit lerreur commise par notre confrre, en ce qui touche la loge qui, sous la Restauration, semblait continuer celle fonde lOrient de la Cour en 1775. Cette loge ne peut pas avoir t la TRINITE, qui fut constitue lOrient de Paris, le 3 dcembre 1783, pour prendre rang du 25 septembre prcdent, et qui figure sur les tableaux alphabtiques postrieurs en mme temps que la MILITAIRE. Ce fut probablement la loge des SOUTIENS DE LA COURONNE, constitue le 25 septembre 1814, avec lagrment du roi, parmi les gardes du corps de la compagnie de Raguse.

    "En 1869, dans une communication insre au Bulletin du Grand Orient de France (25 anne, p. 76-79), un autre franc-maon minent, le F Poulle, aprs avoir voqu le souvenir de la vote dacier pratique le 17 juillet 1789 et avoir cit le passage du livre de Jouaust, fit connatre un document tout fait probant qui venait dtre mis en sa possession, cest--dire un diplme en date du 19 jour du 12 mois de lan de la vraie lumire 5780 (19 fvrier 1781), dlivr par le Grand Orient, au nom dun F Jacques Franois F..., garde-du-corps du roi, en qualit de "matre et membre de la loge SAINT-JEAN, rgulirement constitue lOrient de La Cour, sous le titre distinctif de la MILITAIRE-DES-TROIS-FRERES-UNIS". Ce diplme avait t donn au F Poulle par le petit-fils du titulaire.

    "M. Monin doit tre remerci pour avoir appel lattention de nombreux lecteurs sur un sujet jusque l peu connu.

    "Il nest pas indiffrent quon sache que les trois derniers rois de France (Louis-Philippe ayant t roi des Franais), ont particip cette association maonnique qui a prpar la Rvolution franaise.

    "Veuillez agrer, Monsieur et cher confrre, lexpression de mes sentiments les plus dvous et bien sym-pathiques.

    LOUIS AMIABLE. "M. H. Monin, qui nous avons communiqu la lettre de M. Amiable, nous a rpondu quil navait jamais cru avoir puis la question des Bourbons francs-maons. Il est heureux que sa communication ait provoqu les recherches de M. Amiable, et que ces recherches aient abouti sur plusieurs points des rsultats plus pr-cis que ceux quil avait pu lui-mme obtenir.

    Fin de la monographie de Louis Amiable

    II. IMPORTANCE DE LINITIATION MAONNIQUE Pour traiter de cette question, nous nous rfrerons au livre remarquable : Linitiation maonnique de Char-

    les Nicoullaud, avec prface de Mgr Jouin, Perrin, 1913. Nicoullaud tait le directeur de la "Revue Internatio-nale des Socits Secrtes" et son ami Mgr Jouin lui crit dans la prface :

    "Lunit dorigine oriente loccultisme et la maonnerie vers un but commun : la double ruine de lglise et de la socit. Mais lun et lautre ont une tactique qui leur est propre. La Maonnerie, plus ou moins fidle au Grand Architecte de lUnivers, fut, ds 1717, adogmatique et rationaliste. Ses adeptes, lors-quil leur reste quelque discipline de lesprit et un peu de sincrit, glissent bien vite du rejet du surnaturel au pur athisme. De l vient que la Maonnerie sadresse aux intellectuels, aux indpendants, aux libertins, d-sireux de secouer le joug des lois humaines et divines. Loccultisme, au contraire, avec la magie blanche des thosophes et la magie noire des spirites, sollicite les mes religieuses, mystiques, dont la foi chancelante et faussement avive croit trouver son aliment dans la superstition. Ds lors, de cette double attaque spirituelle et matrialiste, croyante et athe, rsulte un effort sur lhumanit tout entire pour agrandir et constituer dans une vitalit plus militante et dans de croissantes et haineuses ngations, la cit du mal. Voil ce que vous avez compris et mis en lumire.

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    "Grce ces principes directeurs, vous avez fait remarquablement lanalyse et la synthse des initiations maonniques. De cette analyse, je nai rien dire, il faudrait tout citer ; de cette synthse, je relve avec quelle matrise vous avez dcouvert la signature, ou mieux la griffe de Satan, le corrupteur cynique de lme et du corps, de lesprit et du cur de lhomme. () Et toujours sous lextrieur religieux de ces crmonies et de ces symboles mystiques, derrire le dieu cach, se trouve Satan, avec ses trsors, sans cesse promis, rarement dispenss, malgr laccomplissement oblig de linexorable condition : Si cadens, adoraveris me, si tu te jettes terre, si tu te prostitues corps et me en madorant !

    "Vous savez toutefois, cher ami, que je nadmets pas, pour ma part, laction directe du dmon dans le gouvernement maonnique ; mais je comprends que ltude des initiations incline lesprit vers cette solu-tion mystique laquelle les hauts faits de la Maonnerie moderne apportent une apparente confirmation.

    "() le programme du lacisme, rsum dans la morale indpendante, la ngation de tout dogme, la sup-pression de tout symbole et emblme confessionnel ; aprs avoir expriment que ces actes familiers la Maonnerie, actes quelle couvre mensongrement des mots de bien, de progrs, de lumire, de vie, constituent ce quon a toujours appel le mal, lignorance, les tnbres, la mort, et quil suffit pour sen convaincre de suivre luvre maonnique en France, la grande Rvolution ou lheure actuelle, pour voir que cest une uvre de dcadence ; de lenvisager en Portugal, pour tablir quelle a fait reculer la civilisa-tion dun sicle ; de lobserver en Turquie, pour laccuser de leffondrement de tout un peuple ; de la dmas-quer dans leffort mondial de la lacisation scolaire, dont leffet immdiat est la criminalit juvnile et la me-nace de la rvolution sociale ; aprs stre convaincus de la sorte que cette arme cosmopolite, avec une slection de quelques troupes conscientes, si bien disciplines quelles entranent et entraneront fata-lement les trop nombreux bataillons inconscients du but final et de la besogne destructive quon leur impose, nest autre que larme du mal, il semble bien quon a quelque droit de conclure quelle a pour chef Satan lui-mme, et que Lon XIII, qui assimile la Maonnerie au rgne du dmon, Saint-Martin, Boehme, Swedenborg, et mme Stanislas de Guaita et Doinel, qui, parlant de communications direc-tes avec Satan, ne font quappuyer cette conclusion de leur autorit ou de leur exprience. Joppose simple-ment cette solution lordre providentiel daprs lequel tout en ce monde relve dun pouvoir humain ; et de mme que le Christ, chef invisible de lglise catholique, est reprsent visiblement ici-bas par le Pape, de mme, jestime que Satan, chef invisible de larme du mal, ne commande ses soldats que par des hommes, ses suppts, ses mes damnes, si vous voulez, toujours libres cependant de se soustraire ses ordres et ses inspirations. Quant ce pouvoir, plus au moins occulte de la Maonnerie et des Socits se-crtes qui poursuivent le mme but, il existe par la simple raison quil ny a point de corps sans tte, point de socit sans gouvernement, point darme sans gnral, point de peuple sans pouvoir public. Laxiome ro-main: Tolle anum, est turba ; adde unum, est populus, a ici sa pleine application ; sans pouvoir directeur, la Maonnerie serait une foule, plus ou moins affole par quelques ides subversives, mais qui se dsagrgerait delle-mme au lieu dtre la matresse du monde.

    "Cette manire de voir, au reste, ne contredit en rien vos conclusions. Satan, chef invisible, dirige tou-jours en dernier ressort, par ses infernales persuasions, le pouvoir maonnique quel quil soit, et lui fait accumuler les ruines : ruines dans les mes dsempares, ruines dans les corps dbauchs, ruines dans les familles divorces, ruines dans les socits dsquilibres, jusqu ce que dhcatombe en h-catombe, on puisse RENVERSER LGLISE CATHOLIQUE. CAR CEST ELLE LE VRAI CEN-TRE DATTAQUE DE LA CONTRE-GLISE.

    "Je vous lai dit souvent : le dernier mot des initiations dans lantiquit fut la corruption. Larchange d-chu, unique dieu des cultes paens, navait plus qu effacer dans lhomme limage de Dieu et le rabais-ser au niveau des tres insenss. Lhomme, cr dans lhonneur, ne la pas compris ; il sest raval jus-quaux animaux sans raison, et il leur est devenu semblable ( Ps. XLVIII, 13 et 21). Avant tout, au-jourdhui, cest lglise quil faut vaincre pour lui reprendre les mes baptises et, selon laxiome de la Haute-Vente italienne : Faites des curs vicieux, et vous naurez plus de catholiques, la corruption nest plus le but, mais linfaillible moyen de latteindre. Dieu sait si la maonnerie a russi faire des curs vi-cieux ! Vos tudes initiatiques retracent des tableaux dans lesquels les Socits secrtes modernes peuvent entrer en parallle avec les mystres dIsis. Cest bien toujours la mme griffe et le mme procd, la dpra-vation jusqu la bestialit. ()

    E. JOUIN, Cur de Saint-Augustin. Charles Nicoullaud soulignera :

    "() Il ne faut pas essayer de me faire dire ce que je ne dis pas, ce que je ne pense pas. Lorsque, par exem-ple, jcris que le Dmon est le Matre sotrique des Loges ; et si je parle de lesprit lucifrien qui inspire, guide et dirige la Franc-Maonnerie, il ne faut pas affecter de croire que jaffirme la prsence effective dun

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    tre cornu aux pieds de bouc dans les Ateliers, ou autres balivernes de ce genre. Non. Et je mexplique assez clairement pour quon ne sy trompe pas, moins quon ait intrt le faire. Jentends parler dune prsence et dune direction mystique agissant sur les cerveaux, les penses des initis, sur les curs de ceux qui ont reu les SACREMENTS de Lucifer dans linitiation sotrique, et qui sont, des degrs divers, les ins-truments du mal dans les Ateliers maonniques.

    "Mais il est bien vident qu ct de cette action surnaturelle diabolique, il y a une direction trs humaine qui mne les Loges des diffrentes obdiences et qui peut rsister ou obir aux impulsions des initis. Ce ne sont pas plus les grands mystiques lucifriens qui dirigent exotriquement lensemble de la Franc-Maonnerie que ce ne sont les mystiques catholiques et les saints qui, aux diffrents degrs de la hirarchie, administrent lglise de Jsus-Christ.

    "Mais, les disciples de Satan se servent des armes surnaturelles diaboliques pour influer sur les Francs-Maons de tous les grades, comme les mystiques et les saints ont recours la prire, au sacrifice, limmolation pour la dfense de lglise et le salut des mes.

    "Toutefois, la croyance cette action surnaturelle ne doit pas aveugler la raison et empcher de discuter les faits avant de les admettre.

    "() Lorsque nous avons crit, en parlant des symboles maonniques, le mot de "sacrement", nous navons pas entendu employer une simple mtaphore, mais, au contraire, exprimer une chose relle. Il sagit bien, en ef-fet, dun "signe sensible" dune "action invisible", qui "tombe sous nos sens" et qui comporte "deux parties, la matire et la forme".

    "La matire est llment sensible, et la forme, ce sont les "paroles qui laccompagnent". "Mais cependant il ne faut pas pousser le raisonnement par analogie trop loin et chercher, dans les rites de la

    Franc-Maonnerie, rien de pareil aux sacrements vritables de lglise. Ces rites qui relvent en ralit de la magie, ne sont que la contrefaon diabolique des sacrements divins. L, comme toujours, Satan se rvle le singe de Dieu. Et nous allons montrer quil est logique dappliquer la Franc-Maonnerie ce que Stanislas de Guaita dit propos de la sorcellerie. Du reste, Franc-Maonnerie et sorcellerie se tiennent ; toutes deux ont le mme Matre et sont les branches dun mme tronc : la Socit secrte.

    "Le diable est le singe de Dieu, crit Guaita ; le sorcier, le singe du prtre. Lanalogie peut fort bien se pour-suivre, car la sorcellerie fut de tous temps limage dprave des religions et comme un sacerdoce rebours... La sorcellerie a ses dogmes, ngatifs, ses symboles derreur et ses rites dabomination. Elle a ses sacrements ; on peut mme distinguer en eux la matire et la forme, linstar de ceux quadministre lglise.

    "A qui voudrait nous taxer dexagration, en nous opposant la purilit et la niaiserie de certains rites ma-onniques ou des paroles qui les accompagnent, nous rpondrons" Suit tout un chapitre pour en dmontrer la vrit .

    Oui, tout dans ce monde relve dun pouvoir humain, et nos rois le savaient bien et auraient d combattre et abattre ce pouvoir occulte. Le roi par le sacre avait reu le sacramental lui permettant de juger et de combattre. Recevoir avec linitiation, un "sacrement" de Lucifer faisait de ce LieuTenant un parjure, un tratre, un fidle de lAdversaire, consciemment ou inconsciemment. La consquence qui se vrifiera est celle de tout pch : laveuglement.

    Charles Nicoullaud va jusqu crire que linitiation marque la conscience comme le baptme marque lme. Si la marque du baptme est irrversible, il nen est pas de mme pour la conscience. Ce peut-tre rversible, mais en gnral par linitiation tout ltre est transform, ce qui explique que les conversions de francs-maons sont rares, trs rares, avec pour lancien adepte des preuves, des difficults difficilement surmontables. Il ajoute que linitiation est un pacte entre liniti et Satan, et labb Ribet en parlant du pacte diabolique dit :

    "Cette alliance est expresse ou tacite, selon que linterpellation Satan est directe ou que lon vise seulement aux effets qui doivent tre son uvre Le plus souvent, la convention se conclut par les instigations et entre les mains de magiciens qui donnent et reoivent des promesses au nom de Satan, avant quil ait daign se mon-trer ou donn des gages de son adhsion. De nos jours surtout, linitiation saccomplit plus ordinairement au sein des Socits secrtes, par des formules excrables que les chefs imposent aux adeptes, en faisant luire leurs yeux lappt des prosprits et des jouissances temporelles.

    Citant un ancien maon, Nicoullaud prcise : "Dans ltat actuel de la maonnerie deux pour cent peine des Matres connaissent la signification dia-

    bolique de leur grade" et comme le dit Sdir : "laction de la Socit secrte est lie au rattachement de ses membres lInvisible, et que dans lInvisible se droule une bataille perptuelle entre les soldats du Christ et ceux de lAdversaire".

    III. ENQUETE

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    Tous les noms cits dans ce rcit, sont numrs par Alain Le Bihan, dans son livre Francs-Maons Pari-siens du Grand-Orient de France (fin du XVIII sicle), dit par la Bibliothque nationale en 1966, par la Commission dHistoire conomique et sociale de la Rvolution Franaise, Mmoires et Documents, tome XIX (Cest un travail qui fait autorit et qui est une rfrence indiscutable). A chaque nom il est bien prcis quil tait membre de la loge LES TROIS-FRERES-UNIS (O de la Cour). Le Bihan a identifi 194 membres de cette loge, en gnral des trs proches des trois frres, mais subalternes, gardes du corps. A Versailles, il existait deux autres loges reconnues par le Grand-Orient, LE PATRIOTISME, 217 membres identifis par Le Bihan, et LA CONCORDE, 82 membres identifis. Dautre part, deux autres loges ntaient pas reconnues, LA SAINT-JEAN DE LA CONCORDE REUNIS, 38 membres identifis, et LA SYMPATHIE, 9 membres identifis (de la loge prcdente). Il y avait en plus les loges militaires. Mme "laumnier de Louis XVI, labb de Vermondans, tait en 1787, Offi-cier du Grand Orient ; linfortun monarque tait, de toutes parts, environn de francs-maons" (Mgr Delas-sus, La conjuration antichrtienne, page 133).

    Par contre, Louis XVI, Louis XVIII, Charles X, ne sont pas cits par Le Bihan. En relisant avec attention le texte dAmiable on se rend compte quil napporte aucune preuve assurant que

    Louis XVI ait t initi la franc-maonnerie. Il affirme, un point cest tout. Il prouve lexistence de la loge des Trois-Frres-Unis, ce qui est indiscutable, mais na pas d trouver dlments probants dans les documents quil cite, sinon il les aurait communiqus, lui qui a vu les tableaux de loges. De plus, une initiation aurait eu des tmoins qui en auraient laiss des traces ou des confidences. Enfin, on voit difficilement Louis XVI se faire initier dans une loge de second ordre, lui le cousin du Grand-Matre du Grand Orient, premier prince du sang (au 27 novembre 1785).

    Charles Nicoullaud, collaborateur distingu de Mgr Jouin, dans un numro de la Revue Internationale des Socits Secrtes, n 2, fvrier 1912, dans son article trs document, intitul Les Premiers Protecteurs de la Franc-Maonnerie Internationale moderne, crit page 124-125 :

    "Toute laristocratie devient franc-maonne ; ce fut un engouement auquel la famille royale, le roi Louis XVI, lui-mme, sous linfluence de sa femme, ne sut pas se soustraire. La loge des Trois-Frres de Versailles, lO de la cour, devenue La Trinit sous lEmpire, vit, dit-on, linitiation de ce prince et du comte de Pro-vence. Le comte dArtois fut initi le 8 juillet 1777, il avait vingt ans, dans une Loge tenue rue du Pot-de-Fer, aujourdhui rue Bonaparte, dans lancien noviciat des Rvrends Pres Jsuites. Les ftes dadoption firent fu-reur ; Marie-Antoinette elle-mme se para de grands cordons maonniques que lui fournit sa favorite, la prin-cesse de Lamballe, initie par Cagliostro au rite gyptien. Hlas ! pauvre et sainte Reine-martyre, que de larmes royales ont rachet ces malheureuses erreurs".

    Clavel dans son Histoire de la franc-maonnerie, p. 287, d. 1987, dit bien que Louis XVIII et Charles X fu-rent francs-maons. Il ne dit rien pour Louis XVI.

    Jean Palou, dans La Franc-Maonnerie, petite bibliothque Payot, p. 206-207, crit : "Louis XVI "avait reu la lumire" lOrient de Versailles, ainsi que ses deux frres, les futurs Louis XVIII

    et Charles X. La loge Les Frres Unis la mort du dernier, Goeritz, deviendra Les Frres unis insparables. Elle existe toujours sous lobdience du Grand Orient (Andr LEBEY, Documents du Temps prsent : la Franc-Maonnerie, n 1, Paris s. d., p. 9 colonne 2). La loge dont auraient fait partie Louis XVI, les comtes de Provence et dArtois est galement nomme La Militaire des Trois Frres lOrient de la Cour. Nous avons eu en main la Bibliothque Municipale de Versailles des papiers de cette loge portant en en-tte, les silhouettes des trois princes, en mdaillons. - Voir ce sujet - L. Amiable "Les Bourbons francs-maons", in La Rvolution franaise, 1895, t. XXIX, p. 526-533. On y trouve le texte dun discours prononc au Grand Orient le 25 no-vembre 1824 loccasion de la mort de Louis XVIII : "La reconnaissance ne nous permet plus de cacher ce mystre. Une loge fut cre en 1775 parmi les gardes du corps Versailles, sous le titre distinctif des Trois Fr-res lOde la Cour, et lon a dj pntr lallgorie lgre qui couvre ce glorieux patronage". (art. cit. p. 527). Cela nous semble peu probant ! "

    Gaudart de Soulages et Lamant dans leur Dictionnaire des Francs-maons franais disent que Louis XVIII et Charles X auraient t initis en 1784 (ils avaient 29 et 27 ans, Louis XVI, 30 ans), mais ne citent pas Louis XVI.

    Alec Mellor, dans Quand les francs-maons taient lgitimistes, p. 25, sappuie lui aussi sur Amiable et la Revue Bleue cite plus haut, mais conclut que la question est des plus incertaines et, en tous cas, pas la moin-dre trace documentaire ne nous en est parvenue.

    Albert Lantoine, rfrence maonnique, dans son Histoire de la Franc-Maonnerie Franaise (la Franc-Maonnerie dans lEtat), assure p. 71 et surtout p. 258 que Charles X fut initi, mais doute de linitiation de ses frres. Par contre il prcise bien que les trois frres taient bien au courant du problme puisque beaucoup de leurs proches et domestiques en taient.

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    Rappelons la lettre de Marie-Antoinette sa sur Marie-Christine (26 fvrier 1781) : "Je crois que vous vous frappez beaucoup trop de la franc-maonnerie pour ce qui regarde la France ; elle

    est loin davoir ici limportance quelle peut avoir en dautres parties de lEurope par la raison que tout le monde en est ; on sait ainsi tout ce qui sy passe ; o donc est le danger ? On aurait raison de sen alarmer si ctait une socit secrte de politique ; lart du gouvernement est au contraire de la laisser stendre, et ce nest plus que ce que cest en ralit : une socit de bienfaisance et de plaisir ; on y mange beaucoup et lon y parle et lon y chante, ce qui fait dire au roy que les gens qui chantent et qui boivent ne conspirent pas... " Si lon en croit Jos A. Ferrer-Benimelli, dans Les Archives Secrtes du Vatican et de la Franc-Maonnerie,

    Prface du R.P. Riquet, Dervy-Livres, 1989, le pre de Marie-Antoinette, Franois de Lorraine, avait t initi en 1731, La Haye, et ses surs, Marie-Anne, Marie-Caroline, Marie-Christine, protgrent avec estime la Maonnerie. Quant son frre Joseph II, il en tait.

    Hourtoule dans Franc-Maonnerie et Rvolution, Carrre, 1989, crit p. 77-78 : "Un des lments les plus curieux de cette Rvolution qui samorce est lenthousiasme masochiste dune

    partie de la noblesse qui va gaiement amorcer son suicide... "Les lments disparates de lopposition suniront pour un moment, mais la seule force vraiment orga-

    nise et discipline est la Franc-Maonnerie. Il importe de raliser que ses membres sont choisis dans llite et queux seuls ont bti des rseaux abrits par le secret. Si lon mne un combat contre un pouvoir abusif, il faut essayer de le faire bien, pour gagner. Il faut donc recruter des hommes de qualit, utiles. Il faut disposer du maximum de renseignements. Comme Louis XVI est relativement favorable lordre, les fr-res sont partout. On a discut de lappartenance du roi la maonnerie ; peut-tre a-t-il t initi ? Un de ses frres est bien maon et lautre probablement. De toute faon, la Maonnerie est, au moins, tolre, sinon protge. A la Cour de Versailles, de la princesse de Lamballe au valet de chambre du roi, tout le monde est maon. Mme le chef des frotteurs de parquets, Maxime du Perrier... Donc tout ce qui se passe est facilement connu. La noblesse et la magistrature appartenant lopposition nont pas de secrets pour elle. Une partie du clerg est aussi dans la fronde.

    "Que reste-t-il donc au roi pour se faire obir ? Son prestige ou son arme ? Nous avons vu que celle-ci tait peu favorable des combats fratricides et quelle avait de nombreux officiers maons ou acquis aux ides de rforme, sans parler du corps des sous-officiers, prt lopposition. Les loges rgimentaires sont un lien important avec les loges civiles dont elles favorisent parfois la cration. Les changements de garnison sont utiles ces changes. La Franc-Maonnerie a aussi de nombreux membres dans toutes les adminis-trations et dans les municipalits... Il y a galement une masse de petits-bourgeois qui ne sont pas engags dans les loges mais imprgns par les ides nouvelles. Les Voltairiens sont plutt athes, les admirateurs de Rousseau sont distes mais souhaitent un retour aux vertus primitives. Beaucoup en ont "ras le bol" des pri-vilges et des privilgis tandis que dautres sont simplement aigris pour des raisons personnelles, pour des brimades injustes. Ils vont peut-tre rejoindre les frres et de toute faon ils en sont proches. On peut se de-mander si les frres sont opposants parce quils sont francs-maons, ou sils sont devenus maons parce quils sont dans lopposition et quils ont estim que lOrdre leur offrait les meilleures chances de gagner leur combat ? De toute faon, le roi pense tre attaqu surtout par la noblesse et se met rechercher lappui du tiers tat. Et puisque tout le monde rclame les tats Gnraux, on va les convoquer pour le 5 mai 1789. Louis XVI a mis le doigt dans un engrenage fatal et donne ainsi lopposition sa premire grande victoire en croyant tre habile. Personne nenvisage les bouleversements qui vont suivre, sauf, peut-tre, quelques ex-trmistes isols. Marqus-Rivire dans lHistoire de la Franc-Maonnerie Franaise, dition Jean Renard, 1941, citant Ch.

    Bernardin donne cette prcision : "Le Roi se disposait monter le grand escalier de lHtel de Ville. A ce moment, ceux qui lentouraient et

    qui taient pour la plupart Francs-Maons, chuchotrent un mot qui fit le tour de lassemble, et immdiate-ment tous tirrent leurs pes, dont les lames brillrent, comme autant dclairs. Louis XVI eut un mouve-ment de frayeur, plit et fit quelques pas en arrire. Le marquis de Nesles, qui lavait suivi depuis Versailles, lui dit : Sire, nayez pas peur et allez de lavant sans crainte. Le Roi hsitait ; les pes se levrent, une vote se forma, et cest sous ces lames croises au-dessus de sa tte que Louis XVI devait passer pour at-teindre la porte de lHtel de Ville.

    "Les Francs-Maons avaient form la Vote dAcier, honneur que nous rservons dans nos temples aux grands dignitaires de lOrdre ou nos Vnrables dans certaines occasions. La foule ne comprit peut-tre pas trs bien la double signification qui se cache sous cette imposante crmonie symbolique ; mais elle nen fut pas moins profondment remue, et ce fut au milieu dapplaudissements enthousiastes que Louis XVI, por-

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    tant pour la premire fois la cocarde nationale, passa tout mu sous ces pes la fois protectrices et mena-antes".

    Un tableau du peintre Laurens rappelle cet pisode de la Rvolution. On peut conclure que sil semble probant que Louis XVIII et Charles X furent bien francs-maons, Louis

    XVI ne fut peut-tre pas initi. Par contre, des dfenses promulgues par les Papes Clment XII, Benot XIV, des condamnations de

    lEglise, nul navait cure, ni en France, ni ltranger. 30 000 francs-maons (dont une infime minorit1, vraiment influente), dans 70 loges environ, parpills dans 282 villes de France, tenaient le pays. La responsabi-lit doit en tre attribue surtout Louis XV, qui a trahi les engagements de son sacre en ne combattant pas ces ennemis de lEglise et de la France, qui dtruiraient tout quelques dcennies plus tard. Louis XVI en tait en-tour et ne savait plus en qui se confier et sur qui sappuyer.

    Il aurait d quitter les riches francs-maons de Versailles et aller chez les pauvres en Vende, par exem-ple.

    - tes-vous celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? - Allez dire Jean : les pauvres sont vangliss (Luc, VII, 20-22). A toute poque, les pauvres ont un dfaut : ils sont pauvres. Mais les pauvres vraiment chrtiens ont une

    grande qualit : ils sabandonnent la Providence de Dieu et sont les choisis de Dieu : Dieu na-t-Il pas choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde, pour tre riches dans la foi et hritiers du royaume quIl a promis ceux qui Laiment ! (Jacques, II, 5). Eux auraient su dfendre nos rois et tous ensemble (Dieu, Son Lieutenant le Roi, Ses pauvres) gagner les combats. Depuis nous subissons le joug de largent. Partout.

    Pour avoir oubli que les pauvres sont plus importants que les riches, pour avoir prfr sappuyer sur largent, nos rois perdirent tout. Tirons-en la leon et retrouvons le sens chrtien de la vie : Sans Moi, vous ne pouvez RIEN faire.

    Un ami, comptent en histoire et au jugement prouv, aprs lecture attentive de cet article pour critique et correction, me rpond tre convaincu de linitiation de Louis XVI.

    Louis XVI aurait t initi jeune avec ses frres, car alors pourquoi le nom de cette loge ? gs de 22, 21 et 18 ans, ils auraient t initis sa cration, en 1775, sans frquenter les loges par la suite, lessentiel, le sacre-ment lucifrien, ayant t transmis. Pour notre ami, il ny a pas dautre explication de laveuglement (en parti-culier lors de la Constitution Civile du Clerg, la conscience de ce prince pouvante, la France en prires et en pnitences) et de la pusillanimit de Louis XVI qui ntait pas un lche, comme il a su le prouver.

    Le sacre donne au Roi les grces du discernement sur les hommes et les vnements (comme lors du sacre des vques), en particulier sur lutilisation opportune de la force, fonction essentielle du Roi. Aprs le ser-ment du Jeu de Paume, crime de lse-majest, larme ntait pas dans ltat o elle se trouvera en 1790, et au-rait obi. Les principaux responsables se faisaient fort de remettre de lordre en deux jours, et par quelques exemples, dtouffer la Rvolution. Louis XVI sy opposa, refusant de faire couler le sang, grave erreur de jugement : parce quil a recul devant son devoir, cest--dire abattre quelques dizaines de ttes de tratres et dennemis, les Franais, innocents, paieront par millions. Plus tard, dautres incidents auraient pu se rsoudre par des ordres fermes.

    Mais un franc-maon sengage ne pas combattre ses frres maons : COMME LOUIS XV, LOUIS XVI ET SES DEUX FRERES NE FURENT JAMAIS LENNEMI DE LORDRE MAONNIQUE. TOUS LES TROIS NE COMBATTIRENT JAMAIS LA FRANC-MAONNERIE. Cest la meilleure preuve de leur initiation2 et le plus important effet de leur engagement maonnique.

    Pour notre ami, lincident de la vote dacier prouve bien que Louis XVI tait un initi. Ce rite maonnique est secret et ne peut saccomplir quentre initis. Il avait pour but de faire savoir tous les adeptes que Louis XVI tait des leurs et en plus de rappeler au Roi ses engagements sous serment, la Franc-Maonnerie tant pro-tectrice et menaante.

    Louis XV, Louis XVI et ses deux frres ont t fidles leur engagement maonnique, mais infidles leurs engagements religieux.

    1 Il en est toujours de mme. Sur environ 160 000 francs-maons aujourdhui, quelques centaines seulement ont vraiment

    du pouvoir. Les autres sont des esclaves du systme. 2 Dans son testament Louis XVI ne parlera daucun des ennemis qui ont renvers le trne. ? ?

  • Document ralispar les Amis du Christ Roi de France.

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