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www.mamoiada.org
MAMUTHONES ET ISSOHADORES
Ăcrit et rĂ©digĂ© par Raffaele BALLORE Depuis la nuit des temps, dans un petit village du centre Sardaigne, Mamoiada, situĂ© en province de Nuoro, se transmet de pĂšre en fils, une des traditions les plus riches en souvenirs archaĂŻques de cette Ăźle, le dĂ©filĂ© des Mamuthones et Issohadores. Il sâagit de deux illustrations caractĂ©ristiques du folklore Sarde, qui sâexĂ©cute dans une mĂȘme chorĂ©graphie, mais qui sont bien distinctes autant par leur habillement, que par leur façon de se mouvoir, donnant naissance Ă un unique cĂ©rĂ©monial.
(1962) (annĂ©es â50)
Le nom Le nom Mamuthone reste Ă ce jour une Ă©nigme, mais diffĂ©rentes hypothĂšses subsistent sur son origine, que nous dĂ©veloppons dans une ample section de ce site. Son origine serait attribuĂ©e en premier lieu au nom du pays âMamoiadaâ qui porte le nom dâune fontaine. Dâautres lui donnerait des rĂ©fĂ©rences topographiques qui remonteraient Ă des civilisations et rites plus anciens, ou lui ferait porter le nom dâĂ©pouvantail (idoles bachiques et ĂȘtres Ă©pouvantables de la lĂ©gende populaire sarde). Mais les hypothĂšses plus intĂ©ressantes sont les suivantes: La premiĂšre rappelle, le nom avec lequel les Sardes-MycĂ©niens appelaient les phĂ©niciens âMelaneimonesâ câest-Ă -dire âfigure noireâ, on retrouve dans ce terme les mots Maimoni âdĂ©monâ et Mamuthones âmasque noirâ. Une deuxiĂšme relie son origine au culte de lâeau et en particulier Ă lâimploration de la pluie. Le mot Mamuthones est en effet composĂ©: des racines Mam (qui signifie eau) et Muth (du grec muthĂ©omai = appeler) et du suffixe ones (de lâindo-europĂ©en et suffixe basque ethnique on, ou du grec Ăłntes: oi ontes Polyb. = les vifs, dâeimĂ = ĂȘtre) dont sa signification est âhomesâ, les Mamuthones seraient donc les âhommes qui invoquent la pluieâ. Une derniĂšre hypothĂšse prend son origine dans le mot Maimatto (qui signifie orageux, celui qui sâemporte, qui fait sĂ©vir la tempĂȘte), câest une Ă©pithĂšte donnĂ©e au Zeus pluvial, divinitĂ© souterraine identifiĂ©e avec Dionisio qui tous les ans mourrait pour renaitre au printemps avec le cycle annuel de la vĂ©gĂ©tation. Une Ă©tude Ă©tymologique fait rĂ©fĂ©rence Ă la base ougaritique «Motu», qui dans le proche Orient indiquĂ© un dieu, dont le caractĂšre dĂ©moniaque mettait fin aux activitĂ©s vitales: La Mort. De «Motu» pris naissance dans toute la mĂ©diterranĂ©e, un nom avec beaucoup de nuances phonĂ©tiques: en Sardaigne il devint «Mommoti» (terme dont le superlatif est redoublĂ© Ă la façon sĂ©mitique, Mom-moti, pour en indiquer lâhorreur). Mammutthone, Mummuthone, Mommothone ce ne sont que des noms qui accroissent le terme «Mommoti», et aujourdâhui le cĂ©lĂšbre Ă©pouvantail, de renommĂ©e mondiale, domine le Carnaval de Mamoiada et pas seulement. Le nom Issohadore signifie de façon littĂ©rale âcelui qui prend avec la cordeâ, câest la figure qui durant le cĂ©rĂ©monial porte Ă la main la soha, dont elle prend le nom, qui est une corde spĂ©ciale, fabriquĂ©e avec du jonc au lieu du chanvre, utilisĂ© dans la fabrication des cordages classiques.
(1962) (annĂ©es â50)
Les personnages
Les protagonistes de cette extraordinaire manifestation sont exclusivement de sexe masculin, on ne retrouve aucune trace historique dâune participation fĂ©minine Ă cette cĂ©lĂ©bration. Lâhabillement du Mamuthone se compose de nos jours de la façon suivante: Tout dâabord, il met âsu belluduâ, habit en velours foncĂ©; puis il endosse âsas peddesâ, la mastruca, casaque en peau dâovin caractĂ©ristique des bergers sardes, il enfile Ă ses pieds âsos piuncosâ de grosses chaussettes en coton et laine et âsos husinzosâ des chaussures en peau tannĂ©e Ă la main. Sur le visage il met un masque noir antropomorphe nommĂ© âsa viseraâ et sur la tĂȘte, il porte âsu bonetteâ, beret sarde (coppola), sur lequel il pose un foulard de couleur foncĂ© appellĂ© âsu muncadoreâ, qui provient du vestiaire fĂ©minin, avec lequel il enveloppe âsa viseraâ et âsu bonetteâ en le nouant sous le menton. Sur le dos du Mamuthone, est rangĂ©e une sĂ©rie de six Ă sept sangles en cuir, dans lesquelles sont enfilĂ©es de nombreuses cloches de diffĂ©rentes tailles. Il y a encore quarante ans en arriĂšre, les cloches Ă©taient enlevĂ©es Ă chaque manifestation du coup des animaux ovins et bovins, pour ĂȘtre endossĂ©es par le Mamuthone, de nos jours celles-ci sont entreposĂ©es et entretenues dans les locaux des diffĂ©rents groupes folks. Les battants des cloches sont constituĂ©s dâos ovins, sauf les plus petits qui sont en fer. Le lourd bouquet de cloches est disposĂ© en ordre dĂ©croissant des Ă©paules jusquâau niveau des vertĂšbres sacrĂ©es, il est Ă©troitement liĂ© Ă la cage thoracique avec un complexe systĂšme dâancrage, de plus petites clochettes en bronze sont placĂ©es devant entre le sternum et lâestomac. Lâensemble des cloches et grelos sâappelle âsa carrigaâ, la constitution sonore du Mamuthone, dites aussi âsu erruâ (le fer).
Les Mamuthones Costantino Atzeni et Paolo Mercuriu
Le poids total de tout lâĂ©quipement est dâenviron 22 Ă 25 kilos, mais ce qui rend la tĂąche difficile au Mamuthone nâest pas tellement le poids des cloches, mais plutĂŽt les sangles qui sont tendues entre les Ă©paules et la cage thoracique et qui rendent la respiration difficile. En effet Ă la fin de chaque exhibition, les participants ont souvent le tronc marquĂ© par de nombreuses ecchymoses. La rĂ©sistance Ă la fatigue est une des principales caractĂ©ristiques nĂ©cessaires pour devenir Mamuthone, ainsi que la conscience du poids historique que reprĂ©sente ce dĂ©filĂ©.
Avec le masque sur le visage, ces hommes se transcendent en Mamuthones, le poids et la
douleur de leur costume se dissolvent répétant des gestes transmis par leurs aïeuls, ils rentrent dans une dimension intemporelle qui leur est difficile à expliquer.
PĂšre fils neveu
Génération de Mamuthones
PĂšre fils Le groupe des Mamutones est accompagnĂ© des Issohadores, caractĂ©ristique dans leur habillement, en fort contraste avec celui sombre de leurs compagnons dâexhibition. Ils tiennent en main âsa sohaâ, il sâagit dâun long lasso en jonc, travaillĂ© et tressĂ© par des mains expertes. Ce lasso Ă©tait auparavant constituĂ© de cuir cru trĂšs Ă©pais et lourd. Le nom soha est celui utilisĂ© pour lier et capturer le bĂ©tail. La rĂ©alisation artisanale de la corde en jonc, dite aussi âune de resteâ, demande beaucoup de temps et diffĂ©rentes phases de travail qui vont de la rĂ©colte du jonc Ă la sĂ©lĂ©ction, nettoyage et maturation. LâIssohadore nâa pas de poids sur lui et son habillement est complĂštement diffĂ©rent de celui du Mamuthone et il est appelĂ© par les anciens de Mamoiada comme âvesteâe turcuâ (habillĂ© de Turc).
Sa Carriga prĂȘte pour ĂȘtre installĂ©e Les lassos de jonc (reste) Sos sonajolos sur les Ă©paules du Mamuthone Son habillement actuel est ainsi composĂ©: sur la tĂȘte la âberrittaâ sarde noir, solidement attachĂ© avec un foulard bariolĂ©, pris du vestiaire fĂ©minin, nouĂ© sous le menton; une chemise blanche âhammisaâ, avec le col et les manchettes brodĂ©es; le corsage rouge âsu curittuâ du costume traditionnel masculin, sur lequel il porte en bandouliĂšre une sangle en cuir et Ă©toffe avec de petits grelots ronds; un large pantalon de toile blanche âsos carzones de telaâ, qui se porte au niveau du genou enfilĂ© dans des surchaussettes dâorbace noir; un foulard de soie, satin ou Ă©toffe âsâissallettoâ, liĂ© Ă la taille avec la partie la plus belle sur le devant ou le long de la jambe gauche, normalement caractĂ©risĂ© de dessins polychromes ou de trĂšs belles broderies. Depuis une dizaine dâannĂ©es, lâAssociation Pro-Loco de Mamoiada a rĂ©tabli lâusage du masque âviseraâ pour les Issohadores, tradition dĂ©suĂšte vers la fin des annĂ©es â50 dĂ©but des annĂ©es â60. Ce masque est de couleur claire, avec des traits gentils, on dit que câest le masque âde Santu/de Santaâ soit le masque du Saint ou de la Sainte, ou bien que câest le masque âlimpiaâ (propre), ou âbellaâ (belle) ou simplement la âvisera de Issohadoreâ. Dans de vieux films, on retrouve la âviseraâ fabriquĂ©e en bois, papier-mĂąchĂ©, carton ou en Ă©toffe.
Lâhabillement
Les personnes qui composent le groupe de Mamuthones et Issohadores se regroupent dans une maison avec une ample cour pour se vĂȘtir de lâhabit traditionnel. Ce moment est un rite. âHĂnghereâ (habiller), câest un verbe qui rĂ©sume non seulement lâhabillement complet, mais aussi la participation au dĂ©filĂ©. Pendant que lâIssohadore peut sâhabiller tout seul, le Mamuthone a besoin dâau moins deux personnes: une qui pose âsa carrigaâ sur les Ă©paules, pendant quâune autre serre solidement sur le thorax les sangles des cloches.
A la fin, aprĂšs avoir passĂ© âsa travaâ, une fine bande de cuir qui assure le maintien des cloches entre elles, le Mamuthone saute pour les secouer et sâassurer que le tout est bien attachĂ©, si ce nâest pas le cas les sangles sont serrĂ©es Ă nouveau.
Le Mamuthone se vĂȘtit en dernier de âsa viseraâ, le masque noir caractĂ©risĂ© dâune grimace railleuse ou dâune expression de douleur. Elle est attachĂ©e au visage avec des cordons ou des sangles de cuir: une sangle latĂ©ral Ă gauche et Ă droite et une qui part du front et qui est liĂ©e derriĂšre la nuque ou sur un cĂŽtĂ© de la tĂȘte. Les bois utilisĂ©s pour sa construction sont divers et variĂ©s, mais normalement on utilise un bois lĂ©ger comme lâaulne ou lâorme, les anciens utilisaient du bois de poirier sauvage ou du liĂšge. La âviseraâ est rĂ©alisĂ©e entiĂšrement Ă la main, elle est plus ou moins brute, chaque Mamuthone fait adapter le masque Ă sa morphologie et il arrive souvent quâelle soit fabriquĂ©e par eux-mĂȘmes.
C. Atzeni et S. Crisponi 1973
Avant de sâhabiller complĂštement, lâIssohadore plonge âsa sohaâ son lasso en jonc dans lâeau, puis il la tend dĂ©licatement en suivant lâentrelacement du matĂ©riel, il fixe les deux extrĂ©mitĂ©s pour la tenir âin tiraâ (tirer), pendant un petit moment. Cette opĂ©ration sert Ă lui donner cette forme et consistance nĂ©cessaire pour ĂȘtre utilisĂ©e pendant lâexhibition. Faire le Mamuthone ou lâIsssohadore, nâest pas un jeu frivole carnavalesque mais une vocation, il nây a pas de limite dâĂąge pour faire partie du groupe des âgrandsâ. Quand un garçon a dĂ©passĂ© lâĂąge de lâadolescence, il peut en faire partie, sâil le dĂ©sire, mais pour cela il faut quâil puisse supporter le poids des cloches et marcher en les secouant vivement en synchronie parfaite avec les autres composants du groupe.
Par contre, pour faire partie des Issohadores au-delĂ de la passion, il est nĂ©cessaire dâĂȘtre adroit en maniant la âsohaâ, rĂ©ussir Ă capturer les spectateurs pendant le dĂ©filĂ©. En gĂ©nĂ©ral, ceux qui entrent dans lâĂ©quipe officielle, viennent des diffĂ©rentes Ă©coles des associations folks du pays.
La représentation
Les habitants de Mamoiada (Mamoiadini) affirment que sans les Mamuthones et les Issohadores, « il nây a pas de carnaval ». Cette expression rĂ©sume bien, le vrai sens archaĂŻque de cette reprĂ©sentation: celle-ci est en effet la manifestation la plus importante de ce jour, le symbole du carnaval de ce pays et en mĂȘme temps un signe de gaietĂ© et dâauspice pour le futur. Le dĂ©filĂ© commence lâaprĂšs-midi et se termine en fin de soirĂ©e,
spĂ©cialement celle du 17 janvier, fĂȘte de lâabbĂ© Saint Antoine. Les personnes qui font partie du groupe sâhabillent loin des repas, ils mangent et boivent peu pendant le cĂ©rĂ©monial, car lâexhibition demande beaucoup dâeffort et parce que les sangles Ă©troitement liĂ©es compriment le thorax et lâestomac ou peut-ĂȘtre parce que dans les anciens temps, on jeĂ»nait pendant cette pĂ©riode. MĂȘme sâils dĂ©filent principalement, en occasion de fĂȘtes joyeuses comme le carnaval, lâexhibition des Mamuthones et Issohadores, ressemble plutĂŽt Ă une cĂ©rĂ©monie solennelle, leurs composants dĂ©filent dâune façon ordonnĂ©e, sobre et taciturne, ce qui ne rappelle en rien la gaietĂ© et lâinsouciance qui caractĂ©rise dâautres groupes. La façon dont ils se dĂ©placent et la cadence musicale que lâon entend lorsque les Mamuthones secouent les cloches suggĂšrent presque une danse ou une procession dansĂ©e comme lâa dĂ©fini lâethnologue Raffaello Marchi qui fut lâun des premiers dans les annĂ©es 40 Ă avoir observĂ© cet Ă©vĂ©nement.
1962 1957
Le groupe est composé traditionnellement de 12 Mamuthones et de 8 Issohadores qui sont disposés dans cet ordre:
Le cher Diego Pirinu (1979-1994) le jour de sa premiĂšre exhibition avec le groupe des grands 17.01.1994
â= Mamuthone
â = Issohadore
â â â â â â â â â â â â â â â â â â â â
Les Mamuthones dĂ©filent disposĂ©s rigoureusement sur deux rangĂ©es parallĂšles, tandis que les Issohadores sont trĂšs mobiles et sâinstallent autant que possible devant, derriĂšre et sur les cĂŽtĂ©s extĂ©rieurs des deux lignes, symbolisant la surveillance et la protection des Mamuthones.
1962
Le groupe dĂ©file lentement, de façon imposante, ils exercent sur les spectateurs une suggestion incroyable, un charme hypnotique. Les composants du groupe qui ne dĂ©file pas et qui sont de simples spectateurs prouvent un sentiment inexplicable, un mĂ©lange dâĂ©motion et presque de regret de ne pouvoir participer.
Le pas des Mamuthones est diffĂ©rent de celui des Issohadores. Les premiers bougent Ă petit pas cadencĂ©s, presque des sautillements, ce nâest pas un pas homologuĂ©, chacun a le sien. Ils dĂ©filent en avant, en secouant les cloches Ă lâunisson malgrĂ© leur poids et les difficultĂ©s de vision avec la âviseraâ qui leur cache le visage et les sangles qui leur compriment le thorax. Les Mamuthones en avançant donnent tous ensemble des coups dâĂ©paules en tournant le corps une fois Ă droite et une fois Ă gauche. Ce mouvement en deux temps est exĂ©cutĂ© en parfaite synchronie, avec un seul son assourdissant de cloches. De temps en temps, avec un seul signe de lâIssohadore âguidaâ, ils exĂ©cutent simultanĂ©ment trois sauts rapides, sans pas de dĂ©placement, suivi de trois carillonnements puissants et secs de tout lâĂ©quipement. Les Issohadores se bougent avec des pas lĂ©gers, agiles et quand ils veulent, ils jettent âsa sohaâ et attrapent les personnes quâils ont choisies parmi la foule, en gĂ©nĂ©ral de sexe fĂ©minin, ils la tirent dĂ©licatement montrant ainsi leur adresse. Lâadresse de lâIssohadore consiste Ă capturer quelquâun avec ce lasso de jonc trĂšs lĂ©ger, si diffĂ©rent des lassos traditionnels beaucoup plus lourds. Sa lĂ©gĂšretĂ©, complique la manoeuvrabilitĂ© en rendant lâopĂ©ration de capture plus difficile.
Pendant quâils lancent les cordes, ils plaisantent et parlent avec les gens qui les entourent, pendant que les Mamuthones restent muets pendant le dĂ©filĂ©. Câest le silence dâune fatigue massacrante de ces ĂȘtres rendus doux et soumis Ă leurs surveillants attentifs les Issohadores. Quand ils avancent le long des rues de Mamoiada, leur seul milieu naturel, le vacarme passionnant des cloches et grelots secouĂ©es pas les coups vigoureux et cadencĂ©s, considĂ©rablement amplifiĂ© dans les rues Ă©troites, ils crĂ©ent une sonoritĂ© qui se propage dans le pays entier, en soulignant la solennitĂ© de la parade et en transmettant des sensations indescriptibles. Il nây a pas dâhabitant du pays qui Ă leur passage ne se montre, les gens heureux de les voir sourient, ils sont gratifiĂ©s par leur visite. Nombreux sont ceux qui abandonnent leur domicile pour suivre le cortĂšge. Dans ce climat, la procession mystĂ©rieuse avance, avec lâaspect austĂšre et tragique des Mamuthones fatiguĂ©s, muets comme des esclaves frappĂ©s et humiliĂ©s ou comme des bĂȘtes domptĂ©es, pendant ce temps les Issohadores colorĂ©s sont
apparemment plus libres dans leurs mouvements, malgrĂ© leurs diffĂ©rences leur destin est le mĂȘme. Dans ce pays jamais aucun Mamuthone ne dĂ©filera sans Issohadore.
1955 1962
Le âguideâ Giovanni Mastinu
Issohadore en action
La signification
La Sardaigne ne cesse pas dâĂ©tonner pour les mystĂšres qui se cachent derriĂšre ses traditions. Encore au troisiĂšme millĂ©naire, cette terre archaĂŻque nous permet dâobserver des rites ancestraux et suggestifs, en examinant attentivement les manifestations populaires comme celle-ci. Les rites ancestraux des Mamuthones et Issohadores de Mamoiada, nâont pas Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©s en profondeur car, peut-ĂȘtre dans le passĂ©, on sous-estimait lâimportance culturelle de cette reprĂ©sentation ou peut-ĂȘtre parce que de nombreuses manifestations similaires avaient lieu dans les diffĂ©rentes parties de la Sardaigne. Mais le dĂ©filĂ© de Mamoiada est sans aucun doute un ancien rite dont le sens a Ă©tĂ© perdu dans la mĂ©moire orale de la culture de cette partie de lâĂźle, car les premiĂšres recherches Ă©crites remontent Ă 1951. Il est naturel de se poser le problĂšme du rapport entre tradition et innovation. Dans la dynamique des rites, la transformation est une constante de lâĂ©volution. En effet, on ne peut penser naĂŻvement que les rites spĂ©cifiques du Carnaval nâont pas Ă©tĂ© influencĂ©s et modifiĂ©s par lâinfluence constante de lâĂ©glise depuis les normatives de Pape GrĂ©goire Le Grand. Que lâactuel Carnaval soit le fils du Christianisme nous semble ĂȘtre indiscutable.
Aux yeux de certains la reprĂ©sentation des Mamuthones et Issohadores sont les derniers lambeaux dâune ancienne cĂ©rĂ©monie en honneur du dieu Dionisio qui faisait tomber la pluie et mĂȘme si les souvenirs ne sont plus lĂ , il reste les noms et les gestes qui en rappellent les rites agraires. Le nom Mamuthone Ă©tait donnĂ© au Zeus pluvial, divinitĂ© du monde souterrain qui Ă©tait identifiĂ© avec Dionisio, qui tous les ans mourrait pour renaĂźtre au printemps avec le cycle annuel de la vĂ©gĂ©tation. La reprĂ©sentation du groupe mime une danse boiteuse, qui serait le dĂ©sĂ©quilibre dĂ©ambulatoire propre des fĂȘtes en honneur de Dionisio, nĂ©cessaire pour rĂ©veiller la vĂ©gĂ©tation de la torpeur de lâhiver. Les Mamuthones sont douze, comme les lunes et les douze mois de lâannĂ©e et ils sont entourĂ©s de huit gardiens, les Issohadores qui capturent la victime (le Mamuthone) avec leur soha, dans le cas oĂč il essayerait dâĂ©chapper Ă la mort qui lâattend. Les cloches et grelots que les Mamuthones portent sur leurs Ă©paules et thorax Ă©loigneraient les esprits du mal pendant la cĂ©rĂ©monie.
1956 Dâautres Ă©tudes, voient dans le masque noir des Mamuthones une origine dĂ©moniaque, le cĂ©rĂ©monial serait alors plutĂŽt une exorcisation, un rite qui permettait de rentrer dans le monde des morts pour garantir le renouvellement de la fĂ©conditĂ© et des forces vitales. Un rite paĂŻen, rĂ©servĂ© aux classes populaires plus pauvres.
Dâautres recherches disent que la cĂ©rĂ©monie faisait part dâun exorcisme Ă lâĂąge de la pierre pour aprĂšs se transformer Ă lâĂ©poque mycĂ©nienne avec Melaneimones (visage noir) qui reprĂ©sente les phĂ©niciens et Lacedemoni de Lacent Mones (visage blanc, visage luisant) qui reprĂ©sente les MycĂ©niens dans un premier temps, puis lâĂ©glise catholique, les Turcs et espagnols sâapproprient du rĂŽle de Issohadore. De cette thĂ©orie ressort le fait que la manifestation des Mamuthones se dĂ©roulait Ă Mamoiada (Mamujata), car dans ce pays il y avait les prisonniers phĂ©niciens et le nom Mamujata indique quâil y avait les Mamuthones avec les Issocadores, Mamujata est un adjectif qui contient Mamuthones ou Mamus, Mamoiada en Sarde et Mamujata en latin.
AnnĂ©es â50
1956 1957
Tout ce qui a Ă©tĂ© reportĂ© ci-dessus a Ă©tĂ© inspirĂ© des diffĂ©rentes recherches dont la plus ancienne date de 1951. Ces diffĂ©rentes hypothĂšses sont toutes fascinantes, certaines se rejoignent, dâautres non. Cet article reporte des fragments de texte de ces recherches, en Ă©nonçant les diffĂ©rentes Ă©tymologies et en apportant une contribution socioculturelle. Mais ce ne sont que des hypothĂšses et comme on le sait trĂšs bien les hypothĂšses ne sont pas de la science. Comme il est citĂ© dans les Ă©crits de Paolo Pillonca, qui est un grand amateur de la Sardaigne et de ses habitants:
«Qui observe le spectacle Ă Mamoiada, peut lire le cĂ©rĂ©monial Ă travers le filtre quâil prĂ©fĂšre ou Ă travers plusieurs filtres. Le charme de ce groupe consiste peut-ĂȘtre dans le mystĂšre qui entoure ces origines et dans le fait que tout le monde peut avec sa propre imagination reconstruire lâĂ©nigme de son origine en la reliant Ă une tragĂ©die, Ă un rite ou Ă une histoire plus modeste comme peut-ĂȘtre la fatigue humaine de tous les jours, hier avec les animaux des champs, aujourdâhui avec les montres technologiques qui envahissent les villes».
Entre temps Ă Mamoiada la magie du mythe, la cĂ©rĂ©monie solenelle est fixĂ©e dans le temps et elle se renouvelle ponctuellement tous les ans et elle reste conservĂ©e jalousement, avec orgueil et mĂȘme si elle est relĂ©guĂ©e Ă une manifestation du carnaval, en observant bien la solennitĂ© de lâexhibition on comprend bien quâelle nâa rien de carnavalesque.
Viseras
La visera plus ancienne que lâon retrouve visera fin â700 pendant les reprĂ©sentations aujourdâhui et celle que le maĂźtre R. Mameli a rĂ©alisĂ© en 1973-4, sâinsipirant du modĂšle Ă cĂŽtĂ©.
(photo Giancarlo Deidda )
Ancienne viseras de Mamuthone
(propriĂ©tĂ© Istituto Super. Regionale Etnografico â Nuoro â) (publiĂ© par F. Alziator 1957)
Ces deux viseras, ont Ă©tĂ© retrouvĂ©s au dĂ©but des annĂ©es' 70 dans une vieille grange dĂ©molie depuis des dĂ©cennies. Lâendroit, la conservation et le travail artisanal font supposer qu'elles soient datĂ©es de la fin des annĂ©es ' 800 ou premiĂšre partie des annĂ©es ' 900. (collection Tonino Dessolis)
Différentes expressions de la visera de Mamuthone (1950-2006)
AnnĂ©es â50 et â60
Photo de P. Volta, F. Pinna, S. Monchi, R. Ballore, M. Vacca, P.Paolo Perra, M. Dessolis, archivi G. Meloni, Ass. Atzeni-B., Pro-Loco, Esit.
TRADUCTION: Âź CĂ©line Gungui
Photo - Phases de travail de la visera (laboratoire Mameli) Clic ici
VidĂ©o - DĂ©filĂ© Mamuthone e Issohadores (annĂ©e 1952 â 2014)
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