"Logement, crise publique, remèdes privés" - Vincent Benard, Institut Turgot, 2007

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L'ouvrage montre que les interventions de l'état français dans le domaine du logement depuis 100 ans ont provoqué crise sur crise et propose des solutions de marché pour sortir de la crise permanente du logement.

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LOGEMENT: Crise publique, remdes privsOSONS LA LIBERTE !

Vincent BENARDInstitut Turgot

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2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

Table des matiresIntroduction I - Premire partie : Logement, quand l'tat s'emmle I.A La crise actuelle: pour qui ? Quelle ampleur ? Quelles consquences ? I.B Le logement social public : solution au problme ou problme sans solution ? I.C Le march priv du logement : pas libre, pas efficient ! I.D Pourquoi le logement est il aussi cher depuis 10 ans ? I.E L'urbanisme la franaise, ou comment organiser la pnurie I.F Non, la ville libre n'est pas l'enfer ! II - Deuxime partie : Solutions librales pour en finir avec les crises du logement II.A 7 propositions pour transformer le modle franais du logement II.B Propositions essentielles proposition n1 : Unifier le march du logement en privatisan le parc HLM au profit de ses occupants actuels proposition n2 : Une loi de libration foncire pour en finir avec la pnalit rglementaire et le logement cher proposition n3 : Retrouver une relation locataire bailleur saine grce la libert contractuelle proposition n4 : Rformer l'aide au logement pour la diriger exclusivement vers les mnages faible revenu: le chque logement. II.C Propositions complmentaires proposition n5 : Abaisser la fiscalit sur le logement proposition n6 : Ouvrir largement les portes de l'immigration aux professionnels du btiment, au moins dans l'UE proposition n7 : Transformer le rle des services publics de l'urbanisme II. D Les mauvaises solutions du gouvernement, de l'opposition, des associations de mal logs, et leurs effets pervers II. E Urgence, aggravation de la situation en vue ! Conclusion Annexes

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Introduction Le logement, une proccupation majeureLe logis, c'est le temple de la famille Le Corbusier Le logement tient une place essentielle dans la vie des franais et dans le dbat public. C'est un sujet porteur pour les mdias, et un domaine dans lequel tout gouvernement se croit oblig de lgifrer. Pas un mois ne se passe sans qu'un hebdomadaire d'information ne titre sur la flambe de l'immobilier , les prix de l'immobilier dans votre rgion , les exclus / la crise du logement . Pas une anne ne s'coule sans qu'un ministre ne nous promette son lot de nouvelles lois en faveur du logement . Les principaux candidats l'lection prsidentielle de 2007 semblent avoir plac la proccupation des franais faisant face des difficults croissantes pour se loger au tout premier rang des axes de leurs programmes, bien plus que lors des campagnes prcdentes. Chacun multiplie les annonces spectaculaires sans rellement se donner les moyens de la crdibilit. Si l'un annonce qu'il forcera les communes rcalcitrantes respecter une proportion de 20% de logements sociaux, l'autre rplique par l'inscription dans la constitution d'un droit au logement opposable aux collectivits locales, sans que le rapport cot-efficacit de ces interventions ne soit rellement dbattu. L'apparent simplisme avec lequel la plupart des candidats abordent la question immobilire tranche avec le srieux avec lequel une majorit de franais considre la situation du logement depuis quelques annes. De fait, l'intrt des franais est simple comprendre, puisque les dpenses de logement sont devenues ces dernires annes le premier poste du budget des familles bien avant l'alimentation. Proportionnellement aux revenus, le logement demande souvent un effort plus important aux familles les plus modestes. Dans la hirarchie des motivations des actions humaines tablie par Maslow1, la recherche de scurit arrive en seconde position aprs la satisfaction du besoin de nourriture. Pouvoir disposer durablement d'un logement est dans toute socit la cl de cette scurit. Sans logement, il devient difficile, voire impossible, de rester propre, de planifier son existence, de tisser des relations sociales harmonieuses, de s'panouir au sein d'une famille, de rester en bonne sant. Pour les familles disposant d'un logement, le risque d'en perdre le bnfice en cas de difficult financire est souvent considr comme l'une des pires calamits qui puisse les affecter. Par consquent, il existe une importante demande politique en faveur d'une intervention publique suppose permettre aux familles en difficult financire de disposer d'un logement quoiqu'il arrive. Une telle demande n'existe pas dans de1

Psychologue, Abraham Maslow (1908-1972) a caractris la hirarchie des motivations des actions humaines, synthtise par sa clbre pyramide des besoins .Page 3 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

nombreux autres secteurs . Ainsi, il existe des mnages qui ne peuvent s'offrir une automobile, mme d'occasion. Pourtant, ce manque, bien que pouvant gravement obrer la capacit des personnes concernes s'employer, ne suscite pas (ou trs marginalement) de demande d'intervention de l'tat. Le logement, parce quil est peru comme absolument ncessaire , acquiert dans l'opinion un statut particulier, l'instar des soins mdicaux ou de l'ducation: une large majorit estime que la puissance publique doit faire quelque chose pour qu'aucune famille ne soit sans abri. Dans l'optique de prmunir la population contre l'incapacit d'accder un service essentiel, les pouvoirs publics, nationaux ou locaux (appels par la suite tat par commodit) disposent traditionnellement de plusieurs leviers d'action:

Tout d'abord, l'tat peut choisir de ne rien faire par lui-mme, mais crer les conditions de la prise en charge des plus dmunis par l'entreprise ou la charit prive. Il peut lgifrer pour essayer de contraindre l'offre de logement s'adapter la demande des mnages les moins solvables Il peut redistribuer des revenus par le biais de subventions ou de remises fiscales, soit aux demandeurs de logement faibles revenus, soit aux offreurs de logement. Enfin, il peut crer en tant qu'oprateur majoritaire, voire monopolistique, des entits en charge de fournir les services dits indispensables perte, l'impt venant alors financer le dficit que les tablissements ainsi crs doivent supporter du fait du caractre social de leur mission.

En France, dans le domaine du logement, tous les types d'interventions publiques coexistent, et souvent depuis fort longtemps2. Or, en croire les mdias, les problmes d'exclusion du logement demeurent, les prix flambent, poussant un nombre croissant de mnages vers la pauvret. Dans l'introduction de son rapport annuel 2006, la fondation Abb-Pierre, principal acteur caritatif de la socit civile pour le logement, dresse un constat sans appel de la situation: Partout en France, l'cart entre la demande et l'offre de logement loyer accessible se creuse. La crise du logement touche dsormais les classes moyennes (...) Les bidonvilles rapparaissent en priphrie des grandes villes (...) Dans les campagnes, les habitats de fortune persistent (...) Le march, bouc missaire Face ces constats, la fondation Abb Pierre recommande dans ce mme rapport, comme la plupart des organisations caritatives, des mdias, des partis politiques, l'augmentation de l'intervention de l'tat dans le domaine du logement, attribuant2

Une liste dtaille des interventions de l'tat dans le domaine du logement en France peut tre consulte l'annexe n1.Page 4 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

implicitement au march et ses hypothtiques dficiences les situations difficiles rencontres par les mnages fragiles. Le ministre des affaires sociales Jean Louis Borloo a annonc depuis l'anne 2005 plusieurs mesures en ce sens: une relance de la construction de logements sociaux , un plan d'accession la proprit de maisons discount 100.000 euros grce des aides publiques, et un renforcement de la protection des locataires en difficult en sont les principales constituants. Or, ni les difficults actuelles du logement, ni les solutions apportes par la classe politique ne sont nouvelles. Le prambule du rapport de la fondation Abb Pierre pourrait tre au mot prs celui que l'illustre fondateur de cette institution aurait pu crire lors de l'hiver 1954, qui marqua le dbut de son action. Depuis 1914, l'intervention de l'tat pour corriger les problmes de logement ns de la premire guerre mondiale n'a fait que crotre, et pour autant, le mal-logement, pour reprendre le nologisme actuellement en vogue, n'a jamais disparu et semble actuellement dans une phase de recrudescence. Aprs un premier examen rapide des problmes rencontrs par le secteur du logement, il est apparu aux membres du conseil scientifique de l'institut Turgot3 que la prsomption de culpabilit des mcanismes de march et la ncessit d'un surcrot d'intervention publique, quoique largement partages par l'opinion, demandaient un examen critique approfondi. Notamment, il convient de dterminer si, aprs plus d'un sicle d'interventions publiques massives dans le domaine du logement, la persistance des checs de ces interventions sanctionne uniquement leur insuffisance quantitative, ou des mthodes d'intervention inadaptes, ou si ce sont ces interventions qui, de par leur nature mme, amplifient voire crent certains problmes au lieu de les rsoudre. Cette tude a pour premier objet d'analyser les principales interventions de l'tat dans la production de logements et dans la gestion de la demande, notamment sociale. Cette analyse se fondera sur l'exploitation des statistiques officielles, leur interprtation sous l'angle de l'analyse conomique librale classique, et des comparaisons internationales. Aprs un rapide tat des lieux du logement en France, le rapport analysera les effets attendus et rels des politiques sociales du logement, des lois encadrant l'offre locative prive, et le rle souvent msestim de la rglementation de l'usage des sols sur la variation des prix du logement. Dans un dernier temps seront proposes des solutions en rupture avec les schmas de pense dominants de la politique franaise de ces cent dernires annes. Nous montrerons que ces propositions, laissant bien plus largement cours qu' actuellement aux forces du march, tant dans le domaine du logement que dans la gestion des sols, sont de nature non seulement minimiser, mais ramener une proportion ngligeable, en quelques annes seulement, le nombre de situations difficiles qu'une solidarit collective devra prendre en charge.

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Premire partie :

Logement, quand l'tat s'emmle

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A - La crise actuelle : pour qui ? quelle ampleur ? Quelles consquences ?Il parat que la crise rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres. Je ne vois pas en quoi c'est une crise. Depuis que je suis petit, c'est comme a Coluche La liste des interventions de l'tat visant rguler le march du logement est impressionnante4. Ces interventions ont elles engendr une situation du logement satisfaisante ? Est-on bien log en France, et comment notre pays se compare-t-il ses voisins ? Taux de proprit 56% des Franais sont propritaires de leur logement, en pleine proprit ou en cours d'accession, l'issue de l'anne 2004. Ce taux connat une progression lente mais rgulire depuis les annes 80, o il dpassait de peu 50% (52% en 1982, 53% en 1988). Cette faible progression doit tre relativise par le fait que le nombre de mnages loger est pass de 19 millions en 1980 prs de 26 millions en 2005, le nombre moyen de personne par foyer ayant quant lui fortement diminu (de 3,0 2,4). L'augmentation du nombre des divorces et l'allongement de la vie expliquent ce phnomne. Aussi en valeur absolue, le nombre de mnages propritaires est pass de 9,9 14,5 millions de mnages, soit 46% d'augmentation. La performance pourrait sembler flatteuse, mais elle doit tre relativise par celle de nos voisins. Dans une tude publie en 2004, le cabinet immobilier ERA, implant dans toute l'Europe des 15, compare les taux de proprit chez nos principaux partenaires en 2003:

rang 1 2 3 4 5 6ex 6ex 8 9ex 9ex4

pays Espagne Irlande Belgique Royaume Uni Luxembourg Sude Finlande Autriche Pays Bas France

%age de propritaires 85 81 75 71 70 60 60 58 55 55

Une liste dtaille est disponible en annexe I.Page 7 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

rang 11 12

pays Allemagne Suisse

%age de propritaires 42 36

La performance franaise n'a rien d'infamant compte tenu de la progression observe depuis 1980, mais elle n'a rien d'exceptionnel. Des pays comme l'Autriche, la Sude ou les Pays-Bas, qui se situaient lgrement derrire nous il y a quelques annes, nous ont rattraps, voire dpasss. Il n'y a visiblement aucune corrlation entre taux de proprit et revenu moyen par habitant. L'Espagne, classe en tte, a les revenus les plus faibles des pays compars, alors que l'Irlande, avec un taux comparable, a les plus levs. La Suisse a le taux le plus faible malgr la seconde population la plus riche d'Europe, aprs le Luxembourg, qui compte deux fois plus de propritaires. De mme, un march immobilier cher n'empche pas des taux de proprit levs, comme l'illustrent l'Irlande et la Grande Bretagne. Cependant la Belgique, avec un immobilier bon march, possde galement un taux de proprit lev. L'Allemagne, avec des cots comparables et en baisse rgulire, affiche un taux trs infrieur. Les spcificits de chaque march ne tiennent donc pas au niveau de vie ou au niveau de prix du march. Il semblerait - mais ce point, qui ne sera pas dvelopp par la prsente tude, mriterait d'tre approfondi - que le principal lment de discrimination entre les diffrents pays soit la lgislation plus ou moins favorable l'accession la proprit. Ainsi, en Espagne, il y a moins de 1% de logements sociaux, mais les aides au logement se concentrent sur le crdit aid pour l'accession la proprit. Par contre, en Suisse, une loi fiscale fdrale adopte par votation dans les annes 70 prvoit que les propritaires occupant leur logement doivent intgrer leur revenu le loyer qu'ils paieraient s'ils louaient un logement quivalent, dduction faite d'un ventuel crdit en cours, et ce selon une volont sociale du lgislateur de placer galit les locataires (ncessairement dfavoriss) et propritaires. Cette loi unique au monde a rendu particulirement peu attractive l'occupation de sa propre proprit, d'o cette proportion tonnamment basse de propritaires. La capacit des mnages d'accder la proprit a de nombreuses rpercussions conomiques et sociales positives. Tout d'abord, un mnage propritaire est souvent plus mme d'obtenir un crdit hypothcaire pour lancer une activit conomique. De plus, des tudes amricaines ont montr qu' revenu gal, la pleine proprit du logement par les parents augmentait de 10% les scores des enfants aux diffrents tests scolaires. En effet, les propritaires prennent plus soin de leur logement que les locataires, et ce surcrot d'attention rejaillit dans d'autres domaines: hygine, alimentation, etc..., ce qui suffirait expliquer les diffrences observes. Ajoutons que mme lorsqu'ils ont une charge d'emprunt, les mnages propritaires tendent pargner plus que les locataires, ce qui est plutt favorable l'conomie5. Enfin, il semblerait que les effets psychologiques de la proprit conduisent une amlioration de l'estime5

Quoiqu'en pensent les partisans de la relance par la consommation , un consensus parmi les conomistes de l'offre se dgage pour dire qu'une pargne abondante investie dans l'appareil productif est une condition absolument sine qua non de la sant conomique des nations.Page 8 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

de soi et un dveloppement plus harmonieux des relations sociales et interpersonnelles. Les modes de vie induits par la proprit engendrent donc des bnfices collatraux pour la socit6. Les mnages modestes exclus du progrs gnral La situation franaise devient particulirement proccupante si l'on compare l'volution des taux de proprit pour les mnages les plus modestes entre 1988 et 20027: 1988 Mnages trs modestes Tous mnages 47 53 2002 35 56

%age de mnages propritaires de leur logement

Ainsi, une France deux vitesses semble se dessiner dans le domaine de la proprit foncire: d'un ct, on observe une amlioration lente mais sre des conditions d'accs la proprit pour ceux qui en ont les moyens , mais en contrepartie, une dgradation de l'accs la proprit des plus modestes est notable. Ce sont essentiellement les nouveaux entrants sur le march du logement qui font les frais de cette volution. Il est noter que les USA, pourtant souvent prsents comme un enfer pour les pauvres par nombre de politiques et d'organes de presse, prsentent une volution exactement inverse dans ce domaine: le taux de mnages pauvres propritaires de leur logement est pass de 35% 46 % entre 1988 et 2002, pour un taux de proprit gnral de 68% cette date. En France, le poids du logement dans le budget des mnages modestes reprsentait 22% en 2003, et la presse cite couramment le chiffre de 25% en 2006, mme si le chiffre officiel n'est pas encore connu. Les professionnels de l'immobilier considrent que c'est partir de 25% du revenu que le risque de dfaillance des locataires ou emprunteurs devient lev: il y a l'vidence une fragilisation des mnages modestes par rapport leur capacit de financement de leur besoin en logement. Tous mnages Logement Transports Alimentation Loisirs6

Mnages modestes 22,2 11,7 20,3 6,8

16,5 16,1 16,9 8,5

Pourcentage des dpenses du budget des mnages par domaine8Joseph Harkness and Sandra Newman, Differential Effects of Homeownership on Children from Higher and Lower-Income Families, Journal of HousingResearch 14(1), 2003 et Donald R. Haurin, The Private and Social Benefits of Homeownership (Americus, GA: Habitat for Humanity University, 2003) Source: Insee.fr les mnages trs modestes correspondent ceux gagnant moins de 50% du revenu mdian, soit environ 11% du total des mnages. Source: Insee, chiffres 2003 La part du logement a augment depuis.Page 9 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

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Qualit des logements La qualit des logements est en hausse continue en France depuis les annes d'aprs guerre, et ce mouvement ne connat aucun frein, y compris pour les logements des familles modestes9, et ce mme si des reportages tlviss alarmistes nous montrent qu'il y a encore beaucoup de progrs faire dans ce domaine. Ainsi, en 1978, 27% des logements manquaient d'au moins un lment important du confort sanitaire, contre 2,5% en 2002. Nous revenons de trs loin ! L encore, si on compare la situation de la France et des USA, on constate que 20% des logements de familles pauvres franaises sont considrs comme surpeupls (2002), dont 15% en surpeuplement lger -manque une pice et 5% en surpeuplement svre. Aux USA10, ce taux est de 5,7% la mme poque (4,4% lger 1,3% svre). 7% des logements de mnages pauvres franais affichent une carence svre en matire sanitaire (eau courante dfectueuse ou absente, ou sanitaires partags), contre 2% aux USA, ce qui est moins que le taux tous mnages confondus chez nous (2,5%). La situation de la France est donc l encore honorable, et sa progression ne saurait tre passe sous silence, mais ne saurait constituer un exemple pour le reste du monde. Et le modle social franais semble, en matire de logement, moins performant que celui qui nous est souvent prsent comme le repoussoir anti-social absolu, celui des USA. Surface compare des logements La surface moyenne des logements est passe de 82m2 en 1984 90m2 en 200211, ce qui, rapport au nombre d'occupants par logement, constitue une progression notable, de 29 37m2 par personne. Mais l encore, la performance franaise n'est pas des meilleures, compare celle d'autres nations comparables:Pays USA Danemark Sude Pays-Bas USA, mnages pauvres (12%) Allemagne (ouest) France9 10

Surface moyenne /habitant, m2 67 52 43 41 40 39 37

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Insee, les conditions de logement des mnages bas revenus , Driant et Rieg, 2004. Les sources amricaines proviennent du Census bureau, census.gov. Il est noter que les dfinitions du surpeuplement des logements sont lgrement diffrentes des deux cts de l'Atlantique. En fait, en prenant pour critre de base le nombre de pices de vie par habitant, on constate que les nombre de pices retenus pour dfinir un surpeuplement "modr" ou "grave" sont les mmes dans la plupart des cas courants, le critre Franais est plus draconien d'une pice pour les familles monoparentales, le critre amricain est plus svre d'une pice pour pour les familles comportant deux enfants ou plus de moins de 7 ans. Les chiffres sont donc tout fait comparables. Insee, tableaux de l'conomie Franaise, 2005-2006 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

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Pays Union Europenne ( 15) Royaume uni

Surface moyenne /habitant, m2 37 35

La France se situe tout juste dans la moyenne de l' Union Europenne, et un mnage moyen Franais dispose de moins despace qu'un mnage pauvre amricain. Des pays densit de population plus forte que la notre (Allemagne, Danemark, Pays-Bas) ont des logements plus spacieux. La gographie n'est donc pas en cause. L'encadrement par l'tat du secteur du logement n'a donc visiblement pas permis la France de loger mieux ses habitants que ses voisins, la performance franaise en ce domaine peut tre considre comme tout juste moyenne. SDF et habitat prcaire : une volution proccupante Les prix du logement ont augment de 70% plus vite que les revenus des mnages entre 1995 et 2005, ce qui constitue une anomalie unique dans l'histoire du march du logement d'aprs guerre en France. Cette situation semble avoir des effets de plus en plus dsastreux sur les familles modestes. Depuis l'aprs guerre, il n'est pas une priode o le logement n'ait t prsent comme en crise par les mdias. Et de fait, la priode actuelle n'chappe pas cette rgle. Les mdias nous brossent rgulirement un portrait peu rjouissant de la situation des exclus : croissance du nombre de SDF, des squatts insalubres, foyers d'urgence saturs, etc... Le phnomne est difficile quantifier, mais l'Insee s'y est essay en 2001. Les chiffres obtenus sont cits par le rapport Doutreligne-Pelletier de 200512, ainsi que par la fondation Abb Pierre. En 2001, on dnombrait environ 86.500 SDF, 41.000 habitants en construction de fortune (cabanes de fond de jardin ou en milieu naturel), 150.000 300.000 personnes loges par des proches, 20.000 mnages seraient logs en chambre d'htel, et 350.000 en conditions atypiques . Le rapport Doutreligne-Pelletier souligne en outre que sur 600.000 places de camping loues l'anne, 120.000 l'taient par des mnages en situation difficile en 2001. Ce sont souvent des mnages avec un salaire, mais insuffisant pour trouver un logement priv, ou pour prsenter des garanties suffisantes au bailleur, et trop lev pour prtendre rentrer en logement HLM compte tenu de la pnurie observe dans ce secteur: en effet, en 2004, seulement un (petit) tiers des 1.300.000 demandes de logement social ont t satisfaites, nous tudierons pourquoi au chapitre suivant. Le recensement de ces cas difficiles n'est pas chose aise, aussi n'avons nous pas de donne plus rcente, mais tout indique que la situation a empir. En effet, depuis 2001, les prix du logement corrigs de l'effet revenu ont augment de plus de 50%, les cas de12

Propositions pour une meilleure scurit du logement , rapport remis au ministre de la cohsion sociale, octobre 2005. 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

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contentieux pour loyer impay ont augment de 25%13 et celui des dcisions judiciaires d'expulsion de 20%, le nombre de titulaires du RMI s'est envol pour dpasser le million... Les travailleurs sociaux tmoignent d'une augmentation du phnomne du caravaning pour mnages prcaires, notamment dans les zones ctires o l'envol des tarifs fonciers est particulirement prononc. Les distributions de tentes pour SDF par des associations caritatives sont en plein essor, et l'impression visuelle laisse par le centre des grandes villes en soire n'incite pas croire que la situation s'amliore. La fondation Abb Pierre estime que 700 800.000 personnes sont aux portes du logement , alors que plus de 3 millions de personnes modestes vivent dans des logements insalubres voire indignes. Bien que certains pourraient souponner la fondation, qui rclame plus d'intervention de l'tat, de noircir le tableau pour inflchir les politiques publiques, l'examen de ses sources semble montrer que ses chiffres sont relativement fiables, et que l'on peut s'y rfrer avec une marge dimprcision relativement limite pour estimer les problmes du mal-logement en France. Le blues des classes moyennes Fait nouveau, les difficults de logement touchent de plus en plus les classes dites moyennes, trop bien rmunres pour prtendre accder au logement social, mais qui ne peuvent prsenter des garanties suffisantes pour louer sur le march priv. De nombreux tmoignages publis par la presse14 montrent que le phnomne se dveloppe, avec pour consquence une recrudescence de l'habitat chez les parents, l'acceptation de distances domicile-travail de plus en plus importantes, et parfois, les hbergements de fortune, htels meubls, htels sociaux, etc... Il arrive que certains parents clibataires soient contraints de confier leurs enfants aux parents installs loin, et occupent un logement de fortune accessible de leur lieu de travail. Ce phnomne a des rpercussions sur le march de l'emploi : ainsi, certaines administrations ne trouvent plus de titulaires pour certains postes, toutes catgories confondues. Les entreprises de main d'oeuvre peu qualifie sont dans la mme situation. L encore, il est difficile de trouver des chiffres officiels fiables quantifiant le phnomne, ce qui est particulirement regrettable. Signes d'un pnurie Selon plusieurs sources, comme la fondation Abb Pierre, ou le ministre du logement, le dficit du parc de logements est d'environ 600.000 900.000 units par rapport aux besoins actuels. Plus encore, si l'on tient compte du pourcentage de logements vacants ncessaires pour assurer une bonne fluidit du march, ce sont plus d'un million et demi de logements qui manquent l'appel. Christian Julienne, prsident de la fondation Hritage et Progrs et ancien professionnel de l'immobilier, estime ainsi qu'entre 1980 et 2000, il a manqu au parc de logement franais la construction prs de 100.000 logements annuels pour garantir la fluidit du march. En effet, le nombre de mnages augmentant d'environ 270.000 units par an, le nombre de logements arrivant13 14

Source: Ministre de la justice, cit par la fondation Abb Pierre. Lire notamment le dossier les nouveaux exclus de l'Express, 12 juillet 2004. disponible en ligne 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

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en fin de vie (vtust, insalubrit) et les migrations de la population survenues dans l'intervalle conduisent estimer qu'il aurait fallu construire plus de 400.000 logements par an durant cette priode, alors que la construction n'a que rarement dpass les 300.000 units. Le cap des 400.000 units annuelles, couramment dpass dans les annes 70, n'a t nouveau atteint qu'en 2005. De fait, le nombre de logements vacants en France est de 1,912 millions en 2004, soit 100.000 de moins qu'en 2002. Si le chiffre peut paratre lev dans l'absolu, il faut savoir qu'il inclut des logements insalubres, des logements situs dans des rgions en dclin, d'autres en attente du rglement d'une succession ou d'un divorce, d'autres en travaux entre deux locations... Le taux de vacance se situe aux alentours de 6%, ce qui correspond un plus bas historique. Dans les faubourgs suburbains des grandes agglomrations en fort dveloppement, ces taux sont encore plus faibles. Ainsi, par exemple, une enqute ralise par les communes du sud nantais fait tat d'un taux de vacance de l'ordre de 3%. De fait, les locations y sont rarissimes... Et leur cot flambe. Les logements volontairement laisss vacants par des bailleurs potentiels sont donc plus rare que ce que les reportages de la presse gnraliste laissent supposer. Pnurie de l'offre et flambe des prix concomitante semblent donc tre la source d'une crise particulirement aigu. Pour y remdier, la classe politique envisage de faon quasi unanime un surcrot d'interventions publiques, budgtaires ou rglementaires. Ainsi, le gouvernement de M. De Villepin investi en 2005 a prvu, par l'entremise d'un plan de cohsion sociale annonc en 2006 par le ministre Jean Louis Borloo, trois grandes mesures phare: 1. Une augmentation de la construction sociale, 2. De nouveaux dispositifs fiscaux visant favoriser l'investissement locatif priv, 3. Une augmentation des garanties et des protections des locataires en cas de difficults de paiement. Le programme du parti socialiste pour les lections prsidentielles de 2007 constitue une simple surenchre autour de ces thmes (120.000 logements sociaux annuels promis, contre 100.000 pour le plan Borloo...) et les solutions proposes par l'ensemble des partis politiques majeurs ne sont que la continuation de celles qui ont t mises en oeuvre depuis les annes 50, et qui n'ont pourtant pas empch d'aboutir la situation actuelle. Il est temps d'tudier pourquoi ces trois grandes orientations de la politique publique du logement en France n'ont pas produit les bnfices escompts, et pourquoi, hlas, il en sera de mme avec les projets venir. Commenons par une plonge en profondeur dans les eaux (troubles) de la construction sociale.

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B - Le logement social public : solution aux problmes ou problme sans solution ?Ceux qui croient agir en fonction de l'intrt gnral sont en ralit conduits favoriser des intrts particuliers qui ne font pas partie de leurs intentions Milton Friedman Les habitations loyer modr (HLM) constituent l'outil principal de l'intervention de l'tat dans le domaine du logement. Sont ils une solution adapte au problme du logement des plus dfavoriss ? L'ampleur du parc HLM Il existe en France environ 4,3 millions de logements sociaux locatifs. Ces logements reprsentent environ 17,2% du parc des rsidences principales, contre 21% de locatif priv libre (le plus souvent soumis la loi de 1989 quant l'tablissement des baux) et environ 1% de logements sociaux de fait , c'est dire lous sous le rgime de la loi de 1948. Environ 2,1 millions de ces logements sont grs par 293 offices publics (OPHLM ou OPAC) rattachs des collectivits locales (communes, intercommunalits, dpartements) employant 40.000 agents de droit public. 400.000 sont grs par des socits d'conomie mixte (SEM) dont le fonctionnement est proche des offices. 1,68 millions sont la proprit de socits anonymes (SA) prives au statut trs rglement par la loi et qui en contrepartie de marges rglementes sont exonres de l'impt sur les socits et de la taxe professionnelle. Ces SA emploient 27.500 personnes de droit priv. Il est noter que parmi les actionnaires de ces SA, on trouve hauteur de 39 % des intervenants publics: OPHLM, SEM, collectivits, les organismes privs collecteurs du 1% logement prlev sur la masse salariale des entreprises entrant quant elles pour 34% dans leur capital. Le secteur social priv est donc de fait fortement investi par le secteur public, rendant la distinction entre ces deux composantes relativement artificielle. Des socits coopratives ou sous d'autres statuts grent le parc rsiduel. L'origine des organismes HLM Les SA de HLM sont les hritires des premires socits prives de cration d'HBM (habitations bon march) cres en 1894 par la loi Siegfried, qui accordait ces entits des avantages fonciers et fiscaux, ainsi qu'un accs aux financements de la Caisse des Dpts (dj) pour construire des habitations accessibles la population ouvrire. Le bilan de ces socits d'HBM se rvlant dcevant aux yeux de leurs promoteurs, diverses lois complteront la loi initiale, dont la plus importante est sans doute la loi Bonnevay de 1912 crant les offices publics d'HBM, crs par dcision du conseil d'tat la demande des communes ou conseils gnraux. Aprs la premire guerre mondiale, au cours de laquelle 900.000 logements ont t dtruits, essentiellementPage 14 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

dans le nord-est de la France, les lois Ribot de 1922 et Loucheur de 1928 tentent de donner de l'ampleur ce mouvement en autorisant des financements plus favorables. Pourtant, ces initiatives n'auront pas d'effet sur la pnurie de logements15. C'est en 1950 que ces HBM deviendront HLM, et que leur orientation voluera d'une offre de logements majoritairement conus pour l'accession la proprit vers le locatif social. Et c'est aprs le terrible hiver 1954 dj voqu que les moyens publics consacrs la construction sociale connatront une envole majeure. Ainsi, 750.000 logements sociaux seront mis en service entre 1956 et 1965, 1.100.000 entre 1966 et 1975, et encore 750.000 entre 76 et 85. Puis le rythme d'accroissement du parc social s'amenuisera partir de 1986, moins de 50.000 mises en services annuelles en moyenne16. Comment fonctionnent les organismes HLM Les aides reues par les organismes HLM pour construire leurs logements sont les suivantes:

Subventions d'investissement de l'tat Prts de la caisse des dpts garantis par les collectivits locales, sur une dure de 50 ans des taux bonifis, financs grce la collecte de l'pargne du livret A,

De surcrot, les organismes HLM bnficient des avantages fiscaux suivants par rapports aux bailleurs de droit priv:

Exonration de la Taxe foncire sur les proprits bties pendant 15 ans TVA 5,5% au lieu de 19,6% sur les travaux.

Ces deux dernires mesures pourraient passer pour des exemptions, des charges non dcaissables , qui ne cotent pas directement au budget de l'tat. Cela est bien videmment un leurre: sachant que le niveau de dpenses publiques fixe un certain niveau de recettes ncessaires pour boucler les budgets avec un dficit comptable prsentable, les exemptions accordes aux uns doivent tre finances par des prlvements plus levs sur les autres contribuables. Les aides accordes par exemption fiscale constituent donc bien une charge pour l'ensemble des contribuables. La somme de ces aides directes et indirectes totalise 41% du prix de revient du logement social, pour un montant de 1,7 Milliards d'euros en 200317. Compte tenu du nombre de logements construits (environ 40.000), cela reprsente environ 40.500 euros par logement. Il faut y ajouter les aides directes des collectivits locales qui prennent en gnral la forme d'aides foncires, non chiffres dans les comptes du logement. Une fois ces aides intgres, les offices HLM fonctionnent exactement comme le feraient des bailleurs privs: les loyers quittancs (plus quelques produits financiers rsiduels correspondant 2% de ces loyers) financent les charges des organismes, 15 16 17

Ce point sera dvelopp au chapitre I-C Source: le logement social , Amzallag et Taffin, ed. LGDJ, 2003 Source: Comptes du logement 2003, ministre du logement 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

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savoir18 :Type de dpense Charges financires Dpenses de maintenance Frais de gestion Taxe foncire (logements de plus de 15 ans) % des loyers recouvrs 47 17 19 10

TOTAL 93 Rpartition des dpenses des organismes HLM

Cela laisse une marge d'autofinancement gale 9% des loyers totaux. Les recettes d'exploitation (hors subvention) des organismes HLM se sont tablies 12,4 Milliards d'euros en 2000. Il est noter qu'une part importante de ces loyers sont perus auprs de familles bnficiant d'une APL (aide personnalise au logement), l'obtention de cette aide par les familles tant subordonne l'occupation d'un logement social. L'APL n'est donc que trs partiellement une aide la personne et constitue de facto un complment de ressources non ngligeables pour les offices HLM. De mme, les autres aides la personne peuvent galement atterrir dans l'escarcelle des organismes HLM. Les aides totales annuelles aux organismes HLM doivent donc intgrer ces aides personnelles, soit environ 6 Mds pour l'APL, et une partie des 7Mds pour les autres aides. Les logements proposs dans le secteur social avaient un loyer mensuel moyen de 3,9/m2 en 2002, contre 7 /m2 dans le secteur priv (80% plus cher) en province. Dans la banlieue parisienne, l'cart entre les deux secteurs tait encore plus grand, puisque le loyer des logements sociaux tait de 4,5/m2, alors qu'il atteignait 10,9 dans le parc priv (+140%). A Paris, les prix au mtre carrs du secteur libre dpassent couramment 20/ m2 en 2005, contre moins de la moiti dans le secteur HLM. Le taux d'effort moyen net (part du revenu consacrs au loyer, hors charges locatives, parking, etc..., dduction faite des aides au logement) des mnages tait de 12% dans le secteur social et de 19% dans le secteur priv en 2002. A Paris, le taux d'effort moyen des locataires du priv atteignait mme 25% cette date, et a encore augment depuis du fait de lactuelle flambe des prix. Le logement social remplit-il sa mission sociale ? Il est vident que la vocation premire des organismes HLM devrait tre de loger en priorit les mnages aux revenus les plus modestes. En croisant plusieurs donnes disponibles sur le site internet de l'INSEE, on s'aperoit que cet objectif est loin d' tre atteint. L'INSEE divise les mnages en catgories (trs modestes, modestes, autres), en fonction de la classe de revenus par personne laquelle ils appartiennent. Les mnages18

le logement social , Amzallag et Taffin, 2003 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

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trs modestes sont ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvret (50% du revenu mdian), soit selon les derniers chiffres publis, les 11% les plus pauvres. Les mnages "modestes" sont arbitrairement dsigns comme les mnages compris entre les 11% et les 30% plus modestes. En approfondissant les recherches, on peut galement trouver des statistiques sur les mnages "moyens" (revenus suprieurs aux 30% les plus pauvres et infrieurs la moiti la plus aise) et les mnages autres , la moiti aux meilleurs revenus. Il apparat que la rpartition des mnages entre le parc locatif social (HLM) et le parc locatif priv est la suivante (en 2003) : Parc HLM, en Milliers de locataires Mnages trs modestes P(0-11) Mnages modestes P(11-30) Sous Total P (0-30) mnages ''modestes'' Mnages moyens P(30-50) Autres mnages P(50-100) Sous-total P(30-100) mnages ''non-modestes'' 850 NC 1400 2250 3250 900 1150 2050 NC Parc Locatif Priv, En milliers de locataires 700 900 1600

Une rpartition pas trs sociale ?

On constate que 2.25 millions de mnages qui ne devraient pas avoir besoin d'aide publique pour se loger occupent un logement aid, soit plus que le nombre de mnages dsigns comme modestes par les critres de l'INSEE, alors que 1.6 millions de mnages supposs modestes ou trs modestes se logent plutt dans le parc priv. Certes, il y a des explications logiques partielles ces observations. Ainsi, une partie des mnages modestes recenss dans le parc priv sont des tudiants ou des clibataires faibles revenus qui prfrent habiter des studios et ''chambres de bonne'' dans des centres urbains plutt que des logements en quartier HLM. Cela n'explique pas pourquoi plus d'un tiers des occupants du parc "social" appartiennent aux classes les plus aises de la population, alors que de toute part les mdias retentissent de plaintes de mnages modestes qui "ne trouvent pas de place" en HLM. Le rapport Doutreligne-Pelletier cite le chiffre d'1,3 millions de demandes de logement HLM non satisfaites en 200519. Il est vident qu'une diffrence de loyer, surface gale, de 80% 140% entre HLM et secteur priv constitue une incitation puissante essayer d'obtenir un logement HLM,19

Rapport au ministre de l'emploi, de la cohsion sociale et du logement, octobre 2005 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

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surtout si celui ci est de qualit proche de celle que l'on peut obtenir dans le secteur priv. Or, il existe, pour simplifier, deux grandes familles de HLM: d'une part, ceux qui sont concentrs dans les cits difficiles construites avant 1970 pour la plupart, qui ont t le lieu des meutes spectaculaires de novembre 2005, et d'autre part, ceux qui sont intgrs, voire sciemment mls des programmes du secteur priv, qui prsentent des caractristiques souvent quivalentes en terme de localisation et de qualit de construction. Inutile de prciser que l'attrait de ces deux types de programmes HLM n'est pas du tout le mme. Dans un cas, on peut supposer que l'tat de dgradation et les difficults lies la disparition de l'tat de droit dans les quartiers concerns justifient amplement la diffrence de loyer avec ceux des logements en secteur libre de mme type dans d'autres quartiers. En revanche, il est vident que les HLM ''intgrs'' dans des quartiers o a t recherche une certaine ''mixit sociale'' prsentent un rapport qualit prix sans aucune commune mesure avec ce qu'offre le secteur priv. Par consquent, obtenir ce genre de logement constitue pour l'heureux bnficiaire une chance. Pour que cette chance ne devienne pas une rente de situation indue, la loi prvoit que toute personne dpassant de 40% le plafond de ressources admissibles pour rentrer en HLM paie un surloyer rapprochant le cot de son logement de celui observ dans le secteur priv. Un tel rglement engendre invitablement son effet pervers. Si les plafonds de ressources ncessaires pour entrer en logement HLM sont gnralement infrieurs ou quivalents aux revenus mdians des mnages, il existe une frange ''intermdiaire'' de revenus comprise entre 1 et 1,4 fois le plafond de ressources rglementaire dans laquelle les mnages ne peuvent (en thorie) accder un logement HLM, et donc ne peuvent esprer retrouver un logement HLM s'ils quittent le leur, mais continuent de bnficier de l'avantage essentiel que leur confre leur loyer infrieur de moiti, voire plus, ce qu'il serait dans le secteur priv. Rapport qualit prix imbattable, et quasi impossibilit de retrouver un tel privilge ailleurs: une telle combinaison incite fortement s'incruster cote que cote dans un bon logement social. De nombreux tmoignages publis par la presse confirment l'existence de ce phnomne20. Les chiffres officiels confirment ils cette tendance conservatrice et ces tmoignages de professionnels du logement social ? Oui ! La mobilit des mnages dans le parc locatif priv est de l'ordre de 22% par an (2002), alors que la mobilit au sein du parc HLM oscille entre 10,5 et 12,5% depuis 15 ans, les chiffres les plus bas se rencontrant lors des priodes conomiquement les moins porteuses21. Selon Georges Mesmin, ce taux de mobilit tait encore plus faible Paris du fait du diffrentiel trs lev entre logement public et priv, puisqu'il a oscill entre 6 et 9% pendant les annes 80. Rien ne permet de croire que cela ait volu aujourd'hui: Jean Yves Mano, adjoint au logement la mairie de Paris, dclarait dans les colonnes du ''moniteur'' de novembre 2005 que le taux de rotation dans les HLM parisiens intra muros tait tomb ... 4%.20

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Exemple: l'express, 12 juillet 2004, les nouveaux exclus - Le phnomne n'est pas nouveau et a t abondamment dcrit par Georges Mesmin, dput de Paris, dans un ouvrage paru en 1992, Urbanisme et logement, analyse d'une crise le logement social , Amzallag-Taffin, 2003. 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

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Et encore ces chiffres ne constituent-t-ils que des moyennes. En l'absence de statistiques permettant de distinguer les bons programmes HLM des autres politiquement trop incorrect, sans doute -, et de donnes corrlant la mobilit des mnages leurs revenus, il est impossible de pousser plus avant les conclusions. Toutefois, des tmoignages recueillis lors de cette tude confirment que les locataires les plus soucieux de conserver leur logement sont d'une part ceux qui sont dans les situations financires les plus critiques, mme s'ils habitent en cit difficile, mais aussi les mnages relativement aiss qui habitent dans de bons logements sociaux intgrs dans des quartiers mixtes , qui pourraient partir dans le parc priv mais qui ne sont pas prts multiplier par deux leur effort financier pour se loger dans des conditions juste similaires. Le rsultat est qu'une part non ngligeable du parc HLM bnficie des gens qui n'en n'ont pas la ncessit, alors que les demandes en souffrance voient leur dure de satisfaction s'allonger. La gestion de la file d'attente : confrontation entre des intrts particuliers au dtriment de la mission sociale des organismes HLM. Selon que l'on considre les revenus ncessaires pour pouvoir entrer dans un logement aid, ou le revenu plafond maximal pour pouvoir s'y maintenir sans pnalit financire, ce sont entre 6 et 9 millions de mnages22 non propritaires de leur rsidence principale qui ont vocation pouvoir occuper un logement HLM, alors qu'il y a 4,3 millions de logements disponibles. Lorsqu'un tel phnomne se produit sur un march libre, les prix des biens en pnurie tendent monter, ce qui incite de nouveaux entrants fournir le service demand sur le march, et rquilibrer les prix tout en effaant la pnurie. Mais les loyers des HLM ne peuvent monter, car ils sont rglements. En consquence, le prix artificiellement bas de l'offre ne peut que gnrer une demande excdentaire, d'o maintien de la pnurie. Dans ces conditions, comment cette file d'attente peut-elle tre gre par les commissions d'attribution d'HLM, et quels effets pervers sont observs ? Il convient ici d'tudier plus prcisment les comportements des diffrentes parties prenantes. En thorie, seuls les mnages les plus modestes devraient occuper des logements aids. Toutefois, nous avons vu que lorsqu'un mnage modeste entrait dans un HLM puis voyait son revenu augmenter, il continuait cote que cote occuper son logement si celui ci tait correctement situ. Les mnages demandeurs ont donc intrt utiliser tous les moyens en leur possession pour placer leur dossier en tte de pile , tant en minorant leur revenu imposable dclar qu'en utilisant leurs connaissances au sein des commissions d'attribution pour esprer dcrocher le ssame d'un logement bonifi. Voici un petit exemple concret de manipulation opre par une personne sachant ne pas appartenir la cible normale des organismes HLM: cette personne touchait environ un tiers de sa rmunration sous forme de primes verses au titre de l'anne prcdente.22

Calculs de l'auteur partir des informations publies par l'INSEE sur son site. 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

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Cette personne ayant le choix de dclarer ses primes au titre de l'anne de perception ou celui de l'anne de rattachement, elle choisissait de cumuler deux annes de primes sur une seule dclaration, de faon ce que l'anne suivante, elle puisse faire tat d'un revenu dclar infrieur son revenu rel, et, de par son quotient familial, se retrouver nettement en dessous du plafond d'admission dans les logements HLM. Ainsi, cette personne pouvait en toute lgalit passer le premier obstacle qui la sparait d'un logement aid. Ce genre de manipulation pour faire correspondre les revenus des personnes aux plafonds d'admission dans les logements HLM n'est pas marginale, mais il n'existe naturellement aucune statistique permettant de quantifier le phnomne. Tricher sur ses revenus n'est qu'une des mthodes pour amliorer la prise en compte de son dossier. Obtenir lappui dun lu influent au sein des commissions d'attribution peut galement aider. Dans ses rapports annuels, la MIILOS, mission interministrielle d'inspection du logement social - qui est en quelque sorte la ''cour des comptes du logement social''pointe de faon rcurrente des ''irrgularits'' dans les procdures d'attribution des logements dans environ 1/3 des organismes qu'elle contrle. Ces procdures sont en principe collgiales entre lus d'horizon divers, organismes HLM et services prfectoraux, la collgialit tant cense limiter les possibilits de dtourner les rgles. Mais les contrles de la MIILOS montrent que cet objectif n'est pas toujours atteint. Naturellement, toutes ces irrgularits ne prsument pas systmatiquement d'un manquement dontologique. Elles rsultent parfois de simples erreurs humaines. Toutefois, la rvlation rgulire de scandales entourant l'attribution de logements publics montre que ces pratiques, pour n'tre pas majoritaires, n'en sont pas moins assez courantes. La sociologue Sylvie Tissot, membre du Groupement dtude et de lutte contre les discriminations a rendu en mai 2001 un rapport sur les discriminations l'entre dans le logement social23. Dans une interview l'Humanit, journal peu suspect d'antipathie l'gard de la politique du logement social, elle dclarait24: Le processus dattribution du logement social est complexe et opaque. Il est gr par le maire, loffice HLM et le prfet, avec au final, lexclusion de ceux qui devraient tre les premiers bnficiaires de ces logements. Au sein des communes, il y a une " prfrence locale ", pour des raisons dimages et de clientlisme. Ct offices dHLM, au nom de la rentabilit, on fait la chasse aux mauvais payeurs. Quant aux prfets, ils ont peu peu intgr les critres des deux autres acteurs. Do cette slection lentre. Il convient de revenir sur chacun des points voqus par ce court paragraphe. Les Organismes HLM ont intrt accepter un pourcentage lev de bons dossiers

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www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/014000437/ L'humanit, 28 mai 2001 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

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Nous avons vu que la ressource d'exploitation des organismes HLM tait compose 98% des loyers encaisss. Les subventions qu'ils touchent ne concernent que l'investissement. Par consquent, les offices HLM ont une obligation de faire la chasse aux mauvais payeurs, comme le dit Mme Tissot. Mais mieux vaut prvenir que gurir. Les organismes HLM, mme lorsqu'ils tentent avec honntet de faire face leur mission sociale, savent qu'ils doivent maintenir parmi leurs locataires un pourcentage lev de bons payeurs et sont donc obligs d'tablir un profilage plus ou moins formel des dossiers qui leur parviennent. Ainsi, des dossiers prsentant un bon potentiel de stabilit financire, voire de progression dans l'chelle des revenus, pourront tre accepts mme si des dossiers de personnes moins favorises s'accumulent dans la liste des demandes en souffrance. Et pour que ces locataires indispensables la sant financire des organismes HLM soient incits rester dans les logements que les offices leurs proposent, il vaut mieux leur attribuer un bon HLM, construit dans le cadre d'une opration bien intgre un quartier existant. Ces choix sont renforcs par la ncessit, pour les aspirants locataires, de trouver des moyens de faire grimper leur dossier vers le sommet de la pile des demandes, et par l mme, de se faire favorablement connatre auprs des lus qui sigent dans les instances dirigeantes ou les commissions d'attribution des HLM. Et selon vous, qui est mieux plac pour jouer ce jeu : les immigrs pauvres, ou bien les populations locales disposant d'un niveau d'ducation correct, si possible bien connectes au monde politique par le biais d'activits associatives ? Pire mme, pour anticiper sur d'ventuels prjugs de type ethnique prts par dfaut aux populations locales, certains offices vont faire en sorte de limiter l'accs ces bons logements des familles issues de l'immigration, afin d'viter que le voisinage ne soit source d'insatisfaction pour les locataires stables. Ces pratiques , qui taient largement subodores, ont t confirmes par les rvlations rcentes sur le Profilage ethnique des demandeurs d'HLM opres par l'OPAC de Saint-Etienne et rvles par un contrle de la MIILOS25. Mme si ce profilage n'est pas ncessairement aussi marqu dans tous les organismes, le rapport Tissot confirme l'existence de cette pratique, ne la mettant pas sur le compte d'un racisme dlibr, marginal, mais sur la sociologie propre au fonctionnement interne du mouvement HLM: Loin de se rduire aux seules discriminations intentionnelles, sans doute marginales ou limites quelques organismes ou mairies et certains sites, les traitements ingalitaires sont principalement le fruit dun systme local auquel participe une multitude dinstitutions installes dans des routines gestionnaires et pas toujours conscientes des effets produits par la culture de la norme implicite. Qu'en termes lgants ces choses l sont dites... Le rapport va plus loin en affirmant clairement que les populations immigres sont devenues des populations risque pour les organismes HLM: A ct dautres groupes (familles monoparentales, Rmistes, travailleurs25

Le nouvel observateur, 22 fvrier 2006, SOS Racisme se base sur un rapport de la Mission interministrielle d'inspection du logement social (MIILOS) tabli en 2005, reprochant l'OPAC de Saint-Etienne d'utiliser une "grille de peuplement" pour chaque immeuble 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

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prcaires...), limage de limmigr des annes 70, bon locataire car bon travailleur payant rgulirement son loyer, sest mue en une catgorie redoute car synonyme de dvalorisation du parc immobilier et de fuite des bons candidats. Ces reprsentations ont fini par guider les pratiques des agents qui distinguent entre les bons et les mauvais groupes au mpris des critres formels dattribution des logements. Le rsultat concret de ces incitations la sgrgation est une accumulation de populations immigres plus largement touches par le chmage que les autres dans les cits HLM concentrationnaires des annes 50 et 60, accumulation dont les consquences sociologiquement dsastreuses, que nous ne dtaillerons pas, sont apparues clairement lors des meutes de novembre 2005. En contrepartie, une classe de locataires ultra-privilgis se dveloppe dans les quartiers o les programmes HLM ont t mls au parc priv. Pour justifier cet tat de fait dont le caractre de justice sociale chappera tout observateur de bon sens, le concept de mixit sociale des quartiers a t invent. Ce concept technocratique est une justification commode pour la fourniture d'une rente de situation des catgories sociales lectoralement recherches par les lus, et indispensables l'quilibre financier des organismes HLM. Le surloyer, un mcanisme en pratique peu oprant En thorie, l'application d'un surloyer est cense contraindre les mnages trop riches quitter leur logement HLM de luxe . Or, la MIILOS, encore elle, constate que dans certains offices, l'application de ces surloyers ne va pas de soi, et doit souvent tre arrache l'issue de contrles. De surcrot, lorsqu'un office HLM lance une enqute auprs de ses locataires pour connatre leurs ressources, il n'est pas rare que ceux qui savent que leur revenu se situe au dessus des 140% fatidiques du plafond de ressources fassent les morts pour payer le surloyer forfaitaire de... 18%, lorsque la diffrence entre leur loyer social et un loyer priv excde 80, voire 140%... Roger Quilliot, prsident de l'union nationale des fdrations d'HLM de 1985 1991, ancien ministre du logement du gouvernement Mauroy, avait, la fin des annes 80, choqu l'opinion en dclarant au journal tlvis que les offices HLM freinaient sciemment l'application des surloyers pour conserver les locataires, et qu'un durcissement des lois en ce domaine condamnerait les organismes de logement social faire un appel massif des subventions d'exploitation payes par le contribuable, ce qui est inenvisageable au vu de l'tat des finances publiques, ou, pire encore, les mnerait la faillite. Cette dernire hypothse est insupportable aux yeux de la classe politique franaise. Les locataires aiss du parc social suprieur peuvent dormir tranquilles. Logement social et clientlisme Face une telle avalanche de critiques, parfaitement connues de tous les dcideursPage 22 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

politiques, on pourrait imaginer qu'une partie importante du personnel politique franais milite pour une refonte complte des modalits de l'aide au logement des plus dmunis. Or, force est de constater qu' part quelques personnalits atypiques comme Georges Mesmin, ou comme Raymond Barre, dont un rapport de 1975 fut l'origine de la cration de l'APL, personne n'ose remettre en cause le modle HLM comme outil essentiel de la politique du logement en France. Au contraire, droite et gauche convergent sur ce sujet, en annonant rgulirement une relance des programmes de construction sociale26, mme s'il savent cette relance irraliste - 40.000 euros d'aides par logement. La droite ne remet pas en cause l'obligation cre par la loi SRU, labore par un ministre du logement communiste, Jean Claude Gayssot, de possder 20% de logements sociaux sur le territoires des grandes agglomrations. 20% de pauvres par dcret, tel semble tre l'horizon de notre classe politique unanime. Quelle ambition ! Pour comprendre cet attachement au logement social, il faut hlas en arriver faire le procs d'intention de certaines lites politiques l'aide des thories du choix public labores et popularises par James Buchanan, prix Nobel d'conomie 1986. Celui ci a montr que lorsqu'une entit publique tait suppose travailler pour l'intrt gnral, celui ci tant dfini de faon arbitraire, alors cette entit tendait ne s'atteler sa mission qu'aprs s'tre assure pour elle mme de confortables avantages, et que les groupes de pression gravitant autour de cette entit avaient un intrt conomique fort dtourner la notion d'intrt gnral leur profit, pour bnficier des largesses dispenses par l'organisme public en question. Dans le domaine du logement social, les dvoiements de l'action publique ont t monnaie courante. Des OPAC bien opaques ? En commenant par quelques peccadilles, signalons que la MIILOS pingle dans son rapport 2001, toujours dans un langage technocratique chti, des ''comptabilits lacunaires'' dans environ 1/3 des organismes contrls, des avantages extra lgaux accords aux dirigeants sous forme de note de frais injustifies, d'avantages en nature non prvus par les textes, de voyages d'tude dont le caractre studieux n'apparat gure vident, de cumuls de rmunrations non rglementaires, etc... Les chiffres officiels montrent que les frais de gestion des offices HLM reprsentent 19% des loyers encaisss, l ou une agence prive de gestion locative srieuse demandera 5 6% un bailleur priv pour le dcharger de tout souci de gestion, assurance pour loyers impays comprise. Certes, les loyers du priv tant environ 2 fois plus levs, l'cart de performance ne se situe qu'entre 7 et 9%. Mais tous ces chiffres en disent long sur la qualit plus que mdiocre de la gestion -publique- des organismes HLM. Naturellement, ces frais de gestion n'incluent pas les cots des bureaucraties nationales (ministres, ANRU, etc...) et locales charges de co-piloter les organismes de logement26

Le plan prsent par le ministre des affaires sociales Jean Louis Borloo fin 2005 annonce 100 000 logements sociaux annuels dans les 5 annes venir, contre 35 40 000 les annes prcdentes. 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

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social. Tout ceci n'est que petite bire ct des affaires de corruption qui ont maill la presse scandales depuis 1985. L'affaire des logements du domaine priv de la ville de Paris, attribus par l'ancienne municipalit (1976-2001) des amis proches (pratique semble-t-il perptue par la majorit municipale de gauche issue du scrutin de 2001 malgr ses prtentions thiques27), qui aurait d coter sa carrire politique Alain Jupp, fait figure d'anecdote ct de l'affaire des marchs publics de construction (qui concernait entre autres les marchs de construction d'HLM, mais pas uniquement) en Ile de France, rvle dans les annes 90 et mise en jugement fin 2006: l'enqute a rvl qu'un pacte de rpartition des pots de vin pays par les entreprises attributaires permettait d'arroser toutes les formations politiques, du RPR au PCF en passant par l'UDF et le PS. Les dbats du procs Schuller28, ancien directeur de l'office HLM des Hauts de Seine, conseiller gnral de ce dpartement, sont vocateurs des dtournement de bien public oprs par certains politiciens peu scrupuleux. Selon les rquisitions du procureur, l'audience a montr que M. Schuller se servait de l'office HLM, sur lequel il disposait des pleins pouvoirs , non seulement pour financer un train de vie tout fait fastueux, une campagne lectorale coteuse en vue de s'emparer de la mairie de Clichy, mais aussi pour promettre logements et emplois des lecteurs et relais d'opinion intressants. Naturellement, il est hors de question de prtendre que ces pratiques sont gnrales, mais rgulirement la presse se fait l'cho d'irrgularits, voire de pratiques douteuses, dans le milieu HLM. Ainsi, entre autres exemples, l'Humanit du 10 octobre 2003 expose certaines pratiques discutables l'OPAM de Nice. Le Cri du Contribuable de septembre 2005 voque dans un entrefilet des turpitudes survenues l'OPAC de Lyon... Et ce ne sont l que quelques exemples qu'une simple recherche sur internet permet de trouver rapidement. Cette rptition ad nauseam d'affaires troubles autour du mouvement HLM montrent que l'argent du logement social, dfaut de bnficier en majorit ceux qui en auraient le plus besoin, n'est pas perdu pour tout le monde. L'impact politique des HLM : des banlieues rouges la loi SRU Si les HLM sont aussi populaires auprs d'une partie de la classe politique, ce n'est pas uniquement parce qu'ils reprsentent pour les moins honntes d'entre eux un espoir de gain facile. C'est aussi parce que, comme l'affaire Schuller l'a montr, ils constituent un moyen d'achat de votes susceptibles de faire basculer une lection. Revenons un instant la thorie du choix public de Buchanan. Sachant qu'une lection se gagne gnralement la marge grce aux voix d'un lectorat indcis que l'on dsigne comme flottant , Buchanan a montr que, pour se faire lire, les politiciens ont intrt mettre en place des mesures dont les cots sont rpartis sur le plus grand nombre (financement public sur budget national) et les bnfices rpartis sur une27 28

Valeurs actuelles, 15 juillet 2005 Relats par libration dans son dition du 16 juillet 2005 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

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frange troite de l'lectorat dont la sduction sera primordiale en vue du prochain scrutin. Lors de la mise en place, la fin des annes 50 puis 60, des grands programmes concentrationnaires de logements sociaux, dans les banlieues de Paris, la gauche ne s'opposa nullement cette action, mme lorsque Charles De Gaulle en fut le promoteur, sauf pour en critiquer l'insuffisance dans le cadre du jeu de rles que droite et gauche affectionnent depuis si longtemps. Il faut dire que cette politique a permis la gauche, et notamment au PCF, de s'assurer des majorits confortables d'lecteurs dans la fameuse ceinture rouge (Bobigny, Crteil, Aulnay, Trappes, Montreuil, entre autres...) , alors que la droite pouvait prserver la tranquillit de ses lecteurs de la bourgeoisie moyenne et haute, et par l mme ses fiefs lectoraux, en concentrant les classes ouvrires et moyennes infrieures hors de ses bastions. Aujourd'hui encore, alors que son influence lectorale gnrale sur le territoire est devenue ngligeable, le PCF russit conserver une vingtaine de dputs, presque tous lus dans des banlieues dites difficiles, car ses rares lecteurs y sont fortement concentrs. Toutefois, le raisonnement qui donnait automatiquement aux communes de gauche les voix des classes modestes des banlieues sont en train de faire long feu. La participation plus faible la vie politique, l'exaspration vis vis des questions d'inscurit poussent une part croissante des lecteurs de ces partis vers les extrmes. La gauche dite de gouvernement doit imprativement trouver des stratgies de rechange pour enrayer un dclin que les changements structurels de la socit rendraient autrement inluctable. Voil pourquoi M. Jean Claude Gayssot, ministre communiste d'un gouvernement majorit socialiste, a fait voter en dcembre 2000 une loi dite loi SRU (solidarit et renouvellement urbain), qui impose aux communes de plus de 3500 habitants dans des agglomrations de plus de 50000 habitants la prsence de 20% de logements sociaux dans leur parc locatif. Ce seuil de 20%, totalement arbitraire, procde d'une logique purement dmagogique. Tout d'abord, reconnatre implicitement que dans un pays comme la France, 20% des foyers devraient avoir besoin d'une aide pour se loger est tmoigner d'une confiance bien faible de ce pays crer par lui mme les richesses dont ses habitants ont besoin. Mais surtout, il est rvlateur de l'incurie conomique de certains dcideurs. Tout d'abord, les services de proximit qui s'installent dans les communes trs bourgeoises s'adaptent leur clientle: importer de force des populations pauvres dans ces communes ne permettra pas ces dernires d'accder facilement des services adapts leur budget, au moins dans un premier temps. Ajoutons que les communes pauvres en logement sociaux sont souvent des communes o le foncier est cher soit parce qu'il est rare, soit parce que la commune a su, au cours des temps, se spcialiser dans l'accueil de familles aises. Imposer ces communes 20% de logements sociaux revient augmenter considrablement la subvention permettant de financer ces logements afin que leur loyer puisse rester sous les plafonds lgaux imposs aux HLM. Voil qui ne peut qu'accrotre la charge pesant sur le contribuable.Page 25 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

De surcrot, ces programmes publics, en augmentant la demande foncire sur des communes onreuses, renchrissent encore le cot d'habitation pour les classes moyennes dont nous avons vu qu'elles pouvaient de moins en moins accder soit au logement social, soit au parc priv. La loi SRU, en prtendant se focaliser sur les 20% de familles les plus modestes, agit de fait comme un instrument d'exclusion des classes moyennes-basses des quartiers de standing moyen et suprieur. Il n'est pas certain que cette consquence prvisible de la loi SRU afflige outre mesure la gauche. En effet, il est vraisemblable que cette dernire espre que dans les territoires o les scores politiques sont serrs, un afflux supplmentaire de familles modestes et assistes permettra de faire basculer gauche ou de raffermir des majorits de gauche au sein des communes concernes. Qu'une partie de la droite politique franaise soutienne la loi SRU aujourd'hui paratra plus surprenant au premier abord, mais se comprendra aisment si lon songe au calcul expos par Buchanan: certains politiciens esprent ainsi faire financer par des contribuables dilus un cadeau dont ils pourront se prvaloir auprs d'une frange fluctuante de leur lectorat. A ce stade, nous pouvons affirmer que si l'cosystme du logement social n'assure pas correctement sa mission sociale, c'est parce qu'aucune des parties prenantes de cet cosystme n'y a intrt l'exception des familles pauvres, qui comptent peu lectoralement, puisqu'elles tendent dserter les urnes, voire n'y ont pas accs en raison de leur nationalit. Autres effets pervers de la politique du logement social Tous ces arguments justifieraient eux seuls une condamnation sans rserve du systme franais de prise en compte du logement des moins aiss par le secteur public. Mais nous n'en avons pas fini avec l'nonc des effets pervers de ces politiques. Les dfenseurs du logement social mettent les checs ci dessus noncs sur le compte de l'insuffisance rcente des programmes neufs. Si le logement social ne marche pas, c'est parce que nous n'en faisons pas assez . Il suffirait d'augmenter le parc social pour rsorber les files d'attente, de renforcer les contrles de l'tat pour viter certains abus, et le tour serait jou. Vain espoir. Tant qu'une offre infrieure au prix de march existera, la demande potentielle lui sera suprieure, ce qui engendrera des files d'attente, dont nous avons dtaill les consquences nfastes. Le seul moyen collectiviste de supprimer la distorsion de prix avec l'offre prive serait videmment... de supprimer l'offre prive, c'est dire de socialiser intgralement l'offre de logement en France: nous osons esprer qu'aucun homme politique n'y pense srieusement. Un tel systme, pratiqu par tous les pays de l'ex-pacte de Varsovie, a conduit non seulement une pnurie constante de logements contraignant plus de 15% des familles partager un logement avec d'autres, sans compter que les passe-droits et bakchichs en vue d'obtenir les meilleurs logements (ceux lgus par l'poque des Tsars, en gnral...) taient lgion. Mme une cit HLM des plus dcrpites de la banlieue de Paris aurait paru luxueuse compare aux grandes barres d'immeubles dcatis qui entourent toutes les agglomrations de l'ex URSS. En effet, les logements et les parties communes,Page 26 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

appartenant l'tat, en fait personne, n'taient absolument pas entretenus, quand ils ne faisaient pas l'objet de dgradations volontaires, symptmes du rejet du systme par ses assujettis. Le mme mal touche, un degr moindre, le parc HLM sensible en France, o l'entretien des parties communes, et souvent des logements, fait honte une nation civilise. Vitres et boites aux lettres casses, odeurs d'urine et de crasse, caves ventres, ascenseurs dangereux... La liste des dgradations du parc social dont la presse se fait rgulirement cho depuis plus de 20 ans est impressionnante, sans que rien ne semble voluer dans le bon sens. Ajoutons que les cits o les logements sociaux furent concentrs dans les annes 50 et 60 n'ont jamais rellement pu recevoir les quipements publics dont elles auraient eu besoin pour occuper cette population, puisque les budgets pour ces quipements taient insuffisants. Prenons l'exemple de Vaulx en Velin: 40.000 habitants dont plus de 60% en logement social, une proportion de jeunes trs suprieure la moyenne nationale, et, jusqu' une poque rcente (fin des annes 90), AUCUN lyce d'enseignement gnral, AUCUNE piscine publique, mais une cole d'ingnieurs, tout de mme ! Qui a parl d'adquation aux besoins ? Mais les partisans d'une extension de la politique du logement social ont d'autres arguments exposer. Par exemple, il est souvent affirm que la construction de logement sociaux serait conomique et amliorerait le nombre de logements construits ressource gale. Cette assertion est battue en brche par plusieurs rapports officiels. Ainsi, selon le rapport Figeat de 1987 (commissariat gnral au plan), les cots initiaux plus faibles des logements sociaux ont t largement compenss par les surcots lis leur entretien en raison d'une qualit de construction dficiente, et par des cots de destruction considrables pour les barres les plus vtustes. De surcrot, les marchs initiaux ont souvent t grevs d'avenants consquents (soit par mauvaise planification des chantiers, mais aussi, hlas, lorsque certains marchs ont donn lieu des contreparties occultes...) qui ont rendu leur bilan financier moins flatteur. Un frein la crativit et au dynamisme du secteur du logement Ajoutons que la construction sociale, avec ses contraintes de cots fortes et son absence d'incitation plaire de vrais acheteurs dpensant leur argent, a pouss les architectes a multiplier la mme architecture rptitive base de tours et de barres, de moins de 5 tages pour les ensembles horizontaux munis de seuls escaliers, et le plus haut possible pour les autres, car il fallait bien rentabiliser les ascenseurs . Cette tendance a t inverse la fin des annes 80, lorsqu'il a fallu mieux intgrer les programmes HLM aux quartiers rsidentiels existants. Les cots de construction se sont alors rapprochs du secteur priv. De nombreux professionnels du btiment croient de bonne foi que le financement duPage 27 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

logement social soutient leur activit. Mais c'est raisonner courte vue. Comme l'a montr fort bien Frdric Bastiat, ce que l'on voit, les HLM, ne compense pas ce que l'on ne voit pas, savoir tous les investissements privs qui auraient pu tre financs par l'argent pris au contribuable pour financer le logement social. Les USA et le Canada ont une longue tradition de construction prive bas cot qui n'existe pas en France. Depuis que la Sude a entam une dstatisation de son secteur du logement social, des entreprises prives telles que le groupe IKEA ont mis leur capacit d'innovation contribution pour crer de nouvelles formes d'habitat pour personnes modestes au rapport qualit prix imbattable29. Ces nouveaux modes de construction commencent tout juste faire leur apparition en France. Que de temps perdu ! Dans un march libre, comme celui de l'automobile, il existe une trs grande varit d'offres adaptes une large clientle. Le prix d'un produit est grosso modo fonction de ses qualits intrinsques, et de son image de marque. Pour les plus ncessiteux, le march de l'occasion permet d'accder avec quelques temps de retard aux articles qui avaient la faveur des classes moyennes quelques annes auparavant. Celles ci peuvent trs rapidement jouir un prix trs abordable d'innovations qui taient rserves aux classes aises, voire trs riches, peine dix ou vingt annes plus tt, et les cycles d'adoption des innovations dans les gammes infrieures ne fait que s'acclrer. Qui se souvient de l'poque o seules les voitures de grand luxe disposaient de l'ABS, des airbags, de l'air conditionn ? C'tait encore le cas la fin des annes 80. Et le rythme d'adoption d'innovations telles que les anti-sortie de route ESP ou le GPS a t encore plus impressionnant. Il n'y a pas de raison que le march du logement chappe cette logique, et c'est d'ailleurs ce qui se passe dans les tats amricains et les provinces canadiennes o les rglementations tatiques sont les moins contraignantes: les logements connaissent un rythme de renouvellement bien plus important que chez nous, et la crativit des architectes y est mieux stimule. Ce mode de fonctionnement du march permet aux professionnels de la construction de jouir d'un march beaucoup plus porteur, et ce de faon prenne. Nous aurons l'occasion d'y revenir. Un march du logement compartiment En France, la rglementation du march du logement social par l'tat a conduit crer un march segment artificiellement en tranches de prix variant du simple au triple pour des produits quasi identiques. Les effets de cette segmentation artificielle du march sont dvastateurs dans les grandes agglomrations. En effet, nous avons vu qu'un postulant la location pouvait voir son loyer varier du simple au double, et plus Paris, pour des logements de qualit identique. Il en rsulte, comme nous l'avons vu, que ceux qui peuvent accder un logement bonifi tentent de s'y incruster. Cette tendance produit les effets secondaires suivants:

Tout d'abord, les personnes loges en HLM correct, dont le lieu de travail s'loigne de leur rsidence, hsitent changer d'appartement. Elles savent qu'elles ont d affronter un parcours du combattant pour obtenir leur

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Le groupe IKEA a cr une filiale, Boklok, qui, aprs avoir investi les marchs scandinaves, part l'assaut de l'angleterre. www.boklok.com 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

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logement, et qu'une nouvelle recherche dans le secteur protg ne leur sera pas forcment favorable. Quant habiter le secteur priv et ses loyers doubles, elles n'y ont pas intrt. Il en rsulte un manque de flexibilit des lieux de rsidences par rapport aux lieux de travail. En corollaire, l'change de logements, rpandu dans d'autres nations tant en location qu'en proprit, est pratiquement inexistant chez nous, et les contraintes fiscales sur les transactions sur le logement n'expliquent pas tout. Le bilan environnemental et social de cette rigidit, en terme de temps de transport, de kilomtres parcourus et de carburants consomms, et de rduction des temps familiaux, est difficile chiffrer, mais il est probable que l'augmentation des temps de transport observs dans les grandes agglomrations rsulte au moins en partie de ce phnomne.

D'autre part, le maintien en place de noyaux familiaux dans un logement prvu pour trois cinq personnes lorsque les enfants ont quitt le domicile familial constitue un gaspillage d'espace subventionn par le contribuable. Dans une socit o les loyers seraient libres et le march du logement fluide, les occupants seraient incits rduire leur cot de logement en adaptant leur espace leur situation, d'o une meilleure allocation des ressources disponibles. Enfin, en sparant les clientles du march libre et du march social, et en retirant du march priv une part intressante de la clientle de classe moyenne, le secteur social pousse les acteurs privs privilgier les oprations en faveur des classes suprieures. Or les offres sociales ne sont pas ouvertes aux classes moyennes et l'envol des prix du secteur libre leur en barre l'accs. Il y a donc progressivement un appauvrissement de l'offre disponible pour les classes moyennes et cette offre tend voir ses prix rejoindre ceux de la gamme haute du secteur libre ! Et voil pourquoi non seulement les classes moyennes ne peuvent plus se loger Neuilly, mais trouvent difficilement logement leur mesure Montreuil ou dans les arrondissements nagure populaires de l'est de la capitale.

Ce dernier point mrite d'tre approfondi. Naturellement, il serait stupide d'expliquer par ce seul effet de sparation des marchs la flambe rcente des prix du secteur libre, ce qui fera l'objet des chapitres suivants: les restrictions la libert contractuelle des bailleurs et la rarfaction du foncier constructible y contribuent certainement davantage. Mais en crmant la clientle par le bas et en rduisant la concurrence sur une partie du parc locatif au lieu de l'augmenter sur sa totalit, la sgrgation entre les deux marchs contribue augmenter les prix de l'ensemble du secteur libre au dtriment de l'offre intermdiaire. Le logement social intermdiaire Afin de combler le vide entre l'offre sociale et l'offre prive rendue de plus en plus onreuse, le lgislateur a prvu qu'un certain nombres d'oprations sociales portent sur des logements loyer intermdiaire , accessibles aux classes moyennes. Afin d'attirer de bons dossiers, ces logements, moins aids que les logements sociaux l'investissement, sont gnralement bien construits et situs dans des quartiersPage 29 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

agrables. Inutile de s'tendre sur ce chapitre: l'offre concerne est reste ngligeable et reproduit les mmes problmes, une chelle diffrente, que celle des HLM sociaux: prix artificiellement bas, entranant une demande suprieure l'offre, une gestion arbitraire des files d'attente, et au final des locataires vie dans des logements constituant une rente de situation. Le cot conomique des HLM Nous avons dj voqu le cot annuel direct de la construction HLM, soit 1,7 Mds aux producteurs, ainsi que l'APL (6Mds) qui constitue une aide dguise aux organismes HLM, puisque affecte uniquement aux locataires du parc social. Une partie non ngligeable de ces aides est constitue de prts bonifis. Ces prts sont financs par un capital qui est fourni par des fonds d'pargne rglements, dont le livret A est le plus connu. L'ensemble de l'pargne destine au logement social reprsentait 199 Mds en 2001, rpartis comme suit30: Livret A Livret d'Epargne Populaire Epargne Logement (CEL, ...) Livret Bleu Codevi Divers TOTAL 199Encours centralis des fonds d'pargne, En Milliards d'euros

108,7 42,2 25,2 13,8 7,00 2,1

Naturellement, l'ensemble de cette pargne n'est pas investie en prts au logement social. En effet, prter des organismes HLM de l'argent sur 40 ou 50 ans des taux trs bas n'est pas sans risque, et une partie non ngligeable de l'pargne collecte sert couvrir ce risque. Sur une anne donne, la capacit de financement brute dcoulant de ces disponibilits en capital, est la somme du solde de la collecte de l'pargne de ces diffrents instruments et des remboursements en principal des emprunts passs. En 2001, cette somme a reprsent 19 Mds. L'tat opre sur cette ressource un prlvement annuel de 3Mds, et les organismes collecteurs (caisse d'pargne, banques...) 3,2Mds. La capacit de financement nette de l'pargne collecte tait donc de 13Mds en 2001, mais du fait des obligations de couverture lis la nature des prts consentis, les prts bonifis au logement social n'ont constitu que 4,3Mds, le reste tant constitu d' autres crdits et d'actifs

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le logement social , Amzallag-Taffin, 2003 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

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financiers31. Le dispositif cens financer le logement social ne permet donc de consacrer cette mission qu' environ un quart des capitaux disponibles. Certes, les autres placements oprs par la caisse des dpts ne sont pas perdus pour l'conomie. Mais l'inefficacit du systme en considration de sa mission initiale reste confondante. Prs de 200 milliards d'euros de capital sont consacrs au financement d'un dispositif dont les failles (faillites ? ) sont innombrables et avec une efficacit financire dplorable. Les pargnants acceptent de confier leurs fonds ces pargnes du fait de la scurit du rendement ( taux trs faible) qui leur est garanti, et de la dfiscalisation des intrts concerns. Sachant que seul environ un quart de cette pargne sera effectivement consacr au financement du logement social, que le reste est plac de faon plus rmunratrice pour les organismes collecteurs sans que les pargnants ne voient la couleur de ces rmunrations supplmentaires, et sachant quelles commissions se versent les organismes de collecte, ainsi qu'un tat toujours plus gourmand de recettes de poche , on peut se demander si le dispositif de collecte de l'pargne populaire pour le logement social n'a pas t dtourn en grande partie de sa mission initiale au profit d'intrts autres que ceux des pargnants ou des familles loger. Si ces fonds rglements n'existaient pas, nul doute qu'une partie de cette pargne s'orienterait vers des placements plus rmunrateurs et destins des agents conomiques plus efficaces. Dans la panoplie du financement du logement social figure galement le 1% logement , en fait 0,95% prlevs sur la masse salariale des entreprises de plus de 10 salaris au profits d'organismes collecteurs agrs, qui les rinvestissent en prts aids divers, soit vers des bailleurs sociaux, soit vers des individus, en contrepartie de la rservation de logements sociaux aux salaris. Le systme est d'une grande complexit et fait surtout la part belle aux bureaucraties (FNAL, UESL, etc...) qui margent cette collecte. Les entreprises assujetties reprsentent 11 millions de salaris, pour environ 531.000 bnficiaires en 2001: bel exemple d'application des thories du choix public ! Le montant total de la collecte s'tablit environ 3,3 Mds32, dont 1,6 redistribus en aides directes, et la diffrence verse divers organismes comme l'ANRU (agence nationale de rnovation urbaine) charge de mettre en oeuvre la politique de rnovation urbaine. 3,3 Mds peuvent sembler bien modestes en regard des presque 300Mds de charges sociales prleves aux entreprises, mais ce prlvement n'ajoute rien la comptitivit du territoire national. Les HLM, capital mort de la socit Franaise ? L'conomiste pruvien Hernando de Soto a constat que l'une des grandes difficults des pays du tiers monde provenait d'un systme dficient de dfinition et de garantie de la proprit, qui interdisait de facto de transformer les actifs rels de ces pays, et notamment immobiliers, en actifs comptables, changeables bon prix, transformables31 32

le logement social , Amzallag-Taffin, op.cit. Calculs de l'auteur, les diffrents sites des organismes bnficiaire dlivrant une information parcellaire. 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

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en parts sociales de capital, ou hypothcables. Selon De Soto, ce capital mort , s'il pouvait tre rveill par une intgration dans un systme de reprsentation de la proprit efficace (par la possession de titres de proprit garantis), fournirait ces pays des ressources 1000 fois suprieures toutes les aides humanitaires qu'il serait possible de leur adresser33. Il est permis de se demander si les 4,3 millions de logements HLM locatifs ne constituent pas, d'une certaine faon, une forme de capital mort en France. Leurs propritaires actuels sont des structures dispendieuses dont l'existence mobilise un excs de capital sous employ et des structures plthoriques. Elles ne peuvent mettre en garantie ces logements pour investir dans d'autres secteurs de l'conomie, car ce n'est pas leur mtier. Une estimation trs conservatrice de 70 000 euros par logement (rsultant de la moyenne entre les logements des cits mal cotes et ceux des quartiers chics) conduit valuer 300 Mds le capital ainsi rendu improductif. Imaginons que ce capital soit transfr aux occupants actuels des logements: ceux ci pourront soit en amliorer la valeur en y effectuant des rnovations, soit le revendre pour constituer l'apport personnel d'une nouvelle acquisition, soit l'apporter en garantie d'autres investissements financs par l'emprunt. Dans tous les cas, l'impact macroconomique d'un tel transfert serait trs positif. Aides la pierre vs. aides l'individu. De tout ce qui prcde, il apparat que le dispositif d'aide la pierre, directe ou dguise via l'APL, constitue un gaspillage de ressources. Ce gaspillage provient entre autres du fait que l'aide est encapsule dans un objet, le logement, qui bnficie son occupant quelle que soit l'volution de ses revenus, et incite l'heureux locataire ne pas quitter un logement aid car l'aide ne suivra pas ncessairement l'occupant. L'aide la pierre est donc un obstacle majeur la fluidit du march du logement, fluidit qui permettrait une meilleure adaptation de l'offre l'volution des bassins d'emploi et de vie. L'aide la pierre est souvent oppose l'aide personnelle: cette dernire consiste apporter aux mnages faible revenus un complment permettant de louer un logement dcent adapt la taille de leur famille, en maintenant un taux d'effort rel acceptable par rapport leur niveau de revenu. Les avantages de l'aide l'individu sur l'aide la pierre sont nombreux:

L'aide l'individu n'est pas un obstacle la fluidit du march. En suivant la personne plutt que le logement, l'aide permet aux mnages d'envisager beaucoup plus sereinement une mobilit professionnelle, une recherche d'emploi aprs un licenciement, ou l'accroissement du nombre d'enfants. L'aide l'individu est accorde aux familles qui en ont besoin sur des seuls critres de revenu. Pas de possibilit pour une commission de notables de pistonner telle ou telle personne sur des critres dontologiquement

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Hernando de Soto, le mystre du capital , vf: flammarion, 2005. 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

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discutables.

L'aide l'individu peut tre dgressive en fonction des autres revenus, ce qui implique qu'elle n'est servie qu' ceux qui en ont besoin et dans la mesure ou ils en ont besoin, et sans crer d'effet de seuil. Une aide l'individu fonde uniquement sur des critres financiers n'oblige pas ses bnficiaires s'enfermer dans les cits ghettos qui dfraient la chronique. Certes, il ne faut pas tre naf, les familles pauvres ne s'installeraient pas en masse dans le XVIme arrondissement grce l'aide personnelle, mais l'objectif de mixit sociale entre classe moyenne et classes modestes serait bien mieux rempli par un mouvement libre des demandeurs de logements sur un march libre fluide que sur un march artificiellement segment par l'tat. La gestion de l'aide l'individu base uniquement sur des critres financiers mcaniques ne requiert qu'une bureaucratie minimale. Les bnficiaires peuvent utiliser cette aide aussi bien en location qu' l'achat si cette aide est bien conue.

Il ne faut pas msestimer les inconvnients des aides l'individu:

Comme tout dispositif d'aide, une part non ngligeable d'individus y ayant droit n'en bnficieront pas car ils ne sauront effectuer les dmarches pour y parvenir. Le systme doit tre conu avec la plus grande simplicit pour viter cet cueil. L'aide l'individu tend distordre le march et augmenter les loyers des logements bas de gamme, puisque le locataire sait pouvoir utiliser son aide la personne pour rduire son taux d'effort net: il sera moins enclin ngocier fermement son loyer au dernier centime. Elle est parfois disponible avec un effet retard par rapport au moment o le besoin d'aide apparat. Mais ces retards ne reprsentent pas grand chose en comparaison du dlai d'attribution des logements sociaux...

Toutefois, il nous semble que ces inconvnients sont bien peu consquents en regard des innombrables failles du systme HLM que nous avons voques. Aussi nous attacherons nous, lorsque viendront les chapitres consacrs aux solutions, proposer des rformes tendant remplacer le systme d'aides actuel par une aide financire unique aux mnages, et remettre le parc de logements sociaux dans le secteur priv. Le secteur priv ? Face cette proposition, les dfenseurs du systme franais de logement social ne manqueront pas de se rcrier. Et la question de fuser: ''Ne sont-ce pas lesPage 33 2007 Vincent BENARD & Institut Turgot

dysfonctionnements rpts de l'offre prive de logement, notamment en locatif, qui ont oblig l'tat intervenir massivement dans le secteur du logement ?'' C'est oublier qu'en France, depuis 1914, le secteur priv du logement n'est pas libre. En fait, le logement a depuis cette poque le triste privilge d'tre le march le plus corset qui soit. Dans un secteur o les effets d'une politique peuvent continuer se faire sentir plusieurs dizaines d'annes aprs sa promulgation, il convient d'tudier quelle a t l'influence des dcisions passes, et pourquoi l'accumulation d'interventions tatiques pour encadrer le march priv a systmatiquement abouti des rsultats inverses de ceux qui taient atten