Atelier régional organisé par l’Université Oran 2« Résilience et adaptation au changement climatique »

Grandes lignes de la stratégie tunisienne d’adaptation au changement climatique

Mabrouk MONTACER, Professeur

Oran, 25 – 27 janvier 2016

Notions de base, … pour commencer.

Dans son 4ème rapport de synthèse publié en 2007, le GIEC montre que, malgré les efforts de réduction des émissions de GES, certains impacts des changements climatiques seront inévitables. Faire face aux changements climatiques implique donc d’entreprendre deux types

d’actions complémentaires : celles visant à réduire les émissions de GES, dites d’atténuation, et celles visant à réduire la vulnérabilité des systèmes socio-économiques et

environnementaux, regroupées sous le terme d’adaptation. L’atténuation repose sur un principe simple : comme le réchauffement climatique actuel

résulte de l’accumulation des GES dans l’atmosphère, il est nécessaire de diminuer les émissions et de stimuler leurs stockages dans des réservoirs naturels tels que les forêts. Ces actions peuvent avoir lieu n’importe où sur la planète : leur impact sur la concentration moyenne de GES dans l’atmosphère sera le même. L’adaptation repose sur un autre principe simple : les émissions passées de GES auront

des conséquences futures inéluctables liées à la durée de vie importante (plusieurs décennies, voire plus) de certains GES dans l’atmosphère. Il faut donc dès aujourd’hui nous protéger contre ces dommages futurs, mais aussi tirer parti des

opportunités potentielles de ces nouvelles conditions climatiques en ajustant nos systèmes socioéconomiques.

L’objectif des politiques d’adaptation peut également s’interpréter comme l’évitement ou la réduction des coûts potentiels futurs des changements climatiques. Si historiquement l’atténuation a accaparé la plupart de l’attention et des efforts au

niveau international et local, les politiques d’atténuation et d’adaptation sont deux actions complémentaires : les mesures de réduction des émissions de GES sont nécessaires pour limiter le réchauffement climatique, mais ne sont pas suffisantes pour écarter tout danger. Les mesures d’adaptation devront permettre de leur côté de limiter les conséquences des changements climatiques inévitables, notamment sur les populations les plus vulnérables. La notion de résilience est assez complexe, suivant son domaine d’utilisation (écologie,

sociologie, psychologie, …).En physique (notion d’origine), la résilience désigne la capacité d’un matériau à retrouver sa forme initiale, après une déformation.Pour l’adaptation au CC, la notion de résilience est utilisée pour évaluer la capacité des sociétés et territoires à faire face à (et anticiper, grâce à la veille et à la prospective) des perturbations et des changements d’ordres environnemental, social, économique, ... Résultant des impacts, directs ou indirects, du CC. La formation, l’innovation et l’adaptation font partie de la panoplie de capacités à développer pour lutter contre l’impact du CC.

Typologie des stratégies d'adaptation au CC (inspirée par une étude de l’Agence Européenne pour l‘Environnement, 2009) :

Type de politique / stratégie Actions correspondantes

Accepter les risques / Ne rienEntreprendre (politique de l’autruche)

A priori, à éviter. Néanmoins, envisageable pour les territoires à intérêt très limité, si le coût est exorbitant

Répartir risques et pertes

Fondé sur l’implication des assurances et des mutuelles contre les risques, à condition de les délimiter (juridiquement) et d’avoir d’autres sources d'approvisionnement en ressources naturelles concernées.

Politique de prévention / Adaptation des technologies et des infrastructures aux risques (Politique des gros moyens)

Adaptation de l’offre (en quantité et en qualité) à la demande, malgré les aléas. Amélioration de l’offre environnementale et labellisation /

certification de l’efficacité du système de production (ou de distribution) des ressources naturelles. Développement des ressources renouvelables / non

conventionnelles. Aménagement durable du territoire.

Type de politique / stratégie Actions correspondantes

Prévention des incertitudes pardes dispositions réglementaires et institutionnelles d’exception

Plan préétabli de gestion des situations extrêmes. Plan d’information - communication / éduction des

citoyens sur les attitudes à prendre face au risque : protection, économie de ressources, rationnement, … Adaptation / ajustement des prix, de prise de décision, des

normes réglementaires (aménagement, dimensionnement, fonctionnement, …).

Réformer les pratiques, activités et usages courants (changer de mode de fonctionnement)

Nouvel ordre de priorités dans l’usage / consommation des ressources (ex. interdiction d’affecter l’eau à certains usage, en cas de sécheresse). Introduction de ressources plus adaptées au CC (tolérance

d’aridité, de salinité, …). Nouvelle répartition des activités socioéconomiques en

rapport avec la cartographie des risques liés au CC (littoral, inondations, incendies, …).

Type de politique / stratégie Actions correspondantes

Parier sur la R-D / innovation+ Renforcement des capacités / Formation - éducation

Une meilleure prise sur les données climatiques et prévisions météo., ainsi que sur l’efficacité de la modélisation du CC. Une meilleure gouvernance climatique : outils efficaces

d'aide à la décision + amélioration des méthodes d'évaluation des risques liés au CC + indicateurs objectifs et pertinents de vulnérabilité et d'adaptation au CC + système d'alerte précoce + accès fluide / dynamique aux données climatiques pour les décideurs, les experts, les étudiants-chercheurs, les masse media, le grand-public, … Renforcement de la formation professionnelle, en matière

de gestion des risques liés au CC. Rénovation des contenus de formation en matière de

risques, adaptation et résilience liés au CC.

Etat de mise en place de cadres politiques d'adaptation au CC dans 7 pays méditerranéens étudiés. (Plan Bleu, 2011).

L’intérêt de la Tunisie pour les CC a été des plus précoces, mais avant la Révolution, il y avait un problème de gouvernance, y compris climatique. Après janvier 2011, la société civile a imposé de nouvelles priorités.

Ainsi, les politiques sociales et économiques sont passées avant les préoccupations environnemen-tales et climatiques (surexploitation des ressources naturelles, pollution / décharges, tarifs de l’énergie, relâchement des efforts de maîtrise de l’énergie, …). Aujourd’hui, toute politique climatique et/ou environnementale doit avoir un fort ancrage territorial et doit impliquer fortement les régions dans sa conception et sa mise en œuvre.

Technique traditionnelle de collecte et de conservation en citerne (Majel / Fasquia)des eaux pluviales en Tunisie

Exemple d’approche traditionnelle d’adaptation :

Tabias et barrages de terre : il s’agit de digue en terre, constituant une technique traditionnelle efficace de récolte de l’eau utilisée dans les fonds de vallées et les zones de piémont.

Comment intégrer et moderniser les connaissances et les approches traditionnelles à l’élaboration d’une nouvelle stratégie de gestion des ressources en eau ?

Technique d’alimentation des nappes par les eaux pluviales par le biais d’un puits filtrant derrière une retenue en gabions, en Tunisie.

Le « Diffuseur enterré », une technologie tunisienne au service de l’économie des ressources en eau dans l’irrigation.

Longitudes : entre 7° et 12° E Latitudes : entre 32° et 38° N Superficie : environ 164 000 km² Hétérogénéité climatique, avec deux domaines climatiques opposés :méditerranéen (domaine tempéré humide) saharien (domaine tropical aride)

Régime climatique, en Tunisie

Depuis un siècle, la gestion climatique, en Tunisie, et synonyme de gestion des extrêmes : pratiquement, 1 année sur 3 est soit extrêmement humide soit extrêmement sèche.

Ainsi, les ressources conventionnelles en eau sont déjà limitées, en Tunisie, en raison de son climat empreint d’aridité et d’irrégularité des précipitations dans la majeure partie du pays. Ainsi, la Tunisie ne reçoit, en moyenne, que 230 mm/an de pluie, mais, en plus, la répartition géographique est très déséquilibrée, avec, en moyenne : 594 mm, au Nord, 289 mm, au Centre, 156 mm, dans le Sud. Les ressources en eau en Tunisie sont estimées à 4700 106 m3, dont 650 106 m3 sont des ressources non renouvelables, soit un taux de13,8 % du total de ces ressources. Le recours à des ressources non conventionnelles est forcément devenu une nécessité (et n’est plus un choix), afin de combler le déficit hydrique entre la ressource conventionnelle et la demande croissante en eau.

La stratégie d’adaptation du pays à cette vulnérabilité repose sur la mobilisation de toutes ses ressources conventionnelles :

Eaux de surface : Barrages (30) Barrages collinaires (224) Lacs collinaires (844)

Eaux souterraines : Plus de 5957 forages et sources exploités 95 000 puits équipés

et non conventionnelles : à noter, ici, que seulement 2% des eaux usées traitées (EUT) sont exploitées.

La vulnérabilité de la Tunisie aux CC est amplifiée par certains choix de

politique(s) de développement, en rapport avec le contexte social, les

inégalités territoriales, le centralisme exacerbé et la gouvernance inadaptée,

l’insuffisance des ressources financières, l’inadaptation des infrastructures et

des technologies, ….

D’où le grand besoin d’un portefeuille d’une série de solutions concertées

pour mieux s’adapter aux CC.

Cela passe nécessairement par la sensibilisation, la concertation et

l’implication des acteurs socioéconomiques et de la société civile dans le

choix, la mise en place, le suivi et l’évaluation des démarches, des approches

et des technologies à mettre en œuvre pour réussir l’acceptation sociétale

d’une stratégie cohérente et efficace, en matière d’adaptation aux C.C.

En Tunisie, l'agriculture est naturellement le principal foyer de consommation

des ressources en eau, en raison du recours accru à l'irrigation :

• 76 %, pour l’agriculture (irrigation),

• 19 %, pour les besoins en eau potable,

• 5 %, pour l’industrie.

19561975

2014

65 145 345

Evolution des superficies irriguées, en Tunisie,

en milliers d’hectares

Pour garantir une production agricole répondant aux besoins du pays, le recours à l’irrigation est une nécessité absolue en Tunisie, en particulier dans le Sud, où le climat, naturellement aride, est fortement impacté par les changements en cours.

La répartition des superficies irriguées par source d’alimentation en eau :

38%, par les puits de surface, 34%, par les barrages, 22%, par les forages, 4%, par les oueds, et seulement 2%, par les eaux usées traitées.

(Source : Banque Mondiale, 2007)

Barrage El Haouareb, février 2006

L’utilisation des EUT présente plusieurs avantages dont : l’économie des ressources conventionnelles en eau pour les utiliser dans les secteurs les plus exigeants en terme de qualité des eaux (la boisson, par exemple), la protection des milieux récepteurs, les nappes et les ouvrages hydrauliques (barrages) contre les risques d’eutrophisation résultant d’apports en eaux non traitées, riches en nutriments, la préservation de certaines zones humides, telles que les oasis, en manque d’eau, la stabilité des ressources disponibles par rapport à la pluviométrie , empreinte d’irrégularité, la réduction des quantités d’engrais utilisés en agriculture moyennant la prise en compte de la qualité des E.U.T. La recharge artificielle des nappes a débuté en 1992 concerne une douzaine de nappes et représente environ 100 106 m3 / an. Elle est effectuée à partir de : différentes techniques de conservation des eaux et des sols (lits des oueds, bassins aménagés, jesours (petits barrages artisanaux en terre et/ou en pierres), épandage des crues, barrages souterrains, …), l’injection directe des ressources en eau en surplus dans des forages et des puits. Les ressources en eau ainsi infiltrées permettent non seulement d’augmenter les volumes stockés, mais aussi de lutter contre la salinisation des aquifères et particulièrement l’intrusion saline dans les nappes côtières.

Les eaux usées traitées doivent, avant d’être rejetées en milieu hydrique, de répondre à la norme NT 106.02, homologuée le 20 juillet 1989. Selon cette norme, 54 paramètres (physico-chimiques, bactériologiques, métaux lourds, quelques micropolluants organiques : HC, pesticides, PCB/PCT, et phénols) sont pris en compte pour définir la qualité de l’effluent en fonction du milieu récepteur, qu’il soit maritime, public hydraulique ou à canalisations publiques sans tenir compte de ses particularités.

Pour la Tunisie, un constat simple : « une nécessaire adaptation à un niveau d’impacts élevé »

« La Tunisie présente une situation particulière de vulnérabilité environnementale du fait de ses ressources naturelles limitées (notamment hydriques), son climat particulièrement contraignant par son aridité et sa forte variabilité, la désertification rapide de son territoire, … A cette vulnérabilité naturelle s’ajoute une pression anthropique croissante sur les écosystèmes et les ressources naturelles. C’est pourquoi, la Tunisie a tenté de s’impliquer très tôt dans une politique volontariste de protection de ses ressources naturelles et de son environnement sans pour autant compromettre ses objectifs de développement. »

« Parmi les risques majeurs on peut citer : la dégradation des ressources en eau en quantité et en qualité, de risques de dégradation du littoral et de submersions de terres avec des conséquences sur les activités socioéconomiques (agriculture, tourisme, urbanisme, infrastructures portuaires, …), des écosystèmes toujours plus dégradés et menacés de désertification (écosystèmes pastoraux, forestiers, …), des risques sanitaires liés à l’émergence de certaines maladies vectorielles … »

Extraits de la « Stratégie Nationale sur le Changement Climatique - Rapport de la stratégie », Rapport final, 165 p., Ministère de l’Environnement / GiZ, Octobre 2012.

Le schéma général de l’approche systémique des impacts des changements climatiques dans la stratégie tunisienne (2011) fait apparaître 4 vulnérabilités majeures, au niveau de l’approche par ressources (vulnérabilité environnementale) : Ecosystèmes / Biodiversité, Ressources en eau, Sols / Désertification, Littoral.

L’approche sectorielle (vulnérabilité socioéconomique) pointe les secteurs d’activités les plus sensibles au CC : l’agriculture+ le tourisme + la santé + les infrastructures / urbanisation.

Vulnérabilité socioéconomique

A l’évidence, la Tunisie fait face à un réchauffement généralisé, et d’après les projections retenues par les principaux modèles et scénarios validés par le GIEC, on obtiendrait, à l’horizon 2020, d’après le scénario A2, une augmentation générale des températures, par rapport à la période référence (1961 - 1990), variant de + 0.8°C à + 1.3°C. Cette augmentation irait en s’accentuant et il serait alors question de +1.8°C et +2.7°C, en 2050 (d’après le modèle HadCM3, scénario A2, IPCC).

2020 2050

2020 2050Au niveau des précipitations, les projections sont aussi pessimistes, en ce sens que tous les scénarios s’accordent une tendance générale qui serait à la baisse, par rapport à la période (1961 - 1990), une baisse qui serait relativement faible, à l’horizon 2020, où on noterait des baisses de précipitations moyennes allant de -5% à -8%, mais la tendance s’accentuerait davantage, à l’horizon 2050, où les baisses de précipitations moyennes iraient de -10% à -30%. Ces tendances à la baisse concerneraient l’ensemble des saisons, pour la Tunisie, d’après le même modèle HadCM3 (scénario A2, IPCC).

« Ce constat de vulnérabilité environnementale et socio-économique aux changementsclimatiques montre le besoin important d’adaptation des secteurs et des milieux afin d’anticiper les risques identifiés. En effet, le niveau d’impact et les enjeux sont tels qu’ils nécessitent de disposer de grandes capacités d’adaptation si la Tunisie veut poursuivre de façon pérenne sa politique de développement et ce, en dépit des traditions et pratiques acquises au cours des dernières décennies. Afin de réduire les risques et les coûts de la non action, la Tunisie pourrait adopter une approche anticipative planifiée d’atténuation des risques climatiques et non pas une attitude réactive qui consiste à traiter ex post les impacts du changement climatique. Les décisions réactives bien que plus faciles à prendre et à faire accepter par la population, sont en général beaucoup plus coûteuses et moins efficaces qu’une politique anticipative bien planifiée en concordance avec les politiques de développement. »

Conformément à la SNCC, et après de larges concertations avec les différents acteurs concernés par les CC, la Tunisie a présenté, à la Conférence des Parties de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques, lors de la Conférence de Paris (décembre 2015), sa contribution en matière d’atténuation , en propose de réduire ses émissions de GES dans tous les secteurs (énergie, procédés industriels, agriculture, forêt et autres utilisations des terres, et déchets) de manière à baisser son intensité carbone de 41% en 2030 par rapport à l’année de base 2010. L’effort d’atténuation proviendra plus particulièrement du secteur de l’énergie qui représente à lui seul 75% des réductions des émissions, sur les bases desquelles a été réalisée cette baisse de l’intensité. Il est prévu que le secteur de l’énergie réduise son intensité carbone en 2030 de 46% par rapport à l’année 2010, dans le cadre de la politique de transition énergétique préconisée par l’Etat. La Tunisie prévoit de baisser par son propre effort de 13% son intensité carbone par rapport à l’année 2010, alors que pour le reste de son objectif, cad une baisse additionnelle de l’intensité carbone de 28%, elle compte sur l’appui de la communauté internationale en termes de financement, de renforcement des capacités et de transferts technologiques. Les réductions des émissions par rapport au scénario de référence seraient de l’ordre de 26 millions de teCO2, en 2030, et 207 millions teCO2, sur la période 2015-2030.

La mise en œuvre de la contribution tunisienne en matière d’atténuation nécessite la mobilisation d’importants moyens financiers estimés à environ 18 milliards US$ pour la couverture des besoins d’investissement et le financement des programmes de renforcement des capacités.

Trajectoire de la contribution conditionnelle et inconditionnelle de la Tunisie sur la période 2015 – 2030.A noter que la Tunisie n’a contribué qu’à hauteur de 0,07% dans les émissions mondiales en 2010. Grâce à une telle contribution totale, à l’horizon 2030, les émissions par habitant n’atteindraient que 3,4 teCO2/hab., alors que les émissions mondiales, en 2010, atteignaient déjà 7 teCO2/hab.

Le Ministère chargé de l’environnement (Agriculture et de Environnement, à l’époque) a confié, fin 2010, avec l’appui de la GIZ, la mission d’élaboration de la SNCC à un groupement de consultants nationaux et internationaux. La première phase de diagnostic s’est déroulée de janvier à septembre 2011 et a été validée en octobre 2011. Deux (2) autres phases de préparation ont permis de constituer les éléments nécessaires aux décideurs politiques pour opérer les choix et les orientations politiques en matière de changement climatique en élaborant de grandes visions prospectives et les outils nécessaires pour la politique climatique à suivre. Les résultats de cette mission ont été consignés dans trois (3) rapports validés, lors de larges consultations, locales et nationales, avec les décideurs et la société civile :

- 1 rapport de diagnostic sur le changement climatique en Tunisie,- 1 note de synthèse présentant les principales recommandations en matière de SNCC,- 1 rapport final, après validation de toute la démarche, fin 2012. Par ailleurs, un large travail d’expertise et de concertation était déjà engagé depuis plusieurs année, en particulier depuis 2006, avec l’appui technique et financier de nombreux partenaires étrangers et internationaux.

La démarche tunisienne pour l’établissement d’une SNCC a été fondée sur une étude prospective au service d’une gouvernance climatique cohérente.L’approche participative a été largement innovante et appréciée par les très nombreux acteurs consultés, à l’occasion. Elle a abouti à la construction de scénarios , au niveau des méthodes d’action, les moyens et les attendus de chaque cas.A partir de là, les déterminants d’une politique climatique ont été arrêtés (facteurs climatiques propres, facteurs transversaux, facteurs sectoriels, hiérarchisation des priorités, indicateurs quantifiables pour faire fonctionner les différents scénarios, …).L’étude et la consultation ont abouti à dégager un contexte commun et des grands principes commandant les différents scénarios prospectifs.Il a été retenu un contexte général commun et de grandes bifurcations, aboutissant à trois (3) visions climatiques prospectives / développement pour la Tunisie :Scénario 1 : une exemplarité de façade (ancien modèle),Scénario 2 : priorité au social (une tendance, très partagée par les jeunes chômeurs, après la Révolution),Scénario 3 : le volontarisme économique.Chaque scénario a été évalué objectivement et avec les mêmes critères référencées.La feuille de route a porté sur l’étape d’adoption politique, de l’institutionnalisation de la SNCC, puis de sa mise en œuvre effective.

Outils économiques et financiers de la SNCC : vers un nouveau paradigme de gestion des ressources naturelles

Retour d’expérience : comment favoriser l’adaptation au changement climatique, face à des acteurs dont les intérêts peuvent être contradictoires ? Mettre en évidence et évaluer le coût de la non-adaptation et traduire les impacts réels et

potentiels du CC en enjeux de développement ; Faire en sorte que les projets et programmes des acteurs politiques et du développement

prennent en compte l’importance du CC dans les schémas de développement, y compris à l’échelle locale ; Faire en sorte que les stratégies sectorielles soient les plus cohérentes, à travers des règles

et des procédures claires, et en favorisant la coopération et l’interaction dynamiques entre les différents secteurs concernés, de manière transparente et équitable ; Engager les territoires dans la gouvernance climatique : vos ressources naturelles vous

appartiennent, mais elles appartiennent aussi aux générations futures. Le développement local passe par une adaptation locale, responsable et participative, au CC. Les solutions locales d’adaptation doivent être très valorisées ; Faire le pari sur la Recherche – Développement et l’innovation pour développer une

« nouvelle économie » durable et favoriser une formation de qualité (aux interfaces des spécialités) ; Développer la coopération internationale (expertise, financement, implémentation

technologique, …) : à problèmes globaux, solutions globales ;

Innover en matière de gestion et d’économie des ressources naturelles et aller vers de nouveaux paradigmes de gestion intégrant mieux les aléas climatiques (gestion adaptative) ; Instaurer un système d’évaluation efficace des politiques et des technologies

adoptées et réaliser régulièrement des études comparatives des coûts des adaptations engagées précocement ou de manière tardive ; Promouvoir l’information et la communication grand-public, mais de qualité, …

Déficits actuels en matière de gouvernance climatique en Tunisie : A l’évidence, la Tunisie dispose aujourd’hui d’un certain nombre d’acquis en matière de politique climatique. Aussi bien au niveau de l’atténuation qu’au niveau de l’adaptation, des ébauches de stratégies et d’outils sectoriels sont visibles, mais leur mise en œuvre et la cohérence des actions ne sont que partielles, avec surtout un manque évident de concertation intra et intersectorielle. Autrement, beaucoup d’insuffisances, en particulier au niveau de la gouvernance climatique handicapent la concrétisation d’une politique climatique cohérente et efficace.1er déficit (institutionnel) : absence d’une structure nationale dédiée exclusivement au CC (actuellement, c’est le Ministère de l’Environnement qui est en charge du dossier), ce qui engendre :- un manque d’autonomie et d’indépendance, nécessaires en cas d’arbitrages sectoriels

ou de choix technologiques, …- une insuffisance de coordination et d’arbitrage entre départements concernés, d’où des

conflits sectoriels dans la mise en œuvre de la stratégie nationale, …- un retard dans la mise en place de structures et de dispositifs performants (système

d’alerte précoce), d’où une sous-évaluation des opportunités offertes pour financer des actions soutenues sur plan international, …

2ème déficit / défi : la place faite à la formation, la R-D et à l’innovation, ainsi qu’à l’information en matière d’adaptation au CC, avec absence d’une politique cohérente, de base de données portant sur les compétences, les structures, les nombreux travaux réalisés, l’état de connaissance sur les enjeux des changements climatiques en Tunisie, … Le pays a besoin également de créer une synergie entre les acteurs pour transgresser les initiatives et les approches isolées, cloisonnées et parfois incohérentes avec la stratégie nationale. Le renforcement de la cohérence intersectorielle nécessite le lancement d’appels d’offre à des projets fédérateurs et mobilisateurs, ouverts sur l’international, favorisant l’interdisciplinarité la transversalité des connaissances et visant le renforcement des compétences et l’appropriation des technologies les plus avancées, à la faveur d’un développement durable et équitable pour les territoires concernés. L’enjeu exige une politique de diffusion fluide et volontaire de l’information et des connaissances relatives au CC. Le pays se doit d’informer le public sur la globalité du phénomène, obligeant à intégrer des réseaux internationaux et à respecter les engagements résultats de la ratification des conventions internationales, ainsi que sur le coût de la non-adaptation au CC.

3ème déficit : un cadre législatif et juridique à actualiser.Après la Révolution, et bien que le dispositif juridique ancien est relativement complet et diversifié, au niveau sectoriel, il s’est avéré que la réglementation n’était, souvent, pas ou mal appliquée, par favoritisme / clientélisme ou insuffisance de contrôle de la mise en œuvre de certaine textes juridiques et réglementaires (accès non équitable aux ressources naturelles, gestion du domaine forestier, aménagement du territoire, cession abusive d’une partie du domaine public à des privés, …). Au-delà des revendications, parfois maladroites ou manipulées, au point de faire l’amalgame entre liberté et envahissement des domaines publics ou d’appropriation de ressources naturelles locales, il convient, malgré l’embouteillage devant l’Assemblée des Représentants du Peuple (Parlement) de produire de nouvelles lois en cohérence avec la Nouvelle Constitution des Conventions internationales parafées et ratifiées par la Tunisie pour faire évoluer les outils réglementaires et normatifs existants, en prenant en compte les orientations de la stratégie nationale en matière de CC. Ce n’est rien d’autre qu’un nouveau projet global de développement du pays et un processus global d’un aménagement cohérent du territoire national et d’un nouveau paradigme de gestion des ressources naturelles. Enfin, le défi de la question du financement de l’atténuation et de l’adaptation au CC en Tunisie reste entier, mais il a été clairement exposé lors de la présentation de la Contribution nationale à la Conférence des Parties de la CCNUCC, lors du Sommet de Paris sur le CC (décembre 2015), et tout reste à faire pour réussir le pari de concrétiser la SNCC.

Merci pour votre attention et votre patience

Retour d’expériences du Sud de la Tunisie :

des vulnérabilités évidentes et quelques adaptations validées

Evolution de l’état d’exploitation des nappes phréatiques dans le Gouvernorat de Médenine (CRDA Médenine, Arrondissement des ressources en eau, 2013)

DélégationNombre de puits Puits abandonnés

1999 2013 1999 2013

Médenine Nord 115 149 93 18

Médenine Sud 446 549 312 31

Sidi Makhlouf 741 834 415 291

Djerba 2620 2321 759 1606

Zarzis 356 326 131 160

Ben Guerdane 1131 1244 703 402

Beni Khedache 38 46 6 31

Total 5447 5469 2419 2539