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« POUR RIEN AU MONDE, JE NE CHANGERAIS MA PLACE EN SÉLECTION DU MAROC » MEHDI BENATIA Le capitaine des Lions de l’Atlas vit un véritable tournant dans sa carrière. Plusieurs clubs étrangers tentent de s’arracher ses services depuis qu’il a émis le désir d’évoluer sous d’autres cieux. Mais dans l’immédiat, c’est le grand rendez-vous des éliminatoires de la Coupe du monde 2018 qui attend Mehdi et l’équipe nationale marocaine pour décrocher leur ticket pour Moscou. L’Officiel Hommes : Après l’annonce de votre départ du Bayern cet été, la rumeur vous voyait partout : en Angleterre, mais aussi en Italie… Pour vous aider dans votre choix, vous diriez que vous êtes plutôt pudding ou tiramisu ? Mehdi Benatia : Pour avoir joué plusieurs années en Italie, je dirais tiramisu ! En ce qui concerne les différentes rumeurs, c’est vrai que j’étais très sollicité mais je me suis finalement engagé avec la Juventus de Turin. Vous avez grandi à Évry en banlieue parisienne où vous avez fait vos premières armes. Mais c’est à l’étranger qu’on vous remarque et vous engage. Les clubs français sont-ils passés à côté ou est-ce encore un ratage de l’intégration ? On va dire qu’à l’époque en France, on ne m’a pas fait autant confiance que je l’espérais... En Italie par exemple, on ne regarde pas ta nationalité ou l’endroit d’où tu viens. Si tu es performant, on te donne ta chance. Justement, la chance vous y croyez ? Sinon, trois quali- tés qui ont contribué à votre réussite. La chance, elle se provoque. Pour ce qui est des facteurs qui m’ont permis d’avancer, je citerai le travail, la rigueur et le mental. D’Évry à la Budensliga puis aujourd’hui à la Juve, quel superbe parcours pour un enfant de la banlieue. Quel effet cela vous fait-il d’évoluer à un si haut niveau sur- tout après tous vos déboires causés par des blessures ? C’est magnifique ! Si vous proposez à n’importe quel gamin de 15 ans de signer pour ce genre de trajectoire, il signe des Après un an passé à l’AS Roma où il n’a laissé que de bons souvenirs, Mehdi Benatia avait rejoint le Bayern Munich à l’été 2014 contre une indemnité de 30 millions d’euros, soit le plus important transfert réalisé pour un joueur marocain. Mais à un an de la fin de son contrat qu’il n’a pas souhaité prolonger, Mehdi a quitté le club munichois pour intégrer à la rentrée la Juventus. D’autres clubs étaient sur les rangs : hormis la Vieille Dame, Milan et l’AS Roma, mais aussi Chelsea, Manchester United et Arsenal se disaient intéressés. En attendant, un autre grand défi attend le capitaine des Lions de l’Atlas : les éliminatoires de la Coupe du monde 2018 de Russie. Le Maroc qui se retrouve dans le groupe C va rencontrer les équipes du Mali, la redoutable Côte d’Ivoire et le Gabon. Il devra arriver en tête de son groupe pour assurer sa qualification durant ces rencontres qui vont s’étaler d’octobre 2016 à novembre 2017. Sous la conduite de son entraîneur Hervé Renard, la sélection marocaine espère décrocher son ticket pour le Mondial, surtout que le Maroc n’y a plus goûté depuis 1998. Un pari que Mehdi aborde avec confiance grâce notam- ment à une équipe de jeunes joueurs prometteurs, à qui il demande “de jouer avec leurs tripes”. Pour avoir évolué dans les championnats les plus exigeants, Benatia s’est forgé une solide réputation. Talentueux, expérimenté, il présente toutes les garanties de solidité psychologique et d’autorité pour défendre les couleurs du “pays de son cœur”. Dans cette interview réalisée durant ses vacances, il se confie en mode détente. Texte : Driss Douad Photos : Nike et AFP L’Officiel Hommes n°24 L’interview 050 051

MEHDI Texte : BENATIA · 2018. 1. 26. · durant ces rencontres qui vont s’étaler d’octobre 2016 à novembre 2017. Sous la conduite de son entraîneur Hervé Renard, la sélection

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  • « POUR RIEN AU MONDE, JE NE CHANGERAIS MA PLACEEN SÉLECTION DU MAROC »

    MEHDI BENATIA

    Le capitaine des Lions de l’Atlas vit un véritable tournant dans sa carrière. Plusieurs clubs étrangers tentent de s’arracher ses services depuis qu’il a émis le désir d’évoluer sous d’autres cieux. Mais dans l’immédiat, c’est le grand rendez-vous des éliminatoires de la Coupe du monde 2018 qui attend Mehdi et l’équipe nationale marocaine pour décrocher leur ticket pour Moscou.

    L’Officiel Hommes : Après l’annonce de votre départ du Bayern cet été, la rumeur vous voyait partout : en Angleterre, mais aussi en Italie… Pour vous aider dans votre choix, vous diriez que vous êtes plutôt pudding ou tiramisu ?Mehdi Benatia : Pour avoir joué plusieurs années en Italie, je dirais tiramisu ! En ce qui concerne les différentes rumeurs, c’est vrai que j’étais très sollicité mais je me suis finalement engagé avec la Juventus de Turin.

    Vous avez grandi à Évry en banlieue parisienne où vous avez fait vos premières armes. Mais c’est à l’étranger qu’on vous remarque et vous engage. Les clubs français sont-ils passés à côté ou est-ce encore un ratage de l’intégration ?On va dire qu’à l’époque en France, on ne m’a pas fait autant confiance que je l’espérais... En Italie par exemple, on ne regarde pas ta nationalité ou l’endroit d’où tu viens. Si tu es performant, on te donne ta chance.

    Justement, la chance vous y croyez ? Sinon, trois quali-tés qui ont contribué à votre réussite. La chance, elle se provoque. Pour ce qui est des facteurs qui m’ont permis d’avancer, je citerai le travail, la rigueur et le mental.

    D’Évry à la Budensliga puis aujourd’hui à la Juve, quel superbe parcours pour un enfant de la banlieue. Quel effet cela vous fait-il d’évoluer à un si haut niveau sur-tout après tous vos déboires causés par des blessures ?C’est magnifique ! Si vous proposez à n’importe quel gamin de 15 ans de signer pour ce genre de trajectoire, il signe des

    Après un an passé à l’AS Roma où il n’a laissé que de bons souvenirs, Mehdi Benatia avait rejoint le Bayern Munich à l’été 2014 contre une indemnité de 30 millions d’euros,

    soit le plus important transfert réalisé pour un joueur marocain. Mais à un an de la fin de son contrat qu’il n’a

    pas souhaité prolonger, Mehdi a quitté le club munichois pour intégrer à la rentrée la Juventus. D’autres clubs

    étaient sur les rangs : hormis la Vieille Dame, Milan et l’AS Roma, mais aussi Chelsea, Manchester United et Arsenal se disaient intéressés. En attendant, un autre grand défi attend le capitaine des Lions de l’Atlas : les éliminatoires

    de la Coupe du monde 2018 de Russie. Le Maroc qui se retrouve dans le groupe C va rencontrer les équipes du

    Mali, la redoutable Côte d’Ivoire et le Gabon. Il devra arriver en tête de son groupe pour assurer sa qualification

    durant ces rencontres qui vont s’étaler d’octobre 2016 à novembre 2017. Sous la conduite de son entraîneur

    Hervé Renard, la sélection marocaine espère décrocher son ticket pour le Mondial, surtout que le Maroc

    n’y a plus goûté depuis 1998. Un pari que Mehdi aborde avec confiance grâce notam-

    ment à une équipe de jeunes joueurs prometteurs, à qui il demande “de jouer avec leurs tripes”. Pour avoir évolué dans les championnats les plus exigeants, Benatia s’est forgé une solide réputation. Talentueux, expérimenté, il

    présente toutes les garanties de solidité psychologique et d’autorité pour défendre les couleurs du “pays

    de son cœur”. Dans cette interview réalisée durant ses vacances, il se confie en mode détente.

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  • « POUR RIEN AU MONDE, JE NE CHANGERAIS MA PLACEEN SÉLECTION DU MAROC »

  • deux mains. Néanmoins, je peux vous dire que je suis très content de mon parcours et c’est d’ailleurs ce qui m’a permis de devenir ce que je suis aujourd’hui. À force de travailler et de persévérer pour revenir à chaque fois au niveau, ça vous forge un mental. Parmi les commentaires entendus avant l’Euro 2016, cer-tains disaient que vous aviez toute votre place en équipe de France dans cette compétition. Qu’en pensez-vous ?C’est très flatteur, ça veut dire qu’on me reconnait certaines qua-lités... Mais comme je l’ai déjà dit à d’autres médias, à mes amis ou à ma famille, pour rien au monde je ne changerais ma place en sélection du Maroc. Né en France, d’un père marocain et d’une mère algé-rienne, vous aviez le choix entre trois sélections. Mais en 2008, vous avez opté pour les Lions de l’Atlas. Comment s’est fait ce choix ?Il n’y a pas eu de choix à faire, je me suis toujours senti maro-cain même si j’ai un grand respect pour mes origines algériennes héritées de ma mère. Comment ça se passe alors un match Maroc-Algérie pour vous ou un Maroc-France ?C’est assez spécial en effet, mais sur le terrain il n’y a pas de temps pour les sentiments, je cherche à jouer le match pour le gagner, quel que soit l’adversaire. Vous connaissez un peu l’Algérie ? Vous vous y rendez souvent ?Non, je n’y suis allé qu’une fois pour le match contre l’Algérie.

    Et vos amis d’enfance, vous les revoyez toujours ?Étant donné que j’ai quitté la maison très tôt pour rejoindre Clairefontaine et qu’ensuite j’ai pas mal voyagé pour le foot, il est difficile de revoir tout le monde, mais j’ai gardé des liens avec certains que je revois dès que l’occasion se présente. Revenons au football. En 2013, vous êtes désigné capi-taine de l’équipe nationale du Maroc. Les bons côtés de votre fonction ? Et les inconvénients ?Il faut savoir qu’Houcine Kharja n’a pas encore pris sa retraite (ex-capitaine, ndlr). Comme vous le dites, j’ai été désigné pour faire l’intérim, c’est un honneur, mais pas une fin en soi et je n’ai pas attendu d’être capitaine pour parler avec mes coéquipiers. Avec ou sans brassard, on se doit d’être exemplaire. Donc il n’y a pas forcement d’avantages ou d’inconvénients.

    Pour les éliminatoires du Mondial 2018, la sélection a intégré de jeunes joueurs. Vous nous en dites un mot ?

    Oui, ces nouveaux jeunes vont montrer de quoi ils sont capables, nous avons de vrais talents et ce sera l’occasion de le démontrer.

    Vous emporterez une chicha avec vous en Russie ? Non catégorique ! Ce ne serait ni le lieu ni le moment... Vous faites référence aux événements qui ont eu lieu en juin dernier. Pour mettre un terme à cette polémique comme je l’ai déjà dit, on peut demander à tous mes coachs, en club ou en sélection, si mon professionnalisme a déjà été remis en cause. De plus, à 29 ans, libre à moi d’utiliser mon temps libre comme je le désire. Vous êtes marié et père de trois enfants, mais vous vous affichez très rarement avec votre famille dans les magazines. Une façon de se protéger ?(rires) Ma famille n’intéresse en rien les magazines. Par la force des choses, je suis exposé médiatiquement, mais je peux vous confirmer que je remercie Allah de m’avoir permis de fonder une aussi belle famille, hamdoulilah. La rumeur a couru un moment que vous partagiez la même mère avec Nabila, la starlette de télé-réalité ? Qu’en est-il ?Non pas du tout, nous sommes simplement homonymes, mais elle est fiancée à un ami à moi, Thomas Vergara. La plupart des joueurs de foot sont des mordus de belles voitures. Et vous, vous êtes plutôt coupé, berline ou 4x4 ? Plutôt coupé pour moi et 4X4 quand il s’agit de la famille.

    UN FOOTBALLEUR TRÈS DISTINGUÉ

    Élu joueur du mois de février 2010 par les suppor-teurs de Clermont Foot.

    Étoile d’or marocaine 2011

    Sportif marocain de l’année 2013.

    Vainqueur du trophée Mars d’Or - Meilleur footballeur Marocain en 2013

    Meilleur joueur de la saison 2013-2014 de l’AS Roma.

    Membre de l’équipe type de Seria A en 2013-2014.

    Prix de «Gran Galà del calcio AIC 2014» (meilleur défenseur central avec Andra Barzagli).

    Meilleur joueur arabe 2014.

    3e meilleur joueur africain 2014

    Vainqueur du trophée Mars d’Or - Meilleur footballeur Marocain en 2014.

    2e meilleur joueur africain 2015.

    « JE ME SUIS TOUJOURS SENTI MAROCAIN MÊME SI J’AI UN GRAND RESPECT POUR MES ORIGINES ALGÉRIENNES »

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  • Vous roulez en quoi tous les jours et quelle est la voiture de vos rêves ?Je roule en Audi RS7, une voiture fournie par le club, et j’ai acheté un Audi Q7 pour ma famille. Mais en fait, les voitures n’occupent pas énormément de place dans mes rêves. Côté mode, quelles sont vos marques préférées, à part Nike votre équipementier ? J’aime bien Balmain, Rick Owens, Dsquared2, Hermès et je m’inté-resse à tout ce qui fait la mode en général.

    Vous faites partie du Top 10 des joueurs africains les mieux payés. Vous arrive-t-il de faire des folies ? Votre dernier caprice ?Je suis assez raisonnable, je fais un métier qui est court dans le temps donc il est important de bien le gérer afin de préparer l’avenir. Alors, pas forcément de caprices ou de folies. Votre devise« Le travail finit toujours par payer » et « Tout ce qui ne tue pas rend plus fort ».

    Votre pêché mignonLe chocolat.

    Votre principale qualité ? Et votre défaut (si vous en avez)D’après mon entourage, je suis franc et humble. Mon défaut, un peu rancunier. Vos conseils pour un jeune qui veut vous ressembler et devenir une star du footballDe ne pas me prendre pour modèle, car je ne suis pas parfait !!!Mon conseil : le travail la persévérance et ne pas douter de ses qualités.

    Né à Courcouronnes, en région parisienne, Mehdi Benatia intègre l’INF Clairefontaine avant de rallier le centre de formation de Guingamp puis celui de l’OM. Auréolé de quelques sélections avec l’équipe de France des moins de 17 ans, Mehdi ne se verra jamais offrir l’occasion de prouver ses qualités à l’OM qui le prête à Tours puis à Lorient. Le défenseur s’engage ensuite avec Clermont où il se révèle. L’Udinese le repère et Benatia évolue trois saisons à Udine avant de s’engager avec l’AS Rome. Montant du transfert : 14 millions d’euros. Une année après son arrivée à Rome, Benatia rejoint le Bayern Munich pour 30 millions d’euros. L’international marocain est arrivé à Turin ce 14 juillet pour passer une visite médicale en vue de s’engager en faveur de la Juve. La presse italienne faisait état d’un prêt de 3 millions d’euros assorti d’une option d’achat à 17 millions d’euros.De par ses origines, Benatia avait le choix entre trois sélections. Il optera finalement pour les Lions de l’Atlas avec lesquels il a déjà disputé deux Coupes d’Afrique des Nations, en 2012 et 2013. Marié avec Cécile, Mehdi a trois enfants, Lina (7 ans), Kays (4 ans), et Alya (1 an).

    BIO EXPRESSDE CLAIREFONTAINE À LA JUVENTUS