48
RAPPORT DOBSERVATIONS DEFINITIVES L’OPERATION D’AMENAGEMENT DES BERGES DE SEINE 1 ERE PHASE 2010-2013 (75) Exercices 2010 et suivants Observations définitives délibérées le 20 septembre 2016

L’OPERATION D’AMENAGEMENT DES BERGES DE … · La gestion des berges de Seine est donc réglée par des conventions de superposition ... Eu égard à l’importance du projet,

Embed Size (px)

Citation preview

RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES

L’OPERATION D’AMENAGEMENT

DES BERGES DE SEINE –

1ERE PHASE 2010-2013 (75)

Exercices 2010 et suivants

Observations définitives

délibérées le 20 septembre 2016

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) - Exercices 2010 et suivants- Observations définitives

S3/2160753/MC 2/39

SOMMAIRE

SOMMAIRE .......................................................................................................................................................... 2

SYNTHÈSE ........................................................................................................................................................... 3

OBSERVATIONS ................................................................................................................................................. 7

1. LA PROGRAMMATION DE L’OPÉRATION D’AMÉNAGEMENT DES BERGES............................ 8

1.1. La complexité du régime juridique de la gestion du domaine fluvial sur les zones d’aménagement ............... 8

1.2. Présentation du projet d’aménagement ............................................................................................................ 9

1.2. Des impératifs de délai ont conduit à réduire l’ampleur et les potentialités du projet .................................... 11

1.2.1. Un projet visant des objectifs très généraux accompagnés de contraintes juridiques fortes ............................. 11

1.2.2. La deuxième phase du réaménagement ..................................................................................................... 12

1.3. La phase de consultation du public a été riche ............................................................................................... 13

1.3.1. Une étude d’impact conduite en mode simplifié malgré l’absence de compétition .................................... 13

1.3.2. La commission d'enquête publique ............................................................................................................. 15

2. L’ÉXÉCUTION DU PROJET D’AMÉNAGEMENT ................................................................................ 15

2.1. Le budget affecté à l’opération....................................................................................................................... 16

2.2. Les aménagements du site .............................................................................................................................. 16

2.2.1. Le jardin flottant « Niki de Saint-Phalle », dit Archipel (7,2M€ TTC) ....................................................... 17

2.2.2. La réalisation de l’Emmarchement du quai Solférino ................................................................................. 19

2.3. Le marché d’animation des berges de Seine .................................................................................................. 21

2.3.1. La réduction du budget d’animation ........................................................................................................... 24

2.3.2. L’équilibre économique du contrat a été sensiblement modifié .................................................................. 25

2.3.3. Les expositions et les grands événements ................................................................................................... 28

2.3.4. L’amplitude de l’animation ......................................................................................................................... 28

2.3.5. L’évaluation de la programmation .............................................................................................................. 28

2.4. Les Concessions de travaux et la convention d'occupation du domaine public pour l'aménagement et

l'exploitation de la culée du pont Alexandre III .................................................................................................... 29

3. UN RÉSULTAT DEFINITIF QUI RESTE A ÉTABLIR .......................................................................... 32

3.1. Les reports de circulation automobile ............................................................................................................ 33

3.2. Accidentologie ............................................................................................................................................... 34

3.3. L’impact acoustique du réaménagement des voies ........................................................................................ 35

3.4. L’impact contrasté sur la qualité de l’air ........................................................................................................ 36

ANNEXE .............................................................................................................................................................. 39

REPORTS DE CIRCULATION........................................................................................................................ 39

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

3/39

SYNTHÈSE

Un projet de reconquête des berges de la Seine

L'aménagement des berges de Seine, (rives droite et gauche), qui a été engagé, à compter de 2010, sous le mandat du maire précédent comme l'une des « 110 initiatives pour la métropole » visait à reconquérir et à embellir le centre historique de Paris. Il s’agissait de redonner à tous les habitants de Paris et à ses visiteurs l’accès au fleuve en libérant l'espace pour les piétons et pour de nouvelles activités. La reconquête des berges du fleuve et leur transformation en lieu de promenade trouve son origine dans le plan local d’urbanisme (PLU) qui a été adopté en 2006.

Depuis l'ouverture de ces berges aux piétons, en 2013, leur fréquentation a été estimée à plus de 4 millions de visiteurs. La Ville précise que « ce site unique (...) témoigne d'un esprit « berges » qui s'est immédiatement imposé et d'une capacité à développer un espace public de grande qualité en bord de fleuve qui rassemble toutes les générations et favorise des usages diversifiés pour le plus grand nombre ».

La fréquentation de ces berges et de leurs aménagements, qui connaît donc un grand succès, ajoute désormais à l’attractivité de Paris. Mais, dès l’origine du projet, les transformations n’étaient pas identiques pour les deux rives de la Seine.

Alors que les aménagements de la rive gauche réclamaient une transformation profonde dans l’organisation de la mobilité urbaine, avec la fermeture à la circulation motorisée de la voie sur berges entre le musée d’Orsay et la Tour Eiffel, ceux de la rive droite prévoyaient l’aménagement de la voie Georges Pompidou en boulevard urbain avec des feux de circulation donnant accès à une promenade sur les bords du fleuve.

Le présent rapport de la chambre est consacré exclusivement à l’examen de la conduite des opérations de réhabilitation des berges (première phase du projet).

Après avoir pris acte de la complexité du régime juridique de la gestion des berges de la Seine à Paris, il examine la genèse du projet et traite de certaines conditions particulières de sa réalisation.

S’il est évidemment prématuré de dresser un bilan global de cette opération, la chambre attire enfin l’attention, à partir des constats dressés à l’issue de la réalisation de la première phase, sur certains enjeux liés aux réaménagements des berges.

La complexité du régime juridique des berges de la Seine

Si le domaine public fluvial qui est la propriété de l’État, s’étend aux berges, la gestion de celles-ci peut être transférée à une collectivité publique. Des conventions d’occupation ou de gestion se superposent alors à ces régimes de propriété, rendant plus complexe l’aménagement des berges.

A Paris, les berges de la Seine, au niveau des quais hauts, appartiennent au domaine public communal ; mais, au niveau des quais bas, elles relèvent, sur les deux rives, du domaine public fluvial géré par Voies navigables de France et Port autonome de Paris en fonction de leurs missions respectives. La gestion des berges de Seine est donc réglée par des conventions de superposition de gestion entre l’État et la Ville de Paris.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

4/39

Sur les quais bas, l’État a consenti à la Ville de Paris des superpositions d’affectation à un usage de voie urbaine et de promenade sur les dépendances du domaine public fluvial. C’est principalement le cas pour les conventions concernant la rive droite de 1989 (voie Georges Pompidou, sur les 1er et 4ème arrondissements), et de 1970 pour la rive gauche (voie expresse rive gauche).

Ces conventions ont été modifiées par avenants en 2012 et 2013 dans le cadre du projet d’aménagement. D’autres conventions existent entre l’État et la Ville de Paris, notamment une convention de superposition de 1997. Celle-ci couvre des parties de berges situées à la fois en rive droite et en rive gauche pour une fonction de promenade piétonne.

Environ 50 % du linéaire des berges parisiennes relèvent d’une superposition de gestion au profit de la Ville, soit pour la circulation routière, soit pour la promenade piétonne.

A Paris, la gestion des berges, situées en zone rouge du plan de prévention des risques d’inondation, relève de Ports autonome de Paris et de Voies navigables de France. Le préfet de police a, par ailleurs, sur la base d’un décret du 2 mai 2002, une compétence d'attribution sur certaines voies de la capitale dont les voies sur berges et les quais de Seine, la compétence du préfet de police s’exerçant également sur l’ensemble des voies parisiennes. Le décret du 18 décembre 2014 a, toutefois, transféré une partie de ces attributions au maire de Paris.

Conformément aux conclusions de la commission d’enquête sur le projet d’aménagement des berges et aux engagements pris par la Ville vis-à-vis de l’État, le projet d’aménagement a été accompagné d’une clause de réversibilité afin de permettre, à tous moments, de revenir à la circulation automobile sur la berge basse rive gauche en cas de congestion, lié notamment au pont de la Concorde.

La nécessité de garantir l’applicabilité de cette clause de réversibilité, dans l’intérêt de la circulation automobile, conduit au maintien du régime conventionnel de superposition d’affectations.

La genèse du projet d’aménagement des berges de la Seine

Une concertation a été engagée pour associer la population à l’élaboration du projet. Des réunions publiques, présidées par un adjoint au maire de Paris, ont associé les maires d'arrondissement, les associations et les habitants intéressés dans tous les arrondissements parisiens.

La commission d’enquête, qui avait été mise en place, a donné un avis favorable au projet, sous réserve que l’opération soit réversible comme cela a été demandé par ailleurs par le préfet de police. La commission d’enquête a, par ailleurs, formulé huit recommandations dont la plupart ont été prises en compte par la Ville dans l’aménagement ultérieur des lieux. Toutefois, la recommandation faite à la Ville qu’elle poursuive ses études sur des alternatives à la fermeture totale, calendaires ou spatiales, a été rejetée, la Ville considérant qu’elle n’était pas compatible avec les objectifs qu’elle s’était fixés.

La Ville a fait, enfin, procéder à une étude d’impact qui a fait l’objet d’un recours rejeté par le tribunal administratif. L’examen des conditions de sa réalisation a, par ailleurs, mis en lumière qu’en l’absence de concurrence, le marché a vu ses coûts augmenter sensiblement et les prestations offertes diminuer. Il en va ainsi des prestations relatives aux volets « eau et bruit » et du volume des travaux consacrés aux réunions.

Eu égard à l’importance du projet, le choix de poursuivre la procédure n’était donc forcément le plus en accord avec les intérêts de la Ville puisqu’une partie significative de l’étude voyait ainsi sa portée réduite.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

5/39

La réalisation désordonnée de l’aménagement des berges

La réalisation du projet a été compliquée.

De fortes variations de coûts entre le projet et sa réalisation.

Sur l’espace des berges tel qu’il avait été défini, le budget prévisionnel initial des opérations d’aménagement a été réduit à de 40 à 31 M€ (estimation juin 2015). Cette baisse du coût global de l’investissement s’explique en partie par l’abandon de certaines opérations. Par exemple, les travaux d'aménagement d’une péniche n’ont pas été réalisés. Cette diminution résulte aussi du format d’aménagements non pérennes, qui a été imposé par la clause de réversibilité.

A la différence des dépenses d’investissement, les coûts d’exploitation et de programmation du site ont sensiblement augmenté, entre la définition initiale du projet et sa réalisation. Ils sont ainsi passés de 2 M€ par an (avant prise en compte des demandes formulées par la population à l’issue de la concertation), puis 5 M€ par an, dans l’attente d’estimations plus précises sans inclure le règlement des dernières dépenses.

La réalisation des aménagements du site a connu de fortes perturbations

Trois types d’aménagements ont été réalisés sur le site. Certains avaient un objectif emblématique, comme l’emmarchement reliant le musée d’Orsay au bas du quai de Seine, ou encore les jardins

flottants « Niki de Saint Phalle » amarrés le long d’une des berges de la Seine, ou enfin la végétalisation des quais. D’autres correspondent à l’objectif d’animation des quais et il s’agit d’équipements et d’objets mis en place par le concessionnaire - poutres en bois appelés « mikados », agrès sportifs, piste d’athlétisme et des cabines conteneurs. Enfin, de nouveaux emplacements ont été commercialisés afin d’y développer des offres de restauration.

Plusieurs marchés de travaux ont été passés pour cette opération de réhabilitation et d’aménagement.

S’agissant du jardin flottant « Niki de Saint-Phalle », la Ville a été confrontée à une absence de compétition en matière de maîtrise d’œuvre et d’assistance à maitrise d’ouvrage.

Des insuffisances, nées notamment des lacunes de la conception, ont été relevées et les conditions de réalisation de cet aménagement ont été marquées par un déroulement désordonné qui a entraîné des surcoûts pour la Ville, ainsi que plusieurs contentieux toujours en cours.

Les opérations d’emmarchement du quai Solférino ainsi que le marché d’installation des sanitaires ont aussi connu des retards et des surcoûts, qui s’expliquent en grande partie par les inondations des quais consécutives aux crues de la Seine.

L’environnement contestable du marché d’animation des berges

La Ville a lancé un appel à candidatures en vue de désigner « une équipe pluridisciplinaire en charge de la conception et de la production déléguée de manifestations et interventions sur les berges de la Seine, à Paris ».

La forme juridique choisie pour encadrer la compétition des équipes a été celle d’un « appel à projet dans le cadre des marchés publics à procédure adaptée (MAPA) de conception et production déléguée de manifestations » pour un budget de 20 M€ sur quatre ans.

Un tel marché apparaît particulièrement atypique eu égard à la très faible définition des prestations dans le cahier des charges, à la nature des débours sous forme de dépenses contrôlées et à la convention de financement de ces prestations par un mécanisme d’abandon de recettes.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

6/39

Les insuffisances constatées dans la définition préalable des besoins s’expliquent sans doute par la décision de réduire au maximum les délais entre la fermeture des berges aux voitures et l’accès des piétons aux quais.

Les services de la Ville de Paris ont eu, en effet, de véritables difficultés pour prévoir non seulement les buts et performances assignés à ce marché, mais même les moyens, en personnel et en matériel, ainsi que les techniques de bases à utiliser.

Les caractéristiques principales du projet d’animation auraient logiquement dû donner lieu à la fixation raisonnée de critères concernant la qualité des prestations, ainsi que les coûts et les fourchettes de coûts prévisionnels. Mais en raison de l’imprécision du cahier des charges, la qualité des prestations rendues a été très difficile à évaluer.

Autre conséquence de cette insuffisance de précision quant aux prestations attendues par la Ville, la société titulaire du marché n’a pas été en mesure de remplir l’objectif d’animation des berges « vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept ».

En outre, les recettes de partenariat liées aux prestations d’animation ont été abandonnées intégralement au groupement titulaire du marché dans des conditions qui ont interdit à la Ville d’en faire un contrôle exhaustif.

Les conditions de refacturation des prestations d’animation à la Ville ont, de surcroît, manqué de rigueur. Ainsi de nombreuses dépenses ont été imputées sur le budget d’animation alors qu’elles n’avaient souvent aucun lien évident avec ce budget. Les pratiques qui ont été adoptées pour prendre en compte ces charges ont conduit à réduire les dépenses affectées à l’animation, qui étaient pourtant déjà fort contraintes.

Un bilan global de l’opération reste à établir

Même si le déroulement des opérations n’a pas été bien maîtrisé, cette première phase du réaménagement des Berges de Seine a été accueillie favorablement par le public parisien. L’objectif de reconquérir les berges du fleuve afin d’en faire un lieu de promenade a donc été atteint.

Pour autant, les résultats susceptibles d’être enregistrés en matière d’amélioration de la qualité de l’air ou concernant l’impact économique de l’opération et qui dépassent le territoire parisien, pourraient ne pas être aussi satisfaisants. En effet, la Ville a calibré la mesure de l’impact de son projet en se limitant au périmètre de l’opération alors que les incidences sont importantes sur tout le territoire parisien, voire sur celui de la métropole.

Alors que les résultats concordants des campagnes de mesure établissent que la fermeture des berges à la circulation automobile a bien eu pour effet de diminuer de 15 % le niveau de dioxyde d’azote (NO2) par rapport à 2010, les teneurs relevées ont, en revanche, nettement augmenté sur les quais et sur les principales voies qui accueillent le trafic automobile qui s’est, de fait, déplacé.

Si une étude publiée en juillet 2013 par Airparif a conclu que la diminution du trafic et de la vitesse était déterminante pour la qualité de l’air, deux autres études réalisées par le laboratoire d’hygiène de la Ville de Paris, avant et après l’opération de réaménagement, ont montré que la pollution a nettement augmenté sur les quais hauts des berges et dans la rue de Rivoli.

Sur ces axes de circulation, les teneurs mesurées en dioxyde d’azote et autres polluants sont identiques à celles relevées sur le boulevard périphérique parisien.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

7/39

OBSERVATIONS

La chambre a examiné la gestion de la première phase de l’opération d’aménagement des Berges de Seine par la Ville de Paris au cours des exercices 2010 et suivants.

L’engagement de cet examen de gestion a été porté à la connaissance de Madame la maire de Paris, le 19 juin 2015 et le 22 juin 2015 à celle de son prédécesseur.

Dans sa séance du 5 avril 2016, la chambre a formulé les observations provisoires qui ont été portées à la connaissance de la Madame la maire de Paris par lettre du 2 mai 2016.

Après examen et analyse des réponses reçues de la maire de Paris le 1er aout 2016 et de son prédécesseur qui s’est associé aux réponses produites par la Ville de Paris ainsi que des réponses de différentes autorités dont le préfet de police de Paris et le président de la Chambre de commerce de Paris Ile-de-France et autres personnes concernées, la chambre a arrêté les observations définitives ci-après développées.

Ont participé au délibéré, tenu le 20 septembre 2016 et qui a été présidé par M. Soléry président de la quatrième section de la chambre, MM. Sentenac, Adment, Véronneau et Catinaud, premiers conseillers.

Ont été entendus :

- en son rapport, M. Adment, premier conseiller ;

- en ses conclusions, le procureur financier ;

Monsieur Louis Lê, greffier adjoint, assurait la préparation de la séance de délibéré et tenait les registres et dossiers.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

8/39

1. LA PROGRAMMATION DE L’OPÉRATION D’AMÉNAGEMENT

DES BERGES

1.1. La complexité du régime juridique de la gestion du domaine fluvial sur les zones

d’aménagement

Les berges de la Seine constituent une dépendance du domaine public fluvial dont la propriété a été transférée par l’État à l’établissement public national dénommé « Port autonome de Paris » (port de Paris) gestionnaire du domaine public fluvial sur ce périmètre1 par arrêté préfectoral du 20 décembre 2010, à compter du 1er janvier 2011 en application de l’article L. 4322-16 du code des transports.

Les voies sur berges, installées rive droite et gauche, figurent dans la liste des voies annexée au décret du 2 mai 2002 pour lesquelles le préfet de police fixe, après avis du maire de Paris, les règles de circulation et de stationnement « en tenant compte des conditions de circulation dans l'agglomération parisienne et en région d'Île-de-France »2.

Le domaine public fluvial peut faire l’objet d’un transfert de gestion ou d’une superposition d’affectation au profit de la collectivité parisienne, pour un usage différent de sa vocation première.

Le régime de gestion des berges basses de la Seine, actuellement propriétés de leurs gestionnaires, à savoir Ports de Paris et, plus ponctuellement Voies navigables de France3, relève de conventions entre l’État et la Ville de Paris, instituant un mécanisme de superposition.

En l’espèce, un procès-verbal du 6 février 1970 a opéré la remise de dépendances à la Ville de Paris en rive gauche, pour la réalisation et la gestion de la voie urbaine entre le Pont Royal et le Pont de l’Alma.

Un procès-verbal du 15 novembre 1989 (modifié par avenant n° 1 en date du 9 juillet 2012), a opéré en rive droite, une superposition d’affectation des terrains nécessaires à la construction

1 A l’exclusion du Port des Champs Elysées, du port des Tuileries aval et des bâtiments abritant les services de Voies navigables de France

2 Le décret n° 2014- 1541 du 18 décembre 2014 a transféré cette compétence au maire de Paris après avis conforme du préfet de police sur les voies sur berge rive droite ainsi que les axes longeant la Seine, à l'exclusion, en rive gauche, de la promenade des berges de la Seine-André Gorz. Le Préfet dispose néanmoins de certains pouvoirs de police de la circulation et du stationnement dans les cas de figure résiduels prévus par l’article L. 2512-14 du CGCT.

3 Dans le cas de la Seine « intramuros » le transfert de « gestion » des berges de VNF à Port autonome a été

réalisé par arrêté préfectoral n° 2010 353-4 du 20 décembre 2010 avec effet au 31 décembre 2010. De la sorte Ports de Paris est devenu, en décembre 2010, l’unique interlocuteur de la Ville du point de vue de la maîtrise foncière des espaces concernés par les projets de la Ville, reprenant en cela toutes les prérogatives de VNF et/ou des services de l’Etat avec qui la Ville avait contracté les diverses conventions de superposition de gestion.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

9/39

de la voie Georges Pompidou sur la berge basse entre la place du Louvre et la rue Agrippa d’Aubigné4.

Environ 50 % du linéaire des berges parisiennes est donc en superposition de gestion au profit de la Ville, pour une affectation de circulation routière ou de promenade piétonne. Il existe d’autres conventions entre l’État et la Ville de Paris, notamment une convention de superposition de 1997, qui couvre certaines parties de berges situées à la fois en rive droite et en rive gauche pour une affectation de promenade piétonne.

Des avenants aux conventions originales5 des 9 juillet 2012 et 1er janvier 2013 ont fixé la redevance d’occupation à 360 000 € HT indexée sur la moyenne des valeurs de l'indice INSEE du coût de la construction.

Ces avenants retiennent une condition de réversibilité des lieux pour « permettre à tout moment le retour total ou partiel à la situation antérieure au cas où l'impact des nouveaux aménagements serait jugé par l'État incompatible avec la nécessité de la circulation automobile ».

1.2. Présentation du projet d’aménagement

Initiée le 6 février 1966, la voie Georges-Pompidou sur la rive droite visait à réunir plusieurs tronçons construits à des périodes différentes afin de réaliser une voie de circulation rapide continue à travers Paris. Il s’agissait à l’époque, pour le Président de la République, de désengorger les quais de Seine particulièrement encombrés.

Les travaux inscrits au VI° plan ont débuté le 1er juin 1974 pour la Voie Express sur la rive gauche entre les quais saint-Bernard et de la Tournelle et ils ont été achevés en 1992 par le prolongement de la voie Express sur le quai Henri IV.

Cependant à partir de 1995, les berges ont été fermées à la circulation par portions chaque semaine, tous les dimanches, puis les jours fériés à partir de 2001 et réservées aux cyclistes, piétons et rollers. Enfin depuis 2002, dans le cadre de l'opération Paris Plages, les berges l’étaient de fin juillet à fin août.

En avril 2010, à la suite d’une étude confiée par la Ville à l’Atelier Parisien d’Urbanisme, le Maire de Paris a présenté un projet d’aménagement des berges dans le centre de la capitale. Ce projet concernait, d’une part, la rive droite, avec la transformation en boulevard urbain de la voie Georges Pompidou et la mise en place de traversées piétonnes sécurisées par des feux sur les berges entre le square de l’hôtel de Ville et le tunnel Henri IV, et, d’autre part, la rive gauche, par la mise « en aire piétonne » de la voie urbaine du pont Royal au pont de

4 Une superposition d’affectation des parties horizontales des berges de Seine dans Paris a également été conclue le 6 juin 1997 couvrant des parties de berges situées à la fois en rive droite et en rive gauche pour une fonction de promenade piétonne. La Ville de Paris et Ports de Paris ont conclu un avenant à la convention portant superposition d’affectations pour tenir compte de la piétonisation de la berge rive gauche, le 23 avril 2013.

5 Convention du 15 novembre 1989 pour la basse berge de la Seine rive droite et convention de superposition de gestion du pont Royal au pont de l’Alma signée le 1er janvier 1970.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

10/39

l’Alma représentant 4,5 hectares pour de nouveaux usages destinés aux parisiens et aux visiteurs.

Cet objectif de reconquête des berges du fleuve, afin d’en faire un lieu de promenade, trouve sa première origine dans le plan local d’urbanisme approuvé en juin 2006. Par la suite le programme partenarial 2009 de l’APUR a approfondi le diagnostic quant à l’avenir des voies sur berges. L’étude « La Seine dans Paris 2010-2014 » de décembre 2009 a tracé des étapes possibles de la reconquête des berges de Seine, rive droite et rive gauche, à échéance de 2013.

L’opération dite de reconquête des Berges de Seine a retenu un modèle d’aménagement urbain contemporain fondé sur une analyse en termes de développement durable et d’attractivité territoriale, en abandonnant la conception fonctionnaliste des années 1950, basée sur le primat accordé à l’automobile.

Cette opération a manifestement séduit de nombreux visiteurs et rencontré ses publics, aussi bien en France qu’à l’étranger.

La maire de Paris, qui avait suivi ce projet dès l’origine en sa qualité de première adjointe, dans le précédent mandat, a souligné que cette transformation s'inscrivait dans le cadre d'un projet politique d'écologie urbaine, visant à réduire la place de la voiture individuelle et à reconquérir l'espace public dans un environnement urbain très dense.

A la suite d’une large concertation engagée au second semestre 2010 avec les institutions, le public et les associations, un scénario d'aménagement a été retenu. Ce scénario a été jugé « le plus ambitieux en termes de réponse aux grands enjeux et aux engagements de la collectivité et le plus réaliste et le plus responsable en termes d'impact sur la circulation ».

Le projet d'aménagement (annexe 1) s'étend sur les rives droite et gauche de la Seine sur un linéaire d’environ 5,6 kilomètres (2,5 kilomètres en rive gauche et 3,1 kilomètres en rive droite) et sur une superficie d’un peu plus de 33 hectares dans les 1er, 4ème, 7ème et 16ème arrondissements et très ponctuellement le 8ème arrondissement. Il concerne le fleuve et ses abords directs (berges hautes et basses) au niveau des voies suivantes :

- Quai des Tuileries — Voie Georges Pompidou (1er), entre la Place de la Concorde et la tête du pont Royal,

- Quai de l'Hôtel de Ville - Voie Georges Pompidou (4ème), entre le pont d'Arcole et le débouché du port de l'Arsenal,

- Voie Express rive gauche — Quai Branly — Quai d'Orsay Quai Anatole France (7ème) entre la passerelle Debilly (incluse) et le pont Royal, passerelle Sedar Senghor incluse,

- Avenue de New-York — Voie Georges Pompidou (16ème), entre le pont d'Iéna et le pont de l 'Alma.

Dès l’origine, les transformations à prévoir n’étaient pas identiques pour les deux rives. Les aménagements de la rive gauche impliquaient une transformation majeure dans l'organisation de la mobilité urbaine, avec la fermeture à la circulation motorisée de la voie sur berge entre le musée d’Orsay et le pont d’Iéna, tandis que pour la rive droite, la voie Georges Pompidou était aménagée en un boulevard urbain avec des feux de circulation permettant un accès à une promenade au bord du fleuve.

L’actuelle équipe municipale a sensiblement modifié le projet pour sa deuxième phase en ce qui concerne la rive droite. Elle a retenu le réaménagement total des berges de la Seine sans

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

11/39

pour autant étendre le périmètre de l’opération au-delà des quais sélectionnés (XIIIème, XVème, XIIème et XVIème arrondissements).

Alors que la deuxième phase de l’opération de reconquête des rives de la Seine s’engageait sur la rive droite au terme de son contrôle, la chambre a examiné la réalisation de la première phase sur les berges de la rive gauche.

1.2. Des impératifs de délai ont conduit à réduire l’ampleur et les potentialités du projet

Comme indiqué, l’APUR a évalué dès décembre 2009 les étapes possibles de reconquête des berges de Seine, rive droite et rive gauche. Pour de multiples raisons au nombre desquelles la volonté de rester dans le cadre d’aménagements légers et dans le calendrier serré d’une inauguration prévue lors de la fête de la musique, le choix de recourir à un concours international d’architecture a été écarté.

Ce choix a conduit à ne pas ou peu consulter un certain nombre d’organismes qui auraient pu vraisemblablement apporter des perspectives intéressantes sur ce projet. Ainsi en est-il de l'Atelier international du Grand Paris (AIGP) ou encore du Commissariat au développement de la Seine.

L’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France n’a pas non plus été associé au projet alors que, dans le même temps (2009/2012), le Conseil régional lui confiait l’élaboration d’un schéma environnemental des berges des voies navigables en Île-de-France. La Ville a indiqué que l'Atelier international du Grand Paris avait été associé dans le cadre d’un séminaire dédié au projet organisé le 27 avril 2011 et qu’aucun texte ne lui imposait de consulter l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France.

Cette consultation n’était évidemment pas obligatoire mais la Ville n’a pu bénéficier d’une perspective plus large quant à l’aménagement des berges de la Seine au-delà des seuls quais parisiens visés dans le projet et d’une approche métropolitaine en termes d’effets report sur les circulations automobiles et les mobilités.

1.2.1. Un projet visant des objectifs très généraux accompagnés de contraintes juridiques fortes

Les objectifs de cette opération, adoptés par le Conseil de Paris, visaient à :

1. rendre les berges aux piétons, faciliter les accès au fleuve et mieux relier les deux rives, mettre en œuvre une continuité des parcours piétons et cyclables le long de la Seine et améliorer la sécurité des déplacements ;

2. développer et diversifier les usages, en offrant des activités sportives, culturelles, citoyennes, économiques liées à la nature et au fleuve et en trouvant des modalités de gestion afin que le plus grand nombre puisse bénéficier des activités proposées ;

3. valoriser ce site unique, inscrit au patrimoine mondial de l’humanité, porteur de l’identité de Paris, en développant l’intégration urbaine et paysagère, en supprimant l’aspect autoroutier des berges rive gauche et rive droite et de leurs abords, en offrant un paysage nouveau réconciliant la ville et son fleuve ;

4. renforcer la continuité écologique de la Seine et de ses abords, dans le cadre des orientations définies par le projet d’aménagement et de développement durable qui prévoit la mise en valeur de la Seine et la préservation de la biodiversité.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

12/39

Ces objectifs définis dans la délibération du Conseil de Paris n° 2010 SG 155 des 5 et 6 juillet 2010 portant approbation des objectifs poursuivis pour l’aménagement des Berges de Seine, ambitieux, étaient toutefois peu définis en termes de résultats, ni assortis d’indicateurs rendant ainsi difficilement mesurable leur atteinte.

En complément de ces objectifs généraux, les contraintes suivantes devaient être prises en compte :

- le projet devait être réversible à deux titres : il fallait retenir l'installation de structures temporaires, démontables ou mobiles, et prévoir, pendant la période à risque de crue, une faculté de démontage et de transport hors d'atteinte de la crue en 24 heures6. Au regard des contraintes de circulation, la Préfecture de Police avait également demandé une période d'observation consécutive à la fermeture de la voie sur berges rive gauche à la circulation7.

- le paysage architectural « ne demandait pas à être redessiné » : le cahier des prescriptions architecturales et paysagères prévoyait que toute intervention sur le site serait soumise à l'avis des Architectes des Bâtiments de France.

1.2.2. La deuxième phase du réaménagement

La deuxième phase du projet de reconquête des berges de Seine, lancé par la maire de Paris le 5 mai 2015, est un projet distinct du point de vue des procédures, même s'il se situe dans le prolongement des aménagements décidés lors du précédent mandat.

Le périmètre opérationnel de la deuxième phase de la reconquête des berges est localisé dans les 1er et 4ème arrondissements (voie Georges Pompidou, du tunnel des Tuileries au tunnel Henri IV).

Les objectifs de ce nouveau projet et les modalités de la concertation préalable ont été adoptés par délibération du conseil de Paris à la fin mai 2015. Afin de créer une liaison piétonne et cyclable entre la place de la Bastille et la Tour Eiffel par les berges de la Seine, la fermeture à la circulation automobile de la voie Georges Pompidou est envisagée selon deux scénarii permettant le développement de nouveaux usages: soit sur un linéaire d'1,5 kilomètre entre la place du Châtelet et le pont de Sully, soit sur un linéaire de 3,3 kilomètres du tunnel des Tuileries au tunnel Henri IV (tunnels inclus).

Le premier scénario, plébiscité lors de la concertation, a été validé par le Conseil de Paris en décembre 2015. Il a visé un aménagement sobre sans bouleversement du domaine public existant, de manière à garantir là encore l’application du principe de réversibilité de la circulation en cas de nécessité et de conserver les caractéristiques patrimoniales remarquables du paysage des berges.

6 Les berges de la Seine figurent dans la zone rouge au titre du Plan de Prévention des Risques d'inondation et

se voient donc imposer un certain nombre de contraintes vis-à-vis de leur aménagement et occupation.

7 Qui impose une réversibilité de l'aménagement, sans travaux lourds de reconstitution dans l'éventualité d'un

retour à une voie ouverte à la circulation générale.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

13/39

Cette phase, en cours de réalisation, n’a pas été examinée par la chambre.

1.3. La phase de consultation du public a été riche

En application de l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme, une concertation a été engagée pour le public concerné de juillet à fin novembre 2010. Plus de 20 réunions de concertation publiques, présidées par l’un des adjoints au maire concernés, ont associé les maires d'arrondissement ou leurs représentants, les associations et les habitants intéressés par le projet dans tous les arrondissements parisiens.

La Ville a souligné que le projet d'aménagement des berges avait été enrichi des nombreux avis et idées formulés lors de cette phase de concertation. En effet, tous supports confondus (registres, forums, fiches de contribution, prises de parole en réunion), près de 2 300 contributions ont enrichi la concertation et plus de 3 200 avis ont été formulés.

Au terme de cette consultation, selon la mairie, la société qui a été mandatée pour évaluer le bilan de la concertation a mesuré l’adhésion des participants à ce projet. Elle a relevé 70,3 % d’opinions favorables (dont 58 % très favorables et 12,3 % favorables) et 29,7 % d’opinions défavorables au projet.

Toutefois, ces évaluations très favorables n’ont pas été confirmées par l’enquête publique intervenue les mois suivants.

En parallèle, chacun des acteurs institutionnels concernés a donné son avis sur la base d’un dossier adressé par courrier et de réunions d’échanges techniques. Ainsi en a-t-il été, notamment du préfet de Paris, du préfet de Police, de la région Île-de-France, des départements de la petites couronne, de l’établissement Voies navigables de France, de l’établissement Ports de Paris, du STIF, de la SNCF, de la RATP, de la chambre de Commerce et d’Industrie Paris-Île-de-France, de l’établissement public du Musée d’Orsay, de celui du Musée du Louvre et de l’agence de l’Eau Seine-Normandie.

1.3.1. Une étude d’impact conduite en mode simplifié malgré l’absence de compétition

L'opération entrant dans le champ d'application des articles L. 123-1 et suivants et R. 123-1 et suivants du code de l'environnement, l’opération d'aménagement a été précédée d'une enquête publique.

L’étude d’impact conditionnant la qualité de l’information délivrée au public, les conditions dans lesquelles elle avait été réalisée ont été examinées.

Cette étude d’impact a été confiée à une société dans des conditions qui ne paraissent pas avoir garanti au mieux les intérêts de la collectivité.

L’avis d'appel public à la concurrence ayant été lancé le 13 juillet 2010, la Ville a souligné que malgré cette période de l’année peu favorable, 31 dossiers de consultation ont été téléchargés. Toutefois un seul pli a pu être déposé à temps.

Il est certain que la période choisie n’a pas favorisé une offre suffisante de candidats et cela, d’autant plus que la date limite de réception des offres était fixée au 11 août 2010 à 16h00, soit un délai de 19 jours.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

14/39

En raison des faiblesses de l’évaluation du prix de la prestation par les services de la Ville et de la période choisie pour lancer la consultation, la collectivité s’est privée d’une offre diversifiée de propositions, pourtant justifiée par un tel dossier.

L’offre de la société candidate était d’un montant sensiblement plus élevé (+45 % soit 189 106,00 €) que l’estimation de l'administration (130 364,00 € TTC).

Réunie le 12 août 2010, les trois membres présents de la commission interne des marchés de la direction de la Voirie et des déplacements n’ont pas considéré le marché infructueux et l'offre a été considérée comme acceptable financièrement, « étant donné l'importance du projet d'aménagement des Berges de Seine : l'étude d'impact ne représenterait que 0,5 % du montant global du projet ».

Cette motivation est singulière au regard de l’enjeu de l’étude d’impact, l’intérêt de la collectivité étant de disposer de la meilleure prestation pour l’information du public.

Après poursuite de la procédure, l'offre de la société, à l'issue de la négociation a été réduite à 173 318 € TTC (+ 32 % par rapport à l’estimation), avec toutefois des prestations minorées. En effet, en contrepartie de cette réfaction, les prestations relatives aux volets « eau et bruit » ont été diminuées, ainsi que le volume des travaux consacré aux réunions.

Comme les marchés passés dans le cadre de l’article 28 du code des marchés publics peuvent faire l’objet d’une négociation, il était possible de considérer que l’offre unique n’était pas inappropriée et de poursuivre la négociation.

Ce choix n’était pourtant pas celui que préconisait la circulaire du 29 décembre 2009 relative au guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics. Elle soulignait que, dans le cadre de l’article 28, le pouvoir adjudicateur peut recourir à la négociation à condition que celle-ci ait été prévue au début de la procédure de mise en concurrence.

La réduction des prestations a conduit à diminuer une part significative de l’information produite pour l’enquête publique. Une étude d’impact de qualité ne doit pourtant pas viser seulement à remplir une obligation formelle préalable aux travaux mais à l’information complète du public.

En la matière, l'étude n’a pas approfondi les effets potentiels sur la santé du projet ni les mesures envisagées pour « supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables pour les infrastructures de transport, ni une analyse des coûts collectifs des pollutions et nuisances et des avantages induits pour la collectivité ainsi qu'une évaluation des consommations énergétiques résultant de l'exploitation du projet, notamment du fait des déplacements de trafics qu'elle entraîne ».

S’agissant des conditions de réalisation de l’étude d’impact, la Ville relève que le lancement de la consultation a suscité un relatif intérêt, sans pourtant susciter d’offres nombreuses. Elle estime par ailleurs, qu’à la mi-2010, le secteur d’activité des études d’impact était peu développé dans un environnement réglementaire non stabilisé et que, les entreprises n’étaient pas encore bien organisées pour répondre aux sollicitations des pouvoirs adjudicateurs en ce domaine.

La Ville considère enfin que cette offre répondait aux besoins ; elle était satisfaisante tant en ce qui concerne la valeur technique que le critère du prix et l’analyse de coût a mis en évidence que cette offre reposait sur des prix compétitifs. La Ville observe aussi que l’autorité

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

15/39

environnementale a reconnu dans son avis du 23 juin 2011, que le dossier d’étude d’impact abordait bien l’ensemble des thématiques environnementales, et que les études de circulation - un des enjeux forts du projet - étaient de bonne qualité.

1.3.2. La commission d'enquête publique

Sur la base de cette étude d’impact, une commission d'enquête a été désignée en octobre 2011, par décision du président du tribunal administratif de Paris.

L'enquête s’est déroulée du lundi 4 juillet 2011 jusqu'au mercredi 14 septembre 20118. La participation du public a été significative. Le nombre total des observations et des courriers recueillis dans 21 registres qui ont été consultés à la mairie, s'établit à mille cinq cent soixante-trois, dont 12 % favorables (8 % en ce qui concerne les registres courriers).

La commission d’enquête a relevé que la consultation aboutissait à une opinion générale inverse à celle fournie par l’estimation de la société qui avait conduit l’étude d’impact. La commission a estimé que cette discordance était « en contradiction avec le bilan des contributions à la concertation préalable organisée par la Ville de Paris».

La commission d’enquête a émis un avis favorable au projet, sous réserve que « la réversibilité, définie comme le retour à la fonctionnalité de circulation de la voie sur la berge basse rive gauche, soit préservée dans la durée.

Cette clause de réversibilité devra figurer dans toutes les nouvelles conventions afin que la circulation puisse être rétablie, en totalité ou partiellement, à tout moment sur décision de l’Etat, propriétaire de l’assiette foncière.» un avis favorable à l'opération projetée, en toute impartialité ». Le préfet de Police a assorti son accord sur le projet de cette condition en exprimant qu’il s’assurerait de son exécution.

Par ailleurs au terme de la procédure, la commission a formulé plusieurs recommandations que la Ville a rappelées dans sa délibération des 7 et 8 février 2011 déclarant le projet d’intérêt général et donnant un avis favorable à la poursuite de l’opération.

2. L’ÉXÉCUTION DU PROJET D’AMÉNAGEMENT

L’opération étant définie, rive gauche, entre le Pont Royal et le Pont de l’Alma, l’essaimage des aménagements sur les quais connexes et la voirie hors du périmètre défini par l’enquête n’ont pas été examinés par la chambre, pas plus que les aménagements complémentaires à réaliser qui restent à évaluer, comme par exemple la piscine ou les continuités piétonnes sous la place Valhubert.

8 Apres prolongation de 12 jours.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

16/39

2.1. Le budget affecté à l’opération

Sur l’espace défini, le budget prévisionnel initial de l’opération (40 M€) a été réduit à 35 M€9. Cette baisse est en partie due à l’abandon de certains aménagements (notamment les travaux d'aménagement d’une péniche n’ont pas été réalisés) ainsi qu’à l’exécution d’aménagements non pérennes, qui étaient imposés par la clause de réversibilité.

En sens contraire, entre la définition du projet et sa réalisation, les coûts d’exploitation et de programmation du site ont sensiblement augmenté.

Ils sont passés de 2 M€ à plus de 6 M€ par an, selon les estimations de la chambre. Les deux grands postes de dépenses pour le site correspondent d’une part au marché de production déléguée pour l’animation des berges, d’un montant annuel maximal de 5 M€ et d’autre part à l’exploitation courante (intégrant la redevance à Ports de Paris, la propreté, la sécurité) pour environ 1,5 M€.

La commission d’enquête avait d’ailleurs noté l’imprécision du projet : elle avait estimé que « les imprécisions relevées sur les usages et les aménagements ne permettent pas d'apprécier avec précision la pertinence du budget affecté à ce projet, tant en investissement qu'en fonctionnement. Si celui-ci n'est pas considérable en valeur absolue, au regard du budget annuel de la Ville de Paris (1,6 Md€ en investissement et plus de 7,1 Mds€ de fonctionnement), il peut être ressenti comme trop élevé au regard de la portée très réduite du projet, des passages pour piétons et feux tricolores rive droite, un emmarchement et quelques barges ludiques, sportives ou florales sur la rive gauche, sachant en outre qu'une partie des activités envisagées devrait être des conventions d'occupations concédées ».

Le montant effectif du budget de fonctionnement consacré à cette opération est difficile à cerner. En se limitant au montant des dépenses postérieures à 2012, il est composé du montant des salaires dédiés des agents de la Ville (0.3 M€ par an), des débours affectés par les directions de la Ville à cette opération (1,3 à 1,6 M€ annuel) et du montant versé à la société bénéficiaire du marché d’animation soit 4 à 5 M€ par an. Il faut cependant en déduire les mécénats obtenus, soit un total 1.9M€ pour les années 2013 à 2015.

Le calendrier du projet prévoyait que les aménagements seraient livrés pour l’été 2012, à l’exception des projets importants nécessitant des procédures d’autorisation ou de concours. Compte tenu des changements intervenus, un dépassement des délais était donc inévitable et il a eu des répercussions sur les marchés en cours mais le calendrier a été, dans l’ensemble, respecté.

2.2. Les aménagements du site

Trois types d’aménagements ont été réalisés: des éléments invariants ont été installés (l’emmarchement au niveau du musée d’Orsay, le jardin flottant « Niki de Saint-Phalle », la végétalisation des quais), des équipements et objets ont été mis en place par le titulaire du marché public d’animation des quais (modules en bois appelés « mikados » cabines conteneurs halle d’abri) ainsi que divers équipements destinés au public (agrès sportifs, piste d’athlétisme, douche sonore « musique en libre accès » ) ; enfin, Port de Paris

9 Hors aménagements connexes et études transversales (ile aux cygnes, Valhubert) pour 1 277 649,58 € TTC.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

17/39

et la Ville ont commercialisé de nouveaux emplacements afin d’y développer des offres de restauration.

Les conditions de réalisation de l’aménagement du jardin flottant dit « Archipel » et de l’« emmarchement » du quai d’Orsay/ quai Solferino ont été examinées de façon particulière.

2.2.1. Le jardin flottant « Niki de Saint-Phalle », dit Archipel (7,2M€ TTC)

2.2.1.1. La maitrise d’œuvre du projet

Sur la base d’un projet porté par la direction des espaces verts de la Ville (DEVE), un marché de « création d’un archipel, jardin flottant sur la Seine à Paris 7ème » a été passé en 2011.

Une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage a été confiée à un groupement dans le cadre d’un marché à procédure adaptée pour la réalisation d’une étude de faisabilité et d’une assistance technique à la mise au point du projet (6 décembre 2010) pour un montant de 216 344,44 € TTC.

Le marché a fait l’objet d’un avenant-prix le 14 septembre 2011 au motif « que la mise au point du projet, a révélé la nécessaire prise en compte d'une multiplicité d'interfaces entre la maîtrise d'œuvre (assurée par le Service du Paysage et de l'Aménagement de la Direction des espaces Verts et de l'Environnement) et l'assistant à maîtrise d'ouvrage ».

Cet avenant a supprimé la mission relative à l'assistance technique, au suivi et à l'approbation des études d'exécution et déduit le montant de rémunération qui y était affecté, soit 14 920 € HT. Il a également augmenté la rémunération relative aux missions d'assistance technique et économique à la mise au point du projet, d'assistance technique à la passation du marché de réalisation de l'archipel flottant et d'assistance au suivi des demandes administratives, d'un montant de 30 925 € HT. Il a enfin supprimé la seconde tranche du marché (montant 35 760 € HT).

Si la variation du montant du marché a été faible (- 19 755 € HT), l’économie du contrat a été sensiblement modifié.

Afin d'assurer la mission de maîtrise d'œuvre en phase travaux, un appel d'offres ouvert avec une tranche ferme et une tranche conditionnelle assistance à la mise en service de l'ouvrage a été prévu.

Une première consultation a été lancée le 24 octobre 2011. Si un nombre important de dossiers a été retiré (44 dossiers), là encore une seule offre a été reçue et son montant (167 224,08 € HT) était au-dessus du seuil d'acceptabilité financière fixé par l'administration.

Cette première consultation a donc été déclarée infructueuse par la commission d'appel d'offres du 9 février 2012 qui a autorisé la relance de la consultation sous la forme d'un appel d'offre ouvert. Le montant de l’opération a été nettement réévalué et porté à 330 000 € HT (370 760,00 € TTC) incluant la tranche ferme et la tranche conditionnelle.

Cette seconde consultation a suscité beaucoup d’intérêt puisque 24 dossiers ont été retirés. Pourtant seules deux offres ont été déposées : celle d’un cabinet d’architectes d’intérieur qui n’a pas remis une offre estimée sérieuse et celle d’un groupement solidaire.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

18/39

L’unique offre jugée sérieuse était donc celle du cabinet d’ingénierie en groupement. Les prestations du groupement de maitrise d’œuvre ont ainsi été contrôlées par un groupement d’assistance à maîtrise d’ouvrage dont deux membres sur trois étaient également titulaires du marché de maitrise d’œuvre.

Les sociétés concernées ont répondu, à ce propos aux observations provisoires de la chambre en indiquant que même si elles étaient membres d’un groupe d’entreprises, elles constituaient deux sociétés juridiquement indépendantes et qu’au surplus le groupement d’assistance à maîtrise d’ouvrage n’avait pas été consulté dans le choix du maître d'œuvre d'exécution qui a incombé au seul pouvoir adjudicateur.

La chambre prend acte de ces éléments et de l’argument qu’il n'incombait contractuellement pas au groupement de s'immiscer dans le choix du maître d'œuvre d'exécution. Elle observe cependant qu’il appartenait à la Ville tant en sa qualité de Maître d'Ouvrage qu'en sa qualité de Maître d'œuvre de Conception de s'assurer de l'égalité de la concurrence entre les candidats.

2.2.1.2. La réalisation de l’archipel et des jardins flottants

Une consultation a été lancée en appel d'offres ouvert le 21 novembre 2011. L’offre remise par le groupement retenu (offre de base et offre de base + variante libre) était très inférieure à l'estimation de la Ville (respectivement -37 % et -36 %) ainsi qu'aux autres offres reçues (respectivement -34 % et -32 % par rapport à la moyenne des offres).

Les écarts étaient concentrés sur le poste « Fourniture des flotteurs et des équipements associés » qui représentait à lui tout seul la moitié de l'écart entre le montant des offres du candidat et l'estimation.

Le reste de l'écart était réparti sur l'ensemble des chapitres de la décomposition du prix global et forfaitaire : le candidat chiffrait ce poste à 1 200 000 € HT alors que l'administration l’avait estimé à 2 500 000 € HT. De même, l'écart entre les deux offres du candidat et la moyenne des offres sur ce même poste « Fourniture des flotteurs et des équipements associés » était de près de 60 %.

Les services de la Ville ont bien relevé les lacunes et l’absence de sécurité économique de l’offre. Ainsi le rapport d’analyse des offres mentionne «le candidat n'indique pas comment il procèdera pour établir et contrôler les devis de poids des différents éléments d'aménagement lors des études d'exécution. Il ne détaille pas non plus le dispositif qui sera mis en place pour garantir la stabilité finale des structures flottantes ». On relèvera que les lacunes précitées dont la responsabilité forme un contentieux devant la juridiction administrative ont entrainé l’impossibilité de poursuivre le marché aux conditions souscrites.

L’entreprise a cependant confirmé que son offre respectait l’ensemble des spécifications du cahier des charges et notamment les articles susvisés. Sur la base de ces différents échanges et éléments de confirmation, le marché de travaux a donc été attribué au groupement mentionné pour un montant de 5 146 464,54 € TTC.

Le projet a donc été lancé sans véritables précisions sur la structure des flotteurs qui selon la société « s'est avérée beaucoup plus complexe que celle prévue par la Maîtrise d'œuvre dans les pièces du DCE et qui avait servi de base à l'estimation des quantités d'acier par le Groupement, au moment de la remise de son offre ». Le Groupement, aurait ainsi découvert après que le marché ait été signé, qu’il fallait mettre en œuvre 50 % de quantités « en plus ».

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

19/39

L’assistant au maitre d’ouvrage considère que « l'accroissement de la complexité des missions confiées audit groupement n'était en rien prévisible au stade de la procédure à l'issue de laquelle il a été sélectionné en qualité d'AMO, puisque l'ouvrage envisagé présentait alors, notamment, des dimensions toutes autres, les aménagements et agencements paysagers des îles n'étaient alors pas arrêtées(…). Au surplus, les solutions techniques retenues par la DEVE, s'agissant des aménagements paysagers des îles, ont imposé au groupement d’assistance à maîtrise d’ouvrage de constantes adaptations ».

Au cours des travaux l’entreprise cotraitante du marché de travaux s'est rapidement révélée dans l'incapacité de poursuivre la construction des flotteurs de l'archipel dans les conditions financières et de délai du marché.

L'entreprise mandataire a poursuivi l'exécution du marché de travaux en s'entourant de divers sous-traitants pour réaliser les travaux devant être initialement effectués par l'entreprise cotraitante. Les travaux de fabrication et d'assemblage des flotteurs, initialement prévus sur un site unique, se sont alors déroulés en simultané sur trois sites de production : Le Havre (deux îles), Dieppe (deux îles) et Saint-Nazaire (une île).

La multiplicité des sites de production et des interlocuteurs tant au niveau des sous-traitants chaudronniers que des différents contrôleurs techniques (au Havre et à Saint Nazaire notamment) a engendré des frais supplémentaires (16 %), aussi bien s’agissant de la maîtrise d'œuvre que des travaux par rapport à l'offre retenue.

Selon cette dernière « la réalisation des études d'exécution par le Groupement a cependant révélé des insuffisances importantes dans la conception réalisée par la Ville de Paris. En réalité, alors que le Groupement ne devait réaliser que les études d'exécution au titre du marché, ce dernier s'est trouvé finalement contraint de mener de véritables études de conception face à la défaillance du concepteur, en sus des études d'exécution ».

Sans trancher le contentieux né entre les intervenants lors du déroulement du chantier, la chambre note que bien que la réception des travaux a été prononcée à la date du 7 juin 2013, le décompte général et définitif est encore en cours de règlement. Le contentieux actuel concerne une rémunération supplémentaire à hauteur de 4 000 967,41 € TTC par la société mandataire.

2.2.2. La réalisation de l’Emmarchement du quai Solférino

Le projet d’aménagement avait retenu la création d’un emmarchement démontable sur le port de Solférino, reliant les quais hauts et bas au droit du Musée d’Orsay conçu pour pouvoir être démonté en moins de 48 heures en cas d’alerte de crue. L’emmarchement est constitué d’une structure métallique principale supportée par des poteaux tubulaires et marches et paliers revêtus de lames en bois d’ipé rainurées, comme la passerelle Solférino.

Pour la Ville, les « droits d’auteur » sur l’emmarchement lui ont été concédés aux termes du « marché de maîtrise d’œuvre, hors loi MOP ». Pourtant en examinant les pièces du marché (AE, CCAP et DGD), il apparaît que le site de la société chargée d’une mission de conception renvoie à une autre société pour la conception de l’aménagement.

Sur ce sujet, la Ville et le gérant concerné de la société au moment de cette opération ont produit des attestations concordantes soulignant que seule la Ville dispose des droits de conception de l’équipement (il en est de même pour l’archipel). Par ailleurs la direction de la

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

20/39

société a pris en compte les observations faites afin de clarifier sa situation vis-à-vis des équipements installés sur les quais.

La chambre prend acte de ces déclarations.

La réalisation des travaux a été confiée à une autre société après une longue phase de mise au point comme l’illustre le tableau suivant.

Tableau n° 1 : Mise au point du marché

Entreprises Offres de base

€ HT

Variantes obligatoires

VO1 : démontage VO2 : bande rugueuse VO3 :garde-corps

S10 1 238 320,00 € 27 000,00 € 139 104,00 € 9 120,00 €

S après

négociation

1 211 322,98 Inchangé 22 176,00 inchangé

–Autre

société

1 287 106,60 € 38 129,00 € 17 057,60 € 5 356,80 €

Source : Ville de Paris

L’incidence des corrections apportées au marché initial pendant cette phase de mise au point après ouverture des offres a eu pour objet de modifier le rang des offres entre les deux compétiteurs (offre de base + variantes obligatoires).

Toutefois, l’article 59 du code des marchés proscrit la négociation avec les candidats lorsque les offres ont été déposées. Il peut seulement leur être demandé de préciser leur offre. Même si selon la société retenue, les informations en provenance de ses sous-traitants lui sont parvenues tardivement et que le juge administratif accorde une certaine tolérance « en cas d’erreurs matérielles », il reste que la correction des offres ne doit pas pouvoir être contestée par les autres candidats du marché.

Il n’était pas dans l’intérêt de la collectivité d’autoriser une modification de cette ampleur en ce qu’elle a désavantagé l’autre société candidate et qu’elle était susceptible de déboucher sur un contentieux.

Eu égard au risque de contestation de la procédure par le seul autre compétiteur, les services de la Ville de Paris ont pris un risque juridique sérieux.

Le marché a fait l’objet d’un avenant le 23 janvier 2011 consacrant la réalisation de travaux supplémentaires prolongeant le délai de réalisation de six mois et portant son montant à 1 571 871,18 € TTC (1 314 273,56 € HT), dû selon la Ville, notamment à un épisode « exceptionnellement rare et imprévisible » de crue le 8 mai 2013.

La chambre s’étonne que le chantier étant situé précisément en zone inondable, les conditions du marché n’aient pas anticipé ce risque.

10 Société spécialisée dans la réalisation d’infrastructures métallique.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

21/39

2.3. Le marché d’animation des berges de Seine

La Ville de Paris a lancé un appel à candidatures en vue de la désignation « d'une équipe pluridisciplinaire en charge de la conception et de la production déléguée de manifestations et interventions sur les berges de la Seine, à Paris, dont la programmation visera les trois thèmes « nature, sport, culture » mis en avant lors de la concertation, en offrant des possibilités de développement d'activités économiques ».

L'équipe pluridisciplinaire recherchée devait « présenter des compétences en paysage, architecture, ingénierie culturelle, ainsi qu'en programmation et production y compris régie et médiation ».

La forme juridique choisie par la Ville de Paris pour encadrer la compétition des équipes a été celle d’un « appel à projet dans le cadre des marchés publics à procédure adaptée » de « conception et production déléguée de manifestations » passé selon les articles 28 et 30 du Code des marchés publics.

En principe, le recours à une procédure adaptée en application de ces articles 28 et 30 doit être lié à l’objet du marché portant sur des prestations évènementielles et d’animation. Ces prestations, par leur nature, correspondent à la catégorie « 26 services récréatifs, culturels et sportifs » de l’annexe II B de la directive 2004/18 du parlement européen et du conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services.

En conséquence, ce type de marché aurait dû porter uniquement sur des prestations d’animation. Or au cas d’espèce, la partie animation est la moins significative du projet (coopérative et médiation culturelle soit 5,2 M€ pour l’ensemble des tranches sur un total de 19,6 M€11).

En tout état de cause, les spécifications techniques auraient dû être déterminées préalablement, le choix de la procédure à mettre en œuvre étant déterminé en fonction du montant et des caractéristiques des prestations à réaliser. Cela n’a pas été le cas.

Le règlement de consultation se contentait d’indiquer de façon laconique l’objet du marché12 ; l’article 1 du CCTP concernant l’objet du marché était pour sa part peu précis13 et enfin l’acte

11 Le montant corrigé pour la coopérative serait de 5 200 000 €, soit 2 080 000 € pour les tranches 2 et 3, et

1 040 000 € pour la tranche 4 réduite de plus de moitié.

12 « La présente consultation a pour objet la conception et la production déléguée de manifestations sur les Berges

de la Seine à Paris. Ces manifestations, dont la programmation s’appuiera sur les trois thèmes mis en avant lors de la concertation (nature, sport, culture), en offrant des possibilités de développement économique devront s’inscrire dans un projet urbain ayant pour objectif de rendre les berges aux piétons, développer et diversifier les usages, valoriser ce site parisien unique et renforcer la continuité écologique de la Seine et de ses abords. »

13 « Il s’agit de programmer, installer, faire vivre l’espace de 4,5 hectares rive gauche (2,3 km) en s’appuyant sur

les éléments déjà réalisés par la Ville de Paris, en respectant les éléments issus de la concertation, en accord notamment avec les ABF et Ports de Paris. L’équipe devra programmer et produire les évènements qui doivent

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

22/39

d’engagement négocié se limitait à définir l’objet du marché (article 3) comme la « conception et la production déléguée de manifestations sur les Berges de la Seine à Paris ».

Aucune indication n’était donc donnée sur les critères et sur le contenu des prestations attendues. Celles-ci étaient formulées en des termes très généraux en méconnaissance de l’article 5 du code des marchés publics selon lequel « La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant tout appel à la concurrence ou toute négociation non précédée d'un appel à la concurrence en prenant en compte des objectifs de développement durable. Le ou les marchés ou accords-cadres conclus par le pouvoir adjudicateur ont pour objet exclusif de répondre à ces besoins ».

L’appel à projet intégrait les contraintes pesant sur la future programmation déléguée, intimement liées aux caractéristiques et exigences du site : à savoir le classement UNESCO, le risque d’inondation, la clause de réversibilité.

La définition du besoin et les spécifications techniques étant totalement lacunaires, rien de permet d’assurer que les critères ayant permis d’écarter les candidatures étaient suffisamment spécifiques. Ainsi la « non concordance des projets d’ingénierie culturelle avec les objectifs de la Ville », par ailleurs difficile à apprécier objectivement, a été le motif le plus fréquent mis en avant pour écarter les candidatures.

S’agissant d’une prestation inédite, il est compréhensible que la Ville n’ait pas été en mesure de définir précisément les moyens propres à satisfaire ses besoins. Toutefois, la collectivité aurait pu prendre le temps de mieux les définir et d’établir, y compris par la procédure du dialogue compétitif, un cahier des charges complet et définitif.

Les faiblesses de l’expression des besoins et les lacunes du contenu des prestations attendues résultent sans doute de la volonté de mettre en place une occupation piétonnière des quais, très rapidement après la fermeture de berges aux véhicules et de la nécessité d’une ouverture programmée pour le calendrier des inaugurations des berges de la Seine que la Ville de Paris s'était fixé, à savoir le 19 juin 2013, avant la fête de la musique.

Toutefois, pour un projet de cette ampleur, il aurait été logique que le temps nécessaire soit pris et ce que la collectivité s’adjoigne dès les premières phases, des cabinets d’assistance à l’événementiel pour associer l’entreprise et le concepteur à la fourniture d’une prestation individualisée.

Le marché d’animation des berges a été confié le 1er décembre 2011 à un groupement composé d’une association pour la direction artistique, d’un cabinet d’architecture, d’un bureau

jalonner une année au rythme des 4 saisons, des jours (le week-end et la semaine) et des horaires (le jour, la soirée, la nuit). Cette programmation s’appuiera sur les 3 thèmes : nature, sport, culture, en intégrant la possibilité de développement d’activités économiques. Elle respectera l’esprit de ce qui a été énoncé : souplesse, liberté, réversibilité, programmation saisonnière, convivialité et tiendra compte du rapport privilégié avec le fleuve à développer.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

23/39

paysagiste, d’une société intervenant dans le domaine du sport14, et d’une entreprise d’ingénierie culturelle, cette dernière société étant mandataire du groupement.

Le marché comprend une part globale et forfaitaire qui est « le prix du marché » (réglée sur la base d'acomptes mensuels représentant les dépenses réelles engagées) et une part financée par un mécanisme d’abandon de recettes sur le montant des partenariats conclus par la société avec l’autorisation de la Ville dont les crédits sont en théorie imputés au budget de l’opération.

Le groupement ne s’est cependant pas engagé sur un montant fixe de partenariats et de mécénats : la récapitulation du prix total du marché figurant au tableau ci-dessous issu de la phase de négociation n’était donc qu’estimative (confer développements ultérieurs).

Tableau n° 2 : Décomposition initiale du prix HT du marché

Tranche n°1 01.11.2011 - 31.10.2012

Tranche n°2 01.11.2012 - 31.10.2013

Tranche n°3 01.11.2013 - 31.10.2014

Tranche n°4 01.11.2014 - 31.10.2015

part globale et forfaitaire HT

4 082 862 4 095 884 4 102 384 4 102 384

part abandon de recettes H.T15.

1 773 010 € 2 391 641 € 2 990 575 € 2 990 575 €

total HT16 5 855 872 € 6 487 525€ 7 092 959€ 7 092 959 €

Source : CRC /Ville de Paris

14 Cette société explique être intervenue dans le cadre du marché susvisé seulement pour la réponse à l'appel d'offres. Elle a agi, après l'attribution du marché, en qualité de sous-traitant de la société mandataire (et non en qualité de co-traitant) : en particulier elle n'était pas signataire de l'accord qui liait les différents intervenants du marché à la Ville de Paris et membre du groupement.

15 Cette partie n’est pas documentée dans l’acte d’engagement stricto sensu mais dans une annexe au contrat -

4.1 Forme du prix.

16 Le total, incluant la partie évaluée du contrat.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

24/39

Au stade de la mise au point du marché, la rémunération du groupement s’est établie à 2 691 000 € soit 13,4 % du marché. La pratique des facturations a cependant conduit à s’éloigner de cet équilibre.

2.3.1. La réduction du budget d’animation

Tirant la conséquence du refus, en janvier 2012, du Premier ministre d'autoriser la mise en œuvre du projet d'aménagement des berges sur la rive gauche, un avenant a été signé pour modifier la durée et la date de fin de la tranche ferme n° 1 et les dates de début et de fin des tranches conditionnelles n° 2, 3 et 4.

Plus conséquentes ont été les modifications suivantes : le 14 avril 2015, un avenant n° 2 a modifié la durée et la date de fin de la tranche conditionnelle n° 4 (qui devait se terminer en octobre 2015) pour la porter au 4 janvier 2016. Il a aussi réduit de moitié le budget prévu pour la tranche 4 qui s’établit à 2 186 700,20 €. Un troisième avenant du 5 novembre 2015 a acté que « l'intégralité du budget prévu au titre de la tranche conditionnelle n° 3 du marché n'a pas pu être dépensée » et rectifié des erreurs matérielles17.

Selon la Ville la réduction du budget de la dernière tranche et de sa durée à traduit sa volonté de coordonner la fin de la mission de la société mandataire et le début de la mise en place par un nouvel opérateur de l'animation et de la valorisation de l'espace public parisien incluant les berges de Seine de la rive gauche18 .

Aux termes de ces avenants, le marché a été singulièrement remanié :

Tableau n° 3 : Montant du marché en euros (part globale et forfaitaire)

Source CRC d’après les données fournies par la Ville de Paris

17 Parmi les raisons mises en avant, la Ville a souligné le risque de crue a réduit une partie de la programmation, et l’annulation d’événements en raison de leur « non faisabilité technique ».

18 La mission programmation, expérimentation, animation et valorisation de l'espace public parisien rattachée au

Secrétariat Général est en charge de la préfiguration de cette nouvelle structure.

Montant initial

HT

Montant initial

TTC

Montant HT

avenant 3

Montant TTC

avenant 3

Montant réalisé

TTC

tranche 1 4 082 862,00 4 883 103,00 3 597 384,76 4 302 472,17 3 986 977,99

tranche 2 4 095 884,00 4 898 678,00 4 095 884,00 4 898 677,26 4 660 079,87

tranche 3 4 102 384,00 4 906 452,00 3 679 087,40 4 400 188,53 4 127 632,35

tranche 4 4 102 384,00 4 906 452,00 I 966 271,44 2 359 525,73 2 359 525,73

total 16 383 514,00 19 594 685,00 13 338 627,60 15 960 863,69 15 134 215,94

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

25/39

2.3.2. L’équilibre économique du contrat a été sensiblement modifié

2.3.2.1. La faible réalisation de la part « abandon de recettes » du contrat et les

incertitudes qui s’y attachent

La « partie globale et forfaitaire » correspond à la part la plus importante des dépenses du marché (19 659 980 €). Celle financée sur les « partenariats », évaluée initialement à 10 145 801 €, représentait en théorie une part non négligeable du contrat.

Cette estimation ne figurait toutefois que dans le tableau prévisionnel remis par la Ville (BDS Budget) et non dans le contrat lui-même. Toutefois la totalité des partenariats réalisés a été bien plus faible, soit sur l’ensemble des tranches, 1 904 116 € HT.

La partie financière du contrat, pondérée à 20 %, n’était pas un critère majeur de sélection des offres. Les montages de partenariat ne relevaient eux-mêmes que d’un sous-critère des « Moyens mis en œuvre » (20 %) par lequel la proposition du groupement retenu se distinguait de ses concurrents (la note obtenue a été de 10 pour le groupement et 6 en ce qui concerne les autres concurrents).

La Ville explique que l’influence sur la note globale de ce critère était faible par rapport à la programmation d’événements et que seules la méthodologie et la capacité à capter des partenaires étaient appréciées.

La chambre prend acte de cette réponse mais elle observe que, comme le reconnait la Ville, les montants des partenariats devaient nécessairement enrichir la qualité et la quantité d’événements à organiser.

Un échantillon de conventions de partenariat approuvées par la mission Berges de Seine a été examiné. Il en ressort que les modalités de réalisation du parrainage comportent un versement direct de la société partenaire à la société mandataire d’une somme ou l’équivalent comptable valorisé en marchandise, d’un équipement pour l’organisation d’un événement.

En contrepartie la société partenaire obtient un certain nombre de « visibilités »19 et la mise à disposition du site des Berges de Seine.

Sur l’échantillon de factures examinées, plusieurs dont l’objet parait correspondre à ces conventions, sont imputées sur la partie « mise en œuvre de la programmation », diminuant d’autant le budget consacré à cette opération.

Par exemple, une convention a été passée entre la société mandataire et une autre société. C’est l’une des conventions déclarées les plus importantes en valeur avec celle passée pour la livraison des « Mikados ». Elle vise la fourniture d’une halle d’abri pour les visiteurs. Il s’agit d’un bâtiment démontable du type chapiteau, en toile sur armature.

19 Telles que participation à la communication de l'événement, à un déjeuner des partenaires en présence de l'adjoint au maire de Paris en charge de l'urbanisme, de l’architecture, et des visibilités Web sur le site des berges ou de la mairie etc.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

26/39

Le montant total du coût d'acquisition de la structure s'élevait à 419 000 € HT (hors montage/démontage et stockage). Après négociations menées par la société mandataire, la société retenue a consenti une remise de 214 000 € HT dans le cadre d'un accord de partenariat. Le coût final de la structure était de 205 000 € HT (hors montage/démontage et stockage).

Il en résulte que, selon toute vraisemblance, les recettes de partenariat obtenues dans le cadre du marché et abandonnées à la société mandataire ont été incluses dans la facturation faite à la Ville de Paris par la société et imputées sur la partie « mise en œuvre de la programmation » censée traduire des dépenses d’animation, sans pour autant que l’équipement payé n’appartienne à la Ville.

2.3.2.2. L’exécution de la partie forfaitaire du contrat et le comportement apparemment

peu loyal du mandataire

Selon l’annexe n° 3 du 28 novembre 2011 à l’acte d’engagement relative à la mise au point du marché, le prix du marché se décomposait en 3 postes :

- Conception de la programmation - Mise en œuvre de la programmation - Frais de fonctionnement dont rémunération

Conformément au contrat, la part programmation et animation comprenait l’essentiel de ces dépenses, la part des aménagements des berges consécutifs à ces activités étant moins significative (10 %). Plus de 70 % des dépenses étaient consacrées à la mise en œuvre de la programmation.

Tableau n° 4 : Décomposition des postes du marché d’animation

TRANCHE N° 1 N° 2 N° 3 N° 4

conception de la programmation 82 400 € 62 400 € 55 000 € 55 000 €

mise en œuvre de la programmation 3 124 768 € 2 974 348 € 2 988 248 € 2 988 248 €

frais de fonctionnement 875 694 € 1 059 136 € 1 059 136 € 1 059 136 €

montant HT 4 082 862 € 4 095 884 € 4 102 384 € 4 102 384 €

total 4 883 103 € 4 898 678 € 4 906 452 € 4 906 452 €

Source : Extrait annexe 3 du 28 novembre 2011

La « facturation détaillée » payée par voie de mandats n’a développé qu’une partie du montant des différents mandats payés par la Ville au groupement. Ainsi la part importante des « frais de fonctionnement » (environ 25 %), qui correspond aux frais de fonctionnement des cocontractants n’est pas justifiée.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

27/39

La Ville s’en explique en rappelant que l’annexe 3 à l’acte d’engagement relative à ce marché précisait que seule la ligne budgétaire « mise en œuvre de la programmation » pouvait varier en diminution.

La partie « frais de fonctionnement » a donc fait l’objet d’un sondage lors de la première tranche ferme du marché, la Ville ayant demandé copie du bail des locaux occupés par l’équipe opérationnelle, ainsi que des extraits du grand livre comptable de la société. Sur cette base, il est apparu que le montant forfaitaire des frais de fonctionnement tel que prévu au marché était justifié.

Les frais de fonctionnement de la première tranche conditionnelle n’ont pas fait l’objet d’un second sondage, « d’autant plus que la programmation était, sur cette tranche, beaucoup plus dense et génératrice de coûts de fonctionnement ».

Pourtant il est difficile de concevoir que les quelques factures diverses se rapportant à la société entre 2013 et 2014 telles qu’elles ont été fournies (loyers, justificatifs de cartes bancaires, honoraires des commissaires aux comptes etc.) de façon peu organisée puissent obéir aux conditions de liquidation des dépenses publiques. Cette méthode parait au moins contestable pour justifier des frais de fonctionnement qui auraient été payés « sur facture » de plus d’un million d’euros annuels.

Sur la base du sondage qu’elle a effectué, la chambre constate aussi qu’un certain nombre des factures payées par la Ville de Paris comportaient, en partie « animation », l’imputation de salaires d’intermittents ou d’honoraires de personnels du groupement dont il n’était pas logique qu’ils s’imputent également sur la partie « mise en œuvre de la programmation ».

S’il ne peut être contesté qu’une bonne partie de la facturation consécutive à la mise en œuvre de la programmation est constituée du coût des personnels intermittents dans le spectacle ou la médiation (régisseurs, machinistes, etc…),20 rien ne justifie que la paie d’employés de la société, comme celui des directeurs techniques ou les honoraires versés à des agents de la société mandataire soient imputés sur la partie animation réduisant d’autant le montant des prestations réellement fournies aux publics concernés.

Pour prendre un exemple le détail de facturation de juin 2013 est, pour la « conception de la programmation », de 35 590 € TTC et pour les « frais de fonctionnement » (partie salaire de l’équipe dédiée et partie analytique des charges du groupement dédiée aux berges de Seine) de 109 605,13 €.

Pour cette période, la partie « mise en œuvre de la programmation » (457 826,39 €) devrait représenter ce qui est réellement versé aux intervenants (notion contractuelle de « coopérative ») et aux médiateurs (sécurité, relations avec le public) des manifestations sur les berges.

Rien ne justifie donc que le groupement ait imputé sur cette partie les frais de rémunération de « direction technique » (correspondant à une partie du salaire du directeur technique de la société mandataire: 8 913,06 €) de son régisseur général (16 030,72 €) enfin de son régisseur

20 Ces dépenses sont payées sous forme de factures à des sociétés d’insertion (Villette emploi, etc…) ou versées

directement aux intéressés sous forme de bulletin de salaires d’intérim sous forme de salaires très modestes.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

28/39

(22 429,43 €). Ces frais devaient être inclus dans la partie « équipe » des frais de fonctionnement.

De surcroît le titulaire du marché impute aussi dans le détail des facturations transmises, sur la partie « aménagements », des honoraires qui correspondent à la rémunération d’une des sociétés du groupement titulaire du marché, comme par exemple, le cabinet d’architecture.

La Ville ne semble pas avoir eu une appréciation exacte des modalités d’exécution financière de ce marché.

2.3.3. Les expositions et les grands événements

Sur le site des berges, le cahier des charges de la programmation prévoit que « la gratuité est la règle ». Il existe en théorie une possibilité de privatiser exceptionnellement une partie des berges (locations d’espaces pour événements privés ; marchés de producteurs à l’occasion de week-end nature, station de ski faisant sa promotion à l’occasion d'un Week-end sports d’hiver, Fiac etc.).

La Ville indique qu’elle n’a pas utilisé cette possibilité et qu’elle a préféré offrir une programmation gratuite et accessible au plus grand nombre, de façon à favoriser la diversité des publics et le développement des pratiques amateurs. Ainsi, aucune manifestation payante n’a eu lieu depuis l’ouverture du site.

La collectivité souligne que l’attachement des parisiens et des usagers des berges à la gratuite des activités proposées a été confirmé par les résultats d’une enquête sociologique.

2.3.4. L’amplitude de l’animation

Le cahier des charges prévoit que « le site des berges vit jour et nuit ». Le rythme donné à la programmation s’inscrit cependant dans des temporalités plus modestes.

Les débuts de journée sont réservés aux « utilisations libres de l’espace et de ses équipements ». La programmation de la matinée et de l’après-midi offre un visage familial, grand public. En fin d’après-midi et dans la nuit, les ambiances évoluent, deviennent plus ciblées, souvent vers un public jeune. Le mercredi est consacré tout particulièrement aux enfants. La fin de semaine joue donc d’une programmation autant familiale que « noctambule ».

Assez éloigné d’une animation vingt-quatre heures sur vingt-quatre, le site n’est donc organisé, en réalité, que trois jours et demi par semaine contrairement aux objectifs du marché.

La chambre comprend l’argument de la Ville selon lequel les aménagements contribuent à l’animation et à l’appropriation du site sur l’ensemble de la journée, qu’il s’agisse du parcours sportifs, des mikados ou encore du mobilier de pique-nique.

2.3.5. L’évaluation de la programmation

La Ville de Paris a examiné les résultats de cette animation. Elle a demandé et obtenu de son partenaire des bilans de fréquentation réguliers du site et ordonné des enquêtes de satisfaction. Celles-ci font état de l’adhésion des publics concernés au format des manifestations organisées.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

29/39

Elle a ainsi communiqué un rapport sous forme de bilan final des animations de la rive gauche (étude sur 6 mois (Février-Juillet 2015) - échantillon final composé de 2 164 personnes) qui constate les faits suivants :

- S’agissant du marché d’animation, un tiers des usagers a participé aux activités proposées sur le site. 36 % des participants ont pris part aux activités permanentes (coaching et agrès sportifs et Zzz21), 35 % ont pris part aux évènements particuliers (concerts, spectacles, conférences etc.,) ;

- les activités et la programmation remportent un très haut degré de satisfaction : 81 % des participants ont donné une note comprise entre 6 et 10, la note moyenne est de 7 sur 10 et la note la plus donnée est de 8 sur 10 ;

- la conservation de la gratuité des activités fait l’unanimité chez les usagers des berges de Seine (84 % d’entre eux ne sont pas prêts à payer pour celles-ci).

2.4. Les Concessions de travaux et la convention d'occupation du domaine public pour

l'aménagement et l'exploitation de la culée du pont Alexandre III

La chambre n’a pas d’observations en ce qui concerne les concessions accordées sur les lieux aménagés. Elle a examiné plus particulièrement l’exploitation de la culée du pont Alexandre III.

L’exposé des motifs du projet prévoyait que le pont Alexandre III, « doit faire l’objet d’un projet d'une grande ambition artistique et culturelle, soutenu par des perspectives commerciales fortes et contribuant ainsi à la composante de développement économique du projet d’aménagement des berges ».

La culée du pont est composée de deux volumes : un espace clos constitué de deux galeries correspondant à une surface de 733 m2 de surface hors œuvre brute qui s’ouvre sur une esplanade pavée, accessible par un escalier depuis le quai d’Orsay, ainsi qu’un tunnel, qui présente une surface d’environ 1.200 m2 de surface dans l’œuvre, s’ouvrant aux deux extrémités sur le quai bas.

Au terme d’une mise en concurrence régie par les articles L. 1415-1 à L. 1415-9 et R. 1415-1 à R. 1415-10 du code général des collectivités territoriales, l’occupation de cette dépendance du domaine public a été confiée à une société suivant la procédure de la concession de travaux, en vue de la réalisation d’une opération d’intérêt général.

Les candidats ont été invités à développer leur projet d’aménagement et d’exploitation « en cohérence avec les orientations proposées par la Ville de Paris » notamment la création d’espaces d’activités commerciales ouverts à un public large et diversifié et servant de points d’ancrage à une animation spontanée et conviviale des berges tout au long de l’année.

Les candidats étaient donc invités à concevoir des aménagements adaptables, permettant de proposer un ensemble d’animations évolutives sur la journée et au fil des saisons, à dominante

21 Conteneurs aménagés.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

30/39

culturelle et ces aménagements devaient pouvoir permettre une exploitation de jour comme de nuit.

Si les offres des autres candidats n’ont pas été écartées seulement en considération de ce premier critère, certaines ambiguïtés et incertitudes sur la nature exacte du projet n’ont pas favorisé une compétition loyale.

Le contrat signé le 21 juin 2012 avec la société retenue22, a concédé l’exploitation pour une durée de 14 ans, en vue d'y aménager et d'y exploiter « un lieu de vie consacré à la culture, l'art et la cuisine, contribuant à l'animation touristique des berges de Seine ».

L’appel à candidatures précisait que « tous types d’activités peuvent être envisagés», et plus particulièrement, « celles qui permettraient une programmation artistique et culturelle de dimension internationale » dans un souci d’accès à un public le plus large possible.

Le projet a été retenu en raison de la programmation, dans le tunnel, « d’une large palette d’animations, à destination d’un public éclectique, renouvelée au fil de la journée et de l’année, répondant aux orientations souhaitées par la Ville de Paris concernant la création d’espaces d’activités commerciales ouverts à un public large et diversifié et servant de points d’ancrage à une animation spontanée et conviviale des berges tout au long de l’année ».

Etablissement de débit de boissons ayant pour activité principale l'exploitation d'une piste de danse, la société Le Faust exploite bien une partie de restauration dont il n’est pas contesté qu’elle répond au cahier des charges.

Toutefois, l’espace « performatif » est constitué d’une discothèque dont les heures d’ouverture témoignent de sa vocation de boite de nuit (23:00 à 05:00).

Les lieux sont d’ailleurs présentés sans ambiguïté par le site web du concessionnaire. Ainsi peut-on lire que « Le club du Faust est situé dans un tunnel, avec son installation exclusive faite d’un mur de LED qui recouvre plafond et murs, le club du Faust plonge les danseurs exigeants dans la magie de la nuit grâce à sa programmation pointue faisant la part belle à la House, la Techno et la Deep House » ;

Sans contester l’intérêt économique d’un tel équipement, la chambre observe l’ambiguïté de la définition de ce projet. Ainsi la vocation de boite de nuit n’avait pas été retenue pour la présentation au conseil de Paris pour l’autorisation d’aménagement23 et cette interdiction réitérée (par exemple du cahier des charges du marché d’animation des berges).

22 La délibération du conseil de Paris du 21 novembre 2011 autorise à signer le contrat d’occupation du domaine

public avec la société retenue – concession de travaux pour l’aménagement et l’exploitation de la culée du Pont Alexandre III, pour une durée de 14 ans à compter de la mise en exploitation de l’établissement.

23 S’agissant du bruit, la Ville de Paris a rappelé que l’exploitation de la culée du pont Alexandre III ne concerne pas une activité de type « boite de nuit », mais une activité de restauration et des activités artistiques et culturelles contribuant à l’animation en journée et en soirée des berges de Seine.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

31/39

D’ailleurs lors de l’attribution de la concession, les autres propositions ont été écartées :

- comme « offrant un faible potentiel d’animations en journée pour un projet de lieu évènementiel entièrement privatisé » (offre d’un autre candidat) ;

- la candidature d’une autre société n’a pas été retenue car, selon les services de la Ville », les principes de programmation culturelle sont exprimés dans des termes très généraux » ;

- une autre offre a été écartée car « son espace club était dédié principalement au clubbing de nuit, relayé en journée et en soirée par une programmation plus familiale » ;

- enfin un dernier candidat n’a pas été retenu car, selon les services « l’activité principale s’adressait à un public restreint et les propositions d’activités complémentaires en journée, à peine esquissées et sans lien avec l’activité principale, apparaissent comme insuffisantes en termes d’animation ».

Pour la Ville, la notion de « boite de nuit » est inadéquate. Elle relève que « la rubrique dévolue au tunnel fait état de la programmation mais la mention de Night-Club n’apparait pas ». Elle ajoute aussi que « l’exploitant dans le respect de la destination des lieux à la liberté de programmer les activités artistiques et culturelles qui rencontrent un large public afin d’assurer une exploitation la plus viable possible. En vertu de la concession de travaux, la Ville de Paris n’a pas à contrôler le contenu de la programmation ».

Il apparaît pourtant que le contrat interdit à la société occupante « de changer la destination des lieux mis à sa disposition sous peine de pénalités, telles que définies à l'article 27, sans préjudice du droit pour la Ville de Paris de procéder dans ce cas à la résiliation de la convention « (…).

Si l'exploitant détermine librement la programmation de ces activités, la chambre observe que le contrat prévoit qu’ « afin d'assurer la cohérence de l'exploitation du site avec l'animation globale des berges de la Seine, l'exploitant tiendra régulièrement informé les services de la Ville de Paris en charge du projet d'animation des berges, de la programmation de ses évènements à caractère culturel, artistiques ou festifs. Cette information régulière prendra notamment la forme de l'envoi d'un état prévisionnel (selon une périodicité à déterminer) ».

Il apparaît donc que les deux partenaires se sont écartés des dispositions juridiques fixées au contrat.

Ainsi le contrat signé prévoyait que si la société occupante conclut des contrats avec des tiers pour assurer l'exécution des travaux, elle devra se conformer aux dispositions du titre III de l'ordonnance du 15 juillet 2009 et du décret du 26 avril 2010 relatifs aux contrats de concession de travaux publics ou toute autre norme qui viendrait les remplacer.

« Elle devra notamment mettre en œuvre des mesures de publicité et de mise en concurrence pour la passation de ces contrats, dans le respect des principes de libre accès à ta commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ».

Comme elle l’a précisé, « La Ville n’a pas été destinatrice des modalités de la passation des contrats pour la réalisation des travaux par la société occupante. Toutefois, d’une part la convention-concession de travaux dans son article 7.4 rappelle cette obligation à la société occupante. D’autre part, la procédure de concession de travaux lancée pour l’aménagement et l’exploitation de la culée du Pont Alexandre III rive gauche a été la première procédure de concession de travaux menée. Aussi, les outils de contrôle de cette disposition n’avaient pas été formalisés explicitement dans la convention ».

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

32/39

La chambre relève aussi que l’article 18 de la convention dispose que « la société occupante devra transmettre à la Ville de Paris les contrats d'assurance multirisques et dommage ouvrage ainsi que leurs avenants; les justificatifs établissant leur coût total ainsi qu'un état des lieux et les plans d'exécution » ; de plus en vertu de l'article 19, « les documents comptables (compte de résultat, bilan et annexes) dans un délai maximal de 6 mois à compter de la clôture dudit exercice ».

L’ensemble de ces documents et divers autres perdus de vue, ont été réclamés par la Ville à la société occupante, le 28 septembre 2015. La Ville a également précisé que les obligations contractuelles de la société « Le Faust » lui ont par ailleurs été rappelées par courrier le 28 septembre 2015.

Enfin la société n’a réglé qu’une partie du montant des redevances dues. Pour 2015, 235 334,51 €, et 11 162,24 € pour 2014 n’étaient pas recouvrés. Après le contrôle de la chambre un échéancier de paiement d’une durée de 7 ans a été mis en place dans le cadre du redressement judiciaire de l’établissement.

3. UN RÉSULTAT DEFINITIF QUI RESTE A ÉTABLIR

Depuis l'ouverture aux piétons du site Rive Gauche, sa fréquentation, estimée à plus de 4 millions de visiteurs de toutes les générations, a été un succès en favorisant des usages diversifiés pour le plus grand nombre.

Selon la Ville, les bilans en matière de qualité de l'air, de bruit, de développement de la biodiversité, de fréquentation du site et de succès des équipements et des animations sont très largement positifs.

Sur tous ces sujets la chambre relève que les objectifs que la Ville s’était fixés sont atteints.

La Ville avait aussi pris un certain nombre d’engagements dans sa délibération des 7 et 8 février 2011, déclarant le projet d’intérêt général et donnant un avis favorable à la poursuite de l’opération.

La chambre a tenté d’évaluer l’atteinte par la Ville des autres objectifs qu’elle s’était fixés.

Elle n’a pas examiné l’atteinte des objectifs dont la réalisation ne pouvait dépendre seulement de l’initiative de la Ville comme l’augmentation significative des transports collectifs de personnes et de marchandises par terrestre ou voie fluviale.

La chambre relève que certaines recommandations formulées par la commission d’enquête ont été globalement suivies d’effet : il en est ainsi des besoins en moyens de surveillance (en liaison avec les services de la Préfecture de Police de Paris), ou de la protection de l’aspect patrimonial des Berges de Seine (en lien avec l’Architecte des Bâtiments de France et le Conservateur Régional des Monuments Historiques).

Pour d’autres engagements pris, les résultats sont plus contrastés.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

33/39

3.1. Les reports de circulation automobile

Pour assurer notamment le suivi de la condition de réversibilité qui encadre l’aménagement des quais, la Préfecture de Police et les services municipaux disposent chacun de leur propre expertise de terrain sur l’évolution des conditions de circulation.

Leurs observations transmises à la chambre sont concordantes Toutefois les études communiquées ne portent que sur le territoire correspondant aux berges fermées à la circulation et non sur le périphérique parisien ni sur les entrées de voies de grande circulation d’accès à la capitale.

Selon les données fournies sur la partie concernée, depuis la fermeture de la rive gauche, les aménagements ont entrainé un report de la circulation France. Ils ont conduit à un déplacement du trafic, principalement sur le quai Anatole-France dont la fréquentation est la plus touchée par la fermeture des berges à la circulation. Selon les débits constatés en 2015, le quai Anatole-France absorbait environ 1370 véhicules/heure supplémentaires le matin et 1280 véhicules/heure le soir par rapport à mars 2011.

La Ville note qu’entre les heures de pointe, le débit de trafic, de 2300 véhicules/heure est très significativement inférieur à la capacité de la voie : le trafic ne peut pas être considéré comme saturé sur la tranche horaire de 7h à 21h.

La troisième file créée pour écouler le trafic au niveau du carrefour avec le pont de la Concorde est mieux comprise et utilisée par les usagers. L’augmentation du temps de parcours en rive gauche reste limitée à quelques minutes, et est inférieure de 2 à 3 fois moins à l’estimation initiale donnée par les modélisations de report.

Les reports de circulation sont bien moins importants sur d’autres axes (rue des Saints pères, avenue de la Motte-Piquet et quai de Conti).

Sur la rive droite, des reports de circulation sont également constatés. L’itinéraire entre la place de la Bastille jusqu’à la place du Trocadéro par « Saint-Antoine, Rivoli, Cours la Reine, Cours Albert 1er, avenue de New York » a connu une augmentation sensible du volume de trafic (+4 % en moyenne les jours ouvrés sur la tranche de 7 à 21 heures) et une baisse conséquente des vitesses moyennes (-17 %) particulièrement à l’heure de pointe du soir.

Le report de circulation sur la rive droite met en évidence une baisse du trafic de 110 véhicules à l’heure de pointe du matin et de 410 véhicules à l’heure de pointe du soir en mars 2015 par rapport à mars 2011, en raison d’un important chantier de travaux RATP. On peut considérer qu’aucun report de trafic n’était effectivement possible sur cet axe en mars 2015.

Toutefois la Ville précise que le ralentissement reste localisé sur ce quai et que l’allongement du temps de parcours pour la traversée de Paris d’est en ouest est limité à quelques minutes : une étude statistique sur les jours ouvrables des années complètes de 2011 à 2015 a été réalisée sur le même itinéraire.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

34/39

Le tableau ci-dessous synthétise les résultats.

Pour les autres rues, l’augmentation de trafic est moindre : par exemple les reports dans le 7ème arrondissement restent très limités. Les trafics sur la voie express rive gauche moyennés sur le premier trimestre 2012 étaient de 2 100 véhicules à l’heure de pointe du matin et 2 200 véhicules à l’heure de pointe du soir.

Interrogée sur les conséquences de la fermeture des voies sur berges sur l’activité économique des entreprises parisiennes, la CCI Paris Île-de-France a communiqué une enquête d'opinion24 réalisée auprès des entreprises avant (en 2010) puis après (en 2014) la réalisation de l’opération.

Un an après la fermeture à la circulation sur la rive gauche, 17 % des entreprises estimaient que ces aménagements avaient affecté leur chiffre d'affaires en rallongeant leurs déplacements ainsi que ceux de leurs salariés. Le secteur du BTP était le plus touché avec 32 % d'entreprises exprimant un impact négatif.

3.2. Accidentologie

En matière de sécurité des déplacements, l’amélioration est tangible avec une accidentologie en baisse. Sur le 4ème arrondissement, la transformation en boulevard urbain de la voie Georges Pompidou à l’été 2012 (feux et traversées piétonnes, réduction de la largeur de la chaussée…) a permis d’améliorer très significativement la sécurité routière : sur la période 2012-2014, seuls 12 accidents faisant 13 victimes (dont 2 blessés graves) ont été constatés contre 27 accidents faisant 34 victimes (dont 2 tués) sur la période 2009-2011. Sur la berge rive gauche, aucun accident n’a été recensé en 2013 et 2014 alors que 28 accidents s’étaient produits au cours des 4 années précédentes, faisant notamment 2 blessés graves.

En comptabilisant les chiffres cumulés de la voie express rive gauche et des quais hauts rive gauche, sur lesquels un report de circulation s’est opéré à partir de janvier 2013, la tendance

24 Enquête d'opinion CCI Paris Ile-de-France / Médiamétrie.

Temps de parcours de la place Valhubert au pont Bir Hakeim

Année HPM HPS 7-21h

2011 22 20 21

2012 22 20 21

2013 23 21 22

2014 25 25 25

2015 26 25 26

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

35/39

est à la stabilité du nombre d’accidents (127 sur 2012-2014 contre 124 sur 2009-2011) avec toutefois moins de blessés graves, en particulier chez les piétons.

3.3. L’impact acoustique du réaménagement des voies

La Ville a communiqué à la chambre une étude datée de mars 2015 concernant deux campagnes de mesure du bruit, portant sur cinq localisations25 estimées fin 2012 avant la réalisation des principaux aménagements, notamment avant la fermeture à la circulation rive gauche, et fin 2014, une fois les aménagements terminés.

Ces mesures mettent en évidence au niveau des quais hauts de la rive gauche, une évolution des niveaux de bruit, différente selon les périodes de la journée et selon le type de jour.

Comme c’était prévisible, au niveau des berges elles-mêmes, la fermeture à la circulation a eu pour conséquence une diminution importante des niveaux de bruit, aussi bien en jours ouvrables que le week-end avec néanmoins une diminution plus forte en journée par rapport à la nuit, notamment en ce qui concerne les nuits de week-ends marquées par une fréquentation plus importante des lieux de détente et de loisirs installés sur la partie basse des voies sur berges.

Au niveau des quais hauts de la rive gauche, la mesure au point fixe met en évidence une évolution des niveaux de bruit différente selon les périodes de la journée et selon le type de jour. Ainsi, les jours ouvrables l’évolution des niveaux de bruit présente une légère tendance à la baisse, de l’ordre de – 1,2 dB(A) sur la période 6h-18h, alors que la nuit la tendance est plutôt à la hausse d’environ 1,3 dB(A). Le week-end, en revanche, la tendance est à la hausse quelle que soit la période considérée. Cette hausse est d’environ 0,7 dB(A) en période diurne (6h-22h) et de 1,6 dB(A) en période nocturne.

Plus précisément sur les grands axes de circulation, au niveau du quai Anatole France, en partie haute, il a été observé une légère tendance à la baisse des niveaux de bruit en journée d’environ -0,6 dB(A) et une tendance à la hausse la nuit d’environ 1,2 dB(A). Sur le quai des Grands Augustins situé en partie haute des voies sur berge rive gauche restées ouvertes à la circulation, il n’a pas été observé de changement significatif sur le plan acoustique.

Au niveau des voies sur berges rive droite (partie basse) situées en face de la section rive gauche fermée à la circulation, une légère diminution des niveaux de bruit entre 2012 et 2014. Ainsi, les niveaux de bruit ont diminué entre -0,5 et -1,8 dB(A) selon les périodes et le type de jour au niveau du port des Champs Elysées. Cette baisse de niveaux a surtout eu lieu en période de journée et est liée à la diminution de la contribution du bruit de la circulation routière en provenance de l’autre rive de la Seine.

La Ville observe que, basée sur une échelle logarithmique, la mesure du bruit en dB(A) lisse en apparence les véritables gains en matière d’intensité sonore : retirer 3 dB(A) correspond en fait à une division par deux de l’intensité sonore. La baisse de 10 dB(A) sur les quais bas correspond donc à une baisse considérable des nuisances sonores (une réduction au-delà d’un facteur 8), alors que sur les quais hauts la situation reste assez stable. Globalement, loin

25 Parmi ces mesures une seule porte sur les quais hauts 45, quai des Grands Augustins les autres sont situées sur les berges elles-mêmes.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

36/39

d’être peu sensible, l’impact acoustique du réaménagement des berges est au contraire extrêmement significatif et très favorable.

3.4. L’impact contrasté sur la qualité de l’air

Deux séries de mesures ont été réalisées par les services de la Ville de Paris en saisons contrastées par le laboratoire d’hygiène de la Ville de Paris26, avant et après la réalisation de l’opération d’aménagement.

Les deux campagnes de mesures révèlent que si la pollution automobile a logiquement baissé sur les berges après la fermeture à la circulation automobile (les niveaux de NO2 le long des berges ont baissé d’environ 15 % en moyenne27), elle s’est accrue nettement sur les axes de report de circulation (quais hauts des berges et rue de Rivoli).

Sur ces axes les niveaux de pollution sont supérieurs à ceux mesurés sur les autres grands axes parisiens. Toutefois, l’impact de ce report de circulation sur la qualité de l’air est limité pour le dioxyde d’azote alors qu’il a tendance à persister pour les hydrocarbures.

Compte tenu des reports de circulation des rives vers les quais, les développements ci-après se sont concentrés non sur les points de mesures situés sur les berges dont il est avéré qu’ils enregistrent une décroissance de la pollution28, mais sur les points qui concernent les résidents parisiens29.

Le long de ces axes de report de circulation, les teneurs en dioxyde d’azote (NO2) et autres polluants étaient supérieures de 12 % en moyenne à celles mesurées le long des grands boulevards parisiens. Il en résulte que le niveau moyen des teneurs relevées sur le quai Anatole France sont identiques au bord du boulevard périphérique Est (entre 77 à 92 μg/m3)30.

26 Au cours de l’année 2013 en période hivernale et estivale (hors période de vacances scolaires) de la qualité de l’air le long des berges de Seine.

27 Comme il était prévisible, les enquêtes ont mis en évidence des niveaux de pollution hétérogènes le long des berges : des niveaux faibles, proches du niveau de fond parisien, aux extrémités de la zone aménagée, mais sensiblement impactés par le trafic automobile dans sa portion centrale.

28 Le long des berges, le niveau de pollution le long des berges de Seine est hétérogène et globalement supérieur au niveau de fond parisien d’environ 30 % pour le dioxyde d’azote, de 20 % pour le benzène et de plus de 50 % pour les autres hydrocarbures. Les teneurs les plus élevées ayant été relevées entre le pont Alexandre III et le pont Royal où elles étaient de 30 % supérieures aux teneurs de fond.

29 Les points retenus sont situés sur les axes de report de circulation : Quai d’Orsay – côté bâtiment/ Quai Anatole France près du Musée d’Orsay – côté bâtiment / 224 rue de Rivoli, 1er arrondissement, côté galerie et en retrait des axes de report de circulation : 4 Rue Duphot/ Rue de Port Mahon, 2ème arrondissement/ Intersection rue de l’Université et bd Saint-Germain /70 rue de l’Université, 7ème arrondissement/ 246 bd Saint-Germain, 7ème arrondissement.

30 Quelles que soient les conditions météorologiques, les résultats en ces points sont supérieurs aux données AIRPARIF relevées le long des boulevards et avenues parisiens et pour lesquels les teneurs étaient relativement homogènes, à hauteur de 73 μg/m3 en moyenne. En retrait des axes de report, l’impact de la fermeture reste perceptible sur les grands boulevards à hauteur de moins de 10 % par rapport aux boulevards parisiens. Au niveau du boulevard Saint-Germain les niveaux de NO2 étaient soutenus et légèrement supérieurs aux niveaux mesurés par AIRPARIF le long de grands boulevards parisiens.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

37/39

L’impact du report de circulation est notablement plus important en présence de vents de secteur Nord, provenant du quai Anatole France. Une différence de 20 % avec la moyenne des boulevards parisiens a été relevée.

Sur tous les axes de report de circulation, les teneurs en dioxyde d’azote et en benzène sont respectivement de 13 % et de 25 % supérieures à celles mesurées le long de grandes avenues ou boulevards parisiens.

En retrait des grands axes, les niveaux de dioxyde d’azote diminuent légèrement pour rejoindre ceux des axes parisiens de configuration similaire (confer tableau annexe v).

En retrait des berges, les études montrent une augmentation des niveaux de benzène, toluène et o-xylène. Comme le note le laboratoire, « Alors que l’objectif de qualité annuel pour le benzène de 2 μg/m3 était très probablement respecté à l’état initial, il est dépassé à l’état final ».

En ce qui concerne le résultat des mesures concernant les particules fines31, le Laboratoire observe qu’il n’est pas possible de conclure à un impact en raison de la volatilité de ce type de pollution.

Durant la période hivernale, les particules fines mesurées sur le quai Anatole France ont été essentiellement d’origine régionale, voire plus lointaine. La contribution de l’émission locale a été très faible pour les plus fines (PM2,5), et comparable aux autres grands axes parisiens, en particulier le boulevard Haussmann, pour les plus grosses (PM10).

La distribution des teneurs horaires en particules fines PM10 était sensiblement identique à celle mesurée aux abords du boulevard Haussmann. Contrairement aux polluants gazeux, aucune surexposition aux particules PM10 par rapport aux autres grands boulevards parisiens n’a été relevée sur cet axe majeur de report de circulation.

La Ville observe en conclusion que cet aménagement a contribué à l’ensemble des projets développés par la Ville pour réduire la circulation automobile, réduire la pollution et favoriser une mobilité durable.

« Depuis 2001, date à laquelle la Ville de Paris a engagé les politiques de rééquilibrage de l’espace public et de lutte contre la pollution, on constate moins 28 % de déplacements en voiture, soit une baisse tendancielle d’environ 2 % à 3 % par an. Cette baisse constante voire en progression du trafic automobile a permis d’envisager des aménagements visant à réduire la place de la voiture qui n’étaient pas possibles avant.

Comme l’a montré l’étude publiée en juillet 2013 par Airparif (disponible sur le site internet d’Airparif, rubrique « nos publications »), l’impact des aménagements de voirie réalisés à Paris entre 2002 et 2012, en aboutissant à la diminution générale du trafic et à une diminution de la vitesse de circulation, est significatif en matière de qualité de l’air. L’étude a pu démontrer que

31 Les particules fines de diamètres aérodynamiques inférieurs à 10 μm (PM10) et 2,5 μm (PM2,5). A Paris, elles sont issues localement de chantiers, du trafic automobile et du chauffage urbain, mais peuvent être également d’origine plus lointaine en raison de leur transportabilité. Les PM10 pénètrent dans l’appareil respiratoire et peuvent induire des effets respiratoires ou cardiovasculaires pouvant varier en fonction de leur taille et de leur composition. Les particules les plus fines, les PM2,5 atteignent les alvéoles pulmonaires avec aggravation des effets sanitaires.

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

38/39

l’effet de ces aménagements a permis de réduire les émissions de polluants atmosphériques d’environ 10% (-11% pour les oxydes d’azote et -9% pour les particules fines). Mais trop de Parisiens restent encore exposés à des niveaux de pollution très élevés ; c’est pourquoi la Ville de Paris souhaite continuer cette politique de lutte contre la pollution ».

L’opération d’aménagement des Berges de Seine (75) – Exercices 2010 et suivants – Observations définitives

39/39

ANNEXE

REPORTS DE CIRCULATION

REPONSE

de Madame la Maire

de la Ville de Paris (*)

(*) Cette réponse jointe au rapport engage la seule responsabilité

de son auteur, conformément aux dispositions de l'article L. 243-5

du code des juridictions financières.

Le projet d’aménagement des berges de Seine constitue une des réalisations phares de la précédente

mandature. Projet inédit par l’ampleur des transformations apportées à des infrastructures routières

existantes, il a fait l’objet d’un pilotage dédié et rigoureux, en lien avec l’ensemble des services de l’Etat

compétents, afin de livrer dans un calendrier ambitieux un nouveau partage de l’espace public au bord du

fleuve, dans un site classé au patrimoine mondial par l’UNESCO.

Concernant la genèse du projet d’aménagement des berges de Seine, dont la Chambre souligne à juste titre

le régime juridique complexe, la Ville souhaite à nouveau rappeler l’ampleur et la qualité du processus de

concertation préalable qui a été mené en 2010. Ce projet a donné lieu à une vaste et riche phase de

concertation préalable, qui a débuté en juillet 2010, et s’est achevée le 30 novembre 2010 par une réunion

publique à l’échelle métropolitaine à Docks en Seine, présidée par le Maire de Paris, en présence de plusieurs

élus de la métropole, au premier rang desquels Jacques JP Martin, président de Paris Métropole. Il a été

enrichi de nombreux avis et idées, qui ont permis d’associer toutes les personnes concernées, à l’échelle

métropolitaine, selon un dispositif à la hauteur de l’ambition portée par la municipalité pour ce projet, et en

recherchant aussi la participation de certains publics généralement absents des processus de concertation

(notamment les jeunes et les enfants à travers divers ateliers). Au total et tous supports confondus (registres,

forums, fiches de contribution, prises de parole lors des très nombreuses réunions publiques), ce sont près de

2300 contributions qui ont enrichi la concertation et plus de 3200 avis qui ont été formulés.

La Ville précise que l’étude d’impact a été élaborée sur la base du projet arrêté à l’issue de cette phase de

concertation et qu’elle a été le support de la phase d’enquête publique qui s’est déroulée à l’été 2011. Il est

inexact d’affirmer comme le fait la Chambre que l’étude d’impact a été conduite en « mode simplifié malgré

l’absence de compétition». D’une part, la Ville réaffirme avec vigueur que la négociation avec l’unique

candidat ayant remis une offre a permis d’optimiser le temps consacré à certains volets de l’étude d’impact

sans nuire à la qualité des prestations exigées et du rendu final, comme en attestent les appréciations portées

par l’autorité environnementale dans son avis ainsi que les décisions de justice qui ont relevé que l’étude

d’impact du projet n’est entachée d’aucune insuffisance. D’autre part, les règles issues du code des marchés

publics ont été scrupuleusement respectées dans le cadre de cette procédure de passation et, bien qu’une

seule offre ait été remise (malgré la trentaine de dossiers de consultation retirés par des entreprises), la Ville

n’avait aucune raison valable d’écarter cette offre qui n’était ni irrégulière, ni inacceptable.

La Chambre évoque, concernant la réalisation elle-même de l’aménagement des berges, une réalisation

désordonnée. Si la complexité du projet est avérée, et s’il a connu des aléas, le qualificatif « désordonnée »

n’est pour autant pas adapté pour caractériser la réalité du déroulement du chantier des berges.

Il est d’abord évoqué de fortes variations de coûts entre le projet et sa réalisation :

Le souci constant d’optimiser le coût de l’opération a conduit effectivement à revoir dans un premier temps le

montant estimé de l’opération de 40 à 35 M€, à l’issue de la phase de concertation qui a permis de stabiliser le

projet, et ensuite à rechercher encore des sources d’économies dans la mise en œuvre des différentes

composantes du projet global (par réduction ou suppression des prestations envisagées). En particulier, il a été

décidé de ne pas poursuivre le projet d’aménagement d’une péniche du sport, après deux appels d’offres

infructueux (offres très supérieures aux estimations). En outre, la Ville souligne que diverses subventions ont

été obtenues auprès de l’agence de l’eau Seine Normandie et de l’Etat. La Ville se félicite que le coût final

d’investissement se soit établi à environ 31M€, montrant une variation importante certes, mais dans le sens

d’une économie significative que la Chambre aurait pu au contraire souligner.

Réponse aux observations définitives relatives à l’examen de la gestion

de l’opération d’aménagement des berges de Seine

Concernant les coûts d'exploitation et de programmation du site, la Chambre relève dans la synthèse du

rapport qu’ils sont passés d’une prévision de 2 à un montant de 5 M€ par an. Le projet n’a été stabilisé et

validé qu’à l’issue de l’enquête publique et de la déclaration de projet. Les deux grands postes de dépense

pour le site ont été alors précisés, avec d’une part le marché de production déléguée pour l’animation des

berges, d’un montant maximal de 5 M€ par an et d’autre part l’exploitation courante (intégrant la redevance

à Ports de Paris, la propreté, la sécurité) pour environ 1,5 M€. Depuis le début de l’année 2016, la fin du

marché de production déléguée pour l’animation des berges limite les coûts annuels aux frais d’exploitation

courante. En outre, la Ville a contractualisé avec Ports de Paris, au Conseil de Paris de Septembre dernier, à la

fois une baisse de la redevance liée à la convention d’occupation des berges rive gauche et la mise en œuvre

d’une participation du Port aux frais d’exploitation de cet espace.

Il est ensuite évoqué de fortes perturbations dans la réalisation des aménagements. La Ville a expliqué

longuement la nature des évènements rencontrés, que l’on peut plus simplement qualifier d’aléas, avec la

défaillance de l’entreprise CITEC cotraitante de l’entreprise BOUYGUES mandataire du groupement conjoint

titulaire du marché de travaux de l’archipel, d’une part, et les crues tardives qui ont eu un impact sur le

marché de réalisation de l’emmarchement, d’autre part.

La Chambre en termine sur cette phase de réalisation en évoquant l’environnement « contestable » du marché

d’animation des berges. La conclusion de différents avenants n’est en rien liée à une mauvaise exécution des

prestations du marché. Le premier a pris acte des conséquences du refus du Premier Ministre de l’époque,

d'autoriser la mise en œuvre du projet d’aménagement des berges sur la rive gauche et des modifications des

nouveaux délais de livraison du projet.

Le second concerne l’articulation entre ce marché et la constitution d’une structure unique en charge de

l’animation et de la valorisation de l’espace public parisien. Il a été ainsi décidé de réduire de 5 mois la durée

de la tranche 4.

Le dernier avenant prend acte d’arbitrages budgétaires opérés par la collectivité (comme le site internet

dédié) et la non-consommation de certains postes prévus au marché (telles les provisions).

Les prestations ont été refacturées à la Ville sur la base de justificatifs fournis par ARTEVIA à l’appui de sa

facture mensuelle.

La Ville de Paris a assuré le service fait de la facture mensuelle en s'assurant systématiquement de la

conformité des prestations mises en œuvre sur les berges au regard de la programmation validée et des

budgets correspondants et qui s’est effectué sur la base d’une revue des pièces justificatives transmises par

ARTEVIA.

En complément de son contrôle, elle a opéré un ensemble de vérifications portant notamment sur les taux de

TVA, les montants, et les totaux, les répartitions des sommes par cotraitants, ainsi que les mentions devant

impérativement figurer sur les factures justificatives des prestataires d’Artevia (nom et raison sociale du

créancier, numéro de SIREN ou de SIRET, date d'exécution des prestations, décompte des sommes dues en

précisant la nature et la quantité des prestations, taux et montant de la TVA applicable au moment des

prestations…). Ce filtrage était de nature à sécuriser les prestations refacturées à la Ville.

La Ville affirme à nouveau que les dépenses imputées sur le budget d’animation, auxquelles semble se référer

la Chambre pour évoquer un manque de rigueur dans les conditions de refacturation des prestations

d’animation, concernent pourtant directement la réalisation des animations prévues dans la cadre de la

programmation. Par exemple, pour la mise en œuvre d’une animation de type concert sont imputés les frais

liés à la rémunération des artistes, le montage et le démontage des installations techniques, dont la

sonorisation, ainsi que leur location, le gardiennage éventuel lié à la sécurisation des biens et des personnes,

les bureaux de contrôle…

L’animation des berges a été assurée par le prestataire au quotidien avec des équipements en libre accès et

avec une programmation autour de la nature, de la culture et du sport, régulière et de très grande qualité,

répondant parfaitement aux objectifs assignés par la Ville dans le marché.

Enfin, le bilan très favorable de l’opération n’est évidemment plus à démontrer, tant en matière de

fréquentation du site (6 millions de visiteurs) et de développement de nouveaux usages, de mise en valeur

des berges, du renforcement de la biodiversité, que d’amélioration de la qualité de l’air et de réduction

des nuisances sonores.

En particulier, le projet a entrainé une baisse globale très significative de la circulation sur les quais rive

gauche (berges et quais hauts), qui est nécessairement favorable en termes d’amélioration de la qualité de

l’air. Les campagnes de mesures in situ ont montré en particulier une baisse moyenne de 15% de la teneur en

dioxyde d’azote, malgré un contexte météorologique –pendant les périodes de mesures- favorables à

l’élévation des niveaux de pollution de l’air parisien. Ce contexte peut expliquer d’ailleurs des mesures

ponctuelles aux résultats plus contrastés, notamment sur les voies de report pendant une situation transitoire.

Ce projet a très significativement contribué à l’ensemble des projets développés par la Ville pour réduire la

circulation automobile, réduire la pollution et favoriser une mobilité durable.

Depuis 2001, date à laquelle la Ville de Paris a engagé les politiques de rééquilibrage de l’espace public et de

lutte contre la pollution, on constate moins 28 % de déplacements en voiture, soit une baisse tendancielle

d’environ 2 % à 3 % par an. Cette baisse constante voire en progression du trafic automobile a permis

d’envisager des aménagements visant à réduire la place de la voiture qui n’étaient pas possibles avant.

Comme l’a montré l’étude publiée en juillet 2013 par Airparif, l’impact des aménagements de voirie réalisés à

Paris entre 2002 et 2012, en aboutissant à la diminution générale du trafic et à une diminution de la vitesse de

circulation, est significatif en matière de qualité de l’air. L’étude a pu démontrer que l’effet de ces

aménagements a permis de réduire les émissions de polluants atmosphériques d’environ 10% (-11% pour les

oxydes d’azote et -9% pour les particules fines). Mais trop de Parisiens restent encore exposés à des niveaux de

pollution très élevés ; c’est pourquoi la Ville de Paris souhaite continuer cette politique de lutte contre la

pollution et s’est engagée dans la piétonisation des berges de la rive droite, dont l’intérêt général a d’ores et

déjà été reconnu par la justice dans le cadre d’un référé contre la déclaration de projet.

Chambre régionale des comptes d’Île-de-France6, Cours des RochesBP 187 NOISIEL77315 MARNE-LA-VALLÉE CEDEX 2Tél. : 01 64 80 88 88www.ccomptes.fr/ile-de-france

« La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration »

Article 15 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen

L’intégralité de ce rapport d’observations définitives est disponible sur le site internet

de la chambre régionale des comptes d’Île-de-France : www.ccomptes.fr/ile-de-france