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Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 2014, 33 (3), ... - ... n° 09102014-00044-FR 1/50 Liens élevage-environnement- développement durable Cet article (n° 09102014-00044-FR) a été évalué par les pairs, accepté, puis soumis à une révision linguistique approuvée par les auteurs. Il n'a pas encore été mis en page pour impression. Il sera publié en décembre 2014 dans le volume 33 (3) de la Revue scientifique et technique. J.-P. Pradère Organisation mondiale de la santé animale, 12 rue de Prony, 75017 Paris, France Courriel : [email protected] Résumé L’étude prend en compte les perspectives de forte croissance de la demande et de l’offre de produits animaux dans le monde et notamment dans les pays en développement où vit 80 % de l’humanité. En s’appuyant sur des publications scientifiques, sur des statistiques et sur des observations de terrain, elle fait le point sur les niveaux d’émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’élevage, sur les capacités des systèmes d’élevage de ruminants à séquestrer le carbone et sur la capacité de l’élevage à relever le défi d’une croissance durable, capable de partager ses profits et sans impact sur le changement climatique. Une attention particulière est accordée à la situation des 800 millions d’agriculteurs-éleveurs qui représentent le noyau dur de la pauvreté dans le monde. L’étude souligne l’importance de l’amélioration de la productivité de l’élevage et l’interdépendance des composantes économique, environnementale et sociale du développement durable. Elle montre que, dans les pays les moins avancés et la plupart des pays à revenu intermédiaire inférieur, la forte pression des maladies animales s’oppose à l’amélioration de la productivité de l’élevage, que les agriculteurs-éleveurs pauvres n’ont pas suffisamment bénéficié des politiques de développement et qu’ils ont besoin de soutiens pour pouvoir valoriser les progrès

Liens élevage-environnement- développement durable_Documentation/docs... · La croissance économique mondiale et le formidable développement de l’industrie non agricole et des

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Liens élevage-environnement-développement durable

Cet article (n° 09102014-00044-FR) a été évalué par les pairs, accepté, puis soumis à une révision linguistique approuvée par les auteurs. Il n'a pas encore été mis en page pour impression. Il sera publié en décembre 2014 dans le volume 33 (3) de la Revue scientifique et technique.

J.-P. Pradère

Organisation mondiale de la santé animale, 12 rue de Prony, 75017 Paris, France

Courriel : [email protected]

Résumé

L’étude prend en compte les perspectives de forte croissance de la demande et de l’offre de produits animaux dans le monde et notamment dans les pays en développement où vit 80 % de l’humanité.

En s’appuyant sur des publications scientifiques, sur des statistiques et sur des observations de terrain, elle fait le point sur les niveaux d’émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’élevage, sur les capacités des systèmes d’élevage de ruminants à séquestrer le carbone et sur la capacité de l’élevage à relever le défi d’une croissance durable, capable de partager ses profits et sans impact sur le changement climatique.

Une attention particulière est accordée à la situation des 800 millions d’agriculteurs-éleveurs qui représentent le noyau dur de la pauvreté dans le monde. L’étude souligne l’importance de l’amélioration de la productivité de l’élevage et l’interdépendance des composantes économique, environnementale et sociale du développement durable.

Elle montre que, dans les pays les moins avancés et la plupart des pays à revenu intermédiaire inférieur, la forte pression des maladies animales s’oppose à l’amélioration de la productivité de l’élevage, que les agriculteurs-éleveurs pauvres n’ont pas suffisamment bénéficié des politiques de développement et qu’ils ont besoin de soutiens pour pouvoir valoriser les progrès

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technologiques et relever les défis du développement durable et de la réduction de la pauvreté.

Mots-clés

Développement durable – Élevage – Environnement – Gaz à effet de serre – Politiques de développement – Productivité de l’élevage – Réduction de la pauvreté.

Introduction

Importance de l’élevage pour le bien-être de l’humanité et pour l’avenir de notre planète

La croissance économique mondiale et le formidable développement

de l’industrie non agricole et des services ont entraîné une diminution

relative, en termes monétaires, de la place de l’élevage dans la

structure de l’économie mondiale. Toutefois, cette évolution n’a pas

réduit l’importance de l’élevage pour le bien-être de l’humanité et

pour l’avenir de notre planète. Les pâturages occupent plus du quart

de la surface des terres immergées et le tiers des surfaces cultivées

dans le monde sert à produire des céréales, des oléagineux ou des

fourrages pour nourrir les animaux (1). 1,3 milliard de personnes, soit

près d’un cinquième de l’humanité, tirent des revenus de l’élevage

(2) ; 2 milliards de personnes utilisent des animaux pour travailler la

terre ou pour transporter des marchandises (3). Pour 800 millions

d’agriculteurs pauvres, qui vivent avec moins de 1,25 USD par jour,

les animaux présentent un attrait particulier car ils procurent des

revenus, offrent de nombreux avantages et représentent un capital

mobilisable pour gérer les crises agricoles et faire face aux

évènements de la vie.

L’évolution des modes de vie a fortement réduit les contacts directs entre les hommes et les animaux d’élevage. Toutefois, les liens biologiques qui unissent la santé humaine à la santé animale sont immuables. L’homme partage les deux tiers de ses pathogènes avec les animaux et les zoonoses émergentes, qui apparaissent de plus en plus souvent, font peser un risque de pandémie sur l’humanité.

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Perspectives de forte croissance des productions animales dans le monde

Les hommes ont une forte appétence pour les produits d’origine animale. Pour la plus grande partie de l’humanité, l’amélioration du niveau de vie entraîne une augmentation de la consommation de produits d’origine animale. Dans les pays les plus développés, où le niveau de consommation per capita de produits d’origine animale est très élevé, des recommandations visent à stabiliser ou à réduire la demande de ces produits et la croissance de la consommation de lait et de viande ralentit. En revanche, dans les pays en développement où vit 80 % de l’humanité, la demande de produits d’origine animale explose et, dans les années à venir, elle devrait être encore renforcée par l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages, notamment ceux qui passent de la pauvreté aux classes moyennes, et par la croissance démographique.

Orientations et objectifs de l’étude

Grâce aux progrès de la science et des techniques, l’élevage a les capacités nécessaires pour poursuivre sa croissance et augmenter ses productions partout dans le monde. Aujourd’hui, le principal défi de l’élevage est d’organiser une croissance durable, capable de satisfaire les besoins et de contribuer au bien-être des générations actuelles et des animaux, de mieux partager les bénéfices de sa croissance et de mieux préserver les ressources naturelles et les écosystèmes dont dépendront les générations futures.

La présente étude prend en compte le caractère inévitable de

l’augmentation de la demande et de la production de produits

d’origine animale dans les pays en développement. En s’appuyant

sur les données de publications scientifiques, sur des statistiques

et sur des observations de terrain, elle examine les conditions

d’une croissance de l’élevage durable dans les pays les moins

avancés (PMA) et dans des pays à revenu intermédiaire, tranche

inférieure1, où vivent 87 % des pauvres et où les agriculteurs-

éleveurs représentent le noyau dur de la pauvreté.

1 Le classement des pays retenu est celui du Comité d’aide au développement de l’OCDE pour l’affectation de l’aide. En 2013, il y avait 49 PMA, dont 34 en Afrique subsaharienne et 40 pays à « revenu intermédiaire, tranche inférieure », qui avaient

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Des accusations exagérées et des impacts sur l’environnement revus à la baisse

En 2006, le rapport « Livestock’s long shadow » (4) a porté une série de graves accusations contre l’élevage, le désignant souvent comme le principal responsable de la pollution des eaux et de l’assèchement des nappes phréatiques (parce que les animaux compactent le sol lorsqu’ils se déplacent), de la dégradation des sols, des pluies acides, de la réduction de la faune sauvage et de la biodiversité, de la déforestation, de risques pour la santé humaine, de contribuer à la dégradation des zones côtières et à la destruction des barrières de corail, et le responsable de 37 % des émissions anthropiques de CH4, de 65 % des émissions anthropiques de N2O et de 18 % des émissions anthropiques de GES. Les systèmes d’élevage extensifs étaient particulièrement visés.

Peu de gens ont lu les 390 pages du rapport. En revanche, de courts extraits qui reprenaient les accusations les plus graves, sans évoquer les avantages de l’élevage et les mesures d’amélioration qui étaient cités dans le rapport, ont été largement diffusés par les médias et ont contribué à diaboliser l’élevage dans les opinions publiques, aux yeux des décideurs des PMA, des pays à revenu intermédiaire inférieure et des agences d’aide au développement, entraînant un effondrement des appuis de l’aide et des financements nationaux aux éleveurs les plus pauvres (voir infra, notamment la figure 10), fragilisant les productions animales et aggravant les impacts de l’élevage sur l’environnement et le changement climatique (5) (encadré 1).

un revenu national brut annuel par habitant compris entre 1 006 et 3 975 USD. Parmi ces pays figuraient l’Inde, le Nigeria et le Pakistan.

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Encadré 1 L’effet de serre et les émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture

Les deux tiers des rayons du soleil qui atteignent la surface de la terre sont absorbés. Sous l’effet de la réverbération, le tiers restant est renvoyé vers l’espace sous forme de rayonnement infrarouge. Toutefois, des gaz dits « gaz à effet de serre » (GES), accumulés dans les couches basses de l’atmosphère, agissent comme un filtre et s’opposent au passage d’une partie de ce rayonnement infrarouge, qui est alors renvoyé vers la terre et contribue à la réchauffer.

L’effet de serre résulte pour les deux tiers de l’absorption de chaleur par la vapeur d’eau et les nuages et pour un tiers de l’interaction d’une quarantaine de GES, parmi lesquels figurent : le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), l’ozone (O3), le protoxyde d’azote (N2O), les hydrofluorocarbures (HFC), les perfluorocarbures (PFC) et l’hexafluorure de soufre (SF6). Les principaux GES sont naturellement présents dans l’atmosphère. Toutefois, depuis le début de l’ère industrielle, les activités de l’homme ont fortement augmenté leur concentration.

Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC, en anglais IPCC), en 2010-2011, la production agricole a été responsable de 5 à 5,8 Gt CO2 eq (1 Gt CO2 eq = 1 gigatonne CO2 eq = 109 tonnes d’équivalent CO2), soit environ12 % du total des émissions anthropiques de GES et l’ensemble du secteur AFAT (agriculture, foresterie et autres affectations des terres, en anglais AFOLU) de l’émission de 10 à 12 Gt de CO2 eq, soit près d’un quart du total des émissions anthropiques de GES (6).

Depuis 2006, les estimations d’émissions de GES de l’élevage ont été plusieurs fois revues nettement à la baisse. En 2014, une analyse exécutée conformément aux recommandations du GIEC a conclu que les émissions de GES de l’élevage dans le monde représentaient environ 28 % des émissions de CH4, 29 % des émissions de N2O et 9 % du total des émissions anthropiques de GES (7). Ces nouvelles estimations, très inférieures à celles du rapport « Livestock’s long shadow » ont été confrontées aux inventaires d’émissions que les pays développés adressent périodiquement à la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC, acronyme anglais : UNFCCCC pour United Nations Framework Convention on Climate Change) et leur validité a été confirmée.

En outre, de nombreuses études ont démontré que les accusations portées contre l’élevage étaient exagérées ou infondées, montrant notamment la faible influence de l’élevage sur la déforestation (encadré 2) et l’intérêt des pâturages pour la qualité de l’air, pour la régénération des ressources en eau et pour le maintien de la

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faune sauvage et de la biodiversité (cf. infra). Toutefois, les études qui auraient pu restaurer l’image de l’élevage n’ont pas bénéficié du même soutien médiatique que le rapport « Livestock’s long shadow » et des messages alarmistes et préjudiciables à l’organisation d’un développement durable de l’élevage continuent d’être diffusés.

Encadré 2 L’élevage a de moins en moins d’influence sur la déforestation dans le monde

Les taux de déforestation ont baissé sur tous les continents, passant de 16 millions d’ha dans les années 90 à moins de 10 millions d’ha en 2012. Les résultats les plus spectaculaires ont été observés au Brésil où les mesures adoptées par le gouvernement ont mis un frein à la déforestation et à l’extension des plantations de cannes à sucre (pour la production de bioéthanol) et de soja (pour l’alimentation animale). Selon Nepstad et al. (8), au Brésil la déforestation a diminué de 70 % depuis 2008 et a été d’environ 0,45 million d’ha en 2012.

En 2012, les deux grandes zones concernées par la déforestation étaient l’Afrique équatoriale et australe, avec 3 millions d’ha de forêt détruits et l’Indonésie avec 2,1 millions d’ha de forêt détruits. En Afrique, la déforestation est diffuse et elle est souvent le fait de paysans pauvres qui récoltent du bois de chauffage et ont besoin de terres agricoles pour implanter des cultures vivrières. En Indonésie, la déforestation est faite au profit de cultures industrielles de palmiers à huile et du commerce du bois. Au Brésil, la déforestation résiduelle est le fait de petits paysans, qui défrichent pour étendre leurs cultures sur des terres plus fertiles. Les services chargés de la protection de la forêt comptent maintenant sur des associations agriculture-élevage, pour entretenir la fertilité du sol et pour organiser un développement durable de l’agriculture sur des terres déjà défrichées, évitant ainsi le recours à de nouveaux défrichements et aux brûlis.

D’après Malhi et al. (9), Nepstad et al. (8) et Margono et al. (10).

Évaluation des émissions et des capacités des systèmes d’élevage à séquestrer le carbone

Les instructions du GIEC précisent que les estimations d’émissions de GES doivent inclure toutes les sources, mais aussi tous les puits de GES associés directement ou indirectement à un produit ou à un service. Une évaluation de la contribution de l’élevage aux émissions de GES nécessite donc de raisonner en termes de bilan, en considérant les compensations permises par la séquestration de carbone.

L’évaluation de « l’impact environnemental GES » est classiquement réalisée en s’appuyant sur l’analyse du cycle de vie. Dans le cas des systèmes d’élevage à « faibles intrants et

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faibles extrants » adoptés par de nombreux agriculteurs pauvres (cf. Encadré 3), l’analyse du cycle de vie peut se limiter à l’évaluation des GES émis directement par les animaux et par leurs déjections, car ces systèmes ne consomment pas d’énergie fossile et n’utilisent pratiquement pas d’intrants.

Encadré 3 Principaux gaz à effet de serre d’origine agricole

Le dioxyde de carbone (CO2) représente environ 70 % des émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique. Il est principalement issu de la combustion des énergies fossiles (pétrole, charbon) et de la biomasse. Grâce à la photosynthèse, les flux de CO2 se compensent. Au bilan, le flux net des émissions de CO2 est très faible (11).

Le volume des émissions de protoxyde d’azote ou oxyde nitreux (N2O) est beaucoup plus faible que celui du CO2 ; cependant, sa capacité à piéger la chaleur est 298 fois plus élevée que celle du CO2. Le N2O agricole est produit dans le sol ou dans des milieux liquides, via un processus biologique de nitrification aérobie, d’ammonium en nitrate et de dénitrification anaérobie, de nitrate en gaz azoté (N2), des engrais azotés, des effluents animaux et des résidus de récolte.

Le méthane (CH4) est principalement produit par la fermentation entérique, qui constitue une étape de la digestion des ruminants et par les cultures de riz irrigué. Sa capacité à piéger la chaleur est 25 fois plus grande que celle du CO2.

Dans la plus grande partie du monde, le N2O est la principale source de GES d’origine agricole. Le CH4 est la principale source de GES d’origine agricole dans quelques régions seulement : Amérique latine, Europe de l’Est, Asie centrale (du fait de l’importance de la culture de riz) et dans les pays OCDE de l’Océanie.

Le calcul des émissions de GES prend en compte le potentiel de réchauffement global respectif des principaux gaz. Les estimations doivent inclure toutes les sources et tous les puits de GES associés directement ou indirectement à un produit ou à un service. Le volume total des émissions de ces gaz est exprimé en équivalent de CO2 (CO2 eq), suivant la formule :

kg CO2 eq = kg CH4 × 25 + kg N2O × 298 + kg CO2.

Nature des émissions de gaz à effet de serre de l’élevage

La fermentation entérique

En raison de la fermentation entérique et de la capacité du méthane à piéger la chaleur, selon Gerber et al. (12), les bovins produiraient au total 71 % et les petits ruminants environ 7 % des GES du secteur élevage. Les porcs et les volailles, qui fournissent

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plus des trois quarts de la viande dans le monde, produiraient ensemble moins de 20 % des GES. Les estimations de Caro et al. (7) sont comparables, avec toutefois une part des bovins aux émissions de l’élevage légèrement supérieure (74 %) (Fig. 1, encadré 4).

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Encadré 4 La fermentation entérique

Les ruminants disposent d’un processus de digestion particulier, la fermentation entérique, qui se déroule dans le rumen, dans des conditions anaérobies et qui leur permet de transformer des aliments riches en cellulose, en lait ou en viande, de haute valeur nutritive.

Pendant cette phase de la digestion, des bactéries décomposent la matière végétale en acides gras, en CO2 et en CH4. Les acides gras sont absorbés dans la circulation sanguine, les aliments non fermentés et les cellules microbiennes passent dans l’intestin et les gaz (dont le méthane) sont évacués par éructation.

La qualité de la ration a une grande importance. Lorsque les rations contiennent moins de cellulose, plus d’énergie, plus de protéines et sont plus faciles à digérer, la part de la fermentation entérique dans la digestion et le niveau des émissions de méthane

diminuent.

Dans les systèmes d’élevage extensif, les déjections animales produisent peu de CH4

Dans les systèmes d’élevage extensif, les excréments des animaux sont déposés sur le sol. En l’absence de stockage en milieu confiné et de fermentation anaérobie, la production de CH4 par les déjections est négligeable (13, 11). Selon les normes du GIEC (13), à une température moyenne de 25 °C, la production moyenne de CH4 par le fumier d’une vache laitière est de 98 kg par an en Amérique du Nord, où les déjections animales sont souvent traitées sous forme liquide, mais de seulement 1 kg par an en Amérique latine et en Afrique, où l’élevage des ruminants est le plus souvent extensif (Tableau I).

Dans les systèmes d’élevage extensif, les émissions de N2O sont inférieures aux moyennes mondiales

Le volume des émissions de N2O dépend, entre autres, des conditions de stockage des fumiers, de la température, de la nature des sols et de la pluviométrie. Dans les matières fécales l’azote est principalement organique. Il doit d’abord être minéralisé en milieu aérobie et ensuite être dénitrifié en milieu anaérobie (en milieu confiné ou dans le sol) avant de devenir une source de N2O. Lorsque les déjections sont déposées sur le sol,

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dans les régions de fortes précipitations la minéralisation peut être rapide mais, dans les régions sèches, la décomposition est beaucoup plus lente et les fèces peuvent rester intactes sur le sol pendant des mois.

Il y a très peu d’études qui renseignent sur les émissions de N2O dans les conditions de l’élevage pastoral en zone aride. Les quelques résultats disponibles présentent des écarts très importants. Gerber et al. ont estimé que les émissions de N2O dues aux déjections animales représentaient environ 33 % du total des émissions de l’élevage bovin en Afrique subsaharienne (Valeur estimée d’après lecture d’un graphique publié dans Gerber et al. (12). En revanche, selon un inventaire d’émissions de GES réalisé en Australie, dans des conditions climatiques proches de celles de l’Afrique subsaharienne, en 2012, les émissions de N2O dues aux déjections des bovins déposées sur le sol ont représenté seulement 3 % des émissions de l’élevage, 3 fois moins que les émissions de N2O dues aux feux de savanes et 10 fois moins que les émissions de N2O dues à l’utilisation d’engrais pour les cultures (14).

Capacité des systèmes d’élevage de ruminants à séquestrer du carbone et à éviter des émissions de GES

Séquestration de carbone dans les pâturages

Les pâturages constituent des puits de carbone et peuvent séquestrer une grande partie des émissions de GES de l’élevage. Selon Ronald & Debbie (15), les pâturages utilisés par le bétail captent 20 % du CO2 libéré dans l’atmosphère par la déforestation et par les activités agricoles dans le monde. En Europe, les prairies constituent des puits nets de CO2, stockant de 500 à 1 200 kg de carbone par ha et par an et les compensations permises grâce à une bonne gestion des pâturages et au maintien des haies représentent de 24 à 53 % du niveau des émissions, suivant le système de production (16, 17). En outre, Leip et al. (18) ont montré que la consommation des végétaux par les animaux permettait de réduire de 30 à 40 % la disponibilité d’azote réactif dans les sols, limitant ainsi la production de N2O.

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La consommation des sous-produits agricoles grossiers évite la destruction de biomasse par le feu

Dans de nombreux pays africains il existe des contrats formels entre éleveurs et cultivateurs aux termes desquels, immédiatement après les récoltes, les animaux sont conduits sur les terres de culture pour consommer les résidus de cultures les plus grossiers (tiges de maïs, de mil, de sorgho, fanes de légumineuses, etc.) et, en échange, fertiliser les sols. La consommation par les animaux de résidus agricoles qui autrement seraient brulés permet d’éviter l’émission de 15 à 25 kg de CH4 par ha de résidus de culture pâturé2.

Contribution à la réduction des feux de brousse et à la protection de la savane arbustive

En réduisant le couvert herbacé de la savane, les ruminants empêchent ou réduisent la puissance des feux périodiques permettant d’éviter la destruction d’arbres et d’arbustes par le feu et l’émission d’au moins 13 kg de CH4 par ha de savane brulé (encadré 5).

Encadré 5 Production de gaz à effet de serre par les feux de brousse

Les feux contribuent au changement climatique de diverses façons. Ils libèrent des quantités très importantes de CO2, du CH4 et, dans une moindre mesure, du N2O. Les feux génèrent des émissions d’hydrocarbures et d’azote réactif, qui réagissent pour former de l’ozone troposphérique, un puissant GES. En outre, les feux importants produisent une gamme d’aérosols et de fumée qui peuvent contribuer à empêcher la sortie de l’atmosphère de certains rayonnements. Enfin, ils réduisent l’albédo de la surface de la terre pendant plusieurs semaines, ce qui contribue au réchauffement.

Dans les savanes qui occupent environ un huitième de la surface terrestre mondiale, les feux ont des conséquences très variables sur le réchauffement climatique, suivant qu’ils affectent les strates ligneuses ou la couverture herbacée. La réduction de l'intensité des incendies grâce au pâturage, conduit généralement à une augmentation du couvert des arbres et des arbustes, créant ainsi des puits de CO2 dans le sol et la biomasse.

2 Un kilogramme de résidus de maïs détruit par le feu émet 2,7 g de CH4 et 1 ha de résidus de maïs représente 10 t de matière sèche ; 1 kg d’herbe de savane détruite par le feu émet 2,3 g de CH4 et 1 ha de savane représente environ 6 t de matière sèche. Dans l’évaluation des bilans de GES, les émissions des déjections déposées sur des sols doivent être imputées aux cultures qu’elles fertilisent) (13). 

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Dans les zones tropicales où la pluviométrie est supérieure à 500 ou 600 mm par an et où les graminées sont en concurrence avec la végétation arbustive pour l’utilisation du sol, la présence d’animaux affaiblit la couverture de graminées et la puissance des feux de brousse ce qui, dans un premier temps, favorise les buissons puis, dans un deuxième temps, le remplacement des buissons par des ligneux non pyrophytes, renforçant ainsi, grâce au pâturage, la création de paysage de savane arbustive et la capacité de stockage du carbone.

La traction animale

Dans tous les PMA et les pays à revenu intermédiaire, les animaux fournissent une énergie renouvelable bon marché. Ils contribuent aux travaux agricoles et au transport et jouent un rôle déterminant dans l’économie rurale. Deux milliards de personnes utilisent des animaux pour travailler la terre ou pour transporter des marchandises. Dans certains pays, la proportion d’animaux utilisés pour leur force est énorme. Au Bengladesh, 90 % des bovins adultes sont utilisés à la fois pour les travaux agricoles et pour le transport (3).

En Inde, en 2009, 60 % des terres ont été labourées avec des animaux, 20 % à la main et 20 % avec des tracteurs. La force de travail des 83 millions d’animaux de trait indiens, principalement nourris de sous-produits agricoles, a été estimée à 30 000 MW, soit l’équivalent de 50 % de la capacité de production électrique de l’Inde. En l’absence d’animaux de trait, le labour aurait exigé cinq fois plus de tracteurs et l’utilisation de 20 Mt de gas-oil qui auraient libéré 60 Mt de CO2 (19, 20).

Le besoin d’adaptation des méthodes de calcul des émissions de gaz à effet de serre à l’élevage extensif

Tous les chercheurs soulignent le caractère spécifique des calculs d’émission et de séquestration de carbone et l’importance des écarts qui sont fonction des modes d’élevage, de la nature des sols et du climat. Cette grande variabilité rend dangereuse la construction de modèles destinés à faciliter des inventaires de grande envergure, à partir d’observations locales. En outre, dans les pays tropicaux, les capacités de séquestration de carbone et la nature des émissions de GES évitées grâce à la présence des animaux sont très mal connues. Leur prise en compte est

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indispensable et justifiera l’exécution d’inventaires approfondis, dans les régions concernées.

Dans les PMA et les pays à revenu intermédiaire, aux difficultés techniques d’estimation des émissions de GES s’ajoutent la diversité des fonctions économiques et sociales de l’élevage. Udo & Steenstra (21) font remarquer que les inventaires attribuent toujours la totalité des émissions de GES aux productions animales consommables et négligent les productions non consommables (travail, fumure, moyen d’épargne et de gestion des crises, etc.) que l’élevage procure aux agriculteurs pauvres (cf. infra). Ce mode de calcul convient aux pays développés mais ils ne convient pas dans les pays où pour des centaines de millions d’agriculteurs pauvres, les animaux offrent de nombreux services, assurent des fonctions sociales et où les productions végétales représentent souvent moins de la moitié de la valeur totale des productions animales.

Les co-résultats de l’amélioration de la productivité de l’élevage sur le bien-être de l’humanité et sur l’environnement

Fortes corrélations entre productivité, pauvreté et impact de l’élevage sur le changement climatique

L’amélioration de la productivité3 permet de produire des quantités égales d’extrants avec moins d’intrants (moins d’animaux, moins d’aliment-bétail ou moins de pâturage et généralement avec moins de travail). Les effets de l’amélioration de la productivité sont multiples. Ils sont de nature économique, grâce à une meilleure valorisation des investissements et des intrants. Ils sont aussi de nature environnementale car, à niveau de production égale, les émissions de GES et la pression de l’élevage sur les ressources naturelles diminuent. Enfin, l’amélioration de la productivité exige une amélioration des conditions d’entretien et de bien-être des animaux et une amélioration de leur santé, ce qui permet de réduire l’impact des zoonoses.

L’analyse statistique des séries de variables représentatives de la réduction de la pauvreté et de l’amélioration des performances

3 La productivité est utilisée ici dans son sens physique [en volume] et fait référence aux performances techniques de l’élevage.

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d’élevage (part de la croissance intensive) dans les grandes régions du monde, montre de fortes corrélations positives (les variables varient dans le même sens). Une exception concerne les volailles, qui sont de plus en plus élevées de façon intensive par des éleveurs « riches » et pour lesquelles la corrélation avec la réduction de la pauvreté (0,2) est faible. L’analyse montre aussi, de fortes corrélations négatives (les variables varient dans des sens opposés) entre les séries de variables représentatives des performances d’élevage et des niveaux d’émissions de GES. Autrement dit, à toute augmentation des performances d’élevage, correspond une diminution des émissions de GES (Tableau II).

L’amélioration de la productivité agricole, principal moteur de la réduction de la pauvreté

L’amélioration de la productivité agricole a été à la base de la croissance des grandes économies au XIX

e siècle : États-Unis, Japon, Europe et, plus récemment, de la croissance des grands pays émergents (24, 25). Aucun pays n’a réussi à réduire la pauvreté rurale sans augmenter la productivité de son agriculture (26, 27).

Dans les pays où l’agriculture est la principale source d’emplois et de revenus des pauvres, la croissance de l’agriculture contribue nettement plus au recul de la pauvreté que la croissance des autres secteurs, en partie car il est difficile de transférer les revenus générés dans un secteur économique vers un autre. En conséquence, les bénéfices que les pauvres retirent de la croissance sont plus importants si celle-ci se produit dans leur secteur d’activité (28, 29). En outre, l’agriculture est une activité à haute intensité de main d’œuvre. Sa croissance permet de fournir des emplois à une main d’œuvre peu qualifiée, de créer de la richesse et de fournir des produits de base qui favorisent l’expansion de manufactures locales et le développement d’emplois non-agricoles (30, 31) (Fig. 2).

Montalvo & Ravallion (32) ont montré que l’amélioration de la productivité agricole a été le principal facteur de réduction de la pauvreté en Chine. Ils concluent que l’idée selon laquelle les secteurs secondaire (manufacturier) et tertiaire (services) ont joué un rôle dans le combat contre la pauvreté est discutable, car il y a

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très peu de données montrant l’influence de ces deux secteurs sur la croissance (Encadré 6)

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Encadré 6 Croissance intensive et croissance extensive de l’élevage

La pauvreté a nettement reculé dans les pays qui ont réussi à améliorer la productivité de l’élevage. En revanche, elle a stagné dans les pays où la croissance des productions animales a été principalement extensive (cf. Fig. 2 et 5). Ce constat s’explique du fait des caractéristiques propres aux deux formes de la croissance. L’amélioration de la productivité permet de produire plus, en valorisant mieux les intrants et notamment en rémunérant mieux le travail des producteurs. En revanche, pour produire plus, la croissance extensive exige pour sa part une plus grande utilisation d’intrants : plus d’animaux, utilisant plus de pâturage et exigeant plus de travail, mais elle ne valorise pas mieux les intrants et notamment elle ne rémunère pas mieux le travail. Donc les revenus des producteurs stagnent. Autrement dit, la croissance extensive peut créer des emplois si de nouveaux éleveurs entrent en activité, mais elle ne permet pas une réduction significative de la pauvreté.

Selon Pica et al. (33), le développement de l’élevage a une capacité particulière à réduire la pauvreté et à contribuer à la croissance économique. En s’appuyant sur des données de 66 pays en développement, ces auteurs observent une relation causale statistiquement significative entre le développement de l’élevage et la croissance économique dans 36 des 66 pays étudiés. Dans 33 pays, le développement de l’élevage semble être, ou avoir été, un moteur de la croissance du PIB par habitant. Dans trois pays seulement, la productivité de l'élevage semble être, ou avoir été, tirée par la croissance du PIB par habitant. Selon ces auteurs, la capacité particulière de la productivité de l’élevage résulte de ses avantages indirects sur la productivité et la commercialisation des produits agricoles (grâce à la fumure organique et au transport), sur la santé humaine (grâce à la réduction des zoonoses et à une meilleure nutrition) et de l’utilisation des animaux pour l’accumulation du capital, qui facilite la sortie de la pauvreté.

La capacité de l’élevage à favoriser la constitution d’un patrimoine est fondamentale pour la réduction de la pauvreté. L’expérience acquise en Asie de l’Est montre que le patrimoine des ménages ruraux favorise la création d’emplois ruraux non agricoles et facilite l’intégration dans les zones urbaines des ménages qui quittent l’agriculture (31).

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Le niveau d’émissions de gaz à effet de serre de l’élevage diminue lorsque la productivité s’améliore

Selon Caro et al. (7), entre 1961 et 2010, les émissions de GES de l’élevage ont diminué de 23 % dans les pays développés où les gains de productivité ont été importants. En revanche, elles ont augmenté de 117 % dans les pays en développement où, au moins dans certaines régions, les gains de productivité ont été faibles.

Hausse de la productivité et baisse des émissions de gaz à effet de serre de l’élevage dans les pays développés

Les inventaires que les pays développés adressent périodiquement à la CCNUCC, confirment une réduction continue des émissions de GES de l’élevage. Dans les pays développés les émissions de l’élevage ont atteint un maximum dans les années 70. Depuis elles diminuent et le rythme de leur réduction s’est accéléré au milieu des années 90 (7). À l’exception des volailles dont la production explose partout dans le monde, dans les pays développés les effectifs du cheptel diminuent. Toutefois, grâce à l’amélioration continue de la productivité, les volumes des productions animales continuent à progresser. Entre 1981 et 2012, dans les pays d’Europe de l’Ouest le nombre de porcs a diminué de 4 % mais dans le même temps la production a augmenté de 20 %. Pendant la même période, dans les pays d’Amérique du Nord, le nombre de bovins a diminué de 22 %, mais la production de viande bovine a augmenté de 13 % (23).

En 2011, en incluant les impacts associés au changement d’affectation des sols, les émissions de GES ont été estimées respectivement à 20, 25, 26 et 32 kg eq CO2 par kg de carcasse, au Canada, en Australie, aux États-Unis et en Europe. Pour le lait, dans les pays développés, les émissions de CO2 eq sont comprises entre 0,8 à 1,2 kg eq CO2 par kg de lait (17, 34, 35). En Europe et aux États-Unis l’amélioration des performances a été le principal facteur de réduction des émissions des GES de l’élevage.

Faible productivité et hausse des émissions de gaz à effet de serre de l’élevage dans les pays à faible revenu

La situation des pays en développement est hétérogène. Des pays émergents, comme la Chine ou le Brésil, ont amélioré leur productivité et ont des performances qui se rapprochent de celles

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des pays développés. En revanche, les PMA et des grands pays à revenu intermédiaire, comme le Nigeria et le Pakistan, ont des niveaux de productivité faible, avec pour conséquence des niveaux d’émissions plus élevés (Fig. 3, 4 & 5).

Quel niveau de production et combien d’animaux dans le monde, à l’horizon 2050 ?

Perspectives de forte croissance des productions animales dans le monde

Entre 1961 et 2012 la production de viande dans le monde a été multipliée par plus de 4, passant de 71 Mt (millions de tonnes) à environ 300 Mt et la production de lait a été multipliée par plus de 2, passant de 344 Mt à 740 Mt (23). Suivant les estimations de la FAO, en 2050, le volume de la production mondiale de viande devrait atteindre 455 Mt (soit 50 % de plus qu’en 2012), la production de lait 1 077 Mt (45 % de plus qu’en 2012) et la production d’œufs 102 Mt (45 % de plus qu’en 2012) (36) (Fig. 6 & 7).

Selon les prévisions de la FAO, d’ici à 2050, la croissance des principales productions animales devrait rester supérieure à la croissance de la population mondiale. En 2050, il devrait y avoir 9,5 milliards de personnes sur la planète (37). La consommation per capita devrait passer de 36 kg à 48 kg par an pour la viande (+33 % par rapport à 2012) et de 101 kg à 114 kg par an pour le lait (+ 13 %).

Grâce aux gains de productivité, d’ici à 2050, le niveau des émissions de GES de l’élevage devrait diminuer partout dans le monde, sauf dans les PMA et dans quelques pays à revenu intermédiaire inférieur

Une croissance moyenne de la production de viande de 1,2 % par an, entre 2010 et 2050 suffirait pour atteindre les volumes prévus à l’horizon 2050. Or, dans le monde, entre 1981 et 2012, la croissance du taux de prélèvement de la viande de porc (principale viande consommée) et de la viande de poulet, a largement dépassé cette valeur (Tableau III). Une poursuite des gains de productivité à ce rythme permettrait de satisfaire les besoins de la population mondiale, sans augmentation du nombre d’animaux.

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Toutefois les moyennes mondiales masquent d’importantes différences régionales. Les pays d’Amérique latine et d’Asie de l’Est ont déjà réalisé des progrès considérables. Toutefois, dans ces pays, les marges d’amélioration de la productivité sont encore très importantes (Fig. 4), notamment pour la production de viande de porcs et de bovins. Dans ces pays, la baisse des émissions de GES devrait être renforcée par la proportion de plus en plus forte des viandes de monogastriques dans la consommation des ménages.

Dans les pays développés, les gains de productivité ont ralenti mais les besoins augmentent peu. Dans la ligne des engagements pris dans le cadre du protocole de Kyoto4, les pays développés devraient poursuivre la réduction des émissions de ces gaz de l’élevage.

Les PMA et notamment ceux d’Afrique subsaharienne et de grands pays à revenu intermédiaire, tranche inférieure, comme le Nigeria et le Pakistan, constituent un cas à part. Dans ces pays, le niveau de consommation de produits d’origine animale est relativement faible (17 kg de viande et 44 litres de lait per capita en 2011, en Afrique subsaharienne) mais la demande est de plus en plus forte du fait de la forte croissance démographique et de l’amélioration du pouvoir d’achat. En raison de la faiblesse des politiques sectorielles et de la pression des maladies animales, les gains de productivité sont très faibles (Tableau III). En conséquence, pour répondre à la demande croissante, les importations augmentent et la croissance des productions locales est principalement extensive, permise par une augmentation du nombre d’animaux, avec peu de gains de productivité (voir l’encadré 6 et la Fig. 4). Dans les PMA les effectifs des bovins ont augmenté deux fois plus vite que dans le reste du monde et les effectifs des ovins et caprins trois fois plus vite (Fig. 8). À moins de l’adoption de politiques sectorielles permettant des gains de productivité, les émissions de GES devraient continuer à augmenter.

4 Le protocole de Kyoto visait à réduire les émissions des six GES suivants : dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d'azote et trois substituts des chlorofluorocarbones d'au moins 5 % par rapport au niveau de 1990, entre 2008 et 2012.

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Conditions d’amélioration de la productivité de l’élevage

Des soutiens publics sont indispensables pour déclencher l’amélioration de la productivité agricole

Dans des méta-analyses, Latruffe (38) et l’OCDE (39) ont montré que les déterminants les plus puissants de la productivité relevaient de la qualité des interventions publiques (politiques sectorielles, dont les politiques de santé animale, recherche et développement, infrastructures), de la qualité de l’environnement naturel (climat et fertilité des sols), des conditions du marché (force de la demande) et du niveau de commercialisation de l’exploitation agricole. Dans le cas particulier de l’élevage, l’amélioration de la productivité exige également une amélioration des systèmes de prévention et de traitement des maladies animales, notamment les maladies transmissibles qui permettent de sécuriser les investissements et la commercialisation des productions. À l’exception du niveau de commercialisation, les déterminants les plus puissants de la productivité ne sont pas contrôlables par les éleveurs. Ce qui explique, au moins en partie, le faible niveau de productivité dans les pays où les politiques sectorielles sont déficientes et les soutiens à l’élevage très faibles et le haut niveau de productivité dans les pays où l’élevage bénéficie de forts soutiens publics.

Les maladies animales sont un obstacle à l’amélioration de la productivité de l’élevage

« L’amélioration de la santé animale est une condition préalable à l’amélioration de la productivité de l’élevage. Pour que les investissements dans la nutrition, la génétique où le logement des animaux soient rentables, il faut d’abord contrôler le risque de maladies animales » (40).

Effets directs de l’amélioration de la santé animale sur les émissions de GES

Très peu d’études précisent les effets directs des maladies animales sur les émissions de GES. Une des rares études sur le sujet a été exécutée au Royaume-Uni par des chercheurs et des vétérinaires de terrain (41). Cette étude a évalué les impacts de 15 maladies endémiques et affections physiologiques des bovins

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laitiers (mammites, boiteries, infertilité, etc.) sur les émissions de GES. Les résultats ont montré que les animaux sains produisaient en moyenne 3,8 % de lait en plus (7 831 litres au lieu de 7 539 litres par an) et, parallèlement, émettaient 1,6 % de CO2 en moins. L’adoption au Royaume-Uni d’un programme permettant de réduire de 50 % l’impact des 15 maladies étudiées, permettrait de réduire les émissions de 669 kt CO2 eq par an, soit 5 % des émissions de l’élevage laitier. Pour les maladies les plus importantes, le programme aurait également un effet positif sur la rentabilité de l’élevage. En outre, l’amélioration des performances permettrait de réduire de 83 000 le nombre de vaches laitières (sur un total de 1,8 million). La conversion en forêt des pâturages ainsi libérés permettrait le stockage de 207 à 1 077 kt CO2 eq par an, suivant le type de forêt. Au bilan, l’amélioration des performances d’élevage grâce à un meilleur contrôle des 15 maladies étudiées permettraient de réduire de 7 à 13 % le bilan de production de CO2 de l’élevage laitier britannique.

L’exemple qui précède porte sur un pays développé, où le contexte zoosanitaire est favorable. Dans les pays où les conditions zoosanitaires sont désastreuses, en réduisant les pertes d’animaux et de production, un programme de lutte contre les maladies animales aurait des effets beaucoup plus importants.

Dans les PMA et la plupart des pays à revenu intermédiaire inférieur, les maladies animales entraînent un gaspillage de ressources et sont une contrainte à la valorisation des progrès technologiques

Dans les PMA, en élevage villageois traditionnel, les maladies animales provoquent chaque année la mort de 20 à 22 % des veaux, de 6 à 7 % des bovins adultes, de 22 à 24 % des agneaux et des chevreaux, de 15 % des ovins et caprins adultes, de 40 à 50 % des porcelets et de 50 % des poulets entre 0 et 6 mois (OIE, données non publiées). En outre, lorsqu’elles ne tuent pas, les maladies affaiblissent et diminuent les performances des animaux, entraînant des pertes qui peuvent atteindre 50 % du volume des productions animales (42). Outre le gaspillage des ressources qu’elles provoquent, du fait de leur fréquence et de leur gravité, dans les PMA et la plupart des pays à revenu intermédiaire inférieur, les maladies animales représentent un risque très important, qui dissuade les agriculteurs de se spécialiser dans

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l’élevage et de réaliser les investissements nécessaires à l’amélioration de leur productivité. Ces contextes paralysent également l’investissement extérieur.

Le risque de maladies animales empêche les éleveurs pauvres de développer des élevages de monogastriques

En 2012, les porcs et les volailles, qui émettent peu de GES (Fig. 1) ont produit les trois quarts de la viande dans le monde. En revanche, dans les PMA, les ruminants restent les principaux producteurs de viande et, en 2012, ils ont produit 60 % du total de viande.

En raison de la pression des maladies animales, les éleveurs pauvres ne peuvent pas participer au développement des élevages de monogastriques (encadré 7). En revanche, des éleveurs aisés ont les capacités nécessaires pour réduire le risque de maladies en isolant leurs animaux des agressions du milieu extérieur et en concluant des accords avec des vétérinaires. Ils parviennent à installer des élevages intensifs de volailles et parfois de porcs (en Asie du Sud), souvent près des grandes villes. Grâce à la force de la demande, ils peuvent incorporer les coûts de prévention et de traitement du risque dans leurs coûts de production. Sur les marchés locaux, les produits des élevages industriels concurrencent ceux des éleveurs pauvres. Dans un contexte zoosanitaire dégradé et de services vétérinaires peu efficaces, le risque de maladies animales est aussi un facteur d’inégalité sociale et contribue à la marginalisation des éleveurs les plus pauvres.

Encadré 7 Les systèmes d’élevage à « faibles intrants et faibles extrants »

Les agriculteurs-éleveurs pauvres pratiquent le plus souvent des systèmes d’élevage à « faibles intrants et faibles extrants » avec des ruminants capables de valoriser d’immenses étendues arides et des sous-produits agricoles grossiers, ou avec des monogastriques (volailles, porcs) capables de se nourrir seuls, de déchets de cuisine, de résidus agricoles, d’insectes et de graines sauvages.

Pour les agriculteurs pauvres qui ont une forte aversion au risque, ces systèmes ont un grand intérêt économique car ils n’exigent aucun investissement et utilisent très peu d’intrants. Les animaux produisent peu, mais offrent de nombreux avantages et représentent un capital qui permet d’assurer la survie d’un ménage en cas de crise agricole et de faire face aux évènements de la vie.

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Ces systèmes d’élevage conviennent à des ruminants ou des monogastriques rustiques. En revanche, ils ne permettent pas de développer les élevages de monogastriques génétiquement améliorés et rentables. Ils ont besoin de rations riches en énergie et en protéines. Or les rations de bonne qualité coûtent cher et les monogastriques autochtones, qui sont très rustiques, ne sont pas capables du fait de leurs caractéristiques génétiques de les valoriser5 de façon rentable.

Les monogastriques génétiquement améliorés, qui sont beaucoup plus performants, sont également beaucoup moins résistants aux maladies endémiques et exigent des conditions d’hygiène que les agriculteurs pauvres ne sont pas en mesure de fournir.

Les éleveurs pauvres ne bénéficient pas suffisamment des politiques de développement

Dans les pays développés, l’élevage bénéficie de soutiens6 très importants

Dans les pays développés l’agriculture est un secteur aidé et la forte croissance de la productivité agricole a été permise grâce à de très importants soutiens publics. La part de l’élevage dans le PIB agricole est très forte, souvent proche de 50 % et les soutiens à l’agriculture sont répartis de façon équitable entre les productions végétales et les productions animales. À la fin des années 80, les soutiens des pays de l’OCDE à leurs agriculteurs représentaient environ 37 % de la valeur totale des produits agricoles « à la porte de la ferme ». Depuis, ces soutiens ont diminué mais, en 2012, ils représentaient encore 258 milliards USD, soit 19 % de la valeur totale des produits agricoles à la production (43).

Dans les pays d’Asie de l’Est, des réformes institutionnelles et d’importants soutiens publics ont permis une forte amélioration de la productivité agricole et une forte réduction de la pauvreté

Les pays d’Asie de l’Est, qui ont résolument soutenu leur agriculture, sont ceux qui ont obtenu les meilleurs résultats dans

5 En Afrique, en élevage villageois traditionnel, les poulets atteignent leur poids de vente vers 6 mois. La moitié meurt avant. En élevage intensif, les poulets génétiquement améliorés atteignent leur poids de vente vers 7 ou 8 semaines et moins de 4 % meurt avant cet âge. 6 Les soutiens à l’agriculture comprennent les soutiens aux producteurs, les soutiens aux consommateurs et les soutiens aux services généraux comme la recherche, les infrastructures et la formation agricole.

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la lutte contre la pauvreté. En Chine, la pauvreté a reculé de 77 % à 10 % entre 1981 et 2012.

Parallèlement à d’importantes réformes sectorielles, le niveau des soutiens à l’agriculture a augmenté, pour atteindre 17 % de la valeur des productions agricoles en 2011. Ce niveau exceptionnellement élevé pour un pays à revenu intermédiaire, représentait 3,7 % du PIB national, beaucoup plus que dans les pays de l’OCDE (0,9 % du PIB en 2011). Les productions animales ont largement bénéficié de ces soutiens. Leur croissance a été plus forte que celle des productions végétales et a contribué à la diversification des revenus des paysans. La croissance de la productivité agricole a été compatible avec le maintien d’une forte population en zone rurale (50 %) et d’un grand nombre d’exploitations agricoles. En 2012, la Chine comptait 200 millions de ménages d’agriculteurs. La surface moyenne des fermes était de 0,65 ha (44, 31).

La faiblesse des politiques sectorielles et l’effondrement des soutiens publics aux éleveurs pauvres dans les PMA et dans des pays à revenu intermédiaire inférieur

En dépit de son importance économique et sociale, l’élevage a été le grand perdant de l’évolution des stratégies de l’aide internationale et des politiques économiques des pays les plus pauvres.

Jusque dans les années 80, dans la plupart des PMA, les services publics offraient d’importants appuis à l’élevage. Dans les années 90, la mise en œuvre des politiques d’ajustement structurel a conduit au désengagement rapide des Services vétérinaires publics du terrain, alors qu’il y avait trop peu d’acteurs privés capables de prendre le relais, entraînant l’abandon brutal de nombreux services offerts aux éleveurs (vaccination de masse, services de clinique vétérinaire, etc.), avec de graves conséquences sur les performances de l’élevage (40).

Au début des années 2000, le lancement de l’initiative DSRP (Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté), et la priorité donnée à la réalisation des OMD (Objectifs du millénaire pour le développement), se sont traduits par d’importantes augmentations de l’aide aux institutions et aux secteurs sociaux (santé et éducation en priorité) et par une forte réduction des

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appuis des gouvernements et de l’aide internationale aux infrastructures et aux secteurs productifs, dont l’agriculture. La part de l’APD (Aide publique au développement) affectée au secteur agricole, qui représentait environ 12 % du total de l’aide dans les années 80 a chuté, passant sous les 4 % du total de l’aide en 2004 (Fig. 9).

À partir des années 90, l’élevage a été la cible d’une série d’accusations exagérées ou totalement infondées, émanant d’organisations non gouvernementales (ONG) et parfois d’organisations internationales (voir supra). L’élevage en général et notamment l’élevage pastoral conduit par les communautés les plus défavorisées, a été rendu responsable de graves atteintes à l’environnement et à la santé humaine. Ces accusations, souvent très médiatisées, n’ont pas réduit les soutiens à l’élevage dans les pays développés et les pays émergents, mais elles ont coïncidé avec un effondrement des appuis de l’aide internationale et des financements nationaux aux éleveurs les plus pauvres (Fig. 10), favorisant, afin de répondre à la demande des consommateurs, une croissance extensive de l’élevage, sans gain de productivité et aggravant les impacts sur l’environnement et le changement climatique (5, 46).

En 2012, l’APD s’est élevée au total à 172 milliards USD. L’agriculture dans son ensemble a reçu 11,5 milliards USD. La part de l’aide affectée directement à l’élevage a été de 173 millions USD (soit 0,1 % du total de l’APD), dont 114 millions USD aux productions animales (code OCDE-CAD 31163) et 59 millions USD aux Services vétérinaires (code 31195). Au bilan, en 2012, l’élevage a reçu directement seulement 1,5 % de l’aide affectée à l’agriculture. Une proportion sans commune mesure avec l’importance économique et sociale de l’élevage. Les agences multilatérales qui fournissent en moyenne 22 % du total de l’APD ont versé 57 % de l’aide affectée à l’élevage (45). La production animale bénéficie en outre d’une petite partie de l’aide accordée à la recherche agricole, à la vulgarisation, aux politiques et aux formations agricoles. Dans les PMA où l’APD représente souvent plus de 10 % du PIB (22) et plus de 30 % du budget d’investissement agricole, la forte réduction des soutiens publics a été un facteur limitant l’amélioration de la productivité de l’élevage.

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Pour la plupart des PMA et des pays à revenu intermédiaire inférieur, notamment en Afrique, les orientations de l’aide se retrouvent dans les orientations des DSRP et donc dans les stratégies nationales, car les pays doivent faire approuver un DSRP pour bénéficier d’un allègement de leur dette ou d’une aide financière de la part du FMI et de la Banque mondiale. Une étude des références faites à l’élevage dans les DSRP de 49 pays a révélé qu’aucun document ne présentait de manière cohérente l’importance de l’élevage pour l’économie et pour la réduction de la pauvreté (47). Les DSRP de pays où l’élevage est le principal moyen de subsistance de la majorité de la population (Niger ou Tadjikistan, par exemple) se limitaient à survoler cette activité. Les quelques recommandations concernant l’élevage étaient toutes d’ordre général, sans précision sur les activités à exécuter et sans quantification des besoins budgétaires. Selon les auteurs de l’étude ces observations témoignaient d’une part de l’influence des consultants de la Banque mondiale et du FMI car plusieurs DSRP étaient rédigés dans une langue, l’anglais, qui n’était pas celle des pays concernés et, d’autre part, de l’absence de volonté politique des décideurs nationaux et des experts à développer l’élevage.

La même réticence à financer l’élevage se retrouve dans les financements du Fonds pour l’environnement mondial (FEM) (48) (les PMA y ont un accès facilité dans le cadre du Fonds pour les PMA pour le changement climatique, LDCF en anglais). Les spécialistes du climat recommandent de donner une priorité à l’amélioration de la productivité de l’élevage pour réduire les émissions de GES. Smith et al. (11) estiment que l’amélioration des performances permettrait de réduire de 70 % les émissions de GES de l’élevage, dans les pays à faible revenu. Pourtant, parmi les sept priorités citées dans le document qui sert de cadre à la préparation des PANA (Programmes d’action nationaux aux fins de l’adaptation, en anglais National Adaptation Programs of Action, NAPA), l’agriculture tient une place essentielle, mais les actions qui la concernent portent sur les systèmes de préparation des terres, l’irrigation, les cultures traditionnelles, etc. Aucune ne concerne l’élevage (49).

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Conclusions

Les effets contreproductifs des accusations portées

contre l’élevage

L’élevage est l’objet d’une surveillance étonnante et de nombreuses études se sont appliquées à évaluer ses impacts sur l’environnement. Aucune autre production agricole n’a été l’objet d’une telle attention. Après avoir épuisé la liste des accusations sur la dégradation des sols et la déforestation, les études critiques les plus récentes s’intéressent maintenant aux impacts de l’élevage sur le changement climatique.

Dans un monde de plus en plus peuplé, la pression de l’agriculture sur les ressources naturelles est de plus en plus forte. Dans ce contexte, il est légitime de vouloir préserver l’intégrité des écosystèmes, le bien-être animal et le besoin des générations futures. En revanche, au lieu d’aboutir à des réformes capables d’organiser une croissance durable des productions, aux bénéfices partagés, les accusations répétées ont pénalisé les agriculteurs les plus pauvres, en les privant des soutiens qui auraient été nécessaires pour sécuriser leur production et organiser les bases d’un développement durable.

Les conséquences défavorables d’une croissance uniquement « tirée par la demande »

Le constat que la demande « tire la croissance » a trop souvent pour conséquence une réduction des soutiens à l’élevage. La demande est un déterminant puissant de la production et une forte demande se traduit en principe par une hausse des prix qui incite à produire plus. Toutefois, la demande ne suffit pas à améliorer la productivité de l’élevage qui nécessite également un renforcement des appuis de la recherche, une amélioration du contexte institutionnel, etc. En l’absence d’amélioration de la productivité, la demande favorise une croissance extensive, avec une augmentation du nombre d’animaux, aggravant la pression sur les ressources naturelles et incapable de réduire la pauvreté.

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Le danger des analyses monocritères et les avantages

des ruminants

Des analyses monocritères de l’impact environnemental de l’élevage recommandent souvent le remplacement des ruminants par des monogastriques, qui émettent moins de GES et occupent moins d’espace. Ces recommandations ne résistent pas à une analyse plus large, prenant en compte l’ensemble des exigences du développement durable.

Grâce à la fermentation entérique, les ruminants ont la capacité de transformer des sous-produits très grossiers, inutilisables par les hommes et les monogastriques et qui autrement seraient souvent brûlés, en protéines de haute valeur nutritive. Ce sont les seuls animaux capables de permettre la survie de communautés pastorales souvent marginalisées, sur les immenses étendues arides qui couvrent 16 % de la surface des terres immergées de notre planète, où le froid, la sécheresse ou la déclivité empêchent toute production végétale cultivée (1). Ils fournissent leur force pour les travaux agricoles et assurent les transports dans les régions enclavées. Pour les agriculteurs pauvres, les productions animales consommables qui sont souvent la seule base de l’évaluation des impacts environnementaux, ne représentent qu’une partie des avantages offerts par les ruminants.

Les élevages monogastriques, dont le développement est souvent recommandé afin de préserver les écosystèmes, sont le plus souvent hors-sol et utilisent des rations produites de façon intensive, loin des exploitations d’élevage et parfois sur d’autres continents. En revanche, pour les ruminants, les éleveurs pauvres n’utilisent pratiquement pas d’intrants importés et, dans les pays développés, 90 % des fourrages et céréales destinés aux ruminants sont produits sur les exploitations et n’impliquent pas de transport à empreinte carbone élevée. Dans tous les cas les déjections des ruminants retournent au sol et s’intègrent dans des cycles naturels, qui sont difficilement quantifiables et quasiment impossible à modéliser car directement liés à des facteurs locaux spécifiques, à la nature du sol, au climat et aux pratiques agronomiques (17).

Les ruminants ont un cycle de vie relativement long et leurs systèmes d’élevage respectent mieux que les systèmes d’élevage de monogastriques les modes de vie naturels et le bien-être des

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animaux ainsi que la consommation d’antibiotiques liée au microbisme des élevages intensifs. Il est évident que les pâturages utilisés par les ruminants occupent de grands espaces qui représentent 26% de la surface des terres immergées (1), mais de nombreuses études ont montré la capacité des systèmes d’élevage de ruminants à compenser une large partie de leurs émissions de GES et la capacité des pâturages naturels à créer un environnement favorable à la qualité de l’air, à la régénération des ressources en eau, au maintien de la faune sauvage et de la biodiversité et à l’amélioration du cadre de vie, en offrant des paysages agréables (15, 50). En outre, Leip et al. (18) ont montré que la consommation des végétaux par les animaux permettait de réduire fortement, de l’ordre de 30 % à 40 %, la disponibilité d’azote réactif dans les sols, limitant ainsi fortement la production de N2O.

Rendre les progrès de la science accessibles aux éleveurs les plus pauvres, notamment en Afrique

L’Afrique est le continent où la part de la population qui travaille dans l’agriculture est la plus élevée (60 % des actifs). C’est aussi le continent qui soutient le moins la croissance de la productivité de son agriculture. Depuis plusieurs années, l’Afrique subsaharienne affiche une solide croissance économique, proche de 5 %. Cette croissance bénéficie de l’exploitation des matières premières, des investissements dans les infrastructures, mais aussi de l’augmentation des productions agricoles (51). Toutefois, contrairement à la croissance des pays européens et nord-américains au XIX

e siècle et des pays asiatiques à la fin du XXe

siècle, la croissance africaine ne s’appuie pas sur l’amélioration de la productivité agricole. En conséquence elle profite très peu aux pauvres. L’Afrique est le continent qui a le moins réduit la pauvreté (Fig. 2).

L’Afrique est le futur géant démographique. La croissance démographique devrait ralentir partout dans le monde, sauf en Afrique où elle devrait rester proche de 2 % par an, au moins jusqu’en 2050. La population africaine devrait plus que doubler (+119 %) entre 2010 et 2050. En 2100, avec 4 milliards d’habitants, l’Afrique devrait être le deuxième continent le plus peuplé, juste derrière l’Asie (37).

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Au-delà des conséquences dramatiques de la pauvreté pour près de la moitié des Africains, la persistance d’une grande pauvreté rurale dans ce futur géant démographique pourrait avoir des répercussions sur l’ensemble de la planète. Entre autres impacts, l’insuffisance de surveillance vétérinaire entretiendrait un risque important pour la santé animale et la santé humaine du reste du monde du fait de la persistance des maladies animales transmissibles et du risque de zoonoses émergentes. En outre, le maintien d’une grande précarité économique dans les zones d’élevage, qui couvrent une grande partie du continent, du Sénégal et de la Mauritanie, à la Somalie et au Kenya, pourrait favoriser des foyers d’insécurité (qui existent déjà) aux conséquences graves pour la stabilité du continent et pour le reste du monde.

Dans tous les grands pays, l’amélioration de la productivité agricole a joué un rôle essentiel dans la réduction de la pauvreté et la capacité particulière de l’élevage à réduire la pauvreté a été largement soulignée. Erik Solheim, Président du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE a rappelé qu’il n’existait pas de solution universelle pour mettre fin à la pauvreté mais que les réussites remarquables de certains pays indiquaient la voie à suivre (52).

Outre le besoin de solidarité internationale, la prise en compte de l’interdépendance des divers processus économiques, sociaux et environnementaux pour un développement durable de notre planète, devrait conduire à une révision de la marginalisation de l’élevage dans les politiques de développement.

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Tableau I Émissions de CH4 entérique et de CH4 des fumiers de bovins et de truies dans des grandes régions du monde (13)

  kg de CH4 entérique par animal/an  kg CH4 des fumiers par animal/an (25 °C) 

Région  Vaches 

laitières 

Autres bovins  Truies  Vaches 

laitières 

Autres bovins  Truies 

Afrique 

subsaharienne  

46  31  1  1  1  1 

Amérique 

latine et 

Caraïbes  

72  56  1  1  1  1 

Asie de l’Est et 

Pacifique  

68  47  1  26  1  6 

Asie du Sud   58  27  1  5  2  5 

Moyen‐Orient 

et Afrique du 

Nord  

46  31  1  2  1  5 

Amérique du 

Nord  

128  53  1,5  98  2  39 

Europe de 

l’Ouest  

117  57  1,5  75  21  27 

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Tableau II Corrélation entre les séries de données concernant les performances d’élevage, la réduction de la pauvreté et les niveaux d’émission de GES, dans des grandes régions du monde

Séries de variables étudiées Coefficient de corrélation

Taux de réduction de la pauvreté entre 1981 et 2012 (Fig. 2)

et Pourcentage de la composante intensive de la croissance de l’élevage entre 1981 et 2012 (Fig. 5)

Bovins : 0,87 Porcs : 0,64 Volailles : 0,20 Petits ruminants : 0,77

Production de lait par vache et par an (Fig.4)

et Émissions de GES par kg de lait (Fig. 3)

– 0,68

Taux de prélèvement (fig. 4)

et Émissions de GES par kg de viande (Fig. 3)

– 0,78

Calcul des corrélations à partir des données de la Banque mondiale (Indicateurs du développement dans le monde, 2014) (22) pour le taux de pauvreté ; de Gerber et al. (12) pour les émissions par kg de viande et par kg de lait ; du GIEC (13 2006) pour la production de lait par vache et de FAOSTAT 2014 (23) pour les taux de prélèvement. Calcul du pourcentage de la composante intensive de la croissance effectué à partir des données FAOSTAT 2014 (23).

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Tableau III Évolution de la croissance annuelle moyenne du taux de prélèvement de viande de bovins, porcs, poulets et ovins-caprins, dans des grandes régions du monde, de 1981 à 2012

 

  Bovins  Porcs  Poulets  Ovins/caprins 

Afrique subsaharienne  0,2 %  0,3 %  1,3 %  0,5 % 

Amérique latine & Caraïbes  0,9 %  2,9 %  2,7 %  1,1 % 

Asie de l’Est & Pacifique  4,5 %  2,8 %  1,6 %  4,0 % 

Asie du Sud  1,1 %  2,4 %  0,7 %  –0,1 % 

Moyen‐Orient & Afrique du 

Nord 

2,0 %  ‐  2,1 %  –1,0 % 

PMA  0,6 %  1,0 %  1,5 %  0,3 % 

Pays développés  0,8 %  1,1 %  0,9 %  0,7 % 

Monde  0,8 %  1,7 %  1,3 %  0,7 % 

Calcul d’après les données de FAOSTAT 2014 (23)

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Fig. 1 Estimation des émissions de GES, par espèce, dans le monde, en Mt eq CO2 (en 2011) Source : d’après GLEAM (Global livestock environmental assessment model), cité par Gerber et al. (12).

0

500

1 000

1 500

2 000

2 500

424612 618 668

2 128

2 495

Mt eq CO2

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Fig. 2 Pourcentage de personnes dans l’extrême pauvreté, dans les pays en développement de grandes régions du monde et dans les PMA, en 1981 et en 2012 Source : Banque mondiale, Indicateurs du développement dans le monde (22)

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80%

Monde

PMA

Moyen‐Orient & Afrique du Nord

Asie du Sud

Asie de l'Est & Pacifique

Amérique latine & Caraïbes

Afrique subsaharienne

1981 2012

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Fig. 3 Variation de l’intensité des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la production de lait et de viande de bovins, dans des grandes régions du monde (en kg CO2 eq par kg de carcasse ou par kg de lait)

Source : d’après GLEAM, cité par Gerber et al. (12)

0 20 40 60 80

Monde

Pays développés

Moyen‐Orient & Afrique…

Asie du Sud

Asie de l'Est &…

Amérique latine &…

Afrique subsaharienne

Intensité d'émission de GES par kg de carcasse

0 2 4 6 8 10

Monde

Pays développés

Moyen‐Orient &…

Asie du Sud

Asie de l'Est &…

Amérique latine &…

Afrique subsaharienne

Intensité d'émission de GES par kg de lait

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0 50 100 150

Monde

Pays développés

PMA

Moyen‐Orient & Afrique du Nord

Asie du Sud

Asie de l'Est & Pacifique

Amérique latine & Caraïbes

Afrique subsaharienne

Poulets (0,1 kg) Porcs (kg) Bovins (kg)

Taux de prélèvement

0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000

Monde

Pays développés

Moyen‐Orient &Afrique du Nord

Asie du Sud

Asie de l'Est &Pacifique

Amérique latine &Caraïbes

Afriquesubsaharienne

Lait en kg/vache/an

Fig. 4 Taux de prélèvement de viande et production de lait, dans des grandes régions du monde Calcul des taux de prélèvement d’après les données FAOSTAT 2014 (23) Volume de production laitière d’après le GIEC (13).

Le taux de prélèvement correspond au quotient de la quantité d’une production animale obtenue pendant une année, par l’effectif moyen de l’espèce correspondante pendant la même année. Il est exprimé en kg de poids carcasse pour les bovins et les porcs et en 0,1 kg de poids de poulet prêt à cuire pour les poulets.

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Fig. 5 Pourcentage de la composante intensive dans la croissance totale des productions, dans des grandes régions du monde et dans les PMA, entre 1981 et 2012

Le pourcentage de gains de production permis par la composante intensive de la croissance (avec gains de productivité), entre l’année A (début de période) et l’année B (fin de période) est déterminé par la formule :

Croissanceintensive en%ProductionannéeB ProductionannéeA/EffectifsannéeA EffectifsannéeB

ProductionannéeB– ProductionannéeA

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Fig. 6 Évolution et perspectives de croissance des productions de viandes et de lait, de 1970 à 2050 (en Mt)

D’après FAOSTAT (23) de 1970 à 2010 et d’après Alexandratos & Bruinsma (36) de 2010 à 2050

0

100

200

300

400

500

1970 1990 2 010 2030 2050

Viande

Pays développés PMA Pays en développement

Mt

0

200

400

600

800

1000

1200

1970 1990 2 010 2030 2050

Lait

Pays développés PMA Pays en développement

Mt

Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 33 (3) 47

n° 09102014-00044-FR 47/50

Fig. 7 Évolution comparée du taux de croissance annuel de la population et des productions de viande et de lait dans le monde, de 1970 à 2050

Calcul des taux de croissance d’après FAOSTAT (23) de 1970 à 2010 et d’après Alexandratos & Bruinsma (36) de 2010 à 2050

0,5%

1,0%

1,5%

2,0%

2,5%

3,0%

1970‐1990 1990‐2010 2010‐2030 2030‐2050

Viande Lait Population

Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 33 (3) 48

n° 09102014-00044-FR 48/50

Fig. 8 Évolution des effectifs des principales espèces de rente, dans le monde sans les PMA et dans les PMA, de 1981 à 2011, en millions de têtes pour les bovins, porcs et ovins-caprins et en 10 millions de têtes pour les volailles Source : d’après FAOSTAT (23)

0

500

1 000

1 500

2 000

2 500

1981 1991 2001 2011

Effectifs animaux dans le monde (sans les PMA)

Bovins Porcs Volailles Ovins & caprins

en M ou en 10M

0

100

200

300

400

500

1981 1991 2001 2011

Effectifs animaux dans les PMA

Bovins Porcs Volailles Ovins & caprins

en M ou en 10M

Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 33 (3) 49

n° 09102014-00044-FR 49/50

Fig. 9 Évolution de l’aide à l’agriculture par rapport au total de l’aide publique au développement (APD) de 2002 à 2012, en pourcentage

Source : OCDE / DAC (45)

2,0%

4,0%

6,0%

8,0%

2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

Rev. sci. tech. Off. int. Epiz., 33 (3) 50

n° 09102014-00044-FR 50/50

Fig. 10 Évolution de l’aide à l’élevage (productions animales et services vétérinaires) par rapport à l’aide à l’agriculture, en pourcentage Source : OCDE/DAC (45)

1,0%

1,5%

2,0%

2,5%

3,0%

3,5%

2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012