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8/19/2019 MegeMorin - Ethique Et Filiation (1)
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Ethique et Filiation
Ethique et Filiation
Jeanine Mège-Morin1
INTRODUCTION
I - Quelques apports notionnels et éléments de présentation du cadre
de cette réflexion:
Idéologie, morale et éthique
Droit et règles morales
Filiation en droit, filiation en psychanalyse
Processus mentaux, trauma et traumatisme
Le niveau social et l'Inconscient
II - Pouvoir, savoir et éthique: Quelles relations peuvent-ils
entretenir?
III - Aperçu de l'évolution du concept de famille de l'époque romaine
à nos jours.
IV - Epoque actuelle: Une évolution sociale? Recherche des origines,
recherche de paternité
V.- Places de celui qui sait et de celui qui est supposé savoir
Histoire du pouvoir médical
Lien entre pouvoir et savoir.
1 CAMSP d’Aix en Provence, 4 avenue de Grassi, 13100 Aix en Provence.CMPP ARI République, 13 rue Trigance,13002 MarseilleCorrespondance: Jas Bello Viste, 3560,chemin des Lauves, 13540 Puyricard
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VI - Problèmes de filiation et problèmes éthiques
Echographie et I.V.G.
Adoption et P.M.A.
L'adoption ratée d'Oedipe
Filiation, Secret et Inconscient
VII.- Point de vue clinique: Au cas par cas, ou histoire singulière de
chaque Sujet
Comment un certain non-dit(?), déni(?) des origines est pourvoyeur de
symptômes.
Histoire de dossier ou ce que la nouvelle loi rend possible
Autres histoires singulières
CONCLUSION
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INTRODUCTION
Le travail que nous présentons est un ensemble de réflexions
et de questionnements sur les relations, conflictuelles ou non qui relient
aujourd'hui l'éthique et ce que l'on nomme "filiation".
Notre démarche s'inscrit dans une pratique, la psychanalyse, et vise à
confronter cette pratique aux avancées des technologies et des sciencesainsi qu'au croisement des règles édictées par le législateur et le juge,
autrement dit le droit. Elle veut se faire l'écho de certaines interrogations
qui commencent à préoccuper de plus en plus certains professionnels de
santé. Par exemple la loi française a récemment permis la consultation des
dossiers des enfants adoptés. Quelles transformations cette loi, au-delà des
aspects juridiques, introduit-elle dans les histoires individuelles, dans ce
qui relève de l'intimité de chacun?
Du point de vue psychanalytique, se repérer dans sa filiation permetentre autres de se repérer psychiquement et de se retrouver dans son
identité.
A notre époque, il existe un consensus pour dire également que la filiation
est distincte de la sexualité car amour n'est pas sexualité. “ Accepter sa
filiation, dit Tony Anatrella, c'est être capable d'aimer à son tour. ”2 Cette
coupure dichotomisante est-elle satisfaisante?
La clinique nous révèle le besoin vital de retrouver nos origines.
L'être humain ne peut assumer pleinement sa vie si quelque chose le fait
douter ou penser qu'il y a un “ trou ”, un blanc concernant ses origines.
C'est comme s'il manquait une page dans une histoire.
Il faut préciser que le droit et la psychanalyse n'ont pas les mêmes
pratiques, ni les mêmes objectifs. Ils n'interviennent pas sur les mêmes
plans. Le droit intervient sur le social-juridique, la psychanalyse sur les
affects, les émotions. Le champ biomédical vient parfois recouper les deux
champs précédents. Il se veut efficace, rationnel, ouvrant des possibles par
2 Tony Anatrella , Psychanalyste et spécialiste en Psychiatrie Sociale, Paris cours marseillais de 2002.
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exemple dans les traitements de stérilités, mais ouvrant également un grand
nombre de questionnements.
Avant d'aller plus loin nous nous interrogerons sur les différentes
notions que nous allons employer.
I- Quelques apports notionnels et éléments de présentation du cadre
de cette réflexion:
L’éthique, l’idéologie, et la morale semblent avoir à la fois des liens
et des frontières qui les différencient..
Idéologie, morale et éthique:
L'idéologie est une approche de la pensée qu’on associe à Condillac
et au dix-huitième siècle: c'est la formation des idées dans la conscience à
partir des sensations mues par la réalité extérieure. Condillac affirme que la
sensation est la source unique de nos pensées. On pourrait dire que
l'idéologie est l'ensemble des représentations mentales qui apparaissent dès
que les hommes nouent des liens entre eux. Les mythes, les religions, les
principes éthiques, les us et coutumes, les programmes politiques sont ou peuvent être dans ce sens là des idéologies.
L’éthique se veut différente d’une idéologie. Elle requestionne les
idées, les représentations existantes.
En ce qui concerne la morale, elle est définie par le Larousse de la
façon suivante: c’est “ l’ensemble des règles considérées comme bonnes de
façon absolue ou découlant d'une certaine conception de la vie et des
actions qui fonctionnent comme normes dans une société. ” La vertu
morale vient de l'habitude nous rappelle Aristote: “ Tout homme est père
de ses actes comme de ses enfants ”. Tout être humain est un être moral,
quoiqu'il fasse. Il peut être a-moral, moral ou immoral.
Pour Kant la morale ne se préoccupe pas du bonheur individuel,
personnel, mais de la vie en commun. “ Agis uniquement écrit-il d’après la
maxime qui fait que tu puisses vouloir en même temps qu’elle devienne
une loi universelle. ” Cette maxime est appelée impératif catégorique. C'est
un impératif librement consenti et non imposé par les lois. C'est un principe
qui doit s'imposer raisonnablement à tous.
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“ Comment la morale vient-elle à l'homme? ”3 A la fin du dix-
neuvième siècle, Durkheim4 dans son analyse du “ fait moral ” met l'accent
non pas sur l'acte et l'individu mais sur le contexte social, sur les règles de
la société (obligation et sanction). Il attribue à la conscience collective la
même fonction que les théologiens attribuaient à Dieu. A la même époque,
Nietzsche affirme que la conscience morale est le résultat d'une forte
contrainte sociale. La morale, pour lui, est une “ anti nature ” c'est à dire un
ensemble de principes mis en place par les faibles pour limiter la volonté
de puissance des forts4. Freud qui est également leur contemporain, pense
que c'est la famille qui joue un rôle important dans la création de la
conscience morale. C'est l'autorité parentale qui donne les premières
limitations aux pulsions5.
Voyons maintenant la notion d'éthique. Il existe des définitions qui
donne un sens identique à la morale et à l'éthique. Par exemple pour le
Larousse, l’éthique c’est ce “ qui concerne les principes de la morale ” Le
petit Littré définit l'éthique comme la science de la morale. La langue
française, en évoluant, a permis la dissociation de ces deux mots, éthique et
morale, qui pourtant se référent à la même étymologie. Pour Hegel, c'est
“ ce qui concerne l'organisation des rapports sociaux par opposition à la
moralité qui énonce les principes de l'action individuelle ” dans ce qu'ildéfinit comme “ l'ordre éthique ”.
On pourrait dire que l’éthique se dégage de l’idéologie et de la
morale. Elle se présente comme un mouvement de la pensée qui conduirait
l’être humain à se déprendre des pensées qui lui ont été apprises et à les
mettre en question. La morale serait un système de valeurs constantes.
L'éthique par contraste, pour J.F Mattéi, est avant tout un questionnement,
ce n'est pas une science. Ce questionnement se veut être en premier lieu
individuel. Pour Max Weber, on passe de l’éthique de conviction à
l'éthique de responsabilité. “ L'éthique de responsabilité gouverne l'homme
moderne et elle est le substitut du principe de justice éternelle ” dit J.F
Mattéi. Le questionnement deviendra questionnement de groupe ou encore
de société. L'altérité et la temporalité sont parties prenantes et participent à
l'élaboration des règles communes à décider en groupe. L'éthique se
différencie de la morale. Elle amène, après les questions posées, à prendre
3Revue Sciences Humaines , n°46, 1995
4 Durkheim 1858-1917.4 .Nietzsche 1844-1900 Généalogie de la morale 19875 Freud 1856-1939 Nouvelles conférences sur la psychanalyse Gallimard Idées NRF 1971
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position à partir de différents champs qui se croisent tel que le juridique, le
médical, l'économique, le psychanalytique, le scientifique, le politique, le
religieux etc auxquels chaque sujet humain va être confronté. Il s'agit de
trouver un équilibre entre la conscience individuelle et le fait de satisfaire
aux exigences de la communauté. Hans Jonas y ajoute un principe deresponsabilité: “ Fais en sorte que ton action soit toujours compatible avec
le maintien d'une vie sur terre. ”
André Comte-Sponville 6 propose deux définitions à partir de
Deleuze et Spinoza. “ Nous appellerons morale le discours normatif et
impératif qui résulte de l'opposition du Bien et du Mal, c'est l'ensemble de
nos devoirs. La morale répond à la question: “ que dois-je faire? ” Elle tend
vers la vertu et culmine dans la sainteté.....Nous appellerons éthique tout
discours normatif mais non impératif ou sans autres impératifsqu'hypothétiques qui résulte de l'opposition du “ bon ” et du “ mauvais ”,
considérés comme valeurs relatives: c'est l'ensemble réfléchi de nos désirs.
Une éthique répond à la question “ comment vivre? ”. Elle est toujours
particulière à un individu ou à un groupe. C'est un art de vivre: elle tend
vers le bonheur et culmine dans la sagesse. ”
Droit et règles morales
La recherche scientifique et ses dérivés ( les techniques qui endécoulent P.M.A., clonage, etc ) font des propositions aux hommes.
Lorsque ces propositions sont énoncées ou lorsqu'il y a changement de
normes sociales des questions se posent. L'homme s'adresse alors à d'autres
hommes, c'est à dire à la société. La science propose donc ses techniques
(ex clonage) qui vont plus vite que la façon avec laquelle avance la
conscience humaine. “ Toute techné dit Foldscheid s’inscrit dans un travail
civilisateur, qui instaure un ordre en équilibre mouvant ”.7 Actuellement,
nous sommes dans une révolution culturelle et un changement des normes
morales et sociales. “ La norme morale risque même de se dissoudre dans
la surabondance actuelle des normes sociales disparates, de type technique,
comptable, économique, juridique, ou administratif, qui se réduisent
finalement à des codes qu'il suffit d'appliquer pour être “ en règle ” et, par
là même, pour se dégager de toute responsabilité. ” (J.F Mattéi) 8.La société
devient une société de précaution qui a tendance à vouloir légiférer, à faire
en sorte que tout risque soit couvert. On demande au droit de règler toutes
6
Revue Lettre n°28 Printemps 91.7 Philosophie, Ehique et droit de la médecine chapXII8 Philosophie, éthique et droit de la médecine.chap VI. PUF. 1997
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les questions. Le fantasme, que toutes distorsions dues à l'erreur humaine
ou à la nature soient réparées, amène parfois les hommes à certains actes
qui ont plus à voir avec la toute puissance qu'avec une réelle réflexion
éthique.
Quant au droit, pour lui, le sujet humain est une abstraction. La personne humaine est au mieux le support d'un sujet de droit. Les progrès
de la génétique font resurgir les fantasmes d'accoucher et de mettre au
monde un enfant parfait, “ sans faute ”, en un mot, un enfant idéal. Les
recherches sur l'embryon amène le chercheur à se trouver au “ carrefour de
ses convictions intimes ” rappelle J.F Mattéi 9.
Quant à Aristote, voilà ce qu'il nous enseigne dans l'Ethique de
Nicomaque: “ La prudence est une disposition, accompagnée de raison
juste, tournée vers l'action et concernant ce qui est bien et mal pourl'homme. ” “ Les principes, en ce qui concerne l'action morale, sont la fin
en vue de laquelle l'action s'exécute. Celui qui est égaré par le plaisir ou la
peine cesse immédiatement de voir clairement le principe et le but de la
raison qui doivent l'engager à choisir et à agir en toutes circonstances. ”
“ C'est peut-être l'affaire d'une vie de passer de la loi qui nous tient à
la loi qui nous fonde ” dit M. Balmary10. Entre la loi juridique, la loi du
désir et des interdits il y a lieu de savoir, dans telle circonstance, à quelle
loi on se réfère. Voici un exemple clinique. Une femme raconte: “ Je viensde recevoir des coups par mon mari (les coups sont visibles) le médecin
m'a fait un certificat, ça fait des années que ça dure, je me hais moi-même
de ne rien dire, de rester dans cet état, est-ce que je dois aller à la police?
qu'est-ce que vous me conseillez? ” le tout dans un contexte où cette femme
est très déprimée et parle de ses idées suicidaires. Que doit faire, que doit
dire ou ne pas dire le psychanalyste devant le risque de passage à l'acte.
Il y a une différence entre le droit et les règles morales. Le droit, en
essayant d'évoluer et d'intégrer les avancées des idées nouvelles en arrive
parfois à des situations paradoxales et contradictoires. Il fixe les lois sur
lesquelles s'appuie la société mais il n'est que de se référer au grand débat
qui a eu lieu autour de l'arrêt Perruche pour s'apercevoir que les avancées
ne se font pas automatiquement en ligne droite. Voici une histoire qui se
passe avant que le divorce ne soit reconnu en Italie: Cette femme ne
s’entendait plus avec son mari et pourtant celui-ci voulait à tout prix un
9 Professeur de pédiatrie et génétique médicale, cours du 29 janvier 2002,Marseille10 Les lois de l'homme. Etudes. Juillet-Aôut 1991
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l'éthique utilitariste et de l'éthique déontologique. En ce qui concerne
l'éthique utilitariste, c'est le pourquoi devrions nous interdire si tout le
monde trouve.... son intérêt. C'est le cas de ce que l'on peut appeller des
mères de substitution ou "locations d'utérus". P.Le Coz, dans la revue
“ Forum ”13, nous dit encore, comment cette optique utilitariste raisonne:“ Au niveau de la recherche, l'investigation sur les embryons humains est
légitime puisque d'un côté, il participe du souci d'optimiser le bien être
collectif et que de l'autre, l'embryon manipulé est suffisamment précoce
(moins de quatorze jours) pour ne pas ressentir de douleur. ”. Quant au
raisonnement de type déontologique il “ s'organise autour de principes très
différents. Comme son nom l'indique, l'éthique “ déontologiste ” (du grec
déon: “ ce qu'il faut faire ”) se fonde non pas sur le droit au plaisir mais sur
le devoir du respect de la dignité de la personne....Nous ne pouvons vouloird'un monde où les hommes traiteraient leur corps comme un fonds de
commerce ”
Se poser une question éthique entraîne un mouvement interne qui me
rapproche de l'autre autrement que dans quelque chose qui sera codé par le
dire et le faire. Il s’agit d’une écoute, d’un respect de l'autre, d’un respect et
d’une acceptation de là où l'autre se trouve dans son cheminement. La
question éthique fait s’entrecroiser des discours qui viennent de champsdifférents. Tous sont réunis par le langage, sachant que la langue s’entend
différemment selon le champ où l’on se trouve.
Nous ferons appel à une petite vignette clinique:
Son enfant venait de subir une opération très grave où le processus vital
était en jeu. La maman est reçue par l'assistante sociale du service
quelques mois après l'opération. Celle-ci trouve que l'enfant devrait être
socialisé. Elle incite cette maman à faire la démarche d'inscription dans
une crèche. et parallèlement, elle lui retient une place. La maman est reçue
également par le psychothérapeute de l’équipe. Elle lui parle de sa forte
culpabilité à ne pas pouvoir faire la démarche pour socialiser son enfant.
Elle dit avoir affiché le téléphone de la crèche bien en évidence chez elle,
et pourtant elle ne peut pas. L'acte est impossible, malgré le sentiment
d'être coupable de ne pas le faire. Il fut nécessaire d’entendre que cette
maman était restée de longs mois sans pouvoir s'exposer et exposer l'enfant
13 L’espace éthique méditérranéen, n°5 septembre 2002
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au regard des autres. Elle ne pouvait pas psychiquement sortir de chez
elle.
Le questionnement doit avoir lieu mais il semble également
impératif de se poser la question :où en est l'autre? Même, si l'on pense
que, ce que l'on pense est bien pour l'autre, le risque pour le soignant est des'abriter derrière le savoir de sa profession. Il peut s’abriter également
derrière un autre savoir, anonyme, qui joue de sa puissance inconsciente.
Filiation en droit, filiation en psychanalyse:
Filiation en droit
La filiation en droit n'a rien à voir avec la sexualité et lareproduction. Elle est un lien de droit entre un père ou une mère et son
enfant. Ce lien de droit diffère selon les liens sociaux qui unissent les deux
parents. On parle de filiation légitime si le père et la mère sont mariés. La
filiation est dite naturelle s'ils ne sont pas mariés ensemble. Si l'un ou les
deux parents sont mariés la filiation sera cataloguée adultèrine simple ou
double. La filiation est dite incestueuse s'il y a un lien de parenté prohibé
par la loi (ex: père- fille, frère -soeur biologiques ou adoptés). La filiation
est adoptive quand elle est crée par un jugement, donc par la loi à lademande des futurs parents adoptifs donc par une demande usant de
l'artifice de la loi.
Il y a deux sortes de filiation en droit, la filiation légitime et
naturelle, et la filiation adoptive crée avec l'artifice de la loi. Pour celle-ci,
il n'y a pas besoin de preuves puisqu'il y a eu intervention du juge. Pour la
filiation légitime, il fallait avoir des preuves sociologiques. En ce qui
concerne la maternité, il n'y avait pas besoin de preuves puisque celle-ci est
prouvée par l'accouchement. Pour la paternité, les preuves sont plus
difficiles à fournir. “ La paternité, ça ne se diagnostique pas en France ” dit
D. Thouvenin par contre, “ on peut contester la paternité dans un délai de
six mois. ” “ Le droit ne crée pas la filiation biologique comme il le fait
avec la filiation adoptive; il reconnaît un état de fait. ” dit J. Foyer 14,.
L'article 312 du Code civil dit: “ L'enfant conçu pendant le mariage a pour
père le mari. ” Quant à l'article 319, il précise: “ La filiation des enfants
légitimes se prouve par les actes de naissance inscrits sur les registres de
l'état civil. ”
14 Professeur à l'université de Paris II
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Le Code civil et les lois évoluent en fonction des idées, des normes
sociales, des idéologies qui bougent, qui changent de place. Le terme de
filiation adultérine disparaît avec la loi de 1972. Il est remplacé par celui
d'enfant naturel, ce qui fut une révolution signifiante au niveau des mots
mais que l’on pourrait qualifier encore de frileuse. Qu’est-ce qu’un enfantqui ne serait pas naturel? A partir des années soixante-dix, la famille
traditionnelle, dite légitime, ne semble plus correspondre aux schémas
sociaux. A partir d'enquêtes menées sur l'évolution des familles, on note,
par exemple une augmentation des divorces, une diminution des mariages,
une augmentation de l'union libre et donc des naissances hors mariage,
ainsi qu'une augmentation des familles dites monoparentales. Le droit va
suivre l'évolution de la société ainsi que l'évolution des sciences.
Parallèlement, nous percevons également une évolution dans la notion defiliation. Le code civil, en 1972 dit que “ L'enfant naturel a en général les
mêmes droits et les mêmes devoirs que l'enfant légitime dans ses rapports
avec ses père et mère. Il entre dans la famille de son auteur. ” Il est donc
déclaré avoir une généalogie. Cependant, il semble que dans les héritages,
l'égalité ne soit pas la même selon que l'on soit “ naturel ” ou “ légitime ”.
De même, dans la société, certains cachent leurs origines, certains cachent
l'enfant né hors des “ bons principes ou affichés comme tels ”. La science
est une autre cause d'évolution du droit, par exemple, sur les recherches possibles de paternité. Actuellement, le droit utilise la notion de
consentement pour édicter les règles. Il est dit que sauf l'accord express de
la personne, aucune identification ne peut être réalisée. C'est par exemple le
cas d'Y. Montand14bis qui, de son vivant, n'avait pas consenti à la demande
de recherche de paternité. A ce non consentement a été associée une
violation de sépulture. Dans la Convention Internationale des droits de
l’enfant15, le droit de l'enfant à connaître ses parents s'oppose par exemple,
en France, à l'accouchement sous X. A qui va le droit? Qui va avoir accès
au savoir sur le “ d’où je viens, quelles sont mes origines? ” ou le droit “ à
ne pas pouvoir assumer de donner son nom comme mère de cet enfant? ”,
le droit en somme d'avoir le libre choix même si le choix de l'enfant
s'oppose à celui de l'adulte?
Filiation en psychanalyse
14bis acteur15 1990
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En psychanalyse, lorsqu'on parle du père, on parle des fonctions du
père et, pour la mère, des figures maternelles. Ces fonctions paternelles et
maternelles se situent dans l'ordre symbolique, c'est à dire dans ce qui fait
appel aux effets inconscients. Par rapport aux pratiques sociales et aux
pratiques juridiques, la psychanalyse apporte sa contribution pourcomprendre ce qui peut agir dans la praxis de la filiation. Autrement dit,
comment des comportements perçus à travers des actes concrets peuvent,
peut-être, se décrypter. Les avancées technologiques, “ le renouvellement
des pratiques, ne doivent pas faire oublier la part du sujet inconscient au
lien social et à la norme ”16. Les idéaux familiaux sont placés sous le
contrôle de la norme sociale ce qui ne les empêche pas d'être
"imaginarisés".
Au cours de son histoire, dans la construction de son roman familial,l'enfant comprend que le père est “ incertain ” alors que la mère, elle, est
“ certaine ”. Nous retrouvons une croisée de chemin avec le droit qui
affirme la certitude de la maternité alors que pour le père c'est ou c'était,
jusqu'à une époque récente, l'inconnu. Il n'y avait pas de certitude. Le droit
remplaçait la preuve biologique par un fait juridique, le mariage.
Actuellement pour que la preuve existe, il est nécessaire qu’il y ait
consentement de recherche de paternité.
Au moment du conflit oedipien, l'enfant se pose des questions sur safiliation. Certains enfants s'inventent même une généalogie royale. Ce
processus comme le note Freud, la mise en accusation des parents réels, est
nécessaire et devient un facteur d'émancipation. Les enfants vont alors
commencer à critiquer les parents. Freud dit que le progrès de la société
repose sur l'opposition de deux générations. Actuellement, nous aurions
tendance à évoquer plus de deux générations et à évoquer ce qui passe, à
l’insu des générations (secret, non-dit, déni), d'une génération à l'autre . La
théorie sexuelle infantile que l'enfant développe ne comporte pas de doute
sur ses origines quant à la mère même s'il lui invente des aventures. Le
père, au contraire, sera principalement celui dont il pourra douter. L'enfant
va pouvoir jouer avec ses “ deux objets parentaux ” dont un sera enclin au
doute. Cette chose inconsciente s'appuyant sur le doute va permettre de
nouer le sujet à son désir. Le doute sur le père comme géniteur va amener
la confrontation avec la filiation, filiation qui, elle, fonde l'identité. Ce
vacillement à l'égard du père c'est ce qui fait sa force symbolique. C'est
paradoxal et pourtant ce vacillement à l'égard du père permet
16 P.L Assoun Revue Anthropos/Economica 1994
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symboliquement un travail d'idéalisation. La puissance du père idéal est
rendue possible par la destitution du père réel. Ce vacillement à l'égard du
père permet aussi le deuil de l'idéal et par conséquent permet
l'identification. La position du père “ incertain ” introduit le sujet au
manque ....de savoir. Le manque c'est ce qui fait que tout ne devient pas besoin, que le désir du sujet puisse émerger, que le sujet se constitue.
Quant à la position de la mère, le sujet est pris dès l'origine dans le
lien maternel. Mais la mère pour être “ certaine ” n'en est pas moins aussi
inconnue.
C'est entre la loi paternelle et la dépendance maternelle que le sujet
advient à son propre désir.
“ L'ambivalence est un caractère essentiel des relations entre père et
fils ” écrit Freud dans “ Moise et le monothéisme ”. Le fils peut à la foishaïr et aimer son père. Avec la mère, il est dans un rapport de passion.
Envers toute autre personne, il faudra choisir entre l'amour ou la haine.
Avec le père, le fils est confronté à l'ambivalence et à son désir
d'identification; il veut à la fois être comme le père et en même temps il a
un désir de meurtre vis à vis de lui. C'est ce qui permet d'organiser une
place de sujet désirant, de faire face à l'angoisse de castration et de pouvoir
forger son Surmoi. Dans “ Totem et tabou ” écrit en 1913, Freud construit
le mythe du meurtre du père, fondateur selon lui de l'organisation sociale.Les fils tuent le père et le mangent. Ils renoncent à la mère et à toutes
convoitises à l'égard de leurs soeurs. Ils édictent les lois du groupe. Le
meurtre du père renvoie à la culpabilité et à la gestion des pulsions. En
renonçant aux pulsions, en instaurant le tabou de l'inceste, le champ de la
socialisation et la vie en société deviennent possibles. “ Le besoin sexuel
divise les hommes. Si les frères étaient associés tant qu'il s'agissait de
supprimer le père, ils devenaient rivaux dès qu'il s'agissait de s'emparer des
femmes. ” “ Avec l'acte meurtrier, aucun des fils ne pouvait réaliser son
désir primitif de prendre la place du père. Or nous savons que l'échec
favorise beaucoup plus la réaction morale que ne le fait le succès. ” Plus
loin, Freud ajoute que “ La famille est devenue une reconstitution de la
horde primitive. ”
Le sujet va pouvoir constituer son propre désir en s'appuyant, à la
fois, sur la loi et les interdits du père, et la dépendance maternelle.
L'élaboration au plan inconscient du conflit oedipien amène à la
constitution du Surmoi. Le Surmoi est comme chacun sait l'instance de la
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deuxième topique de Freud. Il sert de conscience morale et s'instaure en
grand ordonnateur des pulsions, du ça.
C'est parce qu'il y a doute au plan inconscient que la filiation peut se
bâtir et que le fils pourra avoir une descendance. Se repérer dans sa
filiation permet de se retrouver dans ses identifications, dans son identitésexuelle. C'est ce qui permet à l'être humain de se constituer en sujet.
Processus mentaux, trauma, et traumatisme.
Nous aborderons les mécanismes propres au fonctionnement mental
tels qu'ils ont été élaborés par Freud à partir de l'étude des symptômes et
des rêves. On ne peut pas dire que les rêves n'ont pas de sens mais qu'ils
sont soumis à un glissement incessant du sens. Ces mécanismes sontappelés: déplacement et condensation. Dans le déplacement, la
représentation le plus souvent d'apparence anodine peut se voir attribuer
toute la signification, toute l'intensité attribuée à une autre représentation.
Quant à la condensation, toutes les chaînes associatives de la pensée
viennent converger en une représentation unique. Il en est de même pour le
symptôme. L'inconscient parle à travers lui. C'est ce que Lacan a théorisé
en reprenant les figures rhétoriques de la métaphore et de la métonymie.
Trauma (qui vient du grec blessure) et traumatisme sont des termesqui viennent de la médecine. Le traumatisme est ce qui résulte du trauma.
La lésion ainsi crée, associée à une violence extrême entraîne des
conséquences sur l'organisme, sur l'ensemble de l'individu. Le traumatisme
“ psychique ” qui fait suite, vient directement menacer l'intégrité du sujet.
Il y a comme une espèce de symétrie entre le danger externe et le danger
interne. Le moi est attaqué du dedans par les excitations pulsionnelles
comme il l'est du dehors. Ces excitations sont au delà du tolérable, au delà
du supportable. Elles demandent à être liquidées. Cette situation
traumatique rend le moi de la personne sans défense. Le moi déclenche un
signal d’angoisse pour éviter d’être débordé par une angoisse dite angoisse
automatique qui envahit tout selon la force de l’événement traumatique.
Toutefois il est nécessaire de nuancer le rôle joué par l'événement
extérieur. Les événements externes qui font traumatisme, vont être liés aux
fantasmes qu'ils vont déclencher ainsi qu'aux afflux d'excitations
pulsionnelles. On pense aux rêves à répétition et au comment rompre cette
compulsion de répétition. On pense également aux symptômes qui
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surgissent après un traumatisme. (Pour ne citer qu'un exemple très banal on
citera l'insomnie).
Le niveau social et l'Inconscient:
Autres choses sont les non-dits, les secrets, les "mensonges" élaborés
pour le bien de l'enfant qui font traumatisme. Nous sommes sur deux plans
distincts et entremêlés: le plan de l’inconscient et le niveau social .D'un
côté, il y a l'organisation des fantasmes du père et de la mère qui participent
par exemple à la rétention d'un secret. Du côté social, il y a l'exigence de
normes qui passent par les idéaux parentaux et familiaux. Le social
demande également des preuves à la science, autrement dit aux
scientifiques. On sait que les chercheurs avancent par exemple dans ledécryptage de l'écriture génétique. Elle est mise au service de la loi que ce
soit pour la filiation ou pour les recherches sur les meurtriers. Devant la
possibilité offerte de manipuler, de créer de l'humain, et de devenir l'égal
de celui qui peut être appelé Tout Puissant, Dieu, Etre Suprême, tout
homme peut être confronté à la toute-puissance et au sentiment de toute
puissance .
Le sujet inconscient de la filiation doit rester dans le doute pour que
son désir advienne. Le sujet social ne veut pas de doute, il veut uneassurance “ tous risques ” ou “ sans risque ” ce qui nous fait penser au
principe dit de précaution. Avec ce principe, on est amené à agir par
anticipation sans attendre qu'une catastrophe advienne. P.L Assoun dit que
le “ sujet social semble chercher dans le corps de la femme une réassurance
du côté de la reproduction de la vie, d'où l'intérêt pour la problématique de
la stérilité et de la procréation dite “ médicalement assistée ” où, on
pourrait, sans risque, avoir le bébé de ses rêves, le bébé de ses fantasmes. ”
De façon générale, on peut dire que l'éthique n'est pas de l'ordre de la
loi. Elle se pose comme une question qui en appelle à la loi, au désir, au
droit. Elle remet en lien ces différents aspects et joue le rôle de résonateur,
de “ mêleur ” des idées questionnantes, qui renvoie au moi individuel et
collectif. Pour les professions qui gravitent dans le champ de la santé, il y a
un renvoi au code de déontologie, des médecins, des psychologues, etc qui
se veulent une garantie de soins pour l'usager, garantie de la dignité de la
personne, garantie du secret professionnel mais, les professionnels n’en
sont pas moins hommes et sont soumis à leurs pulsions, à leurs fantasmes.
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II Pouvoir, savoir, et éthique. Quelles relations peuvent-ils entretenir?
La réflexion éthique naît du doute et des incertitudes. Comment lesavoir peut-il se positionner face au doute? face au pouvoir? Les liens que
chaque individu entretient avec le pouvoir et le savoir sont à la fois de
l'ordre du conscient et de l'inconscient. Ces liens le renvoient à sa propre
histoire.
Que le savoir soit scientifique n'est pas suffisant pour qu'il puisse
être dit éthique. Tel soignant peut se poser la question de savoir si ce soin
est approprié et s'il doit le faire sans le consentement du soigné. Parexemple, en psychiatrie, lorsqu'il y a H.D.T c'est à dire hospitalisation à la
demande d'un tiers, ou H.O, hospitalisation d'office, on peut se demander
où est passé le consentement du patient? Mais un patient qui serait hors de
lui-même, faudrait-il son consentement? Faut-il soigner de force? On voit
que le changement de l'esprit de la loi de 1838 est passé à travers des mots-
supports dans le remaniement de celle-ci. En effet, la loi de juin 1990
transforme le terme de “ placement ” en celui d'“ hospitalisation ”. Par
ailleurs, il avait fallu attendre 1792, c'est à dire la Déclaration des Droits deL'Homme pour que le malade mental soit reconnu citoyen et malade.
L'évolution des idées obligent les lois à suivre mais, parfois avec un grand
décalage.
Le savoir met celui qui sait en position de pouvoir sur l'autre.
Pouvoir du savoir qui renvoie au secret, secret qui comme le rappelle
Geneviève Delaisi et Pierre Verdier 17 est défini par le fait qu'il s'agit d'un
savoir partagé, d'un savoir protégé, et d'une conduite d'évitement. ” “ Le
profane suppose l'initié. S'il y a secret, il y a confidence, c'est à dire
confiance. Quelqu'un sait, quelqu'un a, en dépôt, une vérité sur laquelle il
veille jalousement, mais qu'il partage néanmoins avec un autre...ou avec
Dieu. ” écrit V. Jankélévitch18
L'identité se construit par les liens que l'on développe avec les autres
mais tout commence avec un nom qui vient de quelqu'un d'autre, et ce
quelqu'un nomme le sujet. En psychanalyse,.cela s'appelle la nomination.
17L'enfant de personne18 L'Ironie, Paris, Flammarion).
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L’enfant est nommé. Il porte le nom du père qui lui même a été nommé par
son père. Nous retrouvons ainsi la chaîne symbolique des générations.
Il n'y a pas de prêt à porter dans l'éthique. Dans son ouvrage: “ Les
droits de la vie ” J.F Mattei écrit: “ Entre la loi morale et la loi civile, entre
l'éthique de conviction qui repose sur la foi et l'éthique de responsabilitéqui impose la loi, je ne suis pas sûr qu'il faille choisir ”. La pratique
clinique amène le clinicien dans des eaux troubles et tourmentées dont on
ne sait comment sortir....parfois.
Voici l'histoire de A
Sous le coup d'un événement traumatique (un départ brutal du
domicile familial avec sa mère vers l’âge de trois ans, et donc une rupture
brutale, aussi, avec son père si bien que l’au revoir du matin ne fut jamais suivi par le bonjour du soir) un enfant oublie tous ses souvenirs. Cet oubli
va se transférer sur tout ce qu'il apprend. Cet état de fait entraîne un échec
scolaire massif. On pourrait dire qu'il y a un retour de la violence contre
lui-même. Pourquoi s'était-il senti coupable? On ne peut exister sans
passé, sans souvenirs. Après une thérapie, puis la mise en place d'une
orthophonie en parallèle et d'un travail long et difficile mère-enfant, le
bouchon du traumatisme saute et l'enfant retrouve sa capacité à
apprendre. Il y aura un jugement de divorce. Pendant deux ans l'enfant neverra pas son père. Il sera amené à le rencontrer deux ou trois fois,malgré
les résistances de la mère. Celle-ci n'avait pas évoqué le fait que,
maintenant, elle vivait avec un compagnon. Suit l'annonce brusque qu'elle
va déménager. La séance suivant le déménagement, autrement dit
l'emménagement dans une maison commune avec le nouveau compagnon,
le compagnon fait un esclandre dans la salle d'attente, disant que tout va
bien maintenant, combien cela allait-t-il encore durer? (Sous entendu cette
thérapie!). Je propose de les recevoir la fois prochaine et d'en parler. Que
se passe-t-il la semaine suivante? Un nouvel esclandre dans la salle
d'attente. C'est le "beau-père", qui hurle que je lui manque de respect, qu'il
faut que je les reçoive immédiatement. En fait, arrivés en retard par
rapport à la séance de l'enfant que j'avais reçu à son heure habituelle, ne
les ayant pas aperçus dans la salle d'attente, dans le même temps je venais
de faire entrer le patient suivant dans mon bureau. Que fallait-il faire?
Que fallait-il dire? Où pouvait-on placer le respect de la personne entre
celui qui se trouvait dans mon bureau et celui qui se trouvait hors du
bureau, hors de lui-même?, et ce dans un temps où la réponse se devait
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d'être immédiate. Il m'avait interpellé en tant que personne manquant de
respect, en me mettant à une autre place que celle de soignant, en décalant
ma position. Par ailleurs, le tout venait redoubler la notion de respect car
de part et d'autre de ma porte se trouvaient deux cultures dont “ le
savoir ” me laissait fortement penser que ce ne serait plus un esclandremais un pugilat qu'il y aurait à gérer en fonction de la position prise. Que
faire? Que dire? Que devais-je entendre de celui qui se désignait comme
nouveau père, chef de sa nouvelle famille? occupant (?) la place du père de
l’enfant sous l’oeil approbateur de la mère? Que fallait-il entendre dans ce
raccourci du “ manque de respect ”? La réponse se devait d’être dans le
temps de l’immédiateté.
III.Aperçu de l'évolution du concept de famille, de l'époque romaine à
nos jours
La notion de famille se décline selon différentes définitions qui vont
de l'Antiquité à nos jours. L’histoire nous enseigne que les rôles et les
places des divers protagonistes qui constituent la famille ont évolué,
changé jusqu'au concept actuel de famille dont celui de famille
monoparentale..Dans la Rome Antique, la paternité biologique n'existait pas pour la
famille romaine. La fonction paternelle devait produire de nouveaux
citoyens. Le pater familias désignait le chef de famille. Celui-ci englobait
les membres des générations suivantes et les esclaves. Il était le protecteur
et avait tous les droits sur l'ensemble du groupe. Il ne désignait pas le
géniteur qui, en latin, se dit genitor ou parens. A la naissance, le pater
prenait le nouveau-né dans ses bras. S'il l'élevait, il devenait enfant légitime
et reconnu; s'il le mettait dehors, alors il devenait esclave ou il était
condamné à mort. Le pater familias avait la puissance paternelle. Le terme
de mater, lui, désignait la femme qui mettait au monde un enfant et qui le
nourrissait. On peut dire que les liens de filiation au père et à la mère
étaient asymétriques. Dans l'usage, il y avait des nourrices pour qu'il y ait
des liens et un attachement limité. Le père avait le pouvoir d'émanciper le
fils. Il pouvait adopter un adulte et en faire son fils-héritier.
En Occident, le père a eu un droit de vie et de mort sur ses enfants
jusqu'au IVe siècle après Jésus-Christ.
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Dans la famille chrétienne, la femme dont le modèle est la Vierge
Marie a une autorité supérieure au pater familias mais on peut dire que
l'Annonciation prévient le matriarcat, la mère se retrouvant sous la tutelle,
sous l'autorité de Dieu. Quant à Joseph, il devient un modèle pour celui qui
veut élever l'enfant d'un autre.La famille de l'Ancien Régime a pour fonction de transmettre un
patrimoine. En ce qui concerne le modèle aristocratique, l'importance
première est accordée à la lignée. Les dits "bâtards" ne sont pas exclus. Ils
sont élevés au château. Les enfants sont élevés par une nourrice. Le père et
la mère, du fait de leur rang, se doivent d'avoir d'autres responsabilités.
Lorsque les enfants sont plus grands, ils vont dans des institutions, ce qui,
du fait de la distance, vient renforcer le respect dû aux parents. Celui-ci est
une notion très importante. Elle passe bien avant les démonstrationsd'affection et de tendresse. Les rôles sont déterminés selon la place que l'on
occupe dans la fratrie. Les cadets entrent en religion ou à l'armée. Chez les
Paysans, on place les enfants comme domestiques. Le travail est une
condition de survie. On devient un exclu si l'on ne travaille pas.
l'infanticide est camouflé ou ritualisé.A la ville, les artisans, les
commerçants, sont dans la transmission de leur savoir. Ils transmettent leur
métier à leurs enfants. Le père est un enseignant. La mère s'occupe le plus
souvent de l'argent. La relation parents-enfants passe par d'autres liens, pard'autres tissages où les affects entrent différemment en jeu dans la relation.
C'est à travers ces couches moyennes de la population que s'est développé
une nouvelle conception de la famille. Pourtant la loi du père reste
pratiquement inchangée jusqu'au dix-neuvième siècle. Souvenons-nous des
lettres de cachet. Les philosophes des Lumières vont mettre en valeur les
droits de l'homme. Pendant la Révolution, quelques lois viendront limiter
l'autorité des pères de famille ( la puissance paternelle est abolie) mais le
citoyen est seul maître chez lui. Le mariage est un contrat libre. L’homme
se marie pour avoir des enfants. Vivre ensemble est la condition nécessaire
pour l’amour paternel. L'évolution tend à confier à la femme les soins à
apporter à la maison, à l'enfant. La gestion de la citoyenneté, le politique
reviennent à l'homme. La Révolution, à partir de son idée que la paternité
devait être volontaire, a revalorisé l’adoption pour que les citoyens soient
égaux devant le fait d’avoir ou non des enfants. La filiation ne se décline
plus à partir des liens du sang.
Progressivement va se dégager la famille bourgeoise et la famille
ouvrière. Dans la famille bourgeoise, le père délégue, laisse à son épouse le
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soin de s'occuper de l'éducation des enfants. On assiste à une diminution du
nombre d'enfants par famille pour faire honneur aux parents. L'autorité que
représentait le père se vide doucement de son sens. Mais, à la fin du dix
neuvième siècle, les avortements augmentent. Il semble que, ce qu'on
appelait alors les filles-mères (vocable utilisé jusqu'au trois quarts duvingtième siècle) soit un sous produit de cette famille bourgeoise. En effet,
il ne faut pas oublier qu'à cette époque il y a un interdit de recherche de
paternité, ce qui entraînait des abandons d'enfants. Voici un exemple de ce
signifiant “ abandon ” pourtant toujours aussi fort à notre époque: “ Il nous
a abandonné moi et mon bébé ”en parlant du père de l’enfant. Cette
phrase est énoncée par la mère et reprise par l'enfant de huit ans. Cette
enfant arrive à la consultation avec une inhibition et une absence
d'appétence pour la chose scolaire, ayant une idée obsédante: ma mèreveut m'abandonner. Sa mère, depuis quelques mois voulait refaire sa vie.
L'intolérable et l'horreur de l'abandon amenait l’enfant à rester bloquée
sur ce signifiant traumatisant “ abandon ” . Elle ne pouvait rien entendre
d'autre que “ l'histoire se répète, ma mère ne peut que m'abandonner ”.
L'obligation scolaire a démocratisé le savoir. Le savoir ou les savoirs
ainsi acquis ont portés atteinte au prestige du père.
L’état participe à la déchéance du père en légalisant en 1889 la
déchéance paternelle. Elle se fait au profit de l’Assistance Publique, c'est àdire “ l'Etat ” si le père est déclaré “ indigne ”. En 1935, c’est la correction
paternelle qui est supprimée. En 1972, l’autorité paternelle devient
l’autorité parentale.
Au vingtième siècle, nous arrivons à ce que l'on appelle la famille
Baby-boom. L'état ayant une politique nataliste, l'assistance sociale se
développe, les femmes passent sous le regard médical, les enfants sont
soignés. Il y a la création de la P.M.I.(Protection maternelle et infantile). Le
père est mis sur le côté de la route. En 1940, l'état crée les allocations
familiales afin, notamment que les jeunes se marient et fassent des enfants.
1968 apporte le fameux slogan “ un enfant si je veux quand je veux ” ainsi
que “ les femmes ont droit au travail ”, ce qui amène une journée double
pour les femmes, des liens différents avec les enfants et, bientôt, nous
assistons à l'apparition de la famille dite monoparentale, suivie de la
famille recomposée. Il y a une évolution que l'on peut qualifier de rapide.
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IV.Epoque actuelle: une évolution sociale? Recherche des origines,
recherche de paternité
Comment les relations au sein de la famille ont-elles évoluées? et
comment la réflexion éthique prend en compte cette évolution?“ Les droits de l'enfant ne peuvent pas faire obstacle aux droits de la
mère ”. Cette phrase qui se trouve dans la Convention Internationale des
Droits de l'enfant vient interpeller le droit français notamment avec
l'accouchement sous X. Elle remet en évidence qu'une histoire singulière
peut se lire selon plusieurs perspectives , que ce soit à partir du point de
vue de l'adulte ou de celui de l'enfant. On peut noter que les droits du père
ne sont pas signalés dans cette petite phrase.
Filiation renvoie à généalogie, à recherche des origines. Qui vont
être les passeurs de mémoire? les passeurs d'histoire?
Le nom de famille est au centre d'interrogations sur l'identification,
sur le rapport homme-femme, sur la relation entre les vivants et les morts.
Quels sont les enjeux conscients et inconscients dans la transmission du
nom? et dans certaines manipulations avec les non-dit? “ Le non-dit sur
l'origine entraîne des conséquences psychiques fragilisantes, voire
pathologiques ” évoque G. Delaisi19
. On rencontre, dans la clinique, desenfants ou des enfants devenus adultes qui portent le prénom de l'enfant
mort qui les a précédés dans la fratrie. Pour le nom de famille, que l'enfant
porte le nom du père ou ne soit pas reconnu par celui-ci entraîne des effets
inconscients qui seront différents et marqueront l'histoire de chaque sujet.
Il faut remarquer que se multiplie la pratique d'accoler le nom de la mère à
celui du père notamment lorsque la mère élève seule son enfant.
La recherche de paternité prend un autre sens à notre époque avec les
avancées scientifiques (ADN). Sous Henri II, il y avait une ordonnance qui
faisait obligation de déclarer les grossesses. On attendait l'accouchement, et
on sommait la parturiente de dévoiler le nom du “ séducteur ”. Parfois un
homme riche était désigné. Cette pratique amena un certain nombre de
“ mensonges ” qui augmenta tellement qu'à la fin du dix-huitième siècle les
juges ne poursuivaient plus les supposés innocents-coupables.
A notre époque, l'enfant qui ne ressemblerait pas à son père
risquerait d'être le révélateur de ce que la stérilité soit vécue comme une
tare. Actuellement l'I.A.D permet un simulacre de filiation naturelle. Le
19 L'enfant de personne
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futur père se trouverait-il placé dans le rôle de mari trompé? Le geste du
donneur est effacé par la loi puisqu'il est anonyme. L’article du code civil
(311-20) de la nouvelle loi de 1994 stipule: “ que le consentement donné à
une P.M.A. interdit toute action en contestation de filiation ou en
réclamation d’état, à moins qu’il ne soit soutenu que l’enfant n’est pas issude la P.M.A. ou que le consentement a été privé d’effet ”. L’enfant né par
P.M.A. est donc celui que les “ noces démontrent ”!
Cependant, on peut ressembler physiquement à son père et pourtant.
Il s'agit d'une patiente adulte qui raconte comment la phrase suivante la
poursuit encore maintenant: “ l'enfant née ne peut être l'enfant du père ” -
petite phrase assassine- énoncée à sa naissance. Son père, marin, était
parti depuis de nombreux mois lorsque la mère de la patiente accouche.
Cette petite phrase était distillée par la famille paternelle. Et pourtant, à lanaissance, elle ressemblait trait pour trait au visage paternel, celui-ci ne
pouvait renier la couleur de sa peau, et donc son enfant. Et pourtant, le
chemin va être long et difficile. Cette petite phrase, on peut penser que
toute petite, elle l'a entendue sans l'entendre c'est à dire sans qu'elle
prenne sens pour elle. Cette phrase a pris sens au sortir de l'adolescence.
Elle a le sentiment de payer cette naissance affublée de la petite phrase.
“ Mais pourquoi donc je voudrai tant, se demande-t-elle, que mon père me
dise: tu es ma fille?" Comment le comment du pourquoi attaché à une“ dite ” faute fantasmatique, généalogique ou réélle(?) peut-elle entraîner
un dysfonctionnement psychique?
L'enfant dont la naissance est entourée d'un “ secret ” (de quelque
sorte que ce soit, médical, dossier, familial), à quelles conditions assurons-
nous que cet enfant puisse raconter son histoire si certains passages,
certains morceaux de cette histoire se trouvent gommer, effacer ou porteurs
d'un secret. A quelle place se trouve “ englué ” l"enfant dont la naissance
est entachée de quelque chose d'illégitime par rapport à la loi, par rapport
aux normes reconnues dans sa famille, et à celles reconnues par la société.
Que se passe-t-il pour le sujet dit “ illégitime ”?.Le souvenir des histoires
que Guy de Maupassant racontait dans ses contes est toujours présent. La
femme qui impose à son mari l'enfant né d'une relation autre, la domestique
abandonnée avec l'enfant, ou encore, l'homme qui , pour avoir pris la
femme comme épouse, accepte femme et bébé.
Nous citerons l'exemple clinique suivant. C'est l'histoire de Mme M
et de son fils. La mère de Mme M avait été violée à l'âge de treize ans et
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avait accouché d'un bébé. Pour éviter tout ébruitement de cet événement,
elle fut mariée très vite par sa mère à un homme plus âgé qui, semble-t-il,
accepta le “ marché ” et/ou le “ pacte ”. Mme M enfant ne fut jamais
acceptée par cet homme. Elle passa une grande partie de son enfance dans
des institutions, en ayant des comportements délinquants. Lorsqu'elledécida de se marier, elle n'arrivait pas à se faire confier le livret de famille
de ses parents. Elle avait échafaudé différents scénarios possibles sur sa
naissance. Ce n'est qu'à l'âge de quarante ans passés, à l'occasion, si l'on
peut dire, d'un décès, celui de sa grand mère maternelle, qu'elle reçut la
levée du secret de sa naissance. Cette grand mère maternelle qu'elle
n'avait pas connue, voulait la voir avant de mourir pour lui dire quelque
chose. Elle voulait lui transmettre probablement le secret et le poids de ce
qu'elle même avait imposé à sa fille-c'est à dire à la mère de la patiente. Madame M a dû développer différents symptômes pour faire front à
l'existence dont celui de se sentir persécutée par sa famille et par les
personnes rencontrées dans son entourage. Celui-ci était prégnant et
résistant. Sa mère n'a jamais pu lui parler. Il est nécessaire de noter
également les symptômes de son petit garçon qui lui aussi développa des
comportements de violence puis trouva un autre mode , celui de se faire
punir partout, à la maison, à l'école, au centre aéré. Où est le coupable? et
lorsqu'on sait que ces choses conscientes-inconscientes se transmettent àtravers les générations et que ce qui n'a pas pu se dire revient s'inscrire
sous forme de symptômes, que peut-on essayer de mettre en place?
Comment la loi peut-elle intervenir?
Notre système était construit de telle manière que la “ paix des
familles ” était préservée. Mais quelle paix? La “ fille-mère ” portait
entièrement le poids de la charge sociale par rapport à l'homme qui pouvait
légitimement refuser sa paternité. Actuellement les femmes ont un pouvoir,
celui de décider ou non d'avoir des enfants, avec, bien entendu, un certain
prix à payer à la fois conscient et inconscient. Toutes les avancées
technologiques y participent (I.V.G., P.M.A., clonage, prélèvement
d'organes, congélation d'embryons, etc..). Jacques Testart, dans son cours
marseillais de janvier 2002 nous disait: “ L'éthique n'est qu'un moyen
d'éviter la violence technologique ”. Il nous propose une mise en garde
contre les dérives et les effets pervers de certaines découvertes. Par
exemple, penchons-nous sur la position de l'échographiste qui va pointer
telle dysmorphie. Nous sommes dans le temps prénatal, celui d'avant la
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naissance où tous les rêves, tous les fantasmes sont “ permis ”. Faut-il tout
dire se demande Nicole Philip20 lorsque certaines dysmorphies font partie
du patrimoine familial. On avait les grandes oreilles du grand père ou les
mêmes bras un peu courts de la grand mère. Il y a transformation d'un
caractère familial en maladie. Mais, parfois, certaines dysmorphies signentet révélent des syndromes plus graves. La réflexion éthique a besoin de se
développer pour chaque histoire qu'elle soit individuelle ou familiale.
L'enfant construit son identité sur les ressemblances psychiques et
physiques des membres de sa famille. Ces bases identitaires vont-elles
rester fondamentales et constantes pour le développement de l’être humain
par rapport à l’évolution de la société?
V - Places de celui qui sait et de celui qui est supposé savoir
Histoire du pouvoir médical
Le médecin est, à notre époque, considéré comme celui qui sait.
Dans la clinique, par exemple, dans une annonce où le diagnostic n'a pas
été trouvé, où l'on dit au patient que c'est d'origine inconnu, que c'est
indéterminé, que l'on ne sait pas, il est fréquent que le patient se révolte,
pense que le médecin ne veut pas dire, ne dit pas tout, qu'il cache quelquechose de grave.. etc.
Accéder à la profession médicale donne un pouvoir sur l'autre.
L'autre est dans une dépendance. Au début, le médecin soignait, puis il a pu
prédire avec par exemple, les vaccinations, et enfin, maintenant, il entre
dans l'ère de la médecine anticipatrice avec les recherches sur l'embryon,
sur le clonage.
Une petite page d'histoire sur l'évolution du pouvoir médical devient
intéressante afin de pouvoir suivre et comprendre les étapes et les méandres
d'un pouvoir qui s'entrelace avec le pouvoir étatique.
La société semble utiliser le médecin à son profit selon les époques.
A Rome, c'était le Pater Familias qui avait le rôle de dispenser les soins. Ou
encore, ce pouvait être un esclave qui soignait, ou un “ immigré ” (souvent
les grecs étaient médecins). Sous Maxime Sévère, la loi dite Cornélia
stipulait que le médecin coupable de la mort d'un patient devait être banni
ou subir la décollation.
20 généticienne
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Au Moyen Age, des procès sont intentés contre les médecins. Des
corporations de médecins voient le jour pour défendre leur pouvoir
(chirurgien barbier, apothicaire épicier..). Au douzième siècle, le
compagnonnage est remplacé par la création des universités de Bologne,
Salernes, et Montpellier. Le savoir est encadré et ne peut être divulgué quedans une structure.
A la Renaissance, le pouvoir des universités s'accroît. Les médecins
vont se réunir en académie où les échanges de savoir seront possibles.
Louis XIV va entrer en guerre contre l'université de Paris. Elle s'était
rigidifiée, probablement pour garder un contre-pouvoir par rapport au roi,
peut être également parce qu'elle n'acceptait pas le progrès. (exemple de la
circulation sanguine qui était contestée). Louis XIV va donc créer une
contre-université en créant le Jardin du Roy où il recrute les médecins les plus brillants, fait donner les cours en français, instaure la gratuité.
Cependant, les étudiants en médecine doivent toujours aller passer leur
diplôme à la faculté- ce qui laisse interrogatif sur la puissance du contre-
pouvoir universitaire. Avec l'édit de Marly, Louis XIV veut un
enseignement identique pour l'ensemble du royaume, mais il ne sera pas
obéi.
A la Révolution tout change à nouveau. La loi Hallard confisque
l'exercice de la médecine. Les médecins ne gèrent plus la santé. N'importequi peut s'installer. Puis, la loi Le Chapelier dissout toutes les corporations.
En 1803, Napoléon réinstaure le diplôme de médecin chirurgien
pharmacien et de l'officier de santé. Celui-ci officie à la guerre et dans les
campagnes. En 1892, une loi réforme la loi de 1803. Elle supprime
l'officier de santé, abolit le titre de docteur en chirurgie et crée le diplôme
de médecin et celui de chirurgien. Le médecin doit s'inscrire en préfecture
et il a obligation à déclarer les épidémies. Il est soumis à l état.
Les débuts du vingtième siècle représentent un âge d'or de la
médecine et la deuxième partie verra les médecins devenir plus efficaces.
Ils prennent rang de notables dans la société. Ils sont respectés. Le
vingtième siècle verra également les dérives idéologiques (nazisme,
communisme..) où le médecin devient le “ gardien de la race ”, où l'on a le
droit de supprimer les mal formés, les homosexuels etc...Les nouvelles
spécialisations et techniques médicales vont jouer le rôle de paravent entre
le médecin et son malade21. L'avancée sociale et l'égalité pour tous devant
la santé avec la création de la sécurité sociale va développer également un
21M. Balint
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versant à effets pervers que la société va devoir contrôler. Il s'agit de la
déresponsabilisation de la personne humaine face à son corps, face à la
maladie et /ou la santé. Yvan Illitch développe ce que l'on appelle la
iatrogénèse c'est à dire cette maladie que le médecin ou celui qui est en
position de pouvoir sur l'autre peut induire. La société, en voulant protégerl'homme ne le fragilise-t-elle pas?, ne l'exproprie-t-elle pas de sa santé?
Michel Foucault fait une étude approfondie de l'histoire de la
profession médicale après la Révolution. Il montre comment cette
profession a repris le rôle qu'avait auparavant le clergé. Elle a un pouvoir
sur les corps comme le clergé l'avait sur les âmes. Il y a glissement
pourrait-on dire et récupération du pouvoir. Celui-ci n'est jamais laissé
vacant dans la société. Les fidèles-patients devront se convertir à la santé
c'est à dire au salut. Dans une gravure-caricature du dix-neuvième siècle oùl'on voit un médecin et son patient, Daumier grave aussi la phrase qui suit:
“ Mon cher ami, je veux absolument te soigner ”.
Lien entre pouvoir et savoir par rapport à la santé du corps et à celle
de l'esprit:
A notre époque, nous assistons à une idéalisation de la santé qui
entre dans une idéologisation de la santé et dans le fantasme (?) et/ou laréalité (?) de faire reculer la mort.
La santé est vécue comme le bonheur sur terre qui remplace le
bonheur au paradis. Avoir ou penser posséder le savoir met dans une
position de pouvoir. Le médecin, en toute bonne foi, va dire à son patient,
je sais ce qui est bon pour toi. Il y a problème lorsque le médecin est
persuadé qu'il a raison, qu'il détient la vérité et que, pour le bien de l'autre,
il pense qu'il doit lui imposer ce qu'il pense être juste. On appelle cela de
l'intégrisme. On pense à certaines dérives: nazisme, communisme... Que
l'on s'occupe de soma ou de psyché, la position est identique. Le “ psy ” n'y
échappe pas. Le savoir prend donc une place particulière dans la relation de
soins.
Toutes les techniques, qu'elles se référent au corps ou à l'esprit sont
toujours à réinterroger. En dissociant sexualité et procréation la biologie a
ouvert la boîte de Pandore. Pouvoir et mégalomanie se sont mis à galoper.
Le droit donne par définition des limites à la tentation de toute
puissance des hommes. Scientifiques et médecins et autres peuvent être
tentés. L'utilisation de différentes parties du corps humain jusqu'à
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l'utilisation de cellules embryonnaires pourrait-elle provoquer dans la
société une rupture des liens sociaux les plus élémentaires comme les liens
de parenté?
Le droit et la biomédecine se construisent sur des orientations
différentes. Le droit se construit sur la recherche du juste; la biomédecinerecherche l'efficacité. S'il est utile de disposer de sperme pour
l'insémination artificielle, remède à la stérilité, est-il juste de procréer des
personnes à parenté confuse ou de réduire les donneurs à des étalons
irresponsables? Dans le domaine de l'économie, le corps humain est une
ressource, voire une matière première à consommer ou à produire. La
personne humaine, par le biais de la matière biologique humaine, se
retrouve objet de marché (vente d'organes, prêts d'utérus, femmes
porteuses.etc..)Information et connaissance sont nécessaires au jugement. Or la
vision quasi religieuse de la médecine et de la science rend difficile la
recherche d'informations objectives. Il s'en suit parfois que la loi cède aux
pressions médiatiques du moment (exemple des différentes variations dans
l'arrêt Perruche). Quel arbitrage mettre en place lorsque l'on est confronté
entre le droit aux soins du malade et le droit d'expérimenter sur lui(?), entre
le traitement de la stérilité et le droit de l'enfant à une parenté identifiant un
père, une mère sans confusion, entre dire et mi-dire de certains dossiersmédicaux (celui du praticien et celui communiqué au patient). La loi ne se
doit pas de réglementer dans le détail mais de poser les cadres et les
principes qui pourront être repris par un droit gestionnaire.
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VI.Problèmes de filiation et problèmes éthiques
Echographie et I.V.G.
Les questions de filiation débutent, tout au moins techniquement,avec l'image révélée par l'échographie. Lorsqu'une malformation est
détectée (quelle soit majeure ou mineure au regard de la société, et par
rapport à l'histoire familiale) l'équipe concernée est toujours en position
d'intrus. Tout le monde a les yeux fixés sur le foetus, la mère peut se vivre
comme étant un lieu de dépot, un lieu de passage. Winnicott dans “ De la
pédiatrie à la psychanalyse ” parle des trente deux raisons de haïr son bébé.
Les équipes sont soumises à des mouvements très violents entre, par
exemple, l'avis maternel du matin et l’avis maternel du soir. L'attaquenarcissique peut entraîner de grandes violences. Etre enceinte amène des
remaniements identitaires. Michel Soulé22 parle de la “ dette de vie ”.
Lorsque le foetus ne répond pas aux attentes parentales, à tout ce qui a été
projeté sur lui, il ne répond pas à la dette fantasmatique. Il peut y avoir une
déferlante de sentiments agressifs inconscients qui peut se traduire par une
demande d'interruption de grossesse. La haine peut également se
déclencher dans les équipes où les soignants se sentent impuissants : telle
mère qui veut interrompre sa grossesse alors que la malformation estminime et telle autre qui veut continuer avec une malformation grave. La
haine se cristallise et devient envahissante. Ce que la clinique nous
enseigne, c'est que l'histoire ne s'arrête pas à l'IVG. Le bébé qui viendra par
la suite dans cette famille sera porteur en positif ou en négatif de cette
histoire qui l'a précédée.
Par ailleurs lorsqu’on “ sélectionne ”, que l’on dit c’est un bon ou un
mauvais embryon, non ne peut que penser au modèle de l’eugénisme.
Galton voulait une société d’hommes parfaits. Quelle est la part du
fantasme de toute puissance dans cette demande de perfection ? et
comment cela peut-il être pris en compte dans une équipe et sur le plan
sociétal.
22Psychiatre. Paris
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Adoption et P.M.A.
Ce qu'il y a de commun entre l'adoption et certaines procréations
médicalement assistées c'est que la filiation ne se fonde pas surl'engendrement. Les parents ne sont pas les géniteurs mais tout le monde
accepte l'idée qu'ils n'en sont pas moins pour autant les parents. Les rôles
des géniteurs et des parents ne sont pas les mêmes mais les deux ont
existés. L'enfant n'a qu'une histoire et il est préférable qu'il n'y ait pas de
trou, de non-dit, de mensonges, de secret, dès l'origine. A qui profite le
secret? L'enfant est privé d'une part de son identité, il n'est pas nommé.
“ Dans toutes les histoires de filiation, derrière le secret officiel, il faut en
chercher un autre que ce premier redouble et cache et qu'il a sans doute pour fonction de commémorer en le dissimulant ” écrit P.Bourdier 23.
Est-ce fantasmes, peurs fantasmatiques qui s’expriment pour justifier
l'anonymat des donneurs dans les P.M.A.? “ Si je me retrouvais avec des
enfants inconnus demandant une reconnaissance de paternité? ou de
maternité? ” “ C’est l'idée d'avoir des enfants inconnus qui un jour
pourrait apparaître dans ma vie”. “ Je n'aimerais pas que mon mari soit
donneur car je n'aimerais pas que mon voisin ait des enfants qui
ressemblent à mon mari.”. Pourquoi la loi a-t-elle opté pour adopter leglissement, la substitution du sperme d’un donneur anonyme à celui d’un
homme stérile, à celui d’un mari stérile? L'Etat moderne est-il à nouveau
entraîné à tenter de contrôler l'adultère et les passions-pulsions qui peuvent
devenir dévorantes? Des histoires de “ donneur ” et de stérilité, voilà fort
longtemps que l'on en connaît, anonyme ou non. Il y a ainsi celle du
“ coiffeur ” citée par Françoise Dolto dans “ Inconscient et destins ” Un
adolescent de quatorze ans lui est adressé parce qu’il souffrait de
compulsions obsessionnelles. qui l’empêchaient d’accomplir un acte
jusqu’au bout. Par exemple, pour s’habiller, il lui fallait plus d’une heure
car après chaque objet touché il devait souffler. Voici l’histoire de sa
naissance: Son père, enfant de l’Assistance Publique, et sa mère, n’ayant
pas d’enfant consultent au bout de quelques années de mariage. Le
gynécologue n’informe que la femme de la stérilité du mari: "si vous
voulez donner un enfant à votre mari, il faut recourir à la fécondation
artificielle, ou se faire faire un enfant par quelqu’un d’autre." Elle choisit
son coiffeur, lequel fut consentant. Mais il ne lui fut plus possible d’avoir
23 psychanalyste
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des relations sexuelles avec son mari. Le mari développa une obsession:
que son fils soit impeccable, qu’il ne fasse pas de désordre dans la maison.
Il rectifiait tout ce qui ne lui semblait pas à sa place. “ Un jour, dit F.
Dolto, le garçon me parle des manies de son père et que ce n’est pas
étonnant que lui, ait des manies puisqu’il est, n’est ce pas? le fils de son père. ” Elle lui demande d’en parler avec sa mère ce qu’il ne peut pas
faire, pas plus que sa mère n’avait pu lui en parler. C’est F. Dolto qui va
lui raconter son histoire. L’adolescent va dire, mais alors je n’ai pas
besoin d’avoir des manies si je ne suis pas son fils, mais mon père je l’aime
encore plus. Puis, il a été voir la tête du coiffeur et a dit: heureusement que
je ressemble à mon père légal!
La permission de “ respirer ” lui fut accordée par la levée du secret
dans le cadre d’un cheminement. Que se passera-t-il pour ces 20000enfants nés d’I.A.D.? On sait qu’un secret peut être gardé toute une vie
mais on sait également qu’il y a toujours quelqu’un qui connaît le secret!
Par rapport à la filiation, que deviennent les embryons surnuméraires
frères et soeurs de ceux qui ont été implantés? A partir de quand un
embryon fabriqué dans une éprouvette entre-t-il en résonance avec
l’histoire particulière du couple demandeur d’un bébé? Les fantasmes et
imaginarisations de toutes sortes sont à prendre en compte et à intégrer au parcours difficile que les couples demandeurs ont à franchir, que ce soit
techniquement et/ou psychiquement. Le soignant, (mais est-ce de l’ordre
du soin?) qui les reçoit, comment va-t-il gérer ses propres projections
inconscientes face à cette recherche de descendance, face à cette recherche
de donner et transmettre un héritage, face à cette nouvelle forme
d’adoption. Ce qui renvoie aux histoires familiales de chacun. La technique
amène chacun sur d’autres interrogations.
L'adoption ratée d'Oedipe
Reprenons les propos de Geneviève Delaisi De Parseval sur ce
qu'elle appelle l'adoption ratée d'Oedipe.
Le mythe d'Oedipe met en évidence les deux tabous sur lesquels se
fonde notre société, l'inceste et le parricide. Robert Graves dans son
ouvrage “ Les Mythes Grecs ” explique l'histoire de Laïos, Jocaste et
Oedipe. “ Laïos, affligé de ne pas avoir d'enfant consulta secrètement
l'oracle de Delphes. Tout enfant né de Jocaste serait l'instrument de sa
mort. Il renvoya donc Jocaste sans explication. Celle-ci, après l'avoir enivré
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l'attira encore une fois dans ses bras. Quand, neuf mois plus tard, Jocaste
mit au monde un fils, Laïos l'arracha aux bras de sa nourrice, perça ses
pieds d'un clou et, les ayant attachés, il l'exposa sur le mont Cithéron. ” Des
bergers recueillirent l'enfant et le donnèrent à un autre couple Polybe et
Mérope, rois de Corinthe, qui étaient sans enfant. A notre époque, on parlerait d'adoption plénière c'est à dire une adoption pleine et entière où la
filiation d'origine est gommée. Un jour, un Corinthien railla Oedipe, lui
disant qu'il ne ressemblait pas à ses parents. Lorsqu'Oedipe apprend l'oracle
de Delphes, “ Tu vas tuer ton père et épouser ta mère ”, il est dans
l'ignorance de ses origines. Il s'enfuit de Corinthe. Les circonstances vont
faire qu'il va tuer son père de sang, Laïos, en ignorant qui est l'homme qu'il
tue. Le “ destin ” fera qu'il donnera la bonne réponse à l'énigme posée par
la Sphinx. Les Thébains, débarrassés de la Sphinx le proclamèrent roi et ilépousa Jocaste sans savoir qu'elle était sa mère. “ La place prépondérante
du mensonge, du non-dit, du secret, se présente comme une condamnation
claire de l'organisation des filiations anonymes ou maquillées, comme une
dénonciation des effets pervers des secrets de filiation, également comme
une désignation de l'anonymat comme symptôme d'une démarche
captatrice d'un enfant. Elle dénonce la volonté de certains adultes de
manipuler l'histoire d'un enfant à leurs fins propres, en faisant un enfant-
objet et non le sujet de son histoire. ”24
Par ailleurs, cette “ manipulation ”, à la fois consciente et
inconsciente, de l'histoire du sujet, ne s'arrête pas à lui. La clinique nous
enseigne que les enfants “ héritent ”, en quelque sorte, des secrets
concernant les générations précédentes. Laïos avait eu une malédiction des
dieux pour avoir enlevé le jeune Crysippos et avoir eu avec lui semble-t-il
une relation homosexuelle. Le châtiment était qu'il ne devait pas avoir de
descendance. Par ailleurs, on sait que les enfants-frères d'Oedipe ont eu des
destins difficiles. Antigone, sa fille, avait, en secret, voulu donner une
sépulture à son frère Polynice malgré l'interdit posé par Créon, représentant
des lois de la cité. Le fils de Créon, Haemon, fiancé à Antigone, désobéit
aux ordres de son père. Ses ordres étaient les suivants: enterrer Antigone
vivante dans le tombeau qu'elle avait élevé pour Polynice. Les deux amants
se marièrent secrètement, eurent un enfant qui fut condamné à mort par son
24 G.Delaisi De Parseval,in Khaïat actes
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grand père Créon. Antigone et Haemon se donnèrent la mort. Cette histoire
nous enseigne sur certains arrêts de descendance dans certaines familles25.
Filiation, Secret et Inconscient
Le secret, selon les circonstances de sa levée, peut faire trauma ettraumatisme.
Voilà une autre façon de “ forcer ” la filiation, ou encore d'utiliser les
nouvelles technologies apportées par la science
Le mercredi 10 avril 2002, le journal “ Le Monde ” publiait l'article
suivant: “ Un couple de sourdes fait naître un enfant sourd. Lesbiennes,
elles veulent transmettre la surdité en héritage ”..La banque de sperme
avait expliqué que les pathologies étaient évitées dans le choix des
donneurs. Elles ont trouvé un donneur à leur convenance. “ Alors que de plus en plus de parents cherchent à détecter les risques de maladie
(pratique déjà controversée) ce couple a fait le choix inverse; la recherche
d'un handicap. Cependant certains sourds pensent que la surdité n'est pas
un handicap mais “ une identité culturelle ”. Il s'agit du mouvement de la
“ deaf culture ” (fin des années 80, né aux Etats Unis) qui rejettent la
vision pathologique de la surdité. Il considère cette vision comme
oppressive. Les partisans de ce mouvement expliquent que la culture des
sourds est une culture à part entière avec ses valeurs et son histoire.Autre histoire arrivée en France, dans un département voisin. Une
femme, ménopausée va aux U.S.A. Implantation d'embryon grâce au
sperme de celui dont on apprendra plus tard qu'il est son frère. Par
ailleurs, elle loue une femme porteuse qui lui avait donné les ovules. Elle
revient en France avec deux bébés. L'assistance sociale française se
déchaîne. On parle d'inceste, d'enlever les bébés ou tout au moins celui
issu de l'utérus de la mère-soeur du père. Là encore, quel va être le mieux
pour ce bébé? va-t-il être élevé par ses parents-frère-soeur? ou deviendra-t-
il un enfant en errance de parents que lui trouverait l'Etat? On peut dire que
de toute façon la filiation sera malmenée. L'inceste est une manipulation
des places et une mise en cause du système de parenté. Pourtant, même
l'enfant maltraité par ses parents préfère rester avec eux!
Le secret peut, même en ne se dépliant pas complètement, devenir la
vérité du sujet, c’est à dire celle qu’il va s’approprier pour construire sa
vie. Dans l’exemple du “ coiffeur ” de F. Dolto il est à remarquer que le
secret ne sera pas révélé au père par le fils, de même que la mère, autorisée
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par le gynécologue ou s’étant senti autorisée, n’avait rien dit à son mari.
Chacun a une histoire singulière; le “ tout dire ” n’est pas forcément ce
qu’il faut faire, de même que le “ rien dire ”.
VII- Points de vue clinique. Au cas par cas, ou histoire singulière de
chaque sujet
Comment un certain non-dit(?), déni(?) des origines est pourvoyeur de
symptômes
Les origines, nous pouvons les entendre comme généalogiques et/ou
génétiques.C’est l’exemple d’une annonce génétique concernant un enfant par un
médecin généticien. Celui-ci demande que les parents de l’enfant posent
des questions aux générations précédentes afin d'affiner le diagnostic. Or,
ce qui semble être une routine va entrer en résonance avec l'histoire
familiale et ce depuis le mariage des parents de l'enfant, bien avant la
naissance de cet enfant. Cette jeune mère était reçue en consultation
régulièrement depuis quelques séances. Son discours était le suivant.
“ J'étais déjà très coupable d'avoir fait naître mon enfant avec cette pathologie. Ma belle mère n'arrêtait pas de me dire que c'était de ma faute.
Mon mari ne croyait pas que sa mère puisse m'accabler ainsi. Il ne me
soutenait pas.” Dans la belle famille de cette jeune femme il y a des signes
visibles non seulement sur le corps du père de l'enfant mais sur celui de la
mère du père de l'enfant, ainsi que sur un autre de ses enfants. La grand-
mère maternelle aurait eu aussi cette anomalie. La mère du mari nie tout et
continue d'accuser la jeune femme. Ce fut au tour du mari d'être très mal
car lui reconnaissait les marques qu'il avait sur son corps. C'était la
signature de sa paternité par la pathologie. C'était la mise à jour des
comportements de sa mère vis à vis de sa femme qu'il n'avait jamais voulu
entendre. C’était le renvoi à des comportements de repli sur soi qu’avait
eu son épouse.
Par ailleurs, cette femme se demandait comment pouvoir avoir
d'autres enfants, que sa descendance ne soit pas arrêtée par la pathologie.
S’agissait-il uniquement de la pathologie dite génétique? Comment faire
pour que la chaîne des générations y survive? S’agit-il de non-dit, de
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secret, ou de déni de la réalité? Freud parle du déni comme d’un mode de
défense, d’un refus de la réalité d’une perception traumatisante.
Il est heureux de constater que cette jeune femme a utilisé le lieu de
parole qui lui avait été proposé. Le généticien pouvait-il se douter que ses
questions banales dans le déroulement de sa recherche etl'approfondissement des causes de la pathologie allait déclencher un
ouragan familial. Peut-être que la question éthique reste, dans ce cas, la
question de la recherche à tout prix, à quel prix? Et qui paye le prix? La
technologie peut parfois désigner “ le coupable ” et/ou devenir le support
de sentiments de culpabilité. Quelles sont les conséquences? Les
“ révélations ” doivent-elles être accompagnées? différemment? comment?
Histoire de dossier ou ce que la nouvelle loi rend possibleCeci est un exemple de ce que la nouvelle loi sur l’ouverture et
l’accès aux dossiers des enfants adoptés peut rendre possible.
C’est l’histoire d’une femme, mère de trois enfants, chacun d'un père
différent. Cette femme a été amenée à consulter pour son deuxième enfant.
Celui-ci présentait des comportements bizarres à l'école Maternelle. IL
avait également des accès de violence. Cette femme avait été amenée,
pendant sa troisième grossesse, à demander la consultation de son dossier
d'adoption. En effet, elle avait été adoptée tout bébé. Les rapports avec ses parents (dits adoptifs) avaient été et étaient toujours houleux, notamment
avec sa mère. Elle précisait que l'ouverture du dossier avait été une
ouverture pour elle. Elle avait permis qu'“ une page blanche de son
histoire retrouve le texte ” “ Pourtant ajoutait-elle, après avoir retrouvé
ma mère de naissance il n'était pas question d'avoir une quelconque
relation avec cette femme. Ma mère c'était ma mère. Ma famille c’était ma
famille, pas celle de cette femme ”.Les conséquences du non savoir avait
déjà modelé son histoire , celle de ses trois enfants et des trois pères
différents avec qui les relations étaient pour le moins plus que délicates. Le
travail analytique lui a permis de faire une approche différente du troisième
homme, du troisième père. Ce travail lui a permis d'élaborer et de donner
sens à ce que l’ouverture du dossier lui avait révélé de façon “ brute ” et
peut-être pourrions nous dire brutale, sans écart avec cette révélation. (Ce
qui nous fait penser à certaines annonces diagnostic qui se révélent être de
“ dangereuses ” sources de conflit éthique.)
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