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1 Dans un article publié dans le Chirurgien- Dentiste de France en 2013 (1), nous avions présenté une étude historique et archéologique des victimes des guerres de Vendée. Nous ne reprendrons pas les généralités sur cette guerre, mais nous ne retiendrons que la bataille du Mans du 13 décembre 1793 et l’étude traumatologique des crânes retrouvés, permettant ainsi une reconstitu- tion des massacres et une mise en paral- lèle avec les écrits de l’époque. Formation continue HISTOIRE Jean-Claude Tavernier Élodie Cabot Maxime Bibaut Philippe Lafargue Faculté de chirurgie dentaire (Paris Descartes) Les combats du Mans (décembre 1793) Les troupes en présence 1) L’armée républicaine Par décret, la Convention avait affirmé dès le 1 er et 2 octobre 1793 : « Soldats de la liberté, Il faut que les brigands de la Vendée soient exterminés avant la fin du mois d’octobre ; Étude traumatologique des victimes des massacres du Mans (2 e partie) Le Chirurgien Dentiste de France n o 1679 du 15 octobre 2015 Lors des massacres du Mans, la localisation des coups portés à la tête, la fréquence, leur intensité et leur topographie indiquent un déchainement de la violence des combats.

Massacres du mans

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Dans un article publié dans le Chirurgien-Dentiste de France en 2013 (1), nousavions présenté une étude historique etarchéologique des victimes des guerres deVendée.Nous ne reprendrons pas les généralitéssur cette guerre, mais nous ne retiendronsque la bataille du Mans du 13 décembre1793 et l’étude traumatologique des crânesretrouvés, permettant ainsi une reconstitu-tion des massacres et une mise en paral-lèle avec les écrits de l’époque.

Fo r m a t i o n c o n t i n u eHISTOIRE

Jean-Claude Tavernier

Élodie Cabot

Maxime Bibaut

Philippe Lafargue

Faculté de chirurgie dentaire(Paris Descartes)

Les combats du Mans(décembre 1793)

Les troupes en présence

1) L’armée républicainePar décret, la Convention avait affirmé dèsle 1er et 2 octobre 1793 :

« Soldats de la liberté,Il faut que les brigands de la Vendée soientexterminés avant la fin du mois d’octobre ;

Étude traumatologiquedes victimes des massacresdu Mans (2e partie)

Le Chirurgien Dentiste de France no 1679 du 15 octobre 2015

Lors des massacres du Mans,la localisation des coupsportés à la tête, la fréquence,leur intensité et leurtopographie indiquent undéchainement de la violencedes combats.

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FIGURE 2 : Balles en plomb (M. Bibaut)

FIGURE 1 : Coulée de balle en plomb (M. Bibaut)

le salut de la patrie l’exige ; l’impatience dupeuple Français le commande. Son cou-rage doit l’accomplir. La reconnaissancenationale attend à cette époque tous ceuxdont la valeur et le patriotisme auront affermisans retour la liberté et la République… »

Le Comité de salut public rassemble destroupes dans cette région du Grand Ouest :c’est l’armée de l’Ouest, elle est placée sousles ordres de Kléber.Elle compte de nombreux soldats mais,composée d’hommes de toutes prove-nances, elle est très hétéroclite. Une faiblepartie des combattants appartient auxtroupes de ligne (l’ancienne armée royale),soldats expérimentés ayant l’habitude descombats. Le gros des troupes est consti-tué de paysans et d’artisans qui plus queleur expérience militaire apportent leurenthousiasme et leur fanatisme révolu-tionnaire.

Le capitaine Dupuy écrira quelques joursaprès les massacres du Mans en janvier1794 à sa sœur : « Nos soldats parcou-rent par des chemins épouvantables lestristes déserts de la Vendée… Partout oùnous passons, nous portons la flamme etla mort. L’âge, le sexe, rien n’est respecté.Hier, un de nos détachements brûla un vil-lage. Un volontaire tua de sa main troisfemmes. C’est atroce mais le salut de laRépublique l’exige impérieusement. »

2) L’Armée catholique et royale(anciennement « armée chrétienne »puis « armée catholique romaine »)

J. C. Martin (2) en donne la descriptionsuivante :« Les troupes vendéennes se composentde soldats paysans. Ils n’ont pas d’uni-forme et gardent leurs vêtements habituels :grands chapeaux à larges bords, panta-lon, veste de drap et sabots. Ils n’ont pourla plupart aucune éducation militaire, maissont d’excellents chasseurs, capables devivre sur le terrain pendant plusieurs jourssans ravitaillement, en se nourrissant dece qu’ils trouvent sur place, et en dormant

à même le sol. L’imagerie a popularisé la silhouette du pay-san vendéen en sabots ou pieds nus, avecle chapeau de feutre sur la tête, le SacréCœur, la canardière à la main (long fusilpropre à la chasse). Le noyau permanent est constitué d’unedizaine de milliers d’hommes. Autrement,l’Armée catholique et royale génère un fluxd’allées et venues entre ceux qui l’intègrentà son passage, et ceux qui la quittent. Ilssont rejoints par des déserteurs de l’arméerépublicaine, des Suisses ou des Allemandsde l’ancienne armée royale. Parmi eux setrouvent aussi la cavalerie des Vendéens.L’improvisation est de règle. De 1500 à2000 cavaliers sans équipement (sansselle, sans étriers) montent des chevauxdisparates. Ils ne peuvent guère s’opposeraux dragons ou aux hussards ennemis quiont de bons chevaux, des harnachementset des équipements adéquats, des cui-rasses sur le torse pour se protéger descharges. Les armées vendéennes comptent peu defemmes dans leurs rangs. Quelques-unes,comme Renée Bordereau se sont habilléesen garçon pour combattre. Elle s’est dis-tinguée en Anjou pour avoir tué 21 adver-saires. »

3) L’armement (3, 4, 5)Les deux armées utilisent le fusil modèle1777, cette arme longue de 1,529 mètrea une portée efficace de 200 à 300 mètres,les Vendéens utilisent souvent leurs fusilsde chasse, très vulnérants à courte dis-tance, dont le projectile est une balle sphé-rique en plomb contenue dans unecartouche formée d’un papier mince et résis-tant. Elle était coulée sur place dans depetites forges de campagne, à partir deballes retrouvées et de divers débris deplomb (figures 1, 2, 3, 4).

Les baïonnettes à douille et virole de fixa-tion sont à lame triangulaire et mesurent0,38 mètre (figure 5). Les pistolets sontlargement utilisés tant par les officiers répu-blicains que royalistes.

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FIGURE 3 : Balle en plomb (fusil ou pistolet)(E. Cabot) Inrap

FIGURE 4 : Cartouche de poudre (M. Bibaut)

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mèrent qu’il y avait à la suite des brigandsplus de douze mille femmes, prêtres etautres personnes hors d’état de combat-tre ; que l’armée était harassée de fatigueet travaillée par la dysenterie. »

Cette troupe se dirige vers Le Mans. Aprèsde brefs combats, l’armée pénètre dans laville, les soldats dans un sentiment de sécu-rité boivent, s’enivrent, n’obéissent plus auxordres de leurs officiers et refusent de quit-ter la ville.Au matin du 12 décembre 1793, le géné-ral Westermann, resté tristement célèbrepar les atrocités qu’il a commises aucours de cette guerre, arrive aux portes dela ville, le généralissime Henri de LaRochejacquelein, secondé par Talmont,regroupe 3000 hommes et part à la ren-contre des Républicains. Après un succèsde surprise, les Vendéens doivent battre enretraite sous les coups des Républicainsauxquels sont venus se joindre des ren-forts.Les Vendéens se réfugient en ville, lesRépublicains lancent l’assaut et entrent enville à la tombée de la nuit. Le chaos règnealors, les combats de rue sont acharnés(figures 8 et 9).

Le colonel de Pontbriand (7) dans sesmémoires décrit ainsi ces évènements :« Rien ne peut égaler la confusion et le dés-ordre qui régnaient dans la ville, les ruesétaient remplies de canons, caissons, voi-tures, équipages de toute espèce, quiencombraient l’armée. Une multitude defemmes et d’enfants cherchaient leursparents et interrogeraient des gens qui neleur répondaient qu’en les interrogeant eux-mêmes. On ne pouvait même pas réussirà se faire indiquer la route de Laval. Leshommes, les chevaux morts, remplissaientles rues, et on ne marchait que sur descadavres, les cris des blessés, placés surdes voitures ou dans les maisons, com-blaient la mesure de cette scène d’horreur. »

Une partie de l’armée vendéenne parvientà sortir de la ville en battant retraite vers

FIGURE 6 : Sabre de cavalerie, républicain (M. Bibaut)

FIGURE 7 : Reconstitution d’un combat au sabrecourbe (Troupe Cœurs de Chouans)

FIGURE 8 : La bataille du Mans (Peinture de JeanSorieul, musée de la reine Bérengère, Le Mans)

FIGURE 5 : Baïonnette (M. Bibaut)

Laval, mais des milliers de Vendéens, pourla plupart non soldats, tentent de résisteren ville, dans des maisons, ou des caches,ils tiennent jusqu’au lendemain et sont fina-lement écrasés par l’armée républicaine.

La bataille tourne au massacre, les soldatsblessés, les femmes, les enfants sont arra-chés de force de leur cachette et sont mas-sacrés par les forces républicaines.Le massacre est tel que certains générauxrépublicains tentent de s’opposer, mais ilest trop tard, la situation est devenue incon-trôlable.

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FIGURE 9 : Le Vendéen (Peinture de JulienLe Blant)

Le sabre briquet, ou sabre d’infanterie àlame légèrement recourbée de 0,65 mètrede long est l’arme des sous-officiers répu-blicains, il est parfois récupéré par des sol-dats des deux armées (figures 6 et 7).

Les Vendéens, souvent paysans, sont armésde nombreux instruments agricoles, par-fois modifiés, ce sont des armes redouta-bles comme les faux « emmanchées àl’envers » ou « montées à rebours ».L’artillerie a peu participé aux combats duMans, sa présence agissant plus sur lemoral des troupes que dans la bataille, elleest cependant intervenue brièvement avecl’usage de boulets biscaïens ou mitraille.À l’issue de la « Virée de galerne » les restesde l’Armée catholique et royale, malade,affaiblie, épuisée, ralentie par la présencede vieillards, de femmes, d’enfants, de bles-sés et de malades parvient à rejoindreAngers sans pouvoir prendre la ville, puisse replie sur La Flèche le 8 décembre.Le général républicain Kléber (6) écrit à cepropos : « Les habitants de cette ville esti-

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FIGURE 10 : Charnier n°1 (E. Cabot)

FIGURE 11 : Charniers 8 et 9 (E. Cabot)

TABLEAU 2

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Adultes 15 à 18 ans Moins de 15 ans

Étude dentaire 109 (79,5 %) 23 (17 %) 5 (3,5 %)

Étude osseuse anthropologique

136 (85,5 %) 23 (14,5 %)

et des déroulements de combats différentspar quartier. Ainsi sont retrouvés des impactsd’armes à feu dans les fosses, majoritai-rement masculines, et des coups d’armestranchantes dans les fosses, majoritaire-ment féminines.

Étude ostéo-dentaire

Les crânes ont été nettoyés en préservantla présence de tartre. L’étude s’est effectuéepar examen direct des pièces, et les don-nées sont reportées sur des fiches indivi-duelles d’observation. L’état de conservation des pièces est trèsinégal. Le crâne de certains sujets n’a pasété retrouvé, seuls 137 individus ont puêtre examinés.La détermination des âges au décès par

CharnierTotal sujets

Totaladultes

Hommes FemmesSexe indé-

terminéTotal

immaturesSexeratio

% imma-tures

1 9 9 6 1 2 0 0,2 0

2 22 19 1 7 11 3 7 13,6

3 13 13 5 3 5 0 0,2 0

4 13 12 6 4 2 1 0,7 7,7

5 53 44 33 7 4 9 0,2 17,0

7 3 3 1 2 0 0 0

8 22 17 1 14 2 5 14 22,7

9 13 10 10 3 0 23,1

10 11 9 8 1 2 0,1 18,2

Total 159 136 70 38 28 23 0,5 14,5

TABLEAU 1

Analyse archéologiqueet anthropologique

159 sujets ont été découverts, et ils nereprésentent que 10 % de l’effectif total desinhumés dans le secteur.Une étude anthropologique révèle une forteproportion d’individus matures avec moinsde 15 % d’enfants inhumés. Les hommessont majoritaires (70 hommes pour 38femmes). On dénombre également 28sujets de sexe indéterminé. Les enfants, aunombre de 23, sont majoritairement d’unâge supérieur à 10-14 ans (21/23) etdonc socialement assimilables à des adultes(Tableau 1).

Les différences visibles entre les charnierslaissent supposer plusieurs recrutements

Dans ses mémoires Kléber (6) écrit : « Onne saurait se figurer l’horrible carnage quise fit ce jour-là, sans parler du grand nom-bre de prisonniers de tout sexe, de tout âgeet de tout état qui tombèrent en notre pou-voir. » Les rapports officiels de l’époque font étatde 2300 Vendéens tués à l’intérieur de laville, les études plus récentes font état de15 000 morts dont 5000 à l’intérieur dela ville et 10 000 sur la route de Laval.Les innombrables cadavres sont enseve-lis dans de nombreux charniers répartisdans l’ensemble de la ville.

Les charniers

Le site de fouille (8, 9)

Le site de fouilles se situe place des Jacobinsau Mans. Un décapage de la zone a per-mis de mettre au jour 9 charniers, et cettepremière tranche de fouilles archéologiquea pris fin en septembre 2010 (figures 10et 11).

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FIGURE 12 : Fiche individuelle de relevé destraumatismes

TABLEAU 3

Nous distinguons une « lame fine » d’une« lame épaisse » en nous basant sur l’écra-sement des berges de la plaie. Si l’os estmarqué, sans enfoncement, alors il s’agitd’une lame fine. En pratique, « lame épaisse» renvoie à un coup puissant, porté avecviolence. Nous considérons ainsi que lesprocessus osseux et les bases osseusestranchés net par un coup de sabre l’ont étépar une « lame épaisse ». Les coups portés à l’aide d’une baïonnette,provoquent des orifices triangulaires (lasection d’une baïonnette étant en forme de« T » retourné), ou ronds avec éclatementdes berges. Ils se distinguent des coupspar objets contondants. Un objet contondant est un objet qui écrasesans couper ni percer. Les coups portéspar un objet contondant comme une crossede fusil, écrasent l’os, le fracturent sur unezone diffuse couvrant une surface impor-tante (figures 13 et 14).

Les coups se répartissaient comme l’in-dique le Tableau 3.

Nous constatons qu’un individu a reçu 9coups ayant marqué le crâne. Les coupssont majoritairement donnés par une lame

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des méthodes dentaires ont donné desrésultats quelque peu différents de ceuxobtenus par des méthodes osseuses,comme l’indiquent les résultats suivants(Tableau 2).

Étude traumatologiquecranio-dentaire

Cette étude a fait l’objet de relevés sur desfiches individuelles (figure 12).80 individus seulement ont reçu au moinsun choc justifiant d’être relevé. Nous noussommes intéressés aux coups par armeblanche (sabre, couteau), arme piquante(baïonnette), arme à feu et objet conton-dant (crosse).

Coups surla tête

Avec lamefine

Avec lameépaisse

Avec armeà feu

Avec baïonnette

Coupsconton-dants

Face supérieuredu crâne

Côté DroitCôté

gaucheFrontal

Face postérieure

Moyennesur 137 sujets

1,7 0,56 0,9 0,08 0,036 0,108 0,22 0,27 0,33 0,3 0,54

Nombremaximumde coupspour unindividu

9 7 7 2 1 2 3 7 4 5 6

Totaux 233 78 124 11 5 15 31 36 45 42 74

Moyennesur les 80sujets

2,91 0,975 1,55 0,1375 0,0625 0,1875 0,3875 0,45 0,5625 0,525 0,925

FIGURES 13 ET 14 : Individu 819, ayant reçuun coup piquant de baïonnette et un coupcontondant de crosse de fusil (M. Bibaut)

FIGURE 13

FIGURE 14

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FIGURE 17 : Illustration des coups reçus du côtégauche (J.C. Tavernier, M. Bibaut)

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FIGURE 16 : Illustration des coups reçus du côté droit (J.C. Tavernier, M. Bibaut)

FIGURE 15

fine ou épaisse, particulièrement sur le côtégauche.Les jeunes hommes, plus robustes étaientachevés par de nombreux coups d’armesblanches. Trois des sujets ayant reçu leplus de coups ont moins de 18 ans.Pour mieux apprécier la traumatologieglobale de ce massacre nous avonsreporté l’ensemble des coups sur un seulschéma.Pour ce faire nous avons illustré différem-ment les traumatismes (figures 15 à 20).

Résultats et discussion

En ne prenant que les squelettes ayant reçusur le crâne des coups portés par lamesfines (sabres, couteau), par lames épaisses(hache), par armes piquantes (baïonnette),par armes contondantes (crosses, canon

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FIGURE 18 : Illustration des coups reçus de face (J.C. Tavernier, M. Bibaut)

FIGURE 20 :Illustration

des coups reçus sur lesommet du crâne

(J.C. Tavernier, M. Bibaut)

FIGURE 19 :Illustration des coupsreçus sur la facepostérieure du crâne(J.C. Tavernier, M. Bibaut)

de fusil), ou par des armes à feu, nousavons relevé 233 coups au total : • 78 dus à une lame fine • 124 dus à une lame épaisse (ou à unelame fine)

• 11 dus à une arme à feu • 15 dus à des objets contondants • 5 coups de baïonnette • Aucune trace de blessure par grenaille • 55 squelettes n’avaient aucune trace deblessure sur le crâne

Plusieurs réflexions se sont faites jour àl’observation de ces traumas ; nous enavons explicité quelques-unes et avonsessayé d’y apporter des réponses.

Pourquoi y a-t-il cinq arrachements de labase du corps mandibulaire du côtégauche et non à droite ? - Ce sont des coups directs donnés toujoursavec la même arme, sans doute un sabred’infanterie, porté par un droitier, se tenantface à une victime sans doute attachée, à

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genoux ou accroupie. Le coup était donnédans l’intention de tuer en tranchant le cou,la victime dans un réflexe ultime d’évitementayant penché la tête du côté opposé à ladirection du coup. Nous pouvons penserégalement à des coups de sabres donnéssur la base du crâne par un cavalier face àun fuyard, « dans le vif de la bataille ».

Pourquoi y a-t-il plusieurs arrachementsde la table interne de la mandibule dansla région angulaire ? - Ces arrachements sont sans doute dusà des coups d’achèvement à la baïonnetteparticulièrement dans la gorge sur les vic-times allongées sur le dos. Il pourrait s’agirde coups de cavaliers, mais l’interventiond’hommes à pied n’est pas à exclure, d’au-tant que les rues étroites du Mans en 1793ne laissaient que peu de place à l’inter-vention de la cavalerie.

L’arrachement des trois mastoïdes tran-chées net à gauche sont-elles associéesà l’arrachement des bases du corps man-dibulaire ? - Le mouvement de sabres arrachant lecorps mandibulaire peut avoir provoquél’arrachement des mastoïdes.

Comment expliquer la concentration decoups à droite, à gauche mais particuliè-rement sur la face arrière des crânes ? - La plupart des coups sont des coupsd’acharnement assénés sur des sujets à terre.

Comment expliquer les coups d’orienta-tions différentes sur un même sujet ? - Par la multiplicité des assaillants sur unemême victime.

Comment expliquer le nombre de coupsparallèles, jusqu’à six, portés sur un mêmesujet ?- Ce sont des coups d’acharnement.

Comment expliquer les éclats d’os sur lecrâne ? - Ils sont dus à des coups violents a prioridonnés par un cavalier qui ont dérapé sur

le squelette, la victime étant sans douteagenouillée.

Comment expliquer le nombre d’impactsde blessures par objets contondants surles blocs incisivo-canins ? - Ce sont des coups de bec ou de talon decrosse de fusil ou de crosse de pistolet,pour forcer les victimes soit à s’agenouil-ler soit à se rendre en un lieu destiné sansdoute à leur exécution.

Comment expliquer les impacts d’arme àfeu peu nombreux et répartis sur toutesles faces du crâne et particulièrement àl’arrière ?- Ce sont des marques de début d’exécu-tion à l’arme à feu de victimes regroupéeset non mises en file. Les victimes non tuéespar ses balles seront exécutées à l’armeblanche.

Les quelques traces de blessures dedéfenses retrouvées sur certaines victimesattestent des attaques violentes sur des

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Bibliographie

1 - TAVERNIER JC, LAFARGUE P, NEBENHAUS M.,CABOT E. Étude historique, archéologique etcranio-dentaire de victimes des massacres duMans en décembre 1793, CDF, 2013 ; 1567-1568 : 41-48.

2 - MARTIN JC. La Vendée des Blancs In Blancs etBleus dans la Vendée déchirée, Paris : ÉditionsDécouvertes Gallimard, 1986 ; 49-54.

3 - COLLET J. Introduction In Les Vendéens à LavalOctobre 1793, Cholet : éditions Pays et Terroirs,2009 : 5.

4 - COLLET J. L’armement In Les Vendéens à LavalOctobre 1793, Cholet : éditions Pays et Terroirs,2009 : 17.

5 - PUAUD J, MERY C. Les armes de la grandeguerre de Vendée, Chaumont, Éditions Crépin-Leblond , 2013, 119 p.

6 - KLEBER JB. Mémoires politiques et militaires,Paris Éd. Taillendier, 1989, réédition.

7 - PONTBRIAND de, Mémoire du colonel dePontbriand, tome 1, Paris, Éd. Plon, 1897.

8 - CABOT E, CHEVET P, DUCHESNE S. La batailledu Mans, apports archéo-anthropologiques àl’étude des guerres de Vendée, 10-13 décem-bre 1793, XXXe Colloque GALF, Dakar. Antropo2012 ; 27 : 15-22.

9 - CHEVET P, CABOT E, LE BOULAIRE C. Quinconcedes jacobins, Le Mans (Sarthe). Rapport dediagnostic archéologique, Inrap. S.R.A., desPays-de-la-Loire, Nantes, 2009, 96 p.

10 - BIBAUT M. Le massacre du Mans du 13 Xbre1793 Étude anthropologique et dentaire d’unepopulation, Thèse de Doctorat en chirurgiedentaire, Paris Descartes, décembre 2013.

Tous nos remerciements à La Troupe Cœurs de Chouans, [email protected] les reconstitutions historiques, à Mme O. Lafargue et à J. Guivarch,pour l’assistance photographique, et à F. Auffret pour sa collaboration à l’examendes pièces.

victimes désarmées ou faiblement armées. L’extrême violence des coups et leur mul-tiplicité en particulier sur la face, sur la man-dibule et sur l’arrière du crâne, attestent unacharnement et une volonté de mettre finà cette insurrection (10).

Conclusion

Nous avons montré par l’analyse dentaireque globalement cette population est com-posée de victimes adolescentes et de jeunesadultes. La localisation des coups portés àla tête, leur fréquence, leur intensité et leurtopographie indiquent que nous avons euà faire à un déchaînement de violence inter-personnelle, accompagné parfois d’achar-nement sur des personnes affaiblies, à terreou fuyant devant des agresseurs. Ces don-nées obtenues sur les crânes qui semblenten concordance avec certains textes, concer-nant le déroulement des combats au Mans,seront enrichies par l’étude traumatologiqueen cours sur le reste du corps.

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