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1 INSTITUT DE DROIT COMMUNAUTAIRE Association régie par la loi ivoirienne n°60-315 du 21 septembre 1960 En partenariat avec l’Université de BOUAKE (COTE D’IVOIRE) Année académique 2006 -2007 Présenté en vue de l’obtention du Diplôme d’Etude Supérieures Spécialisées (DESS) Option : Droit Communautaire Africain Présenté et soutenu par : Préparé sous la direction de : N’GUESSAN Kouadja Clément Me Narcisse AKA ETUDE COMPAREE DES SYSTEMES D’ARBITRAGE CCI ET CCJA-OHADA

MEMOIRE DESS

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Page 1: MEMOIRE DESS

1

INSTITUT DE DROIT COMMUNAUTAIREAssociation régie par la loi ivoirienne n°60-315 du 21 septembre 1960

En partenariat avec l’Université de BOUAKE (COTE D’IVOIRE)

Année académique 2006 -2007

Présenté en vue de l’obtention du Diplôme d’Etude Supérieures Spécialisées (DESS)Option : Droit Communautaire Africain

Présenté et soutenu par : Préparé sous la direction de :

N’GUESSAN Kouadja Clément Me Narcisse AKA

Session 2007

ETUDE COMPAREE DES SYSTEMES D’ARBITRAGE

CCI ET CCJA-OHADA

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AVERTISSEMENT   :

« L’Institut de droit Communautaire n’entend donner aucune approbation, ni improbation aux opinions émises

dans ce mémoire. »

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3

Dédicace

A mes défunts Parents et plus particulièrement à ma Mère, dont je porte encore les séquelles émotives de la disparition récente…

Remerciements

Page 4: MEMOIRE DESS

4

Nos remerciements vont en premier lieu à l’endroit du Président de l’IDC et à l’ensemble de son

personnel pour toutes les facilités accordées, souvent à titre dérogatoire, en vue d’aider à la

bonne conduite de nos travaux de DESS. A mes frères et sœurs, cousins et cousines, nièces

et neveux d’ici et d’ailleurs, pour leur soutien constant.

Page 5: MEMOIRE DESS

5

Sigles et abréviations

- AAA: American Arbitration Association (de New York)

- ADR (Règlement) :

- CCI : Chambre de Commerce Internationale (de Paris)

- CCIG :

- CCJA (OHADA) : Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA

- CIRDI : Centre international pour le règlement des différends relatifs aux - investissements

- CMAP : Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris

- CNUDCI :

- CPA : Cour Permanente d'Arbitrage  ( de Londres)

- DOCDEX : Règlement d’expertise pour la résolution des différends en matière

- d’instruments documentaires - LCIA: London Court of International Arbitration (de Londres)

- OHADA : Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

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6

Page 7: MEMOIRE DESS

7

SOMMAIRE

INTRODUCTION

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8

En droit des affaires, l’arbitrage se définit comme un mode alternatif de règlement

des litiges basé sur la volonté des parties.

Il est alternatif par rapport et par opposition au mode public de règlement des litiges.

Ainsi, à côté du mode classique de règlement des litiges que représente la justice

étatique, l’arbitrage s’offre comme une autre possibilité, une alternative permettant

de juguler un conflit né ou à naître. Sous ce prisme, l’arbitrage appelle des notions

voisines : la médiation, la conciliation et l’expertise.

L’arbitrage est un mode contentieux et privé de règlement des litiges. Il permet de

mettre en place une procédure juridictionnelle, identique à celle qui se déroule

devant des juges, dans un cadre confidentiel. Les arbitres, choisis pour leur

compétence et leur disponibilité, assurent une justice rapide, au terme d’une

procédure flexible.

La sentence que l’arbitre unique ou le tribunal arbitral rend est l’équivalent d’un

jugement qui s’impose aux parties.

La médiation est un mode amiable de règlement des différends. Elle offre une sphère

de confidentialité et de confiance permettant aux entreprises de négocier et de

trouver, par elles-mêmes, une solution mutuellement acceptable à leur différend. Le

médiateur organise ces échanges, sans intervenir sur le fond du conflit, laissant

pleine liberté aux parties pour décider de l’issue à réserver à leurs difficultés.

La médiation est généralement considérée comme une méthode en dehors des

influences juridiques, morales et culturelles qui a pour objectif de permettre aux

parties, accompagnées dans leur réflexion par le médiateur, de trouver la solution la

plus satisfaisante possible pour elle et non pour le tiers médiateur.

La conciliation consiste dans le recours à un tiers. Généralement, ce recours est

prévu dans le cadre d'une procédure qui consiste à écouter les parties et à leur faire

une proposition de règlement du différend.

La négociation consiste dans la recherche d'un accord. Il existe plusieurs types de

négociation. Le principe premier d'une négociation s'inscrit dans les rapports de

force. Il s'agit de faire passer habilement ses idées en fondant l'intérêt de l'autre sur

l'ambition ou l'espoir.

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9

On fait historiquement remonter l'arbitrage moderne à l'affaire de l'Alabama de 18721.

En réalité cette pratique existait déjà dans l'Antiquité et au Moyen Âge, mais au fur et

à mesure que la souveraineté des Etats s'affirmait, l'arbitrage s'est raréfié.

Néanmoins, le XVIIIe siècle a connu de nombreux litiges, consécutifs notamment à

l'indépendance américaine. L'Histoire montre que l'arbitrage, en tant que règlement

pacifique des différends, est surtout concentré sur la délimitation territoriale maritime.

Ce mode de juridiction est donc fondé sur la libre volonté étatique. Pourtant, certains

Etats l'appréhendaient déjà comme une atteinte à leur souveraineté.

L'évolution historique de l'arbitrage montre une certaine fluctuation de l'intérêt des

Etats à y recourir, même s’il existe un regain actuel en la matière.

Au Moyen Âge, le droit ne fournissait pas de solutions aux problèmes soulevés lors

des échanges commerciaux entre les régions éloignées de l'Europe notamment. Les

commerçants ont donc développé leur propre corps de normes appelé « loi des

marchands ». Ils choisissaient parmi eux des juges consulaires qu'on peut considérer

comme les ancêtres de nos arbitres modernes pour trancher ces litiges.

Après avoir connu son âge d'or, l'arbitrage commercial international est devenu peu à

peu une juridiction mineure. Ce n'est qu'à la fin de la seconde guerre mondiale, à la

faveur d'un accroissement phénoménal des échanges commerciaux transnationaux,

que la loi des marchands et l'arbitrage commercial international refont surface.

D’une manière générale, on peut constater que l’arbitrage prospère dans les

époques où l’Etat est faible, incapable souvent d’imposer le recours à ses tribunaux

ou le respect de leurs décisions : la juridiction des seigneurs féodaux, celle des

églises repose dans une large mesure sur la convention des parties qui ont préféré

recourir à ces puissances plutôt qu’à une puissance royale hors d’état de faire

exécuter ses jugements.

L’arbitrage a été aussi utilisé par les minorités, ethniques ou religieuses, qui ne

voulaient pas voir régler les procès par les tribunaux établis et conformément à un

droit dont elles ne reconnaissent pas le bien fondé et la justice.

1 Différend qui opposa les États-Unis et la Grande-Bretagne à propos de la neutralité de cette dernière pendant la guerre de Sécession. Son règlement en 1872 constitua le premier arbitrage entre deux grands États par une juridiction collégiale

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10

L’arbitrage va progressivement se bonifier et atteindre un niveau d’universalité. Du

coup, pour en assurer une large application à l'échelle internationale, les Nations

Unies ont adopté en 1958 à New York la Convention pour la reconnaissance et

l'exécution des sentences arbitrales étrangères. Sur les 191 membres des Nations

unies, 144 font parties de cette convention2.

A l’échelle mondiale, le développement de l’arbitrage est spectaculaire. D’importants

centres d’arbitrage ont vu le jour et administrent quotidiennement des procédures

d’arbitrage. Il en va notamment :

- Du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux

investissements (CIRDI) créé par la Convention pour le Règlement des

différends relatifs aux investissements entre les Etats et les citoyens d’autres

Etats de 1965. Cette institution a pour vocation de faciliter le règlement des

litiges relatifs aux investissements entre les gouvernements et investisseurs

étrangers.

- De American Arbitration Association (AAA) (New York)

- De LCIA (London Court of International Arbitration) (Londres)

- Du Centre de Médiation et d’Arbitrage de Paris (CMAP). En dehors de

l’arbitrage et de la médiation, le CMAP développe également d’autres procédures,

appelées « nouvelles solutions ». Ces procédures novatrices visent à offrir aux

entreprises des outils de prévention du procès par l’intervention de tiers, neutres et

compétents, missionnés pour une évaluation juridique indépendante, un avis

technique amiable ou encore une décision d’urgence.

L’Afrique n’est pas en reste de cette floraison de centres d’arbitrage. On peut noter

notamment les centres suivants :

- Pour le Bénin : le Centre d’arbitrage de Médiation et de Conciliation de la

Chambre de Commerce International du Bénin

- Pour le Burkina Faso : Le Centre d’Arbitrage, de Médiation et de Conciliation

de Ouagadougou (CAMCO)

2 Etat en 2007 ; source CNUDCI (Commission des Nations Unies pour le droit commercial international)

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- Pour le Cameroun : le Centre d’ arbitrage du Groupement inter patronal du

Cameroun

- Pour la Côte d’Ivoire : la Cour d’Arbitrage de Côte d’Ivoire (CACI)

- Pour le Sénégal : le Centre d’Arbitrage de Médiation et de Conciliation de

Dakar (CAMC) etc…

L’épicentre de l’arbitrage commercial international reste la Chambre de Commerce

Internationale (CCI) basée à Paris (France)3. La CCI est le creuset de l’arbitrage

international à travers la Cour internationale d’arbitrage. Elle a été fondée en 1919

avec un objectif premier qui est toujours resté le même : servir le monde des affaires

en favorisant les échanges et l'investissement, l'ouverture des marchés aux biens et

aux services, et la libre circulation des capitaux.

Un des services qu’elle offre pour atteindre cet objectif est sa Cour internationale

d’arbitrage, fondée en 1923. Contrairement à la plupart des autres organisations

d'arbitrage qui ont un champ d'action national ou régional, la Cour a une vocation

réellement internationale. Ainsi, les différents mécanismes proposés par la CCI ont

été spécialement conçus pour résoudre les différends commerciaux internationaux.

Cela a permis à sa Cour d’administrer plus de 15 000 arbitrages internationaux

impliquant des parties et des arbitres de plus de 180 pays et territoires.

La mission de la Cour est de veiller à l'application de ses divers Règlements: le

Règlement d'arbitrage, le Règlement ADR, le Règlement d’expertise ainsi que le

Règlement d’expertise pour la résolution des différends en matière d’instruments

documentaires (DOCDEX).

Ses membres ne tranchent pas eux-mêmes les différends soumis à l'arbitrage –

tâche qui incombe aux arbitres nommés conformément au Règlement. La Cour

supervise le processus d'arbitrage de la CCI et il lui incombe, entre autres, de

nommer des arbitres ou de confirmer ceux désignés par les parties, de statuer sur

les demandes de récusation, d'examiner et d'approuver toutes les sentences

arbitrales et de fixer les honoraires des arbitres.

L’actuel règlement est entré en vigueur le 1er janvier 1998. Trois appendices

complètent le règlement. L’Appendice I qui traite des statuts de la Cour, l’Appendice

3 Le siège de la CCI est situé au 38 cours Albert 1er, 75008 Paris, France

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II relatif au règlement intérieur de la Cour et l’Appende III qui a trait aux frais et

honoraires de l’arbitrage4.

Outre ses services de soutien des procédures, la CCI fournit plusieurs informations,

tel que le Bulletin de la Cour internationale d'arbitrage de la CCI et divers ouvrages

consacrés à l'arbitrage commercial international distribués par ICC Publishing. De

plus, elle offre des services électroniques disponibles sur son site Internet : un

calculateur de frais d'arbitrage et un outil de recherche des sentences arbitrales CCI.

Elle organise par ailleurs, des conférences et des séminaires par le biais de son

Institut du droit des affaires internationales, qui a pour mission d'assurer la formation

et la dissémination de l'information parmi les praticiens et les étudiants dans le

domaine du droit des affaires international, incluant bien évidemment, l'arbitrage

international.

En tant que pionnier de l’arbitrage commercial et compte tenu de son succès et de

son rayonnement, la CCI a servi de modèle à plusieurs systèmes d’arbitrage qui vont

se développer dans divers endroits du monde.

L’arbitrage CCJA OHADA s’inscrit dans cette mouvance. En effet, aux termes d’un

constat du tableau sombre de leur économie, des Etats africains, de la zone franc en

majorité, ont décidé de se doter d’un nouvel arsenal juridique capable de sécuriser

les investissements et de rassurer par la même occasion les milieux d’affaires ; car le

délabrement du tissu juridique5 du continent africain n’offrait pas toujours des

garanties suffisantes aux opérateurs économiques du continent et aux investisseurs

désireux de réaliser des affaires.

D’où la création de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des

Affaires (OHADA) dont le traité a été signé à Port-Louis (Ile Maurice) le 17 octobre

1993.

L’OHADA s’est assignée comme objectifs, notamment de doter les Etats parties d’un

même droit des affaires simple, moderne et adapté à la situation de leurs économies,

4 L’appendice II relatif aux frais d’arbitrage est entré en vigueur le 1er juillet 20035 L’expression est de Kéba M’BAYE, Préface « le droit uniforme africain des affaires issu de l’OHADA », B. Martor, N. Pilkington, D. Sellers, S. Thouvenot

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par la mise en œuvre de procédures judiciaires appropriées, et par l’encouragement  

au recours à l’arbitrage pour le règlement des différends contractuels6.

L’arbitrage OHADA se présente sous deux formes: le droit commun de l’arbitrage

OHADA consigné dans l’Acte Uniforme sur l’arbitrage et l’arbitrage spécifique de

l’OHADA matérialisé par le Règlement d’arbitrage de la CCJA-OHADA.

Ces deux sources prennent leur substance dans le Traité en ses articles 2 et 21 à 26

respectivement pour l’Acte uniforme et le Règlement d’arbitrage CCJA.

Mais auparavant, une législation sommaire existait dans le dispositif judiciaire de

certaines colonies françaises qui n’ont pas poussé l’audace jusqu’à l’extension du

livre III du Code de procédure civile française de 1806 consacré à l’arbitrage dans

leur normes internes. Il n’en demeure pas moins que la question de la gestion des

litiges par voie arbitrale s’est posée à certaines juridictions nationales et notamment

la Cour Suprême de Côte d’Ivoire qui après des hésitations a admis la validité du

règlement des litiges par voie arbitrale7.

La signature du traité et l’adoption de l’Acte Uniforme et du Règlement consacrent la

pleine effectivité de la résolution des litiges par voie arbitrale dans l’espace OHADA.

Le Règlement d’arbitrage de la CCJA-OHADA, une des matières de notre étude a

été adoptée le 11 mars 1999 à Ouagadougou au Burkina Faso et publié au Journal

officiel de l’OHADA du 15 mai 1999.

A l’instar de tous les règlements d’arbitrage, le Règlement d’arbitrage de la CCJA

organise la procédure en vigueur pour les arbitrages qui se déroulent au sein de

l’institution permanente que représente la CCJA-OHADA.

L’étude comparée des systèmes CCI et CCJA-OHADA s’inscrit dans une approche

d’appréciation du chemin parcouru dans l’administration des procédures d’arbitrage

des deux systèmes.

D’un côté, le rayonnement certain de l’arbitrage CCI a donné lieu à d’abondants

développements de spécialistes de l’arbitrage et s’est fortement enraciné, à l’épreuve

du temps, dans les mœurs du commerce international.

6 Article 1er du Traité de l’OHADA7 Cour suprême, arrêt du 29 avril 1986 ; aff. Talal/Omaïs

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Le règlement d’arbitrage CCI est le fruit de la longue marche d’un système qui s’est

fortement bonifié à l’aune des critiques et observations pertinentes de la pratique

arbitrale internationale.

D’un autre côté, l’arbitrage CCJA n’en demeure pas moins riche en critiques et

observations constructives de la part d’intellectuels de divers horizons, quoiqu’ayant

une existence relativement récente8.

S’il est vrai que l’un (arbitrage CCJA) s’inspire de l’autre (arbitrage CCI), aucune

étude complète mettant en rapport les deux systèmes n’a été menée jusque là.

C’est là l’intérêt de notre travail.

A l’effet de bien le circonscrire, nous avons bénéficié d’un stage de deux (2) mois à

la Cour internationale d’arbitrage de la CCI à Paris du 03 mars au 30 avril 2008.

En outre, la sollicitude du Secrétaire Général du centre d’arbitrage CCJA et la

disponibilité de son équipe nous ont permis de nous imprégner de la pratique

arbitrale pour autant que nous avons exprimé le besoin.

Nourrie de ces expériences pratiques, notre étude a vocation à comparer la conduite

des procédures arbitrales de ces deux systèmes et à en relever l’efficacité et les

faiblesses.

Comment sont organisés les deux systèmes et quelles en sont leurs spécificités au-

delà des similitudes apparentes reconnues par tous.

Eu égard à l’abondance des réflexions menées sur chacun des deux systèmes

auxquelles s’ajoutent nos différents séjours dans les deux institutions, les difficultés

rencontrées dans le travail sont à relativiser.

Celui-ci est orienté autour de deux axes principaux :

8 Adoption du règlement le 11 mars 1999 à Ouagadougou au Burkina Faso

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Organisation structurelle et introduction de la procédure des systèmes d’arbitrage

cci et CCJA-OHADA (première partie) et la conduite de l’instance arbitrale (deuxième

partie).

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Première partie : ORGANISATION STRUCTURELLE ET INTRODUCTION DE LA PROCEDURE DES SYSTEMES D’ARBITRAGE CCI ET CCJA-OHADA

Chapitre I   : PRESENTATION ET FONCTIONNEMENT DES ORGANES DES DEUX INSTITUTIONS

Au niveau structurel, les deux systèmes sont des arbitrages institutionnels, élément

de leur identité ; par contre l’envergure de leurs organes de fonctionnement diffère.

Section 1   : UN ARBITRAL INSTITUTIONNEL

L’arbitrage institutionnel s’oppose à l’arbitrage ad hoc.

L'arbitrage ad hoc est l'arbitrage qui se déroule en dehors de toute institution

permanente d'arbitrage et qui est organisé par les parties elles-mêmes.

Les parties peuvent organiser le règlement du différend suivant des règles taillées

exprès pour le cas précis.

Ce type d'arbitrage a l’avantage de laisser une totale liberté aux parties. Il permet à

ces dernières d'adopter des procédures adaptées aux spécificités de leur litige. Il est

gage de souplesse.

Le principal inconvénient de l'arbitrage ad hoc réside dans les

risques de blocage qu'entraîne tout désaccord entre les parties, par exemple, à

propos de la désignation du troisième arbitre.

A l’opposé, l'arbitrage institutionnel est l'arbitrage dont les parties ont confié

l'organisation à une institution permanente d'arbitrage et qui se déroule

conformément au règlement d'arbitrage élaboré par cette institution.

Parmi les nombreux avantages que présente l'arbitrage institutionnel, l'on retiendra

ici les deux plus fréquemment cités :

il évite les risques de paralysie de la procédure arbitrale lorsque celle-ci

connaît des difficultés ;

il assure aux sentences arbitrales qualité, efficacité et autorité.

Les deux systèmes soumis à notre étude sont en effet des arbitrages institutionnels.

Page 17: MEMOIRE DESS

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Paragraphe 1   : ARBITRAGE INSTITUTIONNEL CCI

L’arbitrage CCI, comme son nom est utilisé régulièrement, est organisé par la

Chambre de Commerce Internationale. La CCI est en effet la principale institution

mondiale spécialisée dans le règlement des différends commerciaux internationaux.

C’est donc sous son égide que l’arbitrage est organisé.

La Cour internationale de l’arbitrage qui est un organe de la CCI, administre, au

moyen de son règlement d’arbitrage, les arbitrages soumis à la CCI. Elle est chargé

notamment de nommer des arbitres, de confirmer des arbitres désignés par les

parties, de statuer sur les demandes de récusation, de fixer les honoraires des

arbitres et d’examiner les sentences.

A cette dernière occasion la Cour d'arbitrage ne joue le rôle ni d'une Cour d'appel ni

d'une Cour de cassation. En termes industriels on parlerait plutôt de contrôle de

qualité sur le déroulement du processus de fabrication d'un produit, à savoir la

sentence arbitrale.

Elle est aidée dans ces taches par le Secrétariat, véritable courroie de transmission

entre les parties, la Cour et les arbitres.

Paragraphe 2   : ARBITRAGE INSTITUTIONNEL CCJA-OHADA

Tout comme l’arbitrage CCI, l’arbitrage de la CCJA-OHADA a toutes les

caractéristiques d’un système d’arbitrage institutionnel.

Créé sous l’égide de l’OHADA, le système d’arbitrage de la CCJA fonctionne grâce

à l’administration des procédures mises en œuvre par la Cour9. Cette dernière est

assistée dans sa tache par le Secrétariat.

Conformément à l’article 1er de son règlement intérieur, la Cour traite les questions

liées aux procédures arbitrales suivies par elle dans le cadre du Règlement

d’Arbitrage de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.

De fait, la CCJA n’est pas le seul organisme d’arbitrage institutionnel de l’espace

OHADA.9 A la différence de la Cour internationale d’arbitrage de la CCI, la Cour Commune de Justice et d’arbitrage de l’OHADA n’est pas seulement qu’une Cour d’arbitrage ; elle a également des fonctions juridictionnelles (infra 2è partie chapitre 2)

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L’Acte uniforme sur le droit d’arbitrage offre le cadre de création de ce type

d’arbitrage qui existe dans plusieurs pays de l’espace : la Cour d’Arbitrage de Côte

d’Ivoire (CACI), la Cour d’Arbitrage de Médiation et de Conciliation de Ouagadougou

(CAMCO), Le Centre d’arbitrage et de médiation de Dakar (CAMC), le Centre

d’arbitrage du Groupement Inter-patronal du Cameroun etc…

L’ensemble de ces centres sont créés sous l’égide des chambres de commerce des

différents pays.

Si dans les deux systèmes on rencontre un arbitrage institutionnel, qu’en est-il des

organes qui animent les procédures ?

Section 2   : ENVERGURE DES ORGANES DE FONCTIONNEMENT

En tant qu’institutions d’arbitrage, les deux systèmes d’arbitrage ont des organes

classiques des centres d’arbitrage ; même si la dimension mondiale de la CCI lui

donne une étoffe beaucoup plus importante que la CCJA-OHADA.

Quels sont les organes de fonctionnement ?

Paragraphe 1   : LA COUR

Dans le cadre de l’administration des procédures arbitrales, la Cour a un rôle

d’organisation et de supervision desdites procédures. Cette tâche ne change pas

d’un système à un autre.

La Cour de la CCI a en effet pour mission de permettre la solution par voie

d’arbitrage des différents ayant un caractère international, intervenant dans le

domaine des affaires suivant le Règlement10.

Elle organise et supervise les procédures d’arbitrage et aide les parties à surmonter

tout obstacle. Elle n'a pas de pouvoirs juridictionnels, les litiges étant tranchés par les

tribunaux arbitraux qu'elle constitue et dont elle supervise la tâche. Elle est

constituée de membres de 88 pays répartis sur les cinq continents.

La Cour veille à ce que la sentence satisfasse à tous les critères nécessaires pour

que son exécution puisse être au besoin demandée aux juges nationaux, bien qu'en

pratique les parties la respectent en général sans problème.

10 Article 1er du Règlement d’arbitrage de la CCI

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Elle suit toutes les étapes de la procédure et procède même à l'approbation de

sentences que les arbitres lui remettent sous forme de projet, caractéristique de

l'arbitrage CCI. On le qualifie volontiers d'arbitrage entièrement administré, par

opposition aux autres institutions arbitrales (comme la LCIA, le AAA ou la CCIG) qui

ne se contentent généralement que de notifier la requête d'arbitrage et de constituer

le tribunal arbitral pour transmettre ensuite le dossier aux arbitres, voire s'occuper de

la fixation de la provision pour frais11.

Conformément aux articles 4 et 5 de ses Statuts, la Cour se réunit en session

plénière et en comités restreints.

Les sessions plénières de la Cour sont présidées par le Président, en son absence

par l’un des Vice-présidents désigné par lui. La Cour délibère valablement lorsque

six membres au moins sont présents. Les décisions sont prises à la majorité des

voix, celle du Président étant prépondérante en cas de partage.

 La Cour peut créer un ou plusieurs comités restreints et définir leurs fonctions, ainsi

que leur organisation.  

La mission de la Cour d’arbitrage de la CCI ne diffère pas de celle de la CCJA-

OHADA. Aux termes de l’article 2 de son règlement d’arbitrage CCJA en effet, «  la

mission de la Cour est de procurer, conformément au présent règlement, une

solution arbitrale lorsqu’un différend d’ordre contractuel, en application d’une clause

compromissoire ou d’un compromis d’arbitrage, lui est soumis par toute partie à un

contrat, soit que l’une des parties ait son domicile ou sa résidence habituelle dans un

des Etats-parties, soit que le contrat soit exécuté ou à exécuter, en tout ou partie sur

le territoire d’un ou de plusieurs Etats-parties… ».

Tout comme la Cour d’arbitrage de la CCI, la CCJA-OHADA ne tranche pas les

litiges, du moins dans sa formation administrative, qui se borne à nommer ou

confirmer les arbitres et est informée du déroulement de l’instance et examine les

projets de sentence.

11 Christophe IMHOOS, Avocat au Barreau de Genève, Ancien Conseiller à la Cour internationale d'arbitrage de la CCI « le nouveau règlement d'arbitrage de la chambre de commerce internationale (cci) de 1998 » intro, page 2 

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Les deux organes ont de ce point de vue des missions similaires. La différence entre

elle se situe au niveau bien sûr du nombre de membres qui composent les Cours

mais bien plus au niveau de l’importance des dossiers à leur soumis.

En effet, créée sous l’égide de la Chambre de Commerce internationale qui a

vocation à promouvoir le commerce international à l’échelle mondiale, la Cour

internationale d’arbitrage administre des procédures d’arbitrage impliquant des

parties d’origines et de cultures juridiques plurielles.

L’influence de la CCI dans l’édification des règles du commerce international confère

à son système d’arbitrage, un véritable rayonnement international. La CCI fédère

aujourd’hui des milliers de sociétés et d’associations dan plus de cent trente (130)

pays.

Elle comprend également une cinquantaine de comités nationaux sur lesquels la

Cour s’appuie dans la désignation des arbitres.

La Cour d’arbitrage de la CCI est constituée de membres originaires de 88 pays,

nommés pour une période de trois(3) ans.

Au niveau de la CCJA-OHADA, Il est vrai que l’espace géographique de l’OHADA

donne à la Cour un champ d’exercice significatif. D’ailleurs, le Traité en son article 21

vient conforter le champ d’application des décisions de la Cour. Il dispose en effet

que l’une des parties à l’arbitrage CCJA doit avoir son domicile ou sa résidence

habituelle dans un des Etats parties. Mieux, et c’est là l’intérêt de l’agrandissement

du champ de la Cour, le contrat, selon toujours l’article 21, doit être exécuté ou à

exécuter en tout ou partie sur le territoire d’un ou plusieurs Etats.

Malgré cette volonté des initiateurs de l’OHADA, de lui donner un rayonnement

important, les organes de la CCJA restent en l’état actuel de son fonctionnement,

bien modestes.

En tant qu’institution d’arbitrage, la CCJA comprend un Président, une Assemblée

plénière, une formation restreinte, un Secrétariat Général et une régie des recettes et

des dépenses12.

12 Cf. Jacques M’BOSSO, le fonctionnement du centre d’arbitrage CCJA et le déroulement de la procédure arbitrale in numéro spécial, rev. Camerounaise arb. octobre 2001, p.42 et suivants

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Le Président, en sa qualité de Président du centre d’arbitrage de la CCJA, propose

en Assemblée générale les décisions tendant à assurer « la mise en œuvre, la

bonne fin des procédures arbitrales et celles liées à l’examen de la sentence »13

L’article 2.5 du règlement d’arbitrage de la CCJA autorise également le Président à

« prendre en cas d’urgence, les décisions nécessaires à la mise en place et au bon

déroulement de la procédure arbitrale, sous réserve d’en informer la Cour à sa

prochaine réunion, à l’exclusion des décisions qui requièrent un arrêt de la Cour ».

Le Président a également l’obligation de veiller à ce que toutes les dispositions

soient prises pour assurer le bon déroulement des procédures d’arbitrage14.

Lorsque la Cour est saisie d’une requête aux fins d’arbitrage, il appartient au

Président de prendre une ordonnance de désignation d’un membre de la Cour pour

faire un rapport sur l’affaire (art. 4.3 du règlement intérieur en matière d’arbitrage).

Le Président préside l’Assemblée plénière et la Formation restreinte.

L’Assemblée Plénière comprend les sept juges de la CCJA.

Les décisions administratives de la Cour en matière d’arbitrage relèvent de la

compétence de l’Assemblée Plénière. Il s’agit notamment de la désignation des

arbitres, de leur confirmation, des procédures de récusation, de l’examen préalable

de la sentence arbitrale…

L’article 2.4 du Règlement d’arbitrage de la Cour prévoit la possibilité pour celle-ci de

déléguer à une formation restreinte un pouvoir de décision.

La formation restreinte instituée par le Règlement intérieur du 2 juin 1999 en matière

d’arbitrage, comprend un Président et deux membres désignés par ordonnance du

Président.

Il résulte de l’article 2.7 dudit Règlement que « lorsque la formation restreinte ne peut

décider, elle renvoie l’affaire à la prochaine Assemblée plénière de la Cour et lui fait

éventuellement toute proposition qu’elle juge appropriée »15.13 Cf. art. 1er du règlement d’arbitrage de la CCJA

14 Cf. Jacques M’BOSSO, le fonctionnement du centre d’arbitrage CCJA et le déroulement de la procédure arbitrale in numéro spécial, rev. Camerounaise arb. octobre 2001, p.43 et suivants

15 Cf. Pierre MEYER, OHADA : Traité et Actes Uniformes annotés et commentés, Juriscope, 2è éd. 2002, p. 148

Page 22: MEMOIRE DESS

22

La CCJA, aussi bien dans l’exercice de ses compétences juridictionnelles

qu’administratives, est composée de sept (7) juges qui élisent en leur sein le

président (article 6 du Règlement de procédure de la Cour).

Deux juristes assistants de haut niveau interviennent en amont dans chaque

procédure à l’effet de produire des mémoires en vue d’éclairer et d’orienter utilement

les juges dans leurs décisions.

Le constat laisse apparaitre que les organes qui animent la conduite de l’arbitrage

CCJA sont en nombre insuffisant.

Dans un tel contexte, la CCJA peut-elle remplir efficacement ses attributions

arbitrales dans la célérité, laquelle célérité est reçue comme un des fondements de

la pratique arbitrale, gage de son efficacité par rapport à la justice classique ?

Des reformes entreprises prévoient semble-t-il de relever substantiellement le

nombre des premiers acteurs de la CCJA. Reste à souhaiter qu’elles connaissent

une mise en œuvre efficiente. Quid du Secrétariat ?

Paragraphe 2   : LE SECRETARIAT

C’est un organe important dans le dispositif. Le Secrétariat est l'interface entre la

Cour et les parties d'une part, et les arbitres et parties, d'autre part, car la Cour ne

suit pas directement les dossiers en cours. Elle ne se prononce que sur la base des

rapports que lui fournit le Secrétariat.

Dans l’arbitrage CCI, La Cour est assistée dans sa tache par un Secrétariat installé

au siège de la Chambre de commerce internationale à Paris, qui compte

actuellement plus de 70 collaborateurs à plein temps, dont 30 juristes de 25

nationalités différentes.

Le Secrétariat est responsable du suivi administratif de toutes les affaires CCI et

fournit aide et information auprès des parties, conseils et arbitres. Il assure la liaison

entre les parties, les arbitres et la Cour.

Page 23: MEMOIRE DESS

23

Chaque arbitrage est assigné à l'une des sept équipes du Secrétariat, composées

chacune d'un conseiller, de deux à trois conseillers adjoints et de deux à trois

secrétaires.

Véritable cheville ouvrière de l’administration de la procédure arbitrale, le Secrétariat

accompagne les parties et la Cour dans sa mise en œuvre efficace en vue d’un

dénouement qualitatif de celle-ci.

De façon pratique, la demande d’arbitrage qui parvient à la CCI, est confiée à une

des sept équipes en tenant compte principalement de la langue de l’arbitrage, du lieu

d’exécution du contrat objet du litige soumis à la Cour et des domiciles ou résidences

des parties16.

Aux termes de l’article 4 alinéa 2 du Règlement, la date de réception de la demande

par le Secrétariat est considérée, à toutes fins, être celle d’introduction de la

procédure d’arbitrage.

Le Conseiller en charge de l’Equipe confie le dossier de la demande à un de ses

collaborateurs qui va se charger d’en faire un résumé succinct appelé première

soumission et s’assure auprès des services comptables de la CCI que l’avance

requise a été payée par la partie demanderesse. Le Secrétariat envoie à la partie

défenderesse, pour réponse, une copie de la demande et des pièces annexes.

La première soumission destinée à la Cour au cours de sa prochaine réunion

hebdomadaire sert à faire le point de tous les éléments essentiels de la demande

d’arbitrage tels que prescrits par l’alinéa 3 de l’article 4 du Règlement.

Tout le reste du travail de l’Equipe consistera à lever les difficultés de procédures

selon qu’elles exigent qu’elle s’adresse à la Cour, au Secrétaire Général de la Cour,

au tribunal arbitral ou aux parties conformément au Règlement.

16 Les sept équipes du Secrétariat sont constituées en référence à sept zones géographiques du monde (équipes française,

latino, italienne, espagnole, allemande, américaine et asiatique)

Page 24: MEMOIRE DESS

24

En vue de permettre aux parties de communiquer et de partager des informations en

temps réels, un outil informatique (NetCase) est mis à leur disposition 24h/24h et leur

offre un accès sécurisé aux informations et aux documents relatifs à l'affaire.

Au niveau de la CCJA-OHADA, Le Secrétariat Général du centre d’arbitrage est

assuré par le Greffier en chef de la Cour. Il joue un rôle particulièrement important

dans le déroulement de la procédure arbitrale. Il est secondé par un greffier adjoint.

Il procède à l’enregistrement des requêtes en arbitrage et les notifie aux parties

défenderesses en y joignant un exemplaire du règlement d’arbitrage du centre.

Le Secrétaire Général saisit la Cour pour la fixation des provisions pour les frais

d’arbitrage, pour la mise en œuvre de l’arbitrage et le cas échéant pour la fixation du

lieu de l’arbitrage lorsque cette question n’a pas été tranchée par les parties (cf. art.

8 et 13 du règlement d’arbitrage).

Il est également chargé d’établir sous le contrôle de la Cour, les documents destinés

à l’information des parties, des conseils et des arbitres ou nécessaires au

déroulement du processus arbitral.

Il assure la supervision des opérations d’encaissement ou de paiement exécutées

par le Régisseur dans le cadre du processus arbitral.

Dès que les sentences sont rendues, il appartient au Secrétaire Général de les

notifier aux parties après que celles-ci auront intégralement réglé les frais d’arbitrage.

Il résulte de l’article 5.5 du règlement intérieur en matière d’arbitrage que « le

Secrétaire Général conserve dans les archives de la Cour toutes les sentences, le

procès verbal constatant l’objet de l’arbitrage et fixant le déroulement de la

procédure, les décisions de la Cour, ainsi que la copie du courrier pertinent rédigé

par le secrétariat dans chaque affaire d’arbitrage ».

Ici comme au niveau de la Cour, la différence entre les deux systèmes s’apprécie au

niveau de la consistance des organes étudiés.

Les deux systèmes, on l’a vu sont des arbitrages institutionnels avec des organes

dont l’envergure diffère à cause de leur sphère de couverture. Quelles sont les règles

qui gouvernent leurs différentes procédures ?

Page 25: MEMOIRE DESS

25

Chapitre II   : INTRODUCTION DE LA PROCEDURE ARBITRALE

Son déclenchement s’apprécie par rapport au litige objet d’arbitrage (section I).

L’introduction à proprement dite s’effectuera par la demande et la réponse à la

demande (section II)

Section 1   : LA NAISSANCE DU LITIGE OBJET D’ARBITRAGE

Page 26: MEMOIRE DESS

26

Si la convention d’arbitrage est le fondement de l’arbitrage, l’origine du litige permet

d’en circonscrire le champ.

Paragraphe 1   : LA CONVENTION D’ARBITRAGE

L’introduction de la procédure commence par la saisine de la Cour par la partie la

plus diligente en vue de faire valoir ses droits en application d’une clause

compromissoire ou d’un compromis d’arbitrage conformément au règlement

d’arbitrage visé.

Les systèmes d’arbitrage CCI prévoient des clauses types d’arbitrage dont l’intérêt

est d’éviter les problèmes liés à l’existence ou non d’une clause arbitrale entre les

parties (insérer les clauses en note de bas de page).

Au niveau de l’arbitrage CCJA, en dépit de l’existence de la clause type, la pratique

donne à observer que des clauses pathologiques sont récurrentes dans les

conventions d’arbitrages qui ne permettent pas de conduire la procédure arbitrale

avec célérité si elles ne l’estompent pas prématurément. (Développer en

profondeur).

Paragraphe 2   : L’ORIGINE DU LITIGE

Les intérêts en cause naissent d’une relation juridique entre les parties de laquelle

naît le litige dont l’origine varie selon le règlement d’arbitrage.

Au niveau de l’arbitrage CCI, l’article 1er alinéa 1 du Règlement d’ arbitrage parle de

« différends ayant un caractère international et intervenant dans le domaine des

affaires ».

Le caractère international du différend s’entend de ce que le différend oppose deux

entités situées sur des territoires différents – c’est le cas des acteurs classiques de

l’arbitrage CCI que sont les entreprises qui devront avoir leur siège social dans des

Etats différents - ou que les entités en cause sont des sujets de droit international.

Ici, on fait référence aux Etats qui sont eux aussi justiciables devant la Cour

internationale d’arbitrage de la CCI.

Le différend devra également intervenir dans le domaine des affaires : la notion

semble complexe mais l’objet et la mission de la CCI lui en donnent un contour. Elle

comprend le domaine du droit commercial international.

Page 27: MEMOIRE DESS

27

La CCI en effet, est l’organisation mondiale des entreprises. Porte parole

représentatif du secteur privé, elle s’exprime au nom des entreprises de tous les

secteurs dans le monde entier.

Elle a pour mission fondamentale de promouvoir le commerce et les

investissements internationaux.

Le domaine des affaires, il faut en convenir est très vaste. Sa définition n’en est pas

moins aisée tant il est évolutif.

Le droit des affaires est une branche du droit privé qui comporte un ensemble de

droits relatifs aux affaires des entreprises. Il réglemente l’activité des commerçants et

industriels dans l’exercice de leur activité professionnelle. Il définit également les

actes de commerces occasionnels produits par des personnes non-commerçantes17.

La classification du droit des affaires comprend :

le droit commercial qui regroupe les règles générales régissant le droit des

affaires ;

le droit des sociétés, régissant les conditions de formation des sociétés et leur

mode de fonctionnement ;

le droit des entreprises en difficulté, regroupant les règles relatives aux

procédures collectives (procédures de redressement ou de liquidation

judiciaires) ;

le droit bancaire, qui regroupe les règles applicables aux opérations de

banque et aux personnes qui les accomplissent à titre professionnel ;

le droit cambiaire qui est l'ensemble des règles applicables aux effets de

commerce (lettre de change, billet à ordre, chèque) ;

le droit des assurances ;

le droit financier dont le droit boursier ;

le droit de la concurrence ;

le droit de l'informatique ;

le droit de la propriété industrielle ;

le droit de la consommation ;

le droit du secret des affaires qui existe aux États-Unis, mais pas en France ;17 Définition tirée de wikipédia

Page 28: MEMOIRE DESS

28

le droit des marques.

L’article 1er du Règlement CCI tempère cependant le caractère absolument

international des différends «  Toutefois, la Cour pourvoit également à la solution,

conformément au présent Règlement, de différends intervenant dans le domaine des

affaires n’ayant pas un caractère international s’il existe une convention d’arbitrage

lui attribuant compétence ».

En droit OHADA, la notion de droit des affaires est également affirmée.

L’Acte uniforme relatif au droit commercial général de l’OHADA, sans en donner une

définition, se contente d’en circonscrire le domaine en son article 2 : « pour

l’application du présent Traité, entrent d ans le domaine du droit des affaires

l’ensemble des règles relatifs au droit des sociétés et au statut juridique des

commerçants, au recouvrements des créances, aux sûretés et aux voies d’exécution,

au régime de redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de

l’arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente et des

transports, et toute autre matière que le Conseil des Ministres déciderait, à

l’unanimité d’y inclure, conformément à l’objet du présent Traité.. »

Dans le commentaire de cette disposition, le Professeur Jacqueline LOHOUES-

OBLE fait remarquer que « si on s’accorde à dire que le droit des affaires coïncide,

au sens étroit, avec le droit commercial, dans une acception large, il englobe la

réglementation des différentes composantes de la vie économique »18.

On le voit bien, les notions de droit des affaires et de droit économique tendent à

s’imbriquer. Cela est certainement dû au développement des activités économiques

dans un environnement de mondialisation.

Sur l’origine du litige en cause, le Règlement d’arbitrage de la CCJA-OHADA parle

de « différend d’ordre contractuel ». Ce qui signifie que le litige doit trouver son

origine dans un contrat. Peu importe qu’il soit civil ou commercial. C’est là une

différence avec le règlement CCI. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les

matières civiles ne connaissent pas certainement une communautarisation

importante à l’échelle internationale.

18 Commentaire du Traité OHADA dans « OHADA, traité et actes uniformes commentés et annotés » 2è édition

Page 29: MEMOIRE DESS

29

Le litige d’origine contractuel dans le règlement CCJA peut concerner la validité du

contrat, son exécution, sa fin anticipée ou son interprétation19.

En comparant ce critère à celui retenu par l’Acte uniforme sur l’arbitrage qui parle de

« droits dont on a la libre disposition », le Professeur Pierre Meyer note que le

caractère contractuel du différend est à la fois plus étroit et plus large. Plus étroit car

des droits disponibles n’ont pas nécessairement pour origine un contrat ; et plus

large car certains droits visés par un contrat pourraient être indisponibles.

Le litige né, et la convention d’arbitrage existant, il appartient à la partie la plus diligente d’enclencher le processus à travers la demande d’arbitrage.

Section 2   : DE LA DEMANDE D’ARBITRAGE A L’EXAMEN PRIMA FACIE DE LA CONVENTION D’ARBITRAGE

Nous verrons d’une part la demande et la réponse à la demande d’arbitrage, et

d’autre part l’examen prima facie.

Paragraphe 1   : LA DEMANDE ET LA REPONSE A LA DEMANDE D’ARBITRAGE

La demande d’arbitrage présente dans les deux systèmes des caractéristiques quasi

similaires (article 4 du Règlement d’arbitrage CCI – article 5 du Règlement

d’arbitrage CCJA).

Dans les deux cas, la demande est adressée au Secrétariat qui se charge de la

notifier à ou aux parties défenderesses.

Dans les deux cas également, une avance sur les frais administratifs doit être versée

à l’introduction de la demande d’arbitrage20. Au niveau de l’arbitrage CCI, cette

avance est fixée, aux termes de l’alinéa 4 article 4 par l’appendice III (« frais et

honoraires de l’arbitrage ») en vigueur, à la date d’introduction de la procédure

d’arbitrage.

19 Commentaire du Pr Pierre MEYER sur le Règlement d’arbitrage de la CCJA, article 2, dans « OHADA, Traité et actes uniformes commentés et annotés »20 2500dollars US comme frais à payer dans l’arbitrage CCIcontre 200 000 f CFA (environ 305 euros) au niveau de la CCJA

Page 30: MEMOIRE DESS

30

Le Règlement d’arbitrage de la CCJA quant à lui dispose en son article 5 – f que la

demande doit être accompagnée du montant du droit prévu pour l’introduction des

instances dans le barème des frais de la Cour. Ce barème est consigné dans l’article

1er de la Décision n0 004/99/CCJA relative aux frais d’arbitrage.

Les différents éléments composant la demande sont détaillés dans les deux

règlements. Quelques différences sont à noter : l’alinéa 3-c du Règlement

d’arbitrage CCI dispose que la demande doit contenir « une indication de l’objet de la

demande.. ». Initialement, l’article 3.2 –b du Règlement CCI de 1988 parlait

d’ « exposé des prétentions du demandeur ». C’est cette disposition qui a été reprise

par l’alinéa c du Règlement d’arbitrage CCJA.

Selon Maître Andreas REINER21, cette disposition créait parfois des incertitudes

quant au terme «prétentions ». Le Règlement en vigueur aurait pour objectif de

mettre fin à ces incertitudes. En indiquant « l’objet de la demande », il viserait le

dispositif de la sentence souhaitée.

Dans la pratique, l’Acte de mission (CCI) et le Procès verbal (CCJA) permettent de

lever les difficultés liées aux différentes demandes des parties, puisqu’ils constituent

un cadre d’échanges privilégié entre les parties et le tribunal arbitral.

Une autre différence notable existe entre les deux systèmes au niveau de la

demande d’arbitrage. Il s’agit de la gestion des connexions entre un litige pendant

devant la Cour et un autre impliquant les mêmes parties.

L’alinéa 6 du Règlement d’arbitrage de la CCI dispose à ce sujet que « lorsqu’une

partie introduit une demande d’arbitrage relative à une relation juridique faisant déjà

l’objet d’une procédure d’arbitrage entre les mêmes parties soumise au présent

Règlement, la Cour peut, sur requête de l’une des parties, décider de joindre le ou

les chefs de demande sur lesquels elle porte à la procédure déjà pendante, à

condition que l’acte de mission n’ait pas été signé ou approuvé par la Cour. Une fois

l’acte de mission signé ou approuvé par la Cour, la jonction ne peut être décidée que

dans les conditions prévues à l’article 19 ».

21 Avocat à Vienne, dans une réflexion sur le Règlement d’arbitrage CCI de 1998 paru dans « Kluwer Law International »

Page 31: MEMOIRE DESS

31

Ce dispositif qui n’existe pas dans l’arbitrage CCJA pourrait s’expliquer par le fait

que : le nombre de litiges soumis à la CCJA est, en l’état actuel de l’administration de

ses procédures, suffisamment réduit qui ne permet pas d’envisager une telle mesure.

La réponse à la demande d’arbitrage doit contenir les même mentions que celles

exigées dans la demande (article 5 Règlement CCI – articles 6, 7 et 8 Règlement

CCJA).

Le délai imparti diffère dans les deux systèmes : l’arbitrage CCI donne au défendeur

un délai de 30 jours à compter de la réception de la demande d’arbitrage envoyée

par le Secrétariat  ; alors que le Règlement CCJA impose un délai de 45 jours à dater

du reçu de la notification du Secrétaire Général.

Cet écart dans les délais s’explique par des raisons pratiques. Les moyens de

communication en Afrique n’étant pas suffisamment développés, le législateur

OHADA, sans ignorer la nécessité de célérité qui guide l’arbitrage, a certainement

fait preuve de réalisme dans cette matière.

Toutefois, « si la partie défenderesse a formé dans sa réponse une demande

reconventionnelle, la partie demanderesse peut, dans les trente (30) jours de la

réception de sa réponse, présenter une note complémentaire à ce sujet » article 7 du

Règlement CCJA.

La réduction de ce délai, sans remettre en cause les raisons invoquées ci-dessus,

pourrait s’expliquer par le fait qu’ayant déjà eu l’initiative de la saisine de la Cour par

la demande q ‘elle a introduite, la demanderesse s’attend à des échanges de

correspondances sur le dossier en cours.

La convention d’arbitrage dit-on est l’élément déclencheur de la procédure de la

procédure. D’où la nécessité de s’assurer de sa régularité à travers son examen

prima facie.

Paragraphe 2   : L’EXAMEN PRIMA FACIE DE LA CONVENTION D’ARBITRAGE  

L’examen prime facie de la convention d’arbitrage est une des phases les plus

importantes de la conduite de la procédure arbitrale. Il est vrai que c’est un examen

Page 32: MEMOIRE DESS

32

sommaire de la convention, mais il conditionne substantiellement la suite de la

procédure et peut en entrainer l’arrêt.

Sous l’empire du Règlement d’arbitrage de la CCJA, deux articles y sont consacrés

(l’article 9 intitulé « absence de convention d’arbitrage » et l’article 10 qui traite des

« effets de la convention d’arbitrage » en son point 10.3 ».

Le Règlement d’arbitrage de la CCI traite de la question en son article 6 sous le

titre « effet de la convention d’arbitrage ».

Les parties en effet peuvent arriver à mettre en cause la convention d’arbitrage.

L’arbitrage, il faut s’en souvenir intervient ou va intervenir suite à des malentendus

nés d’intérêts commerciaux et financiers souvent énormes. La mauvaise foi ou le

dilatoire d’une des parties est vite détecté qui appelle des mesures à prendre dans

administré. L’article 6.2 du Règlement d’arbitrage CCI est précis qui énonce : « Si le

défendeur ne répond pas à la demande comme il est prévu à l’article 5, ou

lorsqu’une des parties soulève un ou plusieurs moyens relatifs à l’existence, à la

validité ou à la portée de la convention d’arbitrage, la Cour peut décider, sans

préjuger la recevabilité ou le bien-fondé de ce ou ces moyens, que l’arbitrage aura

lieu si, prima facie, elle estime possible l’existence d’une convention d’arbitrage

visant le Règlement. Dans ce cas, il appartiendra au tribunal arbitral de prendre toute

décision sur sa propre compétence. Si la Cour ne parvient pas à cette conclusion,

les parties sont informées que l’arbitrage ne peut avoir lieu. Dans ce cas, les parties

conservent le droit de demander à la juridiction compétente si elles sont ou non liées

par une convention d’arbitrage. »

L’examen prima facie peut cependant déboucher sur l’arrêt de la procédure. L’article

9 du Règlement CCJA est plus précis sur la question.

Ces dispositifs posent également le problème de la « compétence-compétence »,

principe qui donne la possibilité aux arbitres de statuer sur leur propre compétence

même en cas de contestation de celle ci sur la base de l’existence, la validité ou la

portée de la convention d’arbitrage.

Ces dispositifs posent enfin le problème de l’autonomie de la convention d’arbitrage

par rapport au contrat qui en est la source.

Page 33: MEMOIRE DESS

33

Cette autonomie a été conceptualisée par un célèbre arrêt (arrêt  Gosset)22 de la

Cour de cassation française.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation française décida qu’un arbitre avait pu rendre

une décision valable, alors que sa compétence était fondée sur une clause

compromissoire figurant dans un contrat dont la nullité était alléguée, dès lors

qu’« en matière d’arbitrage international, l’accord compromissoire, qu’il soit conclu

séparément ou inclus dans l’acte juridique auquel il a trait, présente toujours, sauf

circonstances exceptionnelles (…), une complète autonomie juridique, excluant qu’il

puisse être affecté par une éventuelle invalidité de cet acte ».

La Cour de cassation pose là un principe unanimement admis et qui constitue de

notre point de vue un des piliers et surtout un élément d’originalité de l’arbitrage en

tant que mode privé de règlement des conflits.

Selon la doctrine23, la solution de la Cour de cassation présente un intérêt certain sur

le plan pratique en ce sens qu’elle empêche toutes les manœuvres dilatoires qu’une

des parties à la convention d’arbitrage pouvait être tentée d’entreprendre pour

retarder la tenue de la procédure arbitrale. Son objectif premier étant de donner

pleine efficacité à la convention d’arbitrage.

Le contrat étant nul, si sa nullité emporte la nullité de la clause compromissoire,

l’arbitre s’en trouverait rétroactivement privé de toute légitimité.

Ce principe est affirmé avec d’autant plus d’intérêt que la Cour de cassation prend la

peine de préciser dans l’arrêt  Gosset  que la solution est valable peu importe que

l’accord compromissoire « soit conclu séparément ou inclus dans l’acte juridique

auquel il a trait ».

Le litige est né et la convention qui en fonde son règlement a été jugé valable. Quid

de la suite ?

22 Cass. civ. 1re, 7 mai 1963, Bull. civ. I, n°24623 Paul-Gérard POUGOUE, droit de l’arbitrage dans l’espace OHADA P. 40

Page 34: MEMOIRE DESS

34

Deuxième partie : LA CONDUITE DE L’INSTANCE ARBITRALE

Feront l’objet de traitement dans cette partie, les problèmes liés à la constitution du

tribunal arbitral et à la sentence (chapitre I) ainsi que de la problématique d’une

phase post arbitrale (chapitre II).

Chapitre I   : DE LA CONSTITUTION DU TRIBUNAL A LA SENTENCE

Deux sections composent ce chapitre : la constitution du tribunal arbitral (section I) et

la sentence (section II)

Page 35: MEMOIRE DESS

35

Section 1 : LA CONSTITUTION DU TRIBUNAL ARBITRAL

On traitera de la nomination, la confirmation et l’indépendance des arbitres

Paragraphe 1 : LA NOMINATION, LA CONFIRMATION ET L’INDEPENDANCE DES ARBITRES

En règle générale, le choix des arbitres est du ressort des parties conformément au

principe de liberté qui guide la procédure arbitrale. Cette règle prévaut dans les deux

systèmes d’arbitrage.

Le tribunal arbitral peut être constitué par un ou trois arbitres, toujours conformément

à la volonté des parties.

Lorsque les parties conviennent du règlement du litige par un arbitre unique, elles le

désignent d’un commun accord pour confirmation par la Cour. Dans les deux

systèmes, cette disposition figure dans les différents règlements (article 8 alinéa 3

CCI – article 3 alinéa 3.1CCJA).

La spécificité de l’arbitrage CCI réside d’une part dans la possibilité donnée au

Secrétariat Général de confirmer l’arbitre : « Le Secrétaire général peut confirmer en

qualité de coarbitres, arbitres uniques et de présidents de tribunaux arbitraux les

personnes désignées par les parties ou en application de leurs accords particuliers si

elles ont soumis une déclaration d’indépendance sans réserves ou si une déclaration

d’indépendance avec réserves ne donne lieu à aucune contestation. La Cour est

informée de cette confirmation lors de sa prochaine session. Si le Secrétaire général

estime qu’un coarbitre, un arbitre unique ou un président de tribunal arbitral ne doit

pas être confirmé, cette question est soumise à la décision de la Cour. » article 9

alinéa 2 Règlement CCI.

Il convient de préciser que non seulement c’est une faculté « peut confirmer » et non

« confirme » (ce pouvoir ressortissant à la compétence de la Cour) ; mais bien plus,

cette opportunité est assortie de conditions : si les parties « ont soumis une

déclaration d’indépendance sans réserves ou si une déclaration d’indépendance

avec réserves ne donne lieu à aucune contestation ».

Page 36: MEMOIRE DESS

36

Il reste que « Si le Secrétaire général estime qu’un coarbitre, un arbitre unique ou un

président de tribunal arbitral ne doit pas être confirmé, cette question est soumise à

la décision de la Cour »  ; ce qui replace bien la Cour dans ses attributions en la

matière.

Ce pouvoir de confirmation conféré au Secrétaire Général de la Cour d’arbitrage de

la CCI ne figure pas dans le Règlement d’arbitrage de la CCJA-OHADA.

Il ne faut certainement pas y voir la volonté des rédacteurs du Règlement de faire

entorse au principe de célérité qui caractérise la procédure arbitrale. Etant à son

premier règlement il faut peut être laissé à l’arbitrage CCJA, le temps de s’aguerrir et

confirmer aux yeux des justiciables tout son crédit avant d’insérer une telle clause

dans le règlement.

D’autre part, la différence entre les deux systèmes réside dans les cas où la Cour

est appelée à nommer un arbitre. Aux termes de l’article 9 alinéa 3 du Règlement

d’arbitrage de la CCI « Lorsqu’il incombe à la Cour de nommer un arbitre unique ou

un président de tribunal arbitral, elle procède à la nomination sur la base d’une

proposition d’un comité national de la CCI qu’elle estime approprié. Si la Cour

n’accepte pas cette proposition, ou si ce comité national ne fait pas la proposition

demandée dans le délai imparti par la Cour, la Cour peut réitérer sa demande ou

demander une proposition à un autre comité national qu’elle estime approprié ».

Ainsi, la Cour s’appuie sur des comités nationaux repartis dans 90 pays en vue

d’opérer le choix d’un arbitre en cas de besoin. Sur la liste d’arbitres qui existe à cet

effet.

La commission nationale est mise en place dans un pays à l’initiative de la chambre

de commerce et d’industrie et du gouvernement du pays. Une demande officielle est

adressée à la CCI qui en analyse le contenu et informe le requérant de sa décision.

Au niveau de la CCJA, la procédure est différente. Selon l’article 3.2 de son

Règlement, «  les arbitres peuvent être choisis sur la liste des arbitres établie par la

Cour et mise à jour annuellement. Les membres de la Cour ne peuvent pas être

inscrits sur cette liste ».

Page 37: MEMOIRE DESS

37

Le choix des arbitres répond notamment à des critères de bonnes connaissances de

la matière juridique ; le candidat doit jouir d’une expérience professionnelle

suffisante, d’une intégrité et d’une probité reconnues.

Leur choix répond, bien plus, à des critères d’indépendance. C’est un critère

déterminant pour la conduite équitable de l’arbitrage. Dans les deux systèmes, il est

exigé. L’article 4.1 du Règlement d’arbitrage CCJA édicte que « Tout arbitre nommé

ou confirmé par la Cour doit être et demeurer indépendant des parties en cause »,

lequel doit « faire connaître par écrit au Secrétaire général de la Cour les faits ou

circonstances qui pourraient être de nature à mettre en cause son indépendance

dans l’esprit des parties ».

Au niveau de l’arbitrage CCI, l’article 7.1 énonce que « Tout arbitre doit être et

demeurer indépendant des parties en cause », et de poursuivre : « avant sa

nomination ou sa confirmation, l’arbitre pressenti signe une déclaration

d’indépendance et fait connaître par écrit au Secrétariat les faits ou circonstances qui

pourraient être de nature à mettre en cause son indépendance dans l’esprit des

parties. Le Secrétariat communique ces informations par écrit aux parties et leur fixe

un délai pour faire connaître leurs observations éventuelles ».

Ces précautions de « procédure » relatives à l’indépendance des arbitres,

s’imposent comme une nécessité pour préserver la crédibilité des institutions qui

administrent l’arbitrage mais aussi pour garantir l’impartialité et la fiabilité du

dispositif. Les parties à l’arbitrage ont en effet le souci, en recourant à l’arbitrage de

gagner en temps et en efficacité. Exiger au départ de la constitution du tribunal

arbitral ces conditions d’indépendance permet de répondre à ce souci.

Paragraphe 2   : LA PLURALITE DES ARBITRES

Le cas d'arbitrage multipartite, à savoir lorsque l'arbitrage comprend une multiplicité

de parties demanderesses et /ou défenderesses est réglé par les deux différents

Règlements.

En cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, et si le litige est soumis à trois

arbitres, les demandeurs conjointement et/ou les défendeurs conjointement,

Page 38: MEMOIRE DESS

38

désignent un arbitre pour confirmation par la Cour (Art. 10.1 Règlement CCI – article

3.1 alinéa 5 Règlement CCJA).

A défaut d'une désignation conjointe et de tout autre accord entre les parties sur les

modalités de constitution du tribunal arbitral, la Cour peut nommer chacun des

membres du tribunal arbitral et désigner l'un d'entre eux comme président. Dans ce

cas, la Cour est libre de choisir toute personne qu'elle juge apte à agir en qualité

d'arbitre.

En procédant de la sorte, la Cour évite qu'il y ait inégalité entre les parties

concernant leur participation à la constitution du tribunal arbitral.

Cette nouvelle disposition répond ainsi à un arrêt de la Cour de Cassation française24

qui avait jugé que les parties disposent d'un droit d'égalité dans la constitution du

tribunal arbitral auquel il ne peut être renoncé avant la survenance du litige.

Au niveau de la CCI, l’article 10.1 pose le principe selon lequel plusieurs

demandeurs ou plusieurs défendeurs doivent désigner conjointement un co-arbitre.

Ce principe est complété par l’alinéa 2 qui dispose qu’à défaut d’une désignation

conjointe et de tout accord entre les parties sur les modalités de constitution du

tribunal arbitral, la Cour peut nommer les trois arbitres c'est-à-dire non seulement le

président et le co-arbitre au nom des demandeurs ou défendeurs qui n’ont pas pu ou

qui n’ont pas voulu procéder à la désignation conjointe d’un co-arbitre, mais

également le co-arbitre au nom de la partie adverse qui se voit ainsi également

privée, comme les autres parties, du droit de choisir un co-arbitre.

Il convient de noter que la désignation des trois arbitres par la Cour n’est pas

automatique. L’article 10.2 du Règlement CCI dit expressément que la Cour peut

nommer tous les membres du tribunal arbitral. Ainsi, le Règlement donne à la Cour

d’arbitrage, une marge de manœuvre bien utile, par exemple, lorsque les défendeurs

qui n’ont pas pu ou n’ont pas voulu se mettre d’accord sur le nom d’un co-arbitre

n’ont pas en réalité d’intérêts opposés.

Paragraphe 3   : LES HYPOTHESES DE REMPLACEMENT DES ARBITRES  

24 Le principe de l’égalité des parties en matière de désignation des arbitres en vue d’une procédure d’arbitrage a été énoncé pour la première fois par la Cour de cassation dans l’arrêt Dutco du 7 janvier 1992. Ce principe est d’ordre public et il est donc impossible d’y renoncer par avance.

Page 39: MEMOIRE DESS

39

Ces hypothèses tiennent aux cas de récusation, de révocation et de décès d’un arbitre.

Sur la question de la récusation des arbitres, les deux systèmes présentent une

approche similaire dans le traitement ((Art. 11 Règlement CCI – article 4.2

Règlement CCJA).

Il est en effet des cas où un arbitre peut être récusé par la partie adverse. Les

raisons de cette récusation peuvent être tirées de l’absence d’indépendance ou

même de tout autre motif. Les deux Règlements précisent que les observations de

l’arbitre récusé ainsi que les observations de tout autre membre du tribunal arbitral

sont communiqués aux parties et aux autres arbitres.

Cette solution est intéressante car si un arbitre est récusé à tort, ses observations

ainsi que celles des autres devraient avoir un effet de clarification et d’apaisement. A

l’inverse, les observations d’un arbitre peuvent confirmer ou révéler sa partialité.

Cette disposition donne aussi plus de garantie aux parties et évite des discussions

devant les arbitres et devant les juges étatiques sur la régularité de la procédure de

récusation.

Il arrive parfois qu’une partie utilise « son » co-arbitre comme moyen dilatoire ou

qu’un arbitre de sa propre initiative, ne respecte pas les règles du jeu. On peut

penser par exemple à la désignation d’un co-arbitre dont on sait d’avance qu’il n’est

pas indépendant, à la démission d’u arbitre sans juste motif ou à un arbitre qui doit

être remplacé parce qu’il ne remplit pas ses fonctions conformément au règlement

ou dans les délais impartis. Selon Me Philippe LEBOULANGER, cette « disposition

est destinée à combattre les manœuvres dilatoires consistant pour un arbitre à

démissionner à un moment proche de la clôture, afin de saborder l’arbitrage, alors

qu’une majorité contraire aux intérêts de la partie qui l’a désigné semble acquise »25.

Lorsqu’un tel arbitre aura été démis de ses fonctions, (soit par récusation, soit par

démission, acceptée ou par la procédure de remplacement) la Cour aura le pouvoir

discrétionnaire, soit de suivre la procédure initiale de nomination, c'est-à-dire en

25 Cf. P. LEBOULANGER, Présentation générale des Actes sur l’arbitrage, in l’OHADA et les perspectives de l’arbitrage en Afrique, Travaux du Centre René Jean Dupuy, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 76

Sur cette question, v. E. GAILLARD, Les manœuvres dilatoires des parties et des arbitres dans l’arbitrage commercial international, rev. Arb. 1990. 759

Page 40: MEMOIRE DESS

40

règle générale d’inviter la partie concernée à désigner un nouvel arbitre pour

remplacer celui qui aura démissionné etc.., soit de choisir un co-arbitre de son choix

pour remplacer le premier. Cette nouvelle règle aura un effet préventif et dissuasif et

incitera les parties à désigner des arbitres indépendants et les arbitres à

correctement remplir leurs fonctions. Le Pr MEYER considère que la Cour dispose

ainsi d’un véritable pouvoir de révocation de l’arbitre négligent26.

Le tribunal arbitral constitué, il importe de traiter des modalités d’organisation de la

procédure.

Section 2   : DES MODALITES D’ORGANISATION DE LA PROCEDURE

Ici seront abordées toutes les questions liées à la conduite de l’instance arbitrale.

Paragraphe 1   : L’ACTE DE MISSION ET LE PROCES VERBAL

Une des étapes les plus importantes dans la procédure s’ouvre dès cet instant : c’est

l’établissement de l’Acte de mission au niveau de la CCI (article 18 du Règlement

CCI) ou Procès verbal en ce qui concerne l’arbitrage CCJA-OHADA (article 15 du

Règlement d’arbitrage CCJA).

A l’évidence, le Procès verbal de la CCJA est le pendant de l’Acte de mission de la

CCI. Ils ont tous les deux pour objet de baliser les contours du déroulement de la

procédure.

Quelques particularités existent au niveau des deux systèmes d’arbitrage. En effet, si

l’article 18 du Règlement d’arbitrage de la CCI exige seulement de l’arbitre

l’établissement d’un acte précisant sa mission sur pièces ou en présence des parties,

l’article 15 du règlement d’arbitrage de la CCJA parle quant à lui de procès verbal

établi à la suite d’une réunion en présence des parties ou de leurs représentants et

conseils.

L’exigence de la présence des parties pour l’établissement du Procès Verbal pourrait

être vue de prime abord comme une lourdeur dans la procédure par rapport à

l’arbitrage CCI qui lui prescrit que c’est « sur pièces ou en présence des parties »

26 Cf. Pierre MEYER, OHADA : Traité et Actes Uniformes annotés et commentés, Juriscope, 2è éd. 2002, p. 153

Page 41: MEMOIRE DESS

41

que le tribunal arbitral établit, en l’état des derniers dires de celles-ci, un acte

précisant sa mission, dès remise du dossier par le Secrétariat. Or, les parties doivent

le signer après coup dans l’arbitrage CCI : « le tribunal arbitral communique à la Cour

l’acte de mission signé par les parties et par lui-même ». Ce qui ne donne pas à

l’arbitrage CCI, un avantage de gain de temps par rapport à l’arbitra CCJA dans cette

matière.

Par ailleurs, il est à noter que l’énonciation des points litigieux est désormais

facultative dans l’acte de mission dans l’arbitrage CCI alors qu’elle est exigée dans

le procès verbal de l’arbitrage de la CCJA. Il permettrait selon Ndiaye Mayatta

MBAYE27 de préciser la volonté des parties et surtout de fixer leurs propositions

respectives.

En exigeant la tenue d’une réunion entre les parties et les arbitres, l’établissement du

procès verbal risque d’être retardé d’autant plus qu’après les phases de constitution

du tribunal arbitral et de mise en œuvre de la procédure arbitrale, c’est celle du

procès verbal qui suit avant les audiences sur le fond du litige.

Un autre point distinctif entre les deux systèmes se rattachant à l’Acte de mission et

au Procès verbal, tient à l’insertion des demandes nouvelles.

La CCJA permet en effet de formuler des demandes nouvelles après l’établissement

du Procès verbal même si ces demandes restent soumises à une condition de fond28

et à une appréciation du tribunal arbitral.

Cette possibilité n’est pas admise dans l’arbitrage CCI, du moins dans son principe.

L’article 19 du Règlement d’arbitrage CCI dispose en effet que « Après la signature

de l’acte de mission, ou son approbation par la Cour, les parties ne peuvent formuler

de nouvelles demandes, reconventionnelles ou non, hors des limites de l’acte de

mission, sauf autorisation du tribunal arbitral qui tiendra compte de la nature de ces

nouvelles demandes principales ou reconventionnelles, de l’état d’avancement de la

procédure et de toutes autres circonstances pertinentes. »

27 Dans « l’arbitrage OHADA : réflexions critiques, Mémoire DEA, Université Paris X, juin 200128 L’alinéa 2 de l’article 18 du Règlement d’arbitrage CCJA exige que ces demandes restent dans le cadre de la convention d’arbitrage

Page 42: MEMOIRE DESS

42

Le Règlement d’arbitrage de la CCI n’admet pas les demandes nouvelles. C’est cela

le principe qui est assorti de l’exception de l’autorisation du tribunal arbitral qui dans

ce cas «  tiendra compte de la nature de ces nouvelles demandes principales ou

reconventionnelles, de l’état d’avancement de la procédure et de toutes autres

circonstances pertinentes ». Au niveau de la CCJA par contre, le principe est la

possibilité de formuler des demandes nouvelles qui ne peuvent être interdites

qu’exceptionnellement par l’arbitre en raison notamment du retard avec lequel elle

est sollicité.

La doctrine29 estime que la restriction de la CCI est une difficulté car de cette

manière, l’arbitrage serait enfermé dans un cadre trop précis et contraignant

résultant d’un acte établi alors que l’arbitrage ne fait que commencer.

Cependant, en se référant au souci d’efficacité et de célérité qui guide le système

d’arbitrage, on peut émettre des réserves quant aux critiques formulées à l’encontre

de l’arbitrage CCI dans cette matière. En effet, circonscrire les demandes dans le

cadre de l’établissement de l’Acte de mission permet de donner à la conduite de

l’instance arbitrale une efficacité. L’Acte de mission qui est une plate forme

importante dans le système CCI permet d’atteindre cet objectif.

En admettant pour les parties la liberté d’évoquer à tout moment de la procédure de

nouveaux moyens à l’appui des demandes qu’elles ont formulées, l’arbitrage CCJA

fait courir à la procédure le risque de s’en trouver régulièrement perturbée, ce qui

est contraire à sa vocation.

Paragraphe 2   : LE LIEU DE L’ARBITRAGE

Concernant le lieu de l’arbitrage, il est sensé avoir été déterminé par les parties dans

leur convention d’arbitrage. L’arbitrage étant la loi des parties, il appartient à celles-ci

de décider du lieu où devra se tenir les audiences. Le lieu de l’arbitrage se décide en

règle générale en référence à des considérations d’ordre pratique aussi bien pour les

conseils des parties que pour le tribunal arbitral.

29 Cf. Pierre MEYER, OHADA : Traité et Actes Uniformes annotés et commentés, Juriscope, 2è éd. 2002, p.162

Page 43: MEMOIRE DESS

43

Au niveau de l’arbitrage CCI, dans la grande majorité des affaires qui lui sont

soumises, les parties conviennent du lieu de l'arbitrage. À défaut, il est fixé par la

Cour, généralement en terrain « neutre », autrement dit dans un pays qui ne sera ni

celui du demandeur, ni celui du défendeur. Celui-ci peut choisir un endroit autre que

celui des parties qu’il jugera opportun, à la condition qu’il ait consulté les parties à cet

effet. L’alinéa 3 de l’article 14 du Règlement CCI conclut sur ce chapitre en

disposant que le tribunal arbitral peut délibérer en tout endroit qu’il considère

opportun. La CCI en pratique propose des salles d’audiences offrant les commodités

adéquates et équipées de moyens de pointe.

Si dans l’arbitrage CCI, la Convention de New York, du fait de l’importance des pays

qui l’ont ratifié, règle les problèmes liés à la détermination du lieu de l’arbitrage

notamment au niveau de l’exécution des sentences, l’intérêt de la question prend

tout son sens dans l’arbitrage CCJA.

En effet, a priori, rien n’oblige les parties à fixer le siège de l’arbitrage soumis au

règlement de la CCJA dans un Etat membre de l’OHADA selon le Professeur  Pierre

MEYER. Il faut toutefois être conscient, qu’à raison des attributions juridictionnelles

confiées à la CCJA, dans le cadre des arbitrages CCJA, à savoir l’exequatur et

l’examen du recours en contestation de validité de la sentence, (article 30 et 29 du

Règlement CCJA), le choix d’un Etat tiers à l’OHADA comme siège d’un arbitrage

CCJA peut se révéler dangereux du point de vue de l’efficacité de cet arbitrage30. En

effet, poursuit-il, l’exequatur communautaire ne lie que les Etats membres de

l’OHADA. En outre, le recours juridictionnel contre la sentence portée devant la

CCJA pourra subir la concurrence d’un recours juridictionnel contre la sentence

portée devant une juridiction étatique compétente de l’Etat du siège de l’arbitrage.

Paragraphe 3   : LES REGLES APPLICABLES A LA PROCEDURE

Les règles de droit applicables à la procédure font l’objet de traitement dans le deux

systèmes. Les articles 18 et 16 traitent respectivement de cette question dans les

Règlements CCI et CCJA.

Les règles applicables à la procédure sont celles édictées par le Règlement. Celui ci

dispose en effet que la procédure devant le tribunal arbitral est régie par le présent

30 Cf. Pierre MEYER, OHADA : Traité et Actes Uniformes annotés et commentés, Juriscope, 2è éd. 2002, p. 159

Page 44: MEMOIRE DESS

44

Règlement et, dans le silence de ce dernier, par les règles que les parties, ou à

défaut le tribunal arbitral, déterminent, en se référant ou non à une loi nationale de

procédure applicable à l’arbitrage (article 15.1 Règlement d’arbitrage CCI).

Dans le deux systèmes, les dispositions sur les règles applicables à la procédure

sont identiques. Elles échappent à l’emprise des normes étatiques dans le principe,

quoique les règlements donnent la latitude au tribunal arbitral de faire référence à

une loi nationale.

L’alinéa 2 de l’article 15 dispose en outre que dans tous les cas, le tribunal arbitral

conduit la procédure de manière équitable et impartiale et veille à ce que chaque

partie ait eu la possibilité d’être suffisamment entendue31.

L’exigence d’une procédure équitable et impartiale n’est pas nouvelle dans la

procédure d’arbitrage CCI. En revanche, l’exigence de la possibilité d’être

« suffisamment entendu » apparait comme une  indication qui ne limite pas le droit

d’être entendu.

Cette exigence de la possibilité d’être « suffisamment entendu » n’apparait pas

explicitement dans le règlement CCJA, mais ne signifie pas pour autant que la

possibilité d’être suffisamment entendu. Le Procès verbal nous parait offrir cette

possibilité.

Paragraphe 4   : LA LANGUE DE L’ARBITRAGE

Si le Règlement CCI en parle, celui de la CCJA n’en parle pas expressément.

Dans l’arbitrage CCI, la langue de l’arbitrage, comme d’autres éléments de

l’arbitrage, ressortit à la compétence des parties.

L’article 16 du Règlement d’arbitrage de la CCI qui en traite en donne compétence

au tribunal arbitral qu’à défaut d’accord entre les parties sur cette matière.

Dans ce cas, le tribunal arbitral tient compte de toutes circonstances pertinentes, y

compris la langue du contrat.

31 Article 15 .2 du Règlement d’arbitrage CCI

Page 45: MEMOIRE DESS

45

La question se pose de savoir quelle langue gouvernera l’instance arbitrale dans le

système CCJA-OHADA ?

L’arbitrage est la loi des parties, il leur revient donc de faire le choix de la langue de

l’arbitrage. L’arbitrage CCJA étant un arbitrage administré, la Cour pourrait intervenir

pour définir la langue de l’arbitrage en tenant compte des circonstances. Au

demeurant, le français est la langue officielle de l’OHADA aux termes de l’article 42

du Traité qui l’institue. L’on peut donc penser que dans la majorité des cas, le

français pourrait être choisi comme langue de l’arbitrage.

Paragraphe 5   : LES REGLES DE DROIT APPLICABLES AU FOND

Le traitement réservé aux règles de droit applicable au fond est le même dans les deux systèmes. C’est d’abord et avant tout l’affaire des parties à l’arbitrage.

Les règles de droit applicables au fond expriment la flexibilité de l’arbitrage et la liberté des parties.

Dans l’arbitrage CCI, le Règlement, tout en confirmant le principe de la liberté du

choix des parties de désigner les règles de droit applicable au fond du litige, stipule

qu'à défaut de choix des parties, l'arbitre appliquera les "règles de droit" qu'il juge

appropriées (Art. 17.1), tout en tenant compte des dispositions du contrat et des

usages du commerce pertinents (Art. 17.2).

Cette formulation proche de la loi modèle CNUDCI, confirme que les arbitres ne sont

pas limités à déterminer la loi d'un ordre juridique national d'une part, mais surtout

elle élimine l'obligation contenue dans le précédent règlement de recourir aux règles

de conflit.

Le Règlement donne ainsi davantage de liberté aux arbitres dans la détermination

du droit applicable.

Le tribunal arbitral statue en amiable compositeur, ou décide ex aequo et bono,

seulement si les parties sont convenues de l’investir de tels pouvoirs (Art. 17.3).

C’est une possibilité offerte au tribunal de statuer en s’écartant des règles de loi pour

statuer en équité.

Page 46: MEMOIRE DESS

46

Paragraphe 6   : LES FRAIS D’ARBITRAGE 32

Les frais d’arbitrage, dans les deux systèmes, visent à couvrir les honoraires et frais

du tribunal arbitral ainsi que les frais administratifs de la Cour correspondant aux

demandes d’arbitrage et aux demandes reconventionnelles dont elle est saisie par

les parties.

L’un des intérêts des frais d’arbitrage réside dans les moutures suivantes : « Des

provisions distinctes pour la demande principale et pour la ou les demandes

reconventionnelles peuvent être fixées si une partie en fait la demande » (article 11.1

in fine du règlement d’arbitrage CCJA) ; « Au cas où, indépendamment de la

demande principale, une ou plusieurs demandes reconventionnelles seraient

formulées, la Cour peut fixer des provisions distinctes pour la demande principale et

pour la ou les demandes reconventionnelles » (article 30 alinéa in fine du règlement

d’arbitrage de la CCI.

Une partie à l’arbitrage peut, en effet, de mauvaise foi, faire du dilatoire en faisant

une demande reconventionnelle élevée de manière à obtenir de la Cour, la fixation

d’une provision qui pourrait être plus importante que la demande principale de la

partie adverse. De la sorte, cette dernière pourrait être découragée par le montant de

la provision qu’elle devra payer qui en l’espèce pourrait être supérieure à sa propre

demande.

En fixant des provisions distinctes, la Cour prévient une telle éventualité et garantit la

poursuite de la procédure.

Une des différences dans les deux systèmes réside dans le coût de l’arbitrage. A

l’évidence, l’arbitrage CCI est beaucoup plus couteux que l’arbitrage de la CCJA eu

égard certainement à son envergure33.

Paragraphe 7   : LES MESURES CONSERVATOIRES ET PROVISOIRES

Les mesures conservatoires et provisoires sont respectivement traitées aux articles

23 du Règlement d’arbitrage CCI et 10.5 du Règlement d’arbitrage CCJA-OHADA.

32 Voir annexe 233 Voir les tableaux des frais d’arbitrage en annexe

Page 47: MEMOIRE DESS

47

Elles présentent les mêmes caractéristiques et peuvent provenir aussi bien du

tribunal arbitral que du juge étatique dans les deux systèmes, autant qu’elles peuvent

intervenir avant la remise du dossier au tribunal arbitral et après la remise du dossier

à celui-ci.

Une nuance est à relever tout de même entre les deux systèmes. L’alinéa 1 de

l’article 23 du Règlement d’arbitrage CCI dispose que le tribunal arbitral peut

subordonner toute mesure conservatoire et provisoire à la constitution de garanties

adéquates par le requérant. Cette disposition n’est pas prise en compte dans

l’arbitrage CCJA.

Le Règlement d’arbitrage CCI précise par ailleurs que « la saisine d’une autorité

judiciaire pour obtenir de telles mesures ou pour faire exécuter des mesures

semblables prises par un tribunal arbitral ne contrevient pas à la convention

d’arbitrage, ne constitue pas une renonciation à celle-ci, et ne préjudicie pas à la

compétence du tribunal arbitral à ce titre. »

Cela s’explique par le fait que l’arbitrage étant un mode privé de règlement des

différends, l’intervention de l’autorité judiciaire étatique pourrait créer dans l’esprit

des justiciables une confusion de genre, un rejet de la confidentialité ou même une

possibilité pour une partie au conflit de faire du dilatoire aux yeux de l’autre.

Une telle disposition permet de restaurer à l’arbitrage toute sa place dans le

règlement du conflit en cause.

L’arbitrage CCJA prévoit également le recours à des mesures provisoires ou

conservatoires. Aux termes de l’article 10.5 du Règlement CCJA, le pouvoir des

arbitres de prononcer des mesures provisoires ou conservatoires est limité dans trois

cas. Le premier cas résulte de la convention des parties. Le deuxième cas tient à

l’impossibilité de saisir les arbitres car le dossier d’arbitrage ne leur a pas encore été

remis. Le troisième cas concerne les situations où l’urgence ne permet pas à l’arbitre

de se prononcer en temps utile.

Paragraphe 8   : LE REFERE PRE ARBITRAL

Page 48: MEMOIRE DESS

48

Spécificité CCI par rapport à l’arbitrage CCJA, le référé pré-arbitral est une

procédure particulièrement appropriée pour répondre aux cas d'urgence réclamant

une mesure provisoire dans un délai très bref. Elle ne doit pas être vue comme une

procédure qui se substitue soit au tribunal arbitral soit au tribunal étatique compétent

au fond de l'affaire, mais simplement comme un moyen d'obtenir rapidement et

d'urgence les mesures provisoires demandées. Le tiers statuant en référé prévu par

le règlement est investi du pouvoir d'ordonner toute mesure provisoire et

conservatoire devant un juge ou un arbitre saisi du fond. Dans tous les cas, l'accord

prévoyant le référé pré-arbitral doit être conclu par écrit.

La procédure peut être divisée en quatre parties principales : l'engagement de la

procédure, la nomination du tiers statuant en référé, l'instruction de la cause et

l'ordonnance de référé pré-arbitral34.

La demande35 d'engager une procédure est faite par l'une quelconque des parties, ou

les deux parties, qui envoie deux exemplaires de sa demande au Secrétariat de la

Cour internationale d'arbitrage. Cette partie doit en même temps notifier sa requête

aux autres parties, par la voie d'acheminement la plus rapide dont elle dispose.

A la réception de la réponse écrite ou huit jours à compter de la réception de la

demande (qui est dans tous les cas plus tôt), le tiers statuant en référé est nommé

par la Président de la Cour internationale d'arbitrage.

Deux hypothèses doivent être considérées : La première, les parties ont désigné

conjointement le tiers statuant en référé, dans ce cas la personne choisie est

nommée par le Président de la Cour internationale d'arbitrage de la CCI ; La

deuxième, aucune proposition commune n'a été faite, dans ce cas le tiers statuant en

référé est directement nommé par le Président.

Pour que le tiers statuant en référé ait le plus rapidement possible une idée précise

des points litigieux, le règlement lui donne la possibilité de conduire la procédure de

la manière qu'il considère la plus appropriée, incluant le droit d'avoir accès à tout 34 Source : site officiel de la CCI : www.iccwbo.org

35 La demande doit être accompagnée du versement de 5000 $ US.

Page 49: MEMOIRE DESS

49

document qu'il estime nécessaire ou de se rendre à tout endroit où doivent se

dérouler investigations ou enquêtes. Il peut aussi citer dans les plus brefs délais les

parties à comparaître devant lui. Les résultats de ses investigations ou enquêtes sont

communiqués aux parties pour commentaires. Dans tous les cas il doit s'assurer que

l'autre partie, contre laquelle une ordonnance est demandée, a reçu ou aurait dû

recevoir la demande en référé et avait eu la possibilité de communiquer une réponse

ou des commentaires.

Dans un délai de 30 jours à compter du jour où le dossier lui a été transmis, le tiers

statuant en référé rend et envoie l'ordonnance au Secrétariat de la Cour qui à son

tour va notifier les parties de l'ordonnance de référé. Le tiers statuant en référé

dispose d'une large gamme de pouvoirs : par exemple, il peut ordonner des mesures

conservatoires, des mesures de remise en état ou toute mesure nécessaire pour

conserver ou établir une preuve. Il peut aussi ordonner à une partie d'effectuer les

paiements qu'elle aurait du faire ou encore de signer ou fournir un document. Ces

pouvoirs sont prévus à l'article 2.1 du règlement et peuvent être modifiés par accord

conclu expressément et par écrit entre les parties.

Le Règlement est rentré en vigueur depuis le 1er janvier 1990.

Ces mesures urgentes prises visent à lever les contraintes de procédure en vue de

la sentence.

section 3   : LA SENTENCE

Il existe plusieurs types de sentences : la sentence partielle qui se subdivise en deux

catégories (celle relative à la compétence et celle qui met un terme à certaines

prétentions des parties) (article 23.1 CCJA). L’on note également les sentences

d’accord parties (article 20 CCJA – article 26 CCI) et enfin les sentences définitives.

La sentence finale rendue par le tribunal arbitral obéit à un processus au terme

duquel celle-ci devra être exécutée.

Paragraphe 1   : PRONONCE DE LA SENTENCE

Page 50: MEMOIRE DESS

50

Après l’instruction de la cause, Le tribunal arbitral, lorsqu’il estime que les parties ont

eu une possibilité suffisante d’être entendues, prononce la clôture des débats et

rédige un projet de sentence.

L’article 25 alinéa 2 du Règlement d’arbitrage de la CCI dispose que la sentence doit

être motivée. C’est une obligation qui n’admet aucune réserve. La sanction, en

pareille circonstances serait-elle la nullité de la sentence ? Le Règlement ne se

prononcer pas sur la question. Cependant, l’article 27 dudit règlement permet de

prévenir une telle éventualité. En prescrivant un examen préalable de la sentence,

l’occasion est ainsi offerte à la Cour non seulement d’apprécier la sentence en lui

prescrivant des modifications de forme, mais bien plus, en lui permettant d’appeler

l’attention de la Cour sur les points intéressant le fond du litige.

Au niveau de l’arbitrage CCJA, l’obligation de motivation de « toutes les sentences »

est assorties de condition : « sauf accord contraire des parties et sous réserve qu’un

tel accord soit admissible au regard de la loi applicable » (article 22.1 du règlement

d’arbitrage CCJA). Ici, la motivation de la sentence constitue le principe, l’exception

étant que la non motivation soit admise par la loi applicable à l’arbitrage. Sur ce

point, le Pr Pierre MEYER36 fait observer que pour que cette disposition du règlement

soit applicable, il faudra que l’arbitrage CCJA n’ait pas son siège dans l’un des Etats

membres de l’OHADA. En effet, s’il a son siège dans l’un de ces Etats dit –il, cet

arbitrage est soumis aux dispositions de l’Acte Uniforme sur l’arbitrage en référence

à l’article 1er dudit Acte uniforme37.

La notion d’opinion dissidente constitue, à côté de la motivation de la sentence, un

autre point de nuance entre les deux systèmes en matière d’établissement de la

sentence. L’article 22.4 du règlement d’arbitrage de la CCJA dispose en effet que

« tout membre du tribunal arbitral peut remettre au Président de celui-ci son opinion

particulière pour être jointe à la sentence ».

Cette opinion exprimée par un arbitre minoritaire dans un collège de trois arbitres,

même si elle est admise, doit veiller à ne pas violer le secret des délibérations selon

Pierre MEYER.36 Cf. Pierre MEYER, OHADA : Traité et Actes Uniformes annotés et commentés, Juriscope, 2è éd. 2002, p.125

37 L’article 1er de l’Acte Uniforme sur le droit d’arbitrage dispose : « le présent Acte uniforme a vocation à s’appliquer à tout arbitrage lorsque le siège du tribunal se trouve dans l’un des Etats-parties »

Page 51: MEMOIRE DESS

51

Cette originalité qui mérite d’être relevée présente-t-elle des caractéristiques

d’efficacité ?

Il est certain qu’elle permet aux parties d’avoir une idée de la position de chacun des

membres du tribunal arbitral.

Son intérêt réside dans le fait qu’une opinion dissidente peut être le point de départ

d’un recours en contestation de validité de la sentence.

L’arbitrage CCJA offre cette possibilité devant la formation juridictionnelle de la Cour.

En pratique, certaines opinions dissidentes ont servi de moyen au recours en

contestation de validité de sentences qui ont reçu un écho favorable auprès de la

formation juridictionnelle de la CCJA38.

Paragraphe 2   : L’EXAMEN PREALABLE DE LA SENTENCE

L’exigence de l’examen préalable de la sentence par la Cour est admise dans les

deux systèmes même si au niveau de la CCJA, toutes les sentences ne sont pas

soumises à un examen préalable. Sont soumises à cet examen préalable, les

sentences partielles, les sentences définitives et les sentences additionnelles (en

rectification, en interprétation et en complément de la sentence).

La sentence d’accord parties est dispensée de cet examen préalable ; elle est

seulement transmise à la CCJA pour information (cf. article 23.1 du règlement

d’arbitrage).

La CCJA qui en emprunte à la CCI en la matière se limite à l’examen formel de la

sentence par la Cour (article 23 du Règlement d’arbitrage CCJA).

L’originalité est fournie par le système d’arbitrage de la CCI. L’article 27 du règlement

d’arbitrage de la CCI dispose en effet qu’en plus de prescrire des modifications de

forme, la Cour « … peut, en respectant la liberté de décision du tribunal arbitral,

appeler son attention sur les points intéressant le fond du litige...».

38 Information recueillie auprès du greffe de la CCJA

Page 52: MEMOIRE DESS

52

Il faut souligner d’abord que c’est une faculté qui est offerte à la Cour ( « peut ») et

non une obligation qui conduirait à penser que la Cour fait de l’interférence dans la

décision du tribunal arbitral. Ensuite, la Cour devra respecter la liberté de décision du

tribunal dont l’existence n’a de sens que parce qu’il a été constitué par le libre choix

des parties. Enfin, il faut noter que le tribunal arbitral n’est pas obligé de tenir compte

des « points intéressant le fond du litige » sur lesquels la Cour aura appeler son

attention. Par contre, « aucune sentence ne peut être rendue par le tribunal arbitral

sans avoir été approuvée en la forme  par la Cour».

L’idée est certainement de permettre in fine à la sentence de trouver à être appliquer

sans réserve par les parties.

En tout état de cause, cette possibilité offerte à la Cour constitue une marque

déposée de l’arbitrage CCI qui n’existe pas dans l’arbitrage CCJA. L’article 23.2 de

son Règlement d’arbitrage dispose que « la Cour ne peut proposer que des

modifications de pure forme », ce qui pose le problème de la portée des pouvoirs

dévolus à la Cour en la matière.

Sur la question, Pierre MEYER39 pense qu’il est difficile de préciser la portée des

pouvoirs de la Cour. Le fait, poursuit-il, que l’article 23.2 utilise le terme « proposer »

alors que dans cette situation, le règlement CCI utilise le verbe « prescrire » incite à

penser que les modifications suggérées par la CCJA ne s’imposent pas au tribunal

arbitral.

Il se demande au demeurant si l’expression de « projets de sentence » n’implique-t-il

pas que le refus par le tribunal arbitral d’intégrer les modifications proposées par la

Cour laissera l’acte à l’état de projet de sentence ?

Pour Pierre MEYER, quelque soit la réponse donnée, le fait que la sentence pourra

en définitive être examinée par la CCJA dans sa formation juridictionnelle dans le

cadre du recours contre la sentence et de son exequatur risque d’obliger, en fait, les

arbitres à accepter les modifications « proposées ».

Paragraphe 3   : EXECUTION DE LA SENTENCE

39 Cf. Pierre MEYER, OHADA : Traité et Actes Uniformes annotés et commentés, Juriscope, 2è éd. 2002, p.167

Page 53: MEMOIRE DESS

53

La sentence rendue, elle doit être exécutée. Dans les deux systèmes, l’obligation qui

est faite aux parties de se plier à cette exigence existe. La sentence peut faire l’objet

de refus d’exequatur ou d’opposition d’exequatur.

A- L’exequatur

Selon le lexique des termes juridiques40, l’exequatur s’entend, en procédure civile, de

l’ordre d’exécution donné par l’autorité judiciaire, d’une sentence rendue par une

justice privée.

Au niveau de l’arbitrage CCJA, c’est l’article 25 du Traité de l’OHADA qui en

constitue le fondement : « les sentences arbitrales rendues conformément aux

stipulations du présent titre ont l’autorité définitive de la chose jugée sur le territoire

de chaque Etat Partie au même titre que les décisions rendues par les juridictions de

l’Etat. Elles peuvent faire l’objet d’une exécution forcée en vertu d’une décision

d’exequatur ».

Cette opportunité offerte à une sentence de trouver à être appliquée sur l’ensemble

de l’espace OHADA est une innovation de taille. La sentence étant rendue par un

tribunal privé, les arbitres ne disposent pas de l’imperium pour donner force à la

décision qu’ils rendent. L’exequatur communautaire qui est offerte à la sentence

CCJA par le traité constitue là une innovation majeure.

Aux termes du Traité de l’OHADA, les sentences arbitrales rendues sous l’égide de

la CCJA « peuvent faire l’objet d’une exécution forcée en vertu d’une décision

d’exequatur »41. Le Traité donne compétence exclusive à la CCJA pour rendre cette

décision d’exequatur dans l’espace OHADA. Il s’ensuit que les juridictions nationales

des Etats signataires du Traité ne peuvent être valablement saisies de procédures

d’exequatur relativement à des sentences CCJA.

Il en va différemment des juridictions des Etats tiers à l’OHADA. L’exequatur d’une

sentence arbitrale CCJA dans ces Etats relèvera de la législation nationale de l’Etat

où l’exequatur est requis ou de conventions internationales, notamment celle de New

York du 10 juin 195842.40 Dalloz, 12è édition41 Article 25 du Traité OHADA du 17 octobre 1993

42 Cf. Pierre MEYER, OHADA : Traité et Actes Uniformes annotés et commentés, Juriscope, 2è éd. 2002, p.173

Page 54: MEMOIRE DESS

54

L’exequatur est demandé par une requête adressée à la Cour ; il est accordé par une

ordonnance du Président de la Cour ou du juge délégué à cet effet, qui se prononce

dans le cadre d’une procédure non contradictoire.

L’exequatur confère à la sentence arbitrale un caractère exécutoire dans tous les

Etats parties. C’est ce que certains auteurs ont appelé « l’exequatur

communautaire »43.

L’exequatur communautaire constitue une véritable « révolution », qui permet au

plaideur de solliciter directement des mesures d’exécution forcée dans tous les Etats

de l’OHADA.

Le Secrétaire Général de la CCJA délivre à la partie la plus diligente une copie de la

sentence sur laquelle figure une attestation d’exequatur.

Au vu de ce document, l’autorité nationale appose la formule exécutoire telle qu’elle

est en vigueur dans ledit Etat (Cf. article 31 du règlement d’arbitrage). Cette autorité

nationale n’a pas compétence pour contrôler la régularité de la sentence. Il lui

appartient seulement de vérifier l’authenticité du document produit.

Si l’exequatur est communautaire, les formules exécutoires restent nationales.

Cette solution a été critiquée par certains auteurs. Le Pr POUGOUE considère que 

« si on veut vraiment que les autorités nationales, qui peuvent être imprévisibles, ne

remettent pas en cause les mérites du système, on devrait concevoir une formule

exécutoire communautaire…Si on enlève aux autorités nationales le pouvoir de

contrôler la régularité des sentences arbitrales, on doit aussi leur enlever toute

possibilité de paralyser l’exequatur sous le prétexte de la vérification de l’authenticité

du titre »44.

Au niveau de l’arbitrage CCI, l’exécution de la sentence s’appuie sur la Convention

de New York du 10 juin 1958 sur la reconnaissance et l’exécution des sentences

étrangères. Ici comme à la CCJA, l’on note que le caractère privé de l’arbitrage 43 Cf. Paul Gérard POUGOUE, Le système d’arbitrage de la CCJA, in l’OHADA et les perspectives de l’arbitrage en Afrique, Travaux du Centre René Jean Dupuy, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 144 et svts

44 Cf. Paul Gérard POUGOUE, Droit de l’arbitrage dans l’espace OHADA, Presses Universitaires d’Afrique, 2000, Collection droit uniforme, p. 260

Page 55: MEMOIRE DESS

55

constitue une limite à la conduite à son terme de la procédure arbitrale. On a donc

recours à des mécanismes publics pour l’exécution de la sentence. La Convention

de New York offre ce cadre là eu égard au nombre important de pays l’ayant ratifié.

Aux termes de l’article 3 de ladite convention, « chacun des Etats contractants

reconnaîtra l’autorité d’une sentence arbitrale et accordera l’exécution de cette

sentence conformément aux règles de procédure suivies dans le territoire où la

sentence est invoquée, aux conditions établies dans les articles suivants. Il ne sera

pas imposé, pour la reconnaissance ou l’exécution des sentences arbitrales

auxquelles s’applique la présente Convention, de conditions sensiblement plus

rigoureuses, ni de frais de justice sensiblement plus élevés, que ceux qui sont

imposés pour la reconnaissance ou l’exécution des sentences arbitrales

nationales ».

La procédure édictée par la Convention est la suivante :

« 1. Pour obtenir la reconnaissance et l’exécution visées à l’article précédent, la

partie qui demande la reconnaissance et l’exécution doit fournir, en même temps que

la demande:

a. L’original dûment authentifié de la sentence ou une copie de cet original

réunissant les conditions requises pour son authenticité;

b. L’original de la convention visée à l’article II, ou une copie réunissant les

conditions requises pour son authenticité.

2. Si ladite sentence ou ladite convention n’est pas rédigée dans une langue officielle

du pays où la sentence est invoquée, la partie qui demande la reconnaissance et

l’exécution de la sentence aura à produire une traduction de ces pièces dans cette

langue. La traduction devra être certifiée par un traducteur officiel ou un traducteur

juré ou par un agent diplomatique ou consulaire ». (article 4 Convention de New

York).

Si la sentence doit être exécutée, elle peut être parfois faire l’objet de refus

d’exequatur voire d’opposition à exequatur.

B- Le refus d’exequatur et l’opposition à exequatur

Page 56: MEMOIRE DESS

56

Dans les deux systèmes, ces cas sont prévus.

Dans l’arbitrage CCJA-OHADA, l’exequatur ne peut être refusé par le Président de la

CCJA que dans les quatre hypothèses suivantes ; ces cas de refus sont identiques

aux motifs de la contestation en validité de la sentence arbitrale:

Si l’arbitre a statué sans convention d’arbitrage ou sur une convention nulle ou

expirée ;

Si l’arbitre a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été conférée ;

Lorsque le principe de la procédure contradictoire n’a pas été respecté ;

Si la sentence est contraire à l’ordre public international.

En cas de refus d’exequatur, le requérant peut saisir la Cour de sa demande dans la

quinzaine du rejet de sa requête ; il notifie sa demande à la partie adverse.

Il en résulte que la procédure devant la Cour est contradictoire. Celle-ci devra alors

rendre un arrêt.

Par ailleurs, l’exequatur n’est pas accordé et le Président de la CCJA ne se prononce

pas sur la requête aux fins d’exequatur, si la Cour se trouve déjà saisie, pour la

même sentence, d’une requête en contestation de validité. Les deux requêtes sont

jointes d’autant que les points de contrôle sont identiques.

Relativement à l’opposition à exequatur, elle est formée après que l’ordonnance du

Président de la Cour ayant accordé l’exequatur est notifiée par le requérant à la

partie adverse.

Celle-ci peut former, dans les quinze jours de la notification, une opposition qui est

jugée contradictoirement à l’une des audiences juridictionnelles de la Cour,

conformément à son règlement de procédure.

L’opposition à exequatur est ouverte dans les mêmes hypothèses que celles du refus

d’exequatur ou de l’action en contestation de validité.

Le demandeur qui a négligé de faire opposition dans les quinze jours, peut-il

introduire une requête aux fins de contestation de validité de ladite sentence, en

prétendant être dans le délai de deux mois ?

Page 57: MEMOIRE DESS

57

Une telle action ne saurait prospérer pour deux raisons :

Les motifs du refus d’exequatur et de la contestation de validité sont

identiques ; il s’ensuit que si l’exequatur a été accordé, il convient d’en déduire

qu’aucun des motifs de refus n’a été retenu ;

L’ordonnance du Président de la CCJA accordant l’exequatur et régulièrement

notifiée, devient définitive en l’absence d’opposition formée dans le délai de

quinze jours. Aucune action ne peut donc paralyser l’obtention de la formule

exécutoire (article 30 du règlement d’arbitrage).

Au niveau de l’arbitrage CCI, l’article 5 de la Convention de New York en donne les

contours :

1. La reconnaissance et l’exécution de la sentence ne seront refusées, sur requête

de la partie contre laquelle elle est invoquée, que si cette partie fournit à l’autorité

compétente du pays où la reconnaissance et l’exécution sont demandées, la preuve :

a. Que les parties à la convention visée à l’article II étaient, en vertu de la loi à elles

applicable, frappées d’une incapacité, ou que ladite convention n’est pas valable en

vertu de la loi à laquelle les parties l’ont subordonnée ou, à défaut d’une indication à

cet égard, en vertu de la loi du pays où la sentence a été rendue ; ou

b. Que la partie contre laquelle la sentence est invoquée n’a pas été dûment

informée de la désignation de l’arbitre ou de la procédure d’arbitrage, ou qu’il lui a

été impossible, pour une autre raison, de faire valoir ses moyens ; ou

c. Que la sentence porte sur un différend non visé dans le compromis ou n’entrant

pas dans les prévisions de la clause compromissoire, ou qu’elle contient des

décisions qui dépassent les termes du compromis ou de la clause compromissoire ;

toutefois, si les dispositions de la sentence qui ont trait à des questions soumises à

l’arbitrage peuvent être dissociées de celles qui ont trait à des questions non

soumises à l’arbitrage, les premières pourront être reconnues et exécutées ; ou

d. Que la constitution du tribunal arbitral ou la procédure d’arbitrage n’a pas été

conforme à la convention des parties, ou, à défaut de convention, qu’elle n’a pas été

conforme à la loi du pays où l’arbitrage a eu lieu ; ou

Page 58: MEMOIRE DESS

58

e. Que la sentence n’est pas encore devenue obligatoire pour les parties ou a été

annulée ou suspendue par une autorité compétente du pays dans lequel, ou d’après

la loi duquel, la sentence a été rendue.

2. La reconnaissance et l’exécution d’une sentence arbitrale pourront aussi être

refusées si l’autorité compétente du pays où la reconnaissance et l’exécution sont

requises constate :

a. Que, d’après la loi de ces pays, l’objet du différend n’est pas susceptible d’être

réglé par voie d’arbitrage ; ou

b. Que la reconnaissance ou l’exécution de la sentence serait contraire à l’ordre

public de ce pays.

Dans les deux systèmes, les conditions sont sensiblement les mêmes.

Le prononcé de la sentence et le débat qui peut entourer son acceptation ou non par

les parties sonnent la fin de la gestion arbitrale du conflit. Les parties pouvant

contester la validité même de la sentence, une phase post arbitrale leur est

aménagée.

Page 59: MEMOIRE DESS

59

Chapitre II   : LA PROBLEMATIQUE D’UNE PHASE POST ARBITRALE

L’étude de la phase post arbitrage commande que l’on analyse les différents recours

aux fins d’invalidation dans les deux systèmes (section I), les autres voies de recours

(section II) et surtout la juridiction compétente pour connaitre du recours aux fins

d’invalidation de la sentence (section III)

Section 1   : LES RECOURS AUX FINS D’INVALIDATION DE LA SENTENCE

Traditionnellement, une décision de justice laisse la possibilité à la partie au tort de

laquelle elle a été rendue d’exercer les voies de recours qui lui sont offertes.

Cette démarche a toujours existé dans la justice étatique. Elle est également admise

en arbitrage. Cependant au niveau de l’arbitrage, les modalités diffèrent selon le

système notamment au niveau de la nature du recours. L’arbitrage CCJA parle de

recours en contestation de validité. Au niveau de l’arbitrage CCI c’est le recours en

annulation.

Paragraphe 1   : recours en contestation de validité

.

les demandes en contestation de validité de la sentence arbitrale sont organisées

par l’article 29 du Règlement d’arbitrage CCJA dont l’alinéa 5 donne pouvoir à la

Cour d’évoquer et de statuer au fond si les parties en font la demande.

Ce recours peut être introduit dans les cas suivants :

Page 60: MEMOIRE DESS

60

Si l’arbitre a statué sans convention d’arbitrage ou sur une convention

nulle ou expirée ;

Si l’arbitre a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été

conférée ;

Lorsque le principe de la procédure contradictoire n’a pas été respecté ;

Si la sentence est contraire à une règle d’ordre public international.

Le recours en contestation de validité n’ayant pas un caractère d’ordre public, les

parties ont la possibilité d’y renoncer dans la convention d’arbitrage. Dans une telle

hypothèse, l’irrecevabilité du recours devra être constatée.

La requête aux fins de contestation de validité peut être déposée dès le prononcé de

la sentence. Elle cesse d’être recevable si elle n’a pas été déposée dans les deux

mois de la notification de la sentence.

L’exigence du respect du délai imparti semble faire l’objet d’une attention particulière

de la part du juge.

Dans son arrêt n° 031/2009 du 30 avril 200945, la Cour dit en substance : « attendu

que la sentence arbitrale dont la validité est contestée a été rendue le 15 janvier

2007 et notifiée le 31 janvier 2007 au conseil de Monsieur KIENDREBEOGO Rayi

Jean qui, en application de l’article 29.3 susmentionné, et en tenant compte du délai

de distance de 14 jours prescrit par la décision n°002/99/CCJA ci-dessus rappelée,

avait jusqu’au 16 avril 2007 soit le premier jour ouvrable après le dimanche 15 avril

pour exercer son recours  ; que ledit recours, contrairement aux prescriptions légales

ci-dessus rappelées, n’a été reçu et enregistré au greffe de la Cour de céans que le

07 mai 2007, soit au-delà de la date limite susmentionnée ; qu’il échet donc de le

déclarer irrecevable pour avoir été déposé hors délai ».

Même s’il vise le même objet que le recours en contestation de validité, le recours

tendant à invalider la sentence dans l’arbitrage CCI s’appréhende sous le vocable de

recours en annulation, tout simplement.

Paragraphe 2   : RECOURS EN ANNULATION

Si les modalités du recours tendant à annuler la sentence sont traitées dans le

Règlement CCJA, le Règlement CCI n’en parle pas. Cette « omission » ne traduit

45 Affaire KIENDREBEOGO Rayi Jean contre Banque Internationale du Burkina dite BIB,

Page 61: MEMOIRE DESS

61

guère l’absence de recours en annulation contre la sentence arbitrale CCI. En effet,

en dépit de toutes dispositions prise par le Règlement CCI46 en vue de garantir

l’engagement des parties à appliquer la sentence rendue, les recours contre la

sentence arbitrale CCI sont légions47 et s’organisent selon les règles du siège de

l’arbitrage.

En droit français, les conditions de recours sont consignées dans les dispositions de

l’article 1502 du nouveau code de procédure civile qui stipule ceci : «  la sentence

arbitrale rendue en France en matière d'arbitrage international peut faire l'objet d'un

recours en annulation dans les cas prévus à l'article 1502… »

Les conditions requises par l’article 1502 sont les suivantes :

1° Si l'arbitre a statué sans convention d'arbitrage ou sur convention nulle ou expirée ;

2° Si le tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l'arbitre unique irrégulièrement désigné ;

3° Si l'arbitre a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été conférée ;

4° Lorsque le principe de la contradiction n'a pas été respecté ;

5° Si la reconnaissance ou l'exécution sont contraires à l'ordre public international.

La jurisprudence française, en application de cette disposition, a non seulement

rendu plusieurs décisions dans le cadre d’une demande en annulation de la

sentence CCI, mais bien plus, elle a forgé une tendance par rapport à l’interprétation

que font d’autres jurisprudences sur la prévalence du code de procédure civile sur

les dispositions de l’article 28 du Règlement d’arbitrage CCI.48

Dans une affaire opposant la République du Congo à la société Total E&P(venant au

doit de Elf Congo et la société Groupe Antoine Tabet (GAT), des désaccords sont

46 L’article 28 alinéa 6 dispose que « toute sentence arbitrale revêt un caractère obligatoire pour les parties. Par la soumission de leur différend au présent Règlement, les parties s’engagent à exécuter sans délai la sentence à intervenir, et sont réputées avoir renoncé à toutes voies de recours auxquelles elles peuvent valablement renoncer ».

47 Voir annexe n°2 tableau analytique des recours en annulation des sentences arbitrales devant la Cour d’ Appel de Paris

48 J-F.Poudret, S. Besson, Droit comparé de l’arbitrage international, Bruyant, L.G.D.J.

Page 62: MEMOIRE DESS

62

apparus sur les conditions de financement des marchés publics. La République du

Congo a initié une procédure arbitrale à l’encontre du GAT. Celui-ci s’est vu

condamner par le tribunal statuant sur le fondement du Règlement CCI, à ouvrir un

compte séquestre et à donner pour instruction à la société Total E&P de verser sur

ce compte diverses sommes. Le GAT refusait toutefois de se plier aux ordres du

tribunal arbitral. La République du Congo saisissait donc le juge de l’exécution du

Tribunal de grande instance de Paris afin que celui-ci ordonne sous astreinte au GAT

de se plier aux décisions du tribunal arbitral. Le juge de l’exécution se déclarait alors

incompétent.

Saisi d’un recours contre l’ordonnance du juge de l’exécution sur cette affaire, la

Cour d’appel de Paris décidait, dans un arrêt du 10 mars 2005 que la référence au

Règlement CCI n’excluait pas le caractère suspensif du recours49.

Saisi du pourvoi, la Cour de Cassation50 rappelle qu’en droit français, les sentences

arbitrales ne sont pas exécutoire de plein droit et que le recours en annulation contre

les sentences sont suspensifs d’exécution. Elle confirme d’autre part que la simple

référence au Règlement d’arbitrage CCI n’est pas suffisant pour déroger à l’effet

suspensif du recours en annulation. Elle décide également que la mesure prise par la

sentence arbitrale, contraignant une partie à ouvrir un compte séquestre et à

demander à son débiteur d’y verser des fonds, constitue une obligation de faire non

exécutoire de droit et non une mesure conservatoire.

Commentant cette décision de la Cour de Cassation française, Maître Romain

DEPEYRE51 estime qu’elle est regrettable tant la Cour aurait pu saisir cette

opportunité pour exclure l’effet suspensif du recours dans les arbitrages CCI. Cette

solution aurait permis d’éviter les recours en annulation purement dilatoires dont le

seul objet est de tirer profit du caractère suspensif du recours. Le pourvoi en

cassation était fondé sur une violation de l’article 1134 du Code civil au terme duquel

les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Le

pourvoi soutenait en effet qu’en suspendant l’exécution de la sentence au cours du

recours en annulation, la Cour d’appel avait dénaturé les termes de la clause

compromissoire liant les parties. Plus précisément, le pourvoi précise que la Cour 49 CA Paris, 10 mars 2005, RG n° 04/1545850 Cour de Cassation (1ère chambre civile) Pourvois n°H 05-16.586 et C 05-16.605, 4 juillet 2007

51 Avocat aux Barreaux de Paris et de New York, Spécialiste de l’arbitrage international

Page 63: MEMOIRE DESS

63

d’appel avait vidé de sens l’article 28-6 du Règlement d’arbitrage CCI, incorporé par

référence dans la clause compromissoire, en ne donnant aucun effet aux termes

« sans délai ». Lorsque les parties font référence à un règlement d’arbitrage, il est

généralement considérer que celui-ci est incorporé à l’accord compromissoire entre

les parties.

Toujours selon Maître Romain DEPEYRE, il est en effet largement reconnu que

l’article 28-6 du Règlement CCI intitulé « caractère exécutoire de la sentence »

requiert l’exécution immédiate de la sentence. Il conclut que la position française sur

la question est isolée internationalement et que le comité français de l’arbitrage

prévoit d’ailleurs de renverser la règle en créant les conditions pour que les

sentences arbitrales soient exécutoires pendant le recours en annulation dans son

projet de réforme du droit de l’arbitrage et cela conformément à la législation en

vigueur dans de nombreux autres Etats.

Quelles sont les autres voies de recours contre la sentence ?

Section 2   : LES AUTRES VOIES DE RECOURS

Nous verrons le recours en révision et le recours en tierce opposition.

Paragraphe 1   : LE RECOURS EN REVISION

Comme le recours tendant à annuler la sentence, le recours en révision est une des

voies de recours offertes aux parties après que la sentence a été rendue.

Dans l’arbitrage CCJA, ce recours est expressément prévu par le Règlement au

contraire de l’arbitrage CCI. Mais, elle est tout antant usitée dans les deux systèmes.

Au niveau de l’arbitrage CCJA, le recours en révision contre les sentences arbitrales

et contre les arrêts de la Cour lorsque celle-ci a statué au fond (évocation prévue par

l’article 29.5 du règlement d’arbitrage), est ouvert dans les cas et sous les conditions

prévues par l’article 49 du Règlement de procédure de la Cour.

Ce recours en effet est ouvert en raison de la découverte d’un fait de nature à

exercer une influence décisive et qui, avant le prononcé de la sentence arbitrale ou

de l’arrêt, était inconnu de la Cour ou du tribunal arbitral et de la partie qui demande

la révision.

Page 64: MEMOIRE DESS

64

Le délai est de trois mois à compter de la connaissance du fait susceptible de fonder

la révision ; toutefois, une demande en révision doit être déclarée irrecevable si elle

intervient à l’expiration d’un délai de 10 ans à compter du prononcé de la sentence

ou de l’arrêt.

La CCJA peut subordonner l’ouverture de l’instance en révision à l’exécution

préalable de la sentence ou de l’arrêt.

Il n’est pas offert aux parties la possibilité de renoncer dans la convention d’arbitrage

au recours en révision.

Il convient de noter que nonobstant la convention d’arbitrage liant les parties, le

recours en révision n’est pas porté devant le tribunal arbitral qui a statué, mais plutôt

devant la CCJA. Celle-ci statue par arrêt sur le fond du litige.

L’arbitrage CCI ne l’ayant expressément consigné dans son règlement, la possibilité

d’exercer ce recours est organisée par la loi du lieu d’arbitrage choisie par les

parties.

Si la législation française ne le prévoit que contre les sentences arbitrales internes52,

la législation suisse l’organise dans l’article 39453 de son Code de la Procédure civile.

La jurisprudence suisse a d’ailleurs eu à se prononcer sur la question du recours en

révision d’une sentence CCI. Dans un arrêt54 le Tribunal fédéral suisse a accueilli le

52 Le Code de procédure civile français en son article 1491 énonce que « le recours en révision est ouvert contre la sentence arbitrale dans les cas et sous les conditions prévues pour les jugements.Il est porté devant la cour d'appel qui eût été compétente pour connaître des autres recours contre la sentence ».

53 Art. 394 code de procédure civile suisse : Motifs de révision1 Une partie peut demander la révision de la sentence entrée en force au tribunal compétent selon l’art. 354, al. 1:a. lorsqu’elle découvre après coup des faits pertinents ou des moyens de preuve concluants qu’elle n’avait pu invoquer dans la procédure précédente, à l’exclusion des faits ou moyens de preuve postérieurs à l’arrêt;b. lorsqu’une procédure pénale établit que l’arrêt a été influencé au préjudice du requérant par un crime ou un délit, même si aucune condamnation n’est intervenue; si l’action pénale n’est pas possible, la preuve peut être administrée d’une autre manière;c. lorsqu’elle fait valoir que le désistement d’action, l’acquiescement ou la transaction judiciaire n’est pas valable.2 La révision pour violation de la CEDH77 peut être demandée aux conditions suivantes:a. la Cour européenne des droits de l’homme a constaté, dans un arrêt définitif, une violation de la CEDH ou de ses protocoles;b. une indemnité n’est pas de nature à remédier aux effets de la violation, etc. la révision est nécessaire pour remédier aux effets de la violation.

54 arrêt du 6 octobre 2009 (Thales contre Frontier AG Berne et Brunner Sociedade Civil de Administraçao Limitada, réf. 4A_596/2008

Page 65: MEMOIRE DESS

65

recours en révision exercé par Thalès contre une sentence CCI et a admis sur le

fondement de l’article 123 al. 1 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), la

révision de ladite sentence dès lors qu’une « procédure pénale établit que l’arrêt a

été influencé au préjudice du requérant par un crime ou un délit, même si aucune

condamnation n’est intervenue (…) il est sans importance que l’information pénale ait

été conduite à l’étranger, pour autant qu’elle ait respecté les garanties minimales de

procédures prescrites par les articles 6 §2 et 3 de la Convention Européenne des

Droits de l’homme CEDH et article 14 alinéa 2 à 7 du Pacte de l’ONU II. »

Il convient de noter qu’un premier recours en annulation avait été formé contre cette

même sentence devant la même juridiction. En l’espèce, l’élément nouveau ayant

ouvert la voie de la procédure de révision est l’ordonnance de non-lieu rendue le 1er

octobre 2008 par le juge d’instruction français. La juridiction Suisse a ainsi estimé

que cette ordonnance permettait de relever des faits ayant conduit a « trompé la

religion des arbitres en procédant à une mise en scène et en ayant recours à des

manœuvres frauduleuses destinées à faire condamner la société X au paiement de

commissions indues ». Selon le Tribunal fédéral suisse, ces faits constitutifs d’une

escroquerie au sens de l’article 10 alinéa 2 du code pénal « a exercé une influence

directe sur la sentence des arbitres ». Le Tribunal fédéral suisse a accueilli ainsi le

recours en révision introduit par Thalès et a annulé la sentence du 31 juillet 1996.

Paragraphe 2   : LA TIERCE OPPOSITION

Cette voie de recours ne peut être exercée que par une personne qui éprouve un

préjudice ou la menace d'un préjudice et qui n'a été ni partie, ni représentée à

l'arbitrage.

La tierce opposition est, à l’instar du recours en révision, une des voies de recours

offertes aux parties à la procédure d’arbitrage.

Si elle est généralement exclue dans l’arbitrage international où elle est considérée

comme contraire à la volonté des parties de voir leur différend tranché par un tribunal

arbitral55, elle est organisée au niveau du Règlement de la CCJA. 55 Cf. Philippe FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN, Traité commercial international, Paris Litec, 1996, p. 931 et svtsVoir également, P. LEBOULANGER, Présentation générale des actes sur l’arbitrage, in l’OHADA et les perspectives de l’arbitrage en Afrique, Travaux du Centre René Jean Dupuy, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 86 et svts

Page 66: MEMOIRE DESS

66

Aux termes de l’article 33 du règlement d’arbitrage, « la tierce opposition contre les

sentences arbitrales et contre les arrêts de la Cour lorsque celle-ci a statué au fond

(évocation prévue par l’article 29.5 du règlement) est ouverte, dans les cas et sous

les conditions prévues par l’article 47 du règlement de procédure ».

Ce recours est formé devant la CCJA. Cette procédure paraît préférable à celle qui a

été retenue par l’Acte Uniforme pour l’arbitrage de droit commun56.

Le tiers opposant n’étant pas partie à la convention d’arbitrage, il est tout à fait

indiqué que son recours soit porté non pas devant un tribunal arbitral, mais plutôt

devant un organisme juridictionnel tel que la CCJA57.

Aucun délai n’enferme l’exercice de la tierce opposition ; la CCJA rend un arrêt au

terme d’une procédure contradictoire.

Si la sentence rendue par le tribunal arbitral ne fait pas l’objet de recours, il faudra

passer à l’étape de son exécution.

Après l’étude des différents modes de recours contre la sentence, les recours les

plus significatifs restent ceux tendant à annuler la sentence. Les développements qui

vont suivre permettront de voir devant quelles juridictions ces recours peuvent être

exercés.

Section 3   : LA JURIDICTION COMPETENTE POUR CONNAITRE DU RECOURS AUX FINS D’INVALIDATION DE LA SENTENCE

Ici, la CCJA revêt ses habits de formation juridictionnelle qui en fait sa spécificité.

Quant au recours en annulation contre la sentence CCI, il relève de la compétence

des juridictions du lieu d’arbitrage.

Paragraphe 1   : LA SPECIFICITE DE LA CCJA EN MATIERE DE RECOURS POST ARBITRAL

En matière d’arbitrage institutionnel et à l’échelle mondiale, l’organisation de

l’arbitrage CCJA est une originalité conceptuelle. En effet, il existe dans le système

56 Art. 25 de l’Acte uniforme précité : « …la sentence arbitrale peut faire l’objet d’une tierce opposition devant le tribunal arbitral par toute personne physique ou morale qui n’a pas été appelée et lorsque cette sentence préjudicie à ses droits »

57 Me Narcisse AKA, Avocat à la Cour, ex Juriste Expert à la CCJA, Président de l’Institut de Droit communautaire dans une réflexion sur le système d’arbitrage de la CCJA OHADA

Page 67: MEMOIRE DESS

67

d’arbitrage de la CCJA une phase post arbitrale dans le fonctionnement de laquelle

la CCJA retrouve ses attributions juridictionnelles.

C’est cet environnement juridictionnel post arbitral qui est à tout point de vue unique

en matière d’arbitrage et qui fonde l’originalité de l’arbitrage CCJA.

On passe en effet de la CCJA, centre d’arbitrage, à la CCJA, Cour de cassation avec

les mêmes organes appelés à connaitre des recours en annulation.

Ce système unique en son genre garantit-il aux justiciables  les principes

fondamentaux de l’arbitrage?

Dans une décision en contestation de validité rendue par la CCJA, on peut lire en

substance : « attendu qu’il s’infère des dispositions de l’article 29.5, alinéa 2, sus

énoncé du Règlement d’arbitrage susvisé que l’évocation doit résulter de la volonté

commune clairement exprimée des parties  ; qu’en l’espèce, en raison de

l’opposition marquée de la SCIMAS qui se fonde, à juste titre, à cet égard, sur les

dispositions du contrat de distribution précité  la liant à la société NESTLE Sahel,

lequel n’a pas prévu l’évocation, il convient de conclure que les conditions

d’application dudit article ne sont pas réunies ; qu’il y a lieu en conséquence de

rejeter la demande d’évocation de la société NESTLE Sahel »58 .

S’appuyant sur les dispositions de l’article 29.5, alinéa 2 du Règlement d’arbitrage, la

CCJA a rejeté la demande d’évocation de la société SCIMAS. Cette exigence de

demande commune des parties qui conditionne l’évocation est elle de nature à

accélérer la fin du litige entre les parties ?

La doctrine également est divisée sur la double fonction de la CCJA.

Selon Philippe LEBOULANGER59, le système d’arbitrage de la CCJA pratique un

mélange de genre qui n’était pas sans danger. Il pourrait notamment rebuter les

opérateurs économiques qui voient dans l’arbitrage un moyen de soustraire leurs

différends à la justice étatique. Selon lui, la formule apparaitrait comme une

régression.

58 Aff. Société NESTLE SAHEL contre SCIMAS ; Arrêt n° 028 /2007 du 19 juillet 200759 Dans « l’arbitrage et l’harmonisation du droit des affaires en Afrique » Rev. Arb. , 1999 P. 551

Page 68: MEMOIRE DESS

68

A l’inverse, R. BOURDIN60 trouve que l’arbitrage OHADA a des avantages

incontestables et considérables sur toute autre formule proposée par les institutions

arbitrales. Le fait de n’avoir de contact qu’avec une seule autorité pour la phase

arbitrale et pour la phase contentieuse qui peut être éventuellement suivie, d’avoir à

sa disposition une autorité de très haut niveau donnant ainsi toutes les garanties

d’intégrité et d’indépendance, sont des atouts considérables.

Philippe LEBOULANGER poursuit en observant que sur la question, tous les auteurs

soulignent la nécessité d’établir une bonne séparation entre les deux fonctions.

Selon Paul Gérard POUGOUE61, pour apaiser les inquiétudes, il est indispensable

que la CCJA, conformément aux articles 9 de son Règlement de procédure et 1.1 et

2.4 de son Règlement d’arbitrage, prenne en Assemblée générale une résolution qui

précise quelle formation et dans quelles conditions sera pris tel ou tel type de

décision. Il estime au demeurant qu’on doit en attendre outre une séparation de

fonctions, une répartition du personnel de telle sorte qu’aucun membre de la Cour

participant à l’administration des arbitrages ne prenne part à l’exercice des

attributions juridictionnelles.

Une autre problématique se pose sur l’annulation en cours d’une sentence en

rapport avec une demande d’exequatur de ladite sentence.

De fait, un pays tiers à l’OHADA peut-il se prévaloir d’une procédure d’annulation

d’une sentence arbitrale CCJA pendante devant une juridiction nationale d’un Etat

partie à l’OHADA pour refuser de délivrer une ordonnance d’exequatur ?

Dans une affaire opposant la société Bona Shipholding propriétaire du navire Teekay

Foutain à la Société Ivoirienne de Raffinage (SIR), une sentence arbitrale rendue

sous les auspices du règlement d’arbitrage de la CCJA tranchait l’action en

responsabilité intentée par la SIR suite à un évènement impliquant le navire Teekay

Foutain, à l’encontre du manager du navire, de son propriétaire, du club de

propriétaire ainsi que de son capitaine.

Le tribunal arbitral avait condamné la société Bona Shipholding, propriétaire du

navire à payer à la SIR la somme de 243 623 euros mais avait également accueilli la

60 Dans « le Règlement d’arbitrage de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage » Rev.cam. arb. 1999 P. 1461 Dans « l’OHADA et les perspectives de l’arbitrage en Afrique » page 139

Page 69: MEMOIRE DESS

69

demande reconventionnelle de celle-ci, et condamné en conséquence l a SIR à

payer à Bona Shipholding la somme de 174 388 euros.

Les adversaires de la SIR ayant obtenu l’exequatur de la sentence arbitrale en

France, la SIR interjetait appel de l’ordonnance sur les fondements de

l’incompétence du Tribunal de Grande Instance de Paris, du sursis à statuer et de la

contrariété de la reconnaissance de la sentence à l’ordre public international.

Saisie de l’affaire, la Cour d’appel de Paris, s’appuyant sur une jurisprudence

constante en la matière, a jugé62 d’une part que les sentences arbitrales CCJA sont

des décisions de justice internationales dont la régularité s’apprécie en France au

regard du droit français et d’autre part que l’article 1502 du code de procédure civile

français n’admet pas l’annulation d’une sentence arbitrale à l’étranger comme cause

de refus de sa reconnaissance en France.

Commentant la décision de la Cour, le Professeur Philippe FOUCHARD a dressé un

tableau des arguments en faveur et en défaveur de cette jurisprudence63. Selon lui,

la jurisprudence est inattaquable juridiquement puisqu’elle applique l’article VII de la

Convention de New York. Elle permet une cohérence dans le traitement des

jugements et sentences rendus à l’étranger, et surtout un contrôle allégé des

sentences arbitrales dans le pays d’accueil sans risque d’influence d’annulation

injustifiée depuis le pays d’origine. En définitive, les arguments positifs tendent à ne

pas reconnaitre une primauté au juge du siège de l’arbitrage.

Les arguments positifs sont selon lui, également légions. Il estime que la nécessité

de promouvoir la reconnaissance des sentences arbitrales ne justifie pas le caractère

inopportun en fait, injuste pourrait-on dire, de permettre à une partie d’obtenir un titre

exécutoire dans un pays alors que la sentence arbitrale qui lui a permis d’obtenir ce

titre sera par la suite annulée. Il existe finalement là comme une certaine

contradiction intellectuelle poursuit-il. Il indique par ailleurs que l’atteinte à la

courtoisie internationale, l’absence de coordination internationale du contrôle de la

sentence, le forum shopping par la course à l’exequatur vers les pays aux

législations les plus ouvertes à la reconnaissance, sont autant d’éléments négatifs

62 Cour d’appel de Paris, 1ère Chambre Section C du 31 janvier 200863 P. Fouchard : la portée internationale de l’annulation de la sentence arbitrale dans son pays d’origine, Rev. Arb., 1998.329

Page 70: MEMOIRE DESS

70

d’une jurisprudence aboutissant à un manque de prévisibilité de l’issue d’un arbitrage

international.

Quid de la compétence juridictionnelle des recours contre la sentence CCI?

Paragraphe 2   : LES JURIDICTIONS NATIONALES DU LIEU DE L’ARBITRAGE

La juridiction compétente est celle du lieu de l’arbitrage. Le règlement d’arbitrage CCI

dans sa lettre n’organise pas cette question, qui enjoint les parties de prendre les

dispositions pour « exécuter sans délai la sentence à intervenir …» (article 28 alinéa

6. Pour autant, les sentences CCI passent au sceau du recours en annulation.

Les législations nationales déterminent les règles de compétence des juridictions en

leur sein.

En France, le nouveau code de procédure organise les modalités de saisine de la

juridiction compétence en la matière. L’article 1504 du Nouveau Code de procédure

civile dispose en effet : « La sentence arbitrale rendue en France en matière

d'arbitrage international peut faire l'objet d'un recours en annulation dans les cas

prévus à l'article 1502.

L'ordonnance qui accorde l'exécution de cette sentence n'est susceptible d'aucun

recours. Toutefois, le recours en annulation emporte de plein droit, dans les limites

de la saisine de la cour, recours contre l'ordonnance du juge de l'exécution ou

dessaisissement de ce juge. »

L’article 1505 précise que « Le recours en annulation prévu à l'article 1504 est porté

devant la cour d'appel dans le ressort de laquelle la sentence a été rendue. Ce

recours est recevable dès le prononcé de la sentence ; il cesse de l'être s'il n'a pas

été exercé dans le mois de la signification de la sentence déclarée exécutoire ».

.

Page 71: MEMOIRE DESS

71

CONCLUSION

Aux termes de notre étude, plusieurs observations méritent d’être faites. La première

est celle qui consiste à dire que les systèmes d’arbitrage CCI et CCJA OHADA sont

proches l’un de l’autre. L’arbitrage CCJA s’est en effet inspiré de l’arbitrage CCI pour

créer dans l’espace OHADA, un centre d’arbitrage spécifique et surtout élitiste.

L’idée était sans doute d’accompagner l’OHADA dans sa vocation de « servir

l’intégration économique et la croissance en Afrique64 ». Cette mission qui appelle

des investissements étrangers significatifs exige la mise en place d’un cadre

juridique assaini capable de garantir la confiance.

La deuxième observation tient au fait que malgré les similitudes, la consistance des

organes des deux systèmes et leur rayonnement ne sont pas les mêmes. Les

raisons sont connues : l’un, l’arbitrage CCI, est vieux de près d’un siècle avec une

emprise véritablement internationale ; l’autre, l’arbitrage CCJA, a à peine dix ans

d’existence.

La troisième série d’observations porte sur le contenu de la conduite des différentes

procédures. L’on note notamment les différences suivantes :

- Au niveau du choix des arbitres par la Cour : la CCI s’appuie sur ses comités

nationaux d’arbitrage. Ce dispositif n’existe pas à la CCJA ;

- Le coût de l’arbitrage diffère dans les deux systèmes ;

- Les délais exigés dans la conduite des procédures sont, à bien des égards,

différents ;

- Au niveau de l’examen préalable de la sentence : la CCJA fait des

observations de forme uniquement tandis qu’à la CCI, la Cour peut, en

respectant la liberté de décision du tribunal arbitral, appeler son attention sur

les points intéressant le fond du litige ;

La différence fondamentale entre les deux systèmes reste la double casquette de la

CCJA en tant que Centre d’arbitrage et Cour de cassation.

64 Kéba M’BAYE, dans préface, OHADA, Traité et Actes uniformes commentés et annotés, 2è édition

Page 72: MEMOIRE DESS

72

Après plus d’une décennie de fonctionnement, la question se pose de savoir si cette

originalité est source d’efficacité ?

La crédibilité de la CCJA n’a pas encore été mise en cause motif pris de son mode

spécial de fonctionnement quoique les positions doctrinales continuent d’être

opposées sur le statut de la CCJA.

On peut donc penser, à la lumière du contexte économique actuel relativement

reluisant de l’espace OHADA que la CCJA, dans sa configuration actuelle continuera

de bénéficier de la confiance des décideurs politiques et des milieux d’affaires d’ici et

d’ailleurs.

Reste à engager des reformes visant à étoffer les organes de la CCJA pour lui

permettre d’être efficace dans son fonctionnement.

Page 73: MEMOIRE DESS

73

ANNEXE N°1

FRAIS D’ARBITRAGE CCI

A. FRAIS ADMINISTRATIFS

Pour un montant en litige(en dollars US)

Frais administratifs (*)

jusqu’à 50 000 $ 2 500de 50 001 à 100 000 4,30 %de 100 001 à 200 000 2,30 %de 200 001 à 500 000 1,90 %de 500 001 à 1 000 000 1,37 %de 1 000 001 à 2 000 000 0,86 %de 2 000 001 à 5 000 000 0,41 %de 5 000 001 à 10 000 000 0,22 %de 10 000 001 à 30 000 000 0,09 %de 30 000 001 à 50 000 000 0,08 %de 50 000 001 à 80 000 000 0,01 %au-dessus de 80 000 000 $ 88 800

(*) A titre d’exemple seulement, le dernier tableau ci-dessous indique les frais administratifs en $US résultant de calculs corrects.

Page 74: MEMOIRE DESS

74

 

B. HONORAIRES D’UN ARBITRE

 (**) A titre d’exemple seulement, le tableau ci-dessous indique les honoraires d’arbitre en $US résultant de calculs corrects.

Pour un montant en litige (en dollars US)

Honoraires (**)

    minimum   maximum

jusqu’à 50 000 $ 2 500  17,00 %

de 50 001 à 100 000 2,50 % 12,80 %

de 100 001 à 200 000 1,35 % 7,25 %

de 200 001 à 500 000 1,29 % 6,45 %

de 500 001 à 1 000 000 0,90 % 3,80 % de 1 000 001 à 2 000 000 0,65 % 3,40 %

de 2 000 001 à 5 000 000 0,35 % 1,30 % de 5 000 001 à 10 000 000 0,12 % 0,85 %

de 10 000 001 à 30 000 000 0,06 % 0,225 %

de 30 000 001 à 50 000 000 0,056 % 0,215 %

de 50 000 001 à 80 000 000 0,031 % 0,152 %

de 80 000 001 à 100 000 000 0,02 % 0,112 %

au-dessus de 100 000 000  0,01 % 0,056 %

MONTANT EN LITIGE(en dollars US)

A FRAIS ADMINISTRATIFS(*)(en dollars US)

B HONORAIRES D’UN ARBITRE (**)(en dollars US)

    Minimum Maximum jusqu’à 50 000 2 500 2 500 17,00% du montant

en litigede 50 001 à100 000

2 500 + 4,30%du mont sup à50 000

2 500 + 2,50%du mont sup à

50 000 

8 500 + 12,80% du mont sup à 50 000

de 100 001 à 200 000

4 650 + 2,30%du mont sup à100 000

3 750 + 1,35%du mont sup à100 000

14 900 + 7,25% du mont sup à 100 000

de 200 001 à 500 000

6 950 + 1,90%du mont sup à200 000

5 100 + 1,29%du mont sup à200 000

22 150 + 6,45% du mont sup à 200 000

de 500 001 à1 000 000

12 650 + 1,37%du mont sup à500 000

8 970 + 0,90%du mont sup à500 000

41 500 + 3,80% du mont sup à 500 000

de 1 000 001 à 2 000 000

19 500 + 0,86%du mont sup à1 000 000

13 470 + 0,65%du mont sup à1 000 000

60 500 + 3,40% du mont sup à1 000 000

de 2 000 001 à 5 000 000

28 100 + 0,41%du mont sup à2 000 000

19 970 + 0,35%du mont sup à2 000 000

94 500 + 1,30% du mont sup à2 000 000

de 5 000 001 à 10 000 000

40 400 + 0,22%du mont sup à

5 000 000 

30 470 + 0,12%du mont sup à5 000 000

133 500 + 0,85%du mont sup à5 000 000

de 10 000 001 à 30 000 000

51 400 + 0,09%du mont sup à10 000 000

36 470 + 0,06%du mont sup à10 000 000

176 000 + 0,225%du mont sup à

10 000 000 de 30 000 001 à 50 000 000

69 400 + 0,08%du mont sup à30 000 000

48 470 + 0,056%du mont sup à30 000 000

221 000 + 0,215%du mont sup à

30 000 000 de 50 000 001 à 80 000 000

85 400 + 0,01%du mont sup à

50 000 000 

59 670 + 0,031%du mont sup à50 000 000

264 000 + 0,152%du mont sup à

50 000 000 de 80 000 001 à 100 000 000

88 800 68 970 + 0,02%du mont sup à80 000 000

309 600 + 0,112%du mont sup à

80 000 000 au-dessus de

100 000 000 88 800 72 970 + 0,01%

du mont sup à100 000 000

332 000 + 0,056%du mont sup à

100 000 000 

Page 75: MEMOIRE DESS

75

FRAIS D’ARBITRAGE CCJA-OHADA

Frais administratifsPour un montant en litige Frais administratifs*Jusqu’à 25.000.000 500.000De 25.000.001 à 125.000.000 2,00 %De 125.000.001 à 500.000.000 1,00 %De 500.000.001 à 750.000.000 0,40 %De 750.000.001 à 1.000.000.000 0,20 %De 1.000.000.001 à 5.000.000.000 0,05 %Au-dessus de 5.000.000.000 30.000.000

* A titre d’exemple seulement, le tableau en annexe III indique les frais administratifs résultant de calculs corrects.

Honoraires d’un arbitrePour un montant en litige Honoraires* MINIMUM MAXIMUM

Jusqu’à 25.000.000 500.000 10,00 %De 25.000.001 à 125.000.000 1,50 % 5,00 %De 125.000.001 à 500.000.000 1,00 % 3,00 %De 500.000.001 à 750.000.000 0,50 % 2,00 %De 750.000.001 à 1.000.000.000 0,30 % 1,50 %De 1.000.000.001 à 5.000.000.000 0,10 % 0,30 %Au-dessus de 5.000.000.000 0,01 % 0,05 %

A titre d’exemple seulement, le tableau en annexe III indique les honoraires d’un arbitre résultant de calculs corrects.

Page 76: MEMOIRE DESS

76

ANNEXE N°2   :