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METTRE EN ŒUVRE L’INVESTIGATION EN CLASSE A PARTIR D’UNE “ VRAIE QUESTION ” L’exemple de l’Alignement du XXIème siècle Carole Le BeLLer Marie-Pierre LeBaud Irem de rennes reperes - irem. N° 97 - octobre 2014 En lien avec le thème de ce numéro spé- cial, nous présentons une activité bâtie à par- tir de l’étude d’une œuvre d’art. Nous exposons d’abord des points rete- nus comme importants, pour délimiter ce qui relève de la démarche d’investigation. Nous présentons ensuite la situation que nous avons expérimentée dans plusieurs classes : « l’Alignement du XXIème siècle ». Nous posons enfin la question de la possi- bilité de diffusion et de la réussite du trans- fert de cette situation. I. — Introduction L’emploi de démarches d’investigation (dI) dans l’enseignement des mathématiques a donné lieu à de nombreux travaux de recherche (Loisy et al. 2010). Cependant, pour les professeurs de collège, la mise en œuvre de dI reste déli- cate. Quelles ressources peuvent être utilisées pour préparer un enseignement selon des dI ? Quand peut-on considérer que les élèves pra- tiquent réellement l’investigation, en mathé- matiques ? Quelles ressources peut-on conce- voir et diffuser pour soutenir la mise en place de dI ? Ce sont les questions que notre grou- pe 1 étudie à l’Irem de rennes. 7 Résumé : Nous présentons une des activités produites par un membre du groupe de l’Irem de rennes ayant pour objectif de concevoir des ressources contribuant à la mise en œuvre de démarches d’inves- tigation par les professeurs de collège. Après avoir précisé ce que nous appelons démarche d’investigation, nous verrons comment cette situation est présentée pour mettre les élèves en situa- tion de recherche, quel y est le rôle/la place de l’enseignant, comment la dévolution se fait et quelles notions mathématiques ou transverses sont réinvesties ou introduites via cet « Alignement ». 1 Sonia Grodowski (Collège évariste Galois, Montauban - 35), Ghislaine Gueudet (CrEAd, éSPé-universit é de Bretagne occi- dentale), Carole Le Beller (Collège les ormeaux, rennes - 35), Marie-Pierre Lebaud (CrEAd, université de rennes 1), Yann rouault (Collège jean Charcot, Saint-Malo - 35), Christophe Pépino (Collège jean Macé, Saint-Brieuc - 22)

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METTRE EN ŒUVRE L’INVESTIGATION EN CLASSE A PARTIR D’UNE “ VRAIE QUESTION ”

L’exemple de l’Alignement du XXIème siècle

Carole Le BeLLer

Marie-Pierre LeBaud

Irem de rennes

reperes - irem. N° 97 - octobre 2014

En lien avec le thème de ce numéro spé-cial, nous présentons une activité bâtie à par-tir de l’étude d’une œuvre d’art.

Nous exposons d’abord des points rete-nus comme importants, pour délimiter cequi relève de la démarche d’investigation.Nous présentons ensuite la situation quenous avons expérimentée dans plusieursclasses : « l’Alignement du XXIème siècle ».Nous posons enfin la question de la possi-bilité de diffusion et de la réussite du trans-fert de cette situation.

I. — Introduction

L’emploi de démarches d’investigation(dI) dans l’enseignement des mathématiquesa donné lieu à de nombreux travaux de recherche(Loisy et al. 2010). Cependant, pour les professeursde collège, la mise en œuvre de dI reste déli-cate. Quelles ressources peuvent être utiliséespour préparer un enseignement selon des dI ?Quand peut-on considérer que les élèves pra-tiquent réellement l’investigation, en mathé-matiques ? Quelles ressources peut-on conce-voir et diffuser pour soutenir la mise en placede dI ? Ce sont les questions que notre grou-pe 1 étudie à l’Irem de rennes.

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Résumé : Nous présentons une des activités produites par un membre du groupe de l’Irem de rennesayant pour objectif de concevoir des ressources contribuant à la mise en œuvre de démarches d’inves-tigation par les professeurs de collège. Après avoir précisé ce que nous appelons démarched’investigation, nous verrons comment cette situation est présentée pour mettre les élèves en situa-tion de recherche, quel y est le rôle/la place de l’enseignant, comment la dévolution se fait et quellesnotions mathématiques ou transverses sont réinvesties ou introduites via cet « Alignement ».

1 Sonia Grodowski (Collège évariste Galois, Montauban - 35),Ghislaine Gueudet (CrEAd, éSPé-université de Bretagne occi-dentale), Carole Le Beller (Collège les ormeaux, rennes - 35),

Marie-Pierre Lebaud (CrEAd, université de rennes 1), Yannrouault (Collège jean Charcot, Saint-Malo - 35), ChristophePépino (Collège jean Macé, Saint-Brieuc - 22)

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II. — L’investigation en mathématiques au collège ?

Les programmes de mathématiques2 mis enplace en France au collège à la rentrée 2009, dansla continuité des programmes de primaire, met-tent en avant les démarches d’investigation (dI).

dans l’introduction commune aux disci-plines scientifiques, la succession non-linéaire,et des allers-retours souhaitables, de sept momentsessentiels d’une séquence d’investigation consti-tuée en général de plusieurs séances relatives àun même sujet d’étude sont identifiés et détaillés.En mathématiques, dans le préambule pour lecollège, il est précisé : « Au collège, les mathé-matiques contribuent, avec d’autres disciplines,à entraîner les élèves à la pratique d’unedémarche scientifique. L’objectif est de développerconjointement et progressivement les capacitésd’expérimentation et de raisonnement, d’ima-gination et d’analyse critique. Elles contribuentainsi à la formation du futur citoyen. À traversla résolution de problèmes, la modélisation dequelques situations et l’apprentissage progressifde la démonstration, les élèves prennent conscien-ce petit à petit de ce qu’est une véritable acti-vité mathématique : identifier et formuler un pro-blème, conjecturer un résultat en expérimentantsur des exemples, bâtir une argumentation,contrôler les résultats obtenus en évaluant leurpertinence en fonction du problème étudié, com-muniquer une recherche, mettre en forme unesolution. ». L’accent est mis sur l’esprit dedécouverte et de recherche de l’élève. Aucuneforme de travail (en groupe, seul) n’est impo-sée. Cela dit, « les modes de gestion des regrou-pements d’élèves, du binôme au groupe-classeselon les activités et les objectifs visés, favori-sent l’expression sous toutes ses formes et per-mettent un accès progressif à l’autonomie. »

Quand peut-on considérer que les élèves pra-tiquent l’investigation en classe de mathéma-tiques au collège ? différents critères doiventêtre pris en compte comme l’ont montré lesrecherches sur cette question (Matheron, 2010).Gueudet & Lebaud (2012) ont montré, dans unesynthèse de la littérature de recherche concer-nant la formation des enseignants aux dI, queles travaux sur ce sujet identifient deux dimen-sions des dI : d’une part questionner le réel etfaire le lien entre le réel et les concepts scien-tifiques, d’autre part, « mener une enquête ».définir le réel dans la classe de mathématiquesn’est pas aisé : est-ce modéliser une situationissue de la « vie courante » ? Est-ce une situa-tion familière aux élèves ? Est-ce la possibili-té de manipulations ? Le « réel » qu’il convien-drait de prendre en compte serait alors plutôt« à quel point la question posée est-elle pourles élèves une réelle question » ? dans cette pers-pective, la manipulation peut, bien entendu,jouer un rôle. Cependant, dans certains cas,les élèves ne peuvent pas mener d’expérimen-tations  ; mais on considérera tout de mêmequ’ils pratiquent l’investigation, s’ils sont impli-qués dans la recherche d’une solution. Ilsmènent alors une enquête dans le sens où ils recon-naissent les questions pertinentes et doiventtrouver les moyens d’y répondre.

un élément central dans la mise en pratiqueen classe de dI est la place de la preuve danscet enseignement. Peut-on pratiquer une dI quine débouche pas sur une démonstration ? Cettequestion est spécialement sensible au collège oùdémarre l’apprentissage de la démonstration. L’acti-vité que nous présentons a été faite en classe detroisième où les preuves ont pu être faites.

III. — Une situation partant d’une question

une sculpture intrigue les passants dans unquartier rennais en pleine expansion. tout2 Extrait des programmes du collège, programmes de

l’enseignement de mathématiques, Bulletin officiel spé-cial n°6 du 28 août 2008

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d’abord, elle paraît petite puis, de l’intérieur, dansl’espace, elle est monumentale. tout d’abord,elle paraît mathématiquement simpliste puis, vuedu ciel et vue de la terre, elle est d’une grandecomplexité scientifique et d’une extraordinai-re richesse d’esprit. Polémique à sa création, elleest désormais au centre d’un quartier qui laprotège. Cette sculpture est celle d’AurelieNemours. Beaucoup ne la connaissent pas.Qu’est-ce que l’Alignement du XXIème siècle ?

III. 1 Genèse et évolution de l’idée de la situation

1. Proposition de l’étude de l’œuvre en his-toire des arts au collège (mathématiques– arts plastiques) et présentation som-maire de l’œuvre

En 2010, au collège public Les ormeauxde rennes, Andrée Chapalain, professeured’arts plastiques, sollicite Carole Le Beller,professeure de mathématiques, pour travaillerensemble en histoire des arts avec une classede troisième sur les thématiques « Arts, ruptures,continuités » et « Arts, espace, temps ». d’unepart, elle propose de travailler sur des œuvresd’arts de Georges Folmer (1895-1977) et d’autrepart sur l’Alignement du XXIème siècle d’Aure-lie Nemours (1910-2005).

Ces deux artistes peintres français appar-tiennent, de 1960 à 1965, au même grouped’artistes Mesure, fondé par Georges Folmer pourrassembler les artistes se réclamant de l’abstractiongéométrique : ordre, harmonie et pureté, dansl’esprit d’atteindre la synthèse des arts commeforme d’universalité.

réalisée à rennes en 2004-2005 « L’Ali-gnement du XXIème siècle » d’Aurelie Nemoursest une sculpture composée de soixante-douzecolonnes de granit. Parallélépipédiques rectanglesà base carrée, hautes de 4,5 m et larges de

90 cm, ces colonnes sont disposées selon unegrille régulière 8 lignes (espacées de 2,7 m l’unede l’autre) par 9 lignes (espacées de 1,8 m l’une de l’autre). Cette œuvre est orien-tée de telle façon que les colonnes et leurombre soient alignées à midi solaire et que lavue de dessus compose un dessin de lignessombres parallèles entrecoupées de carrésclairs. Aurelie Nemours a peint des carrés etdes rectangles pendant plus d’une quarantai-ne d’années. Elle bannissait l’oblique et lacourbe. Sa seule sculpture est l’Alignement duXXIème siècle. Elle correspond au troisièmeprojet imaginé par Aurelie Nemours. Le pre-mier est un cube de trois mètres par troismètres constitué de soixante-douze colonnescomme l’Alignement actuel, mais dans lequelil est impossible de se promener. Après avoirarpenté les Alignements de Carnac, elle ima-gine son second projet semblable à l’Aligne-ment actuel sauf que la hauteur des colonnesest de 3,6 m au lieu de 4,5 m actuellement. Aufinal, l’Alignement est une mise en espace del’une de ses toiles issue d’une série : « le ryth-me du millimètre » 3, fait à partir d’un travailsur des formes géométriques minimales dontle carré défini comme le centre d’une croix (cf.fig. 1 page suivante).

2. Une première activité ne privilégiant pasde démarches d’investigation

La première activité proposée aux élèvesde troisième ne privilégie pas de démarchesd’investigation. En classe de mathématiques, elleconsiste d’une part en la recherche simple d’uneéchelle de réduction et de ses calculs pour laconstruction d’une maquette du monument, etd’autre part en la coréalisation de la maquetteavec deux classes de sixième.

3 : Cf. photographie d’Aurelie Nemours avec l’une de sestoiles à l’adresse : http://www.galerie-la-ligne.ch/—bien-venue/les-artistes/nemours-aurelie.html

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Fig. 1 – Modélisations géométriques du carré cœur d’une croix

Fig. 2 – Photographie de l’Alignement du XXIème d’Aurelie Nemours

Fig. 3 – Photographies de la maquette à l’échelle de l’Alignement du XXIème construite par des élèves de 6ème et de 3ème du collège public les Ormeaux en 2010-2011

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3. Un projet privilégiant une démarche d’investigation

En 2011, le travail collaboratif mathéma-tiques – arts plastiques pour l’étude de l’œuvreest reconduit. En classe de mathématiques, ladémarche d’investigation est privilégiée. Lepoint de départ de la situation est une simplequestion posée, en devoir maison, aux élèvesde troisième du Collège public les ormeaux derennes : « Qu’est-ce que l’Alignement duXXIème siècle » ? Lors du cours suivant, unemise en commun des réponses est faite, puis laprofesseure demande aux élèves : « Quelles ques-tions vous posez-vous, à propos de cet aligne-ment  ? » élèves et enseignante trient alorsensemble les questions selon le critère : « À quellesquestions, les mathématiques permettent-ellesde répondre ? » Par exemple, « Pourquoi soixan-te-douze colonnes et pas trois ? Les ombres àmidi se rejoignent-elles d’une colonne à l’autre ?Pourquoi ces intervalles entre les colonnes ? »sont retenues comme questions mathématiques.En revanche, la question « Pourquoi des colonnesen granit  ? » n’est pas retenue, mais trouveune réponse ultérieurement.

L’enseignante présente alors des extraits d’unfilm documentaire 4 sur Aurelie Nemours per-mettant de répondre à la plupart des questions« non-mathématiques » dont celle du granit, maisentraînant également d’autres questions. Enparticulier, le chiffre 9 apparaît beaucoup dansl’œuvre d’Aurelie Nemours et ce fait va être lepoint de départ de la première activité derecherche pour les élèves. Les questions rete-nues comme mathématiques sont ensuite étu-diées par groupes de trois ou quatre élèves enclasse, avec à disposition des ordinateurs, sur

plusieurs séances, non consécutives. Les notionstravaillées à cette occasion comprennent : la tri-gonométrie, les fonctions, agrandissement-réduction, géométries plane et de l’espace, sys-tèmes sexagésimal et décimal, etc. Lesréinvestissements de notions préalablementétudiées sont nombreux. un travail en parallè-le sur l’abstraction géométrique et sur les artsde l’espace est fait en classe d’arts plastiques.La situation prend une dimension de projetpédagogique à dominante mathématique quiest reconduit les deux années suivantes avecquelques variantes.

III.2. Description de quelques phases du projet

Le projet se déroule au fur et à mesure en fonc-tion des questions des élèves. Les phases décritesci-après sont agencées à titre indicatif puisqu’ellessont celles correspondant aux questions des élèvesposées à quelque chose prêt dans cet ordre les deuxannées de sa mise en œuvre. Cette année 2013-2014, le projet, en cours de réalisation, se voit quelquepeu modifié dans son démarrage. Nous en ver-rons une raison dans le point VI.

À l’intérieur de ses phases, le professeuradapte l’organisation pédagogique à l’objectifdu moment : parfois en classe entière, parfois indi-viduel, parfois en groupe de trois ou quatre élèves,parfois en salle informatique avec soit un ordi-nateur par élève ou par binôme ou par groupe.

1. Les nombres et le chiffre 9

dans cette phase, par groupes de troisou quatre, les élèves recherchent le chiffre 9dans l’œuvre. dans le documentaire, il estprécisé que l’œuvre est basée sur les nombres,et que le chiffre 9 est à la base de toutes lesdimensions de la sculpture. très vite, ils leretrouvent : chaque carré de base d’une colon-ne mesure 9 dm, la hauteur d’une colonne est

4 références du film documentaire de 26 min : Chevrel,A., Montivault, A., « Aurelie NEMOURS - Une œuvreentre ciel et terre », coproduction : Vivement Lundi !, TVRennes, France 3 Ouest avec la participation de RégionBretagne, CNC, Ville de Rennes, DRAC Bretagne, 2006.

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45 dm, les intervalles entre les colonnes sontde 27 dm ou de 18 dm. Ce travail de recherchedu chiffre 9 pourrait être fait dans une clas-se de début collège. En troisième, ils s’amu-sent à essayer de trouver des correspondancesavec les diagonales du terrain rectangulaire,son périmètre et son aire, le volume descolonnes, etc. La deuxième année de la miseen œuvre du projet, certains élèves ont mêmeutilisé l’égalité de Pythagore pour essayer detrouver le nombre d’or dans l’Alignement.Cette idée leur est venue à la suite de l’étuded’une œuvre de Georges Folmer en classe demathématiques. une nouvelle question estposée : « Pourquoi le chiffre 9 ? ». La professeureprend l’initiative de contacter AdelbertoMECArELI, sculpteur - artiste très proched’Aurelie Nemours et chargé, par elle, dusuivi de la réalisation. Lors de l’entretientéléphonique, Adelberto MECArELLI précisequ’il ne faut pas voir en le choix du chiffre 9une intention ésotérique de la part d’AurelieNemours. Entre 9 mm et 10 mm, il y a lemillimètre. Aurelie Nemours travaillait sur le« rythme du millimètre ».

Même si les élèves ne le savent pas enco-re à ce moment, cette petite activité de recherchesur le chiffre 9 leur sert pour la suite de leurinvestigation : lors de l’étude de la longueurdes ombres portées sur le sol et les colonnessuivantes.

La maquette en papier peut également êtreun objectif à ce niveau : l’élève doit faire un patrond’un pavé droit. Elle permet aussi de travaillersur la notion d’échelle, en lien en particulier avecle chiffre 9 qui peut servir d’unité.

2. Modélisations informatiques

Pour visualiser et étudier l’œuvre vue dedessus, les élèves l’ont modélisée au moyend’un logiciel de géométrie dynamique plane

GeoGebra. très vite, ils vont chercher desoutils mathématiques permettant de tracerrigoureusement et rapidement les soixante-douze carrés (les colonnes vues de dessus). Pource faire, en respectant la définition du carréd’Aurelie Nemours (le carré est le centre d’unecroix), ils réinvestissent des connaissancesantérieures (cercles, carrés, médiatrices, symé-tries axiales, symétries centrales) pour pouvoirensuite exploiter au mieux leur modélisation(utilisation de la géométrie dynamique) et évi-ter un travail répétitif.

Mais la représentation des ombres pose alorsproblème. Pour pouvoir les déterminer et voirsi les dimensions choisies par l’artiste, enl’occurrence hauteur et espacements descolonnes, permettent effectivement à l’ombred’une colonne d’atteindre la suivante, cer-tains élèves se lancent alors dans une vue decôté (cf. fig. 5) et représentent les rayons dusoleil par des droites concourantes ou desdroites parallèles.

Fig. 4 – Une modélisation plane de l’Alignementdu XXIèmesiècle vue de dessus réalisée avec

le logiciel de géométrie dynamique GeoGebra

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d’autres élèves choisissent d’utili-ser le logiciel SketchUp (cf. fig. 6) qui per-met de modéliser, à l’échelle, des objets

en 3d et de représenter les ombres por-tées pour une position terrestre et uneheure données.

Fig. 6 – Une modélisation en dimension trois de l’Alignement du XXIème siècle réalisée par un élève avec le logiciel SketchUp

Fig. 5 – Une modélisation plane de l’Alignement du XXIème siècle vue de côté réalisée par une élève avec le logiciel de géométrie dynamique GeoGebra

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Avant la séance d’investigation suivante,la professeure regarde les fichiers des élèves enre-gistrés sur le réseau d’établissement pour déce-ler les erreurs, anticiper les réactions des élèveset trouver des modifications possibles pourlever ou contourner les erreurs. dans le cas dela modélisation avec SketchUp, la premièreannée de mise en œuvre du projet, la professeures’est approprié le logiciel entre deux séances.

La séance suivante, lors du point de syn-thèse, avec le vidéoprojecteur, la professeuremontre à la classe des productions d’élèves. Lesréactions de la plupart des élèves sont rapides.

La modélisation plane vue de côté, réaliséepar une élève, n’a de sens que si on repousse lepoint de concours (le soleil) suffisamment loinpour que les droites (les rayons du soleil) sem-blent parallèles. Sur la proposition des élèves etguidée par eux, la professeure fait une manipulationapproximative avec le logiciel de géométriedynamique. de nouvelles questions sont posées :« À quelle distance doit-on l’éloigner ? », « Àquelle hauteur doit-on le placer ? ».

La modélisation en dimension trois, réa-lisée par un élève, fait apparaître des ombressaccadées, pas complétement alignées. L’élève,auteur de la modélisation, précise qu’il n’apas réussi à faire en sorte qu’elles soient nettes.La professeure donne alors l’astuce d’utilisa-tion du logiciel SketchUp pour régler l’heureet la date. une correction est rapidement appor-tée par les élèves pour tenir compte de l’heured’hiver, mais des essais sur SketchUp montrentque cela ne convient pas. Les élèves s’interrogentalors et l’enseignante leur parle de la notion demidi solaire. Il vient alors encore de nouvellesquestions : « Qu’est-ce que midi solaire ? » et« En quoi ce paramètre est-il important dansSketchUp pour modéliser l’Alignement duXXIème siècle ? » de nouvelles recherches surle web commencent. un «  point stop  » est

animé par la professeure pour échanger surles documents trouvés, faire le tri afin de neconserver que ceux qui peuvent être comprispar les élèves, et au fil des échanges, « défai-re » les idées préconçues avec la participationdes élèves. Par exemple, nombreux sont les élèvesà penser que le soleil à rennes peut être au-des-sus de leur tête à midi solaire, et qu’il peut nepas y avoir d’ombre. Cette idée erronée vienttout simplement du fait qu’ils ne s’étaient pasréellement posés la question auparavant.

3. Géolocalisation et midi solaire

dans les deux modélisations plane et de l’espa-ce, les élèves ont besoin de connaître la hauteurmaximale du soleil et donc de géolocaliser l’Ali-gnement. Le logiciel Google Earth permet dedonner la réponse (cf. fig. 7). L’Alignementn’a pas été aligné par rapport aux rues avoisi-nantes. Cette orientation précise nord-sud est renduvisible par le logiciel Google Earth. dans le docu-mentaire, il est précisé que l’ombre portée vientexactement se caler sur la colonne suivante à midisolaire tout au long de l’année. Le terrain est orien-té pour que le soleil éclaire les huit premièrescolonnes de face au sud.

Fig. 7 – Copie d’écran de la vue de dessus de l’Alignement avec Google Earth

à une heure qui n’est pas midi solaire

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de nouvelles questions apparaissent : « Àquoi correspondent les degrés, minutes etsecondes dans la mesure de latitude et longi-tude ? », « En quoi ces degrés sont-ils impor-tants dans l’Alignement ?». C’est alors d’unepart l’occasion pour les élèves de s’exercersur les conversions entre les systèmes décimalet sexagésimal, et d’autre part, la nécessitéd’expliciter pour la professeure ce qu’est la hau-teur du soleil à partir des documents trouvéssur le web par les élèves. Cette dernière par-tie, conduite par la professeure, fait mobiliseraux élèves des compétences d’utilisation du cal-cul littéral. Ils arrivent ainsi à calculer les hau-teurs minimale et maximale du soleil en degrésà l’Alignement en utilisant la latitude du lieu.Les hauteurs du soleil sont calculées à partirdes formules ci-après :

hmin = 90° – ϕ – δ et hmax = 90° – ϕ + δ

avec la latitude du lieu ϕ ≈ 48°7’49,53”, etavec δ la déclinaison du soleil δ ≈ 23°26’.

Ainsi :

hmin ≈ 18,43° et hmax ≈ 65,3°.

La modélisation simplifiée ci-contre per-met de comprendre le calcul de la hauteur dusoleil la plus grande à l’Alignement avec la décli-naison du soleil donnée.

La notion de hauteur du soleil une foiscomprise, les modélisations numériques planesdes élèves sont rectifiées (cf. fig. 9), et serventà observer la variation de la longueur des ombresportées pour une hauteur de soleil variant entre18,43° et 65,3°. Par contre, la rectificationhoraire de la modélisation dans SketchUp n’esttoujours pas trouvée. Nouveau problème  :« Comment déterminer le midi solaire sur le lieude la sculpture ? ». Le travail se poursuivra alorsavec la lecture d’éphémérides.

Fig. 8 – Modélisation de la hauteur du soleilla plus grande à midi solaire sur le lieu de

l’Alignement du XXIème siècle réalisée avecGeoGebra (affichage décimal)

Fig. 9 – Modélisation de l’Alignement du XXIème siècle vue de côté à la hauteur du soleilmaximum de 65,3° réalisée avec le logiciel de géométrie dynamique GeoGebra

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La première année de mise en œuvre du pro-jet, les éphémérides pour l’année 2012 à l’Ali-gnement du XXIème siècle, issues du site de l’Ins-titut de Mécanique Céleste et de Calcul desEphémérides (IMCCE)5, sont données en clas-se par la professeure. La seconde année, ellessont cherchées sur Internet en salle informatique.Leur recherche pourrait être faite en géographie.A partir de celles-ci, par lecture, les hauteurs dusoleil (minimum et maximum), calculées par lesélèves, sont confirmées. Les dates et les heuressolaires pouvant être lues, la modélisation 3davec SketchUp (cf. fig. 10) est rectifiée au vidéo-projecteur par la professeure les deux années deprojet. Ces rectifications faites, correspondantdésormais à la réalité de la situation, la modé-lisation permettra aux élèves d’émettre desconjectures sur les ombres portées des colonnes.

4. La longueur des ombres portées et preuves

Les deux modélisations numériques planeset de l’espace, désormais assez rigoureuses,permettent de déterminer la longueur des ombresportées des colonnes en fonction de la hauteurdu soleil. toute l’année, à midi solaire, lesombres portées viennent se caler entre lescolonnes. Au maximum de la hauteur du soleil,

l’ombre portée est la plus courte. Cette longueurest déterminée à l’aide des modélisations  :environ 207 cm.

La professeure insiste auprès des élèves pouren faire la preuve. La première année du pro-jet, la professeure conduit ce moment. La secon-de année, il est un temps de résolution d’une tâchecomplexe. dans les deux cas, des exercicestechniques de trigonométrie ont été faits aupréalable. Avec la trigonométrie, la longueur desombres portées en fonction de la hauteur du soleilsont calculées. Lorsque la hauteur est la plus gran-de (le soleil le plus haut 65,3°), la longueur del’ombre portée L d’une colonne à l’autre est laplus courte : environ 2,07 m.

L = ≈ 2,07 .

Le résultat est donc prouvé.

toujours avec la trigonométrie, guidés parla professeure, les élèves prouvent que la hau-teur minimale des colonnes pour que l’ombreportée rejoigne la colonne suivante doit être de1,8 tan 65,3, donnant par excès 3,92 m. Les élèvesréagissent : cela signifie qu’avec une hauteur decolonne de 3,6 m, deuxième projet d’Aurelie

4,5tan 65,3

Fig. 10 – Modélisation en dimension trois de l’Alignement du XXIème siècle à midi solaire, réalisée avec le logiciel SketchUp

5 IMCCE : http://www.imcce.fr/fr/ephemerides/phenomenes/rts/rts.php

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Nemours, l’ombre inférieure à 1,8 m, l’artisten’aurait pas eu son tableau souhaité vu du cieltoute l’année à midi solaire (cf. fig. 11).

En effet L = ≈ 1,7 < 1,8 .

des élèves se posent assez naturellementla question suivante : « Quelle doit être la hau-teur minimale des colonnes pour obtenir uneombre portée d’au moins 1,8 m à midi solaireen fonction de la hauteur du soleil ? ». La pre-mière année du projet, les élèves souhaitentfaire des tests en papier cartonné. Ce souhait n’apas été exprimé la deuxième année. Ils réalisentdes colonnes de hauteurs différentes. Par simu-lation du soleil avec une lampe torche, cer-tains ont une vague idée du résultat : environ4 m. Etant difficile en classe de troisième, larecherche de la preuve est guidée par la pro-fesseure, qui propose une courbe à la séance sui-vante (cf. fig. 12 au verso).

Lorsque le soleil est le plus haut sur l’Ali-gnement à midi solaire (65,3°), la hauteur mini-male des colonnes se calcule :

f(65,3) ≈ 3,913 480 679.

3,6tan 65,3

La hauteur minimale des colonnes doit être de3,92 m pour obtenir le tableau vu du ciel à midisolaire toute l’année. Le résultat donne l’occasion de faire réfléchir les élèves sur lesens de l’arrondi. Si la valeur arrondie 3,91 mest choisie, vue du ciel, une fine bande ensoleilléeau bord de huit colonnes sur neuf d’une ligne exis-terait, mais elle ne serait peut-être pas vue du cielà l’œil nu. La preuve est faite que le secondprojet d’Aurelie Nemours (hauteur des colonnes :3,6 m) n’aurait pas permis d’obtenir le même tableauvu du ciel à midi solaire toute l’année commele permet l’Alignement du XXIème siècle actuel.

5. Modélisation 3D : maquette test

Les colonnes parallélépipédiques rectanglesà base carrée faites en papier cartonné à l’échel-le 1/50 constituent le début d’une maquette.une nouvelle question d’élèves est posée : « Ya-t-il d’autres solides possible permettant d’obte-nir le même tableau vu du ciel ? ». L’investi-gation semble sans fin. de nouveaux solides vontêtre construits. Pour ce faire, la professeurerappelle les contraintes à conserver : le tableau

Fig. 11 – Extraits de la modélisation en dimension trois du second projet de l’Alignement avec descolonnes de 3,6 m de hauteur à midi solaire, réalisée avec le logiciel SketchUp – vue de dessus et zooms

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vu du ciel à midi solaire tout au long de l’année et le ryth-me du nombre 9 d’Aurelie Nemours (les intervalles de 1,8m, la hauteur des colonnes de 4,5 m et la longueur du côtéde leur base carrée 90 cm).

Lors des tests, un solide (à tourner dans l’autre sens)correspondant aux contraintes ci-dessus a été trouvé par

Corentin P., élève de troisième(cf. fig. 13). Il s’agit d’un pavédroit sectionné par un plan for-mant un angle avec la parallèleau sol. Cet angle est variablemais a un maximum afin que lasection soit entièrement éclai-rée. Certains solides, originaux,posent question quant à leurombre (cf. fig. 14).

Fig. 12 – Courbe réalisée avec le logiciel Sine qua non

Fig. 13 et 14 – Photographies de solides réalisés par les élèves

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Le solide de la figure 13 est analysé en résol-vant un problème proposé, en devoir maison,par la professeure. Les connaissances en jeu peu-vent être : les angles alternes-internes égaux, latrigonométrie, le théorème de thalès, la géo-métrie dans l’espace, sections d’un prismedroit, égalité de Pythagore, perspective cava-lière, patron.

Il se révèle qu’il existe une infinité d’autressolides possibles (cf. fig.15 gauche). Mais,pour correspondre à l’art d’Aurélie Nemours etles contraintes de l’Alignement, ils doiventêtre inscrits dans un pavé droit de dimensions0,9 m × 0,9 m × 4,5 m, et les coupes inté-rieures possibles ne peuvent être qu’en angledroit (cf. exemples fig. 15 droite).

Fig. 15 – Représentations en perspectivecavalière de prismes

Les travaux réalisés par les élèves sont dequalité. rassemblés dans une même maquette,on y sent le fruit d’un travail motivé, voirepour certain(e)s élèves, passionné.

6. Aller plus loin, nos soixante-douze obé-lisques bretons… Et évaluation

une autre idée de recherche peut être anti-cipée par le professeur. Les savoirs et savoir-

faire en jeu seraient : la géométrie dans l’espa-ce (sphère, latitude, longitude) et la trigonométrie(Eratosthène). A midi solaire, le soleil frappeles huit premières colonnes et l’ombre vient secaler dans les intervalles entre les colonnessuivantes. En fait, l’Alignement se comportecomme un gnomon (cadran solaire simple). EnAngleterre, un obélisque à durham et aussi legrand monument mégalithique Stonehengepourraient être utilisés en lien avec notre Ali-gnement du XXIème siècle, en s’inspirant dela méthode du mathématicien grec Eratosthè-ne qui avait calculé une approximation de la cir-

Fig. 16 et 17 – Photographies d’une desmaquettes réalisée au Collège les Ormeaux.

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conférence de la terre à l’aide de deux obélisquesd’Egypte : l’un à Syène (Assouan) et l’autre àAlexandrie.

Lors d’une évaluation en temps limité, unexercice a porté sur l’ombre portée et la trigo-nométrie. Le dernier problème à faire à la mai-son, ainsi que la représentation en perspectivecavalière et le solide à construire, ont été éva-lués (évaluation sommative).

Les retours des élèves ayant vécu le pro-jet sont très positifs. La première année, undiaporama6, relatant l’expérience est produit parla professeure. Les élèves, trouvant qu’il cor-respondait bien à la réalité, ont souhaité enavoir une copie sur cd.

Six élèves (la première année) et dix (la se-conde année) ont choisi « L’Alignement duXXIème » d’Aurelie NEMourS à l’épreuved’histoire des arts du dNB. Ceux interrogés surle sujet ont tous été évalués très favorablement.

IV. — Le rôle de médiateur du professeur

des mises en commun du travail fait sontrégulièrement organisées par le professeur afinque chacun bénéficie de l’apport des rechercheset des interrogations des autres groupes. La pre-mière année, la preuve mathématique du faitque la hauteur des colonnes et leur espacementpermet bien de recréer le tableau vu du ciel estfaite par le professeur à partir des résultats obte-nus par les élèves. La seconde année, la preuvedevient une tâche complexe à résoudre. Au coursdu travail, de nombreuses connaissances mathé-matiques sont réinvesties : notion d’échelle pourla modélisation, proportionnalité pour l’interprétationdes mesures de longitude, constructions géo-métriques utilisant des transformations planes lors

de la modélisation de la vue de dessus, trigono-métrie, etc. de nouveaux savoirs sont égale-ment nécessaires : la notion de fonction, ou aumoins de dépendance fonctionnelle, va être intro-duite par le professeur afin de calculer la hau-teur minimale d’une colonne, pour avoir uneombre portée qui rejoigne la colonne suivante,en fonction de la hauteur du soleil.

dans cette situation, l’usage des mathé-matiques s’impose de lui-même aux élèves.Pour cela, l’enseignant doit accepter de ne pasmaîtriser entièrement leurs réponses et straté-gies. Par exemple, l’emploi du logiciel SketchUpn’avait pas été anticipé par l’enseignant lors dela première mise en place de cette activité. Ilne s’agit a priori pas d’un logiciel usuel de laclasse de mathématiques, mais un grouped’élèves a choisi de l’utiliser et l’enseignant lesa suivis dans leur démarche.

tous les résultats apparus au cours de ce tra-vail peuvent être démontrés dans une classe detroisième. C’est le rôle de l’enseignant de mon-trer toutes les solutions trouvées par les élèvesà partir d’un même problème. Cependant, unequestion a suivi l’étude faite de l’ombre portée :dans l’œuvre d’Aurelie Nemours, les colonnessont de forme parallélépipédique rectangle. Cer-tains élèves se sont demandé si une autre formede solide aurait permis de reconstituer le mêmetableau par une vue de dessus. un solide cor-respondant aux contraintes de l’artiste a été trou-vé par les élèves en faisant des tests à partir demaquettes : il s’agit d’un pavé droit sectionné parun plan formant un angle avec la parallèle au sol.Cet angle n’est pas unique mais a un maximumafin que la section soit entièrement éclairée.L’enseignant a mis en évidence alors qu’il yavait, pour ce problème, plusieurs solutions pos-sibles et qu’il ne pouvait pas déterminer unestratégie pour les trouver toutes. Cela nous paraîtégalement important de proposer aux élèves desproblèmes qu’on ne sait pas entièrement résoudre.6 Site de l’Irem de rennes : http://www.irem.univ-

rennes1.fr/recherches/groupes/groupe_dI/index.htm

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V. — L’investigation dans « l’Alignement du XXIème siècle »

Les élèves sont invités à investir un problèmeet à l’explorer en référence à la réalité via lesmathématiques. La situation choisie, ici, estconcrète. Elle n’est pas issue de la vie couran-te de l’élève puisque cette œuvre d’art, bien queprésente à rennes n’est en général pas connuedes élèves. Elle devient cependant très rapide-ment une question qui a un réel sens pour eux.

Le travail commence par une recherche surInternet, faite en devoir maison, et surtout parun débat entre élèves pour savoir quelles ques-tions vont être retenues comme relevant de laclasse de mathématique. tout au long de cetteactivité, de nouvelles questions apparaissentet aucun « habillage » n’est nécessaire pour queles élèves poursuivent leur enquête et puisserépondre à la principale question initiale : « Lahauteur des colonnes, sachant qu’elle doit êtreun multiple de neuf, est-elle suffisante pour quel’ombre d’une colonne rejoigne la suivan-te  ?  ». La modélisation reste assez simplepour que les élèves la prennent en charged’eux-mêmes. Ceux-ci connaissent bien lelogiciel de géométrie plane utilisé, il n’y adonc pas eu de problème d’appropriation dela pratique de ce logiciel.

Il est cependant intéressant de noter quel’emploi de SketchUp, qui a été proposé audépart par un élève, a été ensuite adoptépar beaucoup d’autres. La modélisation entrois dimensions possible et les fonction-nalités du logiciel, qui permet de représen-ter les ombres, leur a paru plus adéquat pourrépondre à leur problème et sa prise en mainn’a finalement pas posé de difficulté. Cepen-dant, ses fonctionnalités n’ont pas caché lesoutils mathématiques nécessaires à cetterésolution. Elles ont même fait apparaître denouvelles questions dont : « Qu’est-ce que

le midi solaire ? ». L’utilisation de ce logi-ciel a été même suffisamment importante pourque l’enseignant choisisse de le proposeraux élèves lorsqu’il a refait cette activitél’année suivante.

Le rôle de l’enseignant a été de s’appuyersur les productions des élèves, comme, parexemple, sur la modélisation obtenue au moyende SketchUp pour relancer les discussions et ins-titutionnaliser les résultats obtenus. Ceci deman-de, pour l’enseignant, une grande confiance enses capacités à suivre les différentes stratégies,parfois développées au moyen d’un logicielqu’il ne connaît pas. L’enquête est menéeconjointement par les élèves et par l’ensei-gnant qui doit, alors, accepter de ne pas avoirtoutes les réponses. C’est sans doute nécessai-re pour laisser aux élèves la possibilité de se posereux-mêmes les bonnes questions.

VI. — Diffuser la situation « l’Alignement du XXIème siècle » ?

La présentation faite ci-dessus du dérou-lement de cette activité correspond à ses deuxpremières mises en place, faite par l’ensei-gnante créatrice, Carole Le Beller. La deuxiè-me année, un autre membre du groupe Irem aégalement testé cette activité dans une classede troisième, à partir des documents produits.Nous notons que les questions des élèves rejoi-gnent celles issues de la première expérience.Cet enseignant a pu travailler sur ce thèmeavec le professeur d’arts plastiques ; en parti-culier, le documentaire, présentant l’artiste etses œuvres, a été visionné pendant le cours d’artsplastiques. on peut, mais nous ne l’avons pastesté, imaginer également un travail sur lesombres avec le professeur de sciences phy-siques, ou avec le professeur de géographie pourles coordonnées d’un point sur la sphère ter-restre. Cette activité est pluridisciplinaire  :

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elle peut rester dans la classe de mathéma-tiques, mais elle gagnerait sûrement à inves-tir d’autres disciplines en accord avec les ensei-gnants concernés.

Suite à la présentation de cette activitéd’investigation lors des journées mathéma-tiques de l’IFé et du colloque de l’Irem derennes en juin 2012, deux enseignants, exté-rieurs au groupe, l’ont également testée : dansun cas avec des élèves de première Bac Pro dansle cadre de l’accompagnement personnalisé(AP), dans l’autre cas pour une classe de troi-sième réussite (élèves en très grande difficul-té). Le retour de ces deux dernières expériencesmontre que les documents produits, s’ils aidentà la mise en place de l’activité, n’ont pas tou-jours permis qu’elle se déroule effectivementsous la forme d’une démarche d’investigation.Par exemple, un des enseignants a rajouté, auxdocuments fournis, des fiches à remplir par lesélèves, orientant ainsi leur travail. dans cedernier cas, l’activité a cependant permis de mettreen place une différenciation : l’enseignant a fait,à partir des fiches qu’il avait écrit, travaillé chaquegroupe sur un thème particulier, permettantainsi de travailler plus spécifiquement cer-taines compétences.

Il est à noter que les tests faits dans notregroupe ont été réalisés dans des classes de troi-sièmes « classiques » quant au niveau scolai-re (celles du collège les ormeaux intègrent desélèves déficients visuels), alors que les deux autresexpérimentations ont été menées dans desclasses d’élèves avec des difficultés scolaires.Cette situation peut expliquer les différences dedéroulement rencontrées. dans la classe detroisième réussite, les enseignants n’ont paspu aller jusqu’au bout et se sont arrêtés à laconstruction de la maquette simple, sans réus-sir à mobiliser leurs élèves pour les problèmesposés par les ombres.

Les situations sont modifiées par les ensei-gnants qui les prennent en main, en fonction deleur contexte d’enseignement, et des interac-tions avec les élèves, et ceci est d’autant plus vrai,pour une situation au départ très ouverte. or, lamise en place de cette activité dans des contextesdifférents a permis de valoriser sa grande riches-se et ses possibilités d’adaptation à l’appétencedes élèves. En lycée professionnel, les élèves ontvoulu modéliser la sculpture avec des logicielsmais n’ont pas parlé de construction de maquet-te, alors que cette construction a été demandéepar les élèves dans les autres classes. Le problèmedes ombres a motivé certaines classes mais pastoutes. Les ressources produites pour diffuser cetteactivité présentent les différentes stratégies quepeuvent employer les élèves, tout au moins cellesque nous avons actuellement rencontrées. Maislaisser les élèves pratiquer une démarche d’inves-tigation suppose que d’autres stratégies verrontle jour pour résoudre le problème, ici présenté.un nouveau logiciel pourrait, par exemple, faireévoluer la recherche autrement. Actuellement,au collège les ormeaux, au démarrage de leurprojet, bénéficiant de tablettes prêtées par Cano-pé rennes, les élèves ont demandé à photogra-phier les ombres de différents solides pour ensui-te les étudier.

Cette activité est déclinable à plusieursniveaux scolaires : si l’on s’arrête à une maquet-te simple en dimension trois, elle peut être faiteen sixième. L’investigation porte alors sur larecherche d’une échelle adaptée. Elle pourrait êtreégalement proposée au lycée en poussant alorsl’investigation sur la recherche d’une fonctionmodélisant la longueur de l’ombre en fonctionde la hauteur du soleil. Elle offre également lapossibilité d’un travail inter-niveau : des élèvesde sixième faisant la maquette papier et lesélèves de troisième l’utilisant pour leur recherche,recherche dont ils pourraient exposer les résul-tats aux élèves concepteurs de la maquette.

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Les activités de type dI demandent beaucoupde préparation au professeur pour anticiper aumieux la grande variété possible de réponses desélèves : cette préparation est nécessaire avant la mise

en œuvre, mais aussi tout au long du déroulementde l’activité. Elle est essentielle puisque le profes-seur doit s’appuyer sur les réponses produites pourfaire avancer le travail.

BIBLIOGRAPhIE

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