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loulou & yves Quarante années de mode comme on ne les a jamais lues ! Un livre d’une liberté folle ! Pendant trente ans, Yves Saint Laurent a eu à ses côtés Loulou de la Falaise, son alliée créatrice, sa magicienne, sa muse – même si elle trouvait ce mot si inadéquat que lorsqu’on l’évoquait devant elle, ses bracelets s’entrechoquaient avec frustration. À la ville comme à l’atelier, les doigts chargés de turquoises énormes, une coquille de nautile pendue au cou, elle fut celle qui murmurait à l’oreille d’Yves, qui l’éloignait du bord de l’abîme, qui le soutenait et l’encourageait, celle qui tenait salon au Sept, qui promenait Moujik, qui écumait les souks, celle aussi qui levait la bouteille, qui roulait les joints et qui sniffait, celle encore qui jouait à se déguiser, qui peignait la vie en rose, qui se coiffait de turbans et s’enveloppait de châles, qui faisait sortir de ses rêves des bijoux de fantaisie, objets de toutes les convoitises, dans des matériaux aussi inattendus que le liège ou le carton, celle enfin qui faisait basculer le look Saint Laurent dans quelque chose d’autre et de résolument nouveau. Parce que les gens ont tendance à se montrer plus loquaces avec un verre à la main, Loulou & Yves a été conçu comme une cocktail party, comme l’assemblage des souvenirs de plus de deux cents « invités », entremêlés les uns aux autres pour tisser l’histoire chronologique de la vie de Loulou. Parmi ces invités figurent les maris, les amants, la famille élargie, les amis, les ennemis, les détracteurs à peine moins acerbes, les collègues, les groupies, Yves, les grands pontes, les parasites… et Grace Jones. Une biographie orale qui autorise à entremêler les pages d’un journal intime, les lettres et les coupures de presse, sans oublier les témoignages résultant de plus de cent cinquante interviews originales. Les voix parlent pour elles-mêmes, sans censure, avec leurs propres mots, avec leur style particulier. Certaines de ces conversations sont aimantes, d’autres sont rosses… comme seul le monde de la mode peut l’être ! Avec la participation de Pierre Bergé, Bruce Chatwin, Marianne Faithfull, Inès de La Fressange, Hubert de Givenchy, Mick Jagger, Robert Mapplethorpe, Helmut Newton, Keith Richards, Patti Smith, Kenzo Takada, Diana Vreeland, Andy Warhol… : quand du beau monde bouscule le Beau Monde ! Parangon du glamour sans effort, Loulou a fait deux beaux mariages (‘‘ Je ne suis pas une croqueuse de diamants ni quoi que ce soit de ce genre, mais je réussis en général à obtenir un château… Mes deux maris en ont tous les deux un fabuleux. ”) et, ayant joui d’une vie débordante de sexe, de drogue et d’éclat cosmopolite, a accédé au haut du panier de la mode internationale grâce à son charme et en devenant la muse d’Yves Saint Laurent, lequel a imprégné ses créations de ses turbans et tuniques chic, finalement la laisser sans rien. Petkanas opte pour une histoire orale, laissant de La Falaise (décédée en 2011) et son cercle clinquant raconter son histoire. Il en résulte une double affirmation : l’industrie de la mode comme fosse à vipères superficielles parées de beaux atours ; la fascination que de La Falaise a suscitée, en raison non seulement de son rôle de gamine de la haute, mais de son indifférence à l’égard de tout ce tapage étincelant. [...] Le livre – assemblé à partir de 153 interviews originales, ainsi que d’innombrables extraits de lettres, de journaux intimes, d’articles et d’autres éphémères – entraîne le lecteur dans un tour de carrousel vertigineux autour de centaines de noms européens de premier plan et des détails de leur vie louche dans les années 1970 et 1980. Même pour ceux qui ne sont pas investis dans les moindres détails de la jet-set, c’est un cocktail de champagne littéraire qui descend facilement en passant de citation en citation, chacune scandaleuse, ironique, vicieuse, complice ou salace, et souvent les cinq en même temps. Petkanas livre une dissection méticuleuse de notre fascination sans fin pour les femmes en vogue et envoûtantes qui refusent de nous laisser entrer et sur lesquelles nous projetons nos fantasmes, nos désirs, voire même notre haine. Par Michael Callahan (The New York Times Book Review) Loulou & Yves de Christopher Petkanas : un cocktail de champagne... littéraire La légendaire Loulou de La Falaise et Thadée Klossowski... Paloma Picasso et Bianca Jagger... feu Pierre Bergé et Yves Saint Laurent... Baronne Guy de Rothschild, reine mondaine de Paris ! Lisez tout sur ces monstres sacrés dans Loulou & Yves de Christopher Petkanas. Ce livre est une biographie orale de la mode parisienne pendant les années scintillantes Loulou était le lien entre tous les personnages ! C’est une histoire moderne à la Balzac ! Vous aurez envie de donner le livre et aussi de le lire. [...] Petkanas a réalisé avec ce livre un coup artistique fracassant, il vous absorbe dans l’histoire de la haute couture des années 1970. — André Leon Talley, journaliste de mode (Vogue US, The New York Times...) ...Le monde de la haute couture d’antan est ramené à la vie dans une histoire orale qui se lit de façon compulsive : Loulou & Yves. Que signifie vraiment être la « muse » d’un designer ? Lisez le livre et vous le découvrirez. —Vanessa Friedman, The New York Times [Loulou & Yves] est sans aucun doute une lecture incontour- nable pour tous les passionnés de la légende Saint Laurent. — JoelleDiderich, Women’sWearDaily Pendant 30 ans, [Loulou de La Falaise] a aidé Saint Laurent à voir les choses en rose. Ce nouveau livre révèle pourquoi le créateur en difficulté a été attiré par le style extravagant de son bras droit… — Lauren Cochrane, The Guardian SAINT LAURENT : UNE MAISON, UN CRÉATEUR THADÉE OU RICARDO ? INFORMATION DE DERNIÈRE MINUTE C’est en 1972 que Loulou de La Falaise fait son entrée chez YSL, et ce d’une façon tout à fait inattendue. LOULOU [Yves et moi] étions amis. Je veux dire que s’il avait trouvé quelqu’un de très talentueux mais qu’il ne connaissait pas du tout, il n’aurait pas pu travailler avec. Vous savez, il est très timide, très étrange comme ça. Il a besoin d’être entouré de gens qu’il aime bien, qui sont des amis, avec qui il est intime, avec qui il peut se détendre et poursuivre son travail habituel. INÈS DE LA FRESSANGE Karl Lagerfeld est proba- blement la dernière personne aujourd’hui qui peut engager quelqu’un comme Yves a engagé Loulou, en Après Fernando Sanchez, Loulou a jeté son dévolu sur Ricardo Bofill, tout en flirtant avec Thadée Klossowski de Rola. THADÉE KLOSSOWSKI DE ROLA À son retour [à Paris de New York], Loulou se trouvait être la meilleure amie de la femme avec laquelle je vivais [Clara Saint]. C’était donc impossible. Et l’adultère, quel ennui !… [Loulou] avait une vie sexuelle et sentimentale très active. Elle était un miracle d’énergie et de résistance. Moi j’étais pauvre et fou amoureux d’elle. CHRISTOPHER PETKANAS En 1972, Thadée était amoureux de Loulou depuis trois ans – et Clara Alors que la fête continue de battre son plein soir après soir, Thadée obtient ce qu’il souhaitait si ardemment. CAROLINE LOEB J’ai rencontré Thadée au Club Sept en 1975. Il était sur la piste de danse avec une béquille, la jambe dans le plâtre. Il n’était pas beau, il était sublime : un visage long, une mâchoire carrée, un nez aquilin. Il remuait les hanches comme un pantin articulé et il est tombé. Moi aussi, amoureuse, et complètement. Nous sommes rentrés ensemble dans mon studio, un peu cuits. Je l’aimais. Il m’appréciait bien assez. GRACE JONES [Le Sept] attirait les célébrités, les chauds lapins, les intellectuels, les gens chics, les Lire la suite p. 2 Lire la suite p. 2 Lire la suite p. 3 aux ÉDITIONS SÉGUIER novembre 2020 Loulou au sommet de sa splendeur, Paris, vers 1982. © Jean-Pierre Masclet

loulou & yves...loulou & yves Quarante années de mode comme on ne les a jamais lues! Un livre d’une liberté folle ! Pendant trente ans, Yves Saint Laurent a eu à ses côtés Loulou

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Page 1: loulou & yves...loulou & yves Quarante années de mode comme on ne les a jamais lues! Un livre d’une liberté folle ! Pendant trente ans, Yves Saint Laurent a eu à ses côtés Loulou

loulou & yvesQuarante années de mode comme on ne les a jamais lues !

Un livre d’une liberté folle !Pendant trente ans, Yves Saint Laurent a eu à ses

côtés Loulou de la Falaise, son alliée créatrice, sa magicienne, sa muse – même si elle trouvait

ce mot si inadéquat que lorsqu’on l’évoquait devant elle, ses bracelets s’entrechoquaient

avec frustration. À la ville comme à l’atelier, les doigts chargés de turquoises énormes, une

coquille de nautile pendue au cou, elle fut celle qui murmurait à l’oreille d’Yves, qui l’éloignait du bord de l’abîme, qui le soutenait et l’encourageait,

celle qui tenait salon au Sept, qui promenait Moujik, qui écumait les souks, celle aussi qui levait la bouteille, qui roulait les joints et qui sniffait, celle encore qui jouait à se déguiser, qui peignait la vie en rose, qui se coiffait de

turbans et s’enveloppait de châles, qui faisait sortir de ses rêves des bijoux de fantaisie, objets de

toutes les convoitises, dans des matériaux aussi inattendus que le liège ou le carton, celle enfin qui faisait basculer le look Saint Laurent dans

quelque chose d’autre et de résolument nouveau.

Parce que les gens ont tendance à se montrer plus loquaces avec un verre à la main, Loulou & Yves a été conçu comme une cocktail party, comme l’assemblage des souvenirs de plus de deux cents « invités », entremêlés les uns aux autres pour tisser l’histoire chronologique de la vie de Loulou. Parmi ces invités figurent les maris, les amants, la famille élargie, les amis, les ennemis, les détracteurs à peine moins acerbes, les collègues, les groupies, Yves, les grands pontes, les parasites… et Grace Jones. Une biographie orale qui autorise à entremêler les pages d’un journal intime, les lettres et les coupures de presse, sans oublier les témoignages résultant de plus de cent cinquante interviews originales. Les voix parlent pour elles-mêmes, sans censure, avec leurs propres mots, avec leur style particulier. Certaines de ces conversations sont aimantes, d’autres sont rosses… comme seul le monde de la mode peut l’être !

Avec la participation de Pierre Bergé, Bruce Chatwin, Marianne Faithfull, Inès de La Fressange, Hubert de Givenchy, Mick Jagger, Robert Mapplethorpe, Helmut Newton, Keith Richards, Patti Smith, Kenzo Takada, Diana Vreeland, Andy Warhol… : quand du beau monde bouscule le Beau Monde !

Parangon du glamour sans effort, Loulou a fait deux beaux mariages (‘‘ Je ne suis pas une croqueuse de diamants ni quoi que ce soit de ce genre, mais je réussis en général à obtenir un château… Mes deux maris en ont tous les deux un fabuleux. ”) et, ayant joui d’une vie débordante de sexe, de drogue et d’éclat cosmopolite, a accédé au haut du panier de la mode internationale grâce à son charme et en devenant la muse d’Yves Saint Laurent, lequel a imprégné ses créations de ses turbans et tuniques chic, finalement la laisser sans rien. Petkanas opte pour une histoire orale, laissant de La Falaise (décédée en 2011) et son cercle clinquant raconter son histoire. Il en résulte une double affirmation : l’industrie de la mode comme fosse à vipères superficielles parées de beaux atours ; la fascination que de La Falaise a suscitée, en raison non seulement de son rôle de gamine de la haute, mais de son indifférence à l’égard de

tout ce tapage étincelant. [...] Le livre – assemblé à partir de 153 interviews originales, ainsi que d’innombrables extraits de lettres, de journaux intimes, d’articles et d’autres éphémères – entraîne le lecteur dans un tour de carrousel vertigineux autour de centaines de noms européens de premier plan et des détails de leur vie louche dans les années 1970 et 1980. Même pour ceux qui ne sont pas investis dans les moindres détails de la jet-set, c’est un cocktail de champagne littéraire qui descend facilement en passant de citation en citation, chacune scandaleuse, ironique, vicieuse, complice ou salace, et souvent les cinq en même temps. Petkanas livre une dissection méticuleuse de notre fascination sans fin pour les femmes en vogue et envoûtantes qui refusent de nous laisser entrer et sur lesquelles nous projetons nos fantasmes, nos désirs, voire même notre haine.Par Michael Callahan (The New York Times Book Review)

Loulou & Yves de Christopher Petkanas : un cocktail de champagne... littéraireLa légendaire Loulou de La Falaise et Thadée Klossowski... Paloma Picasso et Bianca Jagger... feu Pierre Bergé et Yves Saint Laurent... Baronne Guy de Rothschild, reine mondaine de Paris ! Lisez tout sur ces monstres sacrés dans Loulou & Yves de Christopher Petkanas. Ce livre est une biographie orale de la mode parisienne pendant les années scintillantes où Loulou était le lien entre tous les personnages ! C’est une histoire moderne à la Balzac ! Vous aurez envie de donner le livre et aussi de le lire. [...] Petkanas a réalisé avec ce livre un coup artistique fracassant, il vous absorbe dans l’histoire de la haute couture des années 1970. — André Leon Talley, journaliste de mode (Vogue US, The New York Times...)

...Le monde de la haute couture d’antan est ramené à la vie dans une histoire orale qui se lit de façon compulsive : Loulou & Yves. Que signifie vraiment être la « muse » d’un designer ? Lisez le livre et vous le découvrirez. — Vanessa Friedman, The New York Times

[Loulou & Yves] est sans aucun doute une lecture incontour-nable pour tous les passionnés de la légende Saint Laurent. — Joelle Diderich, Women’s Wear Daily

Pendant 30 ans, [Loulou de La Falaise] a aidé Saint Laurent à voir les choses en rose. Ce nouveau livre révèle pourquoi le créateur en difficulté a été attiré par le style extravagant de son bras droit… — Lauren Cochrane, The Guardian

SAINT LAURENT : UNE MAISON, UN CRÉATEUR THADÉE OU RICARDO ? INFORMATION DE DERNIÈRE MINUTEC’est en 1972 que Loulou de La Falaise fait son entrée chez YSL, et ce d’une façon tout à fait inattendue.

LOULOU [Yves et moi] étions amis. Je veux dire que s’il avait trouvé quelqu’un de très talentueux mais qu’il ne connaissait pas du tout, il n’aurait pas pu travailler avec. Vous savez, il est très timide, très étrange comme ça. Il a besoin d’être entouré de gens qu’il aime bien, qui sont des amis, avec qui il est intime, avec qui il peut se détendre et poursuivre son travail habituel.

INÈS DE LA FRESSANGE Karl Lagerfeld est proba-blement la dernière personne aujourd’hui qui peut engager quelqu’un comme Yves a engagé Loulou, en

Après Fernando Sanchez, Loulou a jeté son dévolu sur Ricardo Bofill, tout en flirtant avec Thadée Klossowski de Rola.

THADÉE KLOSSOWSKI DE ROLA À son retour [à Paris de New York], Loulou se trouvait être la meilleure amie de la femme avec laquelle je vivais [Clara Saint]. C’était donc impossible. Et l’adultère, quel ennui !… [Loulou] avait une vie sexuelle et sentimentale très active. Elle était un miracle d’énergie et de résistance. Moi j’étais pauvre et fou amoureux d’elle.

CHRISTOPHER PETKANAS En 1972, Thadée était amoureux de Loulou depuis trois ans – et Clara

Alors que la fête continue de battre son plein soir après soir, Thadée obtient ce qu’il souhaitait si ardemment.

CAROLINE LOEB J’ai rencontré Thadée au Club Sept en 1975. Il était sur la piste de danse avec une béquille, la jambe dans le plâtre. Il n’était pas beau, il était sublime : un visage long, une mâchoire carrée, un nez aquilin. Il remuait les hanches comme un pantin articulé et il est tombé. Moi aussi, amoureuse, et complètement. Nous sommes rentrés ensemble dans mon studio, un peu cuits. Je l’aimais. Il m’appréciait bien assez.

GRACE JONES [Le Sept] attirait les célébrités, les chauds lapins, les intellectuels, les gens chics, les

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aux ÉDITIONS SÉGUIER

novembre 2020

Loulou au sommet de sa splendeur, Paris, vers 1982. © Jean-Pierre Masclet

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Suite de la première page ...rencontrant la fille d’une amie, par exemple, et en l’emmenant travailler chez Chanel. C’est bien mieux aujourd’hui d’avoir un diplôme de Saint Martins et un portfolio si vous voulez travailler dans un studio de mode.

JACQUES GRANGE La strate sociale dont Loulou était issue, son éducation anglo-saxonne, cela plaisait à Yves. C’est comme Marie-Laure de Noailles. Elle et Loulou étaient des fleurs de serre. Les gens pensent qu’être une aristocrate et avoir un sens de la mode, de la noblesse et de l’imagination est trivial. Mais c’est incroyablement fécond.

ROBERT COUTURIER Le dédain de Loulou et de Maxime pour l’élégance conventionnelle est entièrement lié à leur éducation. Elles n’auraient jamais été aussi bohèmes si elles n’avaient pas été aristocrates. Saint Laurent ne connaissait rien de ce monde ; c’est Loulou qui le lui a fait découvrir, qui lui a appris. Bien sûr, Maxime était jalouse d’elle. Elle ne souhaitait jamais le bien des autres, ou en tout cas pas autant qu’à elle-même. La mère et la fille étaient toutes deux décadentes, de manière malsaine, mais avec une qualité poétique, à la différence de cette horrible bonne femme, l’autre muse, l’amie de Loulou – quel est son nom déjà ? Je ne peux pas la supporter. Betty Catroux. Celle-là est vraiment décadente. Répugnante.

LOULOU C’était l’époque où la mode connaissait le plus grand changement de son histoire et où les mentalités changeaient énormément aussi. Pour la première fois, les femmes n’étaient plus forcées d’avoir l’air de « dames », elles pouvaient aussi avoir l’air qui leur chantait. Je crois qu’Yves a été très frappé par la liberté du Londres des années soixante, qu’il a vue en moi tout de suite. Il voulait aussi goûter à cette friandise-là… Je me sentais plus proche de cette créativité juvénile, cosmopolite dans l’esprit, que de la solennité parisienne ; ça chiffonnait pas mal les couturiers, qui avaient plutôt leurs entrées chez la comtesse de Paris…

THADÉE KLOSSOWSKI DE ROLA [Loulou] était le contraire d’une Parisienne. Nous, on moquait toujours le côté « Air France » d’Yves parce qu’il aimait les tailleurs bleu marine…

YVES C’est important pour moi d’avoir Loulou près de moi quand je travaille sur une collection… Sa présence à mes côtés est un rêve… C’est lié à son attitude, sa franchise… Je ne peux pas expliquer en quoi consiste son travail… Je travaille d’une manière bien plus légère et moins angoissante depuis que Loulou est ici. J’ai confiance en ses réactions. Elles peuvent être violentes mais toujours positives. Et il y a beaucoup d’humour. Nous rions beaucoup, surtout quand les choses deviennent difficiles et que nous sommes fatigués. Elle est une table d’harmonie. Je lui envoie des idées et celles-ci reviennent plus claires, et il commence alors à se passer quelque chose. Elle ne se trompe jamais. Elle a un sens de la mode – comme sa mère et sa grand-mère… Elle est le charme, la poésie, l’excès, l’extravagance et l’élégance réunis en une seule personne.

MAXIME DE LA FALAISE Yves et Pierre sont tombés amoureux [de Loulou], de ce petit feu follet toujours

virevoltant, toujours plein d’idées et de blagues, anticonformiste, dingue. En réalité, c’était la première fois que Loulou laissait derrière elle la famille, la vie conjugale, tout ça, et elle vivait enfin dans un milieu qu’elle adorait.

NICOLE DORIER C’était l’idée de Mme Muñoz que Loulou supervise le maquil-lage du défilé – à cette époque il n’y avait pas d’artistes maquilleurs, les manne-quins se maquillaient elles-mêmes. Loulou dirigeait aussi Alexandre, le coiffeur, et lui expliquait le genre de coiffures que M. Saint Laurent dési-rait. Elle était sa magicienne. D’un coup de sa baguette magique, avec une écharpe ou une bague, elle créait des instants de mode magiques.

VIOLETA SANCHEZ Le studio descen-dait dans le grand salon une semaine avant le défilé, parce qu’on avait besoin de plus d’espace et d’un contexte plus neutre et propre pour décider du look final. Les canapés et une longue table

étaient couverts de toiles et tous les bi-joux, les chapeaux, les gants posés des-sus… Tout le monde était là, la modiste, le responsable des chaussures… Nous, les mannequins, nous entrions par derrière, Loulou nous chargeait de bi-joux et M. Saint Laurent nous évaluait.

PAULE MONORY Toutes les femmes de la maison étaient jalouses de Loulou. Elle jouissait de ce pouvoir phénoménal associé à son amitié intime avec Saint Laurent. Il y avait une justice et une logique dans leur proximité. À la place d’Yves, c’est elle que j’aurais choisie moi aussi. J’aurais aimé être amie avec elle, mais c’était impossible. En dehors du travail, elle était un animal déchaîné. Travailler avec elle au studio était déjà assez excitant.

BRUNO MÉNAGER Naturellement, beaucoup de femmes de la maison enviaient Loulou. Elle était la porte-étendard du look Saint Laurent, alors à l’exception d’Anne-Marie, toutes voulaient la copier. Je ne veux dire du mal de personne, mais à propos de Françoise Picoli, qui travaillait au studio, je ne peux pas m’en empêcher. Elle était jalouse de Loulou et voulait la démolir, ce n’est pas un secret. Vous regardez Loulou, et vous regardez Françoise… Elle avait une langue de vipère et se plaignait qu’elle ne comprenait jamais un mot de ce que Loulou disait. « Je viens d’avoir pour la troisième reprise une conversation avec Loulou au sujet de cette robe, et je n’ai toujours pas la moindre idée de ce qu’elle veut. » C’est vrai qu’elle était difficile à suivre, tout le monde le savait. Même moi j’avais du mal à comprendre. Mais c’était Loulou. Elle avait des papillons dans la tête. Pour moi, ça n’avait pas d’importance.

JEAN-PAUL KNOTT Elle avait besoin d’être canalisée, mais c’était un luxe de travailler avec elle. Le personnel du studio changeait aussi peu que possible. J’ai été engagé parce que je ressemblais à la personne qui occupait mon poste avant moi, afin de ne pas perturber visuellement M. Saint Laurent. Mon talent n’est pas entré en ligne de compte. Il y avait les talents de M. Saint Laurent et de Loulou, et c’était plus qu’il n’en fallait.

JANE KRAMER La maison Saint Laurent est un peu comme une église. Il y a un grand portrait encadré du couturier dans presque toutes les pièces, et les gens qui passent leur vie là-bas disent qu’« entrer dans la maison, c’est entrer en religion ». Vous prononcez vos vœux. Vous acceptez « un certain fondamentalisme ». Vous êtes en adulation.

« Elle est le charme, la poésie, l’excès,

l’extravagance et l’élégance réunis en une seule

personne. »

SAINT LAURENT : UNE MAISON, UN CRÉATEUR

THADÉE OU RICARDO ?Suite de la première page ...craignait déjà qu’il ne la quitte. À Marrakech, alors que Loulou s’apprêtait à partir pour le désert avec l’architecte Ricardo Bofill, Thadée lui vola un baiser dans les jardins de l’hôtel La Mamounia. « J’ai posé mes lèvres sur sa nuque, j’aurais voulu qu’elle n’oublie jamais ce baiser. »

VIOLETTA SANCHEZ Ricardo n’était pas particulièrement beau mais

extrêmement séduisant, si on aime ce genre d’hommes, ces petits machos espagnols qui pensent que tout le monde rêve de coucher avec eux. Très sexy. Un véritable Casanova. Il l’aurait fait avec n’importe qui.

CAROLINE LOEB Ricardo était un architecte très excitant, très charismatique. Il pensait qu’il pouvait coucher avec toutes les femmes qu’il désirait.

La « Comtesse Lulu de la Falaise » (en bas au centre) et Clara Saint (en bas à droite) dessinées par Antonio Lopez

chez Angelina, le salon de thé.© Succession d’Antonio Lopez et Juan Ramos.

Loulou et Thadée Klossowski de Rola (extrême droite) le jour de leur mariage, accompagnés des « pères de la mariée », Pierre Bergé et Yves, Paris, 11 juin 1977.

© Collection de l’auteur.

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Avec Yves et son autre muse, Betty Catroux, chez Yves, 55 rue de Babylone, Paris, 1979.

© Guy Marineau

Suite de la première page ...gens beaux, les gens à moitié dingues, les solitaires, les gays, les hétéros, ceux qui étaient entre les deux, les excessifs, les discrets, les indécis, les putains, les mannequins, et les Casanova, les marginaux des marginaux, toutes sortes de héros de la nuit… Des corps qui s’agitaient dans l’ombre. Une étrange communauté…

BETTY CATROUX Moi, j’aimais le Sept. C’était génial parce que c’était un restaurant et une boîte de nuit en même temps, tout ça un peu louche, donc avec un charme fou. J’y ai rencontré Francis Bacon… ivre mort, couché sur une table, David Hockney, Robert Mapplethorpe qui était un grand copain de Loulou, Andy Warhol évidemment. Quand on s’ennuyait à table, on descendait danser, flirter, boire, et quand on en avait marre, on reprenait sa place à table.

CAROLINE LOEB Loulou n’était pas simplement la reine de la bande de

Saint Laurent, elle était la reine de Paris. Sa vie était une œuvre d’art, plus que ce qu’elle dessinait. Je n’ai jamais oublié le moment où j’ai enfin été autorisée à la rencontrer. Je suis tombée folle amoureuse, je voulais être elle. Je suis devenue une mini Loulou, une version tourmentée, avec bien moins d’allure et un bien plus gros cul. Thadée retrouvait quelque chose d’elle en moi. Je le sais, j’ai lu son journal.

RICARDO BOFILL Loulou prenait des risques, psychologiques, intellectuels. Je l’admirais pour ça. Mais elle n’avait pas de parachute. Nous avons pris toutes les drogues qui existent. Elle avait une énergie incroyable, mais travailler et sortir toutes les nuits m’a tué. Je n’étais pas assez fort pour vivre cette double vie qui devenait démente et échappait à tout contrôle. Nous ne pouvions plus continuer à vivre ensemble. Nous allions nous rendre malades ou même nous détruire. Nous nous sommes donc séparés. J’avais besoin de me concentrer sur mon travail. Celui de Loulou était frivole. J’ai pris beaucoup de drogues dans ma vie, mais j’ai le sens des limites. Loulou était comme une enfant. Elle me faisait peur car elle ne savait pas s’arrêter.

RICARDO BOFILL Les Saint Laurent étaient très protecteurs envers Loulou. Ils ne voulaient que son bonheur. Mais étant si possessifs et autoritaires – surtout Bergé –, ils étaient à la fois contents et pas contents que nous soyons ensemble. Une fois, au Maroc, nous sommes partis dans le désert sans les prévenir – quel esclandre ça a causé ! À Marrakech, Yves était perdu dans son propre univers, avec sa cour au garde-à-vous. Il se prenait pour la huitième merveille du monde. Le cadeau de Dieu : un grand couturier, un grand artiste, et même un grand écrivain ! « Yves est allé jeter une pensée sur le papier. » «Il faut laisser Yves écrire seul. » Un ego monstrueux, monstrueux.

LOULOU [Marrakech était] une grande fête. On vivait la nuit. On nageait un petit peu, mais la vie commençait à l’heure du thé. Yves pouvait danser sur une table pendant quatre heures, à faire son one-man show. Si vous lui donniez une Camel, ça lui faisait le même effet qu’une pipe de kif.

Loulou exerçait ses fonctions au studio et vivait avec Yves et Pierre

dans une enfilade de chambres de bonne pittoresque sous les combles de leur duplex en rez-de-jardin rue de Babylone. Elle était également à moitié installée au 6 rue Jacob, chez Clara et Thadée, où elle partageait leur lit. Thadée, tout comme le décorateur londonien John Stefanidis, l’un des petits amis de Loulou, s’inquiétait de la voir boire autant – son cocktail préféré était composé de vodka, de crème de menthe et de Fernet-Branca.

RICARDO BOFILL Loulou avait deux facettes : la facette étourdissante de la fête et la facette sérieuse du travail. Après trois heures de sommeil, elle se levait à huit heures pour aller au studio. Une réserve d’énergie phénoménale. Avec ce rythme fête-travail, fête-travail, fête-travail, elle était frénétique.

BETTY CATROUX Ça aussi, c’est une sacrée différence : elle travaillait alors que moi, c’était dodo toute la journée… Je suis totalement bonne à rien. Je n’ai rien fait de toute ma vie. Ma seule gloire, c’est que j’ai attiré un génie comme Yves… Je n’ai aucun talent personnel, mais j’ai celui d’attirer le talent… Heureusement que je ne me prends pas au sérieux. Je suis très naturelle, on peut m’accorder ça.

INFORMATION DE DERNIÈRE MINUTE

« Sa vie était une œuvre d’art, plus que ce qu’elle

dessinait. »

« J’y ai rencontré Francis Bacon… ivre mort,

couché sur une table, David Hockney, Robert Mapplethorpe qui était

un grand copain de Loulou, Andy Warhol

évidemment. »

DEBORAH ROBERTS Je crois que Loulou était trop pour Bofill. C’était un tel dictateur ! Il voulait la contrôler mais n’y est jamais parvenu.

L o u l o u a v a i t a c c o r d é un long entretien à Interview dans lequel elle clamait son désarroi affectif, ainsi que son grand amour pour Ricardo. Et, au moment même où le magazine était prêt à être imprimé, la rédaction reçut la nouvelle du mariage de Loulou de La Falaise et de… Thadée Klossowski ! Non sans une certaine cruauté, Warhol publia quand même l’article.

ALYNE DE BROGLIE Ricardo a laissé un message à Loulou, écrit avec son rouge à lèvres sur le miroir de leur appartement. C’est comme ça qu’elle a su qu’il l’avait quittée. Malgré son physique mince et frêle, après avoir lu le message, elle a traversé la Seine pour aller acheter une hache au BHV, elle est rentrée et a réduit en miettes le lit dans lequel Ricardo et elle dormaient. Elle ne voulait pas que quiconque puisse encore y dormir, alors elle l’a détruit, un acte qui ne manque pas de panache.

ANDRÉ LEON TALLEY Je me rappelle quand ce grand personnage d’Espagne a signé « Salut » ou « Au revoir » ou un truc du genre sur un miroir. Ça l’a anéantie.

« Ma seule gloire, c’est que j’ai attiré un génie

comme Yves… »

« Lumière éblouissante de Paris : LouLou de La Falaise,

qui apparaît ici, là et partout »© Hearst Magazines

© Kendra & Allan Daniel Collection.

« Il se prenait pour la huitième merveille du monde. Le cadeau de

Dieu : un grand couturier, un grand artiste, et même

un grand écrivain !»

Page 4: loulou & yves...loulou & yves Quarante années de mode comme on ne les a jamais lues! Un livre d’une liberté folle ! Pendant trente ans, Yves Saint Laurent a eu à ses côtés Loulou

Dans les années 1970, deux clans se disputent la place publique. À leur tête, deux créateurs emblématiques : Yves et Karl.

BOB COLACELLO À Paris [en 1974], Andy et moi avons assisté à un déjeuner donné en son honneur par le baron Alexis de Redé dans son hôtel Lambert sur l’île Saint-Louis… Un valet se tenait derrière chaque chaise au cas où une serviette tomberait… Il n’y avait pas que la richesse proustienne qui était impressionnante, mais aussi les intrigues et les commérages proustiens. Les gens ne disaient jamais quelque chose de gentil sur personne, pas même sur leurs meilleurs amis. Cette semaine-là, nous avons fréquenté exclusivement le groupe Saint Laurent-Rothschild, car si nous avions vu quelqu’un d’autre, ils auraient cessé de nous voir…

ANDRÉ LEON TALLEY La personne la plus méchante, la plus affreuse du groupe, c’était Clara Saint. Je déteste traiter une femme de « garce », alors je dirais plutôt « cruelle » et « malveillante ». Elle a inventé le surnom de Queen Kong pour moi, que je trouve raciste. Elle est amère parce qu’elle a perdu Thadée et a dilapidé sa fortune en vivant au Plaza Athénée avec lui. Un autre bon qualificatif pour Clara Saint : vile.

JEAN-PIERRE DE LUCOVICH Bien sûr, on peut diffi-cilement blâmer Yves de se faire rare. Quel dîner, aussi luxueux soit-il, peut-il se comparer à une soirée tran-quille entre amis proches, à danser sur un vieux disque de Trenet, à écouter La Callas, ou à imiter le dernier look de cette pauvre vieille… (Chut, pas de noms !) ? Ce serait folie de ma part de vouloir dresser la liste des seuls heureux élus. Le nombre des « intimes » ainsi adoubés n’excède pas dix ou douze personnes, et je n’ai pas l’intention de m’exposer à la rage sans limite des « autres », c’est-à-dire ceux qui s’imaginent faire partie du premier cercle et qui doivent cependant se contenter d’une position au mieux orbitale. Je préfère de loin – au risque d’être hypocrite – nommer les amis d’Yves par ordre alphabétique :

LA GUERRE DES CLANS

« non, je ne dirais pas qu’elle était snob, même si sa manière de parler

aurait pu déclencher une révolution. »

loulou & yvesChristopher

Petkanas

Loulou & YvesChristopher Petkanas

10 novembre 2020504 pages / 19,5 x 22,5 cm

Nombreuses illustrations / 38 €978-2-84049-790-5

Harmonia Mundi livre

Emile et Charlotte Aillaud, François-Marie Banier, Pierre Bergé, François et Betty Catroux, Philippe et Marie Collin, Jacques Grange, Zizi Jeanmaire, Thadée et Loulou Klossowski… François-Xavier et Claude Lalanne, Claude Lebon, Alexander et Tatiana Liberman, José et Anne-Marie Muñoz, Rudolf Noureev, Roland Petit, Hélène Rochas, Marie-Hélène de Rothschild, Clara Saint, Fernando Sanchez, Marina Schiano, Patrick Thévenon, Andy Warhol, Francine Weisweiller… Maintenant, à vous de prendre un stylo et de cocher les dix…

LOULOU Il y avait les grandes personnes, Pierre ou Clara, et les enfants, comme Yves et moi. Lorsque nous arrivions en retard à table, nous nous faisions gronder… Il ne sait pas prendre un avion tout seul… Il déteste être pris pour quelqu’un de normal. Il est quelqu’un qui ne peut pas vivre dans le monde d’au-jourd’hui, parce qu’il le trouve trop plat, trop commun.

DIDIER GRUMBACH Loulou était le centre de l’attention, ce qui n’est pas nécessairement reposant. C’est amusant de donner une image de beauté et de plaisir quand vous êtes en réalité dans un état permanent de détresse. Pierre Bergé entretenait l’idée d’une famille Saint Laurent – qui incluait le Président de la République. Cela semblait l’image même du bonheur, mais quand on y regardait d’un peu plus près… Les bouffées d’animosité qui se réveillaient abruptement à l’intérieur du clan laissaient des traces, et il fallait savoir cacher les vieilles blessures.

GRACE CODDINGTON C’était un privilège d’être pris dans la toile d’araignée Saint Laurent. Quand Calvin Klein a engagé Marina Schiano, il espérait qu’un peu du génie allait déteindre.

RICARDO BOFILL C’était l’époque des bandes et des guerres de clans – Saint Laurent contre Lagerfeld. Pour Pierre et Yves, Karl était un vulgaire parvenu sans talent, allemand en plus du reste. L’antagonisme était terrible, comme la Mafia de Chicago transplantée dans le monde de la mode.

ANNABELLE D’HUART Le clan fonctionnait comme une cour, tous étaient pourris gâtés, sans jamais aucun effort à faire. Vous vouliez de la drogue, on vous apportait de la drogue. Il y avait cette peur d’être exclu, comme dans les gangs. Tant que vous étiez admis, les cadeaux arrivaient tous les jours. Des fleurs, des billets de théâtre qui tombaient du ciel. Il y avait une soif de superlatifs qui effaçait toute réalité et tout sentiment. Pierre Bergé était le grand patron. Nous l’appelions « Capitaine Haddock », d’après le personnage de Tintin, parce qu’il s’assurait que tout fonctionnait, et fonctionnait en temps voulu. En avant toute ! Pierre donnait sa structure au clan. Sans cela, Loulou n’aurait jamais pu profiter de cette existence de cigale.

COLOMBE PRINGLE Si elle était snob ? Eh bien, je ne sais pas comment elle traitait sa bonne. Elle avait son groupe, pourquoi serait-elle allée chercher ailleurs ? Vous pouviez manger, vous habiller, fumer, boire, sniffer… que demander de plus ? Ils avaient leur propre vocabulaire, leurs propres codes.

Ils riaient aux mêmes choses et se retrouvaient toujours à la même heure au même endroit, comme Warhol et son entourage. Alors non, je ne dirais pas qu’elle était snob, même si sa manière de parler aurait pu déclencher une révolution.

CAROLINE LOEB Bien sûr qu’elle était snob ! Chéri, quelle ultra-snob ne porte pas sa concierge aux nues ? Le chic du chic, c’est d’être le meilleur ami de son boucher. Vous ne pouvez être aussi brutal que Loulou l’a été avec moi que si quelqu’un vous aime comme je l’aimais. Elle était comme Oriane de Guermantes chez Proust : l’élégance, le goût, l’allure… et la cruauté. Quand je l’ai rencontrée plus tard, j’ai senti qu’elle me méprisait, qu’elle n’en avait rien à foutre de moi. Pire que ça, en fait. Je lui ai présenté ma fille Louise, et je pouvais lire ses pensées : « Alors tu as même donné mon nom à ta fille, stupide admiratrice. »

RICARDO BOFILL Comme pour toutes mes relations, celle avec Loulou s’est terminée d’une manière civilisée. Sans colère. Tout s’est passé au mieux, même si le clan Saint Laurent était furieux contre moi. Certains m’ont vu comme un macho. Je ne sais pas pourquoi, c’est quelque chose que je méprise. Le clan a dit que je l’avais mal traitée, qu’elle voulait qu’on reste ensemble, que je l’avais quittée. En fait, nous nous sommes quittés mutuellement. Oui, j’ai entendu dire qu’elle avait essayé de se tuer. Les gens ont parlé. Mais je préfère ne pas revenir là-dessus. Comme vous le savez, quand quelqu’un veut se tuer, il se tue vraiment. Une personne qui fait une tentative dans un état névrotique, ce n’est pas un suicide. Si quelque chose ne va pas comme je veux, je romps et je continue. Loulou était comme ça elle aussi. Son chagrin n’a pas duré longtemps, juste le temps qui s’est écoulé entre notre séparation et son mariage avec Thadée, deux semaines ou un mois. Durant cette période, elle est venue plusieurs fois à La Fábrica.

THADÉE KLOSSOWSKI DE ROLA Le Noël suivant, fâché avec Clara, je suis parti en voyage à Ceylan et suis rentré en mai. Dieu sait ce qu’il s’est passé, en juin j’ai épousé Loulou.

KENZO TAKADA Loulou et Clara se sont fâchées. Brusquement, nous avons dû les voir séparément. Personne n’a compris pourquoi. C’était avant que le mariage ne soit annoncé.

« Là, je ressemble un peu à Régine, non ? » a lancé Loulou à propos de sa couverture d’Interview de mars 1973. © Francesco Scavullo

« Loulou était le centre de l’attention, ce qui n’est pas nécessairement

reposant. C’est amusant de donner une image de beauté et de plaisir

quand vous êtes en réalité dans un état permanent de détresse. »