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Académie de Grenoble D.S.D.E.N. de l’Ardèche Mémoire professionnel de C.A.F.I.P.E.M.F. Session 2014 Présenté par Jérôme BESNIER École maternelle « Les Lavandières » Saint-Georges-les-Bains Discipline : Découvrir le monde Mémoire suivi par Madame Annie VERNAZ, professeure de Sciences à l’E.S.P.E. de Valence. Le cahier d’expériences à l’école maternelle

Mémoire professionnel de C.A.F.I.P.E.M.F. - fondation … · professeure de Sciences à l’E.S.P.E. de Valence. Le cahier d’expériences à l’école maternelle

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Académie de Grenoble D.S.D.E.N. de l’Ardèche

Mémoire professionnel

de C.A.F.I.P.E.M.F.

Session 2014           

Présenté par Jérôme BESNIER

École maternelle « Les Lavandières » Saint-Georges-les-Bains

  

Discipline : Découvrir le monde   

Mémoire suivi par Madame Annie VERNAZ,

professeure de Sciences à l’E.S.P.E. de Valence.

Le cahier d’expériences à l’école maternelle

 

  

Introduction...................................................................................................................................1

I – Cadre théorique, au fondement de ma réflexion..................................................................3

1 – Les sciences à l’école maternelle……………………………………………………..3

2 – La démarche d’investigation.........................................................................................4

3 – Le cahier d’expériences ou « mémoire de papier »......................................................7

II – La participation active de l’élève..........................................................................................9

1 – Au fondement de mon expérimentation………………………………………………9

2 – Expérimentation mise en œuvre……………………………………………………..10

3 – Résultats obtenus et analyse……………...………………………………………….10

4 – Conclusion…………………………………………………………………………..11

III – Le cahier d’expériences, un outil au service de l’élève...................................................12

1 – Un outil pour apprendre……………………………………………………………..12

2 – Un outil pour faciliter la mémorisation……………………………………………...15

3 – Un outil d’évaluation………………………………………………………………..17

IV – Le rôle de l’enseignant.......................................................................................................19

1 – Guider l’action en accompagnant l’utilisation du cahier d’expériences en vue

de favoriser l’autonomie des élèves.................................................................................19

2 – Favoriser l’écrit dans des formes variées identifiées.................................................21

3 – Aider les élèves à exprimer leurs idées et à expliciter leurs conceptions en vue d’en garder la trace……………………………………………………………………...23 4 – Porter un regard critique sur le cahier d’expériences et réfléchir aux remédiations si nécessaire..........................................................................................25

Conclusion...................................................................................................................................27

Bibliographie...............................................................................................................................28

SOMMAIRE

  

  

L’enseignement des sciences a connu une évolution importante au cours des siècles.

Retraçons-en brièvement les grandes étapes pour en avoir une vision d’ensemble. À partir du XVIe siècle, les collèges tenus par les grandes congrégations enseignantes se

donnent pour mission la formation professionnelle des clercs, qu’ils soient prêtres ou laïcs. Les sciences ne tiennent alors qu’une place secondaire dans leur cursus.

Le souci d’une formation scientifique plus approfondie se manifeste à la fin du Grand Siècle. L’Etat absolutiste a alors besoin d’officiers, d’ingénieurs, de techniciens susceptibles de veiller à l’entretien des constructions militaires, des voies de communication, des bâtiments publics, des manufactures qui constituent la face la plus visible de la puissance monarchique. De nouvelles écoles reçoivent pour mission de former aux mathématiques et aux sciences de jeunes nobles désargentés et des bourgeois récemment anoblis, leur permettant ainsi de devenir les maîtres d’œuvre des nouvelles techniques civiles et militaires. Il s’agit donc de savoirs utiles qui rendent les adultes plus efficaces dans leur vie personnelle et professionnelle.

C’est au début du XXe siècle que le Ministère de l’Instruction Publique accorde une place plus importante à l’enseignement des sciences à l’école primaire avec l’apparition des leçons de choses. Dans ces leçons, faute de matériel, le maître exécute une démonstration globale que les élèves tentent de voir, trace un dessin au tableau et dit ce qu’il faut retenir. Un résumé est alors copié dans le cahier du jour. L’expérimentation proprement dite tient donc peu de place dans la leçon de choses et l’activité des élèves est limitée à l’observation, à la réception d’informations et à la copie d’un texte à apprendre.

En 1968, l’enseignement des sciences va être rénové avec la mise en place d’activités d’éveil. Dans cette nouvelle méthode d’enseignement, les contenus sont placés au second plan au profit des démarches. Le maître part des représentations et du vécu des élèves. Les enfants se posent des questions et doivent chercher eux-mêmes une réponse. En ces années où les travaux d’Henri WALLON et de Jean PIAGET constituent la règle, faire agir les enfants devient le maître-mot de l’innovation didactique.

Lorsque René HABY assoit la nouvelle organisation du collège et fait accepter l’idée que l’école primaire n’est pas seulement le premier échelon de l’enseignement obligatoire, les programmes officiels peuvent enfin paraître. Pour la première fois dans l’histoire de l’école primaire, la physique, la technologie et la biologie, regroupés sous la dénomination des « sciences expérimentales », sont traitées avec le même soin. Mais la publication de ces programmes suscite des réactions violentes. Pour l’opinion, l’école primaire ne saurait avoir d’autre ambition que celle d’apprendre à lire, écrire et compter. Sous les attaques réitérées, l’école primaire se replie dans sa coquille. Des pans entiers du programme sont abandonnés : les sciences, l’histoire, la géographie, l’éducation civique et les activités artistiques seront réservées au temps de « délassement » de fin d’après-midi. Il faudra de nombreuses années pour redonner vie à ces domaines d’apprentissage.

En 1996, l’opération La main à la pâte initiée par le professeur Georges CHARPAK (prix Nobel de physique), et l’Académie des sciences relance l’enseignement des sciences expérimentales dans les écoles maternelles et primaires. Les dix principes  de l’opération, (cf. : ANNEXE I) élaborés en 1998, résument l’essentiel de ce qui est proposé par La main à la pâte. Les six premiers décrivent de façon simple la pédagogie sous-jacente qui place l’élève au

INTRODUCTION

 

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centre de ses apprentissages et qui, à travers l’enseignement des sciences, favorise une maîtrise plus complète de la langue écrite et orale ainsi que l’apprentissage de la citoyenneté, notamment en apprenant aux enfants à débattre entre eux. L’un de ces principes - les enfants tiennent chacun un cahier d’expériences avec leurs mots à eux - se réfère au cahier d’expériences qui est constitué d’écrits individuels, d’écrits de groupes et d’écrits collectifs, ce qui est nouveau.

Instauré depuis l’année 2000, le Plan de Rénovation de l’Enseignement des Sciences et de la Technologie à l’École (PRESTE) a pour objectif « de rendre plus effectif » cet enseignement et de « lui assigner, autant que possible, une dimension expérimentale »1. En 2003, il est devenu le programme rénové de l’enseignement des sciences et de la technologie à l’école.

Les programmes officiels de 2008 stipulent qu’au cycle des apprentissages fondamentaux, « les sciences expérimentales et les technologies ont pour objectif de comprendre et de décrire le monde réel, celui construit par l’Homme, d’agir sur lui, et de maîtriser les changements induits par l’activité humaine. Leur étude contribue à faire saisir aux élèves la distinction entre faits et hypothèses vérifiables d’une part, opinions et croyances d’autre part. Observation, questionnement, expérimentation et argumentation pratiqués, par exemple, selon l’esprit de La main à la pâte, sont essentiels pour atteindre ces buts […] Les travaux d’élèves font l’objet d’écrits divers consignés, par exemple, dans un carnet d’observations ou un cahier d’expériences »2. Dans la partie des programmes consacrée cette fois au cycle des apprentissages premiers, une allusion est faite aux productions écrites, dans le domaine « Découvrir le monde » : l’élève « devient capable de compter, de classer, d’ordonner et de décrire, grâce au langage et à des formes variées de représentation (dessins, schémas) »3. Cela n’est pas sans rappeler la formule de Jean-Pierre ASTOLFI : « Pas de sciences sans écrit »4, qui définit l’écrit en sciences comme un « outil au service de la formation scientifique ».

En sciences, l’observation, l’expérimentation, la verbalisation, la confrontation sont donc

nécessaires mais non suffisantes. L’élève a en effet besoin d’un écrit réflexif comme aide à la construction de la pensée, de structuration, d’institutionnalisation des savoirs (avec le caractère permanent de l’écrit qui aide à la mémorisation), de retour sur des essais permettant des réactivations et la stabilisation d’un apprentissage… C’est cela que j’ai décidé de mettre au centre de ma problématique.

Dans un premier temps, j’exposerai le cadre théorique sur lequel se fonde ma réflexion.

Ensuite, je présenterai l’expérimentation mise en œuvre et vérifierai la pertinence de chacune de mes hypothèses dans l’analyse que j’en ferai.

                                                            1 MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE (M.E.N.). Plan de Rénovation de l’Enseignement des Sciences et de la Technologie à l’École. BO n°23 du 15 juin 2000.  2 M.E.N. Horaires et programmes d’enseignement de l’école primaire. BO hors série n°3 du 19 juin 2008 (p.24). 3 M.E.N. Horaires et programmes d’enseignement de l’école primaire. BO hors série n°3 du 19 juin 2008 (p.15). 4 ASTOLFI, J.P., PETERFALVI, B., & VÉRIN, A. (2006). Écriture et graphismes en sciences. Comment les enfants apprennent les sciences ? (p.126). Paris : RETZ. 

 

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1 – Les sciences à l’école maternelle :

Les programmes de 2008 stipulent, dans le domaine « Découvrir le monde »5 qu’à l’école maternelle, l’enfant découvre le monde proche, qu’il apprend à utiliser des repères spatiaux et temporels, qu’il observe, pose des questions et progresse dans la formulation de ses interrogations vers plus de rationalité. L’élève apprend à adopter un autre point de vue que le sien, devient capable de compter, d’ordonner et de décrire, grâce au langage et à des formes variées de représentation (dessins, schémas), et commence à comprendre ce qui distingue le vivant du non-vivant.

Chez le jeune enfant, nous retrouvons deux caractéristiques essentielles : son intelligence et sa curiosité. Bien qu’il ne possède pas encore certains types d’organisation de la pensée proprement scientifique ou technologique, il n’en développe pas moins une activité intellectuelle nourrie par le besoin d’agir, de connaître, de découvrir. Les activités scientifiques contribuent à fournir des réponses aux multiples questionnements de l’enfant sur lui-même et sur le monde qui l’entoure. En même temps, elles lui ouvrent d’autres champs de curiosité. P. LÉNA explique que « nos sens sont des instruments de mesure du monde, ou d’appréciation et sur lesquels la curiosité va s’exercer »6. Mais en sciences, les sens sont aussi parfois des obstacles : ce que nos yeux voient ne permet pas toujours d’aboutir à une vérité ou n’est pas toujours suffisant. Pour preuve, dans l’Histoire, des outils spécifiques ont pu être nécessaires pour permettre aux sciences d’avancer comme, par exemple, des lunettes astronomiques pour observer le ciel.

Selon V. BOUYSSE, « à l’école maternelle, il faut mettre les élèves en situation d’observer, de manipuler de toucher puisqu’ils sont neufs devant les problèmes scientifiques. […] C’est sur cette base-là qu’après ils auront des propositions. […] Chez les petits, il faut créer un capital de plus en plus riche d’expériences et un capital linguistique qui va avec.»7.

Mais pour que toutes ces situations puissent constituer des supports pour les activités de langage en situation ou d’évocation, il faut que le maître aide les élèves en leur posant des questions ou en les aiguillant dans la remobilisation des souvenirs. En effet, les élèves de maternelle sont immergés dans le présent. La remémoration ou la projection n’est pas encore à la portée des plus jeunes. C’est l’un des gestes professionnels spécifiques que le maître doit alors accomplir et que je développerai dans la partie consacrée à son rôle8.

Un autre intérêt des sciences à l’école maternelle réside dans le fait qu’elles favorisent une « décentration »9 en mettant les élèves en situation de vérifier qu’ils ne pensent pas tous la

                                                            5 M.E.N. Horaires et programmes d’enseignement de l’école primaire. BO hors série n°3 du 19 juin 2008 (pp. 15‐16). 6 M.E.N.,  & ACADÉMIE DES SCIENCES. (2008).  Démarche du chercheur, démarche de l’élève – Pierre LÉNA. Apprendre la science et la technologie à l’école. SCÉREN‐CNDP. 7 M.E.N.,  & ACADÉMIE DES SCIENCES. (2008).  Sciences et langages – Viviane BOUYSSE. Apprendre la science et la technologie à l’école. SCÉREN‐CNDP. 8 Cf. : IV ‐ Le rôle de l’enseignant (p.19). 9 PIAGET, J. (1986). Logique et connaissance scientifique. Gallimard. 

I – CADRE THÉORIQUE, AU FONDEMENT DE MA RÉFLEXION

 

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même chose et qu’ils peuvent vérifier ce qu’ils pensent. Les conceptions initiales des élèves peuvent cependant résister et perdurer même après une expérimentation qui les remettait en cause. À ce propos, J.P. ASTOLFI explique que les représentations des élèves « précèdent l’enseignement, ce qui s’accepte assez bien, mais elles l’accompagnent sans céder facilement… et souvent, hélas, lui survivent dans la tête des élèves, au terme de la socialisation, université comprise »10.

Néanmoins, il ne faut pas oublier que les activités proposées à l’école maternelle doivent favoriser, avant tout la socialisation et l’autonomie de l’enfant ainsi que son développement intellectuel, corporel, sensoriel, moteur et affectif. Il peut alors paraître déraisonnable de proposer des activités scientifiques aux élèves de maternelle. Mais c’est bien parce que l’enfant développe une intense activité intellectuelle « nourrie par le besoin d’agir, de connaître, de découvrir, de se questionner sur son corps, les objets de l’environnement qui l’entoure… »11 que les activités scientifiques à l’école maternelle trouvent tout leur sens.

2 – La démarche d’investigation : La démarche d’investigation se décline en cinq étapes. Pour illustrer ces dernières, je

m’appuierai sur une séquence que j’ai élaborée pour mes élèves de moyenne et grande section. Il s’agissait d’une séance sur la graine.

A - Situation de départ :

Cette première étape est du ressort du maître qui doit tenir compte des programmes, du projet d’école et des ressources locales. Cette situation doit conduire à un questionnement productif puisque comme le souligne G. BACHELARD, « toute connaissance est une réponse à une question. S’il n’y a pas eu de questions, il ne peut y avoir de connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit ».12

Pour lancer une séquence sur les graines, j’ai choisi de proposer différentes graines aux élèves. Dans un premier temps ils ont pu les observer, les décrire, relever certaines différences. Leur curiosité était attisée, de manière très simple et à partir de l’observation de ces graines, nous avons pu aborder la seconde étape de la démarche d’investigation : la formulation du questionnement.

Je précise que l’enseignant peut également saisir une question posée par un enfant lors d’une observation libre. C’est ainsi que peut être lancée une séquence sur les états de l’eau après qu’un élève s’est étonné de voir de la glace sur la bâche du bac à sable à la place de l’eau qu’il avait vue la veille au même endroit.

B – Formulation du questionnement : Cette étape a un rôle prépondérant dans la structuration des connaissances. En

maternelle, les questionnements des élèves sont foisonnants et comme le souligne

                                                            10 ASTOLFI, J.P., PETERFALVI, B., & VÉRIN, A. (2006). Représentations et obstacles aux apprentissages scientifiques.  Comment les enfants apprennent les sciences ? (p.45). Paris : RETZ.  11 COQUIDÉ‐CANTOR, M., & GIORDAN, A. (2002). L’enseignement scientifique à l’école maternelle (p.8). Delagrave. 12 BACHELARD, G. (1999). La formation de l’esprit scientifique. Paris : Vrin. 

 

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G. CHARPACK « malgré l’hétérogénéité des publics et des classes, la curiosité, le goût de manipuler et de comprendre sont parmi les qualités les mieux partagées »13. Il revient donc à l’enseignant de laisser le temps aux enfants de découvrir, de s’interroger et de conduire ensuite les échanges pour les aider à reformuler leurs questions. Elles auront ainsi plus de sens et gagneront en clarté. Elles seront également recentrées sur le champ scientifique ainsi que sur les objectifs. Voici l’échange qui a eu lieu dans ma classe au sujet des graines :

M – Que pourriez-vous faire avec ces graines ? E1 – On pourrait les planter ! M – Est-ce qu’on plante une graine ? E2 – Non, on sème. E1 – Oui, ben on pourrait semer les graines. M – Pourquoi ? E3 – Pour voir si les graines elles vont pousser. E4 – Oui, on les met dans la terre et puis on les arrose. M – D’accord. Et puis ? E4 – Et puis ça va pousser. M – Donc si on sème une graine dans la terre et qu’on arrose quelque chose pousse. EEE (désigne plusieurs élèves) – oui ! M – Mais que vont devenir vos graines si vous les semez ?

Cette question est écrite sur une affiche collective afin de pouvoir s’y référer au cours des étapes suivantes. Elle peut même faire l’objet d’un codage imaginé par les élèves pour favoriser une relecture autonome (cf. : ANNEXE II). C – Élaboration d’hypothèses :

Cette étape va permettre aux élèves d’expliquer un phénomène à partir de ce qu’ils connaissent, de ce qu’ils savent ou de ce qu’ils imaginent. Elle permet à l’enseignant d’accéder aux représentations mentales des élèves dans le but de les faire évoluer. Selon A. GIORDAN et G. DE VECCHI, l’hypothèse permet aux élèves de « proposer un possible tout en ayant le droit de se tromper, car celle-ci est faite pour être vérifiée »14. En moyenne section, cette étape est réalisable pour des élèves, à condition qu’ils aient un capital d’expériences suffisant, de manière à ne pas être démunis face aux questions posées. De même, les hypothèses formulables par des élèves de ce niveau, ne peuvent porter que sur des éléments très concrets comme, par exemple, les matières à utiliser pour fabriquer un objet ou encore le régime alimentaire d’un animal.

L’organisation pédagogique de cette étape peut être individuelle, par groupe ou collective, à l’oral ou à l’écrit. Par la suite, la confrontation des hypothèses provoque un conflit sociocognitif déterminant car les élèves prennent conscience, à ce moment-là, qu’ils ne sont pas tous du même avis, et comprennent ainsi la nécessité de vérifier leurs hypothèses. Ainsi, « en collaboration, sous la direction et avec l’aide de quelqu’un, l’enfant peut toujours faire plus et résoudre des problèmes plus difficiles que lorsqu’il agit seul »15.

                                                            13 CHARPAK, G. (1996). Des sciences pour tous. La main à la pâte (p.41). Flammarion. 14 GIORDAN, A., & DE VECCHI, G. (1996). L’enseignement scientifique : comment faire pour que « ça marche » ? Z’Éditions. 15 VYGOTSKY, L.S. (1997). Pensée et langage. La Dispute.  

 

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Dans la séquence sur les graines, j’ai demandé à chaque élève de dessiner ce que leurs graines allaient devenir selon eux et j’ai accompagné cette pratique par une activité de langage : ils devaient me dire ce qu’ils pensaient afin que je puisse l’écrire. La trace réalisée au cours de cette étape était donc individuelle.

D – Investigation :

Chaque émission d’hypothèse doit s’accompagner d’un protocole qui permettra de la

valider ou non. L’investigation peut prendre la forme d’une expérimentation directe, d’une modélisation, d’une observation, d’une recherche documentaire, d’une enquête ou encore d’une visite. L’observation du résultat de l’investigation doit permettre aux élèves de corroborer ou de réfuter leurs hypothèses. La conception du protocole expérimental peut être réalisée par les élèves à condition que l’enseignant n’oriente pas les hypothèses mais laisse les enfants concevoir leurs expériences en fonction de ce qu’ils pensent trouver. Il les invite à schématiser ou à dessiner le dispositif, à préparer le matériel, à confronter leur résultat. Le type d’écrit réalisé peut alors être de groupe ou collectif.

Dans la séquence sur la graine, les élèves ont rapidement proposé de semer les graines, de les laisser dans le coin sciences de la classe en les arrosant puis d’attendre.

E – Acquisition et structuration des connaissances :

Suite à l’investigation, on procède à une mise en commun des observations et des

résultats qui sont comparés et analysés. Cette confrontation est nécessaire pour valider ou non les hypothèses formulées.

Dans la séquence sur la graine, les élèves ont pu observer que les graines avaient germé mais ils ont aussi pu remarquer des différences. En effet, il n’y avait pas le même nombre de plantes dans chaque pot et elles étaient différentes d’un pot à l’autre. Ces observations ont donc suscité d’autres questionnements qui ont fait l’objet de séquences ultérieures, elles aussi basées sur la démarche d’investigation.

Au cours de cette étape, les élèves, aidés du maître, élaborent une trace écrite qui trouvera sa place dans le cahier d’expériences. Je développerai ce point dans la partie suivante. Cette activité incite l’élève à prendre de la distance à l’égard de son travail et à passer à un niveau d’abstraction supérieur puisqu’ « écrire favorise […] le passage à des niveaux de formulation et de conceptualisation plus élaborés ».16

La démarche d’investigation est donc une démarche structurée en cinq moments

essentiels. L’ordre dans lequel ils se succèdent n’est pas figé et des va-et-vient de l’un à l’autre sont possibles et même parfois nécessaires pour apporter une réponse à un problème posé. Par exemple, si une hypothèse est réfutée par l’expérience, il faudra peut-être revenir au problème posé afin d’émettre d’autres hypothèses et d’élaborer d’autres protocoles expérimentaux. En outre, le rappel des étapes précédentes avant d’en commencer une nouvelle, permet à l’enseignant de s’assurer de la bonne compréhension des élèves et d’inscrire de plus en plus ces

                                                            16 M.E.N. (2002). Documents d’accompagnement des programmes. Enseigner les sciences à l’école, Cycles 1 et 2 (p.11). SCÉREN‐CNDP.  

 

7  

derniers dans une démarche scientifique. V. BOUYSSE explique que les enseignants peuvent, à l’école maternelle, « par un codage simple repérer à quel moment on en est du processus. C’est fondamental pour que les élèves se représentent où on veut les emmener. Les séances de sciences sont une forme de rite, un plan commun »17. En effet, bien que la démarche d’investigation n’apparaisse pas dans les programmes des cycles 1 et 2, il peut être intéressant que les élèves aient été confrontés, dès leur plus jeune âge, aux étapes de cette démarche qu’ils devraient retrouver au cycle 3. Cette confrontation permet de privilégier le questionnement des élèves sur le monde réel, questionnement qui conduit à l’acquisition de connaissances et de savoir-faire, à la suite d’une investigation qu’ils ont menée sous la direction du maître. Ainsi peut-on, pour reprendre l’idée de K. POPPER18, les amener à passer d’une simple opinion à un savoir scientifique reproductible, communicable et réfutable. Selon lui, en effet, seule la réfutabilité est pertinente comme procédure d'évaluation des théories et des hypothèses.

3 – Le cahier d’expériences ou « mémoire de papier »19 : Depuis l’époque des activités d’éveil, une réflexion a été engagée sur l’importance et les

variétés des traces écrites dans l’enseignement des sciences. Mais c’est l’opération La main à la pâte qui a permis, dans ce domaine, depuis 1996, une avancée significative, en reprenant une idée du programme américain Hands on : le cahier d’expériences. Ainsi, le cinquième principe de la charte de La main à la pâte est le suivant : « Les enfants tiennent chacun un cahier d’expériences avec leurs mots à eux »20. Ce cahier apparaît comme « un outil important » dans cette démarche entreprise pour rénover l’enseignement des sciences. Le cahier d’expériences est à considérer comme un élément de « convergence entre l’enseignement des sciences et la maîtrise du langage »21. « La trace écrite est donc, à 70%, composée de photocopies provenant de manuels, de documentations diverses, de montages de différentes origines et de documents élaborés par le maître. L'origine de ces documents est exceptionnellement précisée ou indiquée. […] Lorsqu'elles constituent l’intégralité de la trace écrite, les photocopies ont le plus souvent une fonction d'illustration des notions abordées. […] Lorsqu'ils sont complétés, les supports photocopiés invitent l'élève à répondre à des questions (de loin l'activité la plus fréquente), annoter des dessins, compléter des comptes rendus d'expériences et des tableaux. […] La trace écrite résulte, dans 30 % des cas de l'activité de l'élève ».22 « Si l’efficience de la trace écrite pour fixer les connaissances des élèves est largement exploitée, sa contribution à la prise de conscience des étapes de l’investigation est sensiblement sous-estimée. Le cahier tait le doute, les hypothèses émises, les éléments de débat contradictoire, et écarte les représentations des

                                                            17 M.E.N.,  & ACADÉMIE DES SCIENCES. (2008).  Sciences et langages – Viviane BOUYSSE. Apprendre la science et la technologie à l’école. SCÉREN‐CNDP. 18 POPPER K. R. (2006). Conjectures et réfutations. Payot 19 ASTOLFI, J.P., PETERFALVI, B., & VÉRIN, A. (2006). Écriture et graphismes en sciences.  Comment les enfants apprennent les sciences ? (p.125). Paris : RETZ. 20 CHARPAK, G. (2011). La main à la pâte : les sciences à l’école primaire. Flammarion 21 SARMANT, J.P. (juin 1999). Rapport de l’Inspection Générale de l’Éducation Nationale. L’opération « La main à la pâte » et l’enseignement des sciences à l’école primaire. 22 LOARER, C. (2002). Rapport de l’Inspection Générale de l’Éducation Nationale. La rénovation de l’enseignement des sciences et de la technologie. 

 

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écoliers et les erreurs scientifiques liées à leurs idées préalables. Enfin, le cahier est peu remis aux familles ».23  

À l’école élémentaire, il s’agit pour chaque enfant d’assembler, dans un recueil personnel, des productions écrites variées, élaborées lors des différentes étapes de la démarche expérimentale.

À l’école maternelle, il s’agit d’abord de solliciter l’expression des élèves d’une autre façon en les incitant au dessin d’observation d’après nature, aux premiers schémas… Ces activités d’écriture peuvent être l’occasion de laisser s’exprimer les conceptions initiales (représentations) des élèves sur tel ou tel sujet qui les concerne directement et ainsi de repérer, déjà, divers obstacles à la construction du savoir. Les traces écrites peuvent servir à élaborer des panneaux collectifs, elles peuvent être regroupées dans un cahier collectif ou bien dans un recueil individuel. Ces productions jouent un rôle essentiel pour la mémorisation, la communication, la structuration du temps et l’initiation à la lecture et l’écriture.

Ce sont toutes ces réflexions théoriques, ainsi que les questions que j’ai pu me poser au

cours de mes premières années d’enseignement, qui m’ont donné envie d’expérimenter un cahier d’expériences en maternelle. Je m’interrogerai donc sur les rôles que peut jouer le cahier d’expériences dans la mise en œuvre d’une démarche d’investigation, et sur la forme qu’il peut prendre à l’école maternelle ; en outre, je réfléchirai aux gestes professionnels spécifiques qui peuvent favoriser sa mise en œuvre.

Dans le cadre de cette réflexion, voici les hypothèses que je me propose de vérifier : - l’élève de maternelle peut participer activement à la mise en place du cahier

d’expériences, - l’utilisation régulière du cahier d’expériences peut en faire un outil

d’apprentissage, d’aide à la mémorisation de ce qui a été fait et d’évaluation de ce qui est acquis,

- des gestes professionnels spécifiques de l’enseignant sont nécessaires dans

l’utilisation du cahier d’expériences afin que celui-ci remplisse son rôle d’outil personnel de construction d’apprentissages et d’aide à l’autonomie.

                                                            23 BRARE, M., & DEMARCY, D. (2009). Écrire en sciences (p.13). CRDP de l’académie d’Amiens. 

 

9  

J’ai réalisé l’expérimentation à l’école maternelle « Les Lavandières » de Saint-Georges-

les-Bains, dans une classe de vingt-cinq élèves de moyenne et grande section qui n’avaient jamais utilisé de cahier d’expériences et qui étaient donc « neufs »24, pour reprendre une expression de V. BOUYSSE.

Dans cette partie j’exposerai et analyserai l’expérimentation que j’ai mise en œuvre pour vérifier dans quelle mesure un élève de maternelle peut jouer un rôle actif dans la mise en place et l’utilisation d’un cahier d’expériences.

1 – Au fondement de mon expérimentation :

Au cours de mes premières années d’enseignement, je me suis familiarisé avec la démarche d’investigation dans les différents niveaux de l’école primaire. J’étais alors ravi de constater la motivation des élèves pour les séances de sciences basées sur cette méthode. Cela dit, je me rendais déjà bien compte que, pour des élèves de cycle 3, l’élaboration de la trace écrite était fastidieuse.

Avec les élèves de cycle 2, je peinais à donner du sens à cette trace écrite. Il m’arrivait d’étudier un phénomène en classe en prenant le temps nécessaire aux manipulations. Mais le plus souvent, ces séances n’aboutissaient pas à une trace écrite puisque, d’une part, le temps me manquait et, que d’autre part – ceci constitue probablement la raison la plus difficile à accepter –, je ne savais pas vraiment comment mettre en place ces séances de production d’écrit. Je ne parvenais pas à les articuler avec la démarche d’investigation de manière à développer des compétences et à permettre un investissement de la part de l’élève. Les quelques traces écrites réalisées auraient pu illustrer les constats que l’on retrouve dans le rapport de l’Inspection Générale de l’Éducation Nationale de 2002 cité plus haut25. Madame l’Inspectrice a d’ailleurs noté le fort déséquilibre entre les traces écrites des domaines relatifs à la lecture, aux mathématiques et celles consacrées à la découverte du monde lorsqu’elle est venue me visiter en 2009. Je devais donc progresser sur ce point.

Quant aux traces écrites élaborées avec des élèves de cycle 1, c’est au cours de l’année scolaire 2012-2013, à mon arrivée à l’école maternelle de Saint-Georges-les-Bains, que j’ai instauré un cahier d’expériences. Dans ce cahier, les séances de sciences aboutissaient à une trace écrite présentant des photos légendées par les élèves en dictée à l’adulte, et retraçant les différentes étapes de la démarche d’investigation mais il manquait une partie essentielle : celle réservée aux traces individuelles de l’élève. Chaque enfant avait donc le même cahier, très propre, bien présenté mais ce n’était toujours pas un cahier au service de ses apprentissages et l’élaboration de cet outil ne requérait pas une forte implication de sa part. Son utilisation par l’élève était donc très limitée.

Fort de tous ces constats, il m’est apparu indispensable de professionnaliser ma pratique dans ce domaine et de revoir certaines théories afin d’accorder une place plus importante à

                                                            24 Cf. : note 7 (p.3). 25 Cf. : note 22 (p.7). 

II – LA PARTICIPATION ACTIVE DE L’ÉLÈVE

 

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l’élève dans la construction du cahier d’expériences, et d’en faire ainsi un outil d’apprentissages.

2 – Expérimentation mise en œuvre :

Cette année, je me suis beaucoup interrogé, d’une part, sur la forme et la présentation du cahier d’expériences et, d’autre part, sur la manière de l’utiliser en classe. Afin qu’il soit élaboré et complété par l’élève de manière progressive, j’ai opté pour un cahier relié manuellement. Ce système favorise à la fois la dissociation de chaque domaine d’étude grâce à l’utilisation de feuilles de couleur, et l’insertion de nouvelles feuilles à l’endroit souhaité. Cela permet de prendre le temps nécessaire aux observations (par exemple pour les élevages ou les plantations) tout en traitant parallèlement d’autres sujets qui peuvent aussi trouver leur place dans le cahier.

J’ai choisi de dissocier deux parties dans ce cahier : une partie personnelle composée d’écrits « pour soi-même » qui correspondent à des phases d’anticipation (hypothèses, projets d’expériences) ou à des phases de réalisation et d’observation ; une partie collective qui réunit des écrits « socialement partagés », issus des phases de récapitulation ou de synthèse, et dont le statut est celui de savoir à retenir. J’ai décidé de mettre systématiquement ces deux pages côte à côte afin de permettre à l’élève d’avoir, d’un côté, la trace de ses conceptions et, d’un autre, la démarche et la conclusion de la classe. Puisque les écrits individuels et collectifs sont voisins, un codage s’est révélé absolument nécessaire pour éviter les risques de confusion. J’ai donc fait un choix pédagogique en optant pour un code de couleurs : les écrits individuels sont réalisés sur des pages blanches, et les écrits collectifs sur des pages de couleur, chaque thème d’étude ayant une couleur différente des autres.

Le rôle de l’élève est central dans la mise en œuvre du cahier d’expériences tel que je l’ai imaginé cette année, puisque c’est lui qui élabore ses propres traces. Il peut ainsi laisser la trace de sa pensée dans la partie réservée à ses écrits personnels mais aussi y consigner des écrits élaborés de manière collective qui ont le statut de « savoir établi » et qu’il a pour mission de reproduire dans son cahier (cf. : ANNEXE III).

C’est pour faire naître chez l’élève l’intérêt du cahier que les premières traces écrites ont été réalisées sur des feuilles volantes. Après plusieurs séances de sciences, les productions ont ainsi commencé à s’empiler. L’idée de « fabriquer un livre » a été proposée par un élève. J’ai alors pu constater l’intérêt des enfants pour cet objet qui a été créé à partir de leurs écrits, avec eux et pour eux.

3 – Résultats obtenus et analyse : Associer les élèves à la construction du cahier d’expériences en tant qu’objet, dès les

premières pages, a favorisé son appropriation. En témoignaient l’envie de le feuilleter juste après la phase de fabrication du cahier mais aussi, et surtout, le fait que les élèves le prenaient dans leur casier de manière autonome pour le parcourir.

Amener les élèves à contribuer à l’écriture de chacune des pages du cahier, mais aussi à participer à l’ajout des nouvelles pages présentant des traces écrites, a permis de favoriser leur compréhension de ces écrits. D’ailleurs, cette dernière tâche leur a donné une occasion supplémentaire de parcourir leur cahier, de se souvenir de ce qui avait déjà été appris et de rétablir dans leur esprit la chronologie des différentes étapes de chaque projet.

 

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Quant à la présentation du cahier, le code de couleurs utilisé a joué son rôle de repère : les élèves ont compris que les pages blanches portaient la trace de ce qu’ils pensaient tandis que les pages de couleur présentaient la démarche du groupe classe et portaient la trace de ce qu’ils avaient appris. De plus, les couleurs choisies pour chaque thème ont permis aux élèves de se repérer dans leur cahier en rappelant le thème étudié. Il est important de souligner que tous ne sont pas appropriés l’outil de manière homogène : certains prenaient leur cahier de manière spontanée et le parcouraient quand ils avaient envie de revoir une page en particulier ou tout simplement de le feuilleter, alors que d’autres ne s’en servaient que lors des séances d’apprentissage. Parmi ces élèves, certains avaient des difficultés à retrouver une page précise quand ils en avaient besoin, à comprendre l’organisation du cahier ou encore la signification des couleurs des pages. Pour d’autres, l’utilité même du cahier n’allait pas de soi. Pour ces élèves-là, un temps de manipulation supplémentaire a été nécessaire pour s’approprier l’outil. Je leur ai donc proposé de feuilleter leur cahier le matin au moment de l’accueil en favorisant la mise en mots de ce qui avait était fait et appris. J’ai eu recours, pour cela, à des questionnements tels que : « Peux-tu chercher la page qui parle de la graine que tu as semée et me la montrer ? », « Qu’est-ce que tu as fait pour la semer ? », « Montre-moi où est dessiné ce que tu penses que va devenir ta graine ? », « Dis-moi ce que vous avez fait pour être d’accord… ». Ces temps de langage privilégiés ont permis d’aider les élèves qui en avaient besoin à s’approprier leur cahier mais aussi à prendre conscience que l’outil qu’ils avaient fabriqué pouvait être réutilisé à d’autres moments que pendant les séances d’apprentissage.

4 – Conclusion : Grâce à l’expérimentation décrite ci-dessus, je me suis finalement rendu compte qu’il

était possible d’associer les élèves de maternelle à la conception du cahier d’expériences. En référence à mes premières expériences et essais, il m’est même apparu essentiel qu’ils y participent activement afin que les tâches qu’ils réalisent aient du sens pour eux. Ainsi, ils ont pu inscrire leur action dans un processus destiné à leur faire prendre conscience qu’ils avaient un rôle essentiel à jouer dans la construction de leurs apprentissages.

Pour avoir mis en place de nombreuses situations de production d’écrits en sciences, j’insiste sur le fait que ceux-ci ne doivent être ni systématiques, ni stéréotypés. Ils doivent être préparés mais pas fixés à l’avance. En effet, l’enseignant doit s’assurer que les écrits n’apparaissent pas comme imposés ou comme un frein à l’action. De même, les écrits conçus par les élèves eux-mêmes auront une toute autre portée que ceux que l’enseignant aura élaborés au préalable pour eux.

 

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Dans cette partie, j’exposerai et analyserai l’expérimentation mise en œuvre afin de

vérifier si l’utilisation régulière du cahier d’expériences peut en faire un outil d’apprentissages, d’aide à la mémorisation de ce qui a été fait et d’évaluation de ce qui est acquis.

1 – Un outil pour apprendre :

Écrire aide tout autant l’élève à exprimer sa pensée qu’à la structurer. M. BRIGAUDIOT parle de « clarté cognitive » en expliquant que « parmi les causes de difficulté dans l’apprentissage de la lecture, l’une des plus importantes est la confusion cognitive : l’enfant a du mal à comprendre la valeur des symboles graphiques, il ne comprend pas les tâches qu’on lui demande […] La clarté cognitive doit être une préoccupation permanente du maître qui sait que cet arrière-fond mental est essentiel à la connaissance qu’ont les enfants de leurs apprentissages » 26. Pour que le cahier d’expériences soit un outil pour apprendre, au service de l’élève, il faut donc que celui-ci puisse y retrouver la trace de sa pensée et que les écrits produits soient clairs, compréhensibles afin qu’il puisse les relire. Cela constitue le cœur du problème auquel j’ai été confronté dans mes premières années d’enseignement : lorsque mes élèves manipulaient leur cahier d’expériences, ils ne disposaient pas de la clarté cognitive nécessaire pour en tirer profit et pour apprendre puisque les écrits réalisés étaient, la plupart du temps, des comptes rendus élaborés collectivement qui manquaient de sens pour eux.

A – Les « écrits instrumentaux » 27 (pour soi) :

Expérimentation mise en œuvre : Dans le cadre de la découverte des parties du corps humain et de leur fonction, j’ai

demandé aux élèves, dans un premier temps, de dessiner un corps humain, puis de dicter à l’adulte le nom des parties représentées. L’analyse de plusieurs productions a permis de mettre en exergue points communs et divergences. Notons que, parfois, nous avions plus affaire à un personnage imaginaire, à « un bonhomme », qu’à un corps humain (cf. : ANNEXE IV).

Quelques semaines plus tard, je leur ai de nouveau demandé de représenter un corps humain et, régulièrement, je continue de le faire en les amenant à comparer leur nouvelle production aux tracés plus anciens, et à verbaliser ce qui manque à leur dessin d’hier ou d’aujourd’hui.

                                                            26 BRIGAUDIOT, M. (2000). Apprentissages progressifs de l’écrit à l’école maternelle. Hachette Éducation. 27 ASTOLFI, J.P., PETERFALVI, B., & VÉRIN, A. (2006). Écriture et graphismes en sciences.  Comment les enfants apprennent les sciences ? (p.130). Paris : RETZ. 

 III – LE CAHIER D’EXPÉRIENCES, UN OUTIL AU SERVICE DE L’ÉLÈVE.

 

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Résultats obtenus et analyse :

Les écrits personnels ont permis aux élèves de garder la trace de leurs représentations du corps humain à différents moments et de prendre conscience de leurs évolutions puisque, dans la plupart des cas, nous avons pu noter l’apparition de parties du corps absentes des premières productions.

Ces traces ont constitué également un support important pour des activités de confrontation de points de vue et d’argumentation puisque, comme l’expliquent W. DOISE et G. MUGNY, « les rencontres interindividuelles sont cognitivement structurantes, et conduisent au progrès à la condition qu’elles assurent le déroulement d’un conflit sociocognitif, d’une opposition sociale de réponses ou de points de vue à propos d’une tâche commune »28. Ce sont ces conflits qui ont permis aux élèves de prendre conscience du caractère scientifique de la consigne qui leur était donnée : « dessiner un corps humain ». En effet, nombreux sont ceux qui avaient représenté un « bonhomme », un monstre, une princesse ou un extra-terrestre.

B – Les « écrits communicationnels » (pour d’autres) :

Expérimentation mise en œuvre : Voici un exemple de séances mises en place cette année dans le cadre d’une séquence sur

les vers de terre : Séance 1 : Après que les élèves ont dessiné puis dicté à l’adulte ce qu’ils

pensaient et savaient des vers de terre, nous nous sommes posé la question : « Que mangent les vers de terre ? ». Les élèves ont formulé plusieurs hypothèses que j’ai notées sur une affiche collective avant de leur demander d’élaborer un protocole expérimental.

Séance 2 : Les élèves ont ramené les aliments proposés lors de la première séance

afin de les donner aux vers de terre et d’observer leur comportement. Pendant plusieurs semaines d’observation, les élèves ont pu tirer des conclusions

sur le régime alimentaire des vers de terre. Elles ont été consignées sur l’affiche collective au cours de la troisième séance.

Séance 4 : Afin de garder une trace individuelle de la séance d’apprentissage qui

ait le statut de « savoir établi », j’avais préparé pour chaque élève un tableau présentant les différentes étapes de la démarche d’investigation. Certaines étaient associées à une illustration, d’autres à un emplacement libre (cf. : ANNEXE V). L’idée était que ce soient les élèves eux-mêmes qui remplissent les cases vides afin que cet écrit ait du sens pour eux.

Résultats obtenus et analyse :

L’analyse de la séance 4 présentée précédemment m’a permis de prendre conscience que

pour les élèves de moyenne section, l’écrit préparé posait problème. D’une part, sa mise en page ne leur était pas encore familière car ils n’avaient pas eu le temps de se l’approprier. D’autre                                                             28 DOISE, W., & MUGNY, G. (1981). Le développement social de l’intelligence. InterEditions.  

 

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part, pour que le document leur soit utile, il leur aurait fallu comprendre tous les signes présents sur la feuille, or, s’ils avaient pu en découvrir certains sur l’affiche collective, d’autres, en revanche, étaient totalement nouveaux pour eux. Alors que je pensais pouvoir demander aux élèves de passer en revue les différentes étapes de la démarche d’investigation et clore l’activité par la formulation d’une conclusion basée sur les observations des dernières séances, certains n’avaient même pas à l’esprit le problème posé (que mangent les vers de terre ?) et ne sont pas parvenus à le retrouver avec le document présenté. Cette analyse m’a permis de comprendre que l’écrit préparé à l’avance afin d’aider les élèves n’a pas fait sens pour eux et n’était pas clair d’un point de vue cognitif, bien au contraire. Les tâches qui leur étaient proposées étaient trop nombreuses et trop éloignées de leur zone proximale de développement. Pour qu’il en fût autrement, il eût très certainement fallu repartir de la question posée et bâtir avec eux l’ensemble de la trace écrite. Nous aurions pu aussi réaliser cette trace écrite ensemble au fur et à mesure des étapes de la démarche d’investigation. Cela aurait permis d’utiliser l’écrit comme une véritable « mémoire de papier » dont le but aurait été de « décharger la gestion mentale simultanée des informations »29. Nous retrouvons là un des intérêts majeurs du cahier d’expériences qui peut même permettre à l’enfant, au-delà du temps de la séance, d’utiliser sa mémoire à long terme. C’est un point que je détaillerai dans le paragraphe intitulé : « un outil pour faciliter la mémorisation ».

C – Conclusion : Le cahier d’expériences constitue donc un outil au service de l’élève puisque celui-ci

peut y consigner la trace de sa pensée à différents moments et y revenir pour prendre conscience de ce qu’il a appris ou de ce qui lui reste à apprendre. En instaurant un cahier d’expériences de cette forme, j’ai réussi à laisser le temps aux élèves d’exprimer leurs conceptions initiales et d’élaborer une trace écrite qui puisse servir de support pour d’autres activités et d’autres apprentissages (ce que je n’avais pas réussi à faire jusque là). En effet, l’utilisation régulière de cet outil soutient efficacement le développement de compétences méthodologiques : il rend lisible la démarche scientifique et, particulièrement, la démarche expérimentale. Ainsi, il participe à la construction de l’esprit scientifique. Il permet également à l’enfant d’apprendre à structurer le temps, à représenter une observation par le dessin, à maîtriser son geste dans l’écriture, à communiquer avec les parents ou les autres élèves. Pour que le cahier d’expériences favorise ces apprentissages, il revient à l’enseignant de créer des occasions de le feuilleter et d’encourager ses élèves à le faire, que ce soit au cours de séances spécifiques ou pendant les temps d’accueil. Ces moments permettent de créer des situations privilégiées de langage mais aussi de mobilisation des savoirs, et cela en multipliant les boucles rétroactives qui permettent l’intégration et la stabilisation de savoirs en mémoire à long terme.

                                                            29 ASTOLFI, J.P., PETERFALVI, B., & VÉRIN, A. (2006). Écriture et graphismes en sciences.  Comment les enfants apprennent les sciences ? (p.128). Paris : RETZ. 

 

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2 – Un outil pour faciliter la mémorisation : Comme nous venons de le voir, les missions du cahier d’expériences en maternelle sont

multiples. Ce dernier donne également à chacun la possibilité de stabiliser ses nouvelles connaissances et aide à leur mémorisation. En effet, il rend possible « un retour sur des traces antérieures des activités, sur des résultats partiels obtenus […] On sous-estime probablement l’intérêt des retours en arrière, conduisant la classe à feuilleter son cahier […] à la recherche de données déjà disponibles mais oubliées. Cela contribuerait à éviter chez les élèves le sentiment selon lequel chaque thème d’étude chasse le précédent et à leur faire reconsidérer leur perception trop linéaire des apprentissages »30.

A – Expérimentation mise en œuvre :

Afin de tester l’efficacité du cahier d’expériences en tant qu’aide-mémoire au sein d’une

séance d’apprentissage, il a été nécessaire d’instaurer progressivement un codage. En effet, nous avons vu, dans la première partie, que la démarche d’investigation comportait plusieurs étapes caractéristiques et, bien qu’avec des élèves de maternelle l’objectif ne soit pas de distinguer ces étapes, il m’est apparu important de leur permettre de les identifier afin qu’elles constituent des repères pour eux. En outre, je souhaitais comprendre dans quelle mesure le cahier d’expériences pouvait aider l’élève à structurer sa pensée et à mettre en mémoire ce qui avait déjà été vu. Puisque le dessin est le principal moyen d’expression écrite dont l’enfant dispose de manière autonome, il a fallu mettre en place un code compréhensible par tous. J’ai donc demandé aux élèves d’imaginer et de proposer un dessin qui puisse illustrer le fait qu’ils se posent une question. Le débat a permis d’aboutir à une production du type :

En tant qu’enseignant, j’avais déjà l’idée de leur faire tracer eux-mêmes ce pictogramme

sur leurs prochaines productions. Afin de le simplifier au maximum, j’ai demandé aux élèves de supprimer tout ce qui n’était pas nécessaire pour comprendre que l’on se posait une question. C’est ainsi que le pictogramme suivant a été réalisé :

Afin de réinvestir ce travail, j’ai demandé aux élèves d’en proposer un autre pour illustrer l’étape qui consistait à émettre des hypothèses.

                                                            30 Cf. : note 29 (p.14). 

 

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Au fil des séances, chaque étape de la démarche d’investigation a fait l’objet d’une réflexion sur un code possible31 :

Nous ne sommes pas d’accord.

Nous faisons une expérience.

J’observe. J’écoute. Nous sommes d’accord.

Ces pictogrammes ont été ajoutés sur les premières traces élaborées afin de donner à

l’enfant une nouvelle lecture de sa collection d’écrits. Leur appropriation a nécessité plusieurs séances décrochées. En atelier dirigé, les enfants ont confronté leur point de vue pour identifier l’opération représentée sur chaque document. Une fois la mise à jour effectuée, ils ont systématiquement choisi et collé les étiquettes qui représentaient les pictogrammes désirés sur leurs nouvelles productions.

B – Résultats obtenus et analyse :

L’efficacité des pictogrammes a rapidement été démontrée puisque, utilisés au cours de

la séance, ils ont permis aux élèves d’identifier chacune des étapes de la démarche et de se rappeler ce qui avait été vu.

De plus, c’est pendant ce temps d’apprentissage que le cahier d’expériences a le plus soulagé la mémoire de travail des élèves. L’outil leur a en effet permis de se décharger du souvenir des étapes antérieures afin qu’ils puissent se concentrer sur la tâche demandée. Le cahier d’expériences a joué le même rôle lorsque les élèves l’ont feuilleté quelques jours après la séance. En effet, les écrits parcourus ont favorisé la remobilisation des savoirs établis c’est-à-dire leur transfert de la mémoire à long terme à la mémoire de travail. Néanmoins, je me suis rendu compte que pour les élèves de moyenne section, ou pour certains élèves en difficulté, le nombre de pictogrammes pouvait être source de confusions. J’ai donc décidé de revenir sur la signification de chacun d’entre eux en leur demandant de les mettre en scène et de dicter une courte phrase explicative. Nous avons ainsi pu créer un référent collectif (cf. : ANNEXE VI) qui a trouvé sa place dans le coin sciences et dans le cahier d’expériences, et qui a permis aux parents de mieux comprendre le code adopté.

C – Conclusion :

La mise en place de ce code a donc apporté de la clarté cognitive aux élèves, nécessaire à

la structuration et à l’acquisition des connaissances. S’il présente des écrits qui sont le reflet de leur pensée et qu’ils sont lisibles par eux, le cahier d’expériences devient un miroir et une mémoire des apprentissages réalisés.

                                                            31 VASSEUR, I. (2003). Observer le monde avec un cahier d’expérience en grande section. Mémoire professionnel de CAFIPEMF. 37 pages. 

 

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3 – Un outil d’évaluation :

A – Expérimentation mise en œuvre :

Nous venons de voir dans quelle mesure le cahier d’expériences pouvait constituer un outil d’aide-mémoire pour l’élève. L’expérimentation que j’ai menée dans ma classe m’a également permis de vérifier s’il pouvait être un outil d’auto-évaluation et permettre à l’élève de mesurer ses progrès.

Revenons sur ma séquence sur la graine32 : Au cours de la première séance, les élèves ont semé leur graine et je leur ai demandé

d’anticiper et de dessiner ce que, selon eux, elle allait devenir. À la fin de l’investigation, soit après observation des semis et interprétation de leur résultat, ils ont pu comparer leur dessin avec la réalité.

Voici un autre exemple. Il s’agit d’un dialogue que j’ai eu avec un élève de grande section après qu’il a dessiné un corps humain pour la troisième fois :

M – Que peux-tu me dire si tu regardes ton dessin d’aujourd’hui et ceux que tu as faits il

y a un petit moment ? E – Les deux premiers se ressemblent. M – Et le troisième ? E – Il ressemble un peu aux autres. M – Un peu ? E – Oui parce que lui, j’lui ai fait des oreilles et un ventre et pas les autres. M – Et tu dirais que c’est lequel le mieux réussi ? E – Celui là. (L’enfant me montre sa troisième production.) M – Et pourquoi ? E – Ben parce qu’il faut un ventre et des oreilles. M – Tu as raison. Est-ce qu’il ne faut pas aussi autre chose ? E réfléchit puis dit – Ah oui j’ai oublié les doigts ! M – C’est vrai. Tu pourras les faire sur ton prochain dessin.

B – Résultats obtenus et analyse :

Séance sur la graine : La comparaison entre le réel et leur trace écrite a permis aux élèves de vérifier la

pertinence de leur représentation initiale, de manière évidente. Certains ont pris conscience du caractère erroné de leur hypothèse (exemple : la graine est devenue un plant de haricot et non un tournesol), d’autres, de l’écart qu’il y avait entre ce qu’ils avaient anticipé et la réalité (exemple : quatre plantes ont poussé et non une seule, alors que quatre graines avaient été semées).

                                                            32 Cf. : I‐2 – La démarche d’investigation (p.4). 

 

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Séance sur le corps humain : Guidé par mes questions, l’enfant a pu interpréter ses productions et les analyser afin de

les évaluer. Cet échange lui a permis, d’une part, de prendre conscience de ses progrès et, d’autre part, de comprendre qu’il existait encore un écart entre ce qu’il proposait et ce que l’on pouvait attendre de la représentation d’un corps humain. Cette démarche est conseillée par M. BRIGAUDIOT qui décrit un « mini-scénario de classe » dans lequel le maître doit « écouter – valider – interpréter – mesurer l’écart »33. Cela constitue un des gestes professionnels spécifiques de l’enseignant qui favorise les apprentissages grâce au cahier d’expériences. Je développerai ce point dans la partie suivante.

C – Conclusion :

L’analyse de ces deux expérimentations montre que le cahier d’expériences permet à l’élève, en parcourant ses écrits, de prendre conscience de l’évolution de ses représentations, de ses progrès, et du chemin qui lui reste à parcourir. Pour cela, il doit pouvoir manipuler régulièrement un cahier d’expériences qui renferme des productions claires, comprises et élaborées par lui-même. Ce sont des conditions nécessaires pour que ce cahier soit un outil d’apprentissages, d’aide à la mémorisation de ce qui a été fait et d’évaluation de ce qui est acquis. Ce cahier d’expériences, en tant que recueil d’écrits, est donc d’un grand intérêt pour la construction des savoirs. C’est ce que dit G. DE VECCHI qui voit « des connaissances plus performantes quand elles sont organisées : elles sont mieux mobilisées et on peut en mobiliser plus à la fois puisqu’on ne fait pas référence qu’à un savoir factuel mais à une structure complexe.»34.

                                                            33 BRIGAUDIOT, M. (2000). Apprentissages progressifs de l’écrit à l’école maternelle. Hachette Éducation. 34 DE VECCHI, G., & CARMONA‐MAGNALDI, N. (2008). Faire construire des savoirs. Hachette Éducation. 

 

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L’analyse critique de mes premières tentatives de cahier d’expériences à l’école maternelle m’a amené à repenser certains gestes professionnels et à expérimenter d’autres approches, supports et contenus pour faire de ce cahier un « outil personnel de construction d’apprentissages » 35 et d’aide à l’autonomie. Dans cette partie, je vais présenter et analyser l’expérimentation mise en œuvre à ce sujet.

1 – Guider l’action en accompagnant l’utilisation du cahier d’expériences en vue de favoriser l’autonomie des élèves :

A – Analyse de pratiques antérieures :

Des expériences et essais menés au cours de mes premières années d’enseignement

m’ont permis de tirer des conclusions sur l’écrit en sciences et sur la perception qu’en ont les élèves. Le goût pour l’écriture et les capacités qu’elle met en œuvre ne sont pas innés, a fortiori quand le sujet traité ne relève pas de l’imaginaire mais du réel à expliquer. Les élèves montrent souvent des réticences quand il s’agit de passer à l’écrit. Cela peut être dû à la manière dont ils se représentent cette activité ou au regard qu’ils portent sur elle.

Pour un élève de l’école élémentaire, tout particulièrement au cycle 2, l’écrit scientifique requiert de nombreuses compétences en cours d’acquisition. En effet, la rédaction demande de mettre en mots une pensée qu’il faut au préalable structurer. Elle est donc souvent longue et laborieuse.

Il y a quelques années, je pensais qu’il serait plus facile pour les élèves de maternelle de laisser une trace en utilisant le dessin mais je les ai souvent entendus dire « Je sais pas faire » ou encore « je sais pas dessiner ». J’ai donc favorisé des productions écrites réalisées grâce à la dictée à l’adulte. Mais il faut être vigilant car, comme nous l’avons déjà vu, ce cahier doit d’abord être celui de l’élève : il faut donc veiller à ne pas trop multiplier les écrits de l’adulte et à toujours les distinguer des autres par des symboles ou des couleurs différentes.

B – Expérimentation mise en œuvre : Nous avons pris pour habitude, dans la classe, de parcourir les écrits antérieurs placés

dans le cahier d’expériences, avant de commencer une nouvelle séance en atelier. Les premiers temps, il me fallait encourager les élèves à le feuilleter mais, avec le temps, certains l’ont fait de manière plus autonome. En janvier, les écrits présents dans le cahier commençaient à être trop nombreux pour être tous passés en revue à chaque nouvelle séance. Par conséquent, si la séance portait sur une séquence en cours de réalisation, nous revoyions uniquement les pages correspondant aux séances précédentes ; si nous nous apprêtions au contraire à commencer une

                                                            35 M.E.N. (2002). Documents d’accompagnement des programmes. Enseigner  les sciences à  l’école, Cycles 1 et 2 (p.11). SCÉREN‐CNDP.  

IV – LE RÔLE DE L’ENSEIGNANT.

 

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nouvelle séquence, je demandais aux élèves de choisir un thème étudié auparavant et de relire les écrits qui pouvaient traiter de ce sujet.

En janvier, j’ai souhaité peu à peu renforcer l’utilisation autonome de cet outil. Pour cela, j’ai fait en sorte que les élèves puissent s’en servir à d’autres moments que pendant les séances de sciences : dans un espace réservé aux sciences dans la classe (« le coin sciences ») j’ai mis à disposition des élèves les cahiers d’expériences ainsi que des feuilles de brouillon sur lesquelles ils pouvaient noter librement les observations effectuées au moment de l’accueil ou pendant des temps d’autonomie. Je voulais que ces productions puissent ensuite trouver leur place dans la partie personnelle du cahier afin de diversifier les types d’écrits.

C – Résultats obtenus et analyse : L’objectif était de développer progressivement l’autonomie des élèves face à leur cahier

d’expériences. Pour y parvenir, j’ai commencé par les accompagner dans la manipulation de cet outil en leur demandant d’observer, de verbaliser ce qu’ils voyaient, de reformuler ce qui avait déjà été vu et en m’assurant qu’ils distinguaient les écrits personnels des écrits institutionnalisés. Cela leur a permis de mieux se repérer dans leur cahier.

Mettre les cahiers d’expériences dans le coin sciences a encouragé les élèves à le parcourir de manière autonome. Certains le feuilletaient rapidement alors que d’autres, au contraire, recherchaient une page précise et prenaient le temps de l’observer. Il est important de noter cependant que des élèves, notamment en moyenne section, ne se rendaient dans le coin sciences que pour manipuler le matériel mis à disposition ou encore observer les animaux.

D – Conclusion : L’enseignant doit donc faire en sorte de proposer des séances d’apprentissage et de

production d’écrits qui font sens pour les élèves afin qu’ils puissent s’approprier ces traces et les réutiliser de manière autonome. C’est la raison pour laquelle l’écrit préparé à l’avance36 est un écueil à éviter.  

En outre, c’est en favorisant les échanges, après les premières observations, manipulations et traces écrites, que l’enseignant permettra à l’élève de créer des liens entre les différentes activités qui lui ont été proposées. Ces liens sont nécessaires pour qu’il puisse remobiliser de manière autonome, grâce au cahier d’expériences, les savoirs établis.  

Il revient donc à l’enseignant de concevoir des séances d’apprentissage en réfléchissant à l’aide spécifique qu’il apportera aux élèves en difficulté, et aux tâches qu’il proposera aux élèves qui sont plus à l’aise, de manière à aider chacun d’entre eux à retrouver la trace de sa propre pensée dans le cahier d’expériences.

                                                            36 Cf. : III‐1‐B – Un outil pour apprendre. Les écrits communicationnels (p.14). 

 

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2 – Favoriser l’écrit dans des formes variées identifiées :

A – Expérimentation mise en œuvre : Tout au long de la démarche d’investigation, des écrits sont produits. En maternelle,

plusieurs types de traces écrites sont possibles, en voici quelques exemples tirés de l’expérimentation que j’ai menée dans ma classe. Il peut s’agir :

- de conceptions initiales : « dessine comment tu imagines un ver de terre », de suppositions ou d’hypothèses « pour qu’une graine germe, je pense qu’il faut…», - de premiers dessins d’observation : « Je dessine ma plante », - de dessins d’expérience « comment savoir ce que préfèrent manger les vers de terre ? », - de fiches individuelles à remplir en atelier : « ce que nous avons appris sur la graine », - de frises chronologiques : « les différentes étapes de la germination de la graine», - de puzzles à reconstituer : « les parties de notre corps », - de tableaux individuels à remplir en deux temps, avec supposition et vérification : « Dessin de l’objet ; nom de l’objet ; je pense qu’il flotte ; il a flotté. », - de tableaux collectifs à remplir en deux temps, avec supposition et vérification : par exemple, un tableau sur la germination de la graine avec la variation des facteurs : eau-sans eau, lumière-obscurité, froid-chaud « Je pense qu’elle va pousser. Elle a poussé ou elle n’a pas poussé. », - de textes dictés à l’adulte. (cf. : ANNEXE VII) Afin de donner du sens et de l’intérêt aux écrits réalisés, je posais régulièrement la

question suivante aux élèves : « Pourquoi avons-nous écrit sur cette affiche ? » ou encore « À quoi ça sert d’écrire dans le cahier de sciences ? » Les premières réponses formulées étaient : « pour apprendre. », « pour savoir écrire » puis « pour le montrer à nos parents ». Ensuite, il m’est arrivé de laisser passer plusieurs semaines après une séquence d’apprentissage puis de leur demander, par exemple :

M – Qu’avez-vous appris sur les vers de terre ? E1 – Ils mangent de la terre et des feuilles mortes. E2 – Ils rampent. E3 – Ils ont des anneaux. M – N’y a-t-il pas un outil dans la classe qui présente le travail que nous avons fait sur les vers de terre ? E4 – Le cahier d’expériences. M – Peux-tu nous aller nous chercher ton cahier ? E4 va chercher son cahier M – Peux-tu nous dire, en regardant dans ton cahier, si vous avez appris autre chose sur les vers de terre. E4 après un petit temps de recherche – Ah oui, ils ont des petits poils ! M – Oui, c’est vrai.

 

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La suite de l’échange a permis de rappeler les investigations mises en œuvre (lecture de textes documentaires, observations directes ou à la loupe,…) pour acquérir ces différentes notions.

B – Résultats obtenus et analyse :

Pour les élèves, faire des sciences c’est manipuler et expérimenter. À plusieurs reprises

j’ai pu constater l’engouement des élèves pour les phases de manipulation et sentir leur motivation diminuer considérablement au moment du passage à l’écrit. Après le travail concret d’expérimentation, la structuration apparaissait inutile, voire rébarbative pour eux. Pour modifier leur regard sur cette étape de formalisation, il a fallu faire en sorte que la trace écrite ne soit pas une fin en soi, c’est-à-dire une trace finale, soigneusement rangée dans le cahier d’expériences. J’ai donc essayé de montrer aux élèves qu’elle pouvait vraiment leur être utile et jouer le rôle d’aide-mémoire. La diversité des traces écrites leur a permis, non seulement, de faire l’expérience du langage sous des formes variées, mais aussi de les motiver dans la réalisation d’une tâche qui pouvait leur paraître fastidieuse. Ces traces écrites ont été rassemblées dans leur cahier d’expériences mais elles ont également pu servir à élaborer des panneaux collectifs jouant le rôle de référents de vie de la classe (exemple : les paramètres testés dans le cadre de la germination de la graine : cf. ANNEXE VIII) et de supports de communication (réalisation d’une affiche dans le cadre du défi ARDÉSCIENCES 2014 afin d’expliquer aux écoles participantes l’expérimentation mise en œuvre pour déplacer l’eau sans intervention humaine).

C – Conclusion :

Il importe donc que l’enseignant amène l’élève à produire des types d’écrits qui rendront clairement compte de la tâche effectuée. Si l’on ne garde pas la trace des activités fondées sur la manipulation, elles se révèlent éphémères. Pour les élèves, il ne subsiste alors que l’aspect anecdotique des séances de sciences, et l’objectif de la manipulation se perd dans l’action.

La trace écrite en sciences doit permettre :

- de comprendre ce que l’on a fait et pourquoi on l’a fait, - d’exprimer de manière simple mais précise ce que l’on a découvert, - de ne pas en rester aux résultats mais de conclure, - de préciser les conditions et le rôle de l’expérience ou de l’observation, - de reformuler ce qui, jusque-là, était de l’ordre de l’implicite, et de passer à

l’explicite, - de faire des choix, au moment de la rédaction, parmi toutes les pistes explorées et

de sélectionner les plus pertinentes : il s’agit donc de reconstruire, a posteriori, un cheminement logique.

Le rôle du maître est fondamental en ce qui concerne la structuration de la trace écrite.

Après avoir réfléchi aux formulations adaptées au niveau de sa classe, il doit amener les élèves, par un guidage précis, à revenir sur leurs activités afin de réorganiser les traces élaborées précédemment et de construire les notions à acquérir conformément aux instructions officielles. C’est lui qui fera reformuler, à la fin de la séquence, les connaissances qui découlent des

 

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conclusions de la démarche. Toutes les productions relatives à cette séquence serviront pour la mémorisation, la communication, la structuration du temps, et l’initiation à la lecture et à l’écriture pour les plus grands.

3 – Aider les élèves à exprimer leurs idées et à expliciter leurs conceptions en vue d’en garder la trace :

A – Expérimentation mise en œuvre :

R. TAVERNIER souligne que « la production d’écrits a pour objectif majeur la structuration de la pensée scientifique. C’est pourquoi, pour conserver une trace d’observations faites, d’essais effectués, d’expériences vécues, de la conception d’un projet de travail… d’une fabrication accomplie, le professeur traduira la pensée des élèves à l’écrit en respectant leur point de vue, tout en organisant efficacement les idées de façon à élaborer un écrit scientifique ou technique : à l’école maternelle, c’est à la dictée à l’adulte »37. J’ai eu recours plusieurs fois à la dictée à l’adulte, notamment dans la rédaction de conclusions d’expérimentation, mais j’ai souhaité amener les élèves à laisser eux-mêmes la trace de leurs idées et conceptions afin qu’ils puissent les retrouver de manière plus aisée et autonome. J’ai donc mis en place des ateliers de langage dont l’objectif était d’aider les élèves à mettre des mots sur leurs questionnements, leurs idées, leurs manipulations, leurs observations, leurs conclusions afin d’en constituer une trace réutilisable. Voici la retranscription d’un échange que j’ai pu mener dans ma classe avec des élèves de moyenne section. J’avais préalablement demandé à chacun de retrouver la page de leur cahier d’expériences qui montrait qu’ils avaient semé une graine :

Alba – Ma graine est devenue une plante. M – Et toi Lilas, est-ce que ta graine est devenue une plante ? Lilas – Non, c’est pas devenu une plante. M – Qu’est ce qui s’est passé alors ? Lilas – Ben rien. M – Tu as semé une graine dans ce pot et qu’est-ce qui s’est passé ensuite ? Lilas – Après, la graine elle pousse. M – Et qu’est ce qu’elle est devenue en poussant ? Lilas – … M – Est-ce que tu vois sur ton cahier ce qu’est devenue ta graine. Lilas – Ben rien. M – Rien ? Lilas – Rien n’a poussé. Maëlys – Mais si ! M – Pourquoi dis-tu « mais si » Maëlys ? Maëlys – Moi je dis qu’elle a poussé parce qu’elle a des feuilles. M – Où les vois-tu ? Maëlys montre la photo de la plante de Lilas. M – Que te montre Maëlys, Lilas ?

                                                            37 TAVERNIER, R. (2005). Pour découvrir le monde à l’école maternelle (p.17). Paris : BORDAS. 

 

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Lilas – Une plante. M – Et d’où vient cette plante ? Lilas – J’ai mis une graine. M – Donc ta graine a germé et qu’est-ce qui a poussé ? Lilas – La plante. M – Montre-moi où l’on voit la plante qui a poussé. Lilas montre la photo de sa plante.

B – Résultats obtenus et analyse :

Cet exemple montre que Lilas n’avait pas compris, ou avait peut-être oublié, que la photo qu’elle avait collée dans son cahier représentait la plante issue de la germination de la graine qu’elle avait semée. Ce jour-là, je me suis même demandé si elle disposait des capacités d’abstraction nécessaires pour comprendre que l’écrit pouvait représenter une expérience effectuée. Ne me répondait-elle pas « ben rien » parce qu’effectivement sa plante n’était pas sur la table ? Il a donc fallu qu’une autre élève lui parle de sa plante et lui montre sa photo pour que Lilas comprenne ou se souvienne que cette image représentait bien sa plante. Une fois le lien établi, elle a même pu préciser que plusieurs plantes avaient poussé dans son pot. Le lendemain, je lui ai demandé de me montrer, dans son cahier, la page qui expliquait ce qu’était devenue la graine qu’elle avait semée et elle y est parvenue. Pour aider les élèves qui rencontrent ce genre de difficulté, il aurait probablement été judicieux de recourir à des albums échos, outil proposé par P. BOISSEAU qui explique que « la situation peut s’ancrer non dans le vécu effectif des enfants mais dans sa représentation, notamment photographique ».38

C – Conclusion : Cet échange m’a permis de prendre conscience qu’il ne suffisait pas que l’élève participe

activement à la construction des écrits placés dans son cahier d’expériences pour qu’il puisse les comprendre. Il est en effet nécessaire que l’enseignant s’assure de la compréhension de ce qui est fait, expliqué, raconté dans le cahier, et cela auprès de tous les élèves. Le cahier d’expériences est l’endroit où ils passent de leur expérience vécue à la transcription de celle-ci, pour la fixer et la relire à d’autres moments ou dans d’autres circonstances. L’enseignant doit en outre les aider à situer leurs productions, qui reflètent uniquement sa compréhension à un moment déterminé, par rapport à un savoir en construction. En revanche, il ne peut leur imposer, en maternelle, une trop grande rigueur au niveau des langages (oral et écrit) utilisés. C’est à lui de créer les conditions pour que les langages et les sciences se construisent mutuellement. Sur ce point, le coin sciences installé dans la classe s’est révélé être une aide précieuse puisqu’il a permis la réalisation de séances d’investigation où les échanges maître-élèves et élèves-élèves étaient possibles, et où l’écrit jouait un rôle structurant. (cf. : ANNEXE VIII).

                                                            38 BOISSEAU, P. (2005). Enseigner la langue orale en maternelle. Paris : RETZ 

 

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4 – Porter un regard critique sur le cahier d’expériences et réfléchir aux remédiations si nécessaire :

Comme tout dispositif mis en œuvre par l’enseignant dans sa classe, le cahier

d’expériences doit faire l’objet d’une évaluation. Il faut pouvoir s’assurer qu’il s’agit d’un outil pertinent d’aide aux apprentissages et non d’un obstacle supplémentaire et, le cas échéant, lui apporter les remédiations qui s’imposent. L’expérimentation mise en œuvre cette année a rendu possible cette évaluation.

Points positifs :

L’outil mis en place cette année a donné aux élèves un rôle primordial en plaçant les

écrits qu’ils ont eux-mêmes élaborés au premier plan. Il leur a ainsi permis d’être acteurs de leurs apprentissages en inscrivant leur action dans une démarche motivante et dynamique.

Les annexes IX et X présentent des compétences évaluées en moyenne et grande sections et le niveau de réussite pour chaque élève. Ces évaluations montrent que les élèves acceptent de laisser une trace et utilisent le dessin pour faire part de leurs conceptions.

L’expérimentation de cette année m’a permis de prendre conscience que je pouvais leur laisser le temps de manipuler, d’expérimenter, d’observer avant de passer à la structuration des connaissances par l’écrit, et que ce temps était même une condition nécessaire à l’élaboration d’une trace écrite efficace.

Points négatifs et remédiations :

Au-delà de ces aspects positifs, il n’a pas été facile pour tous, au même moment, de

comprendre le lien qu’il y avait entre les activités d’expérimentation et l’élaboration des traces écrites qui en découlaient. De même, utiliser le cahier comme aide-mémoire ou miroir de la pensée a nécessité plus de temps pour certains élèves. Ainsi, en janvier, ceux qui étaient le plus à l’aise étaient capables de se repérer dans leur cahier, mais aussi de réaliser, en autonomie, une page de synthèse d’expérimentation à partir des logos et des images qui représentaient les différentes étapes de la démarche, alors que d’autres ont eu besoin de l’étayage et du guidage de l’enseignant pour reformuler ce qui avait été fait avant de pouvoir en garder une trace structurée. Parmi ces derniers, il y avait des faibles parleurs. Des séances de manipulations et de langage individualisé ont permis à certains d’entre eux d’accéder au sens des apprentissages et de comprendre le rôle et le fonctionnement du cahier d’expériences. D’autres auront encore besoin de temps pour développer les capacités cognitives nécessaires à une utilisation efficace de l’outil. Il leur faudra aussi l’aide de l’enseignant pour continuer à avancer sur le chemin de la connaissance.

Cet outil a également permis de donner une place importante aux « écrits instrumentaux » qui étaient absents de mes précédents essais, ce qui rendait difficile le recours au positionnement de chacun sur un questionnement donné. Mais dans la réalisation de ces écrits, le manque de maîtrise gestuelle a pu empêcher certains élèves de représenter ce qu’ils souhaitaient. Il a donc fallu créer un climat de sécurité indispensable pour qu’ils acceptent de laisser une trace. Pour cela, il a été nécessaire de les encourager, de valoriser leur production, de donner à l’erreur une place réelle dans les apprentissages et d’être patient.

 

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Les évaluations montrent une plus grande réussite chez les élèves de grande section, notamment en ce qui concerne les capacités relatives à la mise en œuvre de la démarche d’investigation et à l’utilisation du cahier d’expériences. Il me semble évident que l’écart s’explique par les capacités cognitives dont ils disposent déjà et qui commencent tout juste à se mettre en place chez les élèves de moyenne section. Le recours à un cahier d’expériences de cycle permettrait probablement une appropriation de la démarche et de l’outil dès la petite section.

 

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Le cahier d’expériences construit par l’élève, contenant des écrits à l’image de sa pensée,

réalisé dans un climat de confiance, peut lui permettre de conscientiser la démarche d’investigation, de mémoriser les savoirs et de s’auto-évaluer. Cela nécessite des gestes professionnels spécifiques de la part de l’enseignant qui doit guider l’action de l’élève, l’aider à exprimer ses idées, favoriser l’écrit dans des formes variées, et procéder à une évaluation régulière de l’outil mis en place. Une différenciation pédagogique est par ailleurs nécessaire pour permettre à chacun d’en tirer pleinement profit. Cela constitue des éléments de réponse par rapport la problématique posée en page 8 mais soulève également de nouvelles interrogations.

Devant l’intérêt des élèves et l’aide que peut apporter l’utilisation d’un cahier

d’expériences en classe, il peut être intéressant de mener une réflexion d’équipe sur la mise en place d’un outil de cycle. La réflexion pourra alors porter sur le support utilisé, sur son évolution en fonction du niveau des élèves et sur son évaluation.

Enfin, parce qu’il a joué un rôle déterminant dans la réalisation des activités de sciences

et dans le développement de compétences langagières, et parce qu’il a contribué à rendre le cahier d’expériences plus efficace, « le coin sciences » mériterait également de faire l’objet d’une réflexion de l’enseignant voire de l’équipe.

« Afin d’éviter les inégalités, il faut faire travailler le langage à partir de ce que l’on

donne à vivre et à faire aux élèves dans la classe. Les sciences sont un domaine propice à ce travail puisque les leviers des apprentissages en sciences mobilisent la curiosité, l’envie d’agir leur capacité à s’interroger. On insiste depuis le PRESTE sur le fait que faire des sciences à l’école primaire c’est à la fois apprendre de la Science et Parler (parler, penser, écrire) »39. C’est à ce titre que l’écrit devient un outil et ne constitue pas une finalité.

                                                            39 M.E.N.,  & ACADÉMIE DES SCIENCES. (2008).  Sciences et langages – Viviane BOUYSSE. Apprendre la science et la technologie à l’école. SCÉREN‐CNDP. 

CONCLUSION

 

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Monographies :

- ASTOLFI, J.P., PETERFALVI, B., & VÉRIN, A. (2006). Comment les enfants apprennent les sciences ? Paris : RETZ.

- BRARE, M., & DEMARCY, D. (2009). Écrire en sciences. CRDP de l’académie d’Amiens. 

- BRIGAUDIOT, M. (2000). Apprentissages progressifs de l’écrit à l’école maternelle. Hachette Éducation.

- CHARPAK, G. (2011). La main à la pâte : les sciences à l’école primaire. Flammarion.

- COQUIDÉ-CANTOR, M., & GIORDAN, A. (2002). L’enseignement scientifique à l’école maternelle. Delagrave.

Rapports, textes et documents officiels :

- INSPECTION GÉNÉRALE DE L’ÉDUCATION NATIONALE (octobre 2011). L’école maternelle. Rapport n°2011-108.

- LOARER, C. (2002). Rapport de l’Inspection Générale de l’Éducation Nationale. La rénovation de l’enseignement des sciences et de la technologie.  

- MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE. (2002). Documents d’accompagnement des programmes. Enseigner les sciences à l’école, Cycles 1 et 2. SCÉREN-CNDP.

- MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE. Horaires et programmes d’enseignement de l’école primaire. BO hors série n°3 du 19 juin 2008.

- MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE. Plan de rénovation de l’enseignement des sciences et de la technologie à l’école. BO n°23 du 15 juin 2000.

- SARMANT, J.P. (juin 1999). Rapport de l’Inspection Générale de l’Éducation Nationale. L’opération « La main à la pâte » et l’enseignement des sciences à l’école primaire.

DVD :

- MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE, & ACADÉMIE DES SCIENCES.

(2008). Apprendre la science et la technologie à l’école. SCÉREN-CNDP.

BIBLIOGRAPHIE

  

ANNEXES :

I – Les dix principes de La main à la pâte.

II – Codage d’une question par les élèves.

III – Exemples de traces personnelles et de traces institutionnalisées.

IV – Traces écrites individuelles : le corps humain.

V – Écrit préparé par le maître.

VI – Référent collectif présentant les pictogrammes.

VII – Exemples de types d’écrits en sciences en maternelle.

VIII – Le coin sciences.

IX – Évaluations de compétences en moyenne section.

X – Évaluations de compétences en grande section.

 

 

 

 

 

 

 

 

  

ANNEXE I – Les dix principes de La main à la pâte.

1 – Les élèves observent un objet ou un phénomène du monde réel, proche et sensible, et

expérimentent sur lui.

2 – Au cours de leurs investigations, les élèves argumentent et raisonnent, mettent en commun et

discutent leurs idées et leurs résultats, construisent leurs connaissances, une activité purement

manuelle ne suffisant pas.

3 – Les activités proposées aux élèves par le maître sont organisées en séquences en vue d’une

progression des apprentissages. Elles relèvent des programmes et laissent une large part à

l’autonomie des élèves.

4 – Un volume minimum de deux heures par semaine est consacré à un même thème pendant

plusieurs semaines. Une continuité des activités et des méthodes pédagogiques est assurée sur

l’ensemble de la scolarité.

5 – Les enfants tiennent chacun un cahier d’expériences avec leurs mots à eux.

6 – L’objectif majeur est une appropriation progressive, par les élèves, de concepts scientifiques

et de techniques opératoires, accompagnée d’une consolidation de l’expression écrite et orale.

7 – Les familles et/ou le quartier sont sollicités pour le travail réalisé en classe.

8 – Localement, des partenaires scientifiques (universités, grandes écoles) accompagnent le

travail de la classe en mettant leurs compétences à disposition.

9 – Localement, les universités mettent leur expérience pédagogique et didactique au service de

l’enseignant.

10 – L’enseignant peut obtenir auprès du site Internet de La main à la pâte des modules à mettre

en œuvre, des idées d’activités, des réponses à ses questions. Il peut aussi participer à un travail

coopératif en dialoguant avec des collègues, des formateurs et des scientifiques.

 

  

ANNEXE II – Codage d’une question par les élèves.

 

  

ANNEXE III – Exemples de traces personnelles et de traces institutionnalisées.

Traces personnelles Traces institutionnalisées

 

  

ANNEXE IV – Traces écrites individuelles : le corps humain.

Traces de Lucian (MS)

Traces de Nelly (GS)

 

  

ANNEXE V – Écrit préparé par le maître en vue d’être complété par les élèves.

 

 

 

  

ANNEXE VI – Référent collectif présentant les pictogrammes.

 

  

ANNEXE VII – Exemples de types d’écrits en sciences en maternelle.

Conceptions initiales Dessin d’observations

Fiche individuelle remplie en atelier retraçant les étapes de la démarche et présentant le savoir établi.

Suppositions individuelles avant expérimentation

 

  

ANNEXE VIII – Le coin sciences.

Mis en place dans la classe, dès le début de l’année, le coin sciences a permis aux élèves d’observer, de manipuler librement, de refaire des expériences vues en atelier dirigé, de développer leur esprit critique, de communiquer (avec d’autres élèves, avec l’ensignant mais aussi avec les parents), de formuler des hypothèses, d’imaginer d’autres expérimentations, de développer leur autonomie. Il m’a permis, en tant qu’enseignant, de prendre le temps d’observer les élèves, de noter leurs comportements et leurs évolutions afin de bâtir des séances d’apprentissages permettant de développer ou de renforcer certaines compétences.

 L’élève observe Il manipule, expérimente

Il communique Il garde une trace

 

  

ANNEXE IX – Évaluations de compétences en moyenne section.

 

 

  

ANNEXE X – Évaluations de compétences en grande section.

 

 

 

  

MÉMOIRE PROFESSIONNEL C.A.F.I.P.E.M.F.

 

FICHE DESCRIPTIVE  

 

AUTEUR : Jérôme BESNIER  

 

MÉMOIRE SUIVI PAR : Annie VERNAZ (professeure de Sciences à l’E.S.P.E. de VALENCE)  

 

TITRE : Le cahier d’expériences à l’école maternelle.    

 

RÉSUMÉ : Quels rôles peut jouer le cahier d’expériences dans la mise en œuvre d’une démarche d’investigation à l’école maternelle ? Quelle forme peut-il prendre à l’école maternelle ? Quels sont les gestes professionnels spécifiques requis chez l’enseignant pour favoriser la mise place d’un tel outil ? L’expérimentation mise en œuvre dans une classe de moyenne et grande sections ainsi que l’analyse présentée dans ce mémoire tentent d’apporter des réponses à cette problématique.

L’élève de maternelle peut participer activement à la mise en place du cahier d’expériences qui joue le rôle d’un outil d’aide à la structuration de la pensée, à la mémorisation à l’évaluation et donc aux apprentissages.

MOTS CLÉS : découvrir le monde – école maternelle – moyenne et grande section – sciences – cahier d’expériences – démarche d’investigation – l’écrit pour soi – l’écrit pour communiquer.