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Journe dtudes : les genres de loral (Lyon, 18

M. Marcoccia - La CMO: problmes de genres et de typologie (Lyon, 18.04.03)1Journe dtudes: les genres de loral (Universit Lumire Lyon 2, 18.04.03)

La communication mdiatise par ordinateur:problmes de genres et de typologie

Michel Marcoccia

[email protected]

Laboratoire Tech-CICO / Universit de Technologie de Troyes

1. La communication par internet et la problmatique des genres

De nombreuses recherches sur linternet (en sciences sociales ou en informatique applique) accordent une place importante la question des genres. Par exemple, le colloque international en sciences des systmes, qui a lieu chaque anne Hawa (la Hawaii International Conference on System Sciences - HICSS) consacre chacune de ses ditions une session aux documents digitaux (la Digital Document Track) lintrieur de laquelle la plupart des travaux prsents sont consacrs la question des digital genre.

Le but de cette prsentation est de faire un rapide tat de lart de ces rflexions et de ces recherches, combine mes propres rflexions sur le sujet, fondes sur les tudes empiriques que jai menes.

Dans un premier temps, plusieurs remarques dordre thoriques ou mthodologiques peuvent tre faites.

1.1. Approche socio-cognitive des genres

En France, la littrature abondante sur les genres trouve bien souvent ses racines dans la tradition de la critique littraire, et sest dveloppe dans le champ de la linguistique textuelle ou de lanalyse de discours. Les travaux sur les genres dans la communication mdiatise par ordinateur (CMO) ne se situent gnralement pas dans ce paradigme mais dans celui du CSCW (Computer Supported Cooperative Work ), terme qui dsigne les recherches sur le travail coopratif mdiatis par ordinateur. Les chercheurs appartenant ce champ sont plus souvent informaticiens, ethnomthodologues, cognitivistes, interactionnistes ou sociologues que linguistes.Ainsi,la plupart de ces travaux sont bass sur une approche dite socio-cognitive des genres.Dcrire les genres dans une perspective socio-cognitive, cest considrer que les traits dfinitoires dun genre sont les suivants (voir Berkenkotter & Huckin 1995):Les genres sont dynamiques: les genres sont des rhtoriques dynamiques qui sont mises en uvre par des acteurs comme des rponses appropries des situations rcurrentes et qui servent stabiliser lexprience individuelle et lui donner une cohrence et un sens.Les genres sont situs: notre connaissance des genres et lie notre participation des activits communicatives situes. La connaissance dun genre est, de ce point de vue, une forme de cognition situe.Les genres sont dcomposables en forme et contenu: la connaissance dun genre, cest la capacit savoir quel contenu est adapt quelle forme.Les genres sont dialectiques: le genre auquel appartient une activit communicative est la fois construit par lactivit et le cadre cette activit.Les genres sont des indices de communauts: Ladoption dun genre est un indice des normes, de lidologie, de lpistmologie dune communaut de paroles (cf. la speech community de Gumperz).

Cette approche implique aussi que le genre auquel appartient un message mdiatis par ordinateur peut tre un objet de ngociation. Ainsi, Bergquist & Ljungberg (1999) montrent comment le genre auquel appartiennent des messages envoys par courrier lectronique dans une entreprise est ngoci par les participants lchange: A envoie un message appartenant au genre proposition de projet (genre standardis dans lentreprise), B rpond en indiquant que le message de A ne remplit pas les conditions ncessaires pour lancer une proposition de projet (il ny a pas de client).

1.2. Importance du concept de genre pour la communication dans les organisations

De nombreux travaux sur les genres digitaux sont en fait consacrs aux genres digitaux dans les organisations. Ainsi, les rsultats de ces recherches sont trs largement dtermins par leur objet de recherche: la communication intra-organisationnelle.Par exemple, ces travaux portent moins sur le courrier lectronique comme genre que sur le courrier lectronique comme genre dans les organisations.Pourquoi cette perspective? Traditionnellement, les recherches sur la CMC sont des recherches appliques, lies des programmes de transfert de technologie.Dun point de vue thorique, de nombreux travaux sur les organisations utilisent la notion de rpertoire de genres (genre repertoire, cf. Orlikowski & Yates 1994a) ou de genre ecology (Erickson 2000) pour dsigner la palette de genres susceptibles dtes utiliss dans une organisation et la manire dont le systme de valeurs et les attentes dune organisation se refltent dans ce rpertoire de genre. Par exemple, de manire schmatique, le fait quune organisation privilgie la production de mmos, de rapports et de notes de service au dtriment du face face et de lcrit informel donnera des indices sur son style managrial et son idologie.

1.3. Importance de la notion de genre pour la conception dinterfaces

Par ailleurs, lutilisation de la notion de genre dans les CMC Studies doit tre mise en relation avec la vise applicative de ces recherches. De nombreux rsultats de recherche sont supposs tre rutiliss dans lingnierie logicielle dans le but damliorer les interfaces des dispositifs de communication. Quel est lintrt de la notion de genre pour la conception dinterfaces? Les genres digitaux peuvent reposer sur la familiarit quauront les utilisateurs avec des genres pr-existants. Par exemple, si un journal en ligne fonctionne comme un journal-papier, les utilisateurs comprendront aisment le type de contenu existant, la manire dont il est class et la manire de le manipuler. Concevoir une interface symbolisant lanalogie avec un genre pr-existant sera alors un moyen doffrir des services et des dispositifs facilement utilisables (cf. Watters & Shepherd 1997).

1.4. Approche comparatiste: comparer les genres numriques avec des genres pr-existants.

Lanalyse des genres de la communication mdiatise repose souvent sur une dmarche comparatiste, consistant voir, dans un premier temps, quel genre pr-existant est reproduit sous une forme numrique. On parlera alors de reproduction ou dmergence de genres (cf. Crowston & Williams 1997).

2. Linternet: quest-ce que cest?

Avant de prsenter quelques analyses, il est peut tre ncessaire de faire une description de ce quon entend prcisment lorsquon parle dinternet, afin de montre son caractre htrogne.

Linternet est n en 1969 sous l'impulsion du dpartement amricain de la dfense (DOD).. Un grand nombre de centres de recherche, militaires, publics et privs prirent part ce projet. Il tait normal que leurs rseaux internes furent les premiers relis Internet. C'est pourquoi, ds sa cration, Internet sera un mta-rseau, un rseau de rseaux qui va peu peu relier la communaut scientifique et universitaire mondiale puis stendre au grand public.

Le courrier lectronique. En 1971, Ray Tomlinson, ingnieur de la socit BBN, qui est alors sous contrat avec le gouvernement amricain pour le projet Arpanet met au point deux programmes de messageries lectroniques. Cest en 1977 que sont normaliss les protocoles de courrier lectronique.

Le rseau Usenet et les forums de discussion. En 1979 deux tudiants de l'universit Duke en Caroline du Nord (Tom Truscott & Jim Ellis) crent les forums de discussion (newsgroups) sur le rseau Usenet (rseau Unix accessible par linternet) et, en mme temps, arrivent les MUDs (Multi-User Dungeon, jeux de rles en lignes)

Le World Wide Web a t dvelopp en 1984 par Tim Berners-Lee, chercheur au CERN. Son but tait de fournir aux scientifiques connects Internet un moyen efficace de recherche d'informations, o qu'elles se trouvent sur le rseau. Dans un document WWW, un simple clic sur la rfrence d'une publication cite dans un texte (l'hyperlien) dclenche la procdure de connexion au serveur contenant cette publication - quelle que soit sa localisation gographique - et le tlchargement de son contenu. Dbut 1993, il n'existait que cinquante serveurs World Wide Web exprimentaux dans le monde. Ils reprsentaient tout au plus 1% du trafic. Il en existe aujourd'hui plus de 45.000 qui gnrent 20% du total des donnes circulant sur Internet.

Les tchats. En 1988, un tudiant finlandais, Jarkko Oikarinen cre lInternet Relay Chat, dispositif de discussion en ligne synchrone.

Les messageries instantanes. Enfin, depuis la fin des annes 90, les diffrents fournisseurs daccs proposent des services de messagerie instantane leurs abonns, qui leurs permettent de dialoguer en temps rel avec dautres abonnes (une sorte de e-mail synchrone).

En bref, lorsquon parle de linternet, on fait rfrence quatre dispositifs technologiques dinformation et de communication mdiatises par ordinateur.Un dispositif daccs des documents numriques hypertextuels: le web.Quatre dispositifs de dialogue en ligne, quon distingue traditionnellement selon deux critres: les participants et la temporalit.

EmetteurDestinataireTemporalitCourrier lectroniqueindividuindividudiffrForums de discussionListes de diffusionindividugroupediffrMessagerie instantaneindividuindividuquasi-instantanInternet Relay Chatsindividugroupequasi-instantan

On peut ajouter un critre supplmentaire, qui redouble celui de la temporalit: la stabilit, cest--dire le fait quun dispositif assure la prservation des messages:

IRC, messagerie instantane: instables, par dfaute-mail, forum: stables, par dfaut.

3. Communication mdiatique / mdiatise

Pour arriver dresser une premire typologie de ces cinq dispositifs, on peut se baser sur lopposition entre mdiatique et mdiatise. Pour laborer cette distinction, il faut partir dune dfinition simple et prcise de ce quest un mdia.

Un mdia est une technique utilise par un individu ou par un groupe pour communiquer un autre individu ou un autre groupe, autrement qu'en face face, l'expression de sa pense, quelles que soient la forme et la finalit des messages. Un mdia, au sens large, permet donc la transmission, plus ou moins loin, et un nombre plus ou moins important de personnes, d'un ou plusieurs messages aux contenus les plus varis : la presse, la radio, la tlvision, le cinma, l'affiche, le tlphone, le courrier lectronique, le web sont, ce titre, des mdias au sens large.

Avec cette dfinition, communication par un mdia soppose communication en co-prsence.

Lconomie et le droit des mdias ont lhabitude de distinguer trois familles de mdias :

les mdias autonomes, comme les journaux ou les disques, qui ne requirent aucun raccordement un rseau particulier ;

les mdias de diffusion, comme la radio et la tl hertzienne, qui permettent de diffuser des programmes sens unique, d'un point vers une multitude de rcepteurs ;

les mdias de communication interpersonnelle, comme le tlphone ou le courrier lectronique, qui sont des techniques permettant une relation double sens entre des personnes.

On considre gnralement que les mdias de communication interpersonnelle ne relvent pas de la communication mdiatique (qui est une communication de masse) mais uniquement de la communication mdiatise.

On a donc une deuxime opposition :

Communication mdiatiqueCommunication mdiatiseMdias autonomesMdias de diffusionMdias de communication (interpersonnelle)Journaux, livres, disques, cassette vidoRadio, tlvision..Tlphone, courrier lectronique, fax...

Comment organiser la CMO avec ces diffrents critres?

Communication par linternet

Communication mdiatique Communication mdiatise (de masse) (interpersonnelle)

Le Web

2 participants Plus de 2 participants(par dfaut)(par dfaut)

SynchroneAsynchrone Synchrone Asynchrone

Forums de discussion & listes de diffusionInternet Relay ChatCourrier lectroniqueMessagerie instantane

Cette premire typologie pose un certain nombre de problmes pour caractriser le genre auquel appartiennent, par exemple, les Internet Relay Chats et les forums de discussion, qui, dune certaine manire, permettent la fois la communication interpersonnelle et la communication de masse.

4. Les forums de discussion

4.1. Un dispositif hybride

Un forum de discussion est un dispositif de communication mdiatise par ordinateur asynchrone, permettant un groupe dinternautes dchanger des messages au sujet dun thme particulier. Le dispositif propose aux utilisateurs une structuration hirarchique des messages dj posts (selon un double critre, la fois thmatique et chronologique) et invite ceux qui se connectent au forum ragir aux messages quils ont lus ou poster de nouveaux messages (et, ainsi, initier de nouveaux fils de discussion, qui correspondent plus ou moins lquivalent numrique des squences dans lorganisation structurale dune conversation en face face).Lanalyse fine des forums de discussion permet de voir quils ne sont pas facilement intgrables au schma prsent prcdemment. En effet, les forums de discussion peuvent tre dfinis comme des dispositifs hybrides de communication interpersonnelle de masse (cf. Baym 1998) dans la mesure o ils permettent la fois lchange interpersonnel (A rpond B) et la communication de masse (A poste un message lisible par un nombre potentiellement illimit dinternautes).

4.2. A quel type dinteraction correspond un forum de discussion?

Le nombre de participants est un critre apparemment suffisant pour considrer les forums de discussion comme des polylogues mdiatiss par ordinateur (Marcoccia, paratre, a).Le problme est que cette affirmation suppose une dfinition pralable des forums de discussion comme interaction communicative. Peut-on en fait considrer que les changes observables dans un forum constituent une interaction, ou au moins une discussion?Cette dfinition ne pose pas de problme si lon ne conserve que lunit thmatique et lunit de site comme paramtres dfinitoires dune conversation. Cependant, mme avec cette dfinition restrictive, les paramtres choisis restent problmatiques.

En effet, lunit thmatique dun forum de discussion est toute relative. De nombreux travaux soulignent que les discussions en ligne sont souvent dsorganises et confuses, cause du dveloppement frquent de multiples fils de discussion et de conversations parallles (cf. Herring 1999, Kear 2001, Marcoccia paratre, a). La digression thmatique lintrieur dun forum se fait progressivement, en parcourant une chane de messages introduisant chacun un dveloppement thmatique par rapport au message prcdent. En dautres termes, tout dveloppement dun thme peut tre lorigine dune digression. Le rsultat peut tre une vritable dcomposition thmatique, comme dans le cas des forums de discussion politiques, par exemple, fortement marqus par lparpillement thmatique (cf. Marcoccia, paratre b). Cette dsorganisation rsulte en partie de la difficult pour les utilisateurs dun forum davoir une lecture globale des changes qui leur permettrait didentifier ce qui est hors-sujet. De plus, lasynchronie semble favoriser la dispersion thmatique, sans doute parce que lattente favorise la fragmentation: lorsquon envoie un message et quune rponse tarde, on peut tre tent dinitier un autre fil de discussion en esprant quil aura plus de succs

De mme, pour un forum de discussion, lunit de site, qui est une des composantes de base de linteraction ne peut tre comprise qu titre mtaphorique. On ne peut considrer quun forum de discussion est un espace de communication partag quau prix dun saut mtaphorique fond sur la dimension spatiale des interfaces de communication (cf. Erickson 1993).

Sur de nombreux aspects, il reste difficile de considrer que les discussions en forum forment une interaction. En effet, il est impossible didentifier lunit du cadre participatif dun forum, dans le sens o il ny a pas de groupe de participants dfini mais, au contraire, de nombreux participants qui entrent et sortent de la discussion. La dure de la discussion est un autre paramtre problmatique. En effet, on ne peut pas considrer que les changes dans un forum se droulent dans un cadre temporel unifi. La dimension temporelle nest pas absente des forums (mme si ce sont des dispositifs asynchrones) mais ne dtermine que trs faiblement lorganisation squentielle des changes, dans la mesure o, par exemple, la seconde partie dune paire adjacente (du type question-rponse) peut tre produite trs longtemps aprs lintervention initiative. Cet aspect, ainsi que larchivage des donnes, permet de dfinir les forums de discussion comme des conversations persistantes (Erickson 1999) ou des documents numriques dynamiques, des archives en train de se constituer (Marcoccia 2001).

En fait, on peut considrer que les discussions ayant lieu dans un forum constituent une conversation si on admet une dfinition rendant compte du caractre souple et continu de linteraction, telle que celle qui est propose par Kerbrat-Orecchioni (1992: 216):

Pour quon ait affaire une seule et mme interaction, il faut et il suffit quon ait un groupe de participants modifiable mais sans rupture, qui dans un cadre spatio-temporel modifiable mais sans rupture, parlent dun objet modifiable mais sans rupture.

Pour prciser notre dfinition, on peut considrer que les forums de discussion permettent des conversations discontinues. Ces conversations dun type spcifique, dcrites par Goffman (1987: 144), prennent place lorsque l'change de paroles n'est pas l'activit principale des participants mais une activit d'accompagnement. Dans ce cas, les gaps peuvent s'tendre presque indfiniment. Il y a un tat de parole ouvert , une conversation chroniquement en cours .On peut donc dfinir les forums de discussion comme des polylogues discontinus mdiatiss par ordinateur.

5. Le courrier lectronique

Le courrier lectronique est un genre quon peut analyser en le mettant en rapport avec des genres pr-numriques.

On observe trois tendances majeures: le rapprochement entre e-mail et conversation, correspondance dentreprise, correspondance prive.

Rapprochement e-mail / face face: Certains travaux considrent que le courrier lectronique (et toute la communication interpersonnelle mdiatise par ordinateur) se rapproche de lchange oral, cest mme devenu une sorte de lieu commun dans les recherches sur la CMC.

Le code utilis est lcrit, mais les changes de messages entrent dans une structure dialogale permise par la rapidit de la rdaction et de la transmission des messages. Compare aux autres formes de communication crite, la CMO favorise la production de messages brefs (cf. Crystal 2001), des crits spontans nafs (cf. Cusin-Berche 1999), au style marqu par loralit (cf. Yates 1996) et par la prsence de procds de reprsentation du non verbal (cf. Marcoccia 2000a, 2000b). Toutefois, la CMO se distingue de la conversation en face face sur au moins trois aspects.

Les interactants peuvent rester anonymes. Lidentit des participants dun forum de discussion ou des metteurs dun courrier lectronique se rduit leur adresse lectronique et peut, pour les autres aspects de lidentit (le nom, le sexe, lge, etc.) correspondre une identit fictive.

Enfin, le problme de la synchronicit. Au sens strict, on parle dinteraction conversationnelle lorsque la dtermination mutuelle des interactants se fait de manire simultane. Peut-on continuer de parler de conversation pour des changes discursifs asynchrones?

Des changes sous contraintes. La suppose oralit des crits se combine curieusement la rigidit de leur organisation formelle, souvent nglige par les analystes. Lorsquon rdige un message numrique, cet crit doit correspondre un format trs spcifique, contraint par le dispositif socio-technique. Par exemple, la taille du message est limite parfois par la taille de la fentre dans laquelle il est saisi mais aussi par lutilisation obligatoire de champs correspondant diffrentes fonctions: metteur, destinataire, sujet, etc. En fait, les logiciels de messagerie imposent leurs utilisateurs des contraintes hrites de la correspondance dentreprise: linclusion de From, To, Date, Subject au dbut du message. Les logiciels de messagerie et leurs interfaces conditionnent les formes des changes discursifs numriques.

5.2. Rapprochement e-mail / genres de la correspondance dentrepriseOrlikowski et Yates (1994b, 1998) ont compar le courrier lectronique aux divers genres de la communication intra-organisationnel. Le genre pris comme rfrence est la correspondance administrative et commerciale (de la formal business letter au memo). Lorsque le e-mail est utilis dans un cadre de travail coopratif, on observe quatre manires particulires dutiliser le courrier lectronique, correspondant chacune un genre: Le mmo: un message utilisant des en-ttes standard (To, From, Subject), au contenu essentiellement informatif. En mme temps, Yates et Orlikowski admettent que les mails ont un style moins formel que les mmos.

La proposition: il sagit dun message contenant une proposition daction afin de rsoudre un problme. Le genre proposal est un genre un peu particulier puisquil correspond, selon Yates & Orlikowski, un format connu dans le cadre de lingnierie logicielle collaborative, lorsque deux informaticiens dveloppent ensemble un logiciel.

Le dialogue: le e-mail est utilis pour participer des changes discursifs.

Le ballot ou scrutin: le email est utilis pour grer un scrutin, en trois temps: envoi dun questionnaire, vote, rsultats du vote.

5.3. Rapprochement e-mail / correspondance prive

Lhypothse, assez vidente, selon laquelle le e-mail ne serait que la version numrique de la correspondance prive ne rsiste pas lanalyse. En effet, de nombreuses diffrences existent: Le courrier lectronique est gnralement un crit bref

Il ny a pas ou peu de formules dadresse dans les mails.

Le courrier lectronique permet le dialogue alors que la lettre est plus une mise en scne de dialogue;

Le cadre spatio-temporel est cr dans la lettre, cest une donne fournie par le systme dans le e-mail.

Lcart temporel entre la rdaction du message et sa lecture diffre dans la lettre et le e-mail

La lettre est un crit plus planifi que le e-mail.

Dautres critres ont t voqus par Mlanon (1996), plus lis aux dimensions matrielle et symbolique de la correspondance.

5.4. Le e-mail comme forme pistolaire brve

Actuellement, nous menons un travail de recherche en collaboration avec Hlne Labbe, qui vise tester une autre hypothse: le courrier lectronique appartient au genre de la forme pistolaire brve, et sinscrit dans la continuit du billet, du tlgramme, du pneumatique, du fax, etc. Certains critres vont dans le sens de cette hypothse: la brivet, le style moins formel, un relchement des conventions lies la politesse, un contenu avec deux fonctions qui priment (ludique et informatif), le jeu sur les codes graphiques et la manifestation de la squentialit des messages. Une premire phase de ce travail a t prsente au colloque IADA 2003 (Salzbourg) et fera lobjet dune proposition de publication (le courrier lectronique dans la tradition du dialogue pistolaire: le retour du billet?).6. Le web

Crowston & Williams (1997) ont analys les pages Web (un corpus de 1000 pages) en essayant de voir quels genres elles appartiennent. Ils ont identifi 48 genres diffrents:

Archive itemFilmographyProblem setArticleGeneologyProduct informationBookGovernment program descriptionProduct reviewsBox scoreGuidePublication listChronicleHome pageRatingsColumnHot listRegulation or ruleComputer documentationIndexReportConcert reviewLibrary acquisition listScriptDemographic dataList of research projectsServer statisticsDirectoryMeeting minutesSource codeDiscographyMemorialSubmission instructionE-mail directory listingNewsletterTable of contentsEssayNews wire articleTestimonialFaculty informationOrder formUniv. course listingFAQPamphletUsers' manualFile directoy listingPolitical party platformVitae

Ils ont alors distingu quatre types de genre: Ceux qui sont la pure reproduction dun genre non-numrique (comme le journal ou lepamphlet numris). Ils constituent 60% de leur corpus.

Ceux qui sont des adaptations numriques de genres pr-existants (exemple: les gnalogies en hypertexte). Ils constituent peu prs 30% du corpus.

Ceux qui sont de nouveaux genres(5 % du corpus) : comme la page personnelle thmatique ou la hotlist (liste d'adresses favorites de sites Web, liste personnelle ou adresse par un administrateur de site.). On peut sans doute ajouter les weblogs.

Enfin, 5% des pages ne sont pas classables.

Type of genreCount%Familiar genres50760.6New, but accepted genres23928.6New genres445.3Unclassifiable475.6

Web genres classified

Shepherd and Watters (1998) ont procd au mme type de recherch en analysant les cybergenres en deux catgories :

The evolution of cybergenres (according to Shepherd & Watters, 1998)Pour certains, la page personnelle thmatique serait le seul genre digital nouveau ayant merg sur le Web. Cest la thse de Dillon & Gushrowski (2000) par exemple.7. Rfrences bibliographiques

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