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Frédéric Lasserre L'imbroglio juridique et militaire en mer de Chine du Sud In: L'information géographique. Volume 69 n°1, 2005. pp. 78-90. Résumé Le conflit sur l'occupation des archipels de la mer de Chine du Sud, fort complexe, remonte aux années 1960. C'est à une véritable course à l'occupation de nombreuses garnisons que l'on a assisté pendant la période 1968- 1995, avec en parallèle un enchevêtrement de revendications sur des espaces maritimes de nature juridique fort diverses. La complexité de la situation, bloquée dans un statu quo qui paraît sans issue pour le moment, laisserait entendre des enjeux importants. Or, l'examen de ceux-ci ne laisse pas apparaître d'enjeux économiques (pêche, pétrole) ou commerciaux (contrôle des routes maritimes) décisifs. C'est ailleurs qu'il faut chercher les causes de ce conflit, dans le nationalisme, une interprétation partisane du droit de la mer, et la méfiance réciproque des divers pays riverains. Abstract The very complex conflict on the archipelagoes of the South China sea, , goes back to the 1 960s. It triggered a true race for the occupation of many garrisons during the period 1968-1995, whereas a parallel tangle of claims on maritime spaces increased the tension in the region. Tne complexity of the situation, deadlocked in a status quo that appears without solution for the moment, would imply important stakes. However, a closer examination does not show economic stakes (fishing, oil) nor commercial (control of the sea routes) to be decisive. The causes of this conflict are to be found elsewhere, in a growing nationalism, in a peculiar interpretation of the Law of the sea, and in reciprocal mistrust of the various countries. Citer ce document / Cite this document : Lasserre Frédéric. L'imbroglio juridique et militaire en mer de Chine du Sud. In: L'information géographique. Volume 69 n°1, 2005. pp. 78-90. doi : 10.3406/ingeo.2005.2981 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ingeo_0020-0093_2005_num_69_1_2981

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Frédéric Lasserre

L'imbroglio juridique et militaire en mer de Chine du SudIn: L'information géographique. Volume 69 n°1, 2005. pp. 78-90.

RésuméLe conflit sur l'occupation des archipels de la mer de Chine du Sud, fort complexe, remonte aux années 1960. C'est à unevéritable course à l'occupation de nombreuses garnisons que l'on a assisté pendant la période 1968- 1995, avec en parallèle unenchevêtrement de revendications sur des espaces maritimes de nature juridique fort diverses. La complexité de la situation,bloquée dans un statu quo qui paraît sans issue pour le moment, laisserait entendre des enjeux importants. Or, l'examen deceux-ci ne laisse pas apparaître d'enjeux économiques (pêche, pétrole) ou commerciaux (contrôle des routes maritimes) décisifs.C'est ailleurs qu'il faut chercher les causes de ce conflit, dans le nationalisme, une interprétation partisane du droit de la mer, etla méfiance réciproque des divers pays riverains.

AbstractThe very complex conflict on the archipelagoes of the South China sea, , goes back to the 1 960s. It triggered a true race for theoccupation of many garrisons during the period 1968-1995, whereas a parallel tangle of claims on maritime spaces increased thetension in the region. Tne complexity of the situation, deadlocked in a status quo that appears without solution for the moment,would imply important stakes. However, a closer examination does not show economic stakes (fishing, oil) nor commercial(control of the sea routes) to be decisive. The causes of this conflict are to be found elsewhere, in a growing nationalism, in apeculiar interpretation of the Law of the sea, and in reciprocal mistrust of the various countries.

Citer ce document / Cite this document :

Lasserre Frédéric. L'imbroglio juridique et militaire en mer de Chine du Sud. In: L'information géographique. Volume 69 n°1,2005. pp. 78-90.

doi : 10.3406/ingeo.2005.2981

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ingeo_0020-0093_2005_num_69_1_2981

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L'imbroglio juridique et militaire

en mer de Chine du Sud

Frédéric Lasserre Université Laval, Directeur du Groupe d'Études et de Recherches sur l'Asie contemporaine (GERAC)

Le conflit sur l'occupation des archipels de la mer de Chine du Sud, fort complexe, remonte aux années 1960. C'est à une véritable course à l'occupation de nombreuses garnisons que l'on a assisté pendant la période 1 968- 1 995, avec en parallèle un enchevêtrement de revendications sur des espaces maritimes de nature juridique fort diverses. La complexité de la situation, bloquée dans un statu quo qui paraît sans issue pour le moment, laisserait entendre des enjeux importants. Or, l'examen de ceux-ci ne laisse pas apparaître d'enjeux économiques (pêche, pétrole) ou commerciaux (contrôle des routes maritimes) décisifs. C'est ailleurs qu'il faut chercher les causes de ce conflit, dans le nationalisme, une interprétation partisane du droit de la mer, et la méfiance réciproque des divers pays riverains.

Mots-clés : frontière maritime, droit de la mer, territoire, revendication.

I he very complex conflict on the archipelagoes of the South China sea, , goes back to the 1 960s. It triggered a true race for the occupation of many garrisons during the period 1968-1995, whereas a parallel tangle of claims on maritime spaces increased the tension in the region. Tne complexity of the situation, deadlocked in a status quo that appears without solution for the moment, would imply important stakes. However, a closer examination does not show economic stakes (fishing, oil) nor commercial (control of the sea routes) to be decisive. The causes of this conflict are to be found elsewhere, in a growing nationalism, in a peculiar interpretation of the Law of the sea, and in reciprocal mistrust of the various countries.

Key-words : maritime border, Law of the sea, territory, claim.

L'archipel des îles Spratleys constitue l'un des conflits contemporains les plus complexes. En mer de Chine méridionale, sur près de 800000 km2 s'éparpillent plus de 200 rochers, îlots et récifs dont la surface émergée n'excède pas 1 km2 L'ensemble des pays riverains revendique tout ou partie de la mer de Chine du Sud, un conflit aggravé par des différends portant sur la souveraineté sur des archipels de petits îlots, les Pratas, Paracels (3 km2 émergés) et Spratleys. Les Pratas ne sont occupés aujourd'hui que par Taiwan, et les Paracels, seulement par la Chine depuis 1974, après en avoir chassé la garnison sud- vietnamienne. En revanche, des garnisons vietnamiennes, chinoises, malaisiennes, philippines et taiwanaises se partagent l'archipel des Spratleys; Brunei revendique également quelques récifs mais ne les occupe pas.

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L'imbroglio juridique et militaire en mer de Chine du Sud

Ce conflit territorial a été marqué par deux brefs conflits navals, entre Vietnam du Sud et Chine en 1974 tout d'abord, lorsque celle-ci chassa la garnison sud-vietnamienne des Paracels; puis entre Chine et Vietnam en 1988, ce dernier ayant été vaincu dans les Spratleys par la marine chinoise. Les tensions se sont considérablement accrues en 1992 avec la volonté affichée de Pékin d'affirmer sa souveraineté sur l'ensemble des îles de l'archipel. Au printemps 1995, le dispositif chinois s'est enrichi d'une nouvelle base, implantée cette fois au cœur du réseau d'îlots occupées par les Philippines. Les nombreuses garnisons militaires constituent les seuls occupants permanents des Spratleys. Malgré des tractations diplomatiques intenses de la part de l'ASEAN, aucun accord n'a pu seulement être envisagé par les parties pour définir un partage des espaces maritimes et des archipels revendiqués. L'apaisement relatif observé depuis 2000 est-il durable, ou n'est-il que provisoire? Quels sont les objectifs des protagonistes? Dans quelle mesure leurs revendications sont-elles légitimes, au regard du droit de la mer?

Des revendications multiples et ambiguës

En mars 1988, les troupes chinoises, jusque-là cantonnées aux Paracels, ont envahi l'archipel des Spratleys en défaisant la marine vietnamienne. L'invasion des Spratleys était certes dirigée contre le seul Vietnam. Cependant, l'irruption de l'armée chinoise au cœur de l'archipel des Spratleys a contribué à accélérer l'établissement de nombreuses garnisons militaires dans l'archipel disputé.

Une course à l'occupation C'est à partir de 1956, année où Taiwan a occupé Itu Aba, la plus grande île des Spratleys (quelques hectares) que ces îlots ont commencé d'attirer l'attention des riverains. Modestement, au début: il faut attendre 1968 pour que les Taiwanais soient rejoints par les Philippins, puis 1973 par les Sud- Vietnamiens, et 1983 par trois garnisons malaisiennes. En 1987, la Chine établit son premier poste avancé, suivi de 6 garnisons en 1988. Suite à l'irruption de la Chine dans l'archipel, on a assisté à l'augmentation rapide du nombre de garnisons militaires (fig. I) l qui sont aujourd'hui 42 dans l'archipel. Ces garnisons vont de la forteresse bétonnée aux baraquements, ou peuvent n'être que des cabanes édifiées sur des récifs à peine émergés, mais que l'on occupe pour y planter le drapeau. . .

Des espaces maritimes enchevêtrés (fig. 2) Les revendications chinoises sont illustrées par les «neuf tirets», cette ligne en tire- tés qui englobe l'essentiel de la mer de Chine du Sud et s'avance jusqu'au-delà du récif James, au large du Sarawak. La Chine fonde la légitimité de ses revendications sur des «droits historiques», cet espace maritime constituant de prétendues «eaux historiques» de la Chine. Or, cette notion n'existe pas dans le texte de la Convention du Droit de la Mer de 1982 pour des espaces maritimes aussi étendus, convention que la Chine n'a ratifié qu'en 1996. De plus, Pékin n'a jamais explicitement exprimé l'idée que son titre sur la mer lui provenait de l'extension d'une zone économique exclusive (ZEE) tracée à partir des archipels des Paracels et des Spratleys, qu'elle estime siens, et pour cause: le statut de la ZEE est beaucoup plus restreint -

1 . Source des cartes : Frédéric Lasserre, Le Dragon et la Mer, Stratégies géopolitiques chinoises en mer de Chine du Sud, Montréal, L'Harmattan, 1996.

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Géostratégies

Fig. 1 : Une course à l'occupation des îles et des récifs

6^^

Positions occupées dans les Spratleys en 1982 Positions occupées par : VA Vietnam PA Philippines TA Taiwan

Merde Chine

du Sud FtvyCnnRMI â

4* AnfcoywC*

Positions occupées en 1996 Positions occupées par : VA Vietnam PA TA cl MA

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Philippines Taiwan Chine Malaisie

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80 L'information géographique - n° i, 2005

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L'imbroglio juridique et militaire en mer de Chine du Sud

Fig. 2 : Un enchevêtrement de revendications en mer de Chine du Sud

Sabah ( Limite de revendication maritime

Malaisie Indonésie Brunei Vietnam Chine

il n'implique pas la souveraineté totale, mais seulement économique sur un espace maritime - que le statut de mer territoriale dont Pékin parle volontiers au sujet de l'espace maritime revendiqué. La Chine se garde bien de préciser la nature réelle de la revendication qu'elle affiche sur toutes ses cartes, et, lorsqu'elle a proclamé des lignes de base le 15 mai 1996, elle s'est contentée d'établir un tracé autour des Para- cels, tracé contestable au regard du droit de la mer d'ailleurs 2, mais n'en a rien fait autour des Spratleys, se contentant de réitérer sa souveraineté sur l'archipel. La Chine n'a jamais précisé la méthode retenue pour le tracé de sa revendication sur l'espace maritime de la mer de Chine méridionale, ni sa position exacte par des 2. Le tracé chinois est contestable pour deux raisons : certains segments de la ligne de base entourant les Paracels sont trop longs (Art. 47-2 du Droit de la mer, Convention de Montego de 1982); et surtout, la possibilité de se prévaloir ainsi d'un tracé archipélagique est expressément réservée aux États archipels comme les Philippines, l'Indonésie ou le Japon (Art. 47-1), ce que la Chine n'est pas.

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Géostratégies

coordonnées, ni la nature de l'espace ainsi défini, ni même la légitimité légale d'un tel tracé3.

Outre la Chine, tous les pays riverains de la mer de Chine du Sud ont revendiqué tout ou partie de l'espace maritime de la mer de Chine méridionale : vastes étendues, dans le cas du Vietnam; espaces réduits, comme pour Brunei; espaces en bordure méridionale de la mer, comme pour la Malaisie ou l'Indonésie, tous se chevauchent, se superposent en un complexe enchevêtrement de tracés frontaliers. La négociation d'une solution, dans ces circonstances, paraît d'autant plus complexe à envisager que chaque pays s'oppose aux prétentions des autres: le conflit est loin d'être bipartite, entre Chine et ASEAN, mais constitue un litige à 6 acteurs.

Des revendications parfois même confuses ou multiples Ajoutant à la complexité de la situation, certains pays affichent même des tracés multiples, de natures juridiques parfois différentes, sans que l'on sache trop quelle est la véritable revendication. Ainsi, après avoir proposé à la Chine, mais en vain, d'échanger la reconnaissance de la souveraineté chinoise sur les Paracels contre celle de la souveraineté vietnamienne sur les Spratleys en 1976, Hanoi s'est replié sur une argumentation historique pour légitimer sa revendication sur les deux archipels de mer de Chine méridionale. En mai 1977, le Vietnam a proclamé une ZEE de 200 miles marins, et précisait que celle-ci s'étendait également à partir des archipels vietnamiens (sans plus de précision), mais n'a pas fourni de carte de cet espace maritime. Seules furent précisées les lignes de base continentales à partir desquelles mesurer l'étendue de la ZEE, mais là encore les lignes de base des archipels n'ont pas été définies. De fait, si la nature de la revendication maritime du Vietnam est connue (il s'agit d'une ZEE), en revanche son tracé exact ne l'est pas. Les cartes des blocs pétroliers font état de vastes espaces maritimes (fig. 3), mais dont les tracés varient selon les sources. De plus, le gouvernement vietnamien hésite sur la revendication à défendre devant le droit international: il a affirmé en 1994 que, pour le Vietnam, les îles des archipels disputés n'étaient que des rochers, et donc ne donnaient pas droit, en vertu du droit de la mer, ni à une ZEE, ni à un plateau continental4. Quels facteurs peuvent expliquer ce retournement d'interprétation du Vietnam, un retournement par ailleurs d'autant moins crédible que les cartes postérieures à 1994 des blocs pétroliers vietnamiens présentent encore une ZEE qui s'étend toujours aussi profondément en mer de Chine du Sud, et que le Vietnam lui-même n'entend pas publier de carte officielle de sa ZEE? Vraisemblablement, il s'agit de la réalisation de la fragilité de la position stratégique du Vietnam dans les Spratleys depuis l'irruption chinoise en 1988, et qui le pousse à adopter une attitude légaliste et diplomatique, une attitude destinée à séduire tant l'ASEAN que la communauté internationale.

Les Philippines ont une position encore plus confuse du point de vue juridique. Manille revendique les îles comprises dans un quadrilatère dénommé territoire de Kalayaan, mais sans qu'un lien juridique soit clairement établi avec le statut légal des eaux englobées dans ce quadrilatère. L'archipel est encadré dans ce qui est appelé les limites du traité de 1898, qui précise le territoire des Philippines, mais il

3. Frédéric Lasserre, Le Dragon et la Mer, op. cit., 1996, p. 133-134 et 188-189. 4. Une île doit, pour pouvoir donner droit à une ZEE, être habitable et «disposer de sa vie économique propre» (art. 121-3), a rappelé M. Huynh Minh Chinh, directeur du Département des Affaires Maritimes, Hanoi, 12 novembre 1994. Les îlots des Paracels ou des Spratleys, très petits, souvent sans eau douce, se qualifient-ils alors pour engendrer des zones économiques exclusives ? Il faut attendre l'avis d'une cour pour interpréter la portée de cette clause.

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L'imbroglio juridique et militaire en mer de Chine du Sud

Fig. 3 : Des revendications incertaines - le cas du Vietnam et des Philippines

— — — Ligne de base du Vietnam, contestée par de nombreux pays _-.._. Espace maritime revendiqué, selon le Comité pour le Plateau Continental

Revendication vietnamienne selon Petroleum Economist — Revendication vietnamienne selon IBDS TheBxnomist, BHPRstroleum

— ••— • "Treaty Limits" : limites mentionnées dans le traité de 1898 • ••• Espace des Kalayaan — — — ■ Ligne de base de l'espace archipélagique v

Principe archipélagique étendu aux Kalayaan — ZEE revendicable à partir des lignes de base

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Géostratégies

n'est pas sûr que l'espace ainsi défini par le traité hispano-américain recouvre une quelconque souveraineté maritime. Le gouvernement philippin serait en train de définir une vaste ZEE qui engloberait le Kalayaan, mais Manille, qui ne souhaite pas envenimer le conflit avec la Chine, n'a toujours pas officiellement publié les coordonnées de sa ZEE. Quant à la Malaisie et au Brunei, le raisonnement juridique qui a prévalu à leurs revendications dans les Spratleys est qu'un certain nombre d'îlots se trouvaient dans leur ZEE, et donc relevaient de leur souveraineté, une attitude contestable car la ZEE ne confère aucun titre de souveraineté sur des terres émergées : c'est l'inverse qui est vrai.

Les revendications enchevêtrées des différents pays sur tout ou partie des archipels des Paracels et des Spratleys, ainsi que sur les espaces maritimes environnants, rendent tout règlement négocié extrêmement délicat, d'autant plus que les statuts juridiques des zones maritimes ainsi revendiquées diffèrent d'un pays à l'autre, d'une part, et que, d'autre part, ces revendications procèdent parfois d'une lecture contestable du droit de la mer. Qui plus est, les Spratleys présentent une géographie des garnisons des différents pays fort complexe, ce qui accroît le risque de conflit armé, comme en témoigne la longue liste des incidents militaires dans la région jusqu'à nos jours, bâtiments militaires attaqués, chalutiers mitraillés ou coulés, quasi-engagements aériens. . .

Quels sont les objectifs des protagonistes?

Le pétrole Le pétrole serait-il, comme on le lit souvent, le moteur de ces revendications multiples et chevauchées, et ce d'autant plus que les pays de la région connaissent des taux d'accroissement de la demande extrêmement rapides, du fait d'une industrialisation rapide et de l'élévation globale du niveau de vie des habitants? Les pays importateurs, comme les Philippines chez qui le pétrole représente près de 10 % des importations, sont donc confrontés à de graves difficultés pour satisfaire cette demande énergétique, tandis que les pays exportateurs, qui retiraient des profits substantiels de leurs ventes d'hydrocarbures, voient celles-ci se réduire du fait d'une augmentation rapide des besoins en énergie.

Ainsi, la Chine, ancien exportateur majeur en Asie, est devenue importateur net de pétrole en 1994. En 1985, l'exportation de 31,6 millions de tonnes de brut avait constitué 20 % de ses apports en devises; mais c'est aujourd'hui une facture de plusieurs millions de dollars que la Chine paye chaque année, et ses importations, qui représentaient 15 % de la consommation en 1996, pourraient atteindre le seuil des 40 % en 2004: en 2003, les importations chinoises de brut ont augmenté de 31 %, et de 35 % au premier trimestre 2004 5.

Une telle évolution renforce l'intérêt que les pays peuvent nourrir à l'égard des gisements en mer. C'est en 1968 que la Commission Économique pour l'Asie et l'Extrême-Orient (ECAFE) avait annoncé, après des études géologiques peu approfondies, que le bassin de la mer de Chine du Sud devait sans doute receler de vastes gisements de pétrole. La première découverte remonte à 1976, lorsque les Philippines ont annoncé un petit gisement dans le banc Reed, au nord-est des Spratleys. Les Chinois estiment les réserves totales de la mer de Chine méridionale à environ

5. OU & Energy News, 12 avril 2004.

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L'imbroglio juridique et militaire en mer de Chine du Sud

455 milliards de barils, ce qui en ferait le deuxième gisement du monde, après celui de l'Arabie Saoudite, du Koweït et du sud de l'Irak.

Pourtant, ces espoirs semblent peu fondés. D'une part, environ 90 % des réserves en hydrocarbures de mer de Chine du Sud se trouvent en fait dans les marges continentales des divers pays riverains, soit le delta de la rivière des Perles, les environs de Hainan, le golfe du Tonkin, les plateaux continentaux vietnamien et de la Sonde, au nord de l'île de Bornéo; les quantités exploitables dans les Paracels et les Spratleys seraient au mieux «modestes»6. D'autre part, les réserves estimées à l'heure actuelle sont loin des chiffres faramineux avancés par les Chinois. On parle de 3 à 5 milliards de barils de pétrole pour le plateau continental du Vietnam, de 700 millions de barils pour les Philippines, de 1,4 milliard pour Brunei, et de 4,5 milliards pour les réserves malaisiennes de mer de Chine du Sud et de l'océan Indien; les réserves prouvées au 1er janvier 2003 en mer de Chine du Sud ne font état que de 7 milliards de barils7. En janvier 1997, la compagnie Royal Dutch/Shell n'a pas reconduit son contrat de partenariat avec Petro Vietnam pour l'exploration pétrolière du plateau vietnamien, après n'avoir pu découvrir de gisement commercialement viable; la compagnie australienne BHP a également préféré perdre son investissement initial de 117 millions $ plutôt que de poursuivre des opérations d'exploration très décevantes8. Même en ajoutant les réserves indonésiennes et chinoises, on est loin, dans les connaissances actuelles, des chiffres atteints en mer du Nord, souvent citée comme élément de comparaison.

Tab. 1 : Production pétrolière en mer de Chine du Sud, 2002 (en milliers de barils par jour)

Chine

±350

Vietnam

340

Philippines

25

Malaisie

752

Brunei

189

Indonésie

±323

Total3

2200

Mer du Nord

6400

aY compris la production thaïlandaise de 193200 barils par jour dans le golfe de Thaïlande. Source: EIA, Washington.

Si l'exploitation des gisements de pétrole en mer de Chine méridionale représente 100 % de la production totale vietnamienne, 90 % de celle de Brunei, 97 % de celle des Philippines, et près de 55 % de celle de la Malaisie, elle n'en constitue que 8 % en Chine, malgré une quinzaine d'année d'efforts considérables pour attirer les compagnies occidentales. Ces chiffres donnent certes la mesure de l'enjeu pétrolier pour les États riverains d'Asie du Sud-est, mais soulignent la fragilité de l'argument du pétrole avancé par la Chine pour justifier ses revendications: quantités modestes produites, réserves non négligeables mais pas énormes, et faible part dans la production globale.

Qui plus est, lorsque, à partir de la fin du second conflit mondial, se sont cristallisées les prétentions de la Chine, mais aussi des Philippines et du Vietnam, la présence d'hydrocarbures était certes supposée, mais était loin d'être avérée. Encore aujourd'hui, si des gisements sont prouvés, ils ne représentent que quelques années d'une exploitation difficile du fait d'une géologie tourmentée.

6. Charles Johnson, géologue, East- West Center, Université de Hawaii, correspondance avec l'auteur du 28 juin 1994 ; FEER, 30 mars 1995 ; Energy Information Agency, www.eia.doe.gov. 7. Energy Information Agency, Washington, 22 juillet 2004. 8. South China Morning Post, Hongkong, 4 février 1997.

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Géostratégies

La pêche: un secteur économique important La consommation de poissons, de coquillages et de crustacés représente une part majeure des apports protéiques dans tous les pays de la région, et la pêche constitue un secteur économique important pour les pays riverains de la mer de Chine du sud. La valeur des prises s'y établit aux environs de 1,3 milliard $ (2000). Le volume des prises chinoises en mer de Chine du Sud est passé de 22,4 % du total des prises de la Chine en 1985 à 33,4 % en 1996.

Tab. 2 : Exportations de produits de la pêche (en millions de $)

Vietnam

1997

760

Thaïlande

1997

4100

Malaisie

1997

181

Indonésie

1998

1600

Philippines

1998

530

Chine

1997

3140

Source : sources diverses et statistiques officielles.

Mais, comme pour les hydrocarbures, ce sont surtout les marges continentales qui sont productives. La haute mer et les archipels des Paracels et des Spratleys n'offrent qu'un faible potentiel de prises, tant en quantité qu'en valeur. La surexploitation des réserves de poissons a, par ailleurs, conduit la Chine à promulguer des moratoires saisonniers sur la pêche en mer de Chine du Sud depuis 1999. Pour important que soit ce secteur économique, la pêche n'est pas non plus au cœur des objectifs des protagonistes dans ce conflit.

Une position stratégique sur une route maritime stratégique Un autre élément d'intérêt, plus militaire, pourrait s'expliquer par la géographie même de ces îlots, qui constituent des positions stratégiques pour le contrôle du trafic maritime en mer de Chine du Sud, où passent près de 270 navires chaque jour entre l'océan Indien et le Pacifique, via les détroits de Malacca, de la Sonde ou de Lombok. La forte expansion économique que connaissent la Chine et les pays d'Asie du Sud-est repose largement sur la «maritimisation» de leurs économies, pour l'importation d'équipement, de matières premières, et l'exportation des produits finis vers les marchés majeurs d'Europe, du Japon et d'Amérique du Nord. Déjà en 1993, le commerce maritime assurait 90 % des exportations chinoises.

Si ces considérations ne sont certainement pas absentes des raisonnements des divers gouvernements, tant les économies régionales dépendent du trafic maritime pour leurs exportations, l'avantage réel qu'ils peuvent espérer retirer de la possession d'îlots minuscules paraît mince, étant donné l'imbrication des garnisons et la relative absence de moyens de projection de puissance à partir de bases aussi réduites - sauf à chercher, justement, à limiter les moyens de projection des autres pays riverains par la seule présence de multiples garnisons. De plus, tout comme pour le pétrole, les diverses revendications ont été affirmées avant que la maritimisation des économies de la région ne soit aussi affirmée.

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L'imbroglio juridique et militaire en mer de Chine du Sud

L'impact du Droit de la mer: outil de résolution ou instrument des nationalismes?

Dans quelle mesure le droit de la mer, fondé sur la Convention de Montego de 1982, établit-il réellement les fondements d'une négociation sur la base de concepts acceptés par tous les protagonistes? On s'aperçoit, au contraire, que la possibilité de revendiquer et de s'approprier de vastes espaces maritimes, en vertu de la Convention, a accéléré les revendications.

Objectifs économiques et/ou territoriaux Le droit de la mer legitimise l'appropriation d'espaces maritimes (les ZEE) destinés à l'exploitation des ressources naturelles; mais l'octroi de concessions pétrolières ou la pêche paraissent parfois autant être motivés par des considérations économiques que par la poursuite d'objectifs territoriaux. Ainsi, le 26 février 1992, la Chine a proclamé unilatéralement sa Loi sur les eaux territoriales, et a réaffirmé sa souveraineté sur l'ensemble des archipels de mer de Chine du Sud. Dans le cadre de cette loi, la Chine se réserve le droit d'agir par la force pour faire respecter sa souveraineté sur ces îles, ainsi que sur ses eaux territoriales. En mai 1992, la Chine a accordé une concession d'exploration pétrolière à une compagnie américaine, Crestone Energy Co., au beau milieu du système de concessions vietnamien, et à près de 800 km des côtes chinoises (fig. 4). Ce faisant, Pékin exprimait sa volonté de faire respecter sa souveraineté sur ses eaux territoriales définies par la loi de février 1992; mais le tracé de la concession révèle aussi des calculs politiques plus subtils: le polygone accordé à Crestone suit discrètement la revendication indonésienne, sans la transgresser et selon un tracé en dents de scie qui n'implique aucune reconnaissance du tracé indonésien. De même, le polygone s'arrête à la limite des revendications malaisienne et de Brunei. Le bloc pétrolier accordé à Crestone était manifestement un outil politique destiné à souligner au seul Vietnam la détermination chinoise à confronter ses positions.

Autre exemple: en 1998, une société chinoise a tenté d'acheter de gros chalutiers québécois d'occasion; le dossier du montage financier du projet révélait que ces chalutiers devaient être armés, confirmant ainsi la validité des soupçons qui pèsent sur la réalité des objectifs économiques des nombreux chalutiers chinois qui patrouillent dans l'archipels des Spratleys et y provoquent parfois des incidents avec les garnisons ou les patrouilleurs des autres riverains, notamment en mai et juillet 1999 lorsque des frégates philippines ont coulé des chalutiers chinois près du récif Scarborough.

Des revendications peu légitimes Cependant, le droit de la mer donne malgré tout un certain nombre de balises juridiques qui permettent de comprendre pourquoi les protagonistes sont très réticents à l'idée de soumettre le différend à l'arbitrage d'une cour internationale.

La Convention de 1982 recommande que le partage des espaces maritimes, lorsqu'il y a litige, soit effectué selon le principe d'équidistance. Le tracé de ces frontières hypothétiques à partir des côtes (fig. 5), pour un partage complet de l'espace maritime, souligne à quel point certains pays riverains perdraient à reconnaître une telle approche, notamment la Chine, qui se verrait privée de toute la partie méridionale de la mer de Chine du Sud, mais aussi la Malaisie dans une moindre mesure.

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Géostratégies

Fig. 4 : Le pétrole: une arme géopolitique

S? vietnam>~/

/ \JI0v Mer de Chine

du Sud

Bloc octroyé par la Chine à Crestone Energy Corp. Isobathe 200 m Archipel des Spratleys

Limite de revendication maritime ■• Indonésie mmb Brunei

Malaisie «mmnb Chine Vietnam mmÊmmm Philippines

Un autre exercice concerne la projection des 200 miles marins, prévus par la Convention (art. 57), à partir des lignes de base tracées par chaque pays. Là encore, les frontières obtenues selon cette hypothèse sont très différentes des tracés revendiqués. La Chine serait, encore une fois, la grande perdante de l'application des normes juridiques du droit de la mer. Dans un cas comme dans l'autre, l'archipel des Spratleys se retrouverait essentiellement dans les zones économiques des Philippines et de la Malaisie - ce qui n'équivaut pas à souveraineté sur ces îlots, d'ailleurs.

Le 17 décembre 2002, la Cour Internationale de Justice a rendu un arbitrage entre la Malaisie et l'Indonésie sur la souveraineté sur les îles Sipadan et Ligitan, dans la mer des Celebes. Dans son arrêté, la Cour n'a pas tenu compte des arguments d'ordre historique - affirmation de l'antériorité de la découverte, cartes coloniales, artefacts archéologiques, «preuves» d'appartenance ancienne - dont font beaucoup de cas le Vietnam et la Chine pour appuyer leurs revendications sur les Paracels et les Spratleys - ces îlots leur auraient appartenu depuis « des temps anciens». Les seuls critères retenus pour accorder les îles à la Malaisie ont été l'occupation effective et continue, et l'absence de protestation de l'autre partie. Corollaire de ce jugement: dans la mesure où les occupations des îlots des Paracels et des Spratleys sont toutes récentes, et ont toutes provoqué des protestations, il apparaît très improbable que la Cour attribue l'ensemble de l'archipel à une seule partie, tandis que le statu quo serait tout aussi complexe à gérer, sauf à confirmer

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L'imbroglio juridique et militaire en mer de Chine du Sud

Fig. 5 : Une solution dans le cadre du droit de la mer?

INDONÉSIE

Limite maximale des 200 miles marins à partir des lignes debase Idem, en tenant compte de l'occupation chinoise des Paracels

I 1 Zone hors des ZEE 1 ' revendicables

flHi Archipel des Spratieys

que la possession de ces cailloux ne permet pas de revendiquer d'espace maritime. Sans la possibilité de s'approprier de vastes espaces maritimes à partir des positions occupées, peut-être assisterait-on à un apaisement de la tension dans la région, qui subsiste malgré le dialogue établi entre 1' ASEAN et la Chine à ce sujet en 1999.

Quel avenir?

Après avoir obtenu la maîtrise des Paracels en 1974, la Chine a réussi à prendre pied en 1987 dans l'archipel des Spratieys, et y garde depuis l'initiative militaire, faisant peu à peu progresser ses positions aux dépens de l'un ou de l'autre de ses adversaires, sans alarmer les voisins, ni le Japon ni les États-Unis.

Le pétrole n'a agi que comme catalyseur dans un imbroglio de revendications entremêlées. Non pas que les considérations énergétiques ou stratégiques soient négligeables: elles sont aujourd'hui aussi au cœur des préoccupations des gouver-

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Géostratégies

nements. Mais elles ne sauraient, à elles seules, expliquer le niveau de tension qui règne à l'heure actuelle dans la région, tant du fait de la réalité de la géographie des gisements, que de l'importance de ces gisements et de l'historique de leur découverte dans la chronologie du conflit.

C'est plutôt le nationalisme des acteurs qui permet le mieux de rendre compte des enjeux que constituent ces archipels pour les pays riverains. En particulier, l'importance que la Chine attribue aux Paracels et aux Spratleys provient plus du désir d'effacer le souvenir de ce que les Chinois se remémorent comme le « siècle de honte», que d'une réelle volonté hégémonique entretenue depuis trente ans. La volonté de puissance n'est pas ici première; mais elle peut venir, devant le succès économique et la puissance militaire que se bâtit la Chine. Les gouvernements de l'ASEAN estiment que le front diplomatique de l'association devrait dissuader la Chine de recourir à une solution militaire pour quelques années encore9. Et après?

9. Selon Allen S. Whiting, FEER, 24 avril 1997.

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