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1 Le raccordement de l’ouest breton aux lignes ferroviaires à grande vitesse Coopérations entre collectivités territoriales MONFORT Antoine Master 1, Géographie / Aménagement M. Laurent Lévêque

Ligne a grande vitesse Paris Bretagne

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Etude sur la réalisation d'une ligne TGV entre Paris et le Finistere

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Le raccordement de l’ouest breton aux lignes ferroviaires à

grande vitesse

Coopérations entre collectivités territoriales

MONFORT Antoine

Master 1, Géographie / Aménagement M. Laurent Lévêque

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Le TGV (Train à Grande Vitesse) est une rame électrique apte à circuler à des vitesses d’exploitations

commerciales comprises entre 270 et 320 kilomètres/heure. Ce fut, et c’est toujours, un matériel

ferroviaire innovant associant à une capacité de passagers élevée une vitesse importante.

Historiquement, la France suivant les exemples allemands et japonais, décida de promouvoir des

matériels pouvant dans un premier temps dépasser la barre symbolique des 200km/h. A la fin des

années 70, et après des années de recherches et d’innovations, les premières rames sont

opérationnelles. Pour pouvoir être au maximum de leurs capacités, les TGV doivent donc rouler sur

des LGV (Lignes à Grande Vitesse), ce qui n’est pas toujours le cas. La France en compte 1 847

kilomètres, soit 6% du parc ferroviaire à la mi-2007.

La première fut celle du sud-est entre Paris et Lyon (1981-1983), suivie par la LGV Atlantique (1989-

1990). C’est elle qui nous intéresse au cours de ce dossier. Car c’est là qu’est le problème : la ligne (à

grande vitesse) concerne en fait le tronçon entre Paris et Le Mans. Au-delà, la branche ouest (vers les

régions Bretagne et Pays de Loire) reste aux normes d’une voie ferrée classique. Car aujourd’hui, le

TGV est devenu synonyme d’accessibilité, de compétition, de développement et de mise en réseaux.

Une ville située sur une LGV peut s’estimer proche de Paris (le TGV n’a fait qu’accélérer le

centralisme ferroviaire érigé par Baptiste Alexis Victor Legrand au milieu du XIXème siècle), de

Bruxelles et du reste du réseau transnational. Si le TGV est un mode qui suscite l’adhésion, il concerne

encore peu le territoire français (si l’on comprend le TGV et ses conditions optimales). Beaucoup de

dossiers sont montés (LGV Massif Central, LGV des Estuaires, LGV Normandie...) dans l’attente

d’une réponse favorable. La réalité démontre que le TGV va de pair avec des espaces déjà développés

et souvent moteurs dans leurs espaces. Car aujourd’hui, on parle d’un "effet TGV" accroissant en

partie l’attractivité de certains sites (mais ne faisant pas tout). Aussi les territoires non desservis

s’estiment-ils en retrait, en retard.

En clair, une LGV répond à deux objectifs cruciaux : présence de grands centres urbains (afin de

disposer de flux massifs de voyageurs) suffisamment éloignés pour minimiser le nombre d’arrêts (dans

l’optique d’avoir une vitesse commerciale entre pôles élevée), tout cela dans un objectif de rentabilité

économique car le coût d’une LGV est généralement très important.

C’est dans ce contexte que nous allons nous intéresser à la Bretagne, et à sa partie occidentale, qui

pourrait connaître un programme modernisateur en la matière d’ici 2012-2014. Quels sont les acteurs

mobilisés ? Quels sont les financements ? Y’a-t-il un consensus large sur le débat ? Autant de

questions auxquelles il nous faudra répondre au cours de cet exercice.

I. Description des aires urbaines concernées

Brest

Par raccordement de l’ouest breton, on comprend ici les communes et leurs aires urbaines

finistériennes de Brest au nord, et de Quimper au sud. Cette première partie vise à présenter ces deux

entités pour en connaître les caractéristiques principales, avec in fine la possibilité d’en dévoiler les

forces et les faiblesses. Commençons donc par la plus importante des deux (Brest) tant en termes de

population que d’emplois.

Brest est la seconde ville de Bretagne derrière Rennes, avec une population tournant autour des

150 000 habitants. Si l’on prend en compte ses banlieues périphériques et ses communes périurbaines,

Brest prend déjà un poids plus important avec une aire urbaine de plus de 300 000 personnes (la 26ème

de France), soit un dixième de la population régionale.

La ville, de par sa position géographique et son histoire, garde d’importantes prérogatives dans le

domaine maritime et portuaire ; les fonctions militaires et scientifiques se trouvant à la première place.

Elle regroupe la flotte Atlantique de la Marine Nationale (en particulier ses sous-marins nucléaires)

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dont partie y sont construits et réparés. Ce secteur totalise 15 000 emplois, soit un dixième de la

population active brestoise stricto sensu. Le port commercial est en revanche de dimension beaucoup

plus modeste, occupant la 9ème

place au niveau national avec 2,76 millions de tonnes de marchandises

traitées en 2007, servant surtout de débouché (et de porte d’entrée) aux entreprises agroalimentaires

bretonnes. Bien que la croissance du trafic soit soutenue, Brest Ŕ au carrefour d’une des mers les plus

fréquentées du globe Ŕ ne peut rivaliser avec ses homologues de la mer du Nord et de la Baltique.

Pour autant, il existe une activité en lien avec la mer qui constitue un atout pour la ville. Il s’agit du

technopôle Brest-Iroise liant aux scientifiques & chercheurs (environ 3000 pour 19 000 étudiants)

l’IFREMER (Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer), des écoles d’ingénieur et

des entreprises industrielles comme Thales. Ce pôle propose trois grands axes de travail : sciences et

technologies de la mer (60% de la recherche marine française), sciences et technologies de

l’information et de la communication, sciences du vivant.

Malgré une image de ville industrielle, 75% des emplois relèvent du secteur tertiaire. Les principaux

employeurs sont les suivants : armée et fournisseurs (DCNS et Thales), Crédit Mutuel de Bretagne,

grandes surfaces diverses, CHU, collectivités et intercommunalités, université. Globalement en termes

d’activités, Brest et son hinterland totalise le quart de l’emploi départemental.

Ce dossier touchant aux transports, voici un petit récapitulatif de l’existant en la matière aux niveaux

intra et inter-urbain. A l’échelle interne donc, le réseau de transports en commun est assuré par Bibus

(filiale de Keolis), desservant correctement l’agglomération centre et ses communes périurbaines.

Somme toute ces lignes sont de moins en moins utilisées. L’arrivée du tramway en 2012 est en partie

là pour inverser la tendance (l’autre soucis étant la congestion automobile).

Est donc prévue une première ligne dans un sens nord-est / sud-ouest, passant par les grandes zones

d’activités et les artères centrales que sont la rue de Siam et la rue Jean Jaurès. Sur une longueur de

14,7 kilomètres, ce mode propre sur rail concernerait potentiellement 45 000 voyageurs quotidiens. Le

projet coûtera 298 millions d’euros.

Il existe différents modes de transports inter-urbains. D’abord les navettes de bus Pen ar Bed mises en

place par le département, avec 12 lignes régulières au départ de Brest. Vient ensuite le ferroviaire

(depuis 1865), reliant la métropole brestoise à la gare parisienne de Montparnasse via plusieurs TGV

journaliers (huit allers-retours) en plus de 4 heures de temps. Les habitants privilégient encore

énormément la voiture individuelle, ce dans la plupart de leurs déplacements, en utilisant la voie RN12

vers Rennes ou la N165 vers Nantes.

L’aéroport Brest-Bretagne est le premier de la région avec 861 737 passagers en 2007 (45% du trafic

breton) contre 536 000 pour celui de Rennes-Saint Jacques. La capitale est gagnée en 1 heure 15. Une

nouvelle aérogare entre en service en 2007, pouvant décemment accueillir entre 1,4 et 1,8 millions de

personnes. Enfin, plus anecdotique, Brest est relié à la presqu’île de Crozon et aux îles de la mer

d’Iroise par voie de mer grâce aux ferrys prévus à cet effet.

On peut donc, en guise de conclusion sur l’accessibilité de la ville, voir que la région conjugue

différents modes et infrastructures de transport. Ceux-ci se révélant néanmoins dans des situations

différentes : ainsi l’aéroport connaît un trafic en forte croissance tandis que le ferroviaire se révèle

encore par trop archaïque, n’étant pas à même de concurrencer l’avion ni la voiture (encore très

représentée).

Quimper

Intéressons nous donc à présent à la deuxième entité concernée : la ville de Quimper et son bassin de

population. Premier constat, Quimper est une ville de dimension sensiblement moindre à celle de

Brest, elle n’est peuplée "que" par 65 000 habitants (deuxième ville du Finistère, troisième de

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Bretagne) pour une aire d’attractivité touchant 120 000 personnes. Cependant, Quimper est un centre

administratif départemental de premier plan puisqu’étant préfecture.

Contrairement à sa consoeur du nord, Quimper ne possède pas de grands secteurs d’activités tels la

réparation navale ou l’industrie au sens large. Son tissu économique repose donc essentiellement sur

ses petites et moyennes entreprises (au nombre de 12 500), bien souvent présentes dans les mêmes

branches. L’agroalimentaire reste encore un secteur dominant représentant la moitié des emplois

industriels de la zone, bien qu’au niveau infra les activités soient assez diverses, de la transformation

du poisson (alimentée par les nombreux ports de pêche alentours) aux conserveries de légumes et de

biscuits.

Viennent ensuite, par ordre d’importance, les secteurs suivants : les équipements mécaniques, les

équipements électriques et électroniques, la transformation des métaux et l’énergie. En dehors des

secteurs primaires et secondaires (intimement mêlés), le secteur tertiaire prend de l’importance

notamment car Quimper est un centre administratif et touristique (à tire d’exemple, peut être citée la

cathédrale Saint-Corentin). Parmi les services englobant une part importante des emplois, on trouve le

commerce, les services aux entreprises et aux particuliers, l’administration, l’éducation et l’action

sociale. On remarque donc que la capitale de Cornouaille est une ville à l’emploi diversifié,

complémentaire mais ne dégageant pas de tendance structurelle forte, tant numériquement que

proportionnellement.

En 1962, c’est Brest qui est choisie comme siège de l’UBO (Université de Bretagne Occidentale).

Quimper intègre ce réseau avec Brest, Rennes, Saint-Brieuc, Vannes et Morlaix. La ville accueille

donc un IUT, un collège universitaire et différentes formations supérieures ; le tout concernant environ

4 000 étudiants.

En termes de transport, la ville a mis en place un réseau de bus (QUB, du groupe Keolis) qui assure la

connexion entre Quimper et sept communes voisines, grâce à ses 24 lignes régulières. Ne disposant ni

de financements, ni de la dimension requise, Quimper ne prévoie pour l’instant pas de réaliser un

TCSP (Transport Collectif en Site Propre). Le chemin de fer arrive dans la zone en 1863, le TGV

suivra en 1989. Or, comme à Brest, le temps de trajet reste long et pourrait être amélioré (c’est ce que

nous verrons par la suite) puisqu’il tourne aujourd’hui autour de 4h15 pour rejoindre Paris-

Montparnasse. Là encore, comme pour Brest et le reste du Finistère, Quimper dispose du réseau Pen ar

Bed. Enfin, la Chambre de Commerce et d’Industrie exploite l’aéroport de Quimper-Cornouaille, de

dimension réduite.

En résumé, Brest et Quimper font de la modernisation du réseau ferroviaire une de leur priorité. Une

bonne liaison TGV est bien souvent synonyme de dynamisme et de compétitivité. Car bien que

desservies correctement, les grandes villes de l’ouest breton (et par extension toute la Bretagne

occidentale) restent en situation de périphérie (comme l’indique d’ailleurs le nom du département)

géographique, et peut être si rien n’est fait économique. Qui plus est, Quimper et Brest sont assez

complémentaires. Le port de Brest servant à la fois de plate-forme d’exportation de produits

agroalimentaires, et d’importation de matières brutes agricoles, ce qui comme nous l’avons vu

précédemment constitue la part la plus importante du tonnage traité.

II. Forme d’organisation de la coopération

Nous allons donc commencer par appréhender les regroupements brestois et quimpérois (élus, date de

création, communes impliquées) étant donné que ce sont les plus à mêmes de promouvoir et de

financer l’arrivée d’un équipement comparable au TGV.

Quimper Communauté était à la base une communauté de communes, instituée le 27 décembre 1993

suite à la loi ATR (Administration Territoriale de la République) du 6 février 1992. Quimper

constituant la commune au poids le plus important, ce sont Ergué-Gabéric (8 300 habitants), Guengat

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(2 270 habitants) et Plogonnec (3 000 habitants environ) qui vinrent s’y agréger formant le premier

socle de l’actuel coopération. Trois ans plus tard, Plomelin (4 200), Plonéis (1 800) et Pluguffan

(3 270) les rejoignirent, portant le nombre de communes à sept (ce qui est toujours d’actualité).

La loi Chevènement (12 juillet 1999) avait pour but d’encourager et de faciliter les regroupements

intercommunaux. Quimper Communauté formant un ensemble de plus de 50 000 habitants, d’un seul

tenant et sans enclaves, autour d’une commune centre de plus de 15 000 âmes, changea donc de statut

pour devenir une communauté d’agglomération (au 1er janvier 2000), élargissant ainsi ses pouvoirs et

compétences autour d’un projet commun de développement. Faire venir le train à grande vitesse

s’inscrit par exemple dans le projet communautaire de 2005. Voici donc un EPCI (Etablissement de

Coopération Intercommunale) au budget avoisinant peu ou prou les 80 millions d’euros, pour un

bassin de population de 90 000 habitants (la densité moyenne étant proche des 281 habitants au

kilomètre carré).

Bernard Poignant en est le président depuis le 16 mars 2008, lorsqu’il ravit la mairie de Quimper à la

droite. Ville qui, rappelons-le, domine les autres communes à tous les niveaux du haut de ses 65 000

habitants (la deuxième, Ergué-Gabéric, en compte presque dix fois moins).

De son côté, et assez logiquement, Brest constitue le groupement intercommunal le plus important du

département. Etablissement ayant récemment pris le nom de Brest Métropole Océane, ce qui tend à

prouver que l’agglomération brestoise cherche à imposer et valoriser une image de marque centrée sur

la mer. Un point d’importance est que la capitale nord-finistérienne joue depuis un moment déjà la

carte de l’intercommunalité, ce bien avant les lois Chevènement.

C’est en 1973 que la communauté urbaine de Brest fut instituée, soit la cinquième en France suite à

l’initiative des élus. De plus la communauté urbaine est à ce jour l’échelon le plus élevé de la

coopération intercommunale, celui exerçant le plus grand nombre de compétences dans des domaines

variés. Brest Métropole Océane conserve ce statut puisque créée avant les lois de 1999, liant à cette

position à une population minimale de 500 000 habitants. Ici, nous avons un seuil de 215 000 habitants

dont 70% rien que dans la commune de Brest. Voici donc un point similaire à Quimper Communauté,

où une commune centre exerce de fait une domination primatiale.

Cette métropole océane est composée d’un nombre équivalent de communes (huit au total) que nous

allons maintenant énumérer : Brest (150 000 habitants), Guipavas (13 500), Plougastel-Daoulas

(12 250), Plouzané (12 000), Relecq-Kerhuon (environ 11 000), Guilers (7 200), Gouesnou (6 100) et

enfin Bohars (3 300).

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La densité moyenne tourne autour des 1 000 habitants au kilomètre carré. Le budget est estimé à 313

millions d’euros. Son président est le maire de Brest (depuis 2001) : François Cuillandre. Comme tous

ses prédécesseurs, il cumule donc les deux postes. Mais contrairement à Quimper, la communauté (du

moins sa tête) garde la même orientation politique (socialiste) depuis maintenant une vingtaine

d’années.

Brest Métropole Océane comme Quimper Communauté placent l’arrivée du TGV dans leurs priorités

et pourraient peut être s’associer pour peser dans les débats. Nous verrons un peu plus tard si tel est le

cas où si, au contraire, rien n’est fait en la matière. Si elles sont concernées par le désenclavement, et

donc par un objectif de croissance des activités, leurs politiques ne sont pas tout à fait les mêmes. Les

élus étant logiquement concernés par leurs territoires propres, même si en l’occurrence ils sont

proches. Ainsi Brest pense que Rennes constituera bientôt (avec cette nouvelle ligne à grande vitesse)

la proche banlieue parisienne. Elle entend donc conserver son rang, voire l’améliorer (en termes

d’accessibilité), tout en continuant d’assurer ses spécificités.

III. Le projet

Si le projet de prolongement de la ligne à grande vitesse ouest concernera les régions Bretagne et Pays

de Loire, on ne s’intéressera au cours du présent dossier qu’à la première d’entre elles, en limitant

également le traitement des informations à l’ouest breton. La métropole régionale (Rennes) est en effet

concernée au premier chef par ce plan d’ampleur, elle ne sera ici qu’évoquée. Notre but n’est pas de

produire un catalogue de l’opération dans sa totalité, mais de connaître les implications de collectivités

bien particulières, tentant de remédier à leur situation géographique de "bout du monde", eu égard aux

réseaux dits globaux.

Déclaré d’utilité publique depuis un décret du 26 octobre 2007, ce projet s’organisera en deux temps.

Il faudra en premier lieu construire une nouvelle ligne contournant Le Mans, et permettant un gain de

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temps rapide pour Rennes. Par la suite, l’existant entre Rennes et Brest d’une part, et Rennes et

Quimper d’autre part devra être modernisé. Nous allons dans cette partie essayer de lister les acteurs

concernés, et voir quelles sont leurs implications dans des objectifs divers mais bien souvent

complémentaires.

Voici comment RFF (Réseau Ferré de France) nous présente le projet, entrant en résonance avec les

désirs des collectivités territoriales et répondant aux objectifs commerciaux et financiers de la SNCF.

Ce dessein fait suite au TGV Atlantique (lancé en 1989), en prolongeant la LGV Paris-Connerré (gare

à proximité du Mans), avec comme visée une déserte grandement améliorée.

Les branches Paris-Rennes et Paris-Nantes restent de taille équivalente : 16 millions de voyageurs,

donc 20% du trafic TGV hexagonal. Conçu pour une vitesse commerciale de 320 kilomètres/heure, le

train aura aussi un effet bénéfique pour le reste des régions (le Grand Ouest). Vu que le gain de temps

prévu devra, selon les études, être de 37 minutes, c’est tout le reste de la Bretagne (Rennes étant une

capitale de région excentrée) qui verra son temps de parcours amélioré, bien qu’il faille réaliser pour

cela d’autres travaux.

Cette première partie portera sur 182 kilomètres de lignes nouvelles, auxquelles il faudra ajouter les

raccordements de Laval, La Milesse et Connerré (32 kilomètres supplémentaires). Seuls 48,5

kilomètres concernent la Bretagne (treize communes d’Ille et Vilaine). Il est utile de rappeler que,

même si à priori des villes comme Brest et Quimper semblent lointaines, elles n’en demeurent pas

moins touchés indirectement. Néanmoins, tant que faire se peut, on ne s’attachera pas à décrire en

détails le projet dans sa dimension extra bretonne.

Le Grenelle Environnement, ainsi que le Plan de relance de l’Economie, était le point de départ à ce

soutient étatique, affichant sa volonté de créer 2 000 kilomètres de lignes ferroviaires nouvelles d’ici

2020. On peut même remonter plus avant dans le temps en notant que la réunion du Comité

Interministériel d’Aménagement et de Développement du Territoire du 18 décembre 2003 avait inscrit

la LGV Bretagne-Pays de la Loire dans ses priorités (confirmation en a d’ailleurs été faite deux ans

plus tard lors d’une nouvelle réunion du Comité Interministériel d’Aménagement et de Compétitivité

des Territoires).

L’idée est donc ancienne. Les études préliminaires d’Avant Projet débutèrent finalement à la mi-2002,

le cofinancement associant l’Etat aux régions, avec la participation de la SNCF et de RFF. Ces

conclusions (mélange de concertation avec les populations, les élus et les associations) sont entérinées

courant 2006. Dès à présent (été 2008), les acteurs institutionnels se sont réunis pour discuter de la

forme du partenariat public / privé, et des financements prévus. Le contrat de candidature est tout à fait

récent, étant en date du 9 décembre 2008, et devant répondre à la question suivante : qui réalisera et

exploitera cette ligne ? Dans le même temps, RFF (maître d’ouvrage) continue de collecter des

données (relevés topographiques, eaux superficielles et souterraines...) pour la bonne réalisation de

l’ensemble, auxquelles il faut ajouter les acquisitions foncières (notamment des terres agricoles où

l’habitat reste diffus). Aujourd’hui, 90% des préemptions et expropriations sont réalisées.

Sur les 3,4 milliards d’euros nécessaires à la réalisation de la ligne, 1 milliard sera pris en charge par

l’Etat, 30% par les collectivités et 35% par RFF. Si le calendrier est respecté, les travaux véritables

débuteront en 2010 pour s’achever en 2014. Si deux allers-retours quotidiens entre Brest et Paris (et

Quimper et Paris) sont mis en avant, il faudra moderniser le réseau breton actuel comme nous l’avons

dit un peu plus haut. C’est là qu’entre en jeu le plan ferroviaire breton.

IV. Situation de la Bretagne

La Bretagne, et plus encore le Finistère, se trouve de plus en plus éloignée du centre de gravité de

l’Union Européenne, celui-ci se déplaçant vers l’est. Alors qu’en 1970 Brest était à 1 400 kilomètres

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de la frontière est de l’Europe, la ville en est maintenant distante de 2300. Fort de ce constat, et

profitant de l’intérêt étatique pour le sujet, la région Bretagne commença à élaborer diagnostic et

propositions, que nous allons dès à présent détailler. De fait, elle avait déjà remédié à cette "carence" à

deux reprises : dans les années 60 d’abord avec la réalisation du plan routier breton, puis à la charnière

des décennies 80-90 avec l’arrivée du TGV Atlantique (ce dernier montrant actuellement ses limites).

En guise d’illustration, voici une carte (un peu datée mais encore d’actualité, avec dans un soucis de

lisibilité accrue un agrandissement de la légende) détaillant les temps de parcours depuis Brest. Il

apparaît que la métropole est avec ce mode mal desservie, ce au sein même de la région.

On peut donc avancer que la Bretagne reste pénalisée par rapport à d’autres régions. Or les prévisions

de l’INSEE pour l’horizon 2030 montrent que 500 000 habitants de plus vivront dans les quatre

départements. Voici les hausses de population annoncées : Ille et Vilaine + 26% (entre 2005 et 2030) /

Côtes d’Armor + 7,4% / Morbihan + 14,6% / Finistère + 5,3%. Si les hausses sont d’ordre de

grandeurs différentes, et sont différenciées par les classes d’âges en jeu (mis à part l’Ille et Vilaine, le

poids des plus de 60 ans va augmenter), il va falloir répondre à ces populations, notamment en termes

de transport.

Le plan ferroviaire breton vise à réduire les inégalités existantes (et qui auront tendance à se creuser),

en irriguant les zones "en déclin" (l’ouest de la ligne Guingamp-Vannes, le centre de la Bretagne), par

la grande vitesse, en clair en les rattachant à celles plus motrices. En l’occurrence, le plan d’action

prévoit de travailler pour deux échéances : 2013-2020, 2020-2030.

Voici les quatre axes retenus :

Axe 1 : Améliorer la place de la Bretagne dans les réseaux de transport nationaux et

internationaux.

Axe 2 : Garantir l’équité territoriale en diffusant les effets de la grande vitesse sur tout le

territoire et en renforçant les liens entre les villes bretonnes.

Axe 3 : Accompagner le développement des agglomérations bretonnes.

Axe 4 : Soutenir le développement du fret.

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Outre la création d’une ligne nouvelle entre Le Mans et Rennes, sept tranches ferroviaires entre

Rennes, Brest et Quimper seront retravaillées dans l’optique des 3 heures de temps entre le Finistère et

la capitale. Ces travaux avaient été inscrits au Contrat de Plan Etat-Région (2000-2006) et au Contrat

de Projets (2007-2013). Chaque "nouvel axe" apportera un gain de cinq minutes. Ces sommes sont à la

charge des différents partenaires : Europe, Etat, RFF, les quatre conseils généraux bretons, la Région.

Par la suite, ce sont des rames pendulaires qui pourraient apporter la solution. La technologie dite

pendulaire concerne les matériels ferroviaires conçus pour s’incliner dans les courbes de manière à

atténuer la force centrifuge, tout en maintenant le confort des voyageurs. Au final, les trains sont

amenés à rouler plus rapidement en moyenne.

L’étude de la SNCF démontre que ces aménagements restent possibles au vu de la situation bretonne.

Elle émet tout de même trois réserves : le pendulaire est un savoir-faire coûteux (140 à 180 millions

d’euros pour 10 rames TGV) à durée de vie relativement courte (une douzaine d’années) et aux gains

de temps inférieurs aux prévisions initiales (passant de 10 minutes sur chaque axe à 5 minutes 32 sur

celui de Quimper et 7 minutes 35 sur celui de Brest).

La région Bretagne mena une contre expertise, qui arriva grosso modo à des conclusions proches. Elle

met cependant sur la table d’autres scénarii : la mise en service de rames TGV Duplex roulant à 320

kilomètres/heure (sur la nouvelle LGV seulement) pour un coût de 44 millions d’euros, le ripage

(l’assouplissement) de six courbes combiné à la suppression de passages à niveau (48 sur la branche

nord, 54 sur la branche sud), l’augmentation de la puissance électrique du réseau. Une combinaison de

ces propositions et l’inauguration de la LGV mettraient Brest et Quimper à exactement 3 heures 08 de

Paris. Les pistes sont nombreuses, sachant qu’il faudra en entériner définitivement une avant 2010.

Allant plus loin, RFF pense même pouvoir un jour voir le Finistère sous la barre des trois heures

symboliques. Le document de travail suivant le montre (construction de nouvelles voies) :

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Un point qui fait cependant consensus est le fait que la gare de Rennes, porte d’entrée et passage

obligé de tout le trafic ferroviaire, commence à voir ses installations saturées, ce qui porterait préjudice

à tout le reste de l’édifice. Ralentissement des fréquences et vitesses de traversée réduites sont les deux

points noirs à réformer. Ainsi un train se rendant à Quimper traverse l’agglomération rennaise à une

vitesse de 30km/h (60 km/h vers Brest). Elle pourrait être multipliée par trois, atteignant 90 km/h sur

les deux lignes. Dès études seront entamées en 2009.

Passons à l’éclaircissement de l’axe 2 de ce plan ferroviaire régional, prévoyant de généraliser une

dynamique de flux en jouant sur les infrastructures, les gares, le matériel, la tarification et les services

annexes. Il faudra peser sur l’offre inter ville des deux axes en tirant partie des modernisations futures.

En d’autres termes, cela ira dans le sens d’une plus grande offre en week-end (vendredi et dimanche

soir, lundi matin), d’une diversification des fréquences (surtout entre Rennes et Brest) ne laissant pas

les territoires centraux à la traîne, d’une systématisation des correspondances sur les TGV inter

secteurs en gare rennaise, d’une généralisation des matériels roulants à 200km/h.

Sera aussi renforcée la liaison intra-finistérienne (Brest-Quimper), notamment en termes de fret. A

l’horizon 2010, Nantes et Brest seront reliées en passant par Quimper (mais sans rupture de charge).

De plus, vers 2013, Quimper sera à moins d’une heure de Brest avec davantage de fréquence

qu’aujourd’hui (on prévoit de passer de six allers-retours quotidiens à douze). Les aménagements

d’une section pour obtenir une vitesse de 140km/h coûteront entre 12 et 15 millions d’euros, de

meilleures fréquences (aménagement d’une gare de croisement télécommandée à Châteaulin...)

nécessiteront un investissement certain.

Les deux capitales de l’ouest feront aussi partie des dix pôles d’échange multimodaux, aménagés pour

recevoir une offre de transport des plus variées. En termes de coûts, les montants inscrits dans le Plan

Etat-Région de 2007-2013 se situent près des 17 millions, répartis comme suit : ¼ pris en charge par

l’Etat, ¼ par la Région, ¼ par la SNCF, ¼ par les collectivités concernées directement. Une carte

unique [Korrigo] servirait de support à une billettique partagée à l’échelle régionale pour 2011 (elle est

à ce jour utilisable pour Rennes et son périurbain, la seconde phase intégrant Saint-Malo, Saint-Brieuc,

Vannes et Chateaubriand, la troisième toute la Bretagne). Sans entrer trop dans le détail, le maillage

local sera lui aussi amélioré (à Morlaix et Carhaix, villes comprises dans notre périmètre d’étude).

Nous ne nous attarderons pas sur l’axe 3 car il concerne avant tout Rennes. Le dernier axe quand à lui,

touchant au fret ferroviaire, est intéressant pour Brest. Le constat est simple et révélateur : 90% du

trafic de marchandises interrégional et 99% du trafic intrarégional se fait par la route. Les marges de

progression du routier se révélant faible, et ce mode ne rentrant pas dans le cadre du développement

durable, c’est donc encore une fois le fer qui pourra répondre à cette problématique

d’accompagnement des entreprises agroalimentaires, en modernisant une liaison nord-sud (Vannes-

Saint Brieuc) et en misant sur l’intermodalité port/ferroviaire.

On se rend vite compte que les changements à opérer sont variés et nombreux. La Région Bretagne

entend profiter de la dynamique qu’apportera la LGV pour irriguer tout son territoire, qu’il soit

dynamique ou en déclin. Il est sûr que des villes comme Brest ou Quimper n’auraient pu accueillir le

TGV, sans un calendrier en partie fixé par l’Etat. Il est aussi intéressant de voir que derrière ce projet

pointent différentes stratégies d’acteurs : objectifs de rentabilité pour la SNCF (qui planche sur deux

millions de voyageurs supplémentaire par année, ce qui en ferait un des TGV les plus rentables avec

un taux de rentabilité proche de 8,8%, loin des 4% de référence réglementaire), aménagement du

territoire et perspectives sur le temps long (en témoignent l’intérêt pour les courbes démographiques

de l’INSEE) pour la région.

En outre la dynamique du projet est complexe, la barre symbolique des trois heures de temps ne sera

atteinte que par petites touches, par sections économes de courtes minutes. Enfin, c’est un projet

coûteux (à titre d’exemple, on estime qu’un gain de temps d’une minute entre Brest et Rennes

équivaut à débourser 33 millions d’euros) qui requiert la coopération et la complémentarité de

nombreux acteurs institutionnels et économiques.

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V. Elus et Financements

A Rennes, le 30 mai 2008, les élus se sont réunis et mis d’accord sur le coût des investissements. 896

millions d’euros seront nécessaires rien que pour l’élaboration de la LGV et 214,4 millions de plus

pour la partie modernisant les lignes Rennes-Brest et Rennes-Quimper : le coût total du projet BGV

(Bretagne à Grande Vitesse) est de 1,1 milliard d’euros. Cette somme ce répartit comme suit : 643,5

millions d’euros pour la région (58%), 70,9 millions pour le Conseil Général des Côtes d’Armor

(6,4%), 104,4 pour le Conseil Général du Finistère (9,4%), 212,5 pour le Conseil Général de l’Ille et

Vilaine (19,1%), 79,1 millions pour le Conseil Général du Morbihan (7,1%).

Très rapidement, les responsables de ces entités sont les suivants, avec leur appartenance politique et

la date de début de leur mandat : Jean-Yves le Drian est président du conseil régional (parti socialiste,

2004), Claudy Lebreton est président du conseil général des Côtes d’Armor (parti socialiste, 2007),

Pierre Maille président du conseil général du Finistère (parti socialiste, 1998), Jean-Louis Tourenne

président du conseil général d’Ille et Vilaine (parti socialiste, 2004), Joseph Kergueris président du

conseil général du Morbihan (UDF, 2004).

On remarque donc, hormis l’exception notable du département morbihannais, que les collectivités (il

aurait été long et fastidieux d’en faire de même pour les villes, même si la plupart ont la même

étiquette : divers gauche) appartiennent au même courant de pensée politique. Il est quand même bon

de rappeler que, depuis l’après seconde guerre mondiale où la Bretagne était en situation de retard

économique sur le reste de la France, un large consensus prévaut quand il s’agit de mettre en place de

grandes infrastructures allant dans le sens d’un intérêt collectif. En d’autres termes, les collectivités

bretonnes ont parfois mis de côté leurs querelles idéologiques, sentant qu’elles appartenaient toutes à

un territoire soudé (culturellement, historiquement, linguistiquement...).

VI. Programme 2007-2013 Compétitivité Régionale et Emploi (FEDER)

La LGV est inscrite au programme de financement européen : le FEDER (Fond Européen de

Développement Régional). Il s’agit d’un fond structurel ayant pour but de réduire les inégalités entre

régions de l’union, surtout après les élargissements successifs. A noter donc que le FEDER consacre la

région comme interlocuteur privilégié, du moins incontournable.

Crée le 18 mars 1975, il participe aux investissements productifs (permettant la création ou le

maintient d’emplois durables), d’investissements en infrastructures, au développement local et aux

activités des petites et moyennes entreprises (PME). La Bretagne est concernée par l’un de ces

financements pour la période 2007-2013, dont l’objectif premier est la compétitivité régionale et

l’emploi.

Le fer est conforté par l’Europe puisqu’il arrive en tête des priorités : objectif central (Bretagne à

Grande Vitesse) de l’Axe 1 ("Faire de la Bretagne une région européenne accessible et attractive afin

de conforter son développement équilibré et durable"). Après avoir rapidement résumé les points de

base de la ligne LGV (déjà vus), le DOMO (Document de Mise en Œuvre) escompte certaines

répercussions sur l’activité économique :

o Développement autour des points d’échange (immobilier, activités tertiaires. A Rennes, un

secteur d’affaires de 100 000 mètres carrés devrait voir le jour).

o Renforcement des coopérations entre les différents pôles urbains en fonction des spécialités

développées : tertiaire, culturel, universitaire, agroalimentaire... (ce qui pourrait entrer en

résonance avec la volonté quimpéroise de se rapprocher de Brest).

o Meilleure attractivité du territoire (tourisme d’affaire).

o Report modal route / fer, contribuant au désengorgement du réseau routier.

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o Créations d’emplois directes et indirectes liées au travaux (estimation est faite qu’avec un

investissement d’1,4 milliard d’euros, on donne naissance à 35 000 emplois annuels). Avec

une main d’œuvre qualifiée et un prix du foncier encore raisonnable (associées donc à la toute

nouvelle accessibilité), la Bretagne pourrait attirer de nouveaux entrepreneurs comme ceux du

BTP (centres tertiaires autour des gares, extension des noyaux urbains, croissance des

résidences secondaires...).

o Articulation avec les politiques étatiques et territoriales dans les domaines universitaires et

culturels.

o Renforcement de Rennes comme métropole régionale, nœud ferroviaire et clé de voûte du

système ferroviaire breton.

Voici en outre les politiques de l’Europe pour l’action 111 : "Soutenir l’amélioration des lignes

ferroviaires Brest-Rennes et Quimper-Rennes". L’institution retient les dépenses suivantes :

suppression de passages à niveaux, redressement de courbes ferroviaires, adaptation de la

signalisation, renforcement des infrastructures liés à l’objectif des trois heures, les aménagements dans

les gares nécessaires à l’objectif des trois heures. Elle en exclue le matériel roulant, l’entretien des

voies et les travaux de rénovation ne participant pas à l’objectif des trois heures.

Pour cela, il faut que "les projets doivent justifier que leur conception résulte de la recherche de la

minimisation de leur impact sur l’environnement, que les analyses d’impact éventuellement

nécessaires ont bien été conduites, notamment au regard de la directive 92/43/CEE sur les habitats,

que leurs résultats sont bien compatibles avec les objectifs environnementaux du présent programme

et, dans le cas contraire, que toutes les solutions alternatives ont été étudiées."

VI. La place du Finistère

Nous n’avons néanmoins pas encore évoqué les prises de position des agglomérations finistériennes.

Brest et Quimper sont naturellement intéressées par ce réseau et ce schéma novateurs, à nous de voir

maintenant quel est leur point de vue sur la chose. Le 19 juin 2006, se réunissaient trois présidents

finistériens de Brest Métropole Océane, Quimper Communauté, Morlaix Communauté, et un des

Côtes d’Armor (Lannion-Trégor Agglomération). Leur but était de constituer un réseau informel à

même de faire valoir leurs intérêts sur certaines thématiques dans l’espoir de créer une armature

urbaine équilibrée et dynamique à l’échelle de la Bretagne occidentale.

Cette démarche est indissociable d’un lobbying en faveur de l’innovation, de la compétitivité et du

développement durable. 2006 était alors une année tout à fait charnière, précédant les déjà vus

Contrats de Plan Etat-Région (ainsi que les Programmes Opérationnels Européens). Globalement, la

thématique première (en concordance avec les inclinaisons de la Région) demeure une meilleure

accessibilité. Voici une citation tirée d’un document de synthèse, ayant le mérite d’organiser la

hiérarchie des villes bretonnes occidentales (rien qu’entre Quimper et Brest) en montrant les priorités

et statuts en découlant :

"De manière générale, les agglomérations signataires entendent poursuivre leurs échanges autour des

questions de la localisation des futurs équipements et de leur accessibilité globale, de celles liées à

l’évènementiel et à la promotion territoriale, dans une logique de développement durable et concerté

de la Bretagne occidentale. Il s’agit de permettre à Brest d’assumer son rôle de métropole, en

complémentarité avec la dynamique urbaine Quimpéroise et les spécialités à conforter des

agglomérations de Morlaix et Lannion."

Dans un cadre plus confidentiel cependant, des craintes persistent. François Cuillandre (maire PS de

Brest et président de Brest Métropole Océane), entre les deux tours des dernières élections

municipales, le confesse. Il pense qu’hormis pour Rennes, les délais prévus risquent, sans une forte

mobilisation, de ne pas être respectés.

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Le TGV inscrit dans les grandes orientations du projet communautaire de Quimper

Communauté

Fin 2006, la communauté d’agglomération de Quimper produit un rapport stratégique sur les grandes

orientations à prendre pour un bon développement de la ville et des communes avoisinantes. Le TGV

figure en tête de ces priorités.

Un scénario noir a également été bâti pour mettre en relief, ce à quoi pouvait s’attendre Quimper

Communauté si aucun pas en avant n’était entrepris. Cela commencerait par un déclin économique et

administratif véritable, que l’on peut traduire par : une croissance endogène limitée (voire des secteurs

clés en crise), une métropolisation accrue de Rennes et/ou de Brest (départ de services administratifs

locaux), une baisse des emplois qualifiés, une destination délaissée par le "tourisme moderne" et suite

logique un vieillissement des équipements de plaisance. S’y ajouteraient (ou en seraient la cause) un

éloignement relatif par rapport à des pôles européens bien irrigués par les réseaux de transports et de

communication, une dégradation de l’attractivité et de la qualité de vie (urbanisation non maîtrisée,

vieillissement de la population...), une gouvernance en crise.

Pour y répondre sont lancées des notions "généreuses mais un peu fourre-tout" telles la diversité et la

surprise, ou encore faire de Quimper un tremplin plutôt qu’un terminus. Derrière des idées que l’on

pourrait qualifier de promotionnelles (ou proches du marketing territorial), se trouve un vrai plan

d’action.

Quimper considère que sa situation périphérique lui a apportée une certaine autonomie. La géographie

pourrait très bien se retourner contre elle. Aussi Quimper (et si la volonté de rester un vecteur majeur

de développement du pays [de Cornouaille] est toujours là) devra renforcer les coopérations avec les

villes proches, ainsi qu’établir un partenariat avec Brest Métropole Océane pour s’ouvrir sur les

réseaux européens (de transports, économiques, de la connaissance). Si le désenclavement est un

thème central, les moyens (voire les modes) pour y mettre fin divergent entre ceux partisans du

maintient (et de l’agrandissement) de l’aéroport, et les défenseurs du projet ferroviaire. Or, et faisant

écho aux précédents propos du maire de Brest, mettre la communauté quimpéroise à trois heures de

Brest n’est pas garanti.

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Il faudra donc anticiper sur le temps long, d’autant que Quimper souhaite améliorer ses relations avec

Brest et Rennes. La communauté commence aussi à réfléchir au reste de son pays, essentiellement

desservi par les bus. Par la même, Quimper entend conforter son rôle de leadership local. Toujours

dans la thématique de l’ouverture, Quimper souhaite renforcer ses coopérations avec Brest, en en

faisant des bassins de vie complémentaires. A Quimper, on juge que ni l’une ni l’autre n’a le poids

suffisant pour constituer une grande métropole, il serait donc utile de créer une coopération

métropolitaine plutôt que de rester dans une attitude défensive. Apparemment, les agglomérations se

sont accordées sur le plan ferroviaire breton et les échanges technopolitains. Reste que Quimper

évoque toujours les liens qui l’unissent à Lorient, et par extension à la Bretagne sud...

VII. Oppositions, craintes, peurs

Comme on l’a souvent répété le projet fait l’unanimité. Des voix discordantes existent malgré tout.

Voici un petit tour d’horizon des inquiétudes ou critiques, relayées principalement sur le net. La

fédération ALTO (Alternatives aux Nouvelles Lignes TGV-Ouest) en met en avant une certaine

quantité, organisation pour qui le principal "gâchis" reste la création d’une ligne nouvelle entre Le

Mans et Rennes. De fait, les inquiétudes penchent surtout vers une mauvaise intégration paysagère des

nouveaux ouvrages d’art (types pont).

ALTO privilégie l’utilisation du pendulaire (technique qui apparaît pourtant aujourd’hui délaissée par

les élus bretons), bref préférerai une modernisation d’un réseau inexistant mais correct à un nouvel

ensemble pharaonique. D’après ses estimations, le gain de temps avec le pendulaire serait inférieur de

dix minutes à une nouvelle réalisation. Là où réside le principal argument, c’est dans le coût : une

économie de 2,2 milliards tout de même (2,6 milliards pour une LGV / 400 millions pour une remise à

niveau d’une ligne existante) ! Avec, ajoute l’association, un gain écologique considérable. Autre

soucis, le fait (ou le sentiment, difficile à dire) que la LGV s’est bâtie dans un cadre sans opposition, ni

concertation, ni véritable débat sur des solutions alternatives.

ALTO propose sur son site (certes, parfois réducteur et tape à l’œil) nombres de liens et de PDF, ayant

au moins le mérite de montrer que le TGV reste encore sujet à polémiques. Car derrière "l’avalanche

de documents officiels", parlant tous d’une même voix, il existe une autre réalité soulevant de petits

détails, inexistants jusqu’alors. Il est quand même parfois difficile de différencier le vrai du faux,

certains arguments étant assez pointus et techniques.

Autre inquiétude en est (cette fois plus localisée) à Lamballe dans les Côtes d’Armor. C’est Stéphane

de Saillier Dupin (leader de l’opposition au maire) qui s’en fait le principal relais. D’après lui, le TGV

(dans un souci de rapidité entre Brest et Rennes) ne s’arrêtera purement et simplement plus dans sa

ville. En effet, la gare ne figure pas parmi les principales desservies (Rennes, Brest, Lorient, Vannes,

Saint-Brieuc, Quimper, Morlaix, Auray, Redon, Guingamp).

Pour autant, elle fait bien partie du programme de rénovation des gares entrepris avant l’arrivée du

TGV et devrait au contraire, selon le maire Loïc Cauret, en tirer avantage avec entre autres la création

d’une ZAC (Zone d’Aménagement Concertée). A noter que Lamballe s’est déjà illustrée à plusieurs

reprises dans une mobilisation forte entraînant un maintient voire un accroissement des arrêts sur son

territoire. Il semble que dans le cas présent, l’opposition soit purement politicienne et politique.

D’aucuns arguent du fait que cet argent pourrait être réinvesti ailleurs, que la Bretagne joue trop sur sa

situation de périphérie ou encore qu’il n’existe pas d’autre projet suffisant mobilisateur pour

contrebalancer l’influence du TGV. Une peur assez redondante est que le TGV va accentuer les

différences entre les populations aisées et défavorisées eu égard au prix du billet, ce qui irait à

l’encontre du volontarisme régional voulant assurer l’accessibilité des infrastructures à l’ensemble des

usagers. Plus généralement, on reste aussi dans la dissymétrie Rennes Bretagne, où pour beaucoup

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c’est la capitale de région qui en tirera les bénéfices les plus importants. En bref, d’aucuns pensent que

beaucoup de choses sont sacrifiés sur l’autel du tout TGV.

VIII. Publications et lisibilité médiatique

Sur Internet, le raccordement de la Bretagne aux grands réseaux nationaux et européens ferroviaires

est assez bien renseigné. La région Bretagne publie beaucoup de documents, au premier rang desquels

le plan ferroviaire breton reste un support de première main. La collectivité territoriale s’est emparée

du sujet, faisant la transition entre l’échelon supra (l’Etat et l’Europe) et infra (collectivités bretonnes).

Elle est impliquée dans l’irrigation la plus large possible de son territoire, même si le centre breton

(espace le plus en difficulté) ne se situe pas sur les grandes trajectoires.

Etonnant par contre de voir que Brest Métropole Océane ne met sur son site aucun article en rapport

avec ce projet, alors qu’il semble en lisant d’autres sources que cela fait partie de ses priorités. Il

apparaît sur une partie des supports que cela pourrait être sa ligne de tramway... Quimper

Communauté met en ligne plusieurs articles, même si le TGV semble noyé sous diverses informations.

Peut être l’échéance semble t-elle encore lointaine pour communiquer sur ce dossier ?

Mais globalement, si l’on veut trouver matière à réflexion, il faut plutôt taper des mots-clés

directement sur un moteur de recherche. Les sites institutionnels et officiels sont plus ou moins bien

présentés mais l’information est parfois difficile à trouver. Autre obstacle, duquel il est parfois difficile

de s’affranchir : ces dossiers sont parfois promotionnels (mettant de côté des aspects plus polémiques)

et sont donc à prendre avec circonspection. Il est donc de bon usage de ne pas tenir pour acquis tout ce

qui y est écrit, si possible d’en faire la critique et de compléter ces sources d’information.

A mon sens, ce qui est un atout pour la Bretagne (et plus généralement pour l’ouest français), c’est

qu’elle bénéficie de deux grands quotidiens régionaux, au tirage très important. Le premier d’entre

eux, le plus connu et le plus lu, est Ouest France qui diffuse environ 800 000 exemplaires par jour. Ce

chiffre en fait le premier quotidien français, avec 42 éditions locales dans trois régions (Bretagne, Pays

de la Loire, Basse-Normandie), soit 12 départements.

Le second est Le Télégramme de Brest, à la diffusion plus réduite (plus de 200 000 exemplaires) mais

qui reste le seul véritable concurrent du précédent journal. De plus, il connaît la meilleure progression

nationale pour un quotidien de presse régionale (en continu depuis 2004). Il n’est diffusé qu’en

Bretagne : Finistère, Morbihan et Côtes d’Armor. Cette presse a donc le mérite d’informer les

populations dans une perspective locale, en s’ancrant dans les territoires proches. Les médias à

audience nationale ne parlent pour l’instant pas du tout de ce projet. D’une manière un peu ironique,

on pourrait dire que ce sera le cas le jour de l’inauguration.

Conclusion

En conclusion, on peut dire que la région Bretagne est en passe de faire ce que beaucoup d’autres

envient toujours : bénéficier pleinement de la diffusion du TGV sur son sol. Elle est massivement

soutenue dans cet exercice par les élus (en exercice) qui depuis une cinquantaine d’années ont toujours

su faire bloc afin, que, d’une même voix, ils puissent obtenir des équipements à la pointe.

Evidemment, le Conseil Régional est loin d’être le seul moteur de ce projet mais il apparaît qu’il

relaye les principales revendications et préoccupations liées à ces nouvelles infrastructures. Il diffère

en cela des acteurs incontournables du ferroviaire en France, RFF et la SNCF, pour qui la LGV est

gage de rentabilité économique. Elle en arrive à faire oublier les collectivités finistériennes (Brest et

Quimper), pourtant au cœur de ce dossier. Ces dernières, malgré une timide mise en réseau, n’arrivent

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pas à pleinement coopérer sur le sujet, et communiquent d’ailleurs assez peu sur cet ensemble. Il est

aussi intéressant de noter que pour une partie de la population (mais aussi de l’intelligentsia

finistérienne), Rennes est parfois associée à Paris, et que le TGV n’aidera qu’à ses desseins propres.

Mais Brest et Quimper ne s’inscrivent pas (au alors de manière très ponctuelle) dans un réseau

informel défendant leurs intérêts (à la fois proches et éloignés).

Sans doute, ces entités préfèrent-elles agir de concert dans des instances élues, stables, à large

audience et dont le fonctionnement est connu (type départementale ou régionale). Un autre aspect est

qu’elles veulent sans doute garder la mainmise sur leur territoire, se considérant officieusement trop

rivales pour entreprendre une coopération locale : Brest est tournée vers le large tout en voulant garder

son rang de seconde métropole de Bretagne, Quimper préférant se fixer sur la Cornouaille et la

diversification de son tissu économique, et voyant en Brest un concurrent, du moins une aire urbaine

trop grande, avec laquelle il est difficile de négocier (car en situation de force).

Néanmoins tout l’intérêt du présent dossier réside justement dans le fait que, malgré une volonté

(écrite et rappelée sur tous les documents qui ont été consultés) de mettre le Finistère à trois heures de

Paris, Brest et Quimper, soit les villes les plus concernées, peinent à faire entendre leur voix (par

oubli, négligence, autres priorités ?) et voient leurs propos relayées par des instances qui, à juste titre,

peuvent apparaître (pour les populations locales, voire pour les élus) et lointaines et donc éloignées des

préoccupations du quotidien, collaborant à un projet tenu pour étatique (et pour les opposants les plus

radicaux fragmentant et centralisateur)...

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Bibliographie

http://www.mairie-brest.fr/cub/ : Site de Brest Métropole Océane

http://www.quimper-communaute.fr/: Site de Quimper Communauté

http://www.rennes-metropole.fr/ : Site de Rennes Métropole

http://www.cg29.fr/ : Site du Conseil Général du Finistère

http://www.bretagne.fr/ : Site du Conseil Régional de Bretagne

http://www.federationalto.net/ : Site de la fédération ALTO

http://www.rff.fr/ : Site de RFF

Le TGV Est, la LGV Est-Européenne : Arsène Felten / André Schontz (éditions Serpenoise,

2007)

La fracture ferroviaire – Pourquoi le TGV ne sauvera pas le chemin de fer : Vincent

Doumayrou (éditions de l’Atelier, 2007)