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Calcul stochastique M2 Math´ ematiques Jean-Christophe Breton Universit´ e de Rennes 1 Septembre-D´ ecembre 2014 Version du 5/12/14

M2 Math ematiques - univ-rennes1.fr · Chapitre 1 Formule d’Ito et cons equences Dans ce chapitre, on prouve la formule d’Ito, v eritable clef de vou^te du calcul stochas-tique

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Calcul stochastique

M2 Mathematiques

Jean-Christophe Breton

Universite de Rennes 1

Septembre-Decembre 2014

Version du 5/12/14

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Table des matieres

1 Formule d’Ito et consequences 11.1 Formule d’Ito . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.2 Theoreme de Levy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111.3 Dubins-Schwarz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121.4 Inegalites de Burkholder-Davis-Gundy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141.5 Representation des martingales (browniennes) . . . . . . . . . . . . . . . . 191.6 Formule de Tanaka . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

2 Theoreme de Girsanov 272.1 Logarithme stochastique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 282.2 Theoreme de Girsanov . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 302.3 Utilisation de Girsanov . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 322.4 Girsanov dans le cadre brownien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

3 Equations differentielles stochastiques 413.1 Introduction, definitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 413.2 Exemples d’EDS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

3.2.1 Equations lineaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 433.2.2 Equations affines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

3.3 Existence et unicite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 453.4 Utilisation de Girsanov pour les EDS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 513.5 Flot sur l’espace de Wiener . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 533.6 Markov fort pour EDS homogene . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60

4 Mouvement brownien et EDP 634.1 Fonctions harmoniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 634.2 Probleme de Dirichlet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 674.3 Equation de la chaleur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 724.4 Formule de Feynman-Kac . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73

5 Diffusions 755.1 Generateur d’une diffusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 755.2 Semi-groupe d’une diffusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77

i

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ii Table des matieres

5.3 Diffusion et EDP . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 815.3.1 EDP de type Dirichlet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 815.3.2 Formule de Feynman-Kac . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83

5.4 Probleme de martingales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 845.4.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 845.4.2 EDS et probleme de martingales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87

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Introduction

Ces notes de cours ont pour butde presenter le mouvement brownien et l’integration stochastique. d’introduire au calcul

stochastique et a ses outils fondamentaux Elles sont principalement destinees aux etudiantsdu Master 2 « Mathematiques et applications » de l’Universite de Rennes 1. Ces notes ontplusieurs sources d’inspiration, principalement [LG1] mais aussi les notes de cours [Gue],[EGK], [CM], [Mal]. Par ailleurs, des references standard conseillees sur le sujet sont leslivres [KS], [RY].

Le contenu de ces notes est le suivant :Les proprietes de l’integrale stochastique, en particulier la formule d’Ito et le theoremede Girsanov, sont des outils qui fondent le calcul stochastique ; ils sont presentes dans lesChapitres 1 et 2.On presente la notion d’equation differentielle stochastique (EDS) a laquelle on donne unsens grace a l’integration stochastique, dans le Chapitre 3.Le calcul stochastique et la formule d’Ito en particulier permettent de creer des liens fe-conds entre processus stochastiques et EDP. Ils sont illustres dans le Chapitre 4 par lesliens entre mouvement brownien et equation de la chaleur.On s’interesse ensuite aux processus de diffusion, qui sont des solutions d’EDS particu-lieres. On le introduit dans le chapitre 5. Des references valables pour tous les chapitressont [LG1], [Gue], [EGK], [KS], [RY], [CM] et [Mal].

Les prerequis de ce cours sont des probabilites de base (des fondements des probabilitesaux consequences de la LGN et du TCL – niveau L3) , les martingales en temps discret(niveau M1), , le mouvement brownien et l’integration stochastique.

iii

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iv c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

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Chapitre 1

Formule d’Ito et consequences

Dans ce chapitre, on prouve la formule d’Ito, veritable clef de voute du calcul stochas-tique. Celle-ci montre que lorsqu’on applique une application C2 a une semimartingale, onconserve une semimartingale ; elle en donne en plus la decomposition (martingale locale +processus a variation finie). La formule d’Ito est prouvee en Section 1.1. Des consequencesimportantes en sont presentees dans les sections suivantes : theoreme de Levy (caracterisa-tion du mouvement brownien par son crochet, Section 1.2 ), theoreme de Dubins-Schwarz(Section 1.3), inegalites de Burkholder-Davis-Gundy (Section 1.4), theoreme de represen-tation des martingales (Section 1.5), formule de Tanaka (Section 1.6).

1.1 Formule d’Ito

La formule d’Ito est l’outil de base du calcul stochastique : elle montre qu’une fonction declasse C2 de p semimartingales continues est encore une semimartingale continue, et elleexprime explicitement la decomposition de cette semimartingale.Rappelons la formule de changement de variable classique : si F, g sont de classe C1 alors(F g)′(t) = F ′(g(t)) g′(t) s’ecrit

F (g(t)) = F (g(0)) +

∫ t

0

F ′(g(s))g′(s) ds.

Si F est C1 et g est seulement absolument continue (c’est a dire a variation finie) alors ona encore avec l’integrale de Stieltjes :

F (g(t)) = F (g(0)) +

∫ t

0

F ′(g(s)) dg(s).

La meme formule reste vraie pour un processus X a variation finie en faisant un calcultrajectoriel (pour chaque ω fixe, la trajectoire t 7→ Xt(ω) est a variation finie et le casprecedent s’applique) : pour F une fonction de classe C1, on a alors

F (Xt) = F (X0) +

∫ t

0

F ′(Xs) dXs.

1

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2 Chapitre 1. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

La formule d’Ito generalise cette propriete pour des semimartingales lorsque F est C2 etfait apparaıtre un terme supplementaire du au fait que ces processus ne sont pas a variationfinie, cf. (1.1) ci-dessous.

Theoreme 1.1 (Formule d’Ito) Soient X une semimartingale et F : R→ R une fonc-tion de classe C2. Alors

F (Xt) = F (X0) +

∫ t

0

F ′(Xs) dXs +1

2

∫ t

0

F ′′(Xs) d〈X,X〉s. (1.1)

Si on considere p semimartingales continues X1, . . . , Xp et F : Rp → R de classe C2 alors,

F (X1t , . . . , X

pt ) = F (X1

0 , . . . , Xp0 ) +

p∑i=1

∫ t

0

∂F

∂xi(X1

s , . . . , Xps ) dX i

s

+1

2

p∑i,j=1

∫ t

0

∂2F

∂xi∂xj(X1

s , . . . , Xps ) d〈X i, Xj〉s. (1.2)

Demonstration : On traite d’abord le cas (1.1) pour p = 1. Considerons une suite 0 =tn0 < · · · < tnpn = tn≥1 de subdivisions emboitees de [0, t] de pas tendant vers 0. Alors entelescopant la somme, on a

F (Xt) = F (X0) +

pn−1∑i=0

(F (Xtni+1

)− F (Xtni)).

La formule de Taylor a l’ordre 2 sur l’intervalle (Xtni, Xtni+1

) donne pour chaque ω ∈ Ω :

F (Xtni+1)− F (Xtni

) = F ′(Xtni)(Xtni+1

−Xtni) +

fn,i(ω)

2(Xtni+1

−Xtni)2

ou

fn,i ∈

[inf

θ∈[0,1]F ′′(Xtni

+ θ(Xtni+1−Xtni

)), supθ∈[0,1]

F ′′(Xtni

+ θ(Xtni+1−Xtni

))].

D’apres 6) dans la Proposition ?? (approximation a la Riemann des integrales stochas-tiques) avec Hs = F ′(Xs), on a au sens de la convergence en probabilite :

P- limn→+∞

pn−1∑i=0

F ′(Xtni)(Xtni+1

−Xtni) =

∫ t

0

F ′(Xs) dXs.

Pour prouver la formule d’Ito (1.1), il reste a etablir la convergence en probabilite :

P- limn→+∞

pn−1∑i=0

fn,i(ω)(Xtni+1−Xtni

)2 =

∫ t

0

F ′′(Xs) d〈X,X〉s, (1.3)

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1.1. Formule d’Ito 3

car alors, par unicite presque sure de la limite en probabilite, on aura pour tout t ≥ 0 :

F (Xt) = F (X0) +

∫ t

0

F ′(Xs) dXs +1

2

∫ t

0

F ′′(Xs) d〈X,X〉s ps.

Les deux termes de l’egalite ci-dessus etant continus en t, les deux processus sont en faitindistinguables, ce qui donnera (1.1).

Il reste donc a etablir (1.3) ; pour cela, on note pour m < n :

Tn =

pn−1∑i=0

fn,i(ω)(Xtni+1−Xtni

)2

Tm,n =

pm−1∑j=0

fm,j(ω)∑

i:tmj ≤tni <tmj+1

(Xtni+1−Xtni

)2.

Comme∑pn−1

i=0 =∑pm−1

j=0

∑i:tmj ≤tni <tmj+1

, on a

|Tn − Tm,n|

=

∣∣∣∣∣∣pm−1∑j=0

∑i:tmj ≤tni <tmj+1

fn,i(ω)(Xtni+1−Xtni

)2 −pm−1∑j=0

∑i:tmj ≤tni <tmj+1

fm,j(ω)(Xtni+1−Xtni

)2

∣∣∣∣∣∣=

∣∣∣∣∣∣pm−1∑j=0

∑i:tmj ≤tni <tmj+1

(fn,i(ω)− fm,j(ω)

)(Xtni+1

−Xtni)2

∣∣∣∣∣∣≤ Zm,n

∣∣∣∣∣∣pm−1∑j=0

∑i:tmj ≤tni <tmj+1

(Xtni+1−Xtni

)2

∣∣∣∣∣∣= Zm,n

(pn−1∑i=0

(Xtni+1−Xtni

)2

)avec

Zm,n = sup0≤j≤pm−1

(sup

i:tmj ≤tni <tmj+1|fn,i − fm,j|

).

La continuite de F ′′ assure que Zm,n → 0 ps quand m,n → +∞. D’apres l’interpretation

”variation quadratique”du crochet (Proposition ??), on a∑pn−1

i=0 (Xtni+1−Xtni

)2 P−→ 〈X,X〉t.Et donc pour ε > 0 donne, il existe m1 tel que pour tout n > m ≥ m1,

P(|Tn − Tm,n| ≥ ε/3

)≤ P

(Zm,n

(pn−1∑i=0

(Xtni+1−Xtni

)2

)≥ ε/3

)≤ ε/3. (1.4)

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4 Chapitre 1. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

(Comme Zm,nP−→ 0 et

∑pn−1i=0 (Xtni+1

− Xtni)2 P−→ 〈X,X〉t, le theoreme de Slutsky assure

Zm,n

(∑pn−1i=0 (Xtni+1

−Xtni)2)

P−→ 0.) Ensuite la Proposition ?? montre aussi qu’en proba-

bilite :

P- limn→+∞

Tm,n = P- limn→+∞

pm−1∑j=0

fm,j∑

i:tmj ≤tni <tmj+1

(Xtni+1−Xtni

)2

=

pm−1∑j=0

fm,j

(〈X,X〉tmj+1

− 〈X,X〉tmj)

=

∫ t

0

hm(s) d〈X,X〉s,

ou hm est definie par hm(s) = fm,j si tmj ≤ s < tmj+1. Ainsi il existe m2 tel que pour m ≥ m2

P(∣∣∣∣Tm,n − ∫ t

0

hm(s) d〈X,X〉s∣∣∣∣ ≥ ε/3

)≤ ε/3. (1.5)

Puis comme F est C2, on a limm→+∞ hm(s) = F ′′(Xs) ps. De plus, on a pour tout s∣∣hm(s)− F ′′(Xs)∣∣ =

∣∣fm,j − limn→+∞

fn,i∣∣ = lim

n→+∞

∣∣fm,j − fn,i∣∣ ≤ limn→+∞

Zn,m,

et doncsups∈[0,t]

|hm(s)− F ′′(Xs)|P−→ 0.

Il existe donc aussi m3 tel que pour m ≥ m3

P(∣∣∣∣∫ t

0

hm(s) d〈X,X〉s −∫ t

0

F ′′(Xs) d〈X,X〉s∣∣∣∣ ≥ ε/3

)≤ ε/3. (1.6)

Comme ∣∣∣∣∣pn−1∑i=0

fn,i(Xtni+1−Xtni

)2 −∫ t

0

F ′′(Xs) d〈X,X〉s

∣∣∣∣∣ ≥ ε

⊂ |Tn − Tm,n| ≥ ε/3

∪∣∣∣∣Tm,n − ∫ t

0

hm(s) d〈X,X〉s∣∣∣∣ ≥ ε/3

∪∣∣∣∣∫ t

0

hm(s) d〈X,X〉s −∫ t

0

F ′′(Xs) d〈X,X〉s∣∣∣∣ ≥ ε/3

en combinant (1.4), (1.5), (1.6), et en prenant n > m ≥ max(m1,m2,m3), on a :

P

(∣∣∣∣∣pn−1∑i=0

fn,i(Xtni+1−Xtni

)2 −∫ t

0

F ′′(Xs) d〈X,X〉s

∣∣∣∣∣ ≥ ε

)≤ ε

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1.1. Formule d’Ito 5

ce qui prouve (1.3) et donc la formule d’Ito (1.1) pour p = 1.

Dans le cas ou p est quelconque, la formule de Taylor (toujours a l’ordre 2) donne

F (X1tni+1

, . . . , Xptni+1

)− F (X1tni, . . . , Xp

tni)

=

p∑k=1

∂F

∂xk(X1

tni, . . . , Xp

tni)(Xk

tni+1−Xk

tni) +

p∑k,l=1

fk,ln,i2

(Xktni+1−Xk

tni)

avec

fk,ln,i ∈

[inf

θ∈[0,1]

∂2F

∂xk∂xl(X1

tni+ θ(X1

tni+1−X1

tni), . . . ), sup

θ∈[0,1]

∂2F

∂xk∂xl(X1

tni+ θ(X1

tni+1−X1

tni), . . . )

].

Le 6) dans la Proposition ?? donne a nouveau la limite cherchee pour les termes faisantintervenir les derivees premieres :

p∑i=1

∫ t

0

∂F

∂xi(X1

s , . . . , Xps ) dX i

sP→

p∑i=1

∫ t

0

∂F

∂xi(X1

s , . . . , Xps ) dX i

s.

En adaptant legerement les arguments du cas p = 1, on montre que pour tous k, l ∈1, . . . , p :

P- limn→+∞

pn−1∑i=0

fk,ln,i(Xktni+1−Xk

tni)(X l

tni+1−X l

tni) =

∫ t

0

∂2F

∂xk∂xl(X1

s , . . . , Xps ) d〈Xk, X l〉s.

Cela acheve la preuve de la formule d’Ito dans le cas general (1.2).

Un cas particulier important de la formule d’Ito est la formule d’integration par parties.

Corollaire 1.1 (IPP) Si X et Y sont deux semimartingales continues, on a

XtYt = X0Y0 +

∫ t

0

Xs dYs +

∫ t

0

Ys dXs + 〈X, Y 〉t. (1.7)

Le terme 〈X, Y 〉 est nul si X ou Y est a variation finie. Il est present quand on considerede (vraies) semimartingales et ce terme supplementaire temoigne de la difference entre lecalcul stochastique et le calcul differentiel deterministe.

Demonstration : Appliquer la formule d’Ito a F (x, y) = xy qui est bien de classe C2 enx, y et noter que

∂2F

∂x∂y(x, y) = 1,

∂2F

∂x2(x, y) =

∂2F

∂y2(x, y) = 0.

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6 Chapitre 1. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

En particulier, si Y = X on obtient

X2t = X2

0 + 2

∫ t

0

Xs dXs + 〈X,X〉t.

Remarque 1.1 – Lorsque X = M est une martingale locale, on sait que M2−〈M,M〉est une martingale locale (definition du crochet du theoreme ??). La formule prece-dente montre que cette martingale locale est en fait

M20 + 2

∫ t

0

Ms dMs,

ce qu’on aurait pu voir directement sur la demonstration donnee en Section ?? puis-qu’une lecture attentive de la demonstration indique que la construction de 〈M,M〉fait intervenir

∑pni=0Mtni

(Mtni+1−Mtni

) qui sont des approximations (a la Riemann)

de l’integrale stochastique∫ t

0Ms dMs.

– En prenant X1t = t et X2

t = Xt, on a aussi pour toute fonction F de classe C2 surR+ × R

F (t,Xt) = F (0, X0)+

∫ t

0

∂F

∂x(s,Xs)dXs︸ ︷︷ ︸

martingale locale

+

∫ t

0

∂F

∂t(s,Xs)ds+

1

2

∫ t

0

∂2F

∂x2(s,Xs) d〈X,X〉s︸ ︷︷ ︸

variation finie

.

(1.8)En fait, il suffit de prendre F ∈ C1,2(R+ × R,R), ie. F est C1 en t ∈ R+ et C2 enx ∈ R.

Retour au mouvement brownien

Pour un (Ft)t≥0-mouvement brownien B, la formule d’Ito s’ecrit

F (Bt) = F (B0) +

∫ t

0

F ′(Bs) dBs +1

2

∫ t

0

F ′′(Bs) ds.

En prenant X1t = t et X2

t = Bt, (1.8) devient : pour toute fonction F de classe C2 surR+ × R, on a :

F (t, Bt) = F (0, B0) +

∫ t

0

∂F

∂x(s, Bs) dBs +

∫ t

0

(∂F

∂t+

1

2

∂2F

∂x2

)(s, Bs) ds.

Si Bt = (B1t , . . . , B

pt ) est un (Ft)t≥0-mouvement brownien en dimension d alors les Bi sont

des mouvements browniens independants. On a vu au chapitre precedent que dans ce cas

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1.1. Formule d’Ito 7

〈Bi, Bj〉 = 0 lorsque i 6= j et d〈Bi, Bi〉s = ds. La formule d’Ito montre alors que, pourtoute fonction F de classe C2 sur Rp,

F (B1t , . . . , B

pt ) = F (B1

0 , . . . , Bp0) +

p∑i=1

∫ t

0

∂F

∂xi(B1

s , . . . , Bps )dB

is +

1

2

∫ t

0

∆F (B1s , . . . , B

ps )ds

ou ∆F =∑d

i=1∂2F∂x2i

est le laplacien de F . On a aussi une formule analogue pour F (t, B1t , . . . , B

pt ).

En particulier si F est harmonique (ie. ∆F = 0) alors F (B1t , . . . , B

pt ) est une martingale

locale.

Exponentielles stochastiques

On definit maintenant l’exponentielle stochastique E(M) d’une martingale locale Mquelconque. La formule d’Ito justifie qu’il s’agit d’une martingale locale et explique laterminologie, cf. la Remarque 1.2 ci-dessous. Pour commencer, on dit qu’un processus avaleurs dans C est une martingale locale si ses parties reelle et imaginaire en sont.

Proposition 1.1 Soit M une martingale locale. Pour tout λ ∈ C, soit

E(λM)t = exp

(λMt −

λ2

2〈M,M〉t

).

Le processus E(λM) est une martingale locale.

Demonstration : Si F (x, r) est une fonction de classe C2 sur R × R+, la formule d’Itoentraıne que

F(Mt, 〈M,M〉t

)= F (M0, 0) +

∫ t

0

∂F

∂x

(Ms, 〈M,M〉s

)dMs

+

∫ t

0

(∂F

∂r+

1

2

∂2F

∂x2

)(Ms, 〈M,M〉s

)d〈M,M〉s.

Le processus F(Mt, 〈M,M〉t

)est une martingale locale des que sa partie a variation finie

s’annule, ie. lorsque F verifie la condition :

∂F

∂r+

1

2

∂2F

∂x2= 0.

Il est immediat que cette condition est satisfaite par la fonction F (x, r) = exp(λx− λ2

2r)

(plus precisement par les parties reelle et imaginaire de cette fonction).

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8 Chapitre 1. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

Remarque 1.2 Avec F (x, r) = exp(x− r/2

)(prendre λ = 1 precedemment), ∂F

∂x(x, r) =

F (x, r), si bien que l’identite

F(Mt, 〈M,M〉t

)= F (M0, 0) +

∫ t

0

∂F

∂x

(Ms, 〈M,M〉s

)dMs

s’ecrit

E(M)t = E(M)0 +

∫ t

0

E(M)s dMs (1.9)

ou en ecriture symbolique d’EDS (cf. Chapitre 3) : dE(M) = E(M)dM , ce qui generalisel’equation dy = ydx de solution y(x) = ex avec la condition y(0) = 1 ou l’equation dy = ydgde solution y(t) = exp(g(t)) si g est a variation finie nulle en 0 et avec la condition initialey(0) = 1. Cette propriete justifie l’appelation « exponentielle stochastique » de M pourE(M).

Proposition 1.2 Soit f ∈ L2loc(B). Si pour une constante C finie, on a∫ t

0

f(s)2ds ≤ C ps

alors E(∫ ·

0fsdBs) est une vraie martingale de carre integrable et, pour tout t ≥ 0, E[E(

∫ ·0fsdBs)t] =

1Si f ∈ L2

loc(B) est a valeurs complexes, on a∫ t

0

|f(s)|2ds ≤ C =⇒ E

[∣∣∣∣E(

∫ ·0

fsdBs)

∣∣∣∣2]< +∞ et E

[E(

∫ ·0

fsdBs)

]= 1.

Demonstration : Notons Zt = E(∫ ·

0f(s)dBs)t. On commence par supposer que |f(s)| ≤ k

pour tout s ∈ [0, t]. Pour l’exponentielle stochastique, la formule d’Ito s’ecrit

Zt = 1 +

∫ t

0

Zsf(s) dBs.

On montre alors que

fZ ∈ L2[0,t](B) =

H : Ω× R+ → R : progressif avec E

[∫ t

0

H2s ds

]< +∞

pour assurer que

∫ t0Zsf(s) dBs est une (vraie) martingale et que E[Zt] = 1. De (a+ b)2 ≤

2(a2 + b2), on deduit

Z2u ≤ 2

(1 +

(∫ u

0

ZsfsdBs

)2), u ≤ t.

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1.1. Formule d’Ito 9

Pour le calcul du moment d’ordre 2 de∫ u

0ZsfsdBs, on utilise l’isometrie d’Ito pour deduire

pour u ≤ t :

E[Z2u

]≤ 2

(1 +

∫ u

0

E[Z2sf

2s

]ds

)≤ 2

(1 + k2

∫ u

0

E[Z2s

]ds

). (1.10)

A priori comme E[Z2s ] n’est pas finie, on considere les temps d’arret Tn = inf

(t ≥ 0 : Zt ≥

n), n ≥ 1, qui reduisent la martingale locale Z. En faisant comme precedemment, on peut

remplacer (1.10) par

E[Z2u1u≤Tn

]≤ E

[Z2u∧Tn

]≤ 2

(1 + k2

∫ u

0

E[Z2s1s≤Tn

]ds

). (1.11)

On peut alors appliquer le resultat suivant a E[Z2u1u≤Tn

]:

Lemme 1.1 (Gronwall) Soit g une fonction positive localement integrable definie sur R+

telle que pour a, b ≥ 0

g(t) ≤ a+ b

∫ t

0

g(s) ds. (1.12)

Alors g(t) ≤ a exp(bt) pour tout t ≥ 0.

Preuve (Gronwall). En multipliant par e−bt, l’hypothese (1.12) s’ecrit

d

dt

[exp(−bt)

∫ t

0

g(s)ds

]≤ a exp(−bt)

ce qui, en integrant, donne

exp(−bt)∫ t

0

g(s)ds ≤ a

b(1− exp(−bt)).

On obtient le resultat en reportant l’inegalite ci-dessus dans l’hypothese (1.12) :

g(t) ≤ a+ ba

bebt(1− exp(−bt)) = aebt.

Le lemme de Gronwall (Lemme 3.1) assure alors E[Z2s1u≤Tn] ≤ 2 exp(2k2s) et par conver-

gence monotone lorsque n → +∞ E[Z2s ] ≤ 2 exp(2k2s). On a donc Zs de carre integrable

et borne dans L2 pour s ∈ [0, t]. Cela garantit fZ ∈ L2[0,t](B) et E[Zt] = 1.

Dans le cas general, on pose fn = (f ∧ n)∨ (−n) et on applique le cas precedent a fn. Parconvergence monotone

∫ t0fn(u)2du

∫ t0f(u)2du, n→ +∞, et par isometrie et convergence

dominee∫ t

0fn(u)dBu

L2

−→∫ t

0f(u)dBu car

E

[(∫ t

0

fn(u) dBu −∫ t

0

f(u) dBu

)2]

= E[∫ t

0

(fn(u)− f(u))2 du

].

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10 Chapitre 1. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

On a donc ∫ t

0

fn(s) dBs −1

2

∫ t

0

fn(s)2 dsP−→∫ t

0

fn(s) dBs −1

2

∫ t

0

f(s)2 ds

et (comme la convergence en probabilite se conserve en appliquant une application conti-

nue) on a avec des notations evidentes Zn(t)P−→ Z(t), n→ +∞. Puis

E[Zn(t)2

]= E

[exp

(2

∫ t

0

fn(s) dBs − (4− 3)

∫ t

0

fn(s)2 ds

)]≤ E

[exp

(4

∫ t

0

fn(s) dBs − 8

∫ t

0

fn(s)2 ds

)]1/2

×E[exp

(6

∫ t

0

fn(s)2 ds

)]1/2

≤ 1× exp(3C)

en utilisant l’inegalite de Cauchy-Schwarz et le cas precedent pour avoir

E[exp

(4

∫ t

0

fn(s) dBs − 8

∫ t

0

fn(s)2 ds

)]= E

[E(∫ t

0

4fn(s) dBs

)]= 1.

On a donc (Zn(t))n≥1 uniformement integrable. D’apres le Theoreme de Vitali, la conver-

gence Zn(t)P−→ Z(t) se renforce en Zn(t)

L1

−→ Z(t) et on a en particulier limn→+∞ E[Zn(t)] =

E[Z(t)], ce qui assure E[Z(t)] = 1. On a aussi E[Zn(t)|Fs]L1

−→ E[Z(t)|Fs] et E[Zn(t)|Fs] =

Zn(s)L1

−→ Z(s). D’ou E[Z(t)|Fs] = Z(s) et Z est donc une martingale.Puis, on a mieux que l’uniforme integrabilite dans L1 : en effet

E[Zn(t)3] = E[exp

(3

∫ t

0

fn(s) dBs −3

2

∫ t

0

fn(s)2 ds

)]= E

[exp

(3

∫ t

0

fn(s) dBs −18− 15

2

∫ t

0

fn(s)2 ds

)]≤ E

[exp

(6

∫ t

0

fn(s) dBs − 18

∫ t

0

fn(s)2 ds

)]1/2

×E[exp

(15

∫ t

0

fn(s)2 ds

)]1/2

≤ E[E( ∫ ·

0

6fn(s) dBs

)t

]exp(15C/2) = exp(15C/2)

justifie que (Zn(t))n≥1 est uniformement integrable dans L2. On en deduit alors que Zn(t)L2

−→Z(t) et donc Z(t) ∈ L2.

Pour le cas complexe, on ecrit f = Re(f) + iIm(f) et on se ramene assez facilement au casreel.

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1.2. Theoreme de Levy 11

1.2 Theoreme de Levy

Le resultat suivant permet de caracteriser le mouvement brownien par son crochet parmiles martingales locales a trajectoires continues.

Theoreme 1.2 (Caracterisation du MB par son crochet) Soit X = (X1, . . . , Xd)un processus a trajectoires continues (Ft)t≥0-adapte issu de 0. Il y a equivalence entre

1. X est un (Ft)t≥0-mouvement brownien en dimension d.

2. Les processus X1, . . . , Xd sont des (Ft)t≥0-martingales locales continues et de plus

〈X i, Xj〉t = δi,jt

ou δi,j designe le symbole de Kronecker.

En particulier, une (Ft)t≥0-martingale locale continue M issue de 0 est un (Ft)t≥0-mouve-ment brownien si et seulement si 〈M,M〉t = t.

Remarque 1.3 Il est crucial que le processus soit a trajectoires continues. Par exemple leprocessus de Poisson (standard) verifie la meme propriete de crochet mais il est a trajec-toires cadlag.

Demonstration : Le sens 1) ⇒ 2) est connu, cf. Remarques ?? et ??. On montre lareciproque. Pour cela, soit u ∈ Rd. Alors u ·Xt =

∑dj=1 ujX

jt est une martingale locale de

processus croissantd∑j=1

d∑k=1

ujuk〈Xj, Xk〉t =d∑j=1

u2j t = ‖u‖2t.

D’apres la Proposition 1.1 sur les exponentielles stochastiques, E(iuX) = exp(iu · Xt +

12‖u‖2t

)est une martingale locale. Cette martingale locale est bornee sur les intervalles

[0, T ], T > 0, il s’agit donc d’une vraie martingale. La propriete de martingale donne alorspour s < t

E[exp

(iu ·Xt +

1

2‖u‖2t

) ∣∣∣Fs] = exp

(iu ·Xs +

1

2‖u‖2s

).

En particulier, pour A ∈ Fs, on a :

E[1A exp

(iu · (Xt −Xs)

)]= E [E [1A exp (iu · (Xt −Xs)) |Fs]]

= E[1A exp

(−iu ·Xs −

1

2‖u‖2t

)E[exp

(iu ·Xt +

1

2‖u‖2t

)|Fs]]

= E[1A exp

(−iu ·Xs −

1

2‖u‖2t

)exp

(iu ·Xs +

1

2‖u‖2s

)]= P(A) exp

(−1

2‖u‖2(t− s)

). (1.13)

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12 Chapitre 1. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

Avec A = Ω, (1.13) montre que Xt − Xs ∼ N (0, (t − s)Id). Ensuite pour A ∈ Fs deprobabilite P(A) > 0, en notant PA(·) = P(·|A), on a

EA[

exp(iu · (Xt −Xs)

)]= exp

(−1

2‖u‖2(t− s)

)ie. L(Xt−Xs|A) = N

(0, (t− s)Id

). Pour toute fonction mesurable positive f sur Rd, on a

EA[f(Xt −Xs)

]= E

[f(Xt −Xs)

]soit

E[1Af(Xt −Xs)

]= P(A)E

[f(Xt −Xs)

].

Comme c’est vrai pour tout A ∈ Fs, on a Xt −Xs ⊥⊥ Fs.

Finalement, pour tout 0 = t0 < t1 < · · · < tp, le vecteur(X itj−X i

tj−1

)1≤i≤d1≤j≤p

est un vecteur

gaussien (car obtenu en regroupant p vecteurs gaussiens independants). Par transforma-tion lineaire, (Xti)1≤i≤p est encore un vecteur gaussien pour tout (ti)1≤i≤p et donc X est unprocessus gaussien. Comme le vecteur

(X itj−X i

tj−1

)1≤i≤d1≤j≤p

a ses composantes independantes,

le processus X est finalement gaussien, a accroissements independants et stationnaires et(par hypothese) a trajectoires continues : cela justifie que X1, . . . , Xd sont d mouvementsbrowniens independants.

1.3 Dubins-Schwarz

Le resultat suivant montre que pour les martingales locales, le crochet est une horlogeinterne qui permet de retrouver le processus quand on evalue un mouvement brownien aveccette horloge. C’est une preuve supplementaire du role central du mouvement browniendans la classe des martingales locales continues.

Theoreme 1.3 (Dubins-Schwarz) Soit M une martingale locale continue issue de 0 ettelle que 〈M,M〉∞ = +∞ ps. Alors, il existe un mouvement brownien β tel que

ps ∀t ≥ 0, Mt = β〈M,M〉t .

Remarque 1.4 – En grossissant l’espace de probabilite on peut se debarrasser de larestriction 〈M,M〉∞ = +∞ ps.

– Le mouvement brownien β n’est pas adapte par rapport a la filtration (Ft)t≥0 initialede M , mais par rapport a une filtration « changee de temps ».

– Il s’agit d’un resultat existentiel : le resultat est valable pour un certain mouvementbrownien (construit par la preuve du theoreme) et pas pour un mouvement brownienquelconque.

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1.3. Dubins-Schwarz 13

Demonstration : Pour tout r ≥ 0, on definit un temps d’arret τr en posant

τr = inf(t ≥ 0 : 〈M,M〉t > r

).

L’hypothese sur 〈M,M〉 assure que τr < +∞ ps. De plus, la fonction r 7→ τr est– croissante car si r ≤ s alors

t ≥ 0 : 〈M,M〉t > s ⊂ t ≥ 0 : 〈M,M〉t > r

et en passant aux inf : τr ≤ τs ;– continue a droite car si on note α = limsr τs, on a d’abord α ≥ τr par croissance, puis

si l’inegalite est stricte, on aurait τr < β < α ≤ τs pour tout s > r et necessairementr < 〈M,M〉β ≤ s pour tout s > r ce qui est absurde (car on peut prendre sarbitrairement proche de r) ;

– avec des limites a gauche en r > 0 avec

limsr

τs = τr− = inf(t ≥ 0 : 〈M,M〉t = r

).

La fonction r 7→ τr est donc croissante cadlag. On pose alors βr = Mτr . Le processus βest adapte par rapport a la filtration donnee par Gr = Fτr , r ≥ 0. Remarquons que cettefiltration satisfait les conditions habituelles (puisque lorsque (Tn)n≥1 est une suite de tempsd’arret decroissants vers T on a FT =

⋂n≥1FTn , cf. Prop. ??).

Lemme 1.2 Les intervalles de constance de M et de 〈M,M〉 sont ps les memes. End’autres termes, on a ps pour tous a < b,

Mt = Ma,∀t ∈ [a, b]⇐⇒ 〈M,M〉t = 〈M,M〉a,∀t ∈ [a, b].

Demonstration : De la gauche vers la droite, utiliser l’approximation habituelle de〈M,M〉t. De la droite vers la gauche, appliquer le Corollaire ?? (〈M,M〉 = 0 : M estindistinguable de M0) au processus M(a+t)∧T −Ma pour un temps d’arret T convenable.

Revenons a la preuve du Theoreme 1.3. On a ps pour tout r > 0,

limsr

βs = limsr

Mτs = Mτr−= Mτr = βr.

ou l’avant derniere egalite vient du Lemme 1.2 et du fait que pour t ∈ [τr− , τr], on a〈M,M〉t = r. Par ailleurs, par composition de telles fonctions, les trajectoires de β sontclairement continues a droite ; on conclut que le processus β est a trajectoires continues.

Nous montrons ensuite que βs et β2s − s sont des martingales relativement a la filtration

(Gs)s≥0. Pour tout n ≥ 1, les martingales locales arretees M τn et (M τn)2 − 〈M,M〉τnsont des vraies martingales uniformement integrables (d’apres le Theoreme ?? puisque〈M τn ,M τn〉∞ = 〈M,M〉τn = n). Le theoreme d’arret s’applique pour ces martingales uni-formement integrables et donne alors pour r ≤ s ≤ n :

E[βs|Gr] = E[M τnτs |Fτr ] = M τn

τr = βr

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14 Chapitre 1. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

et

E[β2s − s|Gr] = E

[(M τn

τs )2 − 〈M τn ,M τn〉τs|Fτr]

= (M τnτr )2 − 〈M τn ,M τn〉τr

= β2r − r.

On a donc 〈β, β〉s = s. Le Theoreme 1.2 (Theoreme de Levy avec d = 1) assure alors queβ est un (Gr)r≥0-mouvement brownien. Finalement, par definition de β, on a ps pour toutt ≥ 0,

β〈M,M〉t = Mτ〈M,M〉t.

On a

τ〈M,M〉t = inf(s ≥ 0 : 〈M,M〉s > 〈M,M〉t

)≥ t,

si l’inegalite est stricte alors 〈M,M〉 est constante sur [t, τ〈M,M〉t ], et d’apres le Lemme 1.2M aussi, ce qui assure Mτ〈M,M〉t

= Mt et conclut que ps pour tout t ≥ 0 on a Mt = β〈M,M〉t .Par continuite des trajectoires, les deux processus sont indistinguables.

1.4 Inegalites de Burkholder-Davis-Gundy

Dans cette section, on prouve les inegalites Burkholder-Davis-Gundy (BDG) qui montrentque pour une martingale locale M

E[〈M,M〉mt

]et E

[|M∗

t |2m]

ou M∗t = max0≤s≤t |Ms| sont de meme ordre de grandeur sur [0,+∞[ pour tout m > 0.

Theoreme 1.4 (Inegalites de Burkholder-Davis-Gundy) Pour tout reel p ≥ 0, ilexiste des constantes cp, Cp telles que pour toutes martingale locale M continue issue de 0,

cp E[〈M,M〉p/2∞

]≤ E

[(M∗∞)p]≤ Cp E

[〈M,M〉p/2∞

](1.14)

ou M∗t = sup0≤s≤t |Ms|.

Remarque 1.5 Si T est un temps d’arret quelconque, en remplacant M par la martingalelocale arretee MT , on obtient les memes inegalites avec T a la place de +∞ ; en particulier,on a les memes inegalites avec t a la place de +∞.

On commence par les resultats preliminaires suivant :

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1.4. Inegalites de Burkholder-Davis-Gundy 15

Proposition 1.3 (Inegalites de martingales) Soit M une martingale continue borneeet de variation quadratique bornee. Pour tout temps d’arret T , on a

E[|MT |2m

]≤ CmE

[〈M,M〉mT

], m > 0 (1.15)

BmE[〈M,M〉mT

]≤ E

[|MT |2m

], m > 1/2 (1.16)

BmE[〈M,M〉mT

]≤ E

[(M∗

T )2m]≤ C ′mE

[〈M,M〉mT

], m > 1/2 (1.17)

ou Bm, Cm, C ′m sont des constantes universelles (qui dependent seulement de m mais pasde la martingale M ni du temps d’arret T ).

Remarque 1.6 En localisant correctement, on montre que (1.15) et (1.17) restent valablespour M martingale locale continue. Pour que (1.16) reste valable, il faut supposer en plusque E

[〈M,M〉mT

]< +∞.

Demonstration :[Inegalites de martingales] On considere le processus

Yt = δ + ε〈M,M〉t +M2t

= δ + (1 + ε)〈M,M〉t + 2

∫ t

0

MsdMs, t ≥ 0,

ou δ > 0 et ε > 0 sont des constantes qui seront choisies plus tard et la deuxieme expressionvient de la formule d’Ito. En appliquant la formule d’Ito pour f(x) = xm, on a pour t ≥ 0 :

Y mt = δm +m(1 + ε)

∫ t

0

Y m−1s d〈M,M〉s + 2m(m− 1)

∫ t

0

Y m−2s M2

s d〈M,M〉s

+2m

∫ t

0

Y m−1s MsdMs.

Comme par hypothese M , Y et 〈M,M〉 sont bornees et Y est bornee de 0, l’integrale∫ t0Y m−1s MsdMs est (vraie) une martingale uniformement integrable. Le theoreme d’arret

(Theoreme ??) s’applique et donne

E[∫ T

0

Y m−1s MsdMs

]= 0.

En prenant les esperances dans la formule d’Ito, on a donc

E[Y mT

]= δm +m(1 + ε)E

[∫ T

0

Y m−1s d〈M,M〉s

](1.18)

+2m(m− 1)E[∫ T

0

Y m−2s M2

s d〈M,M〉].

Cas 1 : borne sup pour 0 < m ≤ 1. Comme le dernier terme a droite de (1.18) estnegatif pour m ≤ 1, en faisant δ → 0, on a

E[(ε〈M,M〉T +M2

T )m]≤ m(1 + ε)E

[∫ T

0

(ε〈M,M〉s +M2s )m−1d〈M,M〉s

]

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16 Chapitre 1. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

≤ m(1 + ε)εm−1E[∫ T

0

〈M,M〉m−1s d〈M,M〉s

]= (1 + ε)εm−1E

[〈M,M〉mT

](1.19)

en utilisant la decroissance de xm−1 pour 0 < m ≤ 1. Comme pour ces valeurs de m,x 7→ xm est concave, on a

2m−1(xm + ym) ≤ (x+ y)m, x ≥ 0, y ≥ 0, (1.20)

et (1.19) donne

εmE[〈M,M〉mT

]+ E

[|MT |2m

]≤ (1 + ε)(ε/2)m−1E

[〈M,M〉mT

]. (1.21)

On deduit alors

E[|MT |2m

]≤((1 + ε)(2/ε)1−m − εm

)E[〈M,M〉mT

]. (1.22)

Cas 2 : borne inf pour m > 1. Dans ce cas, le dernier terme a droite de (1.18) est positif,x 7→ xm−1 est croissante et x 7→ xm est convexe. Les inegalites dans (1.19), (1.21), (1.22)se renversent pour mener a

E[|MT |2m

]≥((1 + ε)(2/ε)1−m − εm

)E[〈M,M〉mT

].

Cas 3 : borne inf pour 12< m ≤ 1. En faisant ε = 0 et δ → 0 dans (1.18), on a

E[|MT |2m

]= 2m(m− 1

2)E[∫ T

0

|Ms|2(m−1)d〈M,M〉s]. (1.23)

De plus, on deduit de (1.20) et (1.18) et de la decroissance de xm−1

2m−1(εmE[〈M,M〉mT ] + E[(δ +M2

T )m])≤ E

[(ε〈M,M〉T + (δ +M2

T ))m]

= E|Y mT ]

≤ δm +m(1 + ε)E[∫ T

0

(δ +M2s )m−1d〈M,M〉s

].

En faisant δ 0, on voit alors

2m−1(εmE

[〈M,M〉mT

]+ E

[|MT |2m

])≤ m(1 + ε)E

[∫ T

0

|Ms|2(m−1)d〈M,M〉s]. (1.24)

En combinant (1.23) et (1.24), on a la borne inferieure valable pour tout ε > 0 :

E[|MT |2m

]≥ εm

((1 + ε)21−m

2m− 1− 1

)−1

E[〈M,M〉mT

].

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1.4. Inegalites de Burkholder-Davis-Gundy 17

Cas 4 : borne sup pour m > 1. Dans ce cas, l’inegalite (1.24) s’inverse et on a

E[|MT |2m

]≤ εm

((1 + ε)21−m

2m− 1− 1

)−1

E[〈M,M〉mT

]ou ε doit verifier ε > (2m− 1)2m−1 − 1.

Les cas 1–4 etablissent (1.15) et (1.16). Pour prouver (1.17), on applique l’inegalite maxi-male de Doob a la (Ft)-martingale (MT∧t)t≥0 On a alors pour m > 1/2 :

BmE[〈M,M〉mT∧t

]≤ E

[|MT∧t|2m

]≤ E

[(M∗

T∧t)2m]

≤(

2m

2m− 1

)2m

E[|MT∧t|2m

]≤ Cm

(2m

2m− 1

)2m

E[〈M,M〉mT∧t

], t ≥ 0,

ce qui est (1.17) avec T remplace par T ∧ t. On conclut alors a l’aide du theoreme deconvergence monotone en faisant t→ +∞.

On utilise encore l’inegalite de Lenglart :

Proposition 1.4 (Inegalite de Lenglart) Soit (Xt)t≥0 un processus continu positif par-tant de 0 et (At)t≥0 un processus continu croissant tels que

pour tout temps d’arret T borne : E[XT ] ≤ E[AT ]. (1.25)

Alors pour tout temps d’arret T borne :

P(

maxs≤T

Xs ≥ ε

)≤ E[δ ∧ AT ]

ε+ P(AT ≥ δ), ε, δ > 0 (1.26)

E[(X∗T )p

]≤ 2− p

1− pE[ApT], 0 < p < 1. (1.27)

Remarque 1.7 Noter que la condition (1.25) est remplie si X = M2 ou M est une mar-tingale continue bornee dans L2 car par definition du crochet de M , on a Xt − At =M2

t − 〈M,M〉t martingale locale et c’est une vraie martingale car M ∈ L2. Le theoremed’arret (avec T borne et 0 ≤ T ) donne en prenant l’esperance E

[M2

T −AT]

= E[M2

0 −A0

],

ie. E[XT ] = E[AT ].La condition (1.25) est encore remplie si M est une martingale locale reduite par Tn : onpeut supposer que MTn est une martingale L2 pour laquelle d’apres 1) (1.25) est vraie, ie.

E[XT∧Tn ] = E[AT∧Tn ] ≤ E[AT ].

Mais comme Tn +∞ et T est borne, par le lemme de Fatou,

E[XT ] = E[

lim infn

XT∧Tn]≤ lim inf

nE[XT∧Tn ] ≤ lim inf

nE[AT∧Tn ] ≤ E[AT ].

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18 Chapitre 1. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

Demonstration : Soient d’abord T un temps d’arret borne et ε > 0. On note R = inf(t ≥

0 : Xt ≥ ε). Sur X∗T ≥ ε, on a R ≤ T ou encore R = R ∧ T . Comme par continuite des

trajectoires XR = ε, on a alors :

P(X∗T ≥ ε

)= E

[1X∗T≥ε

]= E

[XR

ε1X∗T≥ε

]= E

[XR∧T

ε1X∗T≥ε

]≤ 1

εE[XR∧T ] ≤ 1

εE[AR∧T ] ≤ 1

εE[AT ] (1.28)

ou on utilise d’abord (1.25) avec T ∧R borne puis la croissance de A.

Si T est un temps d’arret quelconque, alors (1.28) s’applique a Tn = T ∧ n temps d’arretborne : P(X∗Tn ≥ ε) ≤ 1

εE[ATn ]. Mais comme Tn → T ,

⋃n≥1X∗Tn > ε = X∗T > ε

(reunion croissante), en passant a la limite, on a :

P(X∗T > ε

)= lim

n→+∞P(X∗Tn > ε

)≤ 1

εE[AT ].

On a aussi P(X∗T > ε) ≤ 1εE[AT ]. Finalement, soient ε, δ > 0 et S = inf

(t ≥ 0 : At ≥ δ

).

On a

P(X∗T ≥ ε

)= P

(X∗T ≥ ε, AT < δ

)+ P

(X∗T ≥ ε, AT ≥ δ

)≤ P(X∗T ≥ ε, T < S) + P(AT ≥ δ)

≤ P(X∗T∧S ≥ ε) + P(AT ≥ δ)

≤ 1

εE[AT∧S

]+ P(AT ≥ δ)

≤ 1

εE[AT ∧ δ

]+ P(AT ≥ δ)

en utilisant (1.28) avec T ∧ S puis la definition de S (qui assure AT∧S = AT ∧ δ).Considerons (Mn)n≥1 une suite de martingales locales et un temps d’arret T tels que

〈Mn,Mn〉TP−→ 0. D’apres la remarque, la borne precedente reste vraie pour X = (Mn)2

et At = 〈Mn,Mn〉t ou Mn est une martingale locale. on a alors

P(

sups≤T|Mn

s |2 > ε

)≤ 1

εE[〈Mn,Mn〉T ∧ δ

]+ P

(〈Mn,Mn〉T ≥ δ

).

Le deuxieme terme tend vers 0 directement par l’hypothese. Comme 〈Mn,Mn〉T ∧ δ ≤δ est borne, le premier terme tend aussi vers 0 par convergence dominee. Finalement,P(sups≤T |Mn

s |2 > ε)→ 0, ce qui assure, en probabilite

P- limn→+∞

(sups≤T|Mn

s |)

= 0.

Pour la derniere partie, on utilise E[Z] =∫ +∞

0P(Z ≥ x)dx valable pour toute variable

aleatoire Z positive. Avec ci-dessous (1.28) pour ε = δ = x−1/p, on a

E[(X∗T )p

]≤

∫ +∞

0

P((X∗T )p > x

)dx

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1.5. Representation des martingales (browniennes) 19

≤∫ +∞

0

P(X∗T > x1/p

)dx

≤∫ +∞

0

x−1/pE[AT ∧ x1/p

]+

∫ +∞

0

P(AT > x1/p

)dx

≤ E

[∫ ApT

0

dx

]+ E

[∫ +∞

ApT

ATx−1/pdx

]+

∫ +∞

0

P(ApT > x

)dx

≤ E[ApT ] + E[AT ×

p

1− pAp−1T

]+ E

[ApT]

≤ 2− p1− p

E[ApT].

Demonstration des inegalites BDG (Theoreme 1.4). D’apres les inegalites de mar-tingales precedentes (Proposition 1.3) et la remarque qui les suit, (1.14) est valable pourp = 2m > 1. Il reste a voir le cas 0 < p = 2m ≤ 1. On suppose (quitte a localiser lesprocessus) que M et 〈M,M〉 sont bornees et on utilise l’inegalite de Lenglart (1.27).

D’apres l’inegalite droite dans (1.17) (avec m = 1), on peut appliquer l’inegalite de Lenglart(1.27) avec

X = (M∗)2, A = C ′1〈M,M〉et on a pour m ≤ 1/2 :

E[(M∗

T )2m]≤ 2−m

1−m(C ′1)mE

[〈M,M〉mT

]pour tout 0 < m < 1. De la meme facon, l’inegalite a gauche de (1.17) (avec m = 1) permetd’appliquer l’inegalite de Lenglart avec

X = B1〈M,M〉, A = (M∗)2

ce qui donne, pour 0 < m < 1,

1−m2−m

Bm1 E[〈M,M〉mT

]≤ E

[(M∗

T )2m].

Cela acheve la preuve des inegalites BDG.

1.5 Representation des martingales (browniennes)

Nous montrons que lorsque la filtration est engendree par un mouvement brownien,toutes les martingales pour cette filtration peuvent etre representees comme integralesstochastiques par rapport a ce mouvement brownien.

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20 Chapitre 1. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

Theoreme 1.5 (Representation des martingales) On suppose que la filtration (Ft)t≥0

sur Ω est (l’augmentation habituelle de) la filtration canonique d’un mouvement brownienB issu de 0. Alors, pour toute variable aleatoire Z ∈ L2(Ω,F∞), il existe un (unique)processus h ∈ L2(B) (en particulier progressif donc adapte) tel que

Z = E[Z] +

∫ +∞

0

h(s, ω) dBs.

Par consequent, pour toute martingale M continue et bornee dans L2 (respectivement pourtoute martingale locale M continue), il existe un (unique) processus h ∈ L2(B) (resp.h ∈ L2

loc(B)) et une constante C reelle tels que

Mt = C +

∫ t

0

h(s, ω) dBs.

La preuve utilise le resultat suivant de densite.

Lemme 1.3 Sous les hypotheses du theoreme precedent, l’espace vectoriel engendre parles variables aleatoires

exp(i

n∑j=1

λj(Btj −Btj−1))

pour 0 = t0 < t1 < · · · < tn et λ1, . . . , λn ∈ R est dense dans L2C(Ω,F∞).

Demonstration :[Lemme 1.3] Il suffit de montrer que si Z ∈ L2C(Ω,F∞) verifie

E

[Z exp

(i

n∑j=1

λj(Btj −Btj−1))]

= 0 (1.29)

pour tout choix de 0 = t0 < t1 < · · · < tn et λ1, . . . , λn ∈ R alors Z = 0.Soient 0 = t0 < t1 < · · · < tn fixes et on note gm,σ2(x), x ∈ R, la densite de la loi N (m,σ2),m ∈ R, σ2 > 0. La condition (1.29) assure que pour tous σ2

1, . . . , σ2n > 0 et m1, . . . ,mn ∈ R,

on a

0 =

∫Rn

n∏j=1

gmj ,σ2j(λj)E

[Z exp

(i

n∑j=1

λj(Btj −Btj−1))]

dλ1 . . . dλj

= E

[Z

n∏j=1

exp

(imj(Btj −Btj−1

)−σ2j (Btj −Btj−1

)2

2

)]

ou la deuxieme egalite vient du theoreme de Fubini et de l’expression de la fonction carac-teristique d’une loi gaussienne. On obtient pour tous m1, . . . ,mn ∈ R et α1, . . . , αn > 0 :

E

[Z

n∏j=1

exp(imj(Btj −Btj−1

)− αj(Btj −Btj−1)2)]

= 0.

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1.5. Representation des martingales (browniennes) 21

Le theoreme de Stone-Weierstrass garantit que les combinaisons lineaires complexes de lafonction constante egale a 1 et des fonctions de la forme

(y1, . . . , yn) 7→ exp( n∑j=1

(imjyj − αjy2j ))

avec α1, . . . , αm > 0 et m1, . . . ,mn ∈ R sont denses dans l’espace C`(Rn,C) des fonctionscontinues de Rn dans C qui ont une limite a l’infini, muni de la norme de la convergenceuniforme. Par un passage a la limite, on obtient donc, pour toute fonction ϕ ∈ C`(Rn,C),

E[Z ϕ(Bt1 , Bt2 −Bt1 , . . . , Btn −Btn−1)

]= 0.

On a donc, d’abord par approximation, pour tout ouvert borne U de Rn puis, par unargument de classe monotone, pour tout borelien U de Rn :

E[Z 1U(Bt1 , Bt2 −Bt1 , . . . , Btn −Btn−1)

]= 0.

Finalement, on a obtenu l’egalite E[Z1A] = 0 pour tout A ∈ σ(Bt1 , . . . , Btn). Avec undernier argument de classe monotone, on montre que cette egalite reste vraie pour toutA ∈ σ(Bt : t ≥ 0) ; puis, par completion, pour tout A ∈ F∞. On conclut finalement queZ = 0 ce qui etablit le lemme.

Demonstration :(du Theoreme 1.5) On montre d’abord la premiere assertion. Pour cela,on note H l’espace vectoriel des variables aleatoires Z ∈ L2(Ω,F∞) qui ont la propriete

annoncee. Remarquons que l’unicite de h est facile a etablir puisque si h et h correspondenta la meme variable aleatoire Z, on a par isometrie :

E[∫ +∞

0

(h(s, ω)− h(s, ω))2 ds

]= E

[(∫ +∞

0

h(s, ω) dBs −∫ +∞

0

h(s, ω))2 dBs

)2]

= 0,

d’ou h = h dans L2(B). Si Z ∈ H correspond a h,

E[Z2] = E[Z]2 + E[∫ +∞

0

h(s, ω)2 ds

].

Il en decoule facilement que si (Zn)n≥0 est une suite dans H qui converge dans L2(Ω,F∞)vers Z, les processus hn associes a Zn forment une suite de Cauchy dans L2(B) doncconvergent vers h ∈ L2(B). D’apres la propriete d’isometrie de l’integrale stochastique(Theoreme ??) on a alors Z = E[Z] +

∫ +∞0

h(s, ω) dBs et H est donc ferme.

Ensuite, pour 0 = t0 < t1 < · · · < tn et λ1, . . . , λn ∈ R, notons f(s) =∑n

j=1 λj1]tj−1,tj ](s)

et Eft la martingale exponentielle E(i∫ ·

0f(s) dBs

)(cf. Proposition 1.1). La formule d’Ito

pour l’exponentielle stochastique (cf. (1.9)) montre que

exp(i

n∑j=1

λj(Btj −Btj−1) +

1

2

n∑j=1

λ2j(tj − tj−1)

)= Ef∞ = 1 + i

∫ +∞

0

Efs f(s) dBs

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22 Chapitre 1. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

soit

exp(i

n∑j=1

λj(Btj −Btj−1))

= exp(− 1

2

n∑j=1

λ2j(tj − tj−1)

)+ i

∫ +∞

0

exp(− 1

2

n∑j=1

λ2j(tj − tj−1)

)Efs f(s) dBs

c’est a direexp

(i

n∑j=1

λj(Btj −Btj−1)

): λj ∈ R, 0 = t0 < t1 · · · < tn, n ∈ N

⊂ H

et d’apres le Lemme 1.3,

L2(Ω,F∞) = Vect

exp

(i

n∑j=1

λj(Btj −Btj−1)

): λj ∈ R, 0 = t0 < t1 · · · < tn, n ∈ N

⊂ H = H.

On a donc H = L2(Ω,F∞) ce qui prouve la premiere partie du theoreme.

Soit maintenant M une martingale continue et bornee dans L2, alors, d’apres la premierepartie, M∞ ∈ L2(Ω,F∞) s’ecrit, avec h ∈ L2(B), sous la forme

M∞ = E[M∞] +

∫ +∞

0

h(s, ω) dBs.

Par conditionnement, il vient :

Mt = E[M∞|Ft] = E[M∞] +

∫ t

0

h(s, ω) dBs.

L’unicite de h s’obtient comme dans la premiere partie.

Enfin, soit M une martingale locale (continue), on a d’abord M0 = C ∈ R parce que F0 estP-triviale (ce qu’on peut deduire soit de la premiere partie de la preuve soit du Chapitre??). Si Tn = inf

(t ≥ 0 : |Mt| ≥ n

)on peut appliquer ce qui precede a la martingale arretee

MTn et trouver un processus hn ∈ L2(B) tel que

MTnt = C +

∫ t

0

hn(s, ω) dBs.

Par unicite dans la deuxieme partie, si m < n, on a hn(s, ω) = hm(s, ω), ds-pp sur [0, Tm]ps. Il est alors facile de construire h ∈ L2

loc(B) tel que, pour tout m, h(s, ω) = hm(s, ω)ds-pp sur [0, Tm] ps. La formule annoncee decoule ensuite de la construction de l’integralestochastique

∫ t0h(s, ω) dBs et l’unicite de h s’obtient aussi facilement par un argument de

localisation.

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1.6. Formule de Tanaka 23

Remarque 1.8 Sous les hypotheses du Theoreme 1.5, notons N la classe des P-neglige-ables de σ(Bt : t ≥ 0) et pour tout t ≥ 0, Gt = σ(Bs : 0 ≤ s ≤ t) ∨ N . A priori, on aFt = Gt+ . En fait, le Theoreme 1.5 entraıne que Gt = Gt+ = Ft (le cas t = 0 est la loi deBlumenthal). En effet, si Z est une variable aleatoire Ft-mesurable bornee, on a

Z =

∫ t

0

h(s, ω) dBs = (L2)- limε↓0

∫ t−ε

0

h(s, ω) dBs.

et quitte a prendre une sous-suite, on voit que Z est limite ps de variables (Gt)t-mesurables(car si ε > 0 : Ft−ε ⊂ Gt).

1.6 Formule de Tanaka

Theoreme 1.6 (Formule de Tanaka) Soit X une semimartingale continue. Il existe(Lat )t≥0, a ∈ R, processus croissant continu, appele temps local en a de la semimartingaleX, tel que

(Xt − a)+ = (X0 − a)+ +

∫ t

0

1Xs>adXs +1

2Lat

(Xt − a)− = (X0 − a)− −∫ t

0

1Xs≤adXs +1

2Lat

|Xt − a| = |X0 − a|+∫ t

0

sgn(Xs − a)dXs + Lat

ou sgn(x) = −1, 1 selon que x ≤ 0, x > 0. De plus, la mesure (de Stieltjes) dLat associee aLat est portee par t ∈ R : Xt = a.

Demonstration : On considere d’abord ϕ une fonction convexe continue. Bien que ϕ nesoit pas C2, on tente d’ecrire une « formule d’Ito » pour ϕ(Xt).

Soit j une fonction positive de classe C∞ a support compact inclus dans ]−∞, 0] telle que∫ 0

−∞ j(y)dy = 1. On pose ϕn(x) = n∫ 0

−∞ ϕ(x+y)j(ny)dy. Comme ϕ convexe est localementbornee, ϕn est bien definie. De plus, ϕn est C∞ et converge simplement vers ϕ et ϕ′n croıtvers ϕ′−, derivee a gauche de ϕ.

En appliquant la formule d’Ito a la fonction ϕn de classe C2, on a pour chaque n ≥ 1 :

ϕn(Xt) = ϕn(X0) +

∫ t

0

ϕ′n(Xs)dXs +1

2Aϕnt (1.30)

ou Aϕnt =∫ t

0ϕ′′n(Xs)d〈X,X〉s.

On a limn→+∞ ϕn(Xt) = ϕ(Xt) et limn→+∞ ϕn(X0) = ϕ(X0). En arretant X, on peutsupposer que X et ϕ′n(Xs) sont bornees (uniformement en n car ϕ′1 ≤ ϕ′n ≤ ϕ′−). Par leTheoreme ?? (convergence dominee pour l’integrale stochastique), on a∫ t

0

ϕ′n(Xs)dXsP−→∫ t

0

ϕ′−(Xs)dXs

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24 Chapitre 1. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

uniformement sur les compacts. Par consequent, Aϕn converge vers un processus Aϕ crois-sant car limite de processus croissants. En passant a la limite dans (1.30), il vient

ϕ(Xt) = ϕ(X0) +

∫ t

0

ϕ′−(Xs)dXs +1

2Aϕt (1.31)

puis le processus Aϕ peut etre choisi continu (car difference de processus continus).

On applique (1.31) a ϕ(x) = (x− a)+ fonction convexe de derivee a gauche ϕ′− = 1]a,+∞[ :il existe un processus croissant A+ tel que

(Xt − a)+ = (X0 − a)+ +

∫ t

0

1Xs>adXs +1

2A+t . (1.32)

De la meme facon avec ϕ(x) = (x − a)− fonction convexe de derivee a gauche ϕ′− =−1]−∞,a] : il existe un processus croissant A− tel que

(Xt − a)− = (X0 − a)− −∫ t

0

1Xs≤adXs +1

2A−t . (1.33)

Par difference de (1.32) et (1.33), comme x = x+ − x−, on a

Xt = X0 +

∫ t

0

dXs +1

2(A+

t − A−t ). (1.34)

Il vient A+ = A− et on pose alors Lat = A+t . En sommant (1.32) et (1.33), comme |x| =

x+ + x−, on a

|Xt − a| = |X0 − a|+∫ t

0

sgn(Xs − a)dXs + Lat .

Pour la derniere partie, en appliquant la formule d’Ito a la semimartingale |Xt − a| avecf(x) = x2, on a en utilisant aussi (1.34)

|Xt − a|2 = |X0 − a|2 + 2

∫ t

0

|Xs − a| d(|Xs − a|)s + 〈|X − a|, |X − a|〉t

= (X0 − a)2 + 2

∫ t

0

|Xs − a|sign (Xs − a) dXs + 2

∫ t

0

|Xs − a| dLas + 〈X,X〉t.

En comparant avec la formule d’Ito pour X avec f(x) = (x− a)2,

(Xt − a)2 = (X0 − a)2 + 2

∫ t

0

(Xs − a) dXs + 〈X,X〉t

il vient∫ t

0|Xs − a| dLas = 0 ps, ce qui est le resultat.

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1.6. Formule de Tanaka 25

Remarque 1.9 (Formule d’Ito-Tanaka) Lorsque ϕ : R→ R est une fonction convexe,on peut preciser (1.31) : on montre que

Aϕt = 2

∫ +∞

−∞Latϕ

′′(da)

ou ϕ′′(da) est la mesure associee a ϕ′′ a comprendre dans le sens des distributions. On aalors la formule d’Ito-Tanaka pour ϕ convexe :

ϕ(Xt) = ϕ(X0) +

∫ t

0

ϕ′−(Xs)dXs +

∫ +∞

−∞Lat ϕ

′′(da). (1.35)

La formule (1.35) se generalise immediatement a une combinaison lineaire de fonctionsconvexes ϕ =

∑pi=1 αiϕi. Dans ce cas, ϕ′′ devient une mesure signee.

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26 Chapitre 1. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

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Chapitre 2

Theoreme de Girsanov

La formule d’Ito etudiee au Chapitre 1 explore comment se transforme une semimar-tingale quand on lui applique une transformation C2. On etudie maintenant comment setransforme une semimartingale lorsqu’on change de mesure de probabilite P. C’est l’ob-jet du theoreme de Girsanov qu’on prouve en Section 2.2 et dont on etudie les premieresconsequences en Section 2.2.

Commencons par une approche heuristique pour des variables aleatoires : la densite gaus-sienne standard g(x) = 1√

2πexp(−x2

2) possede la propriete suivante g(x−a) = g(x)eax−a

2/2

pour tout a ∈ R qui se reecrit

E[f(N + a)] =

∫f(x+ a)g(x)dx

=

∫f(x)g(x− a)dx

=

∫f(x)eax−a

2/2g(x)dx

= E[f(N) exp(aN − a2/2)] = Ea[f(N)]

pour f mesurable bornee et N ∼ N (0, 1) et en notant Ea pour l’esperance sous

dQ(a) = exp(aN − a2/2) dP.

Cela signifie que la variable aleatoire translatee N +a suit la meme loi que N en changeantla probabilite en dQ(a) = exp(aN − a2/2) dP ie. PN+a = Q(a)

N .C’est cette observation, generalisee au mouvement brownien, qui constitue la formule deCameron-Martin (1944, cf. Corollaire 2.7) puis le Theoreme de Girsanov original (1960, cf.Corollaire 2.6). Ce theoreme a ensuite ete etendu a des martingales locales plus generales,c’est cette version que nous presentons.

On considere (Ω,F , (Ft)t≥0,P) un espace filtre satisfaisant les conditions habituelles.

27

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28 Chapitre 2. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

2.1 Logarithme stochastique

La propriete de martingale est liee a la probabilite utilisee : si on change P en Q,une martingale X (pour P) n’a pas de raison de rester une martingale pour Q. Danscette section, on etudie comment se transforme une semimartingale quand on change laprobabilite P en Q P. La reponse est donnee par le Theoreme de Girsanov (Th. 2.1).Pour eviter les confusions dans un tel contexte, on indique la probabilite par rapport alaquelle une martingale est consideree (on ecrira ainsi : soit X une P-martingale ou une(Ft,P)-martingale et on notera EP pour une esperance relative a P).

Dans la suite, on considere Q P sur F∞. Bien sur, on a alors Q P sur Ft pour toutt ≥ 0 et on note Dt = dQ

dP |Ftla derivee de Radon-Nikodym de Q par rapport a P sur Ft.

Dans un contexte statistique, D s’appelle la vraisemblance de Q (par rapport a P). Leprocessus D verifie les proprietes suivantes :

Proposition 2.1 (Processus derivee de Radon-Nikodym)

1. D est une (Ft)t≥0-martingale uniformement integrable.

2. D admet une modification cadlag ; pour cette version et pour tout temps d’arret T ,on a DT = dQ

dP |FT.

3. Si Q ∼ P sur F∞ (ie. Q P et P Q) alors ps pour tout t ≥ 0, Dt > 0.

Demonstration : 1) Pour A ∈ Ft ⊂ F∞, on a

Q(A) = EQ[1A] = EP[1AD∞] = EP[1AEP[D∞|Ft]

].

Comme EP[D∞|Ft] est Ft-mesurable, par unicite de la derivee de Radon-Nikodym, il vientDt = EP[D∞|Ft] ps, ce qui assure que D est une (Ft)t≥0-martingale (filtration complete) ;elle est uniformement integrable car fermee.

2) D’apres le Theoreme ?? (regularisation trajectorielle des martingales), D admet uneversion cadlag. On peut donc considerer que D est cadlag, ce qui permet d’appliquer letheoreme d’arret (D est uniformement integrable) : si T est un temps d’arret et A ∈ FT ,on a :

Q(A) = EQ[1A] = EP[1AD∞] = EP[1ADT ].

Comme DT est FT -mesurable, par unicite de la derivee de Radon-Nikodym, on a DT =dQdP |FT

.

3) Posons S = inf(t ≥ 0 : Dt = 0

). Il s’agit d’un temp d’arret. Sur S < +∞, on peut

considerer sn S avec Dsn = 0, la continuite a droite de D assure alors DS = 0. AvecA = S < +∞ ∈ FS, on a d’apres le 2) : Q(A) = EP[1ADS] = 0 et donc par hypotheseon a aussi P(A) = 0. Ainsi, S = +∞ P (ou Q)-presque surement, c’est a dire Dt > 0 pourtout t ≥ 0.

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2.1. Logarithme stochastique 29

Dans la suite, on suppose en general D a trajectoires continues. La notion d’exponentiellestochastique a ete visitee au Chapitre 1. On lui associe maintenant la notion de logarithmestochastique :

Proposition 2.2 (Logarithme stochastique) Soit D une martingale locale continuestrictement positive. Alors, il existe une unique martingale locale, a trajectoire continues,L, appelee logarithme stochastique de D, telle que

Dt = exp

(Lt −

1

2〈L,L〉t

)= E(L)t. (2.1)

De plus, L est donnee par l’expression

Lt = lnD0 +

∫ t

0

D−1s dDs. (2.2)

Demonstration : Unicite. Si Dt = exp(Lt − 1

2〈L,L〉t

)= exp

(L′t − 1

2〈L′, L′〉t

)pour tout

t ≥ 0 alors Lt − L′t = 12〈L,L〉t − 1

2〈L′, L′〉t pour tout t ≥ 0 ce qui exige L = L′ par le

Theoreme ?? (une martingale locale a variation bornee et issue de 0 est nulle).

Existence. Prenons L donne par (2.2) et remarquons que

〈L,L〉t =

∫ t

0

d〈D,D〉sD2s

.

Comme D > 0 et ln est C2 sur R∗+, on applique la formule d’Ito a lnD :

lnDt = lnD0 +

∫ t

0

dDs

Ds

− 1

2

∫ t

0

d〈D,D〉sD2s

= Lt −1

2〈L,L〉t,

ce qui donne (2.1) en appliquant exp.

Proposition 2.3 (P-martingale et Q-martingale) Soit Q ∼ P sur F∞. Soit L le lo-garithme stochastique associe a la martingale Dt = (dQ/dP)|Ft qu’on suppose continue.Soient X un processus continu adapte et T un temps d’arret tel que (XD)T est une P-martingale alors XT est une Q-martingale. En particulier, si XD est une P-martingalelocale alors X est une Q-martingale locale.

Demonstration : La seconde partie de la proposition decoule facilement de la premierepartie qu’on se contente de prouver.Pour cela, on a d’abord XT

t ∈ L1(Q) car d’apres la Proposition 2.1,

EQ[|XT∧t|] = EP[|XT∧tDT∧t|] < +∞.

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30 Chapitre 2. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

Puis considerons s < t et A ∈ Fs. Comme A ∩ T > s = A ∩ T ≤ sc ∈ Fs et (XD)T

est une P-martingale, on a

EP[1A∩T>sXT∧tDT∧t

]= EP

[1A∩T>sXT∧sDT∧s

](2.3)

par propriete de P-martingale pour (XD)T . On a aussi A ∩ T > s ∈ FT car pour toutu ≥ 0,

si s ≤ u A ∩ T > s ∩ T ≤ u ∈ Fs ∩ Fu ⊂ Fu,si s > u A ∩ T > s ∩ T ≤ u = ∅ ∈ Fu.

Comme aussi A ∩ T > s ∈ Fs, on a donc A ∩ T > s ∈ FT∧s ⊂ FT∧t, l’egalite (2.3) sereecrit

EQ[1A∩T>sXT∧t

]= EQ

[1A∩T>sXT∧s

]car on rappelle que par la Proposition 2.1 :

DT∧t =dQdP |FT∧t

, DT∧s =dQdP |FT∧s

.

Par ailleurs, comme il est evident que EQ[1A∩T≤sXT∧t] = EQ[1A∩T≤sXT∧s] (car dans cesdeux integrales XT∧t = XT = XT∧s), il vient EQ[1AXT∧t] = EQ[1AXT∧s] pour tout A ∈ Fs.Cela etablit que XT est une Q-martingale et prouve la proposition.

2.2 Theoreme de Girsanov

Theoreme 2.1 (Girsanov) Soit Q ∼ P sur F∞ et soit L le logarithme stochastique (sup-pose a trajectoires continues) associe a la martingale Dt = (dQ/dP)|Ft. Si M est une

(Ft,P)-martingale locale continue, alors le processus M = M − 〈M,L〉 est une (Ft,Q)-martingale locale continue.

Sous les hypotheses du Theoreme 2.1, notons M = GPQ(M). Alors l’application GPQ verifie :– GPQ envoie l’ensemble des P-martingales locales continues dans l’ensemble des Q-

martingales locales continues.– On a

GQP GPQ = Id. (2.4)

– De plus, GPQ commute avec l’integrale stochastique, ie. si H est un processus locale-ment borne alors H · GPQ(M) = GPQ(H ·M).

Demonstration : On applique la formule d’Ito avec F (x, y) = xy de classe C2 aux

semimartingales M = M − 〈M,L〉 et D :

MtDt = M0D0 +

∫ t

0

MsdDs +

∫ t

0

DsdMs + 〈M,D〉t

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2.2. Theoreme de Girsanov 31

= M0D0 +

∫ t

0

MsdDs +

∫ t

0

DsdMs −∫ t

0

Dsd〈M,L〉s + 〈M,D〉t

= M0D0 +

∫ t

0

MsdDs +

∫ t

0

DsdMs (2.5)

puisque d’apres la Proposition 2.2 on a d〈M,L〉s = D−1s d〈M,D〉s. Comme M et D sont

des P-martingales, l’egalite (2.5) montre alors que MD est une P-martingale locale car Met D en sont donc les integrales stochastiques contre D et M aussi. La conclusion vient dela Proposition 2.3.

Les corollaires suivants explorent quelques consequences remarquables du theoreme deGirsanov (Th. 2.1).

Corollaire 2.1 Une (Ft,P)-martingale locale continue M reste une (Ft,Q)-semimartingale

continue avec la decomposition M = M + 〈M,L〉.

Demonstration : Directe.

En particulier, ce corollaire montre que la classe des (Ft,P) semimartingales continues estcontenue dans celle des (Ft,Q) semimartingales continues. Mais en fait, on a mieux :

Corollaire 2.2 Sous les hypotheses du Theoreme 2.1 (Girsanov), les classes des (Ft,P)semimartingales continues et des (Ft,Q) semimartingales continues coıncident.

Demonstration : Il suffit de montrer que sous les hypotheses du Theoreme 2.1 (Girsanov),les roles de P et Q sont symetriques. Notons que dQ

dP |Ft= 1/ dP

dQ |Ft= D−1

t . On applique alors

le Theoreme 2.1 a M = −L. On a M = M − 〈M,L〉 = −L + 〈L,L〉 est une martingale

locale continue avec 〈M, M〉 = 〈L,L〉. Ainsi

E(M)t

= exp

(Mt −

1

2〈M, M〉t

)= exp

(−Lt + 〈L,L〉t −

1

2〈L,L〉t

)= exp

(−Lt +

1

2〈L,L〉t

)= E

(L)−1

t= D−1

t .

On peut donc echanger les roles de P et Q quitte a remplacer D par D−1 et L parM = −L+ 〈L,L〉.

On peut alors justifier (2.4) puisqu’avec les notations precedentes avec M = M − 〈M,L〉et L = −L = 〈L,L〉, on a

GQP GPQ(M) =

˜M = M − 〈M, L〉 = M − 〈M,L〉 − 〈M, L〉 = M − 〈M,L〉+ 〈M,L〉 = M.

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32 Chapitre 2. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

Corollaire 2.3 Soient X, Y deux semimartingales continues (relativement a P ou Q). Lavaleur du crochet 〈X, Y 〉 est la meme sous P et sous Q.

Demonstration : En effet dans les deux cas, 〈X, Y 〉 est donne par l’approximation de laProposition ?? qui ne change pas si on change P en Q. Ou encore, le changement de pro-babilite n’affecte que la partie a variation finie d’une semimartingale donc pas son crochet.

De meme, si H est un processus localement borne, l’integrale stochastique H · X est lameme sous P et Q (utiliser des approximations par des processus elementaires).

Le Theoreme de Girsanov s’utilise souvent a horizon fini :

Corollaire 2.4 Pour T > 0 une date deterministe fixee, on se donne une filtration (Ft)t∈[0,T ]

et on suppose qu’elle verifie les conditions habituelles (chaque Ft contient les P-negligeablesde FT ). Si Q ∼ P, on definit comme precedemment la martingale (Dt)t∈[0,T ] et, si D a uneversion continue, on definit la martingale (Lt)t∈[0,T ]. Alors, l’analogue du Theoreme 2.1(Girsanov) reste vrai pour [0, T ].

2.3 Utilisation de Girsanov

Dans les applications pratiques du Theoreme de Girsanov (Th. 2.1), on ne dispose pasen general de la probabilite Q mais de ce qui joue le role du logarithme stochastique L desa derivee de Radon-Nikodym D = dQ/dP. On reconstruit alors la probabilite Q commesuit :

– on part d’une martingale locale continue L telle que L0 = 0 ;– alors E(L)t est une martingale locale continue a valeurs strictement positives, c’est

donc une surmartingale (Proposition ??) ;– cela assure l’existence ps de la limite E(L)∞ (Theoreme ??) ; en plus, d’apres le lemme

de Fatou, on aE[E(L)∞] ≤ 1 (2.6)

puisque

E[E(L)∞] = E[

limt→+∞

E(L)t

]= E

[lim inft→+∞

E(L)t

]≤ lim inf

t→+∞E[E(L)t] ≤ 1 (2.7)

car, si 0 ≤ s ≤ t, E[E(L)t] ≤ E[E(L)s] ≤ E[E(L)0] = 1.– Mais si on a egalite dans (2.6), on a bien mieux :

Proposition 2.4 Si la condition suivante est satisfaite

E[E(L)∞] = 1, (2.8)

alors E(L) est une vraie martingale uniformement integrable.

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2.3. Utilisation de Girsanov 33

Demonstration : On montre d’abord sous (2.8) que E(L) est une vraie martin-gale : sous (2.8), il y a egalite dans les inegalites (2.7), soit necessairement E[E(L)t] =E[E(L)s] pour tout s ≤ t, ce qui combine avec E[E(L)t|Fs] ≤ E(L)s exige E[E(L)t|Fs] =E(L)s, c’est a dire E(L) est une vraie martingale.

Puis comme E(L)t → E(L)∞ ps avec E[|E(L)t|] = E[|E(L)∞|] = 1 alors le resultatsuivant (lemme de Scheffe) garantit que E(L)t → E(L)∞ dans L1.

D’apres la Proposition ?? sur la convergence des martingales, c’est equivalent a avoirE(L) uniformement integrable (ou fermee).

– En posant Q = E(L)∞ · P , on est finalement dans le cadre du theoreme de Girsanov(Th. 2.1).

Lemme 2.1 (Scheffe) Soient Xn → X ps. Alors

E[|Xn|

]→ E

[|X|]

ssi E[|Xn −X|

]→ 0 ie. Xn → X dans L1.

En pratique, si M est une P-martingale locale, si on change sa partie a variation finie enretranchant 〈M,L〉, on a toujours une martingale locale en changeant P en Q, probabiliteequivalente de densite donnee par l’exponentielle stochastique E(L). Il faut cependant quela condition (2.8) soit satisfaite. Il est donc important de pouvoir donner des conditionsqui assurent (2.8). C’est l’objet du resultat suivant :

Theoreme 2.2 (Condition de Novikov) Soit L une martingale locale continue telleque L0 = 0. Considerons les conditions suivantes :

1. E[

exp 12〈L,L〉∞] < +∞ ;

2. L est une martingale uniformement integrable et E[

exp(12L∞)

]< +∞ ;

3. E(L) est une martingale uniformement integrable.

Alors on a les implications 1)⇒ 2)⇒ 3).

Demonstration : • 1) ⇒ 2). Comme d’apres 1) E[〈L,L〉∞] < +∞, L est une vraiemartingale bornee dans L2 (cf. Th. ??). Elle est donc uniformement integrable. Puis, pardefinition de E(L)∞ :

exp

(1

2L∞

)= E(L)1/2

∞ exp

(1

2〈L,L〉∞

)1/2

.

Par l’inegalite de Cauchy-Schwarz, comme on a toujours l’inegalite (2.6) , on a

E[exp

(1

2L∞

)]≤ E [E(L)∞]1/2 E

[exp

(1

2〈L,L〉∞

)]1/2

≤ E[exp

(1

2〈L,L〉∞

)]1/2

< +∞.

• 2) ⇒ 3). Puisque L est une martingale uniformement integrable, on a Lt = E[L∞|Ft].Par l’inegalite de Jensen avec exp, on a alors

exp

(1

2Lt

)= exp

(1

2E[L∞|Ft]

)≤ E

[exp

(1

2L∞

)|Ft]

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34 Chapitre 2. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

ce qui assure, par 2), que exp(12Lt) ∈ L1. Par convexite de exp, exp(1

2Lt) est une sous-

martingale qui, par l’inegalite precedente, est fermee par exp(12L∞) (en tant que sous-

martingale). En appliquant le theoreme d’arret (Th. ??) pour les (sur)sous-martingalesfermees, pour tout temps d’arret T , on a exp(1

2LT ) ≤ E[exp(1

2L∞)|FT ]. Cela montre que

la famille

exp(12LT ) : T temps d’arret

est uniformement integrable.

Puis pour 0 < a < 1, on pose Z(a)t = exp

(aLt1+a

). Un calcul direct donne

E(aL)t = (E(L)t)a2

(Z(a)t )1−a2

.

Si Γ ∈ F∞ et T est un temps d’arret, l’inegalite de Holder avec p = 1/a2 et q = 1/(1− a2)donne

E [1ΓE(aL)T ] ≤ E [E(L)T ]a2

E[1ΓZ

(a)t

]1−a2

≤ E[1ΓZ

(a)t

]1−a2

≤ E[1Γ exp

(1

2LT

)]2a(1−a)

(2.9)ou, pour la deuxieme inegalite, on a utilise que E(L) est une surmartingale positive, ie.

E [E(L)T ] ≤ E [E(L)0] = 1

puis pour la troisieme l’inegalite de Jensen avec ϕ(x) = x(1+a)/(2a) (convexe pour 0 < a < 1),ie. (

E[1ΓZ

(a)t

])(1+a)/(2a)

= ϕ(E[1ΓZ

(a)t

])≤ E

[ϕ(1ΓZ

(a)t )]

= E[1Γ exp

(1

2LT

)].

Comme la famille

exp(12LT ) : T temps d’arret

est uniformement integrable, l’inegalite

(2.9) montre que la familleE(aL)T : T temps d’arret

l’est aussi. D’apres la Proposition

?? cela entraıne alors que E(aL) est une vraie martingale uniformement integrable. Il suitalors

1 = E [E(aL)0] = E [E(aL)∞] ≤ E [E(L)∞]a2

E[Z(a)∞]1−a2

≤ E [E(L)∞]a2

E[exp

(1

2L∞

)]2a(1−a)

avec, a nouveau pour la derniere egalite, l’inegalite de Jensen avec ϕ(x) = x(1+a)/(2a). Enfaisant a → 1, la derniere borne implique E [E(L)∞] ≥ 1 et donc avec (2.6) toujours va-lable on a obtenu E [E(L)∞] = 1. On deduit de la Proposition 2.4 que E(L) est une vraiemartingale uniformement integrable.

2.4 Girsanov dans le cadre brownien

Dans cette section, on specialise de plus en plus le Theoreme de Girsanov dans le cadrebrownien.

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2.4. Girsanov dans le cadre brownien 35

Corollaire 2.5 (Girsanov brownien 1) Soient B un (Ft,P)-mouvement brownien et L

satisfaisant (2.8) (en satisfaisant une des conditions de Novikov du Th. 2.2). Alors B =B − 〈B,L〉 est un (Ft,Q)-mouvement brownien.

Demonstration : Par le Theoreme 2.1 (Girsanov), B = B − 〈B,L〉 est une (Ft,Q)-

martingale locale continue de variation quadratique 〈B, B〉t = 〈B,B〉t = t, t ≥ 0. Le

Theoreme de Levy (Th. 1.2) assure alors que B est un (Ft,Q)-mouvement brownien.

Dans le corollaire suivant, on prend Lt =∫ t

0f(s)dBs. Il s’agit du Theoreme de Girsanov

original (1960). On rappelle que, pour le mouvement brownien B,

L2loc(B) =

H : Ω→ R : progressif avec pour tout t ≥ 0 E

[∫ T

0

Hs(·)2ds

]< +∞

ici on considere

L2[0,T ](B) =

H : Ω→ R : progressif avec E

[∫ T

0

Hs(·)2ds

]< +∞

.

Corollaire 2.6 (Girsanov brownien 2) Soit B un (Ft,P)-mouvement brownien et, pourT fixe, f ∈ L2

[0,T ](B) telle que Lt =∫ t

0f(s)dBs satisfait (2.8) (en satisfaisant une des condi-

tions de Novikov du Th. 2.2). Soit Q de densite (par rapport a P)

DT = exp

(∫ T

0

f(s)dBs −1

2

∫ T

0

f(s)2ds

).

Sous Q, le processus B s’ecrit

Bt = BQt +

∫ t

0

f(s)ds (2.10)

ou BQ est un (Ft,Q)-mouvement brownien.

Demonstration : On applique le Theoreme de Girsanov (Th. 2.1) a M = B avec

Lt =∫ t

0f(s)ds et on remarque que 〈B,L〉t =

∫ t0f(s)ds. Alors B = B − 〈B,L〉 = BQ

est une Q-martingale locale continue de crochet 〈B, B〉t = 〈B,B〉t = t. Donc BQ = B estun Q-mouvement brownien.

On specialise encore davantage le Theoreme de Girsanov dans le cadre brownien en prenantmaintenant des integrales stochastiques avec des integrants f deterministes. On obtient laformule de Cameron-Martin (1944) :

Corollaire 2.7 (Cameron-Martin) Soient (Bt)t≥0 un (Ft,P)-mouvement brownien etf ∈ L2([0, T ]).

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36 Chapitre 2. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

1. La variable aleatoire

DT = exp

(∫ T

0

f(s)dBs −1

2

∫ T

0

f(s)2ds

)est une densite de probabilite qui definit une probabilite Q (par dQ = DTdP).

2. Le processus

BQt = Bt −

∫ t∧T

0

f(s)ds

est un Q-mouvement brownien. Autrement dit, sous Q, le P-mouvement brownien Bs’ecrit

Bt = BQt +

∫ t

0

f(s)ds.

Demonstration : Il suffit de prouver le point 1). Le point 2) est alors donne par le Corol-laire 2.6. On prend Lt =

∫ t0f(s)dBs dans (2.1). On a 〈L,L〉t =

∫ t0f(s)2ds et comme f est

deterministe, E[exp〈L,L〉T ] < +∞ est garanti. Le Theoreme 2.2 assure alors la conditionde Novikov (2.8) et donc (Dt)t∈[0,T ] est bien une densite de probabilite.

Dans le cadre gaussien pour Lt =∫ t

0f(s) dBs avec f ∈ L2

[0,T ](B), on donne une conditionplus explicite qui garantit (2.8) mais pour un horizon T fini :

Proposition 2.5 Soient T une date determinite fixee et f ∈ L2[0,T ](B). On suppose qu’il

existe a > 0 et C ∈]0,+∞[ tel que pour tout t ∈ [0, T ] on ait

E[

exp(af(t)2)]≤ C < +∞,

alors E[E(L)T ] = 1, ie. la condition (2.8) garantissant le Theoreme de Girsanov sur [0, T ]est satisfaite.

Demonstration : On localise afin de pouvoir appliquer la Proposition 1.2 qui garantitque si

∫ T0f(s)2ds est bornee alors E[E(

∫ ·0f(s)dBs)T ] = 1. Pour cela, on pose τn = inf

(t ≥

0 :∫ t

0f(s)2ds ≥ n

). La suite fn = f1[0,τn] est telle que, quand n→ +∞,∫ T

0

fn(u)2du ≤ n,

∫ T

0

fn(u)2du∫ T

0

f(u)2du,

∫ T

0

fn(u)2dBu →∫ T

0

f(u)2dBu ps.

On note Vn = E(∫ ·

0fn(s)dBs) et V = E(

∫ ·0f(s)dBs). Fixons r, s tels que 0 ≤ r ≤ s ≤ T

avec |s− r| ≤ a/6 et ecrivons(Vn(s)

Vn(r)

)2

= exp

(2

∫ s

r

fn(u)dBu −∫ s

r

fn(u)2du

)= exp

(2

∫ s

r

fn(u)dBu − 4

∫ s

r

fn(u)2du

)exp

(3

∫ s

r

fn(u)2du

).

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2.4. Girsanov dans le cadre brownien 37

L’inegalite de Cauchy-Schwarz implique

E

[(Vn(s)

Vn(r)

)2]

E[exp

(4

∫ s

r

fn(u)dBu − 8

∫ s

r

fn(u)2du

)]︸ ︷︷ ︸

=1

1/2

×(E[exp

(6

∫ s

r

fn(u)2du

)])1/2

= 1×(E[exp

(6

∫ s

r

fn(u)2du

)])1/2

≤(∫ s

r

E[

exp(6(s− r)fn(u)2)] du

s− r

)1/2

≤ C1/2

en utilisant le theoreme de Fubini, l’inegalite de Jensen pour la fonction convexe exp etla mesure uniforme du/(s − r) sur [r, s] et enfin l’hypothese sur a ≥ 6(s − r) ainsi que laProposition 1.2 pour

E[exp

(4

∫ s

r

fn(u)dBu − 8

∫ s

r

fn(u)2du

)]= 1.

Comme les moments d’ordre 2 de Vn(s)Vn(r)

sont bornes, on en deduit que Vn(s)Vn(r)

est uniformement

integrable. Comme de plus, Vn(t)P−→ V (t), cf. preuve de la Proposition 1.2, on a aussi

Vn(s)Vn(r)

P−→ V (s)V (r)

et avec le Theoreme de Vitali :

limn→+∞

Vn(s)

Vn(r)=V (s)

V (r)dans L1

et par continuite de l’esperance conditionnelle

E[V (s)

V (r)

∣∣∣Fr] = limn→+∞

E[Vn(s)

Vn(r)

∣∣∣Fr] = 1

car, pour fn, Ln est une vraie martingale, ce qui assure

E[Vn(s)

Vn(r)

∣∣∣Fr] =E[Vn(s)|Fr]

Vn(r)=Vn(r)

Vn(r)= 1.

Pour conclure, il suffit de decomposer [0, T ] en une subdivision tk = kmT , 0 ≤ k ≤ m,

avec m assez grand pour que le pas verifie T/m ≤ a/6. On ecrit alors V (T ) = V (tm−1)×[V (tm)/V (tm−1)] avec V (tm−1) variable aleatoire Ftm−1-mesurable et, par ce qui precede,E[V (tm)/V (tm−1)|Ftm−1 ] = 1. Finalement, par un raisonnement par recurrence :

E[V (T )] = E[V (tm−1)× [V (tm)/V (tm−1)]

]

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38 Chapitre 2. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

= E[V (tm−1)E[V (tm)/V (tm−1)|Ftm−1 ]

]= E[V (tm−1)]

= 1.

Exemple 1 : Etude du sup d’un mouvement brownien decentre.Pour etudier la loi du sup de Bt = Bt + bt sur [0, T ], il suffit de connaıtre la loi du couple(BT , supt≤T Bt). En effet, d’apres la formule de Cameron-Martin, on a

P(

supt≤T

(Bt + bt) ≥ x

)= EP

[exp(bBT −

1

2b2T )1supt≤T Bt≥x

].

Exemple 2 : Application statistique a la detection d’un signal. Considerons unsignal (temporel, deterministe) represente par une fonction m. On cherche a tester la pre-sence ou non du signal m. La difficulte vient de ce que le test se pratique dans une ambiancebruitee (representee par B). On observe alors

– soit B (le bruit pur) si le signal est absent,– soit m+B (le signal utile m bruite par B) si le signal est present.

L’observateur n’observe qu’une seule des deux fonctions (sans savoir laquelle) ω = (ωt : t ∈[0, T ]) ∈ B,m+B et le but est precisement de determiner laquelle des deux fonctions ilobserve.

Plutot que de considerer les deux fonctions aleatoires B et m + B dont la loi est mesureepar la meme probabilite P, il est equivalent de considerer qu’il ne peut observer qu’unefonction X, qui modelise son observation, mais sous deux probabilites differentes selon quele signal est present ou pas. Ainsi ω est observee avec la probabilite P(dω) ou Q(dω) selonle cas.

On suppose que– le bruit est modelise par un mouvement brownien B ;– le signal est de la forme m(t) =

∫ t0f(s)ds ou f est deterministe mesurable.

On interprete alors m comme le crochet m(t) = 〈B,∫ ·

0f(s)dBs〉t. Sous la probabilite Q

donnee par dQ = DTdP avec

DT = exp

(∫ T

0

f(s)dBs −1

2

∫ T

0

f(s)2ds

)B est un processus (mouvement brownien) decentre par m (ie. B = BQ + m), tandis quesous P, B est un mouvement brownien standard donc centre.

La vraisemblance associee a l’observation de la trajectoire ω est donnee par DT (ω) qui vaut1 s’il n’y a pas de signal et qui peut etre tres grand s’il y en a un. On en deduit une regle

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2.4. Girsanov dans le cadre brownien 39

de decision : si on observe ω, on decide que le signal etait present lorsque

U :=

∫ T

0

f(s)dBs >1

2VarP(U) =

1

2

∫ T

0

f(s)2ds =1

2σ2.

Cette regle n’est pas infaillible : Sous P, U ∼ N (0, σ2) ∼ σN0 (ou N0 ∼ N (0, 1)) et si lesignal m est reellement absent, la probabilite de prendre une mauvaise decision est

p = P(U >

1

2σ2)

= P(N0 >

1

2σ).

Tandis que si le signal est vraiment present, Q est la probabilite qui gouverne le phenomene ;sous Q

U =

∫ T

0

f(s)dBs =

∫ T

0

f(s)dBQs +

∫ T

0

f(s)dm(s)

=

∫ T

0

f(s)dBQs +

∫ T

0

f(s)2ds

∼ N (0, σ2) = σ2N (σ2, σ2).

La probabilite d’erreur est alors

q = Q(U <

1

2VarP(U)

)= P

(σN0 + σ2 ≤ 1

2σ2)

= P(σN0 ≤ −

1

2σ2)

= P(σN0 ≥

1

2σ2)

= p

(selon les cas, c’est P ou Q qui gouverne les lois). D’apres la table de la loi N (0, 1), on ap, q ≤ 5% si σ ≥ 4.

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40 Chapitre 2. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

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Chapitre 3

Equations differentiellesstochastiques

On presente dans ce chapitre les equations differentielles stochastiques browniennes.On commence par en donner une motivation en Section 3.1 en tant que generalisation desequations differentielles ordinaires dans un contexte d’incertitude representee par un bruitaleatoire. Des exemples d’EDS classiques sont presentes en Section 3.2. Les principauxresultats d’existence et d’unicite sont decrits en Section 3.3. On etudie les solutions d’EDSdirigee par un mouvement brownien comme fonctionnelle sur l’espace de Wiener en Section3.5. La propriete de Markov pour les solutions d’EDS est presentee en Section 3.6.

3.1 Introduction, definitions

Equations differentielles et EDS

Les equations differentielles (standard) gouvernent de nombreux phenonenes deterministes.Pour prendre en compte des phenomenes aleatoires, formellement on doit prendre encompte des « differentielles stochastiques », ce qui transforme les equations en equationsdifferentielles stochastiques (EDS).Les equations differentielles sont des equations d’evolution du type

x(t) = a(t, x(t)) (3.1)

ou l’inconnue est une fonction x(t) qui doit verifier une equation impliquant sa derivee xet elle meme. Les cas les plus simples sont les equations differentielles d’ordre 1 comme en(3.1) (seule la derivee 1ere est impliquee) avec a(t, x) = a + bx independant de t et affinepar rapport a x. Symboliquement, l’equation (3.1) se reecrit

dx(t) = a(t, x(t)) dt. (3.2)

Cette equation modelise typiquement un systeme physique (x(t))t≥0 qui evolue avec letemps de facon que x s’accroıt, a la date t, selon le taux a(t, x(t)). Par exemple, avec

41

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42 Chapitre 3. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

a(t, x) = a(t)x, l’equation dx(t) = a(t)x(t) dt modelise le cours d’un actif financier x(t)soumis au taux d’interet variable a(t) ou d’une population avec un taux de natalite a(t).Il est bien connu que la solution est

x(t) = x0 exp

(∫ t

0

a(s) ds

).

Les EDS sont des generalisations des equations (3.2) ou la dynamique deterministe d’evo-lution a est perturbee par un terme aleatoire (stochastique). On parle alors d’equationdifferentielle stochastique. En general la perturbation aleatoire est consideree comme unbruit. Par un argument du type TCL, il est legitime de considerer que ce bruit est un pro-cessus gaussien et en general il est modelise par un mouvement brownien B et une intensitede bruit σ(t, x) :

dXt = a(t,Xt) dt+ σ(t,Xt) dBt (3.3)

ou σ est une fonction du temps t et de l’inconnue au temps t (Xt) mais pourrait justedependre du temps (σt) ou de la valeur Xt en t (σ(Xt)) ou encore etre constante σ.

Definitions

En fait, l’ecriture (3.3) est symbolique car dBt n’a pas vraiment de sens (le mouvementbrownien n’est pas derivable !). Il faudrait ecrire (3.3) sous la forme

Xt = X0 +

∫ t

0

a(s,Xs) ds+

∫ t

0

σ(s,Xs) dBs (3.4)

qui, elle, a un sens si l’integrale stochastique∫ t

0σ(s,Xs) dBs a un sens, cf. chapitre ??. On

generalise encore dans la definition suivante la notion d’EDS dans un cadre vectoriel.

Definition 3.1 (EDS) On appelle equation differentielle stochastique (EDS) une equa-tion en le processus X (a valeurs dans Rd) de la forme

dXt = a(t,Xt) dt+ σ(t,Xt) dBt (E(a, σ))

ce qui, en terme integrale, s’ecrit

X it = X i

0 +

∫ t

0

ai(s,Xs) ds+m∑j=1

∫ t

0

σi,j(s,Xs) dBjs , 1 ≤ i ≤ d (3.5)

ou, pour m, d des entiers positifs,– a(t, x) = (ai(t, x))1≤i≤d est un vecteur mesurable de Rd defini sur R+ × Rd appele

derive ou drift de l’EDS,– σ(t, x) = (σi,j(t, x))1≤i≤d

1≤j≤mest une matrice d×m mesurable definie sur R+×Rd appele

coefficient de diffusion de l’EDS,et B = (B1, . . . , Bm) est un mouvement brownien standard en dimension m.

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3.2. Exemples d’EDS 43

La solution d’une EDS est une fonction aleatoire. Il s’agit donc d’un processus qu’on noteX = (Xt)t≥0. Plus precisement, on a :

Definition 3.2 (Solution d’une EDS) On appelle solution de l’EDS E(a, σ) la donneede

– un espace de probabilite filtre(Ω,F , (Ft)t≥0,P

)satisfaisant les conditions habituelles ;

– un (Ft)t≥0-mouvement brownien B = (B1, . . . , Bm) dans Rm defini sur cet espace deprobabilite ;

– un processus (Ft)t≥0-adapte continu X = (X1, . . . , Xd) a valeurs dans Rd tel que(3.4) soit verifiee, c’est a dire, coordonnee par coordonnee, pour tout 1 ≤ i ≤ d :(3.5).

Lorsque de plus X0 = x ∈ Rd, on dira que le processus X est solution de Ex(a, σ).

En pratique (dans les cas simples), pour trouver la solution d’une EDS, on intuite la formede la solution et on verifie que l’EDS de depart est bien satisfaite en appliquant la formuled’Ito, cf. Section 3.2. On propose des resultats generaux d’existence et d’unicite des EDS,du type theoreme de Cauchy-Lipschitz dans la Section 3.3.

3.2 Exemples d’EDS

Les EDS affines admettent des solutions explicites qu’on peut obtenir comme dans le casdeterministe par la methode de variation de la constante. Le cas affine est important carles EDS affines apparaissent comme des linearisees d’EDS plus complexes qu’on ne sait pastoujours resoudre. On se place dans le cas reel, ie. d = m = 1.

3.2.1 Equations lineaires

Ornstein-Uhlenbeck : equation a(t, x) = −ax (a > 0) et σ(x) = σ. Il s’agit del’equation de Langevin :

dXt = −aXt dt+ σ dBt (3.6)

c’est a dire avec a(t, x) = −ax, et σ(x) = σ. La solution est donnee par

Xt = X0e−at + σ

∫ t

0

e−a(t−s) dBs. (3.7)

Sans le terme σdBt, l’equation dXt = −aXt dt se resout immediatement en Xt = Ce−at.Pour tenir compte du terme σdBt, on fait « varier la constante C » :

dC e−at − aCe−at dt = dXt = −aXt dt+ σ dBt

dC = σeat dBt

C = X0 +

∫ t

0

σeas dBs

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44 Chapitre 3. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

et, avec Xt = Ce−at, l’expression (3.7) est obtenue.

On peut observer directement que (3.7) est satisfaite en derivantXt = X0e−at+σe−at

∫ t0eas dBs

avec la formule d’Ito (sous la forme derivee de l’IPP, Corollaire 1.1) :

d(XtYt) = XtdYt + YtdXt + d〈X, Y 〉t.

Il s’agit du processus d’Ornstein-Uhlenbeck (cf. Section ?? ). Ce cas se generalise aucontexte vectoriel.

Equation a(t, x) = atx et σ(x) = σtx. On suppose les processus (at)t≥0 et (σt)t≥0 bornes

ou verifiant l’integrabilite∫ T

0|at| dt < +∞,

∫ T0|σt|2 dt < +∞. L’EDS

dXt = Xt(atdt+ σtdBt), X0 = x (3.8)

admet pour solution

Xt = x exp

(∫ t

0

asds+

∫ t

0

σsdBs −1

2

∫ t

0

σ2sds

). (3.9)

Pour le voir, on suppose X positivement borne sur [0, T ] (minore par 1/n, majore parn) ; sinon, on introduit le temps d’arret Tn = inf(t : Xt ≤ 1/n ou Xt > n) et on arrete lesprocessus a ces dates. On applique la formule d’Ito a Xt∧Tn et a la fonction ln (qui est C2 sur[1/n, n]). De l’equation (3.8), on deduit d〈X,X〉t = X2

t σ2t dt. Le processus Yt = ln

(Xt∧Tn

)verifie alors

dYt =1

Xt

dXt −1

2

d〈X,X〉tX2t

=(atdt+ σtdBt

)− σ2

t

2dt =

(at −

1

2σ2t

)dt+ σt dBt,

ce qui prouve le resultat (3.9).

Black et Scholes. C’est le cas particulier ou a(t, x) = ax et σ(t, x) = σx, ie.

dXt = aXt dt+ σXt dBt. (3.10)

Cette EDS modelise l’evolution d’un cours X soumis a un taux d’interet deterministe aet a une perturbation stochastique σXtdBt. Dans un contexte financier, le coefficient dediffusion σ est appele volatilite. Noter que la partie deterministe de l’accroissement de Xt

(aXt) et sa partie aleatoire (σXt) sont toutes les deux proportionnelles a la valeur courante,Xt, en t (ce qui est typique des modeles de croissance).La solution de (3.10) est un cas particulier de (3.9) :

Xt = X0 exp

(at− σ2

2t+ σBt

).

On retrouve le mouvement brownien geometrique .

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3.3. Existence et unicite 45

3.2.2 Equations affines

On suppose que a(t, x) = atx + ct et σ(t, x) = σtx + δt, c’est a dire qu’on considerel’EDS affine generale

dXt = Xt(at dt+ σt dBt) + ct dt+ δt dBt. (3.11)

Elle a une solution construite a partir de la solution Z de l’EDS lineaire dZt = Zt(at dt+σt dBt) de condition initiale Z0 = 1, ie.

Zt = exp

(∫ t

0

as ds+

∫ t

0

σs dBs −1

2

∫ t

0

σ2s ds

)donnee, avec ct = ct − σtδt, par

Xt = Zt

(X0 +

∫ t

0

Z−1s (cs ds+ δs dBs)

). (3.12)

Avec la formule d’Ito, on verifie que (3.12) satisfait effectivement l’equation (3.11) :

dXt = Zt(Z−1t (ctdt+ δtdBt)

)+Xt(atdt+ σtdBt) + d〈Zt, Z−1

t δtBt〉t= ctdt+ δtdBt +Xt(atdt+ σtdBt) + σtδtdt

= Xt(atdt+ σtdBt) + ctdt+ δtdBt.

3.3 Existence et unicite

Comme d’habitude pour les equations differentielles, les notions d’existence et d’unicitesont essentielles. Dans le contexte des EDS, il existe plusieurs types d’existence et d’unicitedes EDS. Dans toute cette section, on considere l’EDS E(a, σ).

Definition 3.3 (Existence, unicite des EDS) Pour l’equation E(a, σ), on dit qu’il y a– existence faible si pour tout x ∈ Rd, il existe une solution de Ex(a, σ) ;– existence et unicite faibles si de plus toutes les solutions de Ex(a, σ) ont meme loi ;– unicite trajectorielle si, l’espace de probabilite filtre

(Ω,F , (Ft)t≥0,P

)et le mouvement

brownien B etant fixes, deux solutions X et X ′ de E(a, σ) telles que X0 = X ′0 ps sontindistinguables.

On dit de plus qu’une solution X de Ex(a, σ) est une solution forte si X est adapte par rap-port a la filtration canonique de B. Il y a unicite forte pour E(a, σ) si pour tout mouvementbrownien B, deux solutions fortes associees a B sont indistinguables.

Remarque 3.1 Il peut y avoir existence et unicite faibles sans qu’il y ait unicite tra-jectorielle. Pour voir cela, on considere un mouvement brownien β issu de β0 = y et onpose

Bt =

∫ t

0

sign (βs) dβs

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46 Chapitre 3. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

avec sign (x) = 1 si x ≥ 0 et sign (x) = −1 si x < 0. On constate facilement que

βt = y +

∫ t

0

sign (βs) dBs.

Comme B est une martingale locale a trajectoires continues et que

〈B,B〉t =

∫ t

0

sign (βs)2d〈β, β〉s =

∫ t

0

ds = t,

le Theoreme de Levy (Theoreme 1.2) justifie que B est un mouvement brownien (issu de0). On voit alors que β est solution de l’EDS

dXt = sign (Xt) dBt, X0 = y, (3.13)

pour laquelle il y a donc existence faible. A nouveau, par le Theoreme de Levy, on prouvel’unicite faible : toute solution X de (3.13) est une martingale locale a trajectoires continueset verifie

〈X,X〉t =

∫ t

0

sign (Xs)2 d〈B,B〉s =

∫ t

0

ds = t

et doit donc etre un mouvement brownien (Theoreme de Levy : Th. 1.2).Par contre, il n’y a pas, en general, unicite trajectorielle : pour y = 0, on voit facilementque β et −β sont deux solutions de (3.13) associees au meme brownien B. Noter que∫ t

01βs=0 dBs = 0 car

E

[(∫ t

0

1βs=0 dBs

)2]

= E[∫ t

0

12βs=0 ds

]= E

[∫ t

0

1βs=0 ds

]=

∫ t

0

P(βs = 0)ds = 0

et donc∫ t

01βs=0 dBs = 0 ps. Aussi, β n’est pas solution forte de l’EDS : on montre que la

filtration de B coıncide avec la filtration canonique de |β|, qui est strictement plus petiteque celle de β.

Le resultat suivant –admis (cf. [KS, Prop 3.20] pour une preuve)– relie les differentes notionsd’existence et d’unicite :

Theoreme 3.1 (Yamada-Watanabe) Existence faible et unicite trajectorielle impliquentunicite faible. De plus, dans ce cas, pour tout espace de probabilite filtre

(Ω,F , (Ft)t≥0,P

)et tout (Ft)t≥0-mouvement brownien B, il existe pour chaque x ∈ Rd une (unique) solutionforte de Ex(a, σ).

Dans toute la suite, on suppose remplies les conditions suivantes :Hypotheses lipschitziennes. Les fonctions a et σ sont continues sur R+ × Rd et lip-schitziennes en x, ie. il existe une constante K ∈]0,+∞[ telle que pour tout t ≥ 0 etx, y ∈ Rd

|a(t, x)− a(t, y)| ≤ K|x− y|

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3.3. Existence et unicite 47

|σ(t, x)− σ(t, y)| ≤ K|x− y|

et∫ T

0|a(t, 0)| + |σ(t, 0)|2 dt < +∞ pour tout T ou |a| et |σ| representent la norme du

vecteur a et de la matrice σ. On a alors

Theoreme 3.2 (Cauchy-Lipschitz pour EDS) Sous les hypotheses lipschitziennes, il ya unicite trajectorielle pour E(a, σ). De plus, pour tout espace de probabilite filtre

(Ω,F , (Ft)t≥0,P

)et tout (Ft)t-mouvement brownien B, il existe pour chaque x ∈ Rd une (unique) solutionforte de Ex(a, σ).

Ce resultat entraıne en particulier qu’il y a existence faible pour E(a, σ). L’unicite faiblesera une consequence du Theoreme 3.4 (cf. remarque qui suit ce resultat) ; elle vient ausside l’unicite trajectorielle si on utilise le theoreme de Yamata-Watanabe (Theoreme 3.1).

Remarque 3.2 On peut affaiblir l’hypothese de continuite en t, celle-ci n’intervient es-sentiellement que pour majorer sup0≤t≤T |σ(t, x)| et sup0≤t≤T |a(t, x)| pour x fixe : on peut« localiser » l’hypothese lipschitzienne sur a et σ se contenter d’une constante K qui de-pend du compact sur lequel t et x sont consideres. Il faut alors conserver une condition decroissance sous-lineaire :

|σ(t, x)| ≤ K(1 + |x|), |a(t, x)| ≤ K(1 + |x|).

Comme pour les equations differentielles (ordinaires), la croissance sous-lineaire previentl’explosion de la solution de l’EDS.

Demonstration : Pous simplifier la preuve, on considere le cas d = m = 1.Unicite trajectorielle. On considere deux solutions X et X ′ de E(a, σ) avec X0 = X ′0,definies sur sur le meme espace et avec le meme mouvement brownien B. Pour M > 0 fixe,on considere le temps d’arret

τ = inf(t ≥ 0 : |Xt| ≥M, |X ′t| ≥M

).

D’apres E(a, σ), on a alors pour tout t ≥ 0 :

Xt∧τ = X0 +

∫ t∧τ

0

σ(s,Xs) dBs +

∫ t∧τ

0

a(s,Xs) ds

X ′t∧τ = X ′0 +

∫ t∧τ

0

σ(s,X ′s) dBs +

∫ t∧τ

0

a(s,X ′s) ds.

On considere t ∈ [0, T ]. Par difference, comme X0 = X ′0 et comme X,X ′ sont borneespar M sur ]0, τ ], l’expression de la variance d’une integrale stochastique L2, l’inegalite deCauchy-Schwarz, les hypotheses lipschitziennes et la majoration (x + y)2 ≤ 2(x2 + y2)donnent

E[(Xt∧τ −X ′t∧τ )2

]

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48 Chapitre 3. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

≤ 2

(E

[(∫ t∧τ

0

(σ(s,Xs)− σ(s,X ′s)) dBs

)2]

+ E

[(∫ t∧τ

0

(a(s,Xs)− a(s,X ′s)) ds

)2])

≤ 2

(E[∫ t∧τ

0

(σ(s,Xs)− σ(s,X ′s))2 ds

]+ TE

[∫ t∧τ

0

(a(s,Xs)− a(s,X ′s))2 ds

])≤ 2K2(1 + T )E

[∫ t∧τ

0

(Xs −X ′s)2

]ds

≤ 2K2(1 + T )E[∫ t

0

(Xs∧τ −X ′s∧τ )2

]ds.

Si on pose h(t) = E[(Xt∧τ − X ′t∧τ )2

]et C = 2K2(1 + T ), alors on a etabli que h verifie

pour t ∈ [0, T ] :

h(t) ≤ C

∫ t

0

h(s) ds.

De plus, par definition de τ , la fonction h est bornee par 4M2, l’inegalite de Gronwall(lemme suivant) s’applique avec a = 0 et b = C. On obtient h = 0, c’est a dire Xt∧τ = X ′t∧τps. Finalement, en faisant M → +∞, on a τ → +∞ et donc Xt = X ′t ps. Les processus Xet X ′ sont des modifications a trajectoires continues, ils sont donc indistinguables, ce quiprouve l’unicite trajectorielle.

Lemme 3.1 (Gronwall) Soient T > 0 et g une fonction positive mesurable bornee sur[0, T ]. On suppose qu’il existe des constantes a ≥ 0, b ≥ 0 telles que pour tout t ∈ [0, T ],on a

g(t) ≤ a+ b

∫ t

0

g(s)ds. (3.14)

Alors on a g(t) ≤ a exp(bt) pour tout t ∈ [0, T ].

Demonstration :[Gronwall] En iterant la condition (3.14) sur g, on a pour tout n ≥ 1,

g(t) ≤ a+ a(bt) + a(bt)2

2+ · · ·+ a

(bt)n

n!+ bn+1

∫ t

0

ds1

∫ s1

0

ds2 . . .

∫ sn

0

g(sn+1)dsn+1.

Si g est majoree par A, le dernier terme se majore par A(bt)n+1/(n + 1)! et il tend vers 0quand n→ +∞, ce qui prouve le lemme car le developpement a droite tend vers a exp(bt).

Existence forte. On procede comme pour les equations differentielles avec une methoded’approximation de Picard. Pour cela, on pose

X0t = x

X1t = x+

∫ t

0

σ(s, x) dBs +

∫ t

0

a(s, x) ds

X2t = x+

∫ t

0

σ(s,X1s ) dBs +

∫ t

0

a(s,X1s ) ds

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3.3. Existence et unicite 49

. . . = . . .

Xnt = x+

∫ t

0

σ(s,Xn−1s ) dBs +

∫ t

0

a(s,Xn−1s ) ds. (3.15)

Les integrales stochastiques ci-dessus sont bien definies puisque par recurrence, on constateque, pour chaque n, Xn

t est continu et adapte donc localement borne si bien que le processusσ(t,Xn

t ) l’est aussi (hypothese lipschitzienne) et l’integrale correspondante bien definie.

On fixe maintenant T > 0 et on raisonne sur [0, T ]. On prouve par recurrence qu’il existeCn tel que, pour tout t ∈ [0, T ],

E[(Xn

t )2]≤ Cn. (3.16)

En effet, (3.16) est immediate si n = 0 avec C0 = x. Puis, on suppose que (3.16) est vraieau rang n− 1 avec

|σ(s, y)| ≤ K ′ +K|y|, |a(s, y)| ≤ K ′ +K|y|, s ∈ [0, T ], y ∈ R.

Noter que par la croissance sous-lineaire de σ et l’hypothese de recurrence (3.16), on aE[ ∫ t

0σ(s,Xn−1

s )2 ds]< +∞. On a donc

E

[(∫ t

0

σ(s,Xn−1s ) dBs

)2]

= E[∫ t

0

σ(s,Xn−1s )2 ds

].

Comme (x + y + z)2 ≤ 3(x2 + y2 + z2), par l’inegalite de Cauchy-Schwarz, l’isometrie L2,et les hypotheses lipschitziennes, on majore comme suit

E[(Xn

t )2]≤ 3

(|x|2 + E

[(∫ t

0

σ(s,Xn−1s ) dBs

)2]

+ E

[(∫ t

0

a(s,Xn−1s ) ds

)2])

(convexite)

≤ 3

(|x|2 + E

[∫ t

0

σ(s,Xn−1s )2 ds

]+ tE

[∫ t

0

a(s,Xn−1s )2 ds

])(isometrie L2, Cauchy-Schwarz)

≤ 3

(|x|2 + 2(1 + T )E

[∫ t

0

((K ′)2 +K2(Xn−1s )2) ds

])(hypotheses lipschitziennes)

≤ 3(|x|2 + 2T (1 + T )((K ′)2 +K2Cn−1)

)=: Cn

ce qui etablit (3.16) par recurrence.

La borne (3.16) et la croissance sous-lineaire de σ assurent alors que, pour chaque n, lamartingale locale

∫ t0σ(s,Xn

s )dBs est une vraie martingale bornee dans L2 sur l’intervalle[0, T ] (cf. Theoreme ??).

Cela va permettre de majorer par recurrence E[

sup0≤t≤T |Xn+1t −Xn

t |2]. On a

Xn+1t −Xn

t =

∫ t

0

(σ(s,Xn

s )− σ(s,Xn−1s )

)dBs +

∫ t

0

(a(s,Xn

s )− a(s,Xn−1s )

)ds.

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50 Chapitre 3. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

En utilisant les inegalites de Doob (Prop. ??) et de Cauchy-Schwarz ainsi que les hypotheseslipschitziennes, on deduit

E[

sup0≤s≤t

|Xn+1s −Xn

s |2]

≤ 2E

[sup

0≤s≤t

∣∣∣∣∫ s

0

(σ(u,Xnu )− σ(u,Xn−1

u )) dBu

∣∣∣∣2 + sup0≤s≤t

∣∣∣∣∫ s

0

(a(u,Xnu )− a(u,Xn−1

u )) du

∣∣∣∣2]

(convexite)

≤ 2

(4E

[(∫ t

0

(σ(u,Xnu )− σ(u,Xn−1

u )) dBu

)2]

+ E

[(∫ t

0

|a(u,Xnu )− a(u,Xn−1

u )| du)2])

(inegalite de Doob)

≤ 2

(4E[∫ t

0

(σ(u,Xnu )− σ(u,Xn−1

u ))2 du

]+ TE

[∫ t

0

(a(u,Xnu )− a(u,Xn−1

u ))2 du

])(isometrie L2, Cauchy-Schwarz)

≤ 2(4 + T )K2E[∫ t

0

|Xnu −Xn−1

u |2du]

(3.17)

(hypotheses lipschitziennes)

≤ CTE[∫ t

0

sup0≤r≤u

|Xnr −Xn−1

r |2du]

(3.18)

avec CT = 2(4+T )K2. Si on note gn(u) = E[

sup0≤r≤u |Xnr−Xn−1

r |2]

et g0(u) = E[

sup0≤r≤u |X0r |2]

=x2 alors on a etabli

gn+1(t) ≤ CT

∫ t

0

gn(u)du. (3.19)

Par ailleurs, par (3.16) et les inegalites precedentes (cf. (3.17)), on voit que les fonctions gnsont bornees sur [0, T ]. En effet, g0(t) = x2 pour t ∈ [0, T ] et par une recurrence utilisant(3.19), on etablit que pour tout n ≥ 1 et t ∈ [0, T ], on a

gn(t) ≤ x2CnT

tn

n!.

On deduit alors que∑+∞

n=0 gn(T )1/2 < +∞, comme∥∥∥∥∥+∞∑n=0

sup0≤s≤T

|Xn+1s −Xn

s |

∥∥∥∥∥2

≤+∞∑n=0

∥∥∥∥ sup0≤s≤T

|Xn+1s −Xn

s |∥∥∥∥

2

=+∞∑n=0

gn(T )1/2 < +∞

cela entraıne que ps+∞∑n=0

sup0≤s≤T

|Xn+1s −Xn

s | < +∞,

et donc ps la suite (Xnt )t∈[0,T ] converge uniformement sur [0, T ] vers un processus limite

(Xt)t∈[0,T ] qui est continu. Comme par recurrence, chaque processus Xn est adapte parrapport a la filtration canonique de B, X l’est aussi a la limite.

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3.4. Utilisation de Girsanov pour les EDS 51

Les estimations (3.18) etablissent aussi que

E[

sup0≤s≤T

|Xns −Xs|2

]≤

(+∞∑k=n

gk(T )1/2

)2

→ 0, n→ +∞.

On deduit alors de l’isometrie L2, des hypotheses lipschitziennes que, avec des limites dansL2, on a :

L2- limn→+∞

∫ t

0

σ(s,Xns ) dBs =

∫ t

0

σ(s,Xs) dBs,

L2- limn→+∞

∫ t

0

a(s,Xns ) ds =

∫ t

0

a(s,Xs) ds.

Finalement, en passant a la limite dans l’equation de recurrence (3.15), on obtient que Xest solution forte de Ex(a, σ) sur [0, T ].

3.4 Utilisation de Girsanov pour les EDS

Le theoreme de Girsanov permet de montrer l’existence de solution faible d’EDS quandelle n’admet pas necessairement de solution forte.

Proposition 3.1 Soit B un mouvement brownien standard dans Rd et a : R+×Rd → Rd.On considere l’EDS

dXt = a(t,Xt)dt+ dBt. (3.20)

1. Il y a existence faible lorsque a est une fonction bornee.

2. Il y a unicite faible sur [0, T ] lorsque a est presque surement carre integrable sur[0, T ] : Soit pour i = 1, 2 X i une solution sur

(Ωi,F i, (F it )t≥0,Pi

)associee au mou-

vement brownien Bi et de condition initiale µ (independante de i = 1, 2). Alors(X1, B1) et (X2, B2) ont la meme loi sous P1 et P2 resp. (unicite faible) si

Pi(∫ T

0

‖a(t,X it)‖2dt < +∞

)= 1.

Remarque 3.3 – La condition sur a est trop faible pour que le Theoreme 3.2 s’ap-plique. Le theoreme de Girsanov permet de montrer l’existence faible d’une solution.

– On peut affaiblir l’hypothese a bornee en croissance sous-lineaire :

‖a(t, x)‖ ≤ K(1 + ‖x‖), 0 ≤ t ≤ T, x ∈ Rd.

– On met ainsi en evidence l’effet regularisant du mouvement brownien B (en fait B,

cf. ci-dessous) dans (3.20) puisque sans B, l’equation differentielle ordinaire xt =∫ t0a(s, xs)ds n’admet pas de solution en general lorsque a est seulement borne.

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52 Chapitre 3. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

Demonstration : Pour simplifier, on suppose d = 1.1) Existence faible. En partant de

(Ω,F , (FBt )t≥0,P

)et B un mouvement brownien,

on construit une solution faible par le theoreme de Girsanov. Pour cela, on considereLt =

∫ t0a(s, Bs)dBs (bien defini parce que a est bornee) et on pose

Zt = E(L)t = exp

(∫ t

0

a(s, Bs) dBs −1

2

∫ t

0

a(s, Bs)2 ds

).

Comme exp(

12

∫ t0a(s, Bs)

2 ds)≤ exp(t‖a‖∞/2), le critere de Novikov (Theoreme 2.2) est

satisfait sur tout intervalle [0, t] et Z est une FB-martingale sur R+. On definit alors uneprobabilite sur chaque FBt en posant dQa

|FBt= ZtdP. Le theoreme de Girsanov assure que

Bt = Bt −∫ t

0

a(s, Bs)ds

est un Qa-mouvement brownien. Sous Qa, le processus B est solution de

Xt = Bt +

∫ t

0

a(s,Xs)ds

c’est a dire de l’EDS (3.20) dirigee par B. On a donc construit une probabilite Qa et des

processus (B, B) tels que B est un mouvement brownien sous Qa et B est solution faiblede (3.20).

2) Unicite faible. Soient T une date deterministe fixee et µ une loi initiale. Pour k ≥ 1et i = 1, 2, on considere

τ ik = T ∧ inf

(0 ≤ t ≤ T :

∫ t

0

‖a(s,X is)‖2 ds ≥ k

).

Comme precedemment, le critere de Novikov assure que

Zk,it = exp

(∫ t∧τ ik

0

a(s,X is) dB

is −

1

2

∫ t∧τ ik

0

‖a(s,X is)‖2 ds

)

est une martingale. On definit alors des probabilites par dQk,i = Zk,iT dPi. Le theoreme de

Girsanov assure alors que sous Qk,i

X it∧τ ik

= X i0 +

∫ t∧τ ik

0

a(s,X is)ds+Bi

t∧τ ik, 0 ≤ t ≤ T

est un mouvement brownien standard de loi initiale µ, arrete a τ ik. De plus, on montre queτ ik, (Bi

t : t ≤ τ ik) et Zk,iT s’expriment en termes de X i

t∧τ ikindependamment de i = 1, 2.

Pour 0 = t0 < t1 < · · · < tn = T et A ∈ B(R2(n+1)

), on a

P1((X1

t0, B1

t0, . . . , X1

tn , B1tn) ∈ A, τ 1

k = T)

=

∫Ω1

1

Zk,1T

1(X1t0,B1t0,...,X1

tn,B1tn

)∈A,τ1k=T dQk,1

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3.5. Flot sur l’espace de Wiener 53

=

∫Ω2

1

Zk,2T

1(X2t0,B2t0,...,X2

tn,B2tn

)∈A,τ2k=T dQk,2

= P2((X2

t0, B2

t0, . . . , X2

tn , B2tn) ∈ A, τ 2

k = T)

ou la deuxieme ligne vient de l’observation precedente et du fait que sous Qk,i, X i,τ ik est unmouvement brownien (arrete, de loi initiale µ). L’hypothese sur a implique limk→+∞ Pi

(τ ik =

T)

= 1, i = 1, 2. On peut donc passer a la limite k → +∞ pour conclure.

Le resultat suivant (admis) est une generalisation de la Proposition 3.1 pour une EDS avecun coefficient de diffusion plus general :

Theoreme 3.3 (Benes) Soient a : R → R une fonction bornee et σ : R → R unefonction (globalement) lipschitzienne et ne s’annulant pas et B un mouvement brownienreel standard. L’EDS

dXt = a(Xt) dt+ σ(Xt) dBt

admet une solution faible qui est unique en loi.

L’hypothese cruciale est que le coefficient de diffusion ne s’annule pas : le processus diffusetout le temps. La non-nullite de ce coefficient joue un role essentiel dans l’etude de laregularite des lois de solutions d’EDS. Cela est explore a l’aide du calcul de Malliavin.

3.5 Flot sur l’espace de Wiener

Dans l’exemple des EDS affines (3.11), la dependance de la solution par rapport aux condi-tions initiales est explicite puisque (3.12) se reecrit Xt = Zt(X0 + Dt). La solution Xt estdonc une fonction affine de la condition initiale X0. Lorsque les coefficients sont determi-nistes, les processus Zt et Dt sont adaptes par rapport a la filtration Ft = σ(Bs : s ≤ t)pour tout t. Autrement dit, Xt est une fonction deterministe de X0 et de la trajectoire dumouvement brownien sur [0, t]. En ecrivant [x]t = s 7→ xs : s ≤ t la trajectoire d’unefonction x sur [0, t], on peut ecrire pour l’EDS affine

Xt(ω) = FX0(t, [B(ω)]t)

ou Fx(t, w) est continue par rapport a x. On generalise cette observation en interpretantla solution de l’EDS E(a, σ), ie. dXt = a(t,Xt) dt+ σ(t,Xt) dBt, comme fonctionnelle surl’espace de Wiener

(C(R+,Rm),B(C(R+,Rm)),W

)(espace des trajectoires du mouvement

brownien).

On rappelle que l’espace de Wiener est l’espace canonique d’un mouvement brownien B,issu de 0 a valeurs dans Rm, c’est a dire l’ensemble C(R+,Rm) des fonctions continues deR+ dans Rm, muni de la mesure de Wiener W . En particulier, la mesure de Wiener West la loi d’un mouvement brownien B.

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54 Chapitre 3. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

Theoreme 3.4 (Fonctionnelle sur l’espace de Wiener) Sous les hypotheses lipschit-ziennes, pour tout x ∈ Rd, il existe

Fx :

C(R+,Rm) → C(R+,Rd)

w 7→ Fx(w)

mesurable et satisfaisant les proprietes suivantes :

i) pour tout t ≥ 0, Fx(w)t coıncide W(dw)-ps avec une fonction mesurable de [w]t =(w(r) : 0 ≤ r ≤ t

); avec un abus de notation, on ecrira Fx(t, [B]t) ;

ii) pour tout w ∈ C(R+,Rm), l’application

Rd → C(R+,Rm)x 7→ Fx(w)

est continue ;

iii) pour tout x ∈ Rd, pour tout choix d’espace de probabilite filtre(Ω,F , (Ft)t≥0,P

)et tout (Ft)t≥0-mouvement brownien B en dimension m, le processus X defini parXt = Fx(B)t est l’unique solution de E(a, σ) avec valeur initiale x ; de plus, si Z estune variable aleatoire F0-mesurable, le processus FZ(B)t est l’unique solution avecvaleur initiale Z.

Remarque 3.4 L’assertion iii) montre en particulier qu’il y a unicite faible pour l’EDSE(a, σ) : les solutions de Ex(a, σ) sont toutes de la forme Fx(B) et ont donc la meme loi,image de la mesure de Wiener W par Fx.

Demonstration : A nouveau, on simplifie la presentation de la preuve en considerant lecas d = m = 1. On note N la classe des sous-ensembles W-negligeables de C(R+,R) et onconsidere la filtration donnee pour tout t ∈ [0,+∞],

Gt = σ(w(s) : 0 ≤ s ≤ t

)∨N .

D’apres la Remarque 1.8, la filtration (Gt)t≥0 est continue a droite, comme en plus elleest complete, elle satisfait les conditions habituelles. Pour chaque x ∈ R, on note Xx

la solution de l’EDS Ex(a, σ) associee a l’espace canonique(C(R+,R),G∞, (Gt)t≥0,W

)et

au mouvement brownien (canonique) Bt(w) = w(t). D’apres le Theoreme 3.2, sous leshypotheses lipschitziennes cette solution existe et est unique a indistinguabilite pres.

Soient x, y ∈ R et Tn le temps d’arret defini par

Tn = inf(t ≥ 0 : |Xx

t | ≥ n ou |Xyt | ≥ n

).

Soit p ≥ 2 et T ≥ 1. En utilisant (x + y + z)p ≤ 3p−1(xp + yp + zp), les inegalites deBurkholder-Davis-Gundy (Theoreme 1.4) et l’inegalite de Holder, on a pour tout t ∈ [0, T ] :

E[sups≤t|Xx

s∧Tn −Xys∧Tn|

p

]≤ Cp

(|x− y|p + E

[sup

0≤s≤t

∣∣∣∣∫ s∧Tn

0

(σ(r,Xx

r )− σ(r,Xyt ))dBr

∣∣∣∣p]

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3.5. Flot sur l’espace de Wiener 55

+E[

sup0≤s≤t

∣∣∣∣∫ s∧Tn

0

(a(r,Xx

r )− a(r,Xyr ))dr

∣∣∣∣p])(convexite)

≤ Cp

(|x− y|p + C ′pE

[(∫ t∧Tn

0

(σ(r,Xx

r )− σ(r,Xyt ))2dr

)p/2]

+E[(∫ t∧Tn

0

∣∣a(r,Xxr )− a(r,Xy

r )∣∣ dr)p])

(inegalite BDG droite pour p ≥ 2)

≤ Cp

(|x− y|p + C ′pt

p/2−1E[∫ t

0

∣∣σ(r ∧ Tn, Xxr∧Tn)− σ(r ∧ Tn, Xy

t∧Tn)∣∣p dr]

+tp−1E[∫ t

0

∣∣a(r ∧ Tn, Xxr∧Tn)− a(r ∧ Tn, Xy

r∧Tn)∣∣p dr])

(inegalite de Holder)

≤ C ′′p

(|x− y|p + T p

∫ t

0

E[|Xx

t∧Tn −Xyr∧Tn|

p]dr

)(hypotheses lipschitziennes et T ≥ 1)

ou la constante C ′′p < +∞ depend de p et de la constante K intervenant dans les hypotheseslipschitziennes sur σ et a mais pas de n, x, y ou T .

Puisque par definition de Tn, la fonction t 7→ E[

sups≤t |Xxs∧Tn −X

ys∧Tn|

p]

est bornee, l’in-egalite de Gronwall (Lemme 3.1) s’applique avec a = C ′′p |x − y|p et b = C ′′pT

p et entraıneque pour tout t ∈ [0, T ], on a

E[sups≤t|Xx

s∧Tn −Xys∧Tn|

p

]≤ C ′′p |x− y|p exp(C ′′pT

pt). (3.21)

Comme

sups≤t|Xx

s∧Tn −Xys∧Tn|

p = sups≤t∧Tn

|Xxs −Xy

s |p

et Tn +∞, c’est croissant en n ≥ 1. Par convergence monotone, il vient alors

E[sups≤t|Xx

s −Xys |p]≤ C ′′p |x− y|p exp(C ′′pT

pt).

On considere sur C(R+,R) la topologie de la convergence uniforme sur les compacts. Elleest definie par une distance du type

d(w,w′) =+∞∑k=1

αk

(sups≤k|w(s)− w′(s)| ∧ 1

)

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56 Chapitre 3. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

pour tout choix de la suite de reels positifs αk > 0 tels que la serie∑

k≥1 αk soit convergente.Ici, on fait le choix des coefficients αk tels que

+∞∑k=1

αk exp(C ′′pk

p+1)< +∞. (3.22)

D’apres (3.21), ce choix (3.22) garantit que pour une constante Cp < +∞, on a :

+∞∑k=1

αkE[sups≤k|Xx

s −Xys |p]≤ Cp|x− y|p. (3.23)

Alors les estimations precedentes et l’inegalite de Jensen montrent que

E[d(Xx, Xy)p

]= E

[(+∞∑k=1

αk

(sups≤k|Xx

s −Xys | ∧ 1

))p]

=

(+∞∑k=1

αk

)p

E

[(+∞∑k=1

αk∑+∞k=1 αk

(sups≤k|Xx

s −Xys | ∧ 1

))p]

(+∞∑k=1

αk

)p

E

[(+∞∑k=1

αk∑+∞k=1 αk

(sups≤k|Xx

s −Xys | ∧ 1

)p)](inegalite de Jensen pour la mesure

∑+∞k=1

αk∑+∞k=1 αk

δk)

=

(+∞∑k=1

αk

)p−1 +∞∑k=1

αkE[sups≤k|Xx

s −Xys |p]≤ Cp|x− y|p.

(avec la borne (3.23))

Le theoreme de Kolmogorov-Centsov (Theoreme ??) applique au processus (Xx, x ∈ R) a

valeurs dans C(R+,R) muni de la distance d donne l’existence d’une modification (Xx, x ∈R) dont les trajectoires sont continues. On note

F (t, x, w) = Fx(w)t = Xxt (w).

Par choix de la version X, x 7→ Fx(w) est continue ce qui etablit la propriete ii) de l’enonce.

L’application w 7→ Fx(w) est mesurable de C(R+,R) muni de la tribu G∞ dans C(R+,R)

muni de la tribu borelienne σ(w(s) : s ≥ 0). De meme, pour chaque t ≥ 0, Fx(w)t = Xxt (w)

est Gt-mesurable donc coıncide ps avec une fonction mesurable de [w]t = w(s) : 0 ≤ s ≤ t,ce qui etablit maintenant l’assertion i).

On termine en montrant l’assertion iii). On commence par fixer l’espace de probabilitefiltre

(Ω,F , (Ft)t≥0,P

)et un (Ft)t≥0-mouvement brownien B. Il s’agit de voir que Fx(B)

est solution de l’EDS Ex(a, σ) :

dXt = a(t,Xt) dt+ σ(t,Xt) dBt, X0 = x.

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3.5. Flot sur l’espace de Wiener 57

On observe que le processus Fx(B) est continu et adapte d’apres i) puisque Fx(B)t coıncideps avec une fonction mesurable de [B]t = Br : 0 ≤ r ≤ t en effet pour une fonction fxmesurable sur C(R+,R), par le theoreme de transfert

P(Fx(B)t = fx([B]t)

)= W

(Fx(w)t = fx([w]t)

)= 1.

D’autre part, par construction de Fx, on a W(dw)-ps

Fx(w)t = x+

∫ t

0

σ(s, Fx(w)s) dw(s) +

∫ t

0

a(s, Fx(w)s) ds.

De facon standard, l’integrale de Stieltjes s’approxime par des sommes de Riemann : on aW-ps ∫ t

0

a(s, Fx(w)s) ds = limn→+∞

tnpn−1∑i=0

a(tni , Fx(w)tni ) (tni+1 − tni )

ou 0 = tn0 ≤ tn1 ≤ · · · ≤ tnpn = t est une subdivision de [0, t] de pas qui tend vers 0. Dela meme facon, d’apres 6) dans la Proposition ??, on a une approximation a la Riemannpour l’integrale stochastique

∫ t0σ(s, Fx(w)s) dw(s) mais dans le sens de la convergence en

probabilite W :∫ t

0

σ(s, Fx(w)s) dw(s) = W- limn→+∞

tnpn−1∑i=0

σ(tni , Fx(w)tni

) (w(tni+1

)− w (tni )

).

En prenant une sous-suite (nk)k correctement choisie, on a une convergence W-presquesure : ∫ t

0

σ(s, Fx(w)s) dw(s) = limk→+∞

tnkpnk−1∑

i=0

σ(tnki , Fx(w)tnki

) (w(tnki+1

)− w (tnki )

).

Comme en plus W-ps Fx(w)t = fx([w]t) pour une fonction fx mesurable sur C(R+,Rm),on a finalement

fx([w]t) = x+ limk→+∞

tnkpnk−1∑

i=0

σ(tnki , Fx(w)tnki

) (w(tnki+1

)− w (tnki )

)

+

tnkpnk−1∑

i=0

a(tnki , Fx(w)tnki )(tnki+1 − tnki )

.

Maintenant qu’on s’est ramene a une convergence W-presque sure, on peut, comme prece-demment, remplacer w par B (puisque sa loi sous P est W) :

1 = W

fx([w]t) = x+ limk→+∞

tnkpnk−1∑

i=0

σ(tnki , Fx(w)tnki

) (w(tnki+1

)− w (tnki )

)

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58 Chapitre 3. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

+

tnkpnk−1∑

i=0

a(tnki , Fx(w)tnki )(tnki+1 − tnki )

= P

fx([B]t) = x+ limk→+∞

tnkpnk−1∑

i=0

σ(tnki , Fx(B)tnki

) (B(tnki+1

)−B (tnki )

)

+

tnkpnk−1∑

i=0

a(tnki , Fx(B)tnki )(tnki+1 − tnki )

.

Mais, en utilisant encore 6) dans la Proposition ??, on a

∫ t

0

σ(s, Fx(B)s) dBs = P- limk→+∞

tnkpnk−1∑

i=0

σ(tnki , Fx(B)tnki

) (B(tnki+1

)−B (tnki )

)(en proba)

∫ t

0

a(s, Fx(B)s) ds = limn→+∞

tnpn−1∑i=0

a(tni , Fx(B)tni )(tni+1 − tni ) P-ps

c’est a dire finalement (par unicite de la limite en probabilite) : P-ps

Fx(B)t = fx([B]t) = x+

∫ t

0

σ(s, Fx(B)s) dBs +

∫ t

0

a(s, Fx(B)s) ds.

On obtient donc que Fx(B) est la solution recherchee de l’EDS Ex(a, σ).

Pour finir, on etablit la deuxieme partie de iii). On fixe a nouveau l’espace de probabilitefiltre

(Ω,F , (Ft)t≥0,P

)et le (Ft)t≥0-mouvement brownien B. Soit Z une variable aleatoire

F0-mesurable. En remplacant formellement, dans l’EDS verifiee par Fx(B), x par Z, onobtient que FZ(B) est solution de E(a, σ) avec valeur initiale Z. On justifie maintenant ceremplacement formel.

D’abord comme (x, ω) 7→ Fx(B)t est continue par rapport a x et Ft-mesurable par rapporta ω, on a facilement que cette application est mesurable pour la tribu B(R)⊗Ft. CommeZ est F0-mesurable, il s’en deduit, par composition, que FZ(B)t est Ft-mesurable et leprocessus FZ(B) est donc continu et adapte.

On a vu precedemment que

Fx(B)t = x+ P- limk→+∞

tnkpnk−1∑

i=0

σ(tnki , Fx(B)tnki

) (B(tnki+1

)−B (tnki )

)

+

tnkpnk−1∑

i=0

a(tnki , Fx(B)tnki )(tnki+1 − tnki )

.

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3.5. Flot sur l’espace de Wiener 59

De plus, comme Z est F0-mesurable, on a Z ⊥⊥ B. On peut donc remplacer precedemmentx par Z et, en utilisant encore 6) dans la Proposition ??, avoir (avec Z ⊥⊥ B encore)

FZ(B)t = Z +

∫ t

0

σ(s, FZ(w)s) dBs +

∫ t

0

a(s, FZ(B)s) ds

ce qui etablit que FZ(B) est solution de E(a, σ) avec valeur initiale Z.

Propriete de flot

On suppose toujours valides les hypotheses lipschitziennes.

On considere maintenant le cas general de l’EDS E(a, σ) qui part de x a la date r, ie.avec Xr = x et on note la solution Xr,x

t pour t ≥ r. D’apres le Theoreme 3.4, on peut ecrire

Xr,xt = F (r, x, t, [B· −Br]t)

ou (B·−Br)s+r = Bs+r−Br est la valeur en s du mouvement brownien translate en tempsde r (c’est bien un mouvement brownien d’apres la propriete de Markov faible).

Theoreme 3.5 (Propriete de flot) Sous les hypotheses lipschitziennes, la solution del’EDS E(a, σ) avec Xr = x verifie la propriete de flot

F (r, x, t0 + t, [B· −Br]t0+t) = F (t0, Xr,xt0 , t0 + t, [B· −Bt0 ]t0+t)

ie. Xr,xt0+t = X

t0,Xr,xt0

t0+t . (3.24)

Cette propriete s’etend pour des temps aleatoires : soit T ≥ r un temps d’arret borne

F (r, x, T + t, [B· −Br]T+t) = F (T,Xr,xT , T + t, [B· −BT ]T+t)

ie. Xr,xT+t = X

T,Xr,xT

T+t . (3.25)

Demonstration : La propriete de flot (3.24) vient de l’unicite forte de la solution del’EDS E(a, σ) due au Theoreme 3.2 sous les hypotheses lipschitziennes. Le processus t 7→F (t0, X

r,xt0 , t0 + t, [B· −Bt0 ]t0+t) est une solution issue de Xr,x

t0 a l’instant t = 0. Il en est dememe du processus t 7→ F (r, x, t0 + t, [B· − Br]t0+t) : a la date t = 0, il est en Xr,x

t0 . Lesdeux processus sont adaptes par rapport a la filtration σ(Bt0+t−Bt0 : t ≥ 0)∨σ(Bt0−Br).Par unicite forte, ces deux processus continus en t sont egaux.

Pour un temps d’arret T , on procede de meme en notant que, par la propriete de Markovforte, (BT+t −BT )t≥0 est un mouvement brownien, cf. Theoreme ??.

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60 Chapitre 3. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

3.6 Markov fort pour EDS homogene

Dans cette section, on suppose toujours les hypotheses lipschitziennes de la section prece-dente remplies. Pour avoir des proprietes markoviennes homogenes, on suppose en outreque l’EDS est homogene, c’est a dire que les coefficients de l’EDS ne dependent pas dutemps :

σ(t, y) = σ(y), a(t, y) = a(y).

Pour chaque x ∈ Rd, on note Px la loi sur C(R+,Rd) des solutions de Ex(a, σ) (d’apresle Theoreme 3.4, on a Px = WF−1

x ). L’assertion ii) dans le Theoreme 3.4 montre quex 7→ Px est continue pour la topologie de la convergence etroite : soit xn → x, pourf ∈ Cb(C(R+,Rd))∫

f dPxn =

∫f(Fxn(w)) dW(w)→

∫f(Fx(w)) dW(w) =

∫f dPx

ou on utilise Fxn(w)→ Fx(w) du au Theoreme 3.4 et la convergence dominee puisque f ∈Cb(C(R+,Rd)

). On deduit alors d’un argument de classe monotone que pour toute fonction

Φ borelienne de C(R+,Rd) dans R, l’application x 7→ Ex[Φ] est, elle aussi, mesurable.

Theoreme 3.6 (Markov fort pour EDS homogene) Soit X une solution de E(a, σ)sur un espace de probabilite filtre

(Ω,F , (Ft)t≥0,P

). Soit aussi T un temps d’arret fini ps.

Alors pour Φ : C(R+,Rd)→ R+ borelienne, on a

E[Φ(XT+t : t ≥ 0)|FT

]= EXT [Φ]

c’est a dire pour toute variable aleatoire U positive FT -mesurable

E[UΦ(XT+t : t ≥ 0)

]= E

[UEXT [Φ]

]ie. L

((XT+t)t≥0|FT

)= L

((Xt)t≥0|XT

).

Remarque 3.5 Ce resultat signifie que la solution X de l’EDS verifie la propriete deMarkov forte par rapport a la filtration (Ft)t≥0 : pour tout temps d’arret fini T , la loiconditionnelle du « futur » (XT+t : t ≥ 0) connaissant le « passe » FT est la loi de Xpartant de XT , qui ne depend que du present a l’instant T . Dans le cas particulier σ = Idet a = 0, on retrouve la propriete de Markov forte pour le mouvement brownien. C’est dureste sur celle-ci qu’on s’appuie pour la preuve.

Demonstration : Pour simplifier la presentation de la preuve, on suppose encore quem = 1, d = 1. Notons B

(T )t = BT+t −BT . Il s’agit d’un mouvement brownien independant

de FT (propriete de Markov forte pour le brownien B, cf. Theoreme ??). On pose aussiX ′t = XT+t et on remarque que le processus X ′ est adapte par rapport a la filtration (F ′t)t≥0

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3.6. Markov fort pour EDS homogene 61

ou F ′t = FT+t et que cette filtration satisfait les conditions habituelles. De plus, d’apresl’EDS satisfaite par X,

X ′t = XT +

∫ T+t

T

a(Xs) ds+

∫ T+t

T

σ(Xs) dBs.

Par changement de variable, on a de suite∫ T+t

T

a(Xs) ds =

∫ t

0

a(X ′s) ds

(comme il s’agit d’une integrale de Stieltjes definie ω par ω, on peut faire le changementde variable sans probleme ω par ω, la valeur T = T (ω) etant alors figee).On fait aussi un changement de variable dans l’integrale stochastique a l’aide du lemmesuivant :

Lemme 3.2 Si h est un processus continu adapte, on a∫ T+t

T

h(s, ω) dBs =

∫ t

0

h(T + s, ω) dB(T )s .

Demonstration :[Lemme] En approchant h par des combinaisons lineaires finies de pro-cessus de la forme h(s, ω) = ϕ(ω)1]r,r′](s) ou ϕ est Fr-mesurable. Pour simplifier on prendmeme h de la forme h(s, ω) = ϕ(ω)1]T+r,T+r′](s) ou ϕ est FT+r-mesurable, il suffit demontrer le changement de variables pour ces fonctions particulieres :∫ T+t

T

h(s, ω) dBs =

∫ T+t

T

ϕ(ω)1]T+r,T+r′](s) dBs

= ϕ(ω)

∫ (T+r′)∧(T+t)

(T+r)∧(T+t)

dBs

= ϕ(ω)(B((T + r′) ∧ (T + t))−B((T + r) ∧ (T + t))

)= ϕ(ω)

(B((T + r′) ∧ (T + t))−BT −B((T + r) ∧ (T + t)) +BT

)= ϕ(ω)

(BT (r′ ∧ t)−BT (r ∧ t)

)= ϕ(ω)

∫ r′∧t

r∧tdBT

u

=

∫ r′∧t

r∧tϕ(ω) dBT

u

=

∫ t

0

ϕ(ω)1]r,r′](u) dB(T )u

=

∫ t

0

ϕ(ω)1]T+r,T+r′](T + u) dB(T )u

=

∫ t

0

h(T + u, ω) dB(T )u .

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62 Chapitre 3. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

On deduit alors du lemme que∫ T+t

T

σ(Xs) dBs =

∫ t

0

σ(XT+u) dB(T )u =

∫ t

0

σ(X ′u) dB(T )u

et on a donc

X ′T+t = XT +

∫ t

0

σ(X ′s) dB(T )s +

∫ t

0

a(X ′s) ds.

On remarque que X ′ est adapte par rapport a la filtration (F ′t)t≥0, B(T ) est un (F ′t)-mouvement brownien et XT est F ′0-mesurable. D’apres iii) dans le Theoreme 3.4, on doitavoir ps X ′ = FXT

(B(T )

). Le resultat du theoreme suit alors facilement : comme XT est

FT -mesurable et B(T ) est independant de FT , on a

E[Φ(X ′t : t ≥ 0)|FT

]= E

[Φ(FXT (B(T ))

)|FT]

=

∫C(R+,Rm)

Φ(FXT (w)) W(dw) = EXT [Φ(Xt : t ≥ 0)].

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Chapitre 4

Mouvement brownien et EDP

Des liens importants existent entre probabilites et EDP via les processus stochastiques.Ceux-ci sont souvent relies a des operateurs differentiels lineaires, ce qui permet d’exprimerles solutions de certaines EDP en termes de processus stochastiques. L’operateur le plussimple est celui de Laplace ∆ et il est directement relie au mouvement brownien. On etudiedans ce chapitre les connexions entre mouvement brownien et equations liees au laplacien(equation de Laplace, probleme de Dirichlet, equation de la chaleur, formule de Feynman-Kac).

4.1 Fonctions harmoniques

Le laplacien ∆u d’une fonction C2 sur un ouvert U de Rd est defini par

∆u(x) =d∑i=1

∂2u

∂x2i

(x).

Le mouvement brownien B dans Rd est naturellement relie a cet operateur, en effet laformule d’Ito montre que si Φ : Rd → R est C2 alors

Φ(Bt) = Φ(B0) +

∫ t

0

∇Φ(Bs) · dBs +1

2

∫ t

0

∆Φ(Bs)ds. (4.1)

Ainsi, si ∆Φ = 0, alors Φ(B) est une martingale locale.

Definition 4.1 (Fonction harmonique) Soit D ⊂ Rd un domaine (ouvert, connexe)Une fonction u : D → R est dite harmonique si u est de classe C2 sur D et satisfaitl’equation de Laplace ∆u = 0 dans D.

Exemples. En dimension 2 : ln(x21 + x2

2) et ex1 sinx2 sont harmoniques. En dimension d :1/|x|d−2 l’est sur D = Rd \ 0.

63

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64 Chapitre 4. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

La propriete suivante joue un role essentiel pour relier les solutions d’EDP a des esperancesde processus arretes en des temps de sortie de domaine. Dans la suite, pour G ouvert, onnote pour B mouvement brownien :

τG = inf(t ≥ 0 : Bt 6∈ G) le temps d’entree dans Gc,

σG = inf(t > 0 : Bt 6∈ G) le temps de sortie de G.

On note que le temps de sortie de G est plus grand que le temps d’entree dans Gc : σG ≥ τG.Par exemple si G est ouvert et B part de ∂G, on a τG = 0 mais σG > 0 si B commencepar entrer dans G.

Proposition 4.1 Soit G un ouvert borne avec G ⊂ D et B un mouvement brownien issude a ∈ G. Si u : D → R est harmonique alors

Mt = u(Bt∧τG)− u(a)

est une martingale centree.

Demonstration : La fonction u n’est definie que sur D. Pour appliquer la formule d’Ito,on commence par la prolonger sur Rd en Φ ∈ C2(Rd) (qui coıncide avec u sur G – maispas necessairement sur D). Par exemple, on peut obtenir le prolongement par convolutionavec :

Φ =

(1G2δ

∗ ρ)× u dans D0 dans Dc

ou G2δ est le (2δ)-voisinage de G avec 4δ = dist(G,Dc) > 0 et ou ρ est une fonctiond’integrale 1, C∞ et a support dans B(0, δ). En notant Nt = Φ(a) +

∫ t0∇Φ(Bs) · dBs la

martingale locale obtenue dans la formule d’Ito (4.1), on a

Φ(Bt∧τG) = Nt∧τG +1

2

∫ t∧τG

0

∆Φ(Bs)ds.

Comme Φ|G = u|G et comme u est harmonique sur G, on a Φ(Bt∧τG) = Nt∧τG ou Nt∧τG =

u(a) +∫ t

01[0,τG](s)∇Φ(Bs) · dBs est une martingale L2 puisque ∇Φ est borne sur G. Fina-

lement,

Mt = u(Bt∧τG)− u(a) = Φ(Bt∧τG)− Φ(a) =

∫ t

0

1[0,τG](s)∇Φ(Bs) · dBs

est une martingale L2 (et donc centree).

Definition 4.2 (Formule de la moyenne) Une fonction reelle u est dite satisfaire laformule de la moyenne sur D si pour toute boule ouverte B(a, r) telle que B(a, r) ⊂ D,on a

u(a) =

∫∂B(a,r)

u(x) λa,r(dx) (4.2)

ou λa,r est la probabilite uniforme sur la sphere ∂B(a, r).

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4.1. Fonctions harmoniques 65

Cette propriete signifie que la valeur de u en tout point a s’obtient comme moyenne de usur n’importe quelle sphere centree en a, d’adherence dans D.Notons que le volume de la boule B(a, r) est

Vol(B(a, r)

)=

2rdπd/2

dΓ(d2)

:= Vr

et son aire de surface est

Sr = ∂rVol(B(a, r)

)=

2rd−1πd/2

Γ(d2)

=d

rVr,

ainsi, on deduit l’expression suivante pour les integrales sur les boules :∫B(a,r)

f(x) dx =

∫ r

0

∫∂B(a,ρ)

f(x) λa,ρ(dx)dρ. (4.3)

Proposition 4.2 Soit u : D → R. Alors u est harmonique sur D ssi u verifie la formulede la moyenne (4.2).

Demonstration : ⇒ : On applique la Proposition 4.1 avec G = B(a, r) :

Ea[u(Bt∧τG)]− u(a) = Ea[Mt] = 0.

Comme G est borne, τG < +∞ ps, et en faisant t → +∞, on deduit par convergencedominee (comme u est bornee sur B(a, r)) :

u(a) = Ea[u(BτG)]. (4.4)

On observe que le mouvement brownien standard issu de a est isotrope : aucune directionn’est priviliegiee par le processus, ie. la loi de B est invariante par les rotations de centre a.Par consequent, la loi du point de sortie de B de la boule B(a, r) est invariante aussi parles rotations de centre a. Comme la probabilite uniforme λa,r est la seule loi sur la sphere∂B(a, r) invariante par rotation (de centre a), il s’agit necessairement de la loi de BτG :Pa(Bτ∂B(a,r)

∈ ·) = λa,r. On reecrit alors (4.4) comme suit

u(a) = Ea[u(BτG)] =

∫∂B(a,r)

u(x) λa,r(dx). (4.5)

⇐ : On suppose maintenant que u verifie la formule de la moyenne (4.2). On commence

par montrer que u est de classe C∞. Soit, pour ε > 0, gε : Rd → R+ la fonction C∞ donneepar

gε(x) =

cε exp

(1

‖x‖2−ε2

)si ‖x‖ < ε

0 si ‖x‖ ≥ ε

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66 Chapitre 4. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

ou la constante cε est choisie de facon que∫B(0,ε)

gε(x) dx = cε

∫ ε

0

Sρ exp

(1

ρ2 − ε2

)dρ = 1. (4.6)

Soient ε > 0 et a ∈ D tels que B(a, ε) ⊂ D, on pose

uε(a) =

∫B(0,ε)

u(a+ x)gε(x) dx =

∫Rdu(y)gε(y − a) dy.

Il est clair que uε est C∞ sur le domaine D ou elle est definie. De plus, pour tout a ∈ D,il existe ε > 0 tel que B(a, ε) ⊂ D, on deduit alors, a l’aide du theoreme de Fubini, de laformule de la moyenne et de (4.6)

uε(a) =

∫B(0,ε)

u(a+ x)gε(x) dx

= cε

∫ ε

0

∫∂Bρ

u(a+ x) exp

(1

ρ2 − ε2

)λ0,ρ(dx)dρ

= cε

∫ ε

0

∫∂B(a,ρ)

u(x) λa,ρ(dx) exp

(1

ρ2 − ε2

)dρ

= cε

∫ ε

0

Sρu(a) exp

(1

ρ2 − ε2

)dρ

= u(a)

en utilisant l’ecriture (4.3) des integrales. Comme u = uε sur D avec uε ∈ C∞, on a aussiu de classe C∞ sur D.

Pour voir que ∆u = 0 sur D, on choisit a ∈ D et on ecrit la formule de Taylor en a :

u(a+ y) = u(a) +d∑i=1

yi∂u

∂xi(a) +

1

2

d∑i,j=1

yiyj∂2u

∂xi∂xj(a) + o(‖y‖2), y ∈ B(0, ε), (4.7)

ou ε > 0 est assez petit pour que B(a, ε) ⊂ D ou u est C∞. Comme par (im)parite, on a∫∂B(0,ε)

yi λ0,ε(dy) = 0,

∫∂B(0,ε)

yiyj λ0,ε(dy) = 0, i 6= j,

en integrant la formule de Taylor (4.7) sur ∂B(0, ε), et en utilisant la formule de la moyenne,on obtient

u(a) =

∫∂B(0,ε)

u(a+ y) λ0,ε(dy) = u(a) +1

2

d∑i=1

∂2u

∂x2i

(a)

∫∂B(0,ε)

y2i λ0,ε(dy) + o(ε2).

Mais comme ∫∂B(0,ε)

y2i λ0,ε(dy) =

1

d

d∑i=1

∫∂B(0,ε)

y2i λ0,ε(dy) =

ε2

d,

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4.2. Probleme de Dirichlet 67

on aε2

2d∆u(a) + o(ε2) = 0.

D’ou il vient ∆u(a) = 0 pour a ∈ D en faisant ε→ 0.

Proposition 4.3 (Principe du maximum) Soit u une fonction harmonique sur D. Alors

1. Si u atteint son maximum en un point interieur a D et si l’ouvert D est connexealors u est constante sur D.

2. Sur tout compact F ⊂ D, u atteint son maximum sur le bord ∂F de F .

Demonstration : Pour 1), on pose M = sup(u(x) : x ∈ D). Si a ∈ D, d’apres la formulede la moyenne (satisfaite par u harmonique), u(a) est moyenne des valeurs u(x) : x ∈∂B(a, r) pour tout r assez petit. Ainsi si u(a) = M , necessairement u est constante egalea M sur toute sphere ∂B(a, r). Comme ceci est valable pour tout r assez petit, cela exigeque u soit constante sur un voisinage de a.L’ensemble A = x ∈ D : u(x) = M est donc ouvert mais il est aussi ferme par continuitede u. De plus, comme par hypothese A 6= ∅ et D est connexe, on a A = D.

Pour montrer 2), on considere a ∈ F , interieur de F compact et on note G la composanteconnexe de F qui contient a. D’apres la formule de la moyenne, on a u(a) ≤ max(u(x) :x ∈ ∂G). Comme ∂G ⊂ ∂F ⊂ ∂F , on a donc aussi que u(a) ≤ max(u(x) : x ∈ ∂F ).

4.2 Probleme de Dirichlet

Le probleme de Dirichlet consiste en resoudre l’equation de Laplace sur un ouvert Davec des conditions aux bords imposees (sur ∂D). Etant donne un ouvert D ⊂ Rd etf : ∂D → R une fonction continue, le probleme de Dirichlet (D, f) consiste a trouverune fonction u : D → R continue sur D et C2 sur D telle que

∆u = 0 sur Du|∂D = f.

(4.8)

Il s’agit d’un probleme bien connu qu’on peut resoudre explicitement de facon analytique enutilisant la transformation de Fourier sur des domaines pertinents. L’approche probabilistepermet d’avoir acces rapidement a une expression de la solution pour des domaines Dde geometrie (relativement) arbitraire. De plus, elle ouvre la porte a des techniques desimulations de ces solutions d’EDP (methode de Monte-Carlo). Cependant pour simplifier,nous supposons que D est borne.

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68 Chapitre 4. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

Theoreme 4.1 (Dirichlet 1) On considere le probleme de Dirichlet (4.8). Soit

u(x) = Ex[f(BτD)], x ∈ D. (4.9)

1. Si Ex[|f(BτD)|] < +∞, ∀x ∈ D, alors u donnee par (4.9) verifie (4.8).

2. Si f est bornee etPa(τD < +∞) = 1, ∀a ∈ D

alors toute solution bornee du probleme de Dirichlet (D, f) s’ecrit (4.9).

Si D est borne alors la condition dans 1) au dessus est satisfaite car BτD reste dans D etf est finie sur un domaine borne.

D’apres le Theoreme 4.1, pour resoudre le probleme de Dirichlet (4.8), il reste seulement avoir la continuite sur ∂D de u donnee par (4.9), c’est a dire

limx∈Dx→a

Ex[f(BτD)] = f(a), a ∈ ∂D. (4.10)

Ceci est lie a la notion de regularite du bord, cf. ci-dessous.

Demonstration : On montre d’abord 2) puis 1).2) On suppose d’abord qu’il existe u verifiant le probleme de Dirichlet (4.8). Soient x ∈ Det Dε

− = x ∈ D : dist(x,Dc) > ε le ε-interieur de D. Pour ε assez petit, x ∈ Dε−. On

applique alors la Proposition 4.1 et en prenant l’esperance de la martingale obtenue, on a

u(x) = Ex[u(Bt∧τDε−

)].

Par hypothese, on a τDε− < +∞ ps (Dε− ⊂ D) : on se ramene facilement, au cas ou D est

un rectangle et on utilise les temps de sortie des marginales de B qui sont des mouvementsbrowniens unidimensionnels dont les temps de sorties d’intervalles sont bien connus. Onutilise le theoreme de convergence dominee (u bornee sur D puisque D est borne) pourfaire successivement t→ +∞ et ε→ 0 : d’abord comme τDε− < +∞ ps

u(x) = limt→+∞

Ex[u(Bt∧τDε−

)]

= Ex[u(BτDε−

)].

Puis comme D =⋃ε>0D

ε−, on a τDε− τD lorsque ε → 0 donc par continuite de B et de

u, a nouveau par convergence dominee :

u(x) = limε→0

Ex[u(BτDε−

)]

= Ex[u(BτD)] = Ex[f(BτD)]

ou la derniere egalite vient de la condition au bord du probleme de Dirichlet (4.8) avecBτD ∈ ∂D. Finalement, si x ∈ ∂D, τD = 0 et on a u(x) = f(x). Si elle existe, la solutionde (4.8) est donc unique et necessairement donnee par (4.9).

1) On considere maintenant u donnee par (4.9). Comme pour 2), il est immediat queu(x) = f(x) si x ∈ ∂D. Pour montrer que u est harmonique dans D, on montre que u

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4.2. Probleme de Dirichlet 69

verifie la formule de la moyenne, ce qui est equivalent par la Proposition 4.2.Soit B(a, r) ⊂ D. Quand B part de a ∈ B(a, r) ⊂ D, comme τB(a,r) ≤ τD, on a FτB(a,r)

⊂FτD et par conditionnement on a

u(a) = Ea[f(BτD)] = Ea[Ea[f(BτD)|FτB(a,r)

]].

Mais

Ea[f(BτD)|FτB(a,r)] = Ea[f(BτD −BτB(a,r)

+BτB(a,r))|FτB(a,r)

]

= Ea[f(B(τB(a,r))τD−τB(a,r)

+BτB(a,r))|FτB(a,r)

]

= Ea[f(B(τB(a,r))

τ ′D+BτB(a,r)

)|FτB(a,r)]

= u(BτB(a,r))

car par la propriete de Markov forte, B(τB(a,r))

t := Bt+τB(a,r)−BτB(a,r)

, t ≥ 0, est un mouve-

ment brownien issu de 0, independant de FτB(a,r)et donc sachant FτB(a,r)

, B(τB(a,r))

t+τB(a,r)+BτB(a,r)

est un mouvement brownien partant de BτB(a,r)∈ ∂B(a, r) pour lequel τ ′D := τD − τB(a,r)

reste le temps de sortie D (il s’agit de τD, reinitialise a la date τB(a,r)).Finalement avec (4.5), on a

u(a) = Ea[u(BτB(a,r))] =

∫∂B(a,r)

u(y) λa,r(dy)

ce qui etablit la formule de la moyenne donc l’harmonicite par la Proposition 4.2, c’est adire l’equation de Laplace sur D.

Regularite du bord

Pour avoir une solution au probleme de Dirichlet (4.8) a partir de (4.9), il reste a voirla continuite sur ∂D, ie. (4.10). Pour cela, on utilise la notion de regularite du bord tel quedecrit dans [KS, p. 245].

Definition 4.3 (Regularite) On rappelle que σD = inf(t > 0 : Bt 6∈ D) est le temps desortie de D d’un mouvement brownien B.

1. Un point x ∈ ∂D est regulier pour D si Px(σD = 0) = 1.

2. Le domaine D est regulier si tous ses points frontieres le sont :

Px(σD = 0) = 1 ∀x ∈ ∂D. (4.11)

En d’autres termes, la regularite demande que le mouvement brownien partant de ∂D sorteimmediatement de D.

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70 Chapitre 4. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

Remarque 4.1 – Un point x est dit irregulier si Px(σD = 0) < 1. Comme σD = 0 ∈FB0+ , la loi du zero/un de Blumenthal assure que, pour ces points, Px(σD = 0) = 0.

– La condition de regularite est locale : x ∈ ∂D est regulier pour D ssi x l’est pourB(x, r) ∩D pour r > 0.

Exemples (Regularite).

– C’est le cas si D ⊂ R2 est de bord une courbe simple C1 ou D ⊂ Rd est le bord d’unevariete differentiable de classe C1.

– En dimension 1, tout point de ∂D est regulier. En effet, par exemple pour 0, lemouvement brownien reel issu de 0 visite R∗+ et R∗− en des temps arbitrairementproches de 0, ce qui garantit σD = 0. Ainsi, on verra avec le Theoreme 4.2 que leprobleme de Dirichlet en dimension 1 est resoluble avec une solution lineaire parmorceaux donnee par (4.9).

– En dimension d ≥ 2, un ouvert prive d’un point interieur (par exemple Rd \ 0)n’est pas regulier.

– Pour d ≥ 2, D = x ∈ Rd : 0 < ‖x‖ < 1. Pour x ∈ D, le mouvement brownienpartant de x quitte D par S1 = x ∈ Rd : ‖x‖ = 1, pas par l’origine. Ainsi u donneepar (4.9) est determinee seulement par les valeurs de f sur la frontiere exterieure S1

et va coıncider (a part a l’origine) avec la fonction harmonique

u(x) = Ex[f(BτB(0,1))] = Ex[f(BσD)], x ∈ B(0, 1).

En posant u(0) = f(0), u est continue en 0 ssi f(0) = u(0).– Quand d ≥ 3, il est possible d’avoir ∂D connecte et avec des points irreguliers.

Proposition 4.4 (Regularite du bord) Soient d ≥ 2 et a ∈ ∂D. Les assertions sui-vantes sont equivalentes.

1. La condition (4.10) est remplie pour toute fonction mesurable bornee f : ∂D → R,continue en a.

2. Le point a est regulier pour D.

3. Pour tout ε > 0, on a

limx∈Dx→a

Px(τD > ε) = 0.

Des Theoreme 4.1 et Proposition 4.4, on deduit d’abord immediatement :

Theoreme 4.2 (Dirichlet 2) Si le domaine D est regulier, alors la fonction u donneepar (4.9) est l’unique solution du probleme de Dirichlet, ie. u est C2 sur D et continue surD et (4.8) est satisfait.

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4.2. Probleme de Dirichlet 71

Consequences sur le mouvement brownien

Exemple 1. Pour d = 2, on considere l’anneau D de centre 0 et de rayons interieur r etexterieur R, 0 < r < R < +∞, ie. D =

x = (x1, x2) : r2 < x2

1 + x22 < R2

et f est donnee

sur ∂D par

f(x) =

1 si |x| = r0 si |x| = R.

Comme le domaine D est regulier, d’apres le Theoreme 4.2, la solution du probleme deDirichlet (D, f) est donnee par (4.9), soit

u(x) = Ex[1|BτD |=r

]= Px

(B sort de D par le cercle interieur

), x ∈ D.

De plus un calcul direct montre que

lnR− ln |x|lnR− ln |r|

, x ∈ D,

verifie l’EDP de Dirichlet (4.8) et donc (par unicite) coıncide avec u. On a etabli

Px(B sort de D par le cercle interieur

)=

lnR− ln |x|lnR− ln |r|

, x ∈ D.

Exemple 2. On considere maintenant d ≥ 3 et toujours D =x ∈ Rd : r < |x| < R

avec

f comme precedemment. On verifie alors que

u(x) = Ex[1|BτD |=r

]= Px

(B sort de D par le cercle interieur

)=|x|−d+2 − |R|−d+2

|r|−d+2 − |R|−d+2, x ∈ D,

ou la deuxieme egalite vient de ce que, par un calcul direct, on voit que la fonction estsolution de l’EDP de Dirichlet (4.8).

Quand R→ +∞, comme le temps d’atteinte de la sphere exterieure tend presque surementvers +∞ avec R, on a, par convergence monotone :

limR→+∞

Px(B sort de D par le cercle interieur

)= Px

(B atteint la boule B(0, r) en temps fini

).

Dans l’Exemple 1, on constate que u(x)→ 1 quand R→ +∞ ; dans l’Exemple 2, u(x)→(r/|x|)d−2. Cela met en evidence deux types de comportements differents du mouvementbrownien selon que d = 2 ou d ≥ 3.En fait, en dimension d = 2, le mouvement brownien est recurrent (avec probabilite 1, ilfinit par atteindre la boule B(0, r) pour tout rayon r > 0 et pour tout point de depart (etaussi pour tout rayon positif par scaling). Au contraire, si d ≥ 3, le mouvement brownien aune probabilite strictement positive de ne jamais atteindre la boule B(0, r), il est transcient.Il y a en quelque sorte trop de place en dimension d ≥ 3 pour que la « marche au hasardbrownienne » soit sure de repasser pres de l’origine.

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72 Chapitre 4. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

4.3 Equation de la chaleur

Les lois de la thermodynamique expliquent que la solution u du probleme de Dirichlet(D, f) en (4.8) est le champ de temperature a l’equilibre a l’interieur D d’un recipient dontles parois ∂D sont maintenues a temperature f (cette interpretation suppose que f ≥ 0) .On s’interesse maintenant aux equations de Laplace avec evolution dans le temps : parexemple, pour poursuivre la meme interpretation thermodynamique, on considere uneplaque infiniment mince isolee homogene et infinie. La temperature u(t; y, z) au point (y, z)a l’instant t se determine en fonction de la temperature initiale f comme la solution del’EDP

∂u

∂t=σ2

2

(∂2u

∂y2+∂2u

∂z2

)partant de u(0, ·) = f(·). Le coefficient σ > 0 ne depend pas de (y, z) et caracterise laconductance thermique de la plaque.

En dimension d quelconque, on appelle equation de la chaleur, le probleme de Cauchy∂∂tu = 1

2∆u

u(0, ·) = f.(4.12)

Nous allons relier cette EDP a des objets probabilistes. On considere d’abord la loi deBt sachant Fs : par independance et stationnarite des accroissements, en ecrivant Bt =Bt−Bs +Bs, on constate qu’il s’agit de la loi gaussienne (conditionnelle) Nd(Bs, (t− s)Id)de densite au point y, en notant Bs = x, donnee par

p(t− s;x, y) = gt−s(y − x).

On voit sans difficulte que p = p(t;x, y) verifie

p−1∂p

∂t= − d

2t+|y − x|2

2t2

et que

p−1 ∂2p

∂x2i

= −1

t+

(yi − xi)2

t2

de sorte que la fonction p est solution de l’equation progressive (dite forward) (ie. en lavariable y de la position future)

∂tp =

1

2∆yp, lim

t0p dy = δx

ou δx est la mesure de Dirac en 0 et aussi par symetrie solution de l’equation retrograde(dite backward) (ie. en la variable x de la position passee)

∂tp =

1

2∆xp, lim

t0p dx = δy.

Ces relations justifient que p est la solution fondamentale de l’equation de la chaleur. (Dece fait, on appelle p le noyau de la chaleur.)

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4.4. Formule de Feynman-Kac 73

Proposition 4.5 On suppose que la condition initiale f verifie∫Rd |f(x)|e−c|x|2 dx < +∞

pour une constante c > 0. Alors la fonction

u(t, x) = Ex[f(Bt)]

est solution de l’equation de la chaleur (4.12) sur [0, t0[×Rd avec t0 = 1/(2c).

Demonstration : Par definition, on a u(t, x) =∫Rd f(y)p(t;x, y) dy. La propriete d’inte-

grabilite de f permet de deriver sous le signe integrale pour t ∈ [0, 1/(2c)[ et d’avoir

∂tu =

∫f(y)

∂tp(t;x, y) dy,

∂2

∂x2i

u =

∫f(y)

∂2

∂x2i

p(t;x, y) dy

ce qui implique d’apres l’equation retrograde pour p que u est solution de (4.12) sur cetintervalle de temps avec la bonne condition initiale.

4.4 Formule de Feynman-Kac

On considere l’EDP parabolique lineaire∂∂tu = 1

2∆u− ku, (t, x) ∈ R∗+ × Rd,

u(0, ·) = f.(4.13)

Le terme supplementaire k(x) represente le taux de dissipation de la chaleur en x dans lecas ou k ≥ 0. Dans le cas ou k n’est pas positive, on interpretera plutot cette equation(avec f ≥ 0) comme decrivant la densite u(t, x) au temps t et au point x de particulesdiffusant dans l’espace qui se multiplient dans les sites tels que k(x) ≤ 0 (a un taux −k)et qui sont tuees dans les sites tels que k(x) ≥ 0 (a un taux k). Puisque cette equation sereduit si k = 0 a l’equation de la chaleur, le resultat suivant n’est pas surprenant comptetenu de la Proposition 4.5 :

Proposition 4.6 On suppose que f : Rd → R et k : Rd → R sont boreliennes avec fa croissance sous-exponentielle et k bornee. Alors toute solution u(t, x) de l’EDP para-bolique lineaire (4.13) de classe C1,2 dont le gradient est a croissance sous-exponentielle(uniformement en temps), est donnee par la formule

u(t, x) = Ex[f(Bt) exp

(−∫ t

0

k(Bs)ds

)]. (4.14)

En particulier, une telle solution est unique.

On interpretera mieux cette formule, plus tard, avec la notion de generateur associe a ladiffusion B.

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74 Chapitre 4. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

Demonstration : On fixe t ≥ 0 et on applique la formule d’Ito au temps s ∈]0, t[ as 7→ u(t− s, Bs) exp

(−∫ s

0k(Br)dr

). Il vient

d

[u(t− s, Bs) exp

(−∫ s

0

k(Br)dr)]

=[− k(Bs)u(t− s, Bs)ds−

∂tu(t− s, Bs)ds+∇u(t− s, Bs)dBs +

1

2∆u(t− s, Bs)ds

]× exp

(−∫ s

0

k(Br)dr)

= ∇u(t− s, Bs) dBs exp(−∫ s

0

k(Br)dr)

en utilisant l’EDP (4.13). On integre entre s = 0 et s = t :

exp

(−∫ t

0

k(Br)dr

)u(0, Bt)− u(t, B0) = exp

(−∫ t

0

k(Br)dr

)f(Bt)− u(t, B0)

=

∫ t

0

exp

(−∫ s

0

k(Br)dr

)∇u(t− s, Bs)dBs.

On passe a l’esperance sous Px, en notant que l’integrale stochastique est une martingaleL2 d’apres les hypotheses de croissance sous-exponentielle de u et de la bornitude pour k ;elle est donc d’esperance nulle. On obtient alors

Ex[exp

(−∫ t

0

k(Br)dr

)f(Bt)− u(t, B0)

]= 0

soit, puisque B0 = x sous Px,

u(t, x) = Ex[exp

(−∫ t

0

k(Br)dr

)f(Bt)

]ce qui est la formule de Feynman-Kac (4.14).

Cas de l’EDP (4.13) sur un domaine. Soit D un domaine borne regulier de Rd, kmesurable bornee sur D. On considere maintenant l’EDP

∂∂tu = 1

2∆u− ku, (t, x) ∈ R∗+ ×D

u(0, ·) = f sur Du(·, x) = 0 pour x ∈ ∂D.

Soit u une solution de l’EDP continue sur R+ × D, de classe C1,2 bornee et a deriveesbornees. On peut verifier qu’alors

u(t, x) = Ex[f(Bt)1t<τD exp

(−∫ t

0

k(Bs)ds

)]ou τD est le temps de sortie de D. Pour cela, comme precedemment, on applique la formuled’Ito a s 7→ u(t − s, Bs∧τD) exp

(−∫ s

0k(Br∧τD)dr

). Noter que pour x ∈ ∂D, τD = 0 sous

Px et on recupere la condition au bord u(·, x) = 0 pour x ∈ ∂D.

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Chapitre 5

Diffusions

Dans ce chapitre, on introduit brievement en Section 5.1 les solutions d’EDS appeleesdiffusions ainsi que des outils importants pour leur etude. On termine en reliant l’existenced’une solution faible d’une EDS a un probleme de martingales en Section 5.4.

5.1 Generateur d’une diffusion

Definition 5.1 (Processus de diffusion) On appelle processus de diffusion un proces-sus verifiant la propriete de Markov forte et a trajectoires continues du type considere dansle Theoreme 3.6.

Ainsi, d’apres le Theoreme 3.6, les solutions d’EDS homogenes dXt = a(Xt) dt+σ(Xt) dBt

sont des diffusions. On considere ce type de processus dans la suite. De facon generale, onconsidere X solution forte de l’EDS E(a, σ)

dXt = a(t,Xt) dt+ σ(t,Xt) dBt

avec a(t, x) ∈ Rd et σ(t, x) ∈ Md,m(R) boreliennes et B un mouvement brownien m-dimensionnel. On suppose que pour tout t ≥ 0 ps, pour tout 1 ≤ i ≤ d et 1 ≤ j ≤ m,on a ∫ t

0

|ai(s,Xs)| ds < +∞,∫ t

0

|σi,j(s,Xs)|2 ds < +∞.

Il est important de pouvoir attacher aux processus de diffusion des martingales (locales)continues. C’est l’objet du theoreme suivant ou on note σ∗ la transposee de la matrice σ.Pour cela, on introduit le generateur d’une diffusion.

Definition 5.2 (Generateur infinitesimal) Soit X diffusion solution forte de l’EDSE(a, σ). On appelle generateur (infinitesimal) de X, l’operateur elliptique du deuxiemeordre qui associe a f , fonction de classe C1,2 sur R+ × Rd,

Lf(t, x) =d∑i=1

ai(t, x)∂f

∂xi(x) +

1

2

d∑i=1

d∑j=1

(σσ∗)i,j(t, x)∂2f

∂xi∂xj(x)

75

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76 Chapitre 5. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

L = a · ∇x +1

2σσ∗∇x∇∗x.

Le Theoreme 5.2 justifiera la terminologie ”generateur”.Par exemple, pour X = B mouvement brownien, L = 1

2∂2/∂x2 (en dimension 1) ou L = 1

2∆

(en dimension d). Le resultat suivant justifie l’importance du generateur L de X pour X.

Theoreme 5.1 Soient X une solution forte de E(a, σ) de generateur L et f dans le do-maine de l’operateur L. Alors

f(Xt)−∫ t

0

Lf(s,Xs) ds

est une martingale locale.

Demonstration : On commence par noter que comme d〈Bk, Bl〉t = δk,l dt, on a :

d〈X i, Xj〉t =m∑

k,l=1

σi,k(t,Xt)σj,l(t,Xt)d〈Bk, Bl〉t

=m∑k=1

σi,k(t,Xt)σj,k(t,Xt) dt

= (σσ∗)i,j(t,Xt) dt.

On applique la formule d’Ito a f(Xt) :

f(Xt) = f(X0) +d∑i=1

∫ t

0

∂f

∂xi(Xs)dX

is +

1

2

∑1≤i,j≤d

∫ t

0

∂2f

∂xi∂xj(Xs)d〈X i, Xj〉s

= f(X0) +d∑i=1

∫ t

0

ai(s,Xs)∂f

∂xi(Xs) ds+

d∑i=1

∫ t

0

∂f

∂xi(Xs)

(m∑k=1

σi,k(s,Xs) dBks

)

+1

2

∑1≤i,j≤d

∫ t

0

(σσ∗)i,j(s,Xs)∂2f

∂xi∂xj(Xs) ds

= f(X0) +

∫ t

0

Lf(s,Xs) ds+d∑i=1

m∑k=1

∫ t

0

σi,k(s,Xs)∂f

∂xi(Xs) dB

ks .

Finalement

f(Xt)−∫ t

0

Lf(s,Xs)ds = f(X0) +d∑i=1

m∑k=1

∫ t

0

σi,k(s,Xs)∂f

∂xi(Xs) dB

ks (5.1)

est bien une martingale locale car en arretant l’integrale en

Sn = inf

(t ≥ 0 : ‖Xt‖ ≥ n, ∃(i, j),

∫ t

0

σi,j(s,Xs)2 ds ≥ n

)

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5.2. Semi-groupe d’une diffusion 77

temps d’arret (qui tend vers +∞ par hypothese sur σ) on a bien une vraie martingale.

Si f est assez reguliere, on a meme une vraie martingale et en prenant l’esperance avecX0 = x :

E[f(Xt)] = f(x) +

∫ t

0

E[Lf(s,Xs)]ds. (5.2)

L’operateur L pour X permet d’interpreter de nombreux resultats probabilistes en analyseet reciproquement. Ce pont, jete entre probabilite et analyse, se revele particulierementfecond et constitue a lui seul une motivation importante pour l’etude des EDS. Le Theo-reme 5.3 qui suit en est une illustration.

5.2 Semi-groupe d’une diffusion

Definition 5.3 (Noyau de transition) On associe a Xr,x solution de l’EDS E(a, σ) par-tant de x a l’instant r un noyau de transition donne par

P rt f(x) = E[f(Xr,x

t )] t ≥ r. (5.3)

On notera aussi Ptf(r, x) := P rt f(x). Ce noyau donne la distribution de la variable aleatoire

Xr,xt pour t ≥ r. Par exemple, on voit dans le Chapitre 4 que, dans le cas du mouvement

brownien, le noyau est le semi-groupe de la chaleur. Il s’agit encore d’un semi-groupe dansle cas general, cf. Theoreme 5.2.

Theoreme 5.2 (Propriete de semi-groupe) Le noyau de transition (P rt )t≥r verifie la

propriete de semi-groupe : pour r ≤ s ≤ t :

P rt f(x) = P r

s (P st f)(x). (5.4)

Lorsque les coefficients de l’EDS ne dependent pas du temps, le semi-groupe de transitionP rt ne depend que de t− r (ie. P r

t = Pt−r) et on note

P rt+rf(x) := Ptf(x) := E[f(Xt+r)|Xr = x].

Demonstration : D’apres la propriete de flot (Th. 3.5), on a pour s ≥ r :

Xr,xs+t = F (r, x, s+ t, [Br+· −Br]t)

= F(s,Xr,x

s , s+ t, [Bs+· −Bs]t)

c’est a dire Xr,xs+t s’ecrit comme fonction de Xr,x

s et du mouvement brownien independant[Bs+· −Bs]t.De plus, comme [Bs+· −Bs]t est independante de Fs, la loi conditionnelle de Xr,x

s+t sachant

Fs est celle de Xs,Xr,xs

s+t sachant Xr,xs . Ainsi

L(Xr,xs+t

∣∣Fs) = L(Xs,Xr,x

ss+t

∣∣Xr,xs

).

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78 Chapitre 5. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

En prenant les esperances, il vient

P rs+tf(x) = E[f(Xr,x

s+t)] = E[E[f(Xr,x

s+t)|Fs]]

= E[E[f(Xs,Xr,x

ss+t )|Xr,x

s ]]

= E[ ∫

f(Xs,ys+t)PXr,x

s(dy)

]=

∫E[f(Xs,y

s+t)]PXr,x

s(dy)

=

∫P ss+tf(y) PXr,x

s(dy) = E[P s

s+tf(Xr,xs )] = P r

s (P ss+tf)(x).

Le semi-groupe du mouvement brownien verifie l’equation de la chaleur (4.12), cf. Sec-tion 4.3. On montre dans le Theoreme 5.3 que cela se generalise pour une diffusion solutiond’une EDS E(a, σ) en une EDP exprimee par le generateur.

Theoreme 5.3 (Derivation et generateur) Le semi-groupe (P rt )t≥r est derivable par

rapport a t et sa derivee est le generateur de la diffusion, ie. pour f de classe C2 assezreguliere :

∂tPtf(r, x) = P rt [Lf(t, ·)](x). (5.5)

En particulier, ∂tPrt f(x)|t=r = Lf(r, x).

Dans le cas homogene (ie. a(t, x) = a(x) et σ(t, x) = σ(x)), on a

∂tPtf(x) = Pt(Lf)(x) et ∂tPtf(x)|t=0 = Lf(x). (5.6)

= L(Ptf)(x) (5.7)

Cela explique la terminologie ′′generateur infinitesimal′′ pour L, puisqu’on peut ecrire sym-boliquement (5.7) sous la forme ′′Pt = exp(tL)′′.

Demonstration : On suppose que la fonction f est reguliere de facon que la martin-gale locale du Theoreme 5.1 soit une vraie martingale. Elle est d’esperance nulle et doncl’esperance dans la formule d’Ito (5.1) donne pour les dates t et t+h (avec t ≥ r et h ≥ 0) :

E[f(Xr,xt+h)] = E[f(Xr,x

t )] + E[∫ t+h

t

Lf(s,Xr,xs ) ds

].

Comme Lf(s,Xr,xs ) est continue et bornee lorsque f est assez reguliere, d’apres le theoreme

de convergence dominee, la fonction de t, P rt f(x) = E[f(Xr,x

t )] est derivable a droite et dederivee E[Lf(t,Xr,x

t )] = P rt [Lf(t, ·)](x), ce qui etablit l’identite (5.5). En particulier,

∂tPrt f(x)|t=r = Lf(r, x).

La derivabilite precedente a ete montree a droite seulement. Pour conclure, on observe queP rt ∂t[Lf(t, ·)](x) = E[Lf(t,Xr,x

t )] est une fonction continue de t par convergence dominee(et regularite de f). Ainsi la fonction

t 7→∫ t

r

P rs [Lf(s, ·)](x) ds

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5.2. Semi-groupe d’une diffusion 79

est derivable de derivee P rt [Lf(t, ·)](x). Comme la difference de deux fonctions qui ont la

meme derivee a droite est necessairement constante, il existe c tel que

P rt f(x) =

∫ t

r

P rs [Lf(s, ·)](x) + c.

En faisant t = r, on a c = f(x). Cela acheve de prouver completement la derivabilite dans(5.5).

Dans le cas homogene, la propriete de semi-groupe s’ecrit Pt+sf = PsPtf = PtPsf etmontre maintenant la deuxieme partie de (5.7)

Pt+hf(x)− Ptf(x)

h=PhPtf − Ptf

h(x) =

Phg − gh

(x)

en notant g = Ptf . En passant a la limite h 0, on a

∂tPtf(x) = limh0

Pt+hf(x)− Ptf(x)

h= ∂uPug(x)|u=0 = Lg(x) = L[Ptf ](x)

ce qui etablit l’identite (5.7).

Remarque 5.1 Si le semi-groupe (P rt )t≥r admet une densite pt(r, x, y) (ie. P r

t f(x) =∫pt(r, x, y)f(y) dy), cette densite verifie l’equation de convolution∫

Rnpt(r, x, y)ps(t, y, z)dy = ps+t(r, x, z).

En effet, l’equation de convolution est l’analogue sur les densites de la propriete de semi-groupe (5.4).

Theoreme 5.4 (Equation de Kolmogorov) On suppose que le semi-groupe (P rt )t≥r ad-

met une densite pt(r, x, y). Alors cette densite verifie (dans le sens des distributions) l’equa-tion de Kolmogorov progressive en (t, y), au sens des distributions,

∂tpt(r, x, y) = L∗y[pt(r, x, ·)](t, y)limt→r pt(r, x, ·) = δx

(5.8)

ou L∗ est l’operateur adjoint de L defini par

L∗yf(t, x) =1

2

d∑i,j=1

∂2

∂xi∂xj[(σ(t, x)σ(t, x)∗)i,jf(t, x)]−

d∑i=1

∂xi[ai(t, x)f(t, x)].

Si en plus l’EDS est homogene alors la densite pt(r, x, y) satisfait aussi l’equation de Kol-mogorov retrograde en (t, x) :

∂tpt(r, x, y) = Lx[pt(r·, y)](t, x)limt→r pt(r·, y) = δy.

(5.9)

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80 Chapitre 5. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

Demonstration : Pour toute fonction f reguliere a support compact, par definition deP rt et par convergence dominee, on a :

∂tPrt f(x) = ∂tE[f(Xr,x

t )] = ∂t

(∫Rdf(y)pt(r, x, y)dy

)=

∫Rdf(y)∂tpt(r, x, y) dy.

Avec (5.5), pour toute fonction f reguliere a support compact, on a :

∂tPtf(r, x) = Pt[L(t, ·)](r, x)

=

∫Rdpt(r, x, y)Lf(t, y) dy

=

∫Rdpt(r, x, y)

(1

2

d∑i,j=1

(σ(t, y)σ(t, y)∗)i,j∂2f

∂yi∂yj(y) +

d∑i=1

ai(t, y)∂f

∂yi(y)

)dy

=

∫Rd

(1

2

d∑i,j=1

∂2

∂yi∂yj[(σ(t, y)σ(t, y)∗)i,jpt(r, x, y)]−

d∑i=1

∂yi[ai(t, y)pt(r, x, y)]

)f(y) dy

=

∫RdL∗ypt(r, x, y)f(y) dy

avec quelques IPP. En comparant les deux expressions obtenues, il vient : l’equation pro-gressive (5.8).

Dans le cas homogene, par convergence dominee pour toute fonction f reguliere a supportcompact, d’apres (5.7), on a

∂tPrt f(x) = L(P r

t f)(x) = L

[∫f(y)pt(r, ·, y) dy

](x) =

∫f(y)Lx[pt(r, ·, y)](x) dy.

En comparant avec l’expression

∂Ptf(r, x) = ∂t

(∫pt(r, x, y)f(y) dy

)=

∫∂tpt(r, x, y)f(y) dy,

il vient l’equation retrograde (5.9) (avec des derivees dans le sens des distributions).

Remarque 5.2 (EDS homogenes) Pour des EDS homogenes, le generateur L de (5.1)ne depend que de x et le semi-groupe verifie P r

t = Pt−r. Dans ce cas, on a des expressionshomogenes en temps :

Ptf(x) = E[f(Xxt )]

Pt+sf = Pt(Psf)

∂tPtf = PtLf = LPtf

Pt = exp(tL).

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5.3. Diffusion et EDP 81

5.3 Diffusion et EDP

On generalise l’observation du Theoreme 5.1 avec la formule de Dynkin.

Theoreme 5.5 (Formule de Dynkin) Soit (Xt)t≥0 une diffusion homogene de genera-teur

L =d∑

i,j=1

(σσ∗)i,j(x)∂2

∂xixj+

d∑i=1

ai(x)∂

∂xi,

x ∈ Rd, τ un temps d’arret integrable : Ex[τ ] < +∞ et f ∈ C2c (Rd,R). Alors

Ex[f(Xτ )] = f(x) + Ex[∫ τ

0

Lf(Xs) ds

]. (5.10)

Demonstration : Pour simplifier la preuve, on considere le cas d = m = 1. Avec laformule d’Ito, comme dans la preuve du Theoreme 5.1, on a

Ex[f(Xτ )] = f(x) + Ex[∫ τ

0

Lf(Xs) ds

]+ Ex

[∫ τ

0

σ(Xs)f′(Xs) dBs

]. (5.11)

Il suffit donc de montrer que l’esperance de l’integrale stochastique est nulle. Mais pourtoute fonction h bornee par M , et N ∈ N, on a

Ex[∫ τ∧N

0

h(Xs) dBs

]= Ex

[∫ N

0

1s<τh(Xs) dBs

]= 0

car 1s<τ et h(Xs) sont Fs-mesurables. Puis

Ex

[(∫ τ

0

h(Xs) dBs −∫ τ∧N

0

h(Xs) dBs

)2]

= Ex[∫ τ

τ∧Nh(Xs)

2 ds

]≤ M2Ex[τ − τ ∧N ]

qui tend vers 0 quand n→ +∞ par convergence dominee, en vertu de l’hypothese Ex[τ ] <+∞. On a donc

0 = limN→+∞

Ex[∫ τ∧N

0

h(Xs) dBs

]= Ex

[∫ τ

0

h(Xs) dBs

](5.12)

ce qui conclut la preuve en reportant cette conclusion dans (5.11) pour h = σf ′ (borne carcontinue a support compact).

5.3.1 EDP de type Dirichlet

On considere D un ouvert de Rd et τ le temps de premiere sortie de D d’une diffusionhomogene de generateur L. On considere alors le probleme avec condition au bord :

Lu = θ, x ∈ Du = ψ, x ∈ ∂D. (5.13)

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82 Chapitre 5. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

Si le probleme (5.13) admet une unique solution (par exemple si D, θ, ψ sont assez reguliers)alors d’apres la formule de Dynkin (5.10), on a

u(x) = Ex[ψ(Xτ )−

∫ τ

0

θ(Xs) ds

].

En particulier,– pour ψ = 0 et θ = 1, u(x) est egal a l’esperance de τ partant de x.– pour θ = 0 et ψ = indicatrice d’une partie A de ∂D, alors u(x) est la probabilite de

quitter D par A.Ainsi la resolution de (5.13) donne des informations sur le temps de sortie τ et le lieu desortie Xτ de la diffusion X de D.

Exemple 1. On considere la diffusion dXt = Xt dBt (mouvement brownien geometriqueXt = X0 exp(Bt − t2/2)). On a L = x2∂2

x. Comme les solutions de Lu = 0 sont u(x) =c1x+ c2, c1, c2 ∈ R, en notant τa et τb les temps d’atteinte de 0 < a < b, on montre qu’on a

Px(τa < τb) =b− xb− a

, x ∈ [a, b].

Exemple 2. On considere la diffusion dXt = rXt dt + Xt dBt, r ∈ R (Black et Scholes :Xt = X0 exp(rt + Bt − t2/2), on suppose X0 > 0 donc Xt > 0 pour tout t ≥ 0). Ona L = rx∂x + 1

2x2∂2

x. Pour r 6= 1/2, les solutions de Lu = 0 sont u(x) = c1x1−2r + c2,

c1, c2 ∈ R.– Pour r < 1/2, en notant τa et τb les temps d’atteinte de 0 < a < b, En appliquant la

formule de Dynkin (5.10) avec θ = 0 et ψ(a) = 0, ψ(b) = 1, on a

u(x) = Ex[1Xτ=b] = Px(τb < τa).

D’apres l’unicite de la solution de l’EDP, en determinant les constantes a l’aide deu(b) = 1, u(a) = 0, on a

Px(τb < τa) =x1−2r − a1−2r

b1−2r − a1−2r, x ∈ [a, b].

Comme lima→0 a1−2r = 0 et τa τ0, par convergence monotone, on a

Px(τb < τ0) =(xb

)1−2r

.

Comme τ0 = +∞, la probabilite que X n’atteigne jamais b est 1− (x/b)1−2r.– Pour r > 1/2, on a

Px(τa < τb) =x1−2r − b1−2r

a1−2r − b1−2r, x ∈ [a, b].

Comme lima→0 a1−2r = +∞ et τa τ0, on a

Px(τ0 < τb) = 0, x < b.

Comme τ0 = +∞, la probabilite que X n’atteigne jamais b est nulle.

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5.3. Diffusion et EDP 83

Puis comme la solution de Lu(x) = −1, 0 < x < bu(x) = 0, x = b

est

u(x) =ln b− lnx

r − 1/2.

Mais avec θ = −1 et ψ = 0, et τ = τb, on a

u(x) = Ex[∫ τb

0

1 ds

]= Ex[τb].

On en deduit de l’unicite de la solution de l’EDP que

Ex[τb] =1

r − 1/2ln

(b

x

).

Remarque : Cela montre que les solutions tendent a croıtre exponentiellement puisqueEx[τb] = T pour b = x exp

((r − 1/2)T

).

5.3.2 Formule de Feynman-Kac

Parfois, il n’est pas utile de connaıtre explicitement tout le semi-groupe de transition(P r

t )t≥r mais, en utilisant des EDP retrogrades, seulement certaines integrales.

Theoreme 5.6 (Feynman-Kac) Soit g une fonction continue. S’il existe une solutionreguliere u(t, x) a l’EDP retrograde

∂u

∂t(t, x) + Lu(t, x) = 0, u(T, x) = g(x), (5.14)

alors u(t, x) = E[g(XT )|Xt = x].

L’interet d’une telle formule est de pouvoir donner une solution d’EDP sous forme d’es-perance. A l’aide de methodes de Monte-Carlo pour approximer les esperances, on peutsimuler la solution de l’EDP.

Demonstration : Comme pour (5.1), on applique la formule d’Ito a u(s,Xs) entre t et Tet on utilise que u verifie l’EDP (5.14). On a

u(T,XT ) = u(t,Xt) +

∫ T

t

∂u

∂s(s,Xs) ds+

∫ t

0

Lu(s,Xs) ds+d∑i=1

m∑j=1

∫ T

t

σij(s,Xs)∂u

∂xi(s,Xs) dB

js(5.15)

= u(t,Xt) +d∑i=1

m∑j=1

∫ T

t

σi,j(s,Xs)∂u

∂xi(s,Xs) dB

js .

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84 Chapitre 5. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

Avec assez de regularite, les integrales∫ Ttσij(s,Xs)

∂u∂xi

(s,Xs) dBjs sont de vraies martin-

gales. En prenant l’esperance, la propriete de martingale annule l’esperance correspondanteet avec la condition terminale en T , on a :

E[g(XT )|Xt = x] = E[u(T,XT )|Xt = x] = E[u(t,Xt)|Xt = x] = u(t, x).

Corollaire 5.1 Soit g une fonction continue. S’il existe une solution reguliere v(t, x) al’EDP retrograde

∂v

∂t(t, x) + Lv(t, x)− k(t, x)v(t, x) = 0, v(T, x) = g(x), (5.16)

alors v(t, x) = E[exp

(−∫ Ttk(s,Xs) ds

)g(XT )|Xt = x

].

Demonstration : Comme dans la preuve precedente et dans celle de la Proposition 4.6,on applique la formule d’Ito (de la meme facon que pour (5.1)) au produit de processusu(s,Xs) et exp

(−∫ stk(u,Xu)du

)et on utilise l’EDP (5.16). En prenant l’esperance, la

partie martingale disparaıt et on a

E[exp

(−∫ s

t

k(u,Xu)du

)u(s,Xs)

∣∣∣Xt = x

]= E [u(t,Xt)|Xt = x] +

∫ t

s

E[exp

(−∫ v

t

k(u,Xu)du

)(∂u

∂t+ Lu− ku

)(v,Xv)

∣∣∣Xt = x

]dv.

On conclut en utilisant le fait que u est solution de l’EDP (5.16).

5.4 Probleme de martingales

5.4.1 Introduction

On considere l’EDS E(a, σ)

dXt = a(t,Xt) dt+ σ(t,Xt) dBt

ou a(t, x) ∈ Rd et σ(t, x) ∈ Md,m(R) sont mesurables pour t ∈ R+ et x ∈ Rd et B est unmouvement brownien m dimensionnel.

Dans cette section, on ne suppose plus les hypotheses lipschitziennes du Chapitre 3 et oncherche une solution faible a l’EDS E(a, σ), c’est a dire un triplet X, B, (Ω,F , (Ft)t≥0,P) tel

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5.4. Probleme de martingales 85

que B soit un (Ft)t≥0-mouvement brownien et X un processus adapte et continu verifiantps ∫ t

0

(|ai(s,Xs)|+ σ2

i,j(s,Xs))ds < +∞, 1 ≤ i ≤ d, 1 ≤ j ≤ m, t ≥ 0 (5.17)

Xt = X0 +

∫ t

0

a(s,Xs) ds+

∫ t

0

σ(s,Xs) dBs, t ≥ 0. (5.18)

Noter que pour une telle solution Xt est bien definie pour tout t. Si bien que lorsqu’onconsidere les temps d’arret

Sn = inf(t ≥ 0 : ‖Xt‖ ≥ n

)on a Sn → +∞ ps quand n→ +∞.Une solution faible peut etre vue comme une loi sur l’espace

(C(R+,Rd),B(C(R+,Rd)

).

On parle alors de mesure-solution.Dans cette section, on montre qu’une probabilite sur

(C(R+,Rd),B(C(R+,Rd)

)est solution

faible (mesure-solution) de E(a, σ) si et seulement si c’est la solution d’un probleme demartingales. Ce type de probleme a ete introduit par Stroock et Varadhan en 1969.

Exemple. Si on considere l’equation E(0, 1) avec m = d = 1 et a = 0, σ(t, x) = 1 avec lacondition initiale x = 0, ie.

dXt = dBt, X0 = 0,

la seule solution est X = B et la solution faible est donc la mesure de Wiener W sur

(Ω′,F ′) =(C(R+,R),B(C(R+,R))

)muni de la filtration (F ′t)t≥0 engendree par le processus canonique X ′t(ω

′) = ω′(t). Dans cecas, on observe avec le Theoreme de Levy (Th. 1.2) que la mesure de Wiener W est la seuleprobabilite sur (Ω′,F ′, (F ′t)t≥0) sous laquelle X ′t et X ′2t − t sont des martingales locales.

Le but dans cette section est de generaliser cette observation a (presque toutes) les equa-tions E(a, σ) sous l’hypothese :

a et σ sont des fonctions boreliennes localement bornees. (loc)

On note c = σσ∗ la fonction de R+ × Rd dans l’espace des matrices d × d symetriquespositives, ie.

ci,j(t, x) =m∑k=1

σi,k(t, x)σj,k(t, x).

La fonction c est borelienne et sous (loc) elle est aussi localement bornee.

On associe a l’EDS E(a, σ) le generateur (5.1), ie.

Lf(t, x) =d∑i=1

ai(t, x)∂f

∂xi(x) +

1

2

d∑i,j=1

ci,j(t, x)∂2f

∂xi∂xj(x), f ∈ C2(Rd).

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86 Chapitre 5. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

Si f ∈ C1,2(R+ × Rd), on applique L · (t, ·) a f(t, ·) et on pose

Lf(t, x) =d∑i=1

ai(t, x)∂f

∂xi(t, x) +

1

2

d∑i,j=1

ci,j(t, x)∂2f

∂xi∂xj(t, x).

Proposition 5.1 Soit X, B, (Ω,F , (Ft)t≥0,P) une solution faible de l’EDS E(a, σ). Pourtoute fonction f(t, x) ∈ C1,2(R+ × Rd),

M ft = f(t,Xt)− f(0, X0)−

∫ t

0

(∂f

∂t+ Lf

)(s,Xs) ds (5.19)

est une martingale locale continue. De plus si g ∈ C1,2(R+ × Rd) alors

〈M f ,M g〉t =d∑

i,j=1

∫ t

0

ci,j(s,Xs)∂f

∂xi(s,Xs)

∂g

∂xj(s,Xs) ds. (5.20)

Puis si f ∈ C1,2c (R+ × Rd) et les coefficients σi,j sont bornes sur le support de f alors

M f ∈ L2(B).

Demonstration : La formule d’Ito exprime M f comme une somme d’integrales stochas-tiques :

M ft =

d∑i=1

m∑j=1

M i,jt avec M i,j

t =

∫ t

0

σi,j(s,Xs)∂f

∂xi(s,Xs) dB

js

cf. par exemple (5.15). On considere les temps d’arret

Sn = inf

(t ≥ 0 : ‖Xt‖ ≥ n ou

∫ t

0

σi,j(s,Xs)2 ds ≥ n pour un (i, j)

).

Comme ps pour chaque (i, j), on a pour la solution X de l’EDS∫ t

0σi,j(s,Xs)

2 ds < +∞alors Sn → +∞. Les processus

(M ft )Sn = M f

t∧Sn =d∑i=1

m∑j=1

M i,jt∧Sn =

d∑i=1

m∑j=1

∫ t∧Sn

0

σi,j(s,Xs)∂f

∂xi(s,Xs) dB

js

sont des martingales continues. Le crochet (5.20) vient de l’expression obtenue pour M f etde 〈Bi, Bj〉t = δi,jt :

〈M f ,M g〉t =d∑

i,k=1

m∑j,l=1

⟨∫ ·0

σi,j(s,Xs)∂f

∂xi(s,Xs) dB

js ,

∫ ·0

σk,l(s,Xs)∂g

∂xk(s,Xs) dB

ls

⟩t

=d∑

i,k=1

m∑j,l=1

∫ t

0

σi,j(s,Xs)σk,l(s,Xs)∂f

∂xi(s,Xs)

∂g

∂xk(s,Xs)d〈Bj, Bl〉s

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5.4. Probleme de martingales 87

=d∑

i,k=1

m∑j=1

∫ t

0

σi,j(s,Xs)σ∗j,k(s,Xs)

∂f

∂xi(s,Xs)

∂g

∂xk(s,Xs) ds

=d∑

i,k=1

∫ t

0

(σσ∗)i,j(s,Xs)∂f

∂xi(s,Xs)

∂g

∂xk(s,Xs) ds.

Si de plus f est a support compact sur lequel chaque σi,j est borne alors l’integrand dansM i,j est borne et M f ∈ L2(B).

5.4.2 EDS et probleme de martingales

On va montrer une sorte de reciproque : si M f est une martingale locale lorsque f ∈C1,2(R+ × Rd) alors on a une solution faible de l’EDS E(a, σ). En fait, on montre qu’ilsuffit de le voir pour les fonctions fi(x) = xi, 1 ≤ i ≤ d, et fi,j(x) = xixj, 1 ≤ i, j ≤ d.Dans ce cas,

Lfi(t, x) = ai(t, x), Lfi,j(t, x) = ai(t, x)xj + aj(t, x)xi + ci,j(t, x)

et on note M i = M fi et M i,j = M fi,j :

M it = X i

t − xi0 −∫ t

0

ai(s,Xs) ds, i = 1, . . . , d (5.21)

M i,jt = X i

tXjt − xi0x

j0 −

∫ t

0

(ai(s,Xs)X

js + aj(s,Xs)X

is + ci,j(s,Xs)

)ds. (5.22)

On introduit pour i, j = 1, . . . , d

N i,jt = M i

tMjt −

∫ t

0

ci,j(s,Xs) ds (5.23)

= M i,jt −X i

0Mjt −X

j0M

it +Ki,j

t (5.24)

avec le terme correctif

Ki,jt =

∫ t

0

(X is −X i

t)aj(s,Xs) ds+

∫ t

0

(Xjs −X

jt )ai(s,Xs) ds+

∫ t

0

ai(s,Xs) ds

∫ t

0

aj(s,Xs) ds

=

∫ t

0

(M is −M i

t )aj(s,Xs) ds+

∫ t

0

(M js −M j

s )ai(s,Xs) ds (5.25)

= −∫ t

0

(∫ s

0

aj(s,Xs) ds

)dM i

s −∫ t

0

(∫ s

0

ai(s,Xs) ds

)dM j

s (5.26)

ou (5.25) s’obtient par integration par parties classique(∫ t

0

ai(s,Xs) ds

)(∫ t

0

aj(s,Xs) ds

)

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88 Chapitre 5. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

=

∫ t

0

(∫ t

s

ai(u,Xu) du

)aj(s,Xs) ds+

∫ t

0

(∫ t

s

aj(s,Xs) du

)ai(s,Xs) ds

avec X is − X i

t +∫ tsai(s,Xs) ds = M i

s −M it et (5.26) est obtenu par IPP avec la formule

d’Ito pour XY avec X = M et Y =∫ ·

0a(s,Xs) ds. Finalement N i,j est une martingale

locale ssi M i,j en est une.

Comme a priori on ne dispose pas de solution (ie. de triplet X, B, (Ω,F , (Ft)t≥0,P) ou B estun (Ft)t≥0-mouvement brownien B et sur lequel X est solution comme en (5.17)–(5.18)),on va exprimer le probleme de martingales sur l’espace canonique

(Ω′,F ′) =(C(R+,Rd),B(C(R+,Rd))

).

On le munit de la filtration (F ′t)t≥0 engendree par le processus canonique donne parX ′t(ω

′) = ω′(t).

Definition 5.4 (Probleme de martingales) Une probabilite P′ sur (Ω′,F ′) sous laquelleM′f definie par

M′ft = f(X ′t)− f(X ′0)−

∫ t

0

Lf(s,X ′s) ds (5.27)

est une martingale (resp. martingale locale) pour tout f ∈ C2c (R+,Rd)(resp. f ∈ C2(R+,Rd))

est appelee solution du probleme de martingale (resp. martingale locale).

On considere les equivalents de M fi , M fi,j sur Ω′ comme en (5.21)-(5.23)

M′i = M

′fi = X′i − xi − A′i, i = 1, . . . , d

N′i,j = M

′iM′j − C ′i,j, i, j = 1, . . . , d

ou

A′it =

∫ t

0

ai(s,X′s) ds, C

′i,jt =

∫ t

0

ci,j(s,X′s) ds (5.28)

sont des processus continus et adaptes sur Ω′.

Le resultat principal est alors le suivant :

Theoreme 5.7 (Probleme de martingales) On suppose l’hypothese (loc) satisfaite pourl’EDS E(a, σ). Une probabilite P′ sur (Ω′,F ′) est solution faible (ou mesure-solution) ssiles processus M

′i et M′i,j sont des martingales locales sous P′ avec M

′i0 = 0 P′-ps pour tout

1 ≤ i ≤ d (soit P′(X ′0 = x) = 1).

Remarque 5.3 Lorsque M′i,M

′j sont des martingales locales, d’apres (5.24), il est equi-valent d’avoir M

′i,j martinagle locale ou N′i,j martingale locale. Dans la preuve qui suit

nous utiliserons l’hyothese sous la forme N′i,j martingale locale.

De la Proposition 5.1 et du Theoreme 5.7, on deduit :

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5.4. Probleme de martingales 89

Corollaire 5.2 Considerons les assertions suivantes :

(A) Il existe une solution faible de l’EDS E(a, σ).

(B) Il existe une solution au probleme de martingale locale (5.27).

(C) Il existe une solution au probleme de martingale (5.27).

Alors (C)⇒ (A)⇔ (B).

Demonstration :[Theoreme 5.7] On procede par etape : etape 1 : la condition est neces-saire ; etape 2 : travail preliminaire pour la suffisance ; etape 3 : la condition est suffisante.

Etape 1 : On montre que la condition du Theoreme 5.7 est necessaire.On suppose que P′ est solution faible. Il existe alors (Ω,F , (Ft)t≥0,P), B (Ft)t-mouvementbrownien et X processus adapte a trajectoires continues ps, triplet solution de E(a, σ) avec(5.17)-(5.18) sur Ω avec B et X de loi P′.D’apres la Proposition 5.1, chaque M i et M i,j sont des martingales locales et les crochetsdes M i sont donnes par

〈M i,M j〉t =

∫ t

0

ci,j(s,Xs) ds.

En particulier, chaque N i,j = M iM j − Ci,j est une martingale locale. Il reste a transferercette observation aux martingales M

′i, M′i,j et N

′i,j qui sont leur analogue sur Ω′. Oneffectue le transfert par le processus solution X : Ω → Ω′. Plus precisement en notantN = ω : la fonction t 7→ Xt(ω) n’est pas continue, on considere φ : Ω→ Ω′ donnee par

φ(ω)(t) =

Xt(ω) si ω 6∈ N0 si ω ∈ N

alors P′ = P X−1 = P φ−1.

On note Tn = inf(t ≥ 0 : ‖Xt‖ ≥ n) et T ′n = inf(t ≥ 0 : ‖X ′t‖ ≥ n). Comme d’apres (loc)les processus arretes (M i)Tn et (N i,j)Tn sont bornes sur chaque intervalle de temps, ce sontde (vraies) martingales.D’apres les definitions de φ, des processus M i, N i,j et des processus M

′i et N′i,j, hors de

N , on a(M i)Tn = (M

′i)T′n φ, (N i,j)Tn = (N

′i,j)T′n φ. (5.29)

Comme P(N) = 0, les egalites restent vraies P-ps.

Lemme 5.1 Soit (Ω,F , (Ft)t≥0,P) et (Ω′,F ′, (F ′t)t≥0) et φ : Ω → Ω′ qui respecte les fil-trations. On pose P′ = P φ−1. Alors si M est une martingale sur (Ω,F , (Ft)t≥0,P), leprocessus continu M ′ sur Ω′ associe a M par M = M ′ φ en dehors de N (bien definiP′-ps) est une martingale sur (Ω′,F ′, (F ′t)t≥0,P′).

Demonstration : En effet, si s < t et A′ ∈ F ′s, on a A = φ−1(A′) ∈ Fs (car X estprevisible) et

E′[(M ′t −M ′

s)1A′ ] = E[(Mt −Ms)1A] = 0

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90 Chapitre 5. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

par transfert a l’aide de φ. Ainsi M ′ est une martingale sur (Ω′,F ′, (F ′t)t≥0,P′).

D’apres cette remarque, les expressions (5.29) assurent que (M′i)T

′n et (N

′i,j)T′n sont des

martingales sur Ω′. Comme T ′n → +∞ (sous P′ avec les condition (loc)), on obtient queM′i et N

′i,j sont des P′-martingales locales P′-ps nulles en 0, ce qui prouve l’etape 1.

Etape 2 : On montre quelques resultats preliminaires avant d’etablir que la condition duTheoreme 5.7 est suffisante dans l’etape 3 : pour montrer que P′ est solution faible, il s’agitde trouver un espace Ω sur lequel X ′ (de loi P′) est encore defini et est solution de E(a, σ),ie. verifie (5.17)–(5.18).

Pour cela, on considere un espace auxiliaire (Ω′′,F ′′, (F ′′t )t≥0,P′′) sur lequel est defini unmouvement brownien m-dimensionnel B′′ (par exemple Ω′′ peut etre l’espace de Wienerm-dimensionnel). On pose alors

Ω = Ω′ × Ω′′, F = F ′ ⊗F ′′, Ft =⋂s>t

F ′s ⊗F ′′s , P = P′ ⊗ P′′.

Avec un abus de notation, on etend toutes les fonctions sur Ω′ ou Ω′′ de maniere usuelle aΩ en gardant le meme symbole, par exemple

X ′t(ω′, ω′′) = X ′t(ω

′), B′′t (ω′, ω′′) = B′′t (ω′′).

Par construction, B′′ est independant de Ω′. Soit U ′ et U ′′ des martingales locales sur(Ω′,F ′, (F ′t)t,P′) et (Ω′′,F ′′, (F ′′t )t,P′′). On les suppose reduites respectivement par (T ′n)n≥1

et (T ′′n )n≥1. Pour tous s ≤ t et A′ ∈ F ′s, A′′ ∈ F ′′s , on a

E[U′T ′nt 1A′×A′′

]= E′

[U′T ′nt 1A′

]P′′(A′′) = E′

[U′T ′ns 1A′

]P′′(A′′) = E

[U′T ′ns 1A′×A′′

]E[U′T ′nt U

′′T ′′nt 1A′×A′′

]= E′

[U′T ′nt 1A′

]E′′[U′′T ′′nt 1A′′

]= E′

[U′T ′ns 1A′

]E′′[U′′T ′′ns 1A′′

]= E

[U′T ′ns U

′′T ′′ns 1A′×A′′

]. (5.30)

Donc U ′ et U ′′ sont des martingales locales sur (Ω,F , (Ft)t,P). Comme U′T ′nt U

′′T ′′nt est aussi

une martingale, (U′T ′nt U

′′T ′′nt

)T ′n∧T ′′n = U′T ′n∧T ′′nt U

′′T ′n∧T ′′nt =

(U ′tU

′′t

)T ′n∧T ′′nest une martingale (car martingale arretee) et donc U ′U ′′ est une martingale locale car T ′n∧T ′′n → +∞. Par consequent, 〈U ′, U ′′〉t = 0. Il s’ensuit que sur cet espace (Ω,F , (Ft)t≥0,P),B′′ est un mouvement brownien et les M

′i et N′i,j sont des martingales locales avec

〈M ′i, B′′j〉 = 0 d’apres (5.30).

On utilise maintenant des resultats elementaires d’algebre lineaire : on rappelle que sic = σσ∗ est de rang ζ(≤ d,m) alors σ est aussi de rang ζ. Le fait que σσ∗ soit degenereeest la difficulte qui oblige a construire un mouvement brownien sur une extension Ω de

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5.4. Probleme de martingales 91

l’espace Ω′.Soit c′ = σ∗σ une matrice de taille m ×m symetrique positive. Elle s’ecrit c′ = ΠΛΠ∗ ouΠ est orthogonale de taille m ×m et Λ est diagonale avec Λi,i > 0 si i ≤ ζ et Λi,i = 0 sii > ζ. Soit Λ′ la matrice diagonale avec

Λ′i,i = 1/Λi,i si i ≤ ζ et Λ′i,i = 0 si i > ζ.

On a ΛΛ′ = Im,ζ en notant Im,ζ la matrice diagonale de taille m ×m ayant 1 pour les ζpremiers elements diagonaux et 0 pour les suivants. Soit enfin σ′ = Λ′Π∗σ∗ une matrice detaille m× d. On a alors

σ′cσ′∗ = (Λ′Π∗σ∗)(σσ∗)(σΠΛ′) = (Λ′Π∗)(ΠΛΠ∗)(ΠΛΠ∗)(ΠΛ′) = Λ′ΛΛΛ′ = Im,ζ . (5.31)

Enfin comme Λ = Π∗c′Π = Π∗σ∗σΠ = (σΠ)∗(σΠ), en regardant les termes diagonaux pourk > ζ, on a

∑dj=1(σΠ)2

j,k = 0 si k > ζ. Ainsi, (σΠ)j,k = 0 pour tout j si k > ζ, ce qui s’ecritσΠ = σΠIm,ζ . Par suite, il vient :

σΠσ′c = σΠ(Λ′Π∗σ∗)(σσ∗) = σΠΛ′Π∗(ΠΛΠ∗)σ∗

= (σΠ)(Λ′Λ)Π∗σ∗ = σΠIm,ζΠ∗σ∗

= σΠΠ∗σ∗ = σσ∗ = c. (5.32)

Etape 3 : On montre maintenant que la condition du Theoreme 5.7 est suffisante.Comme la fonction matricielle σ est borelienne sur R+ × Rd, il en est de meme pour sonrang ζ. On peut aussi verifier qu’on peut choisir pour les matrices Π et Λ des fonctionsboreliennes. De meme, les fonctions Λ′ et σ′ le sont encore.Soit aussi α = supi≤m,j≤d |σ′i,j| (elle est encore borelienne). La fonction σ′/α (avec la conven-tion 0/0 = 0) etant bornee, pour tout i = 1, . . . ,m on peut definir les integrales

U it =

d∑j=1

∫ t

0

σ′i,jα

(s,X ′s)dM′js .

D’apres l’hypothese de cette etape et la Remarque 5.3, N′i,j definie en (5.23) est une P′-

martingale locale. D’apres sa definition, on a donc 〈M ′i,M′j〉 = C

′i,j. On a alors

〈U i, U j〉t =

∫ t

0

d∑k,l=1

σ′i,kσ′j,l

α2(s,X ′s)d〈M

′k,M′l〉s

=

∫ t

0

d∑k,l=1

σ′i,kσ′j,lck,l

α2(s,X ′s) ds

=

∫ t

0

(σ′cσ′∗)i,j

α2(s,X ′s) ds

= δi,j

∫ t

0

1

α(s,X ′s)21ζ(s,X′s)≥i ds

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92 Chapitre 5. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

en utilisant σ′cσ′∗ = Im,ζ (cf. (5.31)). Cela assure que les integrales stochastiques V i

t =∫ t0α(s,X ′s)dU

is sont bien definies et en plus

〈V i, V j〉t = δi,j

∫ t

0

1ζ(s,X′s)≥i ds. (5.33)

Dans la suite, on utilise

〈M ′i, V j〉t =

∫ t

0

α(s,X ′s)d〈M′i, U j〉s

=d∑

k=1

∫ t

0

α(s,X ′s)σ′j,kα

(s,X ′s)d〈M′i,M

′k〉s

=d∑

k=1

∫ t

0

σ′j,k(s,X′s)d〈M

′i,M′k〉s

=

∫ t

0

d∑k=1

σ′j,k(s,X′s)ci,k(s,X

′s) ds

=

∫ t

0

(cσ′∗)i,j(s,X

′s) ds. (5.34)

On rappelle que B′′ est un mouvement brownien sur Ω et qu’il est independant de l’espacefacteur Ω′. Pour i ≤ m, on definit les P-martingales locales continues suivantes

Zit = V i

t +

∫ t

0

1ζ(s,X′s)<i dB′′is et Bi

t =m∑k=1

∫ t

0

Πi,k(s,X′s)dZ

ks . (5.35)

Noter que, par independance sur les espaces facteurs Ω′ et Ω′′ (voir (5.30)), on a 〈M ′i, B′′k〉 =

0 et donc il vient 〈U i, B′′k〉 = 0 puis aussi 〈V i, B

′′k〉 = 0. Avec (5.33) et 〈B′′i, B′′j〉t = δi,jt(mouvements browniens independants), on obtient

〈Zi, Zj〉t = 〈V i, V j〉t + δi,j

∫ t

0

1ζ(s,X′s)<i ds = δi,jt

〈Bi, Bj〉t =m∑

k,l=1

∫ t

0

(Πi,kΠj,l)(s,X′s)d〈Zk, Z l〉s

=m∑k=1

∫ t

0

(Πi,kΠj,k)(s,X′s) ds

=

∫ t

0

(ΠΠ∗)i,j(s,X′s) ds = δi,jt

puisque ΠΠ∗ = Im. Par consequent, Z et B sont des (Ft)t≥0-mouvements browniens m-dimensionnels (Th. 1.2 (Levy)). En particulier, B est le mouvement brownien cherche sur

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5.4. Probleme de martingales 93

Ω pour resoudre l’EDS E(a, σ) sur (Ω,F , (Ft)t≥0,P) comme en (5.18). Pour le voir, onconsidere les processus

Y it = X

′it − xi −

∫ t

0

ai(s,X′s) ds−

m∑j=1

∫ t

0

σi,j(s,X′s) dB

js

= M′it −

m∑j=1

∫ t

0

σi,j(s,X′s) dB

js .

Ce sont des martingales locales continues nulles en 0 et il s’agit de voir qu’elles sont indis-tinguables de 0 pour etablir que X ′ = (X

′1, . . . , X′d) est solution de l’EDS E(a, σ) comme

en (5.18). Pour le voir, on calcule 〈Y i, Y i〉t pour montrer que le crochet est identiquementnul.

On a

〈Y i, Y i〉t = 〈M ′i,M′i〉t

+m∑

k,l=1

∫ t

0

σi,k(s,X′s)σi,l(s,X

′s)d〈Bk, Bl〉s − 2

m∑k=1

∫ t

0

σi,k(s,X′s)d〈M

′i, Bk〉s. (5.36)

D’abord, on a

〈M ′i,M′i〉t =

∫ t

0

ci,i(s,X′s) ds. (5.37)

Ensuite, pour le premier terme de (5.36), on a :

m∑k,l=1

∫ t

0

σi,k(s,X′s)σi,l(s,X

′s)d〈Bk, Bl〉s =

m∑k=1

∫ t

0

σ2i,k(s,X

′s) ds

=

∫ t

0

m∑k=1

σ2i,k(s,X

′s) ds

=

∫ t

0

ci,i(s,X′s) ds. (5.38)

Pour le deuxieme terme de (5.36) : d’abord, comme 〈M ′i, B′′k〉 ≡ 0, on a

〈M ′i, Bj〉t =m∑k=1

∫ t

0

Πj,k(s,X′s)d〈M

′i, Zk〉s

=m∑k=1

∫ t

0

Πj,k(s,X′s)(d〈M ′i, V k〉s + 1ζ(s,X′s)<kd〈M

′i, B′′k〉s

)=

m∑k=1

∫ t

0

Πj,k(s,X′s)d〈M

′i, V k〉s

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94 Chapitre 5. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

=m∑k=1

∫ t

0

(Πj,k(cσ′∗)i,k)(s,X

′s) ds

=

∫ t

0

(cσ′∗Π∗)i,j(s,X

′s) ds (5.39)

d’apres (5.34). Et donc le deuxieme terme de (5.36) s’ecrit avec (5.39) :

m∑k=1

∫ t

0

σi,k(s,X′s)d〈M

′i, Bk〉s =m∑k=1

∫ t

0

σi,k(s,X′s)(cσ

′∗Π∗)i,k(s,X′s) ds

=

∫ t

0

(cσ′∗Π∗σ∗)i,i(s,X

′s) ds

=

∫ t

0

ci,i(s,X′s) ds (5.40)

car par symetrie de c et avec (5.32) obtenu dans l’etape 2

cσ′∗Π∗σ∗ = c∗σ

′∗Π∗σ∗ = (σΠσ′c)∗ = c∗ = c.

Finalement, (5.36) s’ecrit

〈Y i, Y i〉t =

∫ t

0

ci,i(s,X′s) ds+

∫ t

0

ci,i(s,X′s) ds− 2

∫ t

0

(σΠσ′c)i,i(s,X′s) ds = 0.

Comme en plus Y i0 = 0 P-ps, on en deduit que Y i est P-indistinguable de 0. Cela signifie

que X ′ considere comme processus sur (Ω,F , (Ft)t≥0,P) est solution de l’EDS E(a, σ)relativement au mouvement brownien B construit en (5.35).

Comme par construction P′ est la loi de X ′, cela signifie aussi que P′ est solution faible (oumesure-solution) de l’EDS E(a, σ) et on a le resultat cherche.

Corollaire 5.3 On suppose l’hypothese (loc) satisfaite pour l’EDS E(a, σ). Si m = d et sila fonction σ est inversible d’inverse σ−1 localement borne, une probabilite P′ sur (Ω′,F ′)est solution faible de E(a, σ) ssi il existe un (F ′t)t≥0-mouvement brownien d-dimensionnelB′ sur (Ω′,F ′) tel que X ′ soit solution faible de E(a, σ) relativement a B′.

Remarque 5.4 L’interet du corollaire est donc d’assurer que sous de bonnes conditions,on peut construire la solution faible directement sur l’espace canonique Ω′ = C(R+,Rd)sans etendre l’espace Ω′ en Ω′ × Ω′′.

Demonstration : La condition est clairement suffisante. Pour voir qu’elle est necessaire,on suppose que d = m, que P′ est une solution faible et que la fonction σ−1 existe (elle estalors borelienne) et est localement bornee.D’apres le Theoreme 5.7, les processus M

′i et N′i,j sont des P′-martingales locales ps nulles

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5.4. Probleme de martingales 95

en 0.On reprend alors l’etape 3 dans la preuve precedente avec ζ(x, t) = m (presque surementpar hypothese sur σ) et Λ′ = Λ−1. Dans ce cas (ζ(x, t) = m), par les definitions en (5.35),on a Zi = V i et donc B ne depend pas de B′′. C’est donc un mouvement brownien direc-tement sur (Ω′,F ′, (F ′t)t,P′) (et pas seulement sur Ω comme dans l’etape 3). En d’autrestermes, on n’a pas besoin d’introduire l’espace auxiliaire Ω′′ et les processus Y i sont definissur Ω′ egalement. On a le resultat avec B′ = B.

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96 Chapitre 5. c©JCB – M2 Math. – Universite de Rennes 1

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