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UNIVERSITE PAUL CEZANNE AIX-MARSEILLE III
FACULT DECONOMIE APPLIQUE
Lindustrie de la mode : Innovation et proprit
intellectuelle Master II Philosophie Economique
Ralis par : JARIR Soufiane Encadr par : Mr Jean Magnan de Bornier
2011
Master II Philosophie conomique
REMERCIMENTS
Je tiens dans un premier temps remercier Monsieur Jean Magnan de
Bornier, pour mavoir confi ce travail de recherche, pour le temps qu'il a
bien voulu me consacrer ainsi que pour son aide et ses prcieux conseils
au cours de llaboration de ce Mmoire.
J'exprime ma gratitude tous les consultants et internautes rencontrs
lors de mes recherches et qui ont accept de rpondre mes questions
avec gentillesse.
Enfin, j'adresse mes plus sincres remerciements tous mes proches et
amis, qui m'ont toujours soutenu et encourag tout au long de la
ralisation de ce mmoire.
Master II Philosophie conomique
TABLE DES MATIERES
Introduction gnrale.......................................................................................................1
Partie 1 Les bases et caractristiques de lindustrie de la mode
amricaine.11
Chapitre 1 : Le fonctionnement et les spcificits de lindustrie de la mode
amricaine.11
Section I Aperu sur lindustrie de la mode amricaine.12
1. Le processus de conception dune collection......12
2. Les niveaux de segmentation de la mode amricaine......13
3. La dconcentration de lindustrie de la mode amricaine...15
Section II Les spcificits de lindustrie de la mode..17
1. Une industrie progressive et innovante.17
2. Des biens positionnels..18
3. Le rle de la concurrence..19
Chapitre 2 : Limitation dans la mode amricaine...............................................21
Section I Contrle du limitation par le cartel : The Fashion Orginators
Guilds..21
1. Fashion Orginators Guilds 21
2. Design Piracy Prohibition Act ...24
Section II Intensification du piratage aprs la chute de la Fashion Orginators
Guilds..26
1. Un faible rgime de protection des DPI dans la mode amricaine. 26
Master II Philosophie conomique
a. Droit dauteur..26
b. Marque27
c. Brevet..29
2. Quelques exemples de piratage de designs.30
Partie 2 Le paradoxe du piratage dans la mode amricaine33
Chapitre 1 : Un quilibre avec un faible rgime de protection des DPI :
Comment ?.........................................................................................................................33
Section I Le piratage au service de linnovation.34
1. Lobsolescence induite34
2. Le lancrage.40
Section II Des explications alternatives..42
1. Lobstacle de la doctrine amricaine du copyright. 42
2. Lobstacle politique46
3. Lavantage du premier sur le march..49
Chapitre 2 : La mode dans lUnion Europenne et les Etats-Unis : Analyse
comparative...53
Section I La forte protection des DPI dans la mode en Europe..........................54
1. Le droit des dessins et modles....54
2. Dessins et modles communautaire non enregistrs57
3. Droit dauteur.57
Section II Comparaison entre the High IP rgime de LUE et le Low IP
regime des EU58
Partie 3 Linnovation dans un monde de comptitivit sans
DPI...64
Chapitre 1 : Les Industries innovantes dans un espace ngatif de protection
des DPI...64
Master II Philosophie conomique
Section I Les caractristiques des industries et la dynamique dinnovation65
1. Musique.65
2. Tatouages...67
Section II Dautres industries stables dans espace ngatif de DPI..70
1. Cuisine70
2. Logiciels libres72
Chapitre 2 : Lefficacit des DPI : la vision utilitariste de lencouragement
linnovation.74
Section I Est ce rellement une incitation ?..............................................................74
Section II Quelques rflexions pour des solutions alternatives au droit
dauteur.75
Conclusion.........................................................................................................................79
Bibliographie.....................................................................................................................81
Master II Philosophie conomique
1
Introduction gnrale
Les libertaires saccordent tous dire que le droit de proprit sur des ressources
tangibles est un droit indniable. Ainsi les biens immobiles comme une maison ou
une terre et les biens mobiles comme un ordinateur ou une table font lobjet
dappropriation et de cession. De mme, le droit de proprit sur notre propre
corps est indiscutable avec une rserve sur son alinabilit qui reste encore lobjet
de controverse. Les partisans de la libert sont donc universellement favorable au
droit de proprit sur les ressources tangibles, cependant, mesure quon sloigne
du tangible vers lintangible, la question devient plus floue. Le droit contre le
chantage ou le droit de prserver sa rputation par exemple, tout deux des droits
qui relvent de la catgorie de lintangible, provoquent une certaine division des
avis au sein des spcialistes de la question. Ainsi on a la plupart des libertaires qui
prennent position contre une loi concernant le chantage et contre lide du droit de
rputation. Le concept de la proprit intellectuelle figurant dans la case de
lintangible, est lui aussi trs discut. Plusieurs questions se posent son sujet :
Avons-nous des droits individuels sur les crations intellectuelles que ca soit des
livres ou des inventions ? Est ce que le systme juridique doit protger de tels
droits ?
Dans ce qui suit on va dabord dfinir les diffrents instruments du droit de la
proprit intellectuelle de manire brve puis on examinera les principaux points de
vue sur les questions cits prcdemment.
Proprit intellectuelle :
La proprit intellectuelle est un concept large qui recouvre plusieurs types de
droits lgalement reconnus, dcoulant dun certain type de crativit intellectuelle.
Ces droits sexercent sur la catgorie de lintangible et plus prcisment sur des
ides exprimes ou ralises sous forme dun objet tangible. Plus distinctement la
proprit intellectuelle est un droit dexclusivit accord sur des crations
intellectuelles. Il est rparti en deux branches. La premire, celle de la proprit
littraire et artistique qui sapplique aux uvres de lesprit. Elle se compose du droit
dauteur, du copyright et des droits voisins. La seconde branche est celle de la
proprit industrielle, elle regroupe d'une part la protection des crations utilitaires
par le brevet d'invention et le certificat d'obtention vgtale, et d'autre part, les
Master II Philosophie conomique
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signes distinctifs, protgs travers la marque commerciale, le nom de domaine et
l'appellation d'origine.
Ce qui va suivre portera sur la dfinition des quatre formes de protection de la
proprit intellectuelle savoir : le droit dauteur, les marques, les brevets et les
secrets commerciaux.
Le droit dauteur et le copyright :
Le droit dauteur ou le copyright est un droit accord aux auteurs "duvres
originales", telles que des livres, des articles, des films ou des programmes
informatiques. Il donne le droit exclusif de reproduire l'uvre, de prparer des
travaux drivs et dexcuter ou de prsenter sa cration. Le droit dauteur ne doit
pas tre enregistr pour naitre, il vient l'existence automatiquement au moment
o l'uvre est fix sur un moyen d'expression tangible et dure pour la vie de
l'auteur plus une certaine dure (70 ans pour la plupart) qui diffre selon les pays et
les cas.
Juridiquement le droit dauteur est lensemble des prrogatives exclusives dont
dispose un crateur sur son uvre de lesprit originale. (Wikipedia : Droit
dauteur1). Il se compose dun droit moral et de droits patrimoniaux.
Les droits moraux sont essentiellement lis la personnalit de lauteur et
regroupent le droit de revendiquer la paternit de luvre, le droit de dcider du
moment et des modalits de sa publication (droit de divulgation), le droit de
sopposer toute dformation ou mutilation de luvre (droit au respect de
luvre), le droit de sopposer toute utilisation pouvant porter atteinte la
rputation ou lhonneur de lauteur. En droit franais, ils comportent galement
le droit de retrait et de repentir , c'est--dire qu'un auteur a le droit de demander
le retrait de son uvre de la circulation, en change d'une compensation des
personnes engages dans sa distribution et qui jouissent par ailleurs d'un droit de
priorit en cas de remise en circulation de ladite uvre. (Wikipedia : Proprit
littraire et artistique2)
Quant aux droits patrimoniaux, ils ont un rle de rmunration de l'auteur pour
chaque utilisation de son uvre. Ils ne sont accords que pour une dure limite
1 http://fr.wikipedia.org/wiki/Droit_d'auteur#Droit_moral 2 http://fr.wikipedia.org/wiki/Propri%C3%A9t%C3%A9_litt%C3%A9raire_et_artistique#Le_droit_d.27auteur
Master II Philosophie conomique
3
qui varie selon les pays et la nature de l'uvre. lissue de la dure de protection,
l'uvre entre dans le domaine public, et peut tre librement utilise par tous. Ces
droits donnent le choix exclusif des modalits de publications, de reproduction,
dadaptation et de traduction de ses uvres pour un temps donn. Son rle
fondamental est en effet de permettre l'auteur d'obtenir une rmunration pour
son travail en le protgeant de la copie non autorise de ses uvres. (Wikipedia :
Droit dauteur3)
Contrairement aux droits patrimoniaux, les droits moraux sont inalinables,
perptuels et imprescriptibles : un auteur ne peut pas les cder (mais ils sont
transmis par hritage car perptuels), ils n'expirent pas et il est impossible d'y
renoncer.
Le droit d'auteur europen est souvent oppos au copyright amricain. La
principale diffrence tient au fait que par exemple en France, comme en Allemagne,
on attache sauf exception le bnfice initial du droit une personne physique
(l'auteur ou ses hritiers) et le refuse aux personnes morales ( l'exception notable
des uvres collectives pour lesquelles gnralement l'diteur, personne moral, est
titulaire du droit), alors que le copyright reconnat des droits l'diteur ou au
producteur.
Une seconde diffrence concerne la dimension morale du droit dauteur qui nest
pas totalement respecte par le copyright. Le droit moral de lauteur est reconnu
par tous les pays de Common Law qui ont adhr la Convention de Berne, tels
que le Canada ou le Royaume-Uni. Malgr leur adhsion cette convention, les
tats-Unis n'appliquent le droit moral qu'au niveau national, et pour certains types
d'uvres seulement.
Le brevet :
Le brevet est un titre de proprit qui confre son titulaire un droit exclusif
d'exploitation sur une invention pour une dure limite et sur un territoire
dtermin. En contrepartie, l'invention doit tre divulgue au public. Les modalits
de dure, de porte technique et de porte gographique sont dfinies par le
lgislateur. Le lgislateur dfinit galement les conditions d'obtention et d'exercice
d'un brevet. Le demandeur doit dcrire l'invention de manire suffisamment claire
3 http://fr.wikipedia.org/wiki/Droit_d'auteur#Droits_patrimoniaux
Master II Philosophie conomique
4
et complte pour qu'un homme du mtier puisse reproduire l'invention la lecture
du brevet (Wikipedia : Brevet4). La prtendue invention doit ensuite tre
conforme trois critres indispensables :
1) La nouveaut : l'invention doit tre nouvelle et ne pas avoir t divulgue
auparavant au public par quelque moyen que ce soit et en quelque lieu que ce
soit ;
2) L'inventivit : le brevet doit tre une rponse un problme technique trs
difficile rsoudre par une personne comptente dans le domaine considr
et ce problme technique tant exprim en rfrence l'tat de la technique
la date de l'invention ;
3) L'applicabilit : l'invention doit pouvoir faire l'objet d'une application
industrielle, c'est dire qu'elle doit revtir un caractre technique.
L'obtention et la conservation du monopole confr par le brevet s'accompagnent
du paiement de taxes l'office comptent. Le but du brevet est d'viter le recours
au secret industriel (la formule exacte du Coca-Cola par exemple) et ainsi viter que
lon dispose d'un monopole trop longtemps et quon ne puisse alors aboutir la
mme invention qui peut tre bnfique la collectivit. Par rapport au secret
industriel, le brevet permet donc au demandeur de se protger contre l'exploitation
de la mme invention par un tiers en change de la divulgation de cette invention.
Il reprsente donc un mode d'arbitrage : le monopole temporaire accord son
titulaire lui fournit les incitations ncessaires l'innovation, tandis que l'obligation
de divulgation prserve la capacit de la socit tirer rapidement parti de
l'invention brevete.
Les marques :
Une marque est un mot, une phrase, un symbole, ou un dessin servant identifier
la source des marchandises ou des services vendus, et pour les distinguer des
produits ou services des autres.
Le droit des marques empche les concurrents de contrefaire une marque, c'est--
dire dutiliser des marques confusment similaires pour identifier leurs propres
produits et services. Pour tre valide, la marque doit remplir trois critres :
4 http://fr.wikipedia.org/wiki/Propri%C3%A9t%C3%A9_intellectuelle#Brevets
Master II Philosophie conomique
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1) Elle doit tre distinctive au regard du consommateur moyen (par exemple : le
caractre distinctif nest pas respect quand il sagit dune dnomination
dsignant une caractristique du produit ou du service ou une dnomination
ncessaire, gnrique ou usuelle) ;
2) Elle doit tre licite (ne pas conduire le consommateur en erreur, ne pas tre
contraire aux bonnes murs) ;
3) Elle ne doit pas porter atteinte aux droits antrieurs. (il peut s'agir d'une
appellation d'origine contrle, d'une marque antrieure enregistre ou
notoirement connue, d'une dnomination sociale, d'un droit d'auteur, d'un
nom).
Contrairement au copyright et au brevet, le droit des marques peut durer
indfiniment si le propritaire continue utiliser la marque. Aux tats-Unis le droit
d'appropriation dune marque commerciale s'acquiert par l'usage, en Europe il
s'acquiert par l'enregistrement.
Le secret commercial :
Un secret commercial peut tre une formule confidentielle, un appareil ou un
lment d'information qui donne son titulaire un avantage concurrentiel tant qu'il
reste secret (un exemple serait la formule de Coca-Cola). Les secrets commerciaux
peuvent inclure des informations qui ne sont pas assez nouvelles pour tre soumis
la protection des brevets, ou pas assez original pour tre protg par le droit. La loi
du secret commercial est utilise pour empcher les dfournements du secret
commercial, ou les dommages-intrts pour ces dtournements.
La protection des secrets commerciaux est obtenue en dclarant que les dtails d'un
sujet sont secrets. Thoriquement il peut durer indfiniment mais linconvnient est
quun concurrent qui invente indpendamment l'objet d'un secret commercial peut
obtenir un brevet sur le dispositif ou le processus et effectivement empcher
l'inventeur original (le dtenteur du secret commercial) d'utiliser l'invention.
Master II Philosophie conomique
6
Le problme de base :
Une ide peut tre transmise, partage, discute et amliore tout comme elle peut
tre garde sous cl par le propritaire. La question est quelle est la bonne
combinaison pour optimiser lintrt gnral ? Le partage et la libre utilisation des
crations ou la protection des uvres par le droit dauteur et autres. Concilier entre
lintrt de la socit et celui des crateurs est un vrai casse-tte, mais doit-il
indniablement passer par la protection des crations intellectuelles pour garder un
bon niveau dinnovation et de crativit ? Certes la proprit intellectuelle sest
tablit dans notre socit mais do est ce quelle tire sa lgitimit ?
Une lgitimit trs conteste qui sillustre avec des prises de position partages
parmi les spcialistes de la question. On a de ceux qui soutiennent toutes les formes
de proprit intellectuelle imaginables, jusquaux francs opposants des droits de la
proprit intellectuelle. Il faut signaler ici que le dbat concerne gnralement le
systme du brevet et du droit dauteur, les marques et le secret commercial tant
moins problmatique.
Les dfenseurs de la proprit intellectuelle (PI) justifient sa lgitimit soit par des
arguments utilitaristes soit par son assimilation au droit naturel. Brivement
largument utilitariste suppose que nous devons choisir des lois et des politiques qui
maximiseraient la richesse et lutilit gnrale. Selon cette logique les biens
publiques rduisent la quantit de richesse un niveau sous optimal. Ainsi la
solution propose est celle de la protection des ressources matrielles et
immatrielles par le systme de la PI en accordant des monopoles d'auteur et des
brevets qui vont encourager les auteurs et les inventeurs innover et crer encore
plus. Cette vision utilitariste standard dincitation et de motivation des crateurs (en
leur assurant le recouvrement de leur investissement et un certain bnfice) laisse
toutefois une marge de manuvre pour la diffusion et la divulgation des
innovations cres. Cest donc lquilibre entre protection et diffusion de la cration
intellectuelle, qui est sens tre tablit par le biais des instruments de la proprit
intellectuelle.
Cette perspective est naturelle pour la quasi-totalit des conomistes. Ils trouvent
que ce droit sert le bon fonctionnement de la socit et lassimilent trs facilement
un systme dallocation de ressources rares. Cependant on a dun autre cot
plusieurs spcialistes qui saccordent sur la non-ncessit dun niveau de protection
aussi lev et dautre encore qui rfutent le concept mme de proprit
intellectuelle.
Master II Philosophie conomique
7
Il n'est pas du tout vident que les lois de PI conduisent un changement, une
augmentation ou une diminution de la richesse globale. On peut donc se demander
si le droit d'auteur et le brevet sont vraiment ncessaires pour encourager la
production de nouvelles crations, et si les gains supplmentaires en matire
d'innovation l'emportent sur les cots normes du systme de proprit
intellectuelle. Les tudes conomtriques ne permettent pas de conclure des gains
nets de richesse avec le systme actuel de PI. Peut-tre y aurait-il mme plus
d'innovation en labsence du droit dauteur et du brevet : Plus d'argent pourrait tre
consacr pour la recherche et le dveloppement sil nest pas dpens sur les
brevets et les poursuites judiciaires. Aussi, les entreprises seraient incites innover
davantage si elles ne peuvent plus compter sur un quasi monopole de longue
dure.
Les opposants de la proprit intellectuelle se munissent gnralement darguments
empiriques pour mettre en vidence la dangerosit ou bien linutilit de la
protection des uvres intellectuelles, quelles soient industrielles ou artistiques. Le
livre Against intellectual Monopoly 5 des professeurs Boldrin et Levine en est un
parfait exemple. Il rassemble un grand nombre de cas concrets o la proprit
intellectuelle a caus plus de tort que de bien. Il prsente par exemple lhistoire de
James Watt et du moteur vapeur qui, protg par un brevet pendant 25 ans,
aurait retard la rvolution industrielle dune dcennie, ou encore le cas des logiciels
libres qui nont pas eu besoin de protection pour se dvelopper et maintenir un bon
niveau dinnovation. Le livre a connu un cho considrable chez les spcialistes de
la proprit intellectuelle mais de toute vidence pas autant chez les artistes et les
inventeurs.
La conception de la proprit intellectuelle comme un droit naturel et moral cre ce
sentiment dinjustice chez linventeur ou lartiste lorsque sa cration est pirate .
On retrouve le fondement moral du droit de la proprit chez plusieurs
philosophes et essentiellement chez John Locke. John Locke dans son livre trait
du gouvernement civil donne une autre vision de la proprit intellectuelle. Il conoit
la proprit en gnral comme un droit naturel et prexistant dans la socit. En
partant de lide que la libert est un droit naturel de lhomme, nous sommes
videmment propritaire de notre propre corps (sinon, cest de lesclavage). Ainsi
Locke considre que les ressources physiques ou intellectuelles dpenses dans un
travail, nous donnent un droit de proprit consubstantiel sur le produit de ce
5 http://www.dklevine.com/general/intellectual/against.htm
Master II Philosophie conomique
8
travail. La proprit quun travailleur libre a sur son corps stend aux fruits de son
travail proportion de ce quil y a mis de lui-mme. On est donc la en prsence
dune thorie de la proprit fonde sur la libert de lhomme, qui reconnait la
proprit sur les biens matriels ou immatriels comme droit naturel.
Toutefois Locke prcise que ltendue de cette proprit est restreinte la
condition que cette appropriation ne soustrait pas indment des ressources dont la
collectivit pourrait bnficier. On retrouve ici deux interprtations de cette
provision qui sont opposes. On peut dire que les ressources ncessaires la
cration dune uvre sont toujours l aprs sa cration, donc donner une proprit
exclusive son crateur ne soustrait rien du tout aux ressources communes. Les
lments prexistants restent donc disponibles pour les autres et la proprit sur
l'uvre ne retranche rien la communaut. Lautre interprtation se place sur un
point ex post du processus de cration. Elle consiste considrer quune fois
luvre cre, la proprit sur celle-ci la retranche des ressources disponibles et
donc rduit la richesse commune. La proprit intellectuelle doit donc tre
svrement limite. Cette analyse explique le faible cho des dtracteurs de la
proprit intellectuelle qui se focalisent sur des arguments de lordre de lintrt
gnral et de lutilit sociale et ngligent daborder le sujet sur le terrain de la
morale.
Nanmoins, il est difficile de porter le dbat sur ce terrain l, vu la forte volont
politique et conomique favorable dans son ensemble au concept de la proprit
intellectuelle. On peut remarquer cette volont affiche dans le dernier G8
Deauville, o les chefs dtats ont exprim leur engagement dans la dfense de la
proprit intellectuelle indiqu dans le texte labor Deauville : Nous
renouvelons notre engagement prendre des mesures fermes contre les violations
des droits de proprit intellectuelle dans l'espace numrique, notamment par des
procdures permettant d'empcher les infractions actuelles et futures (Dclaration
du G8, Deauville)6. Les grands de la production du film et de la musique quant
eux, nhsitent pas demander la collaboration des fournisseurs daccs internet
pour lutter contre le piratage numrique. La justification est purement utilitariste et
le discours est le mme : Permettre l'innovateur de recevoir une rmunration
pour ses efforts et faciliter la diffusion des connaissances. Ce raisonnement apparait
tout fait logique et bien fond, dailleurs il nest pas critiqu en lui-mme par les
contradicteurs de la PI mais cest plutt son efficacit qui est mise en cause. Un
6http://www.g20-g8.com/g8-g20/g8/francais/en-direct/actualites/un-nouvel-elan-pour-la-liberte-et-la-
democratie.1313.html
Master II Philosophie conomique
9
concept jug trop obsolte par certains et notamment dans une socit
dinformation et de numrisation. Dautres, sans remettre en cause le principe de la
proprit intellectuelle, dnoncent ses excs. Si on reconnat le bon sens et la
logique de largument si sduisant de lutilitarisme, on ne peut pas fermer les yeux
sur les nombreuses anomalies empiriques significatives. Jen ai cit quelques unes
prcdemment tir du livre Against Intellectual Monopoly , et ce mmoire en fera
son objet principal puisquon va traiter un cas trs intressant qui concerne
lindustrie de la mode amricaine.
Un article des professeurs Raustiala et Springman The Piracy Paradox a connu un
cho important au sein des spcialistes de la PI et servira de base ce travail.
Lessentiel de leurs propos consiste expliquer lanomalie suivante :
Une industrie qui offre une large varit de produits dans des marchs plus vastes
que ceux des films, des livres et de la musique et cela avec un trs faible rgime de
protection de la proprit intellectuelle. Limitation dans ce secteur y est
naturellement trs prsente et pourtant linnovation, la crativit et linvestissement
y sont trs dynamique. La principale activit de cette industrie est de concevoir de
nouveaux designs de vtements originaux qui feront le profit de lentreprise.
Cependant les designs de vtements nayant pas de protection assure par la loi
amricaine, copier un design est devenu une pratique normale dans le secteur. On
peut constater cela trs facilement en faisant un tour dans les magasins ou en
feuilletant les revues de modes. Par contre la marque commerciale qui est elle
protge par la loi, nest pas concerne par ce phnomne.
En suivant les affirmations de la thorie utilitariste sur le sujet, il est clair que cette
situation ne concorde pas. Selon le raisonnement utilitariste, ce phnomne
dimitation devrait dtruire linitiative et la motivation des designers pour produire
de nouvelles crations. Alors quen ralit les maisons de mode continuent
innover et produire grande chelle. Cest cette contradiction que Raustiala et
Springman expliquent dans leurs article en partant de lide que limitation nest pas
destructive pour linnovation mais plutt bnfique celle-ci et ils appellent ca :
The Piracy Paradox (le paradoxe du piratage).
Dautre part, lindustrie de la mode semble satisfaite de la situation actuelle du
rgime de protection de la proprit intellectuelle, puisquelle na pas mis de
contestation sur le sujet depuis lintervention de lorganisme Fashion Originators
Guilds entre 1936 et 1940. Les entreprises de mode prennent d'importantes et
coteuses mesures pour protger la valeur de leurs marques, mais ils semblent
Master II Philosophie conomique
10
largement accepter l'appropriation des dessins et modles sans raction assez
vigoureuse. Limitation est mme souvent considrer comme un "hommage" son
talent et la clbrit de la firme. Cette situation reflte un tat dquilibre stable de
lindustrie de la mode amricaine dans un rgime de faible protection de la PI.
Pour analyser ce paradoxe on va suivre le plan suivant : Ce mmoire est compos
de trois parties. La premire partie est une prsentation de lindustrie de la mode
amricaine, son fonctionnement et ses caractristiques. On examinera les
spcificits de lindustrie de la mode et le phnomne dimitation des designs qui
existe dans ce domaine, en distinguant entre le copiage de design et la contrefaon
qui nest pas concern par cette analyse. Lors de la deuxime partie, on sattaquera
lexplication de cette situation dquilibre dont on qualifie lindustrie de la mode
amricaine, premirement travers les phnomnes dobsolescence induite et de
dancrage qui restent le noyau de ce travail, puis on va considrer les explications
alternatives qui pourraient exister tel que lobstacle politique ou juridique. Ensuite
nous verrons dans la mme partie, une comparaison entre la mode en Europe et
aux Etats-Unis qui peuvent tre diffrentes au niveau du rgime de proprit
intellectuelle mais pas autant au niveau du comportement des deux industries. La
troisime partie sera consacre des implications plus larges du cas de lindustrie de
la mode en largissant lanalyse dautres secteurs similaires celui de la mode.
Master II Philosophie conomique
11
Partie 1 Les bases et caractristiques de lindustrie de la mode
amricaine
Chapitre 1 : Le fonctionnement et les spcificits de lindustrie de la mode
amricaine
LEurope, les Etats-Unis et en faible proportion le Japon, constituent eux trois
lessentiel du march de la mode mondiale. Aux Etats-Unis, cette industrie compte
parmi les secteurs les plus importants et les plus prospres dans lconomie
nationale, avec plus de 750 milliards de dollars de chiffre daffaire annuel. Cette
industrie connat une concurrence trs acharn, lesprit de comptitivit est devenu
un mode de vie adopter mme pour la survie de routine. Dans ce cas, la cration
de designs innovants de manire continue, est une activit vitale pour les maisons
de haute couture.
Les firmes les plus importantes du domaine se concentrent gographiquement dans
les villes de New York et Los Angeles. Loffre y est dploye sur plusieurs
segments, allant de la haute couture jusqu'aux vtements basiques. Les entreprises
de la mode amricaine comme Ralph Lauren ou Calvin Klein narrte pas de
produire de nouvelles conceptions de manire rgulire et les commercialisent
chaque saison sous forme de collections qui seront ensuite prsents dans les
dfils de mode.
Afin de bien cerner cette industrie qui fait lobjet de ce mmoire, on commencera
par dterminer les tapes de production dune nouvelle collection, depuis la
conception jusqu la commercialisation. Ensuite nous identifierons les segments de
produits qui existent dans lindustrie amricaine de la mode et on examinera la
dconcentration de ce secteur et ses consquences. Dans un second temps, on
voquera les principales spcificits de lindustrie et principalement lomniprsent
phnomne dimitation et de copiage qui persiste dans ce milieu et qui ne semble
pas trop dranger les acteurs de lindustrie.
Master II Philosophie conomique
12
Section I Aperu sur lindustrie de la mode amricaine
1. Le processus de conception dune collection :
Gnralement la mode suit un systme de saisons couvrant une priode de six mois
: Automne/Hiver et Printemps/t. Mais de plus en plus de maisons de mode
souhaitant augmenter leurs ventes, font mme jusqu' quatre collections par anne :
Automne/Hiver, Holliday (collection des ftes), croisire ou Early Spring et
finalement Printemps/t. Avant que les collections narrivent sur le march, elles
passent par plusieurs tapes. Les collections sont conues six huit mois l'avance.
La premire tape consiste faire ressortir les styles vestimentaires du moment, il
faut donc flairer la mode de demain. Pour ce faire, il existe plusieurs terrains
explorer. Il y a d'abord les salons de mode tels que Premire Vision et Tex
World Paris, Pitti Uomo et Pitti Immagine Florence. Puis il y a les dfils
de mode. Mais aussi, le lche vitrine et lobservation des gens dans les rues qui
restent le moyen le plus pertinent pour cerner la tendance du moment.
Aprs la collecte d'informations, le designer ralise ce quon appelle un Trend book.
Cest un carnet de tendance o sont regroupes les ides qui vont tre la base de la
nouvelle collection. Le styliste sinspire des lments qui lui semblent rpondre
lesprit du moment pour crer sa propre collection.
Ensuite, partir des diffrents lments trouvs, se mettent en place des thmes.
Chacun de ces thmes comporte les matires qui vont tre utiliss, les diffrentes
formes de vtements, les couleurs et tout ce qui touche de prs ou de loin les
futures collections. Ainsi, chaque page dun Trend Book sera accompagn d'un
chantillon textile, de dessins techniques, d'illustrations de mode et de photos
rfrences. Ces Trend Books peuvent anticiper la mode sur deux trois saisons.
Une fois quon a fix les ides et les thmes, les designers vont crer leurs
collections avec une ou deux saisons d'avance. Il faut affiner le choix des ides et
tissus qui feront partie de la collection, prvoir les broderies et les petits accessoires
(attaches, boutons, clips, etc.). Ensuite, une collection comprend comme dans le
trend book plusieurs groupes diffrents. Par exemple, pour un thme sur la plage,
une dizaine de pices (vtements) seront ralises avec pour ide la mer, une autre
partie sur le soleil, une autre sur le sable, etc. Selon l'ampleur de la marque, ca peut
aller jusqu' six groupes.
Master II Philosophie conomique
13
Chaque modle est dcrit en dtail par un dessin technique montrant clairement
tous les dtails, avec diffrents points de vue (de face, de dos voire de ct quand
cest ncessaire).
Une fois ce travail achev, la prsentation de la collection sera faite sous forme de
dessins techniques prcisant lchantillon textile ou la rfrence du tissu choisi.
Le modliste, partir de ces dessins techniques, ralise un patronage des
vtements. cette tape le modliste et le designer travaillent ensemble pour
ajuster les vtements imagins aux contraintes de la ralit.
Enfin, le modliste produit des prototypes qui donneront vie aux dessins et
permettront de mesurer la concordance avec ce que le designer a pens. Il peut
alors y avoir des modifications ou des amliorations. La partie cration arrive son
terme une fois que les dernires modifications sont faites.
Une fois que le patron de chaque dessin est ralis, la phase d'industrialisation
dbute. Il s'agit essentiellement du travail du patronnier et du gradeur.
Le patronnier est charg, partir du patron comportant les pices principales du
vtement, de crer l'ensemble des pices techniques annexes telles que les
doublures, certains thermocollants, ainsi que les gabarits de montage.
Le gradeur est charg de driver du modle ralis dans une taille de rfrence, la
taille de base, un modle dcrit dans toutes les tailles produire.
Une fois que le patron de chaque modle a t industrialis, le vtement est
produit en plus ou moins grande quantit selon la distribution prvue. C'est la
partie confection du vtement. Les vtements sont ensuite emballs et expdis
dans les diffrents points de vente.
2. Les niveaux de segmentation de la mode amricaine :
Les produits de lindustrie du textile sont typiquement segments dans de grandes
catgories qui forment une sorte de pyramide de la mode. Dans le haut de la
pyramide (figure A ci-dessous), on trouve exclusivement une catgorie de styliste
qui inclue trois diffrents types de produits.
Premirement, on a les produits de la haute couture ( High fashion ) qui sont
adresss une clientle particulire. Cest un mtier rduit un petit nombre de
designers qui fabriquent des vtements personnaliss conus presque exclusivement
pour les femmes et vendus des prix trs levs. Juste en dessous on trouve des
Master II Philosophie conomique
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entreprises beaucoup plus grandes qui font de la conception de vtements de prt-
-porter pour les femmes et les hommes. Ce mme niveau est encore segment en
collections de prestige et en collections bas prix (dites Bridge ) offertes par de
nombreux designers de grande renomm. Un autre niveau plus bas on retrouve
des produits dune catgorie ( Better Fashion ) encore plus large qui se compose de
vtements prix modrs ciblant une importante tranche de consommateurs moins
aise. Puis une dernire catgorie de vtements de base, adress une clientle qui
naccordent pas trop dintrt la mode ou na pas les moyens pour. La figure A
illustre cette pyramide :
Le premier critre de segmentation est le prix. Il augmente mesure quon remonte
la pyramide. Cependant la dimension qui nous intresse ici, est le travail ou leffort
fournit dans la conception et le design des vtements. Dans la catgorie des
produits de haute couture, de prt--porter et dans la catgorie bridge , on trouve
un gros travail de conception avec un rythme trs rapide de changement des
tendances. Dans les autres catgories les designs changent trs lentement et leffort
consacr la conception est trs faible.
Les entreprises produisant des vtements de haute couture ont souvent dautres
lignes de production pour des catgories de clients moins aiss. On peut retrouver
plusieurs entreprises de mode qui ratissent tous les niveaux de la pyramide. Par
exemple la maison Giorgio Armani qui produit essentiellement des vtements de
Master II Philosophie conomique
15
haute couture, a galement une activit dans le niveau du prt--porter via son
tiquette de Giorgio Armani, puis dans la catgorie Bridge avec les marques
Emporio Armani et Collezioni Armani, mais aussi dans la catgorie Better o elle
soccupe de la distribution dans les centres commerciaux travers Armani
Exchange brand.
3. La dconcentration de lindustrie de la mode amricaine :
La concentration a au moins deux sens. Elle peut signifier un processus , cest
dire, le mouvement par lequel une part croissante de lappareil productif se
trouve matrise par un nombre de plus en plus rduit de centres de dcisions . Elle
est aussi, indiquer un rsultat , cest dire la structure bien souvent ingalitaire
laquelle aboutissent ces processus. Aussi, lorsque nous parlons de concentration
dans une industrie, nous signifions la fois le renforcement du pouvoir des plus
grands groupes dans ce type d'activit et la structure de march qui en rsulte
(Morvan, Y., 1991). Cependant, selon la nature des relations entre les activits
concernes, on distingue trois types de concentration :
La concentration horizontale : cest le cas o des entreprises ayant une activit
similaire dcident de se regrouper. Cette stratgie permet de gagner des parts de
march, d'liminer des concurrents et de former un oligopole voire un monopole.
La concentration verticale : une entreprise rachte ses fournisseurs et ses
distributeurs. Elle a pour but de matriser toute la chane de production, ce qui
permet de contrler davantage le produit et sa qualit. Cette stratgie permet de
gagner des clients.
La concentration conglomrale : cest la situation o des entreprises rachtent
d'autres entreprises n'ayant pas la mme activit. Cest dans le cadre dune politique
gnrale qui obit la logique de diversification des risques.
Les facteurs dterminant les processus concentrationnistes rsultent des rythmes
divergents de croissance des firmes, les unes croissant plus vite que les autres
(Morvan, 1991). On distingue deux modes de croissance : interne et externe.
Dans la croissance interne, la concentration apparat comme un phnomne driv
de lexpansion de firmes dsireuses daccrotre leurs chelles de production et leurs
parts de march...en achetant des actifs nouveaux. Mais comme il faut se
dvelopper en lanant de nouveaux produits, en investissant dans leur conception,
fabrication et diffusion, en imposant une marque et une notorit, la croissance
interne est un processus lent et risqu. Cela explique le choix d'un certain nombre
Master II Philosophie conomique
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de firmes de prendre le contrle dactifs disponibles dans dautres entreprises
(croissance externe). Dans la mesure o les actifs contrls sont dj prts tre
productifs, le second mode de croissance est plus rapide. En permettant
lentreprise daccrotre rapidement sa capacit de production, il lui conomise, en
outre, les longs dlais de maturation de son investissement et les risques associs.
La croissance externe revt deux formes principales :
La fusion, lorsque deux (ou plus) entreprises dimportance comparable dcident
de runir leur patrimoine respectif pour donner naissance une nouvelle entreprise.
Les anciennes entreprises cessent alors dexister (Hadjila, K., 2000)
Lacquisition, soit lorsquune entreprise achte une autre, celle-ci cessant en
principe dexister, soit dans une acception plus large lorsquune entreprise achte
les actions dune autre (tout ou une partie), celle-ci subsistant alors comme une
filiale. Bien que le terme de Fusion et Acquisition soit devenu le terme gnral qui
dsigne les formes de concentrations, dans la ralit, ce sont les acquisitions qui
dominent le march (Cnuced, 2000)
Globalement, les industries cratives amricaines tel que celles du film, de la
musique ou de ldition, sont de plus en plus concentrs. Un petit nombre
dentreprises se partagent la quasi-totalit de la production de lindustrie et
contrlent elles seules le march. La mode amricaine se distingue des autres
industries culturelles par un degr de concentration relativement faible. Elle
comprend un grand nombre de firmes de diverses tailles qui concourent la
cration et la conception de vtements originaux sans quaucune entreprise ou petit
groupe dentreprises ne reprsente une grosse part du march.
Cette dconcentration dans le secteur de la mode est thoriquement contradictoire
avec la persistance du faible systme de protection de la PI adopt. En effet, la
thorie conomique suppose que les firmes qui oprent dans un march concentr
ont besoin de moins de protection de la proprit intellectuelle et spcialement
quand elles possdent un pouvoir de contrle sur le march (un accs privilgi aux
distributeurs par exemple). Elles sont ainsi capables dexercer ce pouvoir pour
viter les passagers clandestins ( free-riders ) et sassurer de la collecte des bnfices
sur les innovations quelles accomplissent. Apparemment cette thorie ne se
confirme pas sur le terrain, puisque les industries du film, de la musique et de
ldition, bien quelles soient trs concentrs, ont demand et obtenu une
protection trs large de leurs proprits intellectuelles, et paradoxalement,
lindustrie dconcentre de la mode qui selon la mme thorie requiert une plus
Master II Philosophie conomique
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forte protection, ne semble pas se proccuper rellement de ltat des lois de la PI
qui ne protgent pas du tout les designs.
Une autre thorie peut savrer possible dans ce cas : on peut expliquer la
persistance du faible rgime de protection de la PI par la difficult que trouve les
acteurs du secteur, vu leur nombre, sorganiser et faire pression auprs du
Congress pour obtenir dinclure les designs de vtements dans le champ de
protection du droit dauteur.
Cette hypothse est tout fait plausible mais ne peut pas tre retenue comme il sera
expliqu plus tard dans la deuxime partie consacr exclusivement ce sujet.
Section II Les spcificits de lindustrie de la mode
1. Une industrie progressive et innovante :
Lindustrie de la mode en gnral est une industrie progressive base sur une
innovation et une crativit constante dans les designs qui constituent le cur de
lindustrie. Baumol William clbre conomiste contemporain distingue deux sortes
de secteurs : le secteur progressif et non progressif. Ce dernier comporte les
industries qui par la nature de leurs activits sopposent la progression et la
croissance. Le secteur de lart vivant (opra, orchestre symphonique) est par
exemple un cas o la recherche de profits supplmentaires et laccroissement de la
productivit sont bloqus par la sacralit de lessence mme de ce secteur. La
fameuse phrase on ne peut pas jouer Mozart plus vite illustre bien la nature
intrinsquement non progressive du secteur de lart vivant. Ceci suppose une
augmentation des cots pour ce genre dactivits (car si la productivit stagne, le
cot du travail augmente) ; Ainsi le maintien dune activit comme lart vivant
devient un choix politique de socit, il peut tre considr comme un luxe rserv
ceux qui peuvent se loffrir.
Lindustrie de la mode nest pas dans ce cas de figure ; elle est progressive et se doit
dtre innovante en permanence. Les changements dans les designs, la technologie
et les techniques organisationnelles quelle adopte ne touchent pas lidentit de
cette industrie bien au contraire. Linnovation fait partie de lidentit de
lindustrie, cest le carburant sans lequel elle ne peut pas avancer. En fait, il ny a pas
de sanctuaire que ces changements ne pourraient pas investir pour obtenir des
gains de productivit et de qualit. La mode, o dominent le tour de main et le
savoir-faire, est aussi fortement concerne par lintgration de nouvelles
technologies et lapplication de savoirs scientifiques. En somme, lindustrie de la
Master II Philosophie conomique
18
mode nest pas un luxe pour la socit et ce titre ne peut faire lobjet des mmes
procdures de dcision politique quun orchestre symphonique ou un opra. Cest
une activit conomique qui contribue dans certains cas la comptitivit
conomique dun pays et engendre toute une srie deffets externes positifs sur le
plan de la connaissance et de linnovation.
2. Des biens positionnels :
Les biens positionnels dits Positional Goods , sont des biens dont la valeur pour
ceux qui en jouissent est lie la perception de cette valeur par les autres :
positional goods are bought because of what they say about the person who buys them; they are a
way for a person to establish or signal their status relative to people who do not own them
(Matthew B., 2009). Certes, les biens produits par lindustrie de la mode ne sont
pas uniquement dfinis par cette caractristique de positionnalit : la valeur dune
cration de mode est aussi relative la qualit, lauthenticit et linnovation de
conception ralise. Cependant, la plupart des produits de modes sont caractriss
dans une certaine mesure, par cette proprit de positionnalit : cette aptitude
placer le propritaire dans une certaine position sociale, le distinguer des autres.
Autrement dit, la satisfaction que peuvent engendrer ces biens pour les
consommateurs nest pas seulement lie lutilit du bien et sa qualit mais aussi
linformation quils vhiculent concernant la position sociale du consommateur.
Cette proprit des produits de la mode impliquent des effets dcisifs sur la
structure des industries. Elle influence par exemple la disposition payer du
consommateur, la quantit de biens vendusetc. Il est donc important pour
lindustrie de la mode de maintenir cette proprit pour ces produits ou plutt de la
renouveler chaque fin de cycle du produit. Car le bien positionnel est par nature
en permanence menac par son propre succs. Sa pertinence, en tant que bien
confrant un statut particulier, se dgrade au fur et mesure quil gagne en
popularit.
En fait, le bien positionnel est sujet une dynamique deux faces : son attrait
augmente quand certains le possdent puis il diminue quand la plupart lont
acquis (Foray D., 2010). Quand le bien atteint un niveau trs grand de popularit,
sa proprit de bien positionnel disparait, et sa valeur diminue aux yeux de ceux qui
taient les premiers le dtenir. Lassimilation de cette dynamique est primordiale
pour la comprhension de la thorie fondamentale de ce mmoire : en effet la
notion de bien positionnel joue un rle dcisif dans la dynamique dinnovation au
Master II Philosophie conomique
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sein de lindustrie de la mode. Cette dynamique repose sur le dclin de la
positionnalit des produits de mode qui est d deux facteurs :
La diffusion de copies bon march qui attnue le degr de distinction procur par
larticle original par simple association ;
Le simple fait que larticle original conquiert de nouveaux segments de march en
diminue sa valeur en tant que bien positionnel.
3. Le rle de la concurrence :
Lenvironnement concurrentiel de lindustrie de la mode explique en grande partie
son caractre innovant et lui impose de dvelopper une crativit constante pour
assurer sa survie. La situation concurrentielle est bien dcrite par la fameuse courbe
en U inverse : In general, there is an inverted-U relationship between competition and
innovation : firms have little incentive to innovate if they are not stimulated by competition, but too
much competition discourages innovation as firms are not able to reap the benefits of their efforts.
There is, therefore, an optimal degree of competition (Aghion, 2006)7.
Lindustrie de la mode se trouve dans cet quilibre concurrentiel qui assure un
niveau stable dinnovation. Le march comporte un nombre dentreprises optimal
pour une comptition avantageuse lindustrie : ni trop de firmes (ce qui
crerait des conditions de concurrence pure et parfaite, nfastes linnovation) ni
pas assez (ce qui crerait des conditions de monopole galement dfavorables) 8
On retrouve dans cette industrie les caractristiques dune concurrence
monopolistique, base sur la diffrenciation des produits et des services et qui est
trs propice linnovation. Lindustrie est donc caractrise par un mlange de
concurrence acharne et de monopole qui agit comme un puissant stimulant
linnovation. Les rgles du jeu sont donc la crativit et linnovation dans le but de
fonder et dvelopper les caractres distinctifs de la marque ou du produit et ainsi
accroitre sa part de march.
Lactivit de lindustrie de la mode dgage une croissance conomique importante
intrinsque la crativit et linnovation constante des designers. Cette crativit est
dune part stimule par la concurrence qui existe entre les firmes pour dvelopper
7 P. Aghion, A primer on innovation and growth , Bruegelpolicybrief, 2006 8 Foray, D. lindustrie du luxe et lconomie de la connaissance , 2010
Master II Philosophie conomique
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des produits nouveaux qui vont satisfaire la clientle, et dautre part grce la
concurrence sur le march des produits aprs la ralisation des nouvelles crations.
Il est reconnu que la concurrence pour linnovation favorise la diversit et
lintensit de celle-ci. Quant la concurrence sur le march des produits, son rle
dans lincitation linnovation, bien quavr dun point de vue empirique, reste
encore sujet controverse. Enfin, dernier lment, et non le moindre : le
patrimoine accumule au fil des crations passes est un bien public sur lequel
fonder les crations ultrieures. Toute restriction daccs ce bien public est
contre-productive :
Quune invention permette dautres innovateurs de se mettre au travail sur
linvention suivante, est un moteur essentiel de la croissance, dans la ralit comme
dans les modles de croissance (Foray, 2010).
En rsum, sont favorables linnovation :
la concurrence pour linnovation et la crativit ;
la concurrence sur le march des produits ;
la diffusion du patrimoine culturel accumule loccasion des crations et
innovations antrieures ;
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Chapitre 2 : Limitation dans la mode amricaine
Limitation dans lindustrie de la mode a toujours exist, elle sest intensifi de plus
en plus avec le dveloppement et lexpansion du secteur et a pris une ampleur
particulire aux Etats-Unis. Entre les deux guerres, limitation des designs
europens tait devenue une sorte de tradition amricaine et les crateurs parisiens
taient les plus frapps par cette pratique. Cependant les moyens et la technologie
de lpoque ntaient pas bien dvelopps pour imiter une conception et la
commercialiser aussi rapidement que de nos jours, dautant plus que les maisons
majeures de la haute couture parisienne ont tacitement mis en place des rgles pour
stopper ces pratiques qui sinstallaient confortablement dans le milieu. Ainsi,
assister un dfil de mode parisien ntait plus donn tout le monde, un filtrage
tait tablit pour viter les imitateurs reconnus et les photos et dessins tait interdits
de publication avant une certaine date. Malgr toutes ses dispositions, limitation a
continu sa progression dans lindustrie amricaine de la mode et est toujours
omniprsente actuellement. Nanmoins la situation de cette industrie a connu un
important rebondissement en 1932 avec ltablissement dun cartel national ayant
pour objectif de limiter le phnomne dimitation dans le rang des designers
amricains. Nous allons voir dans ce chapitre comment travers le temps, les
acteurs de lindustrie de la mode amricaine ont ragit face au piratage des designs
et puis on examinera ltat du rgime de protection de la proprit intellectuelle et
le degr de dveloppement des pratiques de copiage dans le secteur.
Section I Contrle de limitation par le cartel : The Fashion Orginators Guilds
1. Fashion Orginators Guilds
En 1932, un groupe de fabricants de mode amricains, se sentant menacs par la
prolifration des imitations bon march dans le secteur, avaient dcid de mettre en
place un plan de contre attaque. La rgle dans cette poque tait la pratique
universelle de copier les styles et les conceptions originales. Ctait all si loin que
pas un modle exclusif ntait assur de le rester assez longtemps ; une robe
expose dans un premier temps 60 $ pouvait tre dupliqu 25 $ dans les jours
qui suivent et des prix encore plus bas ensuite. Les fabricants ont donc dcid de
prendre des mesures directes pour empcher la copie. Ils crrent alors, la Fashion
Orginators Guild . Un rassemblement de quelques grandes firmes du secteur ayant
Master II Philosophie conomique
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pour but commun de surveiller les dtaillants et de garder la trace des dessins
originaux (les robes portaient des tiquettes de la Guilde distinguant un design
original dune imitation). Les dtaillants et les fabricants devaient signer une
dclaration de coopration dans laquelle ils sengageaient vendre exclusivement
des crations originales et pour ceux qui ne sy conformaient pas, ils taient
soumis au boycott. En plus de cet engagement, les membres de la Guilde qui
traitaient avec des dtaillants non cooprant se voyaient imposes de lourdes
amendes.
Au dbut la guilde regroupait douze maisons de couture leadeurs dans lindustrie.
Elle avait tablit un bureau denregistrement des designs et invitaient dautres
firmes joindre le cartel. A la fin de lanne 1933, la guilde comptait 60 membres et
avait reu des dclarations de coopration de la part de 4000 dtaillants o ils
sengageaient ne pas vendre ou acheter des copies de designs originaux
appartenant aux membres de la guilde. Durant son existence, la Guilde a t
efficace dans le maintien de l'ordre et la limitation du piratage pour ses membres.
En 1936, plus de soixante pour cent des vtements pour femmes vendus plus de
10,75 dollars (environ 145 $ en dollars de 2005) ont t vendus par les membres de
la Guilde.
Le premier effet des accords de coopration conclus avec les dtaillants tait que la
protection des designs ne s'tendait pas aux vtements bas prix. En effet, puisque
les fabricants appartenant la Guilde commercialisaient exclusivement des
vtements dont le prix tait suprieur 16.75 $, les autres catgories de vtements
bon march nentraient pas dans le champ de surveillance de la Guilde. Cependant
mesure que la puissance de la Guilde saccroissait, dautres rgles se mettaient en
place pour donner plus de prrogatives et de marge de manuvre la guilde.
Beaucoup de restrictions ont t fixes et les grands magasins se contentaient de les
respecter jusqu' ce que la Guilde ait commencer se mler des catgories de
vtements bas prix. Le problme entre les dtaillants et les 250 fabricants et
socits affilies de la Guilde, sest dvelopp progressivement. Il est venu la suite
dune srie d'incidents que les dtaillants ont considrs comme un abus de
position clair de la Guilde. Un exemple qui dcrit trs bien le genre dincident qui a
men la chute de la Guilde est le cas du magasin Strawbridge & drapier
en Philadelphie, o un enquteur de la Guilde exigeait, avec une certaine arrogance,
quune robe, son avis une copie, soit retir de la vente et que le nom du fabricant
lui soit dvoil. Les dirigeants du magasin savaient qu'ils avaient une entente avec la
Guilde, mais ils avaient compris que l'accord les laissait libres de dcider quelles
Master II Philosophie conomique
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robes taient des imitations et lesquelles ne ltaient pas. Ils ont refus la demande
de l'enquteur et deux jours plus tard, tous les fabricants de la Guilde ont reu une
petite carte rose pour les informer que le magasin avait t coupable de refus
catgorique de cooprer. Comme sanction, les ordres de Strawbridge & drapier
ntaient plus pourvoir. En quelques jours la mme chose s'tait passe
Bloomingdale Manhattan et HR White Co. Boston. Les trois magasins
sont membres de la Associated Merchandising Corporation fonde en 1916.
Vers le milieu de lanne 1936, tous sauf quatre des 20 membres de la Associated
Merchandising Corporation avaient t vincs par la Guilde.
Les marchands en dtail taient perturbs par cette expansion des activits et des
pouvoirs de la Guilde et cette augmentation considrable des sanctions lencontre
de leurs camarades. Ils taient daccord pour se conformer aux volonts de la guilde
dans le sens dune lutte contre la copie des designs originaux coteux, mais
accorder la mme attention aux vtements de bas prix tait une autre affaire. Ces
vtements prix abordables taient achets en grande quantit et constituaient une
importante partie du bnfice des dtaillants. En plus, les consommateurs de ce
genre de produits ne prtaient pas une grande attention lauthenticit des
vtements. Lirritation des dtaillants sintensifiait avec le ton dictatorial des
communications de la Guilde et la situation devenait de plus en plus tendue
notamment cause dune nouvelle dclaration de coopration envoy par la
Guilde o elle imposait des restrictions supplmentaires. Les dtaillants qui avait
dans un premier temps accept de ne pas vendre des copies de designs couteux
(suprieur 16,75 dollars), taient maintenant tenus de ne pas vendre de copies du
tout mais aussi de laisser aux professionnels de lautorit de la Guilde le soin de
dterminer ce qui tait ou n'tait pas une copie. Aprs l'incident de Strawbridge
& drapier , la guerre t ouvertement dclare. Chaque reprsentant des intrts
des dtaillants dans le pays avait pris une position - la plupart d'entre eux contre la
Guilde. Ils accusaient la Guilde de concurrence injuste et dabus de pouvoir dans le
but de monopoliser l'industrie du textile. La position gnrale des commerants
tait limpossibilit de la coopration avec la Guilde sauf sur la base des termes
d'origine.
Par la suite, les affaires ports en justice naboutirent pas dans un premier temps
des rsultats en faveur des dtaillants, mais dautres affaires sen suivirent et le
conflit grandissait de jour en jour jusqu'en 1941 o la Guilde dans laffaire contre la
Federal Trade Commission fut reconnue coupable pour concurrence dloyale et
pour violation des lois antitrust; notamment les actes de Sherman et Clayton .
Master II Philosophie conomique
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La dfense de la Guilde, qui avanait que ses pratiques taient raisonnables et
ncessaires pour protger le fabricant, louvrier, le commerant et le
consommateur contre le flau du piratage des crations originales qui frappent
lindustrie de plus en plus svrement , fut rejete par la cour suprme amricaine.
2. Design Piracy Prohibition Acts
Entre 2006 et 2010, pas mal de projets de lois ont t adresss au Congress
amricain, visant la modification du titre 17 du code des Etats-Unis pour fournir
une protection sui generis aux designs de mode pour une priode de trois ans. Les
actes auraient prolong la protection lapparence globale dun vtement, y
compris son ornementation. Lensemble de ces projets ne passrent pas le stade de
la commission dtude et naboutirent donc aucune modification de la loi. La plus
rcente tentative a t lintroduction le 5 aot 2010, par le snateur Chuck Schumer
avec dix Co-parrains, du projet de loi numro S 3728. Le Comit snatorial a vot
l'unanimit ce projet de loi pour quil passe au Snat. C'est le plus loin quun des
projets de lois concernant la protection des designs a pu progresser depuis 2006. Il
faut tout de mme noter que ce projet de loi portant le nom de The Innovative
Design Protection and Piracy Prevention Act (IDPPPA) a recueillit le soutien de la
American Apparel et Footwear Association (AAFA) qui tait oppose aux prcdents
projets de lois.
LIDPPPA propose comme ses prdcesseurs damender le chapitre 13 du
Copyright Act, mais limine lobligation denregistrement auprs du Copyright
Office. En outre, ce projet envisage une protection consacr uniquement pour les
modles originaux. Pour tre original, un modle devra tre le rsultat de leffort
cratif du designer et devra fournir une variation non ngligeable et non utilitaire
par rapport aux conceptions antrieures pour le mme type darticles 9. En dautres
termes, une simple variation sur un thme ne sera pas protge. Un styliste ou un
couturier souhaitant poursuivre en justice un copieur pour contrefaon devra
prouver que son modle est protg par le copyright et quil y a eu effectivement
copiage. LIDPPPA dfinit une copie comme un modle substantiellement
identique dans son apparence visuelle globale aux lments dorigine dun dessin ou
modle protg 10. Le plaignant devra en outre prouver que le dessin ou le modle
9 Traduction du texte de loi de lIDPPPA : provide a unique, distinguishable, non-trivial and non-utilitarian
variation over prior designs for similar types of articles 10 Traduction du texte du projet de loi
Master II Philosophie conomique
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protg, ou bien une image de celui-ci, tait disponible dans un ou plusieurs
endroits, de telle manire, et pour une dure telle, que lon peut raisonnablement
dduire de lensemble des faits et des circonstances que le contrefacteur la vu ou en
a eu connaissance.
LIDPPPA contient une exception pour les couturiers et couturires domicile : il
leur sera possible de reproduire un seul exemplaire un modle original pour leur
usage personnel, ou lusage personnel dun membre proche de la famille. De plus,
les modles crs avant la promulgation de la loi feront partie du domaine public.
En revanche les pnalits pour fausse reprsentation augmenteraient de 500 $
5000 $ et de 1.000 $ $ 10.000. Les "vtements" qui seraient protgs par la
prsente loi sont ceux des femmes, des hommes et les vtements pour enfants ainsi
que les bagages, sacs main, portefeuilles et montures de lunettes. Cette loi a t
dote dune couverture mdiatique trs importante, elle a reu un soutien plus large
que les projets prcdents et notamment par la Intellectual Property Owners
Association et le Council of Fashion Designers of America .
Nanmoins le snateur Feinstein qui tait lun des porteurs du projet en compagnie
de Schumer a demand que le texte retourne au comit pour plus de clarification,
une nouvelle discussion, et un nouveau vote. La Retail Industry Leaders Association
(RILA) a salu cette dcision en dclarant : Nos membres craignent que si ce
projet de loi est adopt, il se traduise par une augmentation des litiges coteux qui
serait source d'incertitude tous les niveaux de l'industrie de la mode et limiterait la
capacit de la grande majorit des familles amricaines profiter de vtements de
mode des prix abordables 11. Le dbat interminable continue donc entre
opposants et partisans de la protection des designs mais cette fois semble tre la
bonne pour trancher sur le sujet. Nanmoins, il faut noter que globalement les
ractions et les efforts de lindustrie de la mode restent trs modestes face
lenvahissant phnomne de limitation. Cest un point trs intressant qui sera
lobjet dune profonde analyse dans les sections ultrieures de ce mmoire.
11 Traduction de larticle : http://fashionlaw.foxrothschild.com/articles/design-piracy-prohibition-act/
Master II Philosophie conomique
26
Section II Intensification du piratage aprs la chute de la Fashion Orginators
Guilds
1. Un faible rgime de protection des DPI dans la mode amricaine
Depuis la chute de la Fashion Originators Guild , limitation sest rapidement
rpandu dans les Etats-Unis. Les firmes de lindustrie de la mode ont, dans
quelques occasions, exerc une pression pour obtenir lextension de la protection
lgale pour leurs designs. Pour autant, les efforts engags dans ce sens sont plus ou
moins faible et le systme de protection de la PI est rest le mme que celui du
temps de la Guilde. A cot de la tendance actuelle de progression et dextension du
champ de la proprit intellectuelle en gnral, le phnomne de limitation qui
prvaut dans le monde de la mode, semble de plus en plus anormal. Jusqu'
prsent, lindustrie de la mode opre dans ce quon va appeler, un quilibre de
faible protection de la PI. C'est--dire que les trois formes de protection (marque,
brevet et droit dauteur) couvrent de faon trs limit les designs et que ce faible
niveau de protection lgal est politiquement stable. Les efforts occasionnels qui on
t fait pour modifier le systme de protection relatif aux designs de mode, nont
donc pas abouti et le rgime est rest le mme pour plus de six dcennies. On va
donc brivement considrer chaque instrument de protection des designs et tenter
dclaircir lenvironnement lgal de la proprit intellectuelle concernant la mode.
a. Droit dauteur
Le systme juridique de la proprit intellectuelle nexclut pas spcifiquement les
designs du champ de protection. Ce manque de protection dont ptissent les
designers dcoule plutt dune doctrine gnrale du copyright. : La rgle veut que
les articles utilitaires nintgrent pas la catgorie des articles protgs par le
copyright. On veut dire ici par articles utilitaires, tous les articles ayant une
fonction intrinsque utile pour la socit. Plus simplement, les produits qui ont une
fonction utilitaire ne bnficient pas dune protection pour leur contenu esthtique
ou informationnelle. Cest donc les biens genre les vtements, les luminaires, les
meubles, bref tous les biens dont lexpression crative va de paire avec lutilit
pratique du bien. Ainsi, selon la loi amricaine on trouve quune esquisse
bidimensionnelle dun design est protge par le copyright puisquelle est
considre comme une uvre picturale. Cependant, un article de mode en trois
dimensions, une robe conue partir de cette mme dernire esquisse, nest pas
protge et donc limitateur qui se sert de cette robe comme modle, ne commet
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aucune infraction vis--vis de la loi. En fait, la loi ne sapplique que lorsque le
composant esthtique, cratif de larticle est sparable de sa fonction utilitaire.
Pour bien illustrer cette rgle et son application sur les designs de mode, prenons
lexemple dun bijou cousu sur un vtement. Les deux composantes du design (le
bijou et le vtement) sont sparables et donc protgeables, dans le sens o le bijou
ne contribue pas au caractre utile du vtement. Mais bien sr trs peu de design de
mode sont sparable de cette faon; dans la plupart des vtements, les lments
expressifs ne sont pas boulonns mais sont une partie intgrante de la forme du
vtement lui-mme, ils sont instills dans la coupe d'un manchon, la forme d'une
jambe de pantalon et les variations de conception sont multiples et donnent lieu la
varit, la diversit et la richesse des modes. En consquence, les lois du copyright
ne sont pas applicables pour quasiment tous les articles de modes, laissant ainsi
cette industrie oprant dans une sorte de libre espace dimitation.
b. Marque
Le Trademark est un instrument indispensable pour les entreprises de la mode, il
permet de maintenir une position de prestige pour certaines marques de vtements.
Dailleurs les firmes investissent lourdement dans la surveillance et la prservation
de leurs marques contre la contrefaon. Il faut bien faire la diffrence entre
limitation de designs et lappropriation de marques commerciales. La premire
pratique nest pas considre comme une contrefaon dans le cadre de la loi des
marques commerciales. Les vtements de H&M, par exemple, sont des copies de
designs crs par de grandes maisons de haute couture mais commercialises sous
une autre marque. Cette catgorie est celle qui nous intresse dans ce travail.
Toutefois, Il est possible que la loi des marques dans de rares occasions protge les
designs de modes, cest le cas darticles qui intgrent visiblement la marque
commerciale dans leur design de faon ce quelle soit une partie intgrante du
design. Lexemple le plus illustratif est certes celui de la marque Burberry et son
tissu carreaux comme signe distinctif (protg par la loi de la marque
commerciale) qui est incorpor dans le design de plusieurs vtements et accessoires
de la firme. Cest ainsi que de plus en plus de crateurs ont commenc intgrer de
manire explicite et visible un logo protg dans leurs designs. Les sacs main
Louis Vuitton couvert des lettres LV est un autre exemple. Ainsi la marque
commerciale fournit une source de protection significative contre le piratage de
design. Seulement, il faut noter que cette forme de protection rduit
considrablement la libert de cration chez les designers. Le fait est que pour la
plupart des produits de lindustrie de la mode, la marque est soit inscrite
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lintrieur du vtement ou bien dissimul dans une petite portion du vtement
comme un bouton ou une fermeture clair. La figure B illustre la distinction entre
lappropriation de design et la contrefaon de marque.
En plus du Trademark le code amricain des marques commerciales prvoit aussi
un autre instrument de protection : le Trade Dress. Cest un concept initialement
limit l'emballage d'un produit mais qui a t largi par de nombreux tribunaux
d'appel pour venir englober la conception complte d'un produit. Certains
tribunaux sont alls jusqu' soutenir que le Trade Dress implique l'image totale
d'un produit, tel que des combinaisons de taille, de forme, de couleur, de texture,
de graphisme ou mme de techniques de ventes particulires.
Plusieurs des attributs couverts par le Trade Dress sont la cl de lattrait des
designs de mode. Ainsi le Trade Dress peut jouer un rle significatif dans la
protection des designs. Nanmoins, son champ de protection est le mme que celui
du copyright, puisque cet instrument est lui aussi limit aux designs non utilitaire
mais encore aux designs dont les attributs sont communment reconnus pour
dsigner la source du produit (la marque). Cest ce qui est appel le standard de
Source-Dsignating . La cour Suprme amricaine a not dans une affaire portant
sur la protection du Trade Dress , que trs peu de designs de modes sont
susceptibles dtre conforme au standard de Source-Dsignating et donc bnficier
Master II Philosophie conomique
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dune protection. Cela sexplique par le fait que le design des produits sert
pratiquement toujours des fins autres que laffichage de la source ou du moins
natteint que rarement cette particularit dtre exclusivement dsignateur dune
marque. En consquence, une firme de mode qui chercherait une protection sous
le Trade Dress pour ses designs, est tenue de prouver que ses designs ont acquis
un sens secondaire, c'est--dire que les gens identifie des attributs du design
comme une signature de la marque . En effet les designs de mode ne rpondent
que rarement ce standard. Il est vident que les consommateurs apprcie un
vtement de par ces attributs (sa coupe, sa couleur, sa texture) sans les identifier
comme dsignateurs dune quelconque marque. Nanmoins, quelques
consommateurs de mode avertis peuvent associer la marque Chanel plusieurs
dattributs : les couleurs contrastantes, la signature du col, les quatre poches de
lemblmatique veste femme de chanel...etc. Mais bien videmment, peu de designs
rpondent suffisamment ce standard pour bnficier de la protection du Trade
Dress qui reste finalement un outil de protection tout aussi impertinent que le
copyright dans le secteur de la mode.
c. Brevet
Le brevet peut galement (en thorie) protger un design darticle de mode. Le
droit des brevets prvoit une disposition spciale pour le design darticles
confectionns et leur offre une dure de quatorze ans de protection condition que
ces designs soient nouveaux et originaux. Toutefois le brevet pour design choue
lui aussi abriter les articles de mode et cela cause de son intransigeance
concernant le caractre nouveau du design. Car contrairement au copyright qui
admet les conceptions comportant un minimum de crativit et de nouveaut, le
brevet pour design est disponible exclusivement pour les designs qui sont vraiment
nouveaux et qui ne sont pas de simples drivs danciens designs. Parce que la
majorit des designs de mode sont des remakes ou des produits drivs de designs
existants, ils sont alors hors du champ de protection du droit de brevet.
En plus, il existe un second obstacle lefficacit du brevet dans la protection des
articles de modes. Cet obstacle est celui de la procdure de brevetage qui demande
de grands moyens financiers, une longue dure dattente (18 mois en moyenne) et
qui naboutit pas certainement la protection demand. Compte tenu de la courte
dure de vie des designs de mode, le brevet pour design est un outil trop lent et
trop incertain pour avoir une quelconque pertinence dans ce domaine.
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Cette vision globale sur le cadre juridique concernant la protection des designs de
mode, confirme clairement ce quon a avanc au dbut de cette section : Lindustrie
de la mode est dans tat dquilibre avec une faible protection de la PI. Cette
situation est bien sr favorable lexpansion de limitation qui est dailleurs devenue
une sorte de tradition dans le secteur.
2. Quelques exemples de piratage de designs
Comme dit prcdemment, limitation est une pratique omniprsente dans la mode
amricaine, mais ce quil faut prciser, cest quelle ne se limite pas de grands
dtaillants (H&M, C&A) qui copient les designers dlite. Cest plutt une
pratique commune entre les designers, les grandes maisons de couture et les
dtaillants (la Figure C). Lexemple quon prsente ici (Figure C) est une copie faite
par Allen B. Schwartz qui dclare dans sa biographie je suis vnr et applaudit
pour lextraordinaire travail que je fais et qui est celui de ramener les tendances des
dfils de mode dans les rayons de vente en un temps record
Limitation se produit en gnral dans la mme saison ou anne pendant laquelle
loriginal dun habit apparat, seulement le cas de la chaussure Gommino cre
en 1978 par J.P Tod dmontre que limitation peut aussi se faire avec un dcalage
dans le temps. La Gommino , que vous pouvez voir sur la Figure D, a trouv un
grand public dans les annes quatre vingt. Puis par la suite dans les annes 2000, o
plusieurs designers ont lanc leurs propres versions de la chaussure et ont
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galement connu un grand succs (quelques exemples de la chaussure revisits sur
la Figure E).
Evidemment cet exemple nest gure la rgle parce quil est rare quun design de
mode survive plus dune saison. Cest dailleurs ce caractre phmre des
tendances de mode combin avec la rapidit croissante de la production et de la
distribution des copies qui provoque la plus grande protestation des designers. Le
copiage sest dautant plus acclr avec laide de la photo numrique, les
plateformes de conception numrique et internet. Puis au niveau de la fabrication,
avec la sous-traitance global, les technologies de fabrication plus souples et les tarifs
du textile qui sont de plus en plus bas. Ces lments nouveaux dans le secteur de la
mode rendent la tache trs facile pour les dtaillants. En effet, ds quun design est
reconnu comme la tendance du moment, ou peut tre mme plus tt, sa copie est
disponible dans les magasins. Le rsultat est celui que nous connaissons
aujourdhui : lenvahissante pratique dappropriation des designs de la part de
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firmes de modes de toutes tailles et sur tous les niveaux du march. Une situation
qui peut tre vu positivement par certains comme elle peut tre considr nfaste
pour lindustrie et la progression de linnovation dans le secteur.
Du point de vue des industries culturelles en gnral, le problme du piratage est
plac au centre de leurs proccupations. On peut percevoir ceci, en regardant le
combat que mne lindustrie du disque contre les rseaux de Peer-to-Peer ou bien
en faisant un tour sur les sites internet des associations comme la Recording
Industry Association of America (RIAA) ou la Motion Picture Association of America
(MPAA), qui affichent clairement leur dtermination pour stopper le piratage. Ce
qui nest pas du tout le cas de lindustrie de la mode qui na pas rellement amorcer
une initiative notable contre le piratage des designs. En effet comme on a vu
auparavant, les diffrents projets de loi qui ambitionnaient lintroduction des
designs de mode dans le spectre du droit dauteur, nont jamais connu de succs. Et
mme en considrant que cette protection des designs puisse tre mise en place, on
ne peut pas balayer les soixante dix ans pass sans protection depuis la chute de la
Guilde.
En considrant les opportunits qui se sont prsents pour modifier la loi et les
amnagements qua connus le copyright en faveur dautres domaines, il est curieux
de voir subsister cet quilibre de lindustrie de la mode et cette passivit que semble
avoir les acteurs du secteur face la situation. Par ailleurs, quelques observations
mises de lintrieur du monde de la mode peuvent expliquer cette attitude de
lindustrie : limitation est largement accepte sur tous les niveaux du secteur de la
mode. Par les dtaillants parce quelle leur est profitable et par les designers qui la
considrent comme une flatterie, un dfi motivant ou qui ny accordent pas trop
dattention. Il est vrai quil ya parfois des plaintes sur des cas dimitation de design
et dans de rares occasions il est mme question de poursuites judiciaires (Ctait le
cas dYves Saint Laurent qui en 1994 a poursuivi en justice Ralph Lauren pour une
imitation point par point dun design de robe). Cependant, il est assez vident que
limitation des designs reoit trs peu dattention de la part de lindustrie de la
mode, chose qui peut tre considr comme une anomalie du point de vue de la
thorie utilitariste. Cest justement cet quilibre stable de lindustrie de la mode
considr anormal vu la protection fournit aux designs qui va tre tudier dans la
partie suivante.
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Partie 2 Le paradoxe du piratage dans la mode amricaine
Chapitre 1 : Un quilibre avec un faible rgime de protection des DPI :
Comment ?
Comment est ce que lindustrie de la mode a gard cet tat dquilibre pendant si
longtemps dans un espace juridique dfavorable la protection de leurs proprits
intellectuelles ? Cest la question capitale laquelle ce mmoire essaye dapporter
une rponse. Les autres industries cratives soutiennent que la menace du piratage
est un obstacle au dveloppement de leur industrie et ragissent frocement contre
le piratage de leurs produits. Que ce soit la musique, le film ou ldition, toutes ses
industries ont obtenu lextension des lois dans le sens quelles voulaient et des
protections lgales ont t tablis pour couvrir les biens quelles produisent.
Dans ce cadre, on a vu la cration de nouvelles lois spciales comme la Digital
Millennium Copyright Act et la Sonny Bono Copyright Term Extension Act .
Puis au niveau international, des traits bilatraux ont t conclut pour une plus
large couverture et cela principalement travers l'accord sur les aspects des droits
de proprit intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) qui a pour objectif
d'intgrer les droits de proprit intellectuelle (droits d'auteur, marques de fabrique
ou de commerce, brevets, etc.) dans le systme de lOMC. En comparaison comme
il a dj t dvelopp, lindustrie de la mode na fait aucun effort significatif dans
ce sens malgr quelle reconnat clairement la gnralisation du phnomne de
limitation dans le secteur. Pendant 70 ans, les acteurs influant de lindustrie nont
pas russit utiliser linstrument politique pour dbloquer la situation. Cette
indiffrence ou au moins cette attitude de laissez-faire porte confusion.
Lincomprhension est dautant plus grande quand on sait quil nya pas dobstacle
notable lintroduction des produits de la mode dans le champ de protection, sujet
quon va aborder en dtail dans la deuxime section de ce chapitre. Llucidation de
cette affaire est de toute vidence bnfique la progression du dbat sur
lefficacit du droit dauteur et du concept de proprit intellectuelle de manire
globale.
Dans ce qui suit, sera prsent deux thories fondamentales pour expliquer la
continuit de lindustrie de la mode dans cet quilibre stable avec un faible systme
de protection de la PI. La conclusion essentielle qui se dgage partir de ces deux
thories est que le manque de protection pour les designs dans le secteur de la
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mode nest pas particulirement nocif pour les principaux concerns, et quils ne
sont donc pas incits le changer. En fait ce systme peut paradoxalement mieux
servir les intrts de l'industrie quun systme de forte protection des designs de
mode.
Section I Le piratage au service de linnovation
1. Lobsolescence induite
Nos habits sont des biens qui au del de leur fonction premire (couvrir,
rchauffer) sont un moyen daffichage social. La majorit des types de vtements
sont qualifis de biens positionnels. Ce sont des biens dont la valeur est troitement
lie la perception de cette valeur par les autres. Une dfinition fournit par The
Economist est trs illustratif de ce concept : les biens comme un marteau ou une
machine laver sont achets pour leur utilit intrinsque. Les biens positionnels
sont achets pour ce quils disent propos de leur propritaire. Cest un moyen
pour une personne dtablir et de signaler un certain statut par rapport aux
personnes qui ne possdent pas ces biens : voitures de luxe, vacances dans les
stations les plus en vogue, vtements de designers la mode 12. En consquence,
lachat de biens positionnels est dpendant de ce que les autres achtent. Donc la
dsirabilit dun bien positionnel augmente quand peu de gens le possdent puis
baisse lorsque beaucoup de gens le possdent. Une voiture de luxe, par exemple, est
plus dsirable quand seulement quelques gens lont achet mais quand tout le
quartier en a une, sa valeur diminue et elle perd donc cette capacit diffrencier le
propritaire de la foule. De la mme manire, lattrait dun vtement de mode
dpend en grande partie de lexclusivit quil procure certaines personnes. Cette
positionnalit se dfinit sur deux niveaux : la marque et la particularit du style
vestimentaire. Des chaussures ou une robe de Prada ou dYves Saint Laurent ont
une valeur prestigieuse parce que les gens en vogue la possdent et que les autres
non. Ce prestige diminue mesure que ces styles se diffusent une plus large
clientle.
Cette observation nest pas nouvelle, Jean Cocteau a not cette notion
dobsolescence de lattractivit quand il a dclar : l'art produit des
choses laides qui deviennent souvent plus belle avec le temps. La Mode, d'autre
12 http://www.economist.com/economics-a-to-z/p#node-21529537
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part, produit de belles choses, qui deviennent toujours laides avec le temps 13.
Georg Simmel a lui aussi not la mme chose : mesure quune mode se rpand,
elle court peu peu a sa perte 14. Ce processus dobsolescence dattractivit se
produit pour deux raisons :
Premirement, la diffusion de copies bon march peut ternir limage de larticle
origina