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LA « JUSTICE ADMINISTRATIVE » Après que la loi des 16-24 août 1790 a interdit aux tribunaux (judiciaires, puisque seuls ces juges existent en 1790) de s’immiscer dans l’exercice de la fonction administrative, le contentieux administratif sera tranché par les autorités administratives supérieures et notamment les ministres (c’est le principe de la « théorie du ministre-juge » et de celle de l’administrateur-juge, s’agissant des directoires de département et de district). Le Conseil d’Etat est ensuite institué par la Constitution du 22 frimaire an VIII (13 décembre 1799) pour exercer une fonction de préparation des projets de loi et de règlements et une fonction de conseil du Chef de l’Etat dans le jugement du contentieux administratif (système dit de « justice retenue »). Le passage à la justice déléguée au CE (qui tranche dès lors souverainement les litiges administratifs) est opéré par la loi du 24 mai 1872 et l’arrêt Cadot (CE, 1889, Cadot) met fin de la théorie du ministre-juge de droit commun (les ministres perdant leurs dernières attributions de juge de 1 ère instance au début du XXe siècle). – LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE Un mot sur ce qu’est une juridiction : La question présente un très vif intérêt. Elle importe s’agissant de la régularité de l’institution de l’organisme qui va juger. En effet, avant la Constitution de 1958, une loi était nécessaire pour créer une nouvelle juridiction (CE 25/7/1952, Gingold). La Constitution de 1958 prévoit que seule la loi peut instituer une juridiction d’un type spécial. Autrement dit, si c’est un décret qui a créé une juridiction d’un type spécial, celle-ci n’a pas d’existence légale (v. CE 16 nov. 1984, Woeglin, D. 1985, p. 58, solution implicite, à propos de la Chambre syndicale des agents de change statuant en tant que chambre de discipline – et créée par décret). La question importe aussi dans la mesure où une juridiction, qui doit être indépendante, ne doit jamais être soumise à un pouvoir hiérarchique . Au surplus, une juridiction ne rend pas de décisions mais des jugements : dès lors, il n’y a pas de REP possible contre un jugement d’une juridiction, mais seulement des recours : en appel ou en cassation. Enfin, une juridiction rend des jugements qui ont l’autorité de la chose jugée et qui sont susceptibles de passer en force de chose jugée sachant que, par ailleurs, les règles de mise en jeu de la responsabilité de l’Etat se posent dans des conditions particulières lorsque le dommage est lié au contenu d’un jugement d’une juridiction ou à la façon dont ce jugement a été rendu – les règles sont différentes lorsqu’il s’agit d’une autorité administrative.

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LA « JUSTICE ADMINISTRATIVE »

Après que la loi des 16-24 août 1790 a interdit aux tribunaux (judiciaires, puisque seuls ces juges existent en 1790) de s’immiscer dans l’exercice de la fonction administrative, le contentieux administratif sera tranché par les autorités administratives supérieures et notamment les ministres (c’est le principe de la « théorie du ministre-juge » et de celle de l’administrateur-juge, s’agissant des directoires de département et de district). Le Conseil d’Etat est ensuite institué par la Constitution du 22 frimaire an VIII (13 décembre 1799) pour exercer une fonction de préparation des projets de loi et de règlements et une fonction de conseil du Chef de l’Etat dans le jugement du contentieux administratif (système dit de « justice retenue »). Le passage à la justice déléguée au CE (qui tranche dès lors souverainement les litiges administratifs) est opéré par la loi du 24 mai 1872 et l’arrêt Cadot (CE, 1889, Cadot) met fin de la théorie du ministre-juge de droit commun (les ministres perdant leurs dernières attributions de juge de 1ère

instance au début du XXe siècle).

– LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE

Un mot sur ce qu’est une juridiction : La question présente un très vif intérêt. Elle importe s’agissant de la régularité de l’institution de l’organisme qui va juger. En effet, avant la Constitution de 1958, une loi était nécessaire pour créer une nouvelle juridiction (CE 25/7/1952, Gingold). La Constitution de 1958 prévoit que seule la loi peut instituer une juridiction d’un type spécial. Autrement dit, si c’est un décret qui a créé une juridiction d’un type spécial, celle-ci n’a pas d’existence légale (v. CE 16 nov. 1984, Woeglin, D. 1985, p. 58, solution implicite, à propos de la Chambre syndicale des agents de change statuant en tant que chambre de discipline – et créée par décret).

La question importe aussi dans la mesure où une juridiction, qui doit être indépendante, ne doit jamais être soumise à un pouvoir hiérarchique. Au surplus, une juridiction ne rend pas de décisions mais des jugements : dès lors, il n’y a pas de REP possible contre un jugement d’une juridiction, mais seulement des recours : en appel ou en cassation. Enfin, une juridiction rend des jugements qui ont l’autorité de la chose jugée et qui sont susceptibles de passer en force de chose jugée sachant que, par ailleurs, les règles de mise en jeu de la responsabilité de l’Etat se posent dans des conditions particulières lorsque le dommage est lié au contenu d’un jugement d’une juridiction ou à la façon dont ce jugement a été rendu – les règles sont différentes lorsqu’il s’agit d’une autorité administrative.

On relève que la qualification d’une juridiction s’opère soit directement ou indirectement. Directement : c’est l’hypothèse où l’organisme est désigné comme une juridiction (ex : tribunal départemental des pensions) ; indirectement : les « décisions » que rend l’organisme sont qualifiées de « jugements » (conseils régionaux de l’ordre des médecins) ou comme possédant un « caractère juridictionnel » (commission de remise et d’aménagement des prêts consentis aux rapatriés) ou comme étant dotés de l’ « autorité de la chose jugée » : (certaines commissions de répartition d’indemnités étrangères) ou encore comme étant susceptibles de « recours en cassation » (commissions départementales des travailleurs handicapés).

La difficulté provient de l’absence de qualification textuelle ou de l’équivoque des textes. A ce moment, on recourt aux solutions de la jurisprudence, ainsi qu’on va l’expliquer :

Les conditions nécessaires sont les suivantes : l’organisme doit pouvoir décider – c’est-à-dire juger, potentiellement. S’il ne donne que des avis : il ne peut être qualifié de juridiction. Ensuite, l’organisme doit être collégiale : certes, un juge rendre la justice à juge unique, mais un organisme ne peut être qualifié de juridiction s’il n’est pas collégial (ex : CE 20 nov. 1970 : Bouet et Unef : à propos des recteurs d’université recueillant certaines attributions, temporairement, des anciens conseils d’université).

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Un critère matériel a été posé pour identifier la juridiction car on considère que le critère formel (évoqué plus haut : rendre une décision, être collégial) n’est pas suffisant : il faut en outre un critère matériel. Pendant longtemps, le Conseil d’Etat a hésité et s’est satisfait du critère formel, selon les espèces, mais cela a cessé à partir de 1953.

Le principe du critère matériel est posé par l’arrêt : CE Ass, 12 décembre 1953, de Bayo. Le Conseil d’Etat considère qu’il résulte qu’un organisme est une juridiction « eu égard à la nature de la matière dans laquelle il intervient et ce, quelque soit les formes dans lesquelles il statue » - il faut comprendre : quelles que soient la composition et la procédure. Le critère matériel est donc privilégié par le Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat, en principe, lie la qualité de juridiction à l’exercice d’une mission de répression disciplinaire. Il résulte de l’ensemble des arrêts du Conseil d’Etat qu’un organisme est qualifié par le Conseil d’Etat de juridiction lorsqu’il remplit une mission de répression disciplinaire.

Exemple : les conseils des ordres professionnels sont déclarés avoir un caractère juridictionnel quand ils statuent sur des procédures disciplinaires ; ils ne l’ont pas lorsqu’ils exercent leurs autres attributions notamment en matière d’inscription au tableau de l’ordre CE Ass, 2 avril 1943, Bouguen - CE Sect, 2 février 1945, Moineau.

Cela implique que ne sont pas considérés comme des juridictions des organismes ayant pour mission de statuer sur des recours exercés en vue du règlement de litiges provoqués par des décisions et non sur des poursuites disciplinaires (Ex : CE section, 3 mai 1957, Soc. les maisons des blessés du poumon. Autre exemple : la Commission supérieure de la carte d’identité des journalistes professionnels n’est pas une juridiction lorsqu’elle se prononce sur les demandes de carte alors qu’elle l’est lorsqu’elle décide le retrait de la carte, ce qui correspond à la sanction d’un comportement fautif.

Il faut ajouter une précision importante : il ne suffit pas qu’un organisme exerce une mission de répression disciplinaire pour qu’il puisse être qualifié de juridiction. Ainsi, une fédération sportive, quand bien même elle exerce cette mission, ne peut être qualifiée de juridiction car il s’agit, au niveau statutaire, d’une association, une institution de droit privé : ce n’est pas la même chose qu’un ordre professionnel institué par la loi.

Un mot sur le concept de juridictionnalisation.

Il existe des cas dans lesquels une administration, bien qu’édictant un acte administratif (et non un acte juridictionnel), est soumise au respect de normes en principe applicables à une juridiction. On parle dans ce cas d’un phénomène de juridictionnalisation. Ce phénomène est apparu avec l’arrêt CE 1999 Didier. Il ne concerne que le cas où une AAI/API (autorité administrative/publique indépendante) inflige une sanction à un administré (seulement à un administré, non à un agent). Dans cet arrêt, l’ancien conseil des marchés financiers est considéré comme se portant « comme un tribunal » au sens de l’article 6 § I de la CEDH. Il n’est donc pas un tribunal au sens du droit interne mais peut l’être au sens de la CEDH. Il demeure donc une administration éditant un acte administratif ; mais est soumis aux principes de l’article 6 § I.

Pendant longtemps, le CE a considéré que l'article 6§I de la CEDH ne s'appliquait qu'aux procédures en cours devant les juridictions administratives telles que définies par le droit interne (CE, 1er mars 1991, Le Cun).

Il est depuis revenu sur cette JP est considère désormais que l'article 6 est aussi applicable à des organes qui ne sont pas des juridictions en droit interne mais qui sont de véritables tribunaux « au sens de l’article 6§1 eu égard à leur nature, leur composition et leurs attributions » (CE Sect, 3 décembre 1999, Didier). Cela implique que ces « tribunaux » doivent respecter l'ensemble des prescriptions de l'article 6, sauf si

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leurs décisions sont susceptibles d'un recours de pleine juridiction devant une juridiction qui respecte les stipulations de l'article 6 (CE 1999, Didier). Dans tous les cas, ils doivent toutefois respecter le principe d'impartialité tel qu'il est consacré en droit national (CE, 4 février 2005, Sté GSD Gestion). Cela vaut par exemple pour les formations disciplinaires des AAI. Cette interprétation de la notion de tribunal au sens de l'article 6 est également confirmée par la Cour EDH (Cour EDH, 27 août 2002, Didier). Rappelons le sens de l’arrêt Didier de 1999 : « quand il est saisi d’agissements pouvant donner lieu aux sanctions prévues par l’article 69 de la loi susvisée du 2 juillet 1996, le Conseil des marchés financiers doit être regardé comme décidant du bien-fondé d’accusations en matière pénale au sens des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, compte tenu du fait que sa décision peut faire l’objet d’un recours de plein contentieux devant le Conseil d’Etat, la circonstance que la procédure suivie devant le Conseil des marchés financiers ne serait pas en tous points conforme aux prescriptions de l’article 6-1 précité n’est pas de nature à entraîner dans tous les cas une méconnaissance du droit à un procès équitable ; que, cependant - et alors même que le Conseil des marchés financiers siégeant en formation disciplinaire n’est pas une juridiction au regard du droit interne -le moyen tiré de ce qu’il aurait statué dans des conditions qui ne respecteraient pas le principe d’impartialité rappelé à l’article 6-1 précité peut, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de cet organisme, être utilement invoqué à l’appui d’un recours formé devant le Conseil d’Etat à l’encontre de sa décision ». […]M. Ferri ayant été désigné rapporteur de la procédure disciplinaire ouverte à l’encontre de M. DIDIER après saisine du Conseil des marchés financiers par le président de la Commission des opérations de bourse, il n’est pas établi, ni même allégué, qu’il aurait, dans l’exercice de ses fonctions de rapporteur, excédé les pouvoirs qui lui ont été conférés par les dispositions rappelées ci-dessus, et qui ne diffèrent pas de ceux que la formation disciplinaire collégiale du Conseil des marchés financiers aurait elle-même pu exercer ; que, dès lors, il n’est résulté de sa participation aux débats et au vote à l’issue desquels il a été décidé d’infliger une sanction à M. DIDIER aucune méconnaissance du principe d’impartialité rappelé à l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». On retiendra également que tous les principes de 6§I ne s’appliquent pas dans le cadre de Didier 1999. Le secret du délibéré ne s’applique pas : CE 2005, Sté GSD Gestion. Ni l’obligation de mentionner la composition : CE 2005, Sté financière Hottinguer ; ni la lecture publique des décisions : CE 2005 Fideuram Wargny ; autrement dit, la juridictionnalisation de la procédure n’est pas complète.La JP « Didier » ne s’applique pas à un organisme unique qui sanctionne ; il faut en effet la collégialité : CE 2003, Observatoire internationale des prisons, section française - même si quelques décisions en sens contraire.

– L’organisation de la juridiction administrative

– Les divers juges administratifs

– Les juridictions administratives de droit commun :

– Les juridictions de première instance

La Compétence de principe des Tribunaux administratifs (42 dont 31 en France métropolitaine).

Le principe : compétence territoriale (R. 312-1 CJA) : est compétent le TA dans le ressort duquel a légalement son siège l’autorité qui a pris la décision attaquée.Exceptions nombreuses :ex 1 : décisions individuelles de police : compétence du TA dans le ressort duquel se trouve le lieu de résidence du destinataire de la décision (R. 312-8 CJA).

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ex 2 : décisions individuelles relatives aux fonctionnaires non territoriaux : compétence du TA dans le ressort duquel se trouve le lieu d’affectation du fonctionnaire intéressé (R. 312-12 CJA).ex 3 : contrats : en principe, le lieu d’exécution du contrat détermine le tribunal compétent (article R 312-11). Mais si l’exécution du contrat excède le ressort d’un tribunal administratif, c’est le tribunal administratif du siège de l’autorité publique signataire qui est compétent (CE Ass, 1987, Société France 5). ex. 4 : responsabilité extra contractuelle : si le dommage résulte d’une décision, le tribunal compétent est celui compétent en matière d’annulation (R 312-14 CJA). Dans les autres hypothèses, le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le fait générateur du dommage ou celui du lieu de résidence du requérant dans certains cas. Le ressort d’un TA :Le principe = celui de la région dans le chef-lieu de laquelle il est situé. Ce principe évoluera lorsque le nombre de régions aura été restreint à 13, en 2016.Les exceptions : dans les régions à forte population : plusieurs TA (ex Région ile de France : Paris, Cergy, Versailles, Melun, Montreuil) ; Outre-mer : un TA par DOM ou COMa – TA = Juges de 1ère instance de droit commun (depuis leur institution par décret du 30 septembre 1953) Appel possible.b - TA = Juges de 1er et dernier ressort (= pas d’appel) : de certains recours en référé (loi du 30 juin 2000) et notamment ; du référé suspension : L. 521-1 CJA, du référé mesures utiles (ou conservatoire) : L. 521-3 CJAIl existe des litiges où un magistrat statue seul (énumérés à l’article R 222-13 ; tel que modifié par le décret n° 2013-730 du 13 août 2013 portant modification du CJA) :

L’art. R. 222-13 du CJA dispose que : Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller ou ayant une ancienneté minimale de deux ans statue en audience publique et après audition du rapporteur public, sous réserve de l'application de l'article R. 732-1-1 : 1° Sur les litiges relatifs aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi, mentionnés à l'article R. 772-5 ; 2° Sur les litiges relatifs à la notation ou à l'évaluation professionnelle des fonctionnaires ou agents publics ainsi qu'aux sanctions disciplinaires prononcées à leur encontre qui ne requièrent pas l'intervention d'un organe disciplinaire collégial ; 3° Sur les litiges en matière de pensions ; 4° Sur les litiges en matière de consultation et de communication de documents administratifs ou d'archives publiques ; 5° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale ; 6° Sur les litiges relatifs aux refus de concours de la force publique pour exécuter une décision de justice ; 7° Sur les requêtes contestant les décisions prises en matière fiscale sur des demandes de remise gracieuse; 8° Sur les litiges relatifs aux bâtiments menaçant ruine ou aux immeubles insalubres ; 9° Sur les litiges relatifs au permis de conduire ; 10° Sur toute action indemnitaire ne relevant pas des dispositions précédentes, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15.

Dans une liste de cas énumérés par l’article R. 811-1 du CJA (modifié par le décret JADE du 2 novembre 2016), le TA juge en premier et dernier ressort :

1° Sur les litiges relatifs aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi, mentionnés à l'article R. 772-5, y compris le contentieux du droit au logement défini à l'article R. 778-1 ; 2° Sur les litiges en matière de consultation et de communication de documents administratifs ou d'archives publiques ; 3° Sur les litiges relatifs aux refus de concours de la force publique pour exécuter une décision de justice ;

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4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale ; 5° Sur les requêtes contestant les décisions prises en matière fiscale sur des demandes de remise gracieuse ; 6° Sur les litiges relatifs au permis de conduire ; 7° Sur les litiges en matière de pensions ; 8° Sauf en matière de contrat de la commande publique sur toute action indemnitaire ne relevant pas des dispositions précédentes, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15. Les ordonnances prises sur le fondement du titre IV du livre V sont également rendues en premier et dernier ressort lorsque l'obligation dont se prévaut le requérant pour obtenir le bénéfice d'une provision porte sur un litige énuméré aux alinéas précédents. Les ordonnances prises sur le fondement du 6° de l'article R. 222-1 sont rendues en premier et dernier ressort quel que soit l'objet du litige. Par dérogation aux dispositions qui précèdent, en cas de connexité avec un litige susceptible d'appel, les décisions portant sur les actions mentionnées au 8° peuvent elles-mêmes faire l'objet d'un appel. Il en va de même pour les décisions statuant sur les recours en matière de taxe foncière lorsqu'elles statuent également sur des conclusions relatives à cotisation foncière des entreprises, à la demande du même contribuable, et que les deux impositions reposent, en tout ou partie, sur la valeur des mêmes biens appréciée la même année. Le tribunal administratif statue également en premier et dernier ressort sur les recours sur renvoi de l'autorité judiciaire et sur les saisines de l'autorité judiciaire en application de l'article 49 du code de procédure civile ».

Il en est de même des ordonnances prises sur le fondement du 6° de l'article R. 222-1. Par dérogation aux dispositions qui précèdent, en cas de connexité avec un litige susceptible d'appel, les décisions portant sur les actions mentionnées au 8° peuvent elles-mêmes faire l'objet d'un appel. Il en va de même pour les décisions statuant sur les recours en matière de taxe foncière lorsqu'elles statuent également sur des conclusions relatives à cotisation foncière des entreprises, à la demande du même contribuable, et que les deux impositions reposent, en tout ou partie, sur la valeur des mêmes biens appréciée la même année.

Le tribunal administratif statue également en premier et dernier ressort sur les recours sur renvoi de l'autorité judiciaire et sur les saisines de l'autorité judiciaire en application de l'article 49 du code de procédure civile. [on note que jusqu’avant l’adoption du décret du 27 février 2015 relatif au TC, le CE était, à l’égard des jugements rendus sur renvoi de l’autorité judiciaire, compétent en appel et ne l’est, désormais, qu’en tant que juge de cassation].

Le Conseil d’Etat possède une compétence en 1er et en dernier ressort (cf. R 311-1 CJA) qui a fait l’objet d’évolutions qui doivent être signalées :

En matière de REP et de recours en interprétation et en appréciation de validité contre les principaux actes administratifs :

- décrets (réglementaires ou individuels ; du Premier ministre ou du Président de la République)- ordonnances de l’article 38 C avant ratification- actes réglementaires des ministres (qu’ils soient pris sous la forme d’arrêtés ou de circulaires)- décisions individuelles des ministres prises après avis du CE- décisions administratives des organismes collégiaux à compétence nationale (ex : décisions

administratives des AAI, des conseils nationaux des ordres professionnels, des jurys de concours et examens nationaux )

S’agissant des litiges relatifs à situation individuelle des fonctionnaires nommés par décret du Président de la République (nomination, avancement, discipline, rémunération, retraite…)

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En matière de contentieux des élections européennes et régionales

A l’égard du contentieux des actes dont le champ d’application dépasse du ressort d’un tribunal administratif

En matière de recours dans l’intérêt de la loi

Depuis un décret du 28 juillet 2005 : en matière d’actions en responsabilité de l’Etat pour durée excessive de la procédure devant la [seule] juridiction administrative.

Une évolution de ce chef de compétence doit être signalée :

Le décret n° 2010-164 du 22 février 2010 relatif aux compétences et au fonctionnement des juridictions administratives modifie sur de nombreux points le code de justice administrative avec pour conséquence notable la réduction, pour les requêtes présentées à partir du 1er avril 2010, de la compétence de premier ressort du Conseil d'État au profit de celle des tribunaux administratifs : - fin de la compétence directe à l'égard de l'ensemble des organismes collégiaux à compétence nationale : ne relèvent désormais du contrôle direct du Conseil d'État que les décisions prises par les organes d'une liste limitative d'autorités indépendantes, et seulement si elles interviennent « dans le cadre de leur mission de contrôle ou de régulation » (afin d'exclure celles relatives à la gestion interne). - Toutefois, la compétence de premier ressort du CE pour connaître des actes réglementaires des ministres est étendue aux actes réglementaires des autres autorités nationales. -La limitation de la compétence à l'égard des litiges intéressant la situation individuelle des fonctionnaires nommés par décret du Président de la République : cette compétence ne s’exerce plus qu’à l’égard des seuls litiges concernant le recrutement, essentiellement les concours, et la discipline de ces agents publics. - La fin de la compétence « par défaut » du Conseil d'État : suppression de sa compétence à l'égard des litiges nés en dehors des territoires soumis à la juridiction d'un tribunal administratif (c'est-à-dire hors du territoire français), ainsi que des recours dirigés contre les actes administratifs dont le champ d'application s'étend au-delà du ressort d'un seul tribunal administratif. Désormais, ces litiges sont attribués aux TA :

- ceux qui portent sur les refus de visa d'entrée en France opposés par les autorités consulaires sont attribués au tribunal administratif de Nantes, compte tenu de l'implantation dans cette ville du service ministériel compétent.

- Les litiges qui ne relèvent de la compétence d'aucun tribunal administratif par application des dispositions des articles R. 312-1 et R. 312-6 à R. 312-18 sont attribués au tribunal administratif de Paris.

- Si l'acte a plusieurs auteurs [tel est le cas d’un arrêté interpréfectoral], on ne tient compte que du premier dénommé ; est alors compétent le TA dans le ressort duquel a son siège l’autorité en question, qui a pris la décision attaquée.

– Les juridictions d’appel :

Rappelons les effets de l’appel :

L’effet non suspensif de l’appel (article R 811-14 CJA) :En principe, l’appel n’a pas un effet suspensif de la décision juridictionnelle de première instance qui est exécutoire immédiatement. On note deux limites : des textes spéciaux peuvent prévoir l’effet suspensif de l’appel (en matière électorale ou disciplinaire) et le juge d’appel peut lui même ordonner le sursis à exécution du jugement de première instance. En effet, le juge d’appel peut en effet toujours prononcer le sursis à exécution du jugement. Il y aura sursis lorsque l’exécution du jugement de 1ère instance : soit risque d’exposer l’appelant à la perte définitive d’une somme d’argent qui ne devrait pas rester à sa charge si son appel était accueilli (R 811-16 CJA) ; soit lorsque la décision de première instance attaquée risque d’entraîner des conséquences difficilement réparables et que l’appelant invoque des moyens

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sérieux de nature à justifier l’annulation ou la réformation du jugement attaqué et des moyens de nature à justifier le rejet des conclusions à fins d’annulation de la décision administrative dont l’annulation a été prononcée en première instance (R 811-17 CJA). Un arrêt du Conseil d’Etat précise selon quel raisonnement le sursis peut être prononcé : « En application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative (CJA), lorsque le juge d'appel est saisi d'une demande de sursis à exécution d'un jugement prononçant l'annulation d'une décision administrative, il lui incombe de statuer au vu de l'argumentation développée devant lui par l'appelant et par le défendeur et en tenant compte, le cas échéant, des moyens qu'il est tenu de soulever d'office. Après avoir analysé dans les visas ou les motifs de sa décision les moyens des parties, il peut se borner à relever qu'aucun des moyens n'est de nature, en l'état de l'instruction, à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué et rejeter, pour ce motif, la demande de sursis. Si un moyen lui paraît, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, il lui appartient de vérifier si un moyen est de nature, en l'état de l'instruction, à infirmer ou à confirmer l'annulation de la décision administrative en litige, avant, selon le cas, de faire droit à la demande de sursis ou de la rejeter » (CE 26 mars 2014, Commission de protection des eaux de Franche-Comté, n° 370300).Le CE a précisé que le requérant qui s’est pourvu en cassation contre le rejet opposé à sa demande de sursis à exécution peut également contester devant lui le refus de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) que lui a opposé le juge d’appel par une décision distincte (CE 28 janv.2015, Mme A., n° 382605).

L’effet dévolutif de l’appel : Le juge d’appel est à la fois juge du jugement et juge du litige : il est saisi du fond même du litige et il le juge une seconde fois. Il appartient donc au juge saisi d’un appel interjeté contre le jugement rendu au fond dans des conditions régulières par la juridiction compétente en premier ressort, d’assurer lui-même le règlement complet de l’affaire en tranchant toutes les questions de droit et de fait en litige après avoir ordonné le cas échéant des mesures d’instruction. La Compétence de principe des Cours administratives d’appel- leur création est due à la loi 31/12/1987 - Il y en a 8 (Bordeaux, Douai, Lyon, Marseille, Nancy, Nantes, Paris, Versailles).- leur compétence territoriale : l’appel des jugements des TA situés dans leur ressort.- Elles sont aussi compétentes pour l’appel des jugements de la Commission de recours des réfugiés.Compétence d’attribution du CE (cf. R. 321-1 CJA) :- Appel des jugements relatifs au contentieux des élections municipales et cantonales. - Appel des jugements (ou ordonnances) rendus sur référé-liberté. Jusqu’au 27 février 2015, le CE était compétent, en appel, des jugements en appréciation de légalité ou en interprétation rendus sur renvoi du juge judiciaire. Le décret du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles a supprimé cette compétence en modifiant l’article R. 321-1 du CJA. Le CE est maintenant compétent, au titre de la cassation, pour connaître de tels jugements, en application de l’article R. 771-2-2 du CJA : « Le pourvoi en cassation contre les jugements statuant sur une question préjudicielle est présenté dans les quinze jours de leur notification ».

Le Conseil d’Etat a également été considéré comme juge d’appel d’une sentence arbitrale sur le fondement de l’article L. 321-2 du CJA aux termes duquel « Dans tous les cas où la loi n’en dispose pas autrement, le Conseil d’Etat connaît des appels formés contre les décisions rendues en premier ressort par les autres juridictions administratives ». (CE 23 déc. 2015, Société Broadband Pacifique, n° 376018).

– L’intervention du Conseil d’Etat en tant que juge de cassation :

La compétence du CE en cassation s’applique à propos : - des arrêts des CAA- des jugements des TA rendus en 1er et dernier ressort- des décisions des juridictions spécialisées rendues soit en 1er et dernier ressort, soit en appel

(CSM, commission départementale d’aide sociale etc..)

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Les conséquences de l’annulation d’une décision juridictionnelle en cassation :En vertu de la loi du 31/12/1987 (art. L. 821-2 CJA) : faculté du CE, après annulation en cassation de la décision juridictionnelle : soit de renvoyer devant juge du fond compétent pour qu’il se prononce à nouveau ; soit une autre juridiction de même nature ; soit devant la même juridiction statuant dans une autre formation ; soit devant la même formation de la même juridiction lorsqu’elle est unique : ex de la section disciplinaire du conseil national d’un ordre professionnel (CE, Sect., 2000, Mme Rochard) ; soit de juger lui-même le litige au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie (et si l’affaire est en état d’être jugée).En cas de second pourvoi contre juridiction de renvoi, si CE y fait droit à nouveau, alors il statue définitivement sur l’affaire.

– Les juridictions administratives spécialisées :

– Les critères de reconnaissance :

La qualification législative peut être- expresse - ou implicite : par la mention du recours possible : s’il y a cassation devant le CE alors on est en

présence d’un juge ; si est question de REP alors il s’agit de l’autorité administrative.

La qualification jurisprudentielle dans le silence de la loi atteste une combinaison de 2 séries de critères :Les critères formels : L’organe doit avoir une origine légale (avoir été créé par la loi ou en application fidèle d’une loi) L’organisme doit avoir une forme juridictionnelle (CE, Ass., 1947, D’Aillères) :

- Avoir une composition collégiale - Statuer par décisions organisées selon le schéma des décisions juridictionnelles (visas, motifs,

dispositif) dont l’autorité ne peut être remise en cause devant lui (sa décision le dessaisit de l’affaire).

- Se prononcer selon une procédure contradictoire garantissant les droits de la défense comparable à celle pratiquée devant les juridictions administratives de droit commun

Le critère matériel : Dans le silence de la loi, un organisme remplissant les critères formels rendra des décisions juridictionnelles sauf si ces décisions portent sur une matière conférant un caractère administratif à ces décisions (CE, Ass., 1953, De Bayo : caractère administratif des décisions rendues par les ordres professionnels en matière d’inscription au tableau, càd les décisions par lesquelles les conseils (départementaux, régionaux ou nationaux) des ordres professionnels vérifient que les candidats remplissent les conditions de titres ou de diplômes et les exigences fixées par le code de déontologie de la profession).

– la diversité des juridictions administratives spécialisées :

Le juge administratif spécialisé statuant en 1 er ressort : Ex 1 : les chambres régionales des comptes sont juges des comptables publics des personnes publiques non étatiques (CT et EP) et un appel existe devant la Cour des comptes.Ex 2 : les conseils régionaux des ordres professionnels sont des juridictions ordinales régionales lorsqu’ils statuent en matière disciplinaire (CE, 1945, Moineau), alors que ce sont des autorités administratives quand ils décident de l’inscription au tableau d’un membre de la profession (CE, Ass., 1953, De Bayo). Un appel existe devant les juridictions ordinales nationales (conseils nationaux des ordres professionnels en matière disciplinaire).

Le juge administratif spécialisé statuant en 1er et dernier ressort :Ex 1 : La Cour des comptes est le juge des comptables de l’Etat.

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Ex 2 : La Cour de discipline budgétaire et financière est le juge des ordonnateursEx 3 : Le Conseil supérieur de la magistrature est une juridiction quand il statue en tant que conseil de discipline des magistrats du siège (CE, Ass., 1969, L’Etang) – notons que lorsque le CSM statue en tant que conseil de discipline des magistrats du siège, les litiges intéressent l’organisation du service public de la justice judiciaire, organisation qui, contrairement à son activité (le service public de la justice judiciaire), relève de l’ordre administratif.

– Le caractère unitaire de la justice administrative

Il convient d’évoquer le principe d’unité de la justice, qui est un attribut indivisible de l’Etat :La justice est rendue de façon indivisible au nom de l’Etat par toutes les juridictions nationales, quelle que soit la personne morale à laquelle elles peuvent être rattachées (CE, Sect., 2004, Poppin : il est question d’une sanction infligée à un professeur des universités par le conseil d’administration de son université, constitué en formation disciplinaire statuant dans la forme juridictionnelle (juridiction administrative spécialisée de premier ressort à compétence répressive : pouvoir de sanctionner les fautes disciplinaires commises par les enseignants et usagers du SP de l’éducation nationale) en vertu de la loi (code de l’éducation). Un appel est possible devant le Conseil national de l’enseignement supérieur ainsi qu’un recours en cassation devant le Conseil d’Etat. En cas de faute lourde du Conseil d’Administration, c’est la responsabilité de l’Etat et non celle de l’université qui serait engagée). S’agissant de l’illégalité d’un acte engageant la responsabilité de la personne au nom de laquelle il a été pris, seule peut être engagée la responsabilité de l’Etat du fait de l’activité juridictionnelle, y compris lorsque cette activité juridictionnelle est confiée à d’autres personnes morales publiques (comme les organes disciplinaires des universités) ou privées (comme les organes disciplinaires des ordres professionnels).

– Favoriser l’unité de la justice administrative :

– Le recours en cassation

Comme dans l’ordre judiciaire, il y a dans le contentieux administratif identité entre juridiction suprême et juridiction de cassation.

C’est le Conseil d’Etat dans l’ordre juridictionnel administratif ; il lui revient donc de statuer sur les recours en cassation dont peuvent être l’objet les jugements prononcés :

- soit en 1er et dernier ressort par les tribunaux administratifs dans certains contentieux en vertu du décret 24 juin 2003,

- soit en 1er et dernier ressort par certaines juridictions spécialisées,

- soit en dernier ressort par les cours administratives d’appel et certaines juridictions spécialisées. A cet égard, le Conseil d’Etat juge que les moyens d’appel doivent, dans certains cas, être regardés comme des moyens de cassation : CE 30 avril 2009, Bouvier d'Yvoire: « le requérant qui, suivant des indications erronées dans la notification d'un jugement rendu en premier et dernier ressort, a saisi une cour administrative d'appel ne peut pas voir sa requête, transmise au Conseil d’Etat, rejetée par celui-ci au motif que les moyens d'appel ne peuvent pas être regardés comme des moyens de cassation ».

Le Conseil d’Etat assure, en tant que juge de cassation, l’unité dans l’interprétation de la règle de droit. Pouvoir dont il se dit investi en vertu « des pouvoirs généraux de régulation de l’ordre juridictionnel administratif » CE, 10 novembre 1999, Société Coopérative agricole de Brinon.

En vertu de la loi et conformément à ce qu’est un recours en cassation, le principe est que le Conseil d’Etat saisi d’un tel recours, remplit sa mission en jugeant, sans plus, les jugements déferrés à sa censure. Après cassation, et donc annulation du jugement, il renvoie aux « juges du fond » qui se prononceront en fonction de l’arrêt de cassation.Un arrêt du Conseil d’Etat (CE 11 avril 2014, Monsieur C., n° 345194) prévoit, dans ce dernier cas de figure (renvoi au juge du fond), que « lorsque le Conseil d'Etat, statuant sur un pourvoi en cassation formé

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contre une décision juridictionnelle, annule cette décision et renvoie l'affaire aux juges du fond, il appartient à la juridiction de renvoi de mettre les parties à même de produire de nouveaux mémoires pour adapter leurs prétentions et argumentations en fonction des motifs et du dispositif de la décision du Conseil d'Etat, puis de viser et d'analyser dans sa nouvelle décision l'ensemble des productions éventuellement présentées devant elle ; qu'en revanche, ni les dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, qui dispose que la décision juridictionnelle contient notamment " l'analyse des conclusions et mémoires ", ni aucune règle générale de procédure n'imposent au juge de renvoi de répondre aux moyens d'appel présentés en cassation dans l'hypothèse où le Conseil d'Etat déciderait de faire usage de la faculté de régler l'affaire au fond prévue par l'article L. 821-2 du code de justice administrative, ni de viser et d'analyser les mémoires produits devant le Conseil d'Etat dans lesquels ces moyens sont soulevés ».

L’article 11 de la loi du 31 décembre 1987 innove : si le Conseil d’Etat estime que « l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie », il peut tout à la fois annuler le jugement dont il a à connaître et régler l’affaire au fond lui-même article L 821-2 CJA.

Le recours en cassation devant le CE des décisions des juridictions administratives rendues en dernier ressort est un PGD (CE, Ass., 1947, D’Aillères, à propos des décisions des jurys d’honneur institués par le comité français de libération nationale pour décider du maintien ou non de l’inéligibilité des parlementaires ayant voté en faveur de la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 conférant le pouvoir constituant à Pétain).

– Les avis contentieux

La loi du 31 décembre 1987 prévoit la possibilité pour les juges administratifs de saisir le Conseil d’Etat en vue de l’obtention d’un avis contentieux articles L 113-1, R 113 et s CJA. Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse, et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d’appel peut par un jugement -qui n’est, lui, susceptible d’aucun recours- transmettre le dossier de l’affaire au Conseil d’Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question qui lui est posée.

Le Conseil d’Etat « rend l’avis suivant », il ne décide pas. Ces avis contentieux sont insusceptibles de REP CE, 17 novembre 1997, Mme Veuve Doukouré. Ils n’ont pas l’autorité de la chose jugée CE, 7 juillet 2000, Clinique chirurgicale du Coudon. Dans les faits, il y a une réelle autorité morale attachée à ses avis qui sont suivis par les juridictions inférieures. Dans l’ensemble la jurisprudence du Conseil d’Etat a favorisé la procédure d’avis en étant relativement peu exigeante quant aux conditions posées par le texte lui-même :En ce qui concerne les « questions de droit nouvelles », le Conseil d’Etat a admis que peuvent être en cause des problèmes de compétence -administrative ou judiciaire- CE Ass Avis, 10 avril 1992, SARL Hofmiller. Le juge admet aisément le caractère « sérieux » de la difficulté et n’exige pas que le nombre de litiges dans lesquels la question se pose soit très élevé.Mais Conseil d’Etat refuse de donner un avis lorsque le tribunal administratif, au lieu de déferrer la question de droit générale et abstraite sur laquelle il a besoin d’être éclairé, demande au Conseil d’Etat un avis d’espèce portant sur le fond même de l’affaire, ce qui revient à demander au Conseil d’Etat de « la juger ». CE Ass Avis, 24 octobre 1997, Association locale des témoins de Jéhovah de Riom.

– Garantir l’unité de la justice administrative

– L’impartialité :

Sources nationale (PGD) et internationale (6§1 Conv EDH).

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Ce principe impose au juge de n’avoir aucun préjugé en faveur ou à l’encontre d’une partie au ligie dont il a à connaître : seul le procès doit conduire le juge à se forger une opinion définitive sur le bien-fondé des prétentions qui lui sont soumises.La signification du principe d’impartialité :

1° : L’impartialité subjective Cet aspect de l’impartialité concerne la personne même du juge ainsi que ses attitudes et ses opinions. Celles-ci ne doivent pas permettre de le soupçonner de vouloir favoriser une partie ; c’est-à-à-dire qu’il ne doit pas y avoir de préjugés. ex : irrégularité d’un jugement pour vice de procédure lorsque l’un des magistrats qui siège dans la formation de jugement est personnellement lié à une des parties (ex : magistrat qui statue sur une requête d’une commune alors que sa fille est conseillère municipale de la commune : CE, 2 oct. 1996, Cne de Sartrouville).

2° : L’impartialité objective :Cet aspect se rapporte à la juridiction au sens organique et fonctionnel : la nature des fonctions successivement exercées par le juge et/ou l’organisation de la juridiction ne doivent pas pouvoir amener le juge à un préjugement qui le rendrait partial lors du jugement. Le défaut d’impartialité objective avéré à 2 conditions cumulatives : si les fonctions successivement exercées par le juge l’ont conduit à examiner deux fois la même affaire (mêmes faits et mêmes questions de droit) ; premier examen de l’affaire doit avoir donné lieu à une prise de position, individuelle ou collective et de nature administrative ou juridictionnelle, sur l’issue du second examen de nature juridictionnel.Effet du principe d’impartialité sur le cumul de fonctions consultatives et juridictionnelles du CE : ce principe n’interdit pas le cumul en lui-même, mais il interdit :

- que l’avis donné par les sections administratives puisse lier la section contentieuse.- que les membres se prononçant à titre consultatif sur un acte, puissent ensuite statuer au

contentieux contre le même acte (CEDH, 1995, Procola c/ Luxembourg).Les Conséquences de ces exigences : Décret du 6 mars 2008 :

- Lorsque l'assemblée du contentieux est saisie d'un recours contre un acte pris après avis du Conseil d'Etat, le président de la section administrative qui a eu à délibérer de cet avis ne siège pas. (Art. R. 122-21)

- les membres du Conseil d'Etat ne peuvent participer au jugement des recours dirigés contre les actes pris après avis du Conseil d'Etat, s'ils ont pris part à la délibération de cet avis (Art. R. 122-21-1) = réitération expresse d’une règle déjà posée par l'article 20 de loi du 24 mai 1872, selon laquelle « les membres du Conseil d'Etat ne peuvent participer au jugement des recours dirigés contre les décisions qui ont été préparées par les sections auxquels ils appartiennent, s'ils ont pris part à la délibération » et à laquelle a succédé, après sa suspension en 1939 puis son abrogation en 1940, une pratique coutumière dite du déport.

-On note que depuis le décret n° 2011-1950 du 23 déc. 2011, art. 13, l’article R. 122-21-3., du CJA dispose que « Les membres du Conseil d'Etat qui participent au jugement des recours dirigés contre des actes pris après avis du Conseil d'Etat ne peuvent pas prendre connaissance de ces avis, dès lors qu'ils n'ont pas été rendus publics, ni des dossiers des formations consultatives relatifs à ces avis. »

Les conséquences sur le « commissaire du gouv. » - aujourd’hui « rapporteur public » -, qui est le membre de la juridiction administrative qui a pour tâche, non pas de représenter le gouvernement, mais d'exposer « publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent » (CE, 1957, Gervaise ; art. L. 7 CJA) :

1/ Décret du 1er août 2006 : assistance (muette) du cdg au délibéré :- exclue devant les TA et les CAA (R. 732-2 CJA)- maintenue devant CE sauf à ce qu’une des parties s’y oppose (R. 733-3 CJA).

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2/ Décret du 7 janvier 2009 : le commissaire du gouvernement devient le « rapporteur public » (au nom de la théorie des apparences, l’ex commissaire du gouvernement ne peut plus être un commissaire, c’est-à-dire un commis).

On note, au-delà, des principes ci-dessus rappelés, que la déontologie des membres du Conseil d’Etat1 a été précisée/encadrée par le législateur (2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires), notamment afin de garantir leur impartialité.

« Art. L. 131-2 du CJA.-Les membres du Conseil d'Etat exercent leurs fonctions en toute indépendance, dignité, impartialité, intégrité et probité et se comportent de façon à prévenir tout doute légitime à cet égard. « Ils s'abstiennent de tout acte ou comportement à caractère public incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions. « Ils ne peuvent se prévaloir, à l'appui d'une activité politique, de leur appartenance au Conseil d'Etat.

« Art. L. 131-3 du CJA.-Les membres du Conseil d'Etat veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflit d'intérêts. « Constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction. »

Une obligation d’abstention est prévue par la même occasion par ladite loi :

« Art. L. 131-9.-I (du cja).-Dans le cadre des fonctions juridictionnelles du Conseil d'Etat, sans préjudice des autres dispositions prévues au présent code en matière d'abstention, le membre du Conseil d'Etat qui estime se trouver dans une situation de conflit d'intérêts s'abstient de participer au jugement de l'affaire concernée. Son remplacement est assuré en application des règles de suppléance prévues au présent code. « Le président de la formation de jugement peut également, à son initiative, inviter à ne pas siéger un membre du Conseil d'Etat dont il estime, pour des raisons qu'il lui communique, qu'il se trouve dans une situation de conflit d'intérêts. Si le membre du Conseil d'Etat concerné n'acquiesce pas à cette invitation, la formation de jugement se prononce, sans sa participation. S'il y a lieu, son remplacement est assuré en application des règles de suppléance prévues au présent code. « II.-Dans le cadre des fonctions consultatives du Conseil d'Etat, le membre du Conseil d'Etat qui estime se trouver dans une situation de conflit d'intérêts s'abstient de participer aux délibérations ».

– L’indépendance :

Un PFRLR protège l’indépendance des juridictions administratives (CC, 1980, lois de validation). Ni le législateur ni le gouvernement ne peuvent empiéter sur ses fonctions, càd qu’ils ne peuvent ni censurer les décisions des juridictions, ni leur adresser d’injonctions ni se substituer à elles dans le jugement des litiges.Mais si l’indépendance de la juridiction administrative est protégée par ce PFRLR, celle de ses membres dépend des garanties liées à leur statut. Or ces statuts varient selon les juges administratifs.

1° : Corps des membres du CE : Les grades : auditeurs de 1ère puis 2ème classe ; maîtres des requêtes ; conseillers d’Etat (issus, pour 5/6, du concours de l’ENA ; pour 1/6 du tour extérieur) :Des juges (art. L. 8 CJA) mais pas des magistrats (> pas la garantie d’inamovibilité réservée aux magistrats).

1 Le code des juridictions financières a été également modifié par la loi en question pour imposer des obligations de même nature à l’égard de ces dernières. v. les articles L. 120-4 et s. de ce code.

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Des fonctionnaires relevant en principe du statut général sauf exceptions coutumières qui garantissent leur indépendance (CE, 2005, Hoffer) : pas de notation ; avancement à l’ancienneté et en fonction du rang de sortie de l’ENA (l’ordre du tableau).

2° : Corps des membres des TA et CAA : Recrutés pour ¼ par voie de l’ENA ; pour ¾ par voie complémentaire.Ce sont des magistrats (L. 231-1 CJA) qui bénéficient de l’inamovibilité : cela implique qu’il n’y a pas d’affectation nouvelle sans leur consentement (L. 231-3 CJA) .

– Le caractère contradictoire de la procédure

Principe général applicable à toutes les juridictions administratives (CE, Sect., 1961, Société La Huta). Principe fondamental du procès équitable pour CEDH (cf. par ex. 2001, Kress c/ France).

Les Implications du contradictoire :

L’obligation d’informer :a/ le défendeur de l’existence du procès (CE, Sect., 2002, Maire de Saint-Jean d’Eyraud)b/ les parties dans leur ensemble sur l’état du dossier = obligation de communication à chacune des parties de toutes les pièces produites pour qu’elles puissent en discuter contradictoirement (CE, Sect., 1988, Banque de France c/ Huberschwiller) : notamment :

- la requête et son mémoire complémentaire- le 1er mémoire du défendeur- les pièces jointes- tous les autres mémoires (en duplique ou réplique) dès lors qu’ils contiennent des éléments

nouveaux- les moyens d’ordre publics relevés d’office- les mesures d’instruction- les notes en délibéré exposant un élément nouveau de droit ou de fait.mais pas les documents ne pouvant l’objet d’une communication contradictoire telles les pièces couvertes par un secret légalement institué : secret médical, secret de la défense nationale (Depuis la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement, le secret de la défense nationale est régi par l’article L. 861-1 de cette loi qui dispose que « Lorsque, dans le cadre d'une procédure engagée devant une juridiction administrative ou judiciaire, la solution du litige dépend d'une question relative à un acte non publié en application du présent article ou faisant l'objet d'une signature numérotée, ce dernier est communiqué, à sa demande, à la juridiction ou au magistrat délégué par celle-ci, sans être versé au contradictoire. Si cet acte est protégé au titre du secret de la défense nationale, la juridiction peut demander sa déclassification et sa communication en application de l' article L. 2312-4 du code de la défense . »

L’obligation de permettre aux parties de répondre aux observations adverses en disposant du temps nécessaire pour préparer cette réponse La communication de documents le jour de l’audience est susceptible de vicier le jugement qui se fonderait sur des éléments figurant dans ces documents (CE, 1973, Paoli).Conséquences pour le rapporteur public : la CEDH jugeait que l’absence de communication aux parties des conclusions des avocats généraux belges devant la cour de cassation et l’impossibilité où se trouvaient les parties pour y répondre violaient les exigences du contradictoire donc du procès équitable (CEDH, 1996, Vermeulen c/ Belgique sur cour cass belge). Par contre la CEDH estime que la procédure devant le JA ne viole pas ce principe dès lors que les parties peuvent répondre aux conclusions du rapporteur public par une note en délibéré – ce qui est le cas.

Dans une décision Marc-Antoine c. France adoptée le 4 juin 2013, la Cour européenne des droits de l’homme a levé une sérieuse menace conventionnelle qui pesait sur l’avenir du rapporteur public français. De manière inédite, la juridiction européenne a en effet tranché une question cruciale : le fait

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que seul le rapporteur public, et non les parties à l’instance, obtienne communication du projet de décision du conseiller rapporteur viole-t-il le droit au procès équitable (Art. 6) ? Une réponse positive aurait assurément bouleversé profondément le contentieux administratif, en risquant de marginaliser le rapporteur public. Mais c’est par la négative que la Cour a répondu : « le requérant ne saurait prétendre avoir été placé, du fait de la communication du projet de décision du conseiller rapporteur au rapporteur public, dans une situation contraire aux exigences de l’article 6 § 1 de la Convention » (§ 37). Cela pérennise l’institution.Dans un arrêt (CE 21 juin 2013, Communauté d'agglomération du pays de Martigues, n°352427), le Conseil d’Etat a décidé que le rapporteur public, qui a pour mission d'exposer les questions que présente à juger le recours sur lequel il conclut et de faire connaître, en toute indépendance, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l'espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient, prononce ses conclusions après la clôture de l'instruction à laquelle il a été procédé contradictoirement. L'exercice de cette fonction n'est pas soumis au principe du caractère contradictoire de la procédure applicable à l'instruction. Il suit de là que, pas plus que la note du rapporteur ou le projet de décision, les conclusions du rapporteur public - qui peuvent d'ailleurs ne pas être écrites - n'ont à faire l'objet d'une communication préalable aux parties. Celles-ci ont en revanche la possibilité, après leur prononcé lors de la séance publique, de présenter des observations, soit oralement à l'audience, soit au travers d'une note en délibéré. Ainsi, les conclusions du rapporteur public permettent aux parties de percevoir les éléments décisifs du dossier, de connaître la lecture qu'en fait la juridiction et de saisir la réflexion de celle-ci durant son élaboration tout en disposant de l'opportunité d'y réagir avant que la juridiction ait statué. Mais, surtout, dans cette décision, le Conseil d’Etat précise que la communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions de la partie réglementaire du code de justice administrative, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré , que, en conséquence les parties ou leurs mandataires doivent être mises en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire , notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La juridiction précise que cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public et que, par ailleurs, pour l'application de ces dispositions et eu égard à leurs objectifs, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir.

Le Conseil d’État a ensuite précisé, dans le prolongement de cette jurisprudence, que l’exigence de communication préalable du sens des conclusions du rapporteur public inclut la réponse préconisée à une demande d’injonction. CE 20 octobre 2014, Commune de Rueil-Malmaison, n°371493.

Plus récemment, il a précisé la portée de la jurisprudence « Communauté d'agglomération du pays de Martigues ». Dans une affaire, le rapporteur public avait, sans en prévenir les parties à titre préalable, modifié le sens de ses conclusions lors de l’audience en proposant de rejeter la requête sur le fond et non pour irrecevabilité, comme cela avait été indiqué de manière préalable à la tenue de l’audience. La décision juridictionnelle n’a cependant pas été annulée parce que, eu égard aux « circonstances de l’espèce », a jugé le Conseil d’Etat, le fait que l’avocat des requérants n’a pas, lors de l’appel, signalé le changement de sens des conclusions du rapporteur public au regard de celui préalablement communiqué aux parties, dans ses observations orales ou dans une note en délibéré et ce, alors qu’il lui était loisible de le faire, ne peut conduire à considérer que « l’irrégularité invoquée [serait] tenue pour établie ». CE 1er octobre 2015, M. et Mme C., n° 366538. La solution de l’arrêt présenté atténue donc de manière significative la portée de l’arrêt « Cté d’agglomération du pays de Martigues », précité, puisque si

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le requérant ou son conseil ne signalent pas le soudain changement de sens des conclusions prononcées lors de l’audience, ils ne pourront pas par la suite se prévaloir de cette irrégularité pour demander l’annulation de la décision juridictionnelle.