Upload
others
View
6
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
Mgr Gabriel de LLOBET
Les lettres et écrits qui constituent les archives familiales des Llobet, complétées par d’autres
sources, la Quinzaine religieuse du diocèse de Gap et un certain nombre d’études et de témoignages,
ont permis à l’historien Gabriel de Llobet de retracer la vie de son grand-oncle, dont il porte les
prénom et nom, dans deux ouvrages, Un Évêque aux armées en 1916-1918, Lettres et souvenirs de
Mgr de Llobet et Mgr de Llobet, Un pasteur intransigeant face aux défis de son temps (1872-1957)1.
Comme les titres l’indiquent, ce sont les deux années vécues au front par le prélat qui sont évoquées
dans le premier, tandis que le second est une biographie complète, qui reprend, en les enrichissant, des
éléments et photos du précédent pour la période concernée, et dont a été exploité ici le seul chapitre VI
« Sur le front (1916-1918) », ces deux années correspondant à celles de sa mobilisation et à son
ministère pastoral auprès des combattants.
Après une rapide présentation du parcours de Mgr de Llobet avant sa mobilisation, place est
donnée au discours de l’historien qui intègre de fort nombreux extraits d’écrits de Mgr de Llobet.
Ainsi s’établit un discours à deux voix dont nous reproduisons des suites entières et que nous
distinguons par des citations rentrées de retrait différent, nos interventions personnelles étant signalées
par une taille de police inférieure, comme ici. Les coupures ou précisions indiquées par des crochets
droits sont le fait de l’historien, les nôtres par des crochets en accolade. Les expressions entre
guillemets que nous reprenons figurent en italiques seulement lorsqu’elles appartiennent au prélat. Les
titres et sous-titres sont ceux des deux ouvrages cités, sauf le premier.
Le contexte familial et l’action avant la mobilisation de l’évêque Né le 19 janvier 1872 à Perpignan, Gabriel de Llobet est le huitième et dernier enfant d’une
vieille famille catalane très attachée aux « valeurs traditionnelles » et au culte de ses ancêtres, ce qui
implique alors royalisme légitimiste et fervent catholicisme ultramontain (l’une des sœurs deviendra
fille de la Charité, et une cousine germaine assomptionniste). La famille vénère particulièrement,
depuis plus de cent ans, la Vierge dont une statue a été trouvée jadis, selon le récit rédigé par l’évêque
à la toute fin de sa vie, en 1954 :
3 novembre 1754 ‒ La Vierge de Torreilles2
[…]
Il y a deux cents ans aujourd’hui que, sur la plage de la Quintane, à
Torreilles, un paysan trouvait une statue en bois doré de l’Immaculée
Conception, épave sans doute de quelque embarcation espagnole
sombrée dans la tempête des jours précédents. Il la portait à la maison
où l’aïeul de mon grand-père, Joseph Llobet, la recevait avec piété et
l’installait sur un autel, dans une cabine du salon, l’établissant ainsi la
patronne de la famille. (Un Pasteur intransigeant, p. 16)
Après un début de scolarité à Perpignan, à douze ans, l’enfant devient
pensionnaire à Toulouse, chez les jésuites du Caousou. Sa vocation, dont les
germes sont apparus dès le passage à Saint-Louis-de-Gonzague à Perpignan, se
confirme définitivement, après des années d’hésitation, à l’été 1890 : le jeune
homme entre alors au séminaire français de Rome où il reste jusqu’en 1897,
après avoir été ordonné prêtre en 1896. Séminariste à Rome
(arch. fam.)
Bien que dépendant toujours de son diocèse d’origine, Perpignan, il devient à son retour en
France secrétaire particulier de Mgr
de Cabrières, évêque de Montpellier, de 1897 à 1907. En mai
1907, l’abbé de Llobet est nommé archiprêtre de la cathédrale Saint-Jean et le restera jusqu’en 1915,
date à laquelle il est nommé, malgré son jeune âge, évêque de Gap, ce qui le rend responsable d’un
diocèse très étendu et qui compte trop peu de prêtres, beaucoup ayant été mobilisés. À ceux-là, il fait
distribuer la brochure Le prêtre aux armées et conseille :
À défaut du recueillement de la Retraite, votre piété s’ingéniera pour
trouver, dans le péril des tranchées ou les fatigues de l’ambulance, des heures
fugitives où vous retremperez votre courage dans la méditation des grandes
vérités qui dominent et dirigent notre vocation (1er
juillet). (Un Pasteur
intransigeant, p. 74)3
L’évêque se montre très actif : la messe du 13 juin 1915 à Briançon est consacrée aux soldats, le
vendredi 13 août, le service solennel à la cathédrale de Gap attire « tout le corps militaire », le 2
novembre, l’office pontifical à la cathédrale se célèbre en présence des autorités civiles et militaires et
d’une très nombreuse assistance, le 7, le service des morts à Embrun réunit le sous-préfet, le maire, les
officiers ; d’autres services sont célébrés les jours suivants dans d’autres paroisses. Il ne néglige pas
les visites aux blessés soignés dans les hôpitaux avoisinants.
L’évêque aux armées Le 14 février 1916, M
gr de Llobet est
« appelé à l’activité dans le service auxiliaire », en considération de ses 44 ans qui le
classent dans l’armée territoriale : il doit être infirmier à la 16e section dont le dépôt
est à Perpignan. C’est le seul évêque dans ce cas ; tous les autres sont trop âgés pour
être astreints au service militaire, sauf Mgr
Ruch, coadjuteur de Nancy dans la zone du
front, mobilisé comme aumônier dès 1914. Ils devaient d’ailleurs rester les deux plus
jeunes évêques de France jusqu’en 1918. Mgr
de Llobet obtient alors d’être envoyé au
front à titre d’aumônier volontaire, « afin d’apporter un témoignage chrétien ». Cette
décision est courageuse, certes, mais elle comporte aussi {…} une part d’obligation
morale : ne pas abaisser la fonction épiscopale au niveau des tâches subalternes,
matérielles et sans danger. Il s’en explique au cardinal de Cabrières dans sa lettre
d’adieu datée du 13 mars :
Dès l’instant que ma mobilisation devenait inévitable, j’ai cru devoir au
caractère épiscopal de chercher à obtenir une situation à la fois honorable et
strictement religieuse. {…} Je ne saurais dire combien je souffre de cette
séparation d’avec une Église [le diocèse de Gap], qui me fut accueillante, que
j’aimais tant, et que mon départ ne peut manquer de laisser dans le désarroi.
Le front m’offrira-t-il une chance, que je n’eusse point rencontrée dans un
hôpital de l’arrière, celle de me voir ouvrir plus tôt la porte du ciel ? {…}
Mgr
de Cabrières n’hésita pas à faire publier cette lettre. (p. 74-75)
La publicité du jeune prélat volontaire ne s’arrêtait pas là. Certes, on ne pouvait
pas lui reprocher les adieux enflammés qu’il faisait à son diocèse dans la lettre
pastorale « annonçant son départ pour l’armée » ; mais il posait dans les magazines
les plus lus : dans L’Illustration du 8 avril, avec le béret des chasseurs alpins, diocèse
de Gap oblige, ou encore sur la couverture en couleur du Pèlerin, avec le casque et la
capote bleu horizon {…}. Et chaque fois les photos étaient assorties de commentaires
flatteurs. Une certaine vanité personnelle y trouvait probablement son compte et le
nouveau supérieur de Mgr
de Llobet qui affectait de n’y voir que ce motif pouvait s’en
formaliser à bon droit ; c’était Justin Godard, le sous-secrétaire d’État au service de
santé de l’armée. Son reproche ne dépassait pas cependant le stade confidentiel. Il eût
été mal venu de la part d’un membre du gouvernement de
battre en brèche l’Union sacrée que l’Église était justement
en train de resserrer en valorisant cet exemple, et puis les
cléricaux auraient pu lui faire un procès d’intention ; il était
radical-socialiste.
En effet « la ‘rumeur infâme’, selon laquelle le clergé aurait
voulu la guerre pour rétablir son influence tout en échappant
aux dangers du front » était alors distillée par certains
anticléricaux, très souvent membres du parti radical. {…}.
Montrer que le clergé et sa hiérarchie participent directement
aux combats n’est donc pas inutile ; c’est même une forme
d’apostolat et cela permet de rappeler que les clercs versent
largement leur quote-part de sang. Par exemple,
« l’aumônerie connaît un pourcentage de tués supérieur à
celui de la plupart des armes et des services, à l’exception de l’infanterie, la plus
nombreuse » il est vrai4. (p. 75-76)
{…}
Sur le front
M
gr de Llobet est rattaché comme aumônier
au groupe de brancardiers du 30e corps d’armée (GBC/30) qu’il accompagne dans ses
cantonnements successifs ; on le trouve au printemps 1916 en Alsace, près de Belfort,
en juin dans la Somme, puis dans le secteur de Verdun, près des Éparges de février à
juin 1917, en Champagne, au Camp de Châlons, jusqu’en mars 1918, enfin près de
Soissons. Peu après, la semaine du 19 au 26 mai marque pour lui un changement
radical ; il est alors muté dans le groupe des brancardiers de la 69e division (GBD/69)
en application d’une circulaire du sous-secrétaire d’État du service de santé militaire.
Celui-ci reconnaissait que pour se rendre « dans les secteurs des différents régiments
en ligne » ‒ c’est-à-dire au contact de l’ennemi ‒ les aumôniers des GBC devaient
« accomplir très souvent un trajet long, fatigant, souvent difficile et toujours en soi
inutile » ; il reportait donc sur les GBD les plus proches des premières lignes, « à
raison d’un par groupe, les deux aumôniers volontaires jusqu’alors affectés au GBC ».
C’est ainsi que les longs va-et-vient que Mgr
de Llobet évoque dans ses lettres et
souvenirs en 1916 et 1917 sont remplacés à partir du printemps 1918 par une présence
beaucoup plus suivie dans la zone des combats et des avant-postes. {…} (p. 79)
* *
*
Patriote, il n’a cependant jamais eu l’esprit de sacrifice d’un Péguy, ni
l’enthousiasme prétendu des Jeunes gens d’aujourd’hui5 dont, à son âge, il ne fait
d’ailleurs plus partie. C’est par la méditation, conseillée à ses prêtres soldats, qu’il
retrempe lui-même son courage. Il se remémore plus particulièrement la vie de la sœur
Marie Marthe dont il est proche par la spiritualité des Assomptionnistes.
Écrire Une page d’apostolat. Sœur Marie Marthe Thérèse, petite sœur de
l’Assomption, supérieure de la maison de Perpignan a été pour son auteur d’un grand
réconfort spirituel pendant toute la durée de la guerre. Il nous l’explique dans la
préface de l’ouvrage :
C’est dans la solitude […] de Sainte-Odile, sous le regard de la Vierge
d’Alsace, qu’au mois de juillet 1914 fut tracé le plan de ce livre et son début
rédigé.
C’est une « méditation, une prière » interrompue seulement par l’émotion des débuts
de la guerre, puis reprise à Perpignan, puis à nouveau interrompue par les
responsabilités de l’épiscopat.
Étrange retour des choses, le salut de ce livre vint de la guerre […]. Entre
deux visites aux tranchées aux jours de grosse intempérie, ou dans les
longues nuits d’hiver, il restait assez d’heures où, fermant les yeux ‒ moins
aisément les oreilles ‒ à l’agitation et au tumulte du dehors, on pouvait se
plonger dans le passé […c’était] aux Éparges, près des Monts de Champagne
et ailleurs. Aussi bien, pour le ministère un peu bohême qu’exigeait la
guerre, n’était-il pas préparation meilleure […]6. Et il ajoute dans ses
mémoires de guerre en parlant de Marie Marthe : « Que ne dois-je pas à sa
céleste protection ».
{…}
Au front, la plupart des aumôniers militaires observent un silence prudent ou
désintéressé au sujet de ce culte populaire {celui de Thérèse de Lisieux, « la plus
grande sainte des temps modernes », à la spiritualité proche de celle de Marie Marthe
Thérèse} assez répandu dans les tranchées grâce à la diffusion de l’Histoire d’une
âme ; c’est un culte populaire qui n’est pas encore ratifié par la canonisation de
l’Église, populaire aussi par la fameuse « petite voie » de Thérèse qui est en même
temps la voie directe vers Dieu : avoir pour Lui, l’infiniment miséricordieux, l’humble
tendresse et la totale confiance qu’a l’enfant pour son père. {…} Aumônier militaire,
Mgr
de Llobet a été l’un des rares à approuver très ouvertement et à favoriser les
dévotions personnelles à Thérèse de l’Enfant Jésus. Cette orientation spirituelle mise à
part, il a organisé naturellement, comme ses collègues, le culte collectif à des
intercesseurs traditionnels, à la Vierge Marie en tout premier lieu, puis aux saints :
Martin, Louis, Jeanne…, pour ne citer que des bâtisseurs de l’identité nationale, beaux
exemples à méditer pour nourrir la foi dans le Christ. (p. 80-82)
* *
* Grâce aux numéros de la Quinzaine Religieuse du diocèse de Gap rédigés par le chanoine E. Roux,
secrétaire général de l’évêché, aux lettres intimes envoyées à la famille et aux mémoires, écrits quinze
ans plus tard, qui reproduisent et complètent ces lettres, la vie de Mgr
de Llobet au front est bien
connue, notamment son rôle d’aumônier militaire et son ministère plus spécifique d’évêque aux
armées.
L’aumônier militaire
L’aumônier est considéré comme un officier, lieutenant s’il est volontaire,
capitaine s’il est titulaire ; il a une solde en conséquence et dispose d’une ordonnance.
Mgr
de Llobet aime la hiérarchie, principe d’autorité ; et de leur côté les officiers sont
en majorité favorables à l’Église, beaucoup sont d’anciens élèves des collèges
religieux. Mais la place de l’aumônier, tout de même un peu à l’écart de la hiérarchie
militaire, facilite les contacts humains. {Il est doté de surcroît d’un caractère enjoué et
d’une grande facilité d’adaptation.}
L’État-Major du 30e C.A. est vite conquis. {…}
Quant aux prêtres soldats et aux hommes de troupe, ils font partie de ses ouailles ;
il est plus motivé dans ses visites aux tranchées, lorsqu’il sait y trouver des Alpins ou
des Catalans, ce qui n’est pas rare au 30e C.A. (p. 83-84)
* *
*
Les conditions de vie de l’aumônier, assimilé à un officier, sont relativement
privilégiées, et Mgr
de Llobet, certes plus âgé que les hommes de troupe, le souligne
chaque fois qu’il se plaint. {…}
Un compte rendu d’Et. Roux évoque l’hiver de 1917 particulièrement rigoureux :
« Les gens du front ressentent cruellement les épreuves du froid. Là-bas aussi le
thermomètre est descendu jusqu’à dix-huit et vingt-deux degrés… Bois et charbon
sont à peu près introuvables…“Tout gèle, nous dit sa Grandeur, même le calice à
l’autel entre les mains du célébrant”. On devine, à maint détail, ce que souffrent nos
soldats et de quel dévouement leur résistance est le prix. (Q.R.Gap, 22 février 1917)
Il se plaint surtout de la boue {…}.
Or, écrit Et. Roux, « Monseigneur tient à sa réputation d’Alpin [sic] et les marches
de 30 à 35 kilomètres figurent souvent au programme de ses journées ». {…} « La
place de l’aumônier au front, entre l’ambulance et les tranchées » impose en effet ces
longs déplacements. (p. 84-85)
La correspondance de l’évêque confirme ces rigueurs climatiques : Un évêque aux armées reproduit
des extraits de lettres adressées à sa sœur Augustine à Perpignan :
20 février 1917 :
[…] Si nos pauvres soldats ont souffert si durement, nous n’avons pas le
droit de nous plaindre, nous officiers ‒ qui avons un lit, et quelquefois du feu
[…]. La neige disparaît ‒ non pas la glace ‒ et la boue fait son apparition. J’ai
fait hier soir 23 km dans ce liquide jaune. Mon ordonnance aura du travail pour
étriller mes effets ! Les souliers n’avaient plus de forme […] ; l’hiver se met à
décroître […]. C’est même en soutane d’été que j’accomplis mes raids sur le
front. Par exemple, le changement de linge et les bains, voire le blanchissage,
sont des souvenirs du « temps de la prospérité ». Ici, presque plus d’habitants.
J’envoie de temps à autre mon linge à Gap ‒ et puis… j’attends les
permissions ! Si rien ne survient, je pense toujours être à Gap pour la fin du
Carême (jeudi saint). Mais il paraît qu’il n’y a plus qu’un train par jour […]
j’aurais désiré faire quelques confirmations, le jour après Pâques. Sera-ce
possible ?... (p. 53)
9 mars 1917 :
[…] Retour offensif de la neige et du froid. Ce matin -7 et la burette d’eau
gelée […].
[…]
J’en suis toujours aux projets pour Pâques avec la crainte de voir tout
s’effondrer à la dernière minute. Combiner des plans, en pareille conjoncture,
n’est pas chose aisée ! Ce qui me semble plus indiqué, ce sont des plans et
précautions pour le 4e hiver ! Tout semble l’annoncer, et je parie ferme.
Que de cimetières pourtant sur tout le front ! On dirait la fin d’une race. Et
malgré tout il faut prôner l’endurance, la confiance, le courage… (p. 54)
* *
*
Le premier devoir de l’aumônier est de se trouver près de l’ambulance qui est
installée en dehors de la zone de feu, pour réconforter les blessés, consoler les
mourants :
Que de tristesse passe à travers ces salles d’ambulance si grandes
ouvertes à la douleur ! {Q. R. Gap, 10 août 1916} Les ambulances qui nous
entourent suffisent à occuper plusieurs aumôniers dont le ministère est
toujours agréé par les pauvres blessés. (Ibid., 12 juillet 1917)
Par ailleurs :
Le ministère religieux du front devient de plus en plus semblable à celui
de la paroisse : baptêmes et premières communions d’adultes, mariages par
procuration et confirmations assez nombreuses aussi. Mais hélas ! les
sépultures ont toujours la plus grande part.
15 septembre : appelé dans une formation pour bénir une chapelle
rustique, j’ai eu le regret de l’inaugurer par les funérailles d’un prêtre-soldat,
tué net, la nuit précédente, par un éclat d’obus. Dans les deux cimetières
voisins, qui ne datent que de trois mois et comptent plus de 500 tombes, j’ai
béni les deux croix monumentales érigées par la piété d’artistes de bonne
volonté. {Ibid., 27 septembre 1917}
Mgr
de Llobet favorise chez les militaires la dévotion à l’Eucharistie et la fréquente
communion, chère à Pie X ; il évoque les « messes matinales où les soldats se pressent
à la communion. » {Ibid., 22 novembre 1917} ; il admire chez eux un renouveau de la
pratique et de la foi :
Officiers et soldats en rangs mêlés et serrés, font à la grand’messe et aux
vêpres du dimanche de superbes auditoires, où l’on sent la foi et le
recueillement. La pratique des sacrements est très consolante. Le ministère
de la guerre aura révélé aux aumôniers des consciences d’hommes d’une
générosité, d’une délicatesse dont le parfum ne sera jamais oublié. {Ibid., 25
octobre 1917}
Son ministère s’étend naturellement aussi au service paroissial des populations
civiles, lorsqu’elles n’ont pas été évacuées et qu’elles sont privées de leurs curés
mobilisés.
Cependant ‒ et c’est l’autre devoir de l’aumônier ‒, il visite souvent les premières
lignes, comme l’indique une première citation à l’ordre du Corps d’Armée [1er
novembre 1917] : « Ce n’est d’ailleurs pas incompatible que de célébrer, le matin, un
office pontifical et d’accompagner, la nuit venue, un coup de main sur les tranchées
ennemies », déclare Et. Roux {Ibid., 9 novembre 1916}. Réflexion significative,
même si ‘accompagner’ mériterait d’être précisé. Il écrit encore : « Deux fois dans
une semaine, Monseigneur a eu l’avantage de porter à ses troupes, après des actions de
ce genre, l’encouragement de sa présence et de sa parole, et de partager leur émotion »
{Ibid., 10 mai 1917}. {…}
17 décembre. Pour la première fois [écrit directement Mgr
de Llobet],
nous nous réveillons sous un beau manteau de neige. C’est bien le jour
d’aller faire une surprise à nos petits Alpins qui sont en ligne. Après trois
heures de marche, j’arrive auprès d’eux et vais les surprendre, les uns aux
petits postes, les autres au fond de leur sape, d’autres au travail des fils de
fer. C’est une véritable visite pastorale que je fais, tout en parcourant la
tranchée : du Monêtier à Rosans, de Vars à Chauffoyer, il y a bien quarante
paroisses représentées. Certains me reconnaissent pour m’avoir vu en tournée
de confirmation, il y a trente mois à Embrun, à Guillestre ou ailleurs. De
cordiales paroles d’encouragement et une distribution de douceurs, de bons
livres et de cigarettes ajoutent à l’agrément de la visite. On se reverra pour
Noël. {Ibid., 27 décembre 1917}
Ces visites fréquentes présentent certes des risques, mais ils sont limités. Par
exemple le trajet qu’il a maintes fois parcouru dans la Somme, de Montdidier à
Tilloloy (30 km aller-retour) n’était dangereux qu’en fin de parcours ‒ du poste de
secours avancé de Tilloloy aux avancée du saillant de Beuvraignes, tronçon qu’il
valait mieux faire à la tombée de la nuit et au pas de course. En général le secteur était
assez calme, les principales opérations ayant lieu plus au nord. Mais à des moments le
front s’anime. Le 2 novembre 1916,
sachant qu’un de nos bataillons devait, en cas de besoin, prêter main forte, je
me suis rendu en hâte aux premières lignes.
À 6 h ¾, un bombardement terrible de nos 75 annonçait la préparation.
Au pas de course, j’ai enfilé les deux kilomètres qui me séparaient des
tranchées, puis j’ai gagné, sans trop savoir le lieu et le mode précis de
l’attaque, la toute première ligne. C’est là qu’il faisait bon patauger dans la
boue, s’y laisser choir parfois, tandis que, sur la tête, passaient en tous sens
projectiles « internationaux ». Pendant une demi-heure, ça allait bien et je
connaissais ma route. Mais après !... Où suis-je ? Dans quelle direction vais-
je ?... J’avais beau me présenter à tous les abris,… vides ! Personne ! Et çà et
là, quelques 150 venaient faire ébouler la tranchée (ou, plus sagement,
s’enfonçaient dans la boue sans éclater). Ce n’est que, l’engagement
d’artillerie terminé, que j’ai pu me retrouver et prendre contact avec nos
hommes.
Je ne savais plus bien, je l’avoue, si j’allais me retrouver dans tel ou tel
village, et de quel côté du réseau. Quel soupir de soulagement quand j’ai
entendu un ordre en français ! {Cahier III, p. 2}
Ces longues marches solitaires donnent lieu aux rencontres les plus imprévues :
des pas résonnent sur la route glacée, une silhouette se précise à travers le brouillard
du soir ; c’est un jeune soldat. Celui-ci reconnaît un prêtre à son accoutrement. Il lui
fait part de son inquiétude : l’assaut du lendemain risque d’être mortel ; il aimerait se
confesser. Après le sacrement, la conversation s’engage ; il est musicien à Montmartre
et le prêtre : un curé ? un religieux ? ‒ non : un évêque ! À sa première permission le
petit musicien raconte l’aventure à son curé. Pierre l’Ermite en a tiré une jolie nouvelle
publiée dans La Croix du 21 janvier 1917 pour la plus grande édification de ses
lecteurs.
« Une grande part de son apostolat » est enfin consacrée aux prêtres, infirmiers et
brancardiers des ambulances, et « à la famille sacerdotale dispersée dans les régiments
et formations voisines » {Q. R. Gap, 11 mai 1916}. En août 1916, il inaugure « une
maison sacerdotale » ; il y donne bientôt, chaque vendredi soir, une conférence
spirituelle aux prêtres-soldats. En novembre de la même année, il participe à la retraite
de cinq jours proposée à une centaine de prêtres appartenant à plus de vingt diocèses
ou à des ordres religieux ; il préside la cérémonie de clôture ; mais il n’en est pas le
seul organisateur. Parmi les aumôniers qui ont dirigé les exercices, se distingue son
collègue, J.-C. Saliège. En octobre 1917, il prêche lui-même une autre retraite à une
vingtaine de prêtres, donne en novembre des « conférences spirituelles préparatoires
à l’Avent à plus de trente prêtres venus des ambulances et des tranchées » {ibid., 11
octobre 1917, et 13 décembre pour l’extrait ci-dessous}.
Le séjour au grand Mourmelon fut très favorable aux réunions de prêtres.
Ils étaient nombreux dans les formations voisines et ceux qui se trouvaient en
ligne obtenaient assez aisément d’assister aux réunions dominicales. Aussi,
ce jour-là, les groupais-je à 2 h de l’après-midi, dans le presbytère, pour leur
donner une conférence spirituelle que suivait {sic} quelque distribution de
gâteries, un instant de récréation et à 3h, les vêpres étaient chantées comme
en un vrai séminaire. Il me fut même possible, en cette fin d’automne [1917],
de donner trois jours durant, une série d’instructions en forme de retraite, à
laquelle trente-cinq prêtres participèrent. Grande a été ma consolation de
toucher du doigt, alors et surtout après guerre, combien ces chers messieurs
étaient reconnaissants de l’intérêt ainsi témoigné à leurs âmes.
Il provoque de nombreuses réunions sacerdotales en 1917 et en 1918. Et cette liste
n’est pas exhaustive.
L’évêque aux armées
{…}
Le ministère plus spécifique de l’évêque aux armées
commence par un coup d’éclat : il est le premier Français,
depuis 1870, à administrer en Alsace le sacrement de
confirmation, d’après le titre et les photos de l’album
confectionné pour lui par l’abbé Journet. Une lettre envoyée du
front par l’abbé P… de Moirans dans l’évêché de Grenoble,
voisin de celui de Gap, confirme cette information. Elle a été
publiée par La Croix de l’Isère du 18 juin 1916. L’abbé P… qui
a participé à la cérémonie écrit : « Hier, nous avons eu la grande
joie de posséder, sur notre chère terre d’Alsace, Mgr
de Llobet,
évêque de Gap, mobilisé depuis deux mois environ, comme
vous le savez […]. Le 30 avril est un jour de fête qui restera à jamais gravé dans la
mémoire et le cœur des habitants de cette paroisse d’Alsace [Masevaux, non nommée
à cause de la censure]. Pour la première fois depuis 1870, un évêque français va
donner la sainte communion et le sacrement de confirmation aux nombreux petits
Alsaciens qui se pressent dans le chœur et le transept de l’église paroissiale. Je dois
dire qu’avant eux, à 6 h. ½, une messe militaire célébrée par un aumônier de l’armée,
avait réuni, autour de la Table sainte, la plupart des officiers et soldats d’un régiment
qui se disposaient à l’accomplissement de leur devoir pascal7. Monseigneur est déjà
auprès d’eux et leur adresse une vibrante allocution. C’est le tour des enfants. On va
les chercher processionnellement […]. La foule militaire et civile emplit l’enceinte
sacrée et les cérémonies de la Première Communion solennelle et de la Confirmation
se déroulent dans le recueillement […]. »
Ainsi, cette manifestation paisible de foi religieuse, organisée à quelques
kilomètres du front, n’en est pas moins ardemment patriotique ; l’armée s’associe
étroitement à cette initiative de l’évêque français, aidé par les autres aumôniers du
secteur, comme pour souligner, dans ce lambeau d’Alsace reconquis, la légitime
volonté de la France unie de restaurer toutes ses prérogatives, aussi bien religieuses
que laïques. Il va sans dire que Mgr
de Llobet avait obtenu les autorisations
nécessaires, canoniques d’abord, du Cardinal Amette, l’archevêque de Paris de qui
dépendaient à titre ecclésiastique les territoires reconquis, autorisations aussi des
pouvoirs civils et militaires. L’évêque allemand a été effectivement dépossédé. Ceux
qui ont participé à la cérémonie ont conscience d’avoir accompli un acte
« refondateur » ‒ s’il est permis d’employer ce néologisme ‒ ainsi le curé de l’Isère ou
encore l’abbé Journet qui a confectionné l’album pour en garder un impérissable
souvenir.
Cette première confirmation donnée en Alsace depuis 1870 à 330 enfants est aussi
la première de deux longues séries que fera Mgr
de Llobet dans la zone du front : celle
de nombreux enfants des paroisses et celle de soldats, nombreux eux aussi. Comme ce
sacrement ne peut être reçu qu’après le baptême et la première communion, les poilus
nouveaux {sic} convertis doivent être particulièrement préparés. Mais l’évêque juge
souvent que la souffrance des grands blessés, la proximité du danger, l’angoissante
présence de la mort et l’urgence qu’elle impose parfois, sont des préparations
largement suffisantes. La confession à l’aumônier et l’absolution étaient certes d’un
grand réconfort pour beaucoup de combattants ; les aumôniers ont même donné
l’absolution générale avant l’assaut. Mais le sacrement de confirmation est plus fort ;
spécial aux catholiques, face aux protestants auxquels tous les Allemands étaient
parfois abusivement assimilés, il a un caractère théologique particulier : il fait de ceux
qui le reçoivent des soldats du Christ, des confesseurs de la foi capables de se donner,
s’il le faut, jusqu’au sacrifice suprême. {…}
La Quinzaine religieuse du diocèse de Gap mentionne donc souvent des
confirmations d’enfants, dans les paroisses de la zone du front, et plus fréquemment
encore des confirmations de soldats, individuelles ou collectives, que Mrg
de Llobet se
plait à décrire pour la plus grande édification de ses diocésains. Bornons-nous à
donner deux exemples individuels. Voici d’abord un dévot de sœur Thérèse ‒ peut-
être a-t-il lu l’Histoire d’une âme. Elle lui inspire que prier et communier
régulièrement n’est pas suffisant : il lui manque, encore à son âge, d’avoir été
confirmé, rêve fou puisqu’il est au front. Il s’en ouvre cependant à l’aumônier du
bataillon « qui a vite fait de lire dans ses yeux clairs la sincérité de ses sentiments ».
Hé bien justement, lui répond le prêtre, il y a depuis peu un évêque dans la division.
Et la chose n’est pas longue à arranger : à quelques jours de là, peu
d’instants avant le départ pour la bataille, la cérémonie est improvisée […]. Si
Dieu le garde, le vaillant poilu du … d’infanterie sera aussi plus tard un fidèle
soldat du Christ. Il a aussi trop bien écouté les conseils de sœur Thérèse pour
que celle-ci lui marchande sa protection. {Q. R. Gap, 22 août 1918}
Une autre fois, écrit toujours Mgr
de Llobet :
Le Saint-Esprit n’a pas laissé longtemps sur la terre un des derniers
confirmands sur qui j’avais appelé ses dons. Le pauvre enfant a dû porter au
ciel l’innocence baptismale ; rarement la grâce se manifeste et persévère sous
une forme si ardente et si visible. Affreusement blessé, il est mort, m’écrit
son aumônier, le sourire aux lèvres, en récitant l’Ave Maria. {Ibid., 28 juin
1917}
L’autre sacrement réservé au ministère de l’évêque est, on le sait, celui de
l’ordination : « Aucune fonction pontificale n’aura manqué à la liste des cérémonies
effectuées sur le front. Le dimanche 20 octobre [1918], dans la chapelle d’une antique
chartreuse [celle de Bosserville] devenue séminaire, Mrg
de Llobet conférait à deux
ordinands le diaconat et le sacerdoce. Cérémonie d’autant plus émouvante que le
nouveau prêtre était un mutilé de guerre, privé de l’œil droit et du bras gauche ».
{Ibid., 14 novembre 1918} {…}
Le cas de ces ordinations est exceptionnel. Les deux évêques de Nancy sont
défaillants. Mgr
Turinaz est en train de mourir. Son coadjuteur est au loin, avec le 20e
C.A., à la poursuite de l’ennemi au-delà de la ligne Hindenburg ; c’est, on s’en
souvient, Mgr
Ruch, l’homologue de Mgr
de Llobet ; il lui a demandé de le remplacer.
Revenu en hâte après la mort de son évêque, il remercie son collègue en lui faisant
l’honneur d’« officier pontificalement dans la cathédrale [de Nancy] le jour de la
Toussaint […]. Et ce fut une joie pour les fidèles de la grande ville de voir
fraternellement réunis dans cette fête les deux évêques-soldats ». {Ibid., 14 novembre
1918}
À cette date, proche de l’armistice, on pourrait imaginer qu’ils aient dressé un
bilan de leur action épiscopale : ils avaient bien exercé leurs fonctions sacramentelles
et liturgiques, mais qu’en était-il de leur rôle de directeurs et aussi d’organisateurs ?
{p. 89-92}
* *
*
La question mal résolue de la direction spirituelle des ecclésiastiques aux armées a
rapproché les deux évêques après les avoir mis en compétition. Nous touchons ici au
grave manque de chef et de hiérarchie dans l’aumônerie française. {Chacun des deux évêques a des appuis pour exercer cette fonction.}
C’est ainsi que la Congrégation Consistoriale nommait NN. SS. Ruch et de Llobet
directeurs des ecclésiastiques au front à titre spécifiquement spirituel. Le 19 novembre
1917, soit quatre jours à peine après le retour de Rome de Mgr
de Llobet {qui avait posé
sa candidature à la direction de l’aumônerie sans doute dès 1916 et qui s’était rendu à Rome
pour négocier sa nomination, sous couvert de visite ad limina}, elle publiait le décret
suivant :
« Afin qu’il soit mieux pourvu au soin et au gouvernement spirituel des prêtres et
séminaristes enrôlés dans l’armée française ou qui y remplissent les fonctions
d’aumôniers militaires, S. S. Benoît XV, par cette lettre de la Consistoriale, députe et
choisit comme leurs inspecteurs deux évêques, NN. SS. Ruch et de Llobet, avec
pouvoir ordinaire de visiter tous prêtres et séminaristes, tandis que ceux-ci se trouvent
à l’armée, et de les diriger et gouverner en ce qui se rapporte au gouvernement et au
soin des âmes, comme leurs Ordinaires {évêques} propres, suivant l’esprit du droit
canonique. En conséquence tous séminaristes et prêtres qui se trouvent dans les
armées françaises, à quelque titre que ce soit, rendront aux deux inspecteurs indiqués
respect et obéissance par devoir de conscience comme à leurs Ordinaires, en ce qui se
rapporte au gouvernement et au soin des âmes. Ces deux inspecteurs conviendront
entre eux à l’amiable sur la façon de distribuer leur tâche. » {La Croix du 6 décembre
1917}
Mais cette décision bien tardive et de portée limitée a été suivie de peu d’effets car
les intéressés, en réalité ignorés du gouvernement français, n’ont pas obtenu davantage
de permis de circuler pour exercer leur droit de visite. Le « 19 juin [1918], note Mgr
Baudrillart, je rencontre Mgr
de Llobet qui se plaint de n’obtenir aucune facilité pour
son ministère auprès des prêtres-soldats ». Tout au plus peut-on remarquer
l’établissement de relations suivies entre les deux évêques pour délimiter
théoriquement leurs zones de compétence au front, coordonner leur action et sans
doute aussi s’épauler par leur commune autorité. {p. 92-94}
* *
*
Monseigneur de Llobet doit encore à sa qualité d’évêque quelques missions
occasionnelles. Mgr
Baudrillart, président du Comité catholique de propagande
française à l’étranger, ayant prévu de conduire une délégation, qui a pour tête l’évêque
de Vitoria, les 12 et 13 mars 1917 dans la zone de Verdun, charge notre évêque d’en
organiser la réception. Ils ont, bien entendu, l’accord du général Guillaumat,
successeur de Nivelle au commandement de la IIe armée. Le but est de montrer aux
Espagnols que la France n’est pas la nation impie que stigmatise la propagande
allemande auprès des États neutres et que le service de l’aumônerie militaire participe
bien volontiers à la défense de la patrie. Puis en octobre de la même année, et bien
qu’il soit alors cantonné au camp de Chalons en Champagne, il fait à nouveau visiter
le même secteur du front à l’archevêque de Tarragone. {…} les deux réceptions eurent
un plein succès, d’après la Quinzaine Religieuse. L’évêque de Vitoria, émerveillé,
concluait en reprenant les paroles du Christ : « Non inveni tantam fidem in Israël » ; et
Mgr
Lopez y Pelaez de Tarragone s’écriait en écho : « Mais la France est donc restée la
fille aînée de l’Église ? Elle n’est pas la nation irreligieuse qu’on s’efforce de nous
dépeindre ? »
Une lettre du 17 mars 1917 de M
gr de Llobet détaille la première visite :
[…] L’évêque de Vittoria (un de mes condisciples de Rome) ; l’aumônier
du roi d’Espagne, et deux notabilités laïques d’Espagne sont annoncés.
L’évêque de Verdun ; Mgr
Baudrillart ; deux officiers du grand État-Major
doivent les accompagner. J’ai mission d’y être aussi ; après avoir élaboré et
préparé le programme. Dès lundi 13 heures (après 55 km d’auto) on les reçoit
à la gare. Et les cinq autos roulent vers la ville, que l’on visite à fond, avec
ses ruines et son prestige unique [Verdun]. À 5h. ½ les autos nous
transportent (le jeune Delclos vous dira dans 3 jours où).
Cérémonie religieuse ‒ splendide assistance. À 7 heures retour à la ville,
banquet, séance théâtrale, coucher des plus pittoresques, presque en dortoir.
Mardi de bonne heure, messe des prélats à la chapelle dont j’ai envoyé la vue
à Augustine8 (Notre-Dame des Casemates). Départ pour la région haute [aux
alentours de Verdun, plus proches de la ligne de front], selon l’itinéraire que
j’avais préparé, visite des chapelles et des cimetières sous bois. Reçus
officiellement avec musique et présentation de tous les officiers. Visite d’un
fort, d’une ambulance. Visite à une ambulance dirigée par sœur Gabrielle.
Retour au chef-lieu, dislocation.
Le but de cette visite était de se rendre un compte exact de la manière
dont est organisé le service religieux sur notre front. Aussi, avais-je à
présenter non seulement les locaux, mais aussi les personnels qui dans tous
les services (brancardiers, infirmiers, aumôniers de bataillon), exercent leur
ministère. L’impression a été favorable […]. {Un Évêque aux armées en
1916-1918, p. 54-55}
Le choix de Mgr
de Llobet pour ces trois missions montre qu’il est apprécié par ses
supérieurs militaires. {Le général Guillaumat le dépeint ainsi :} « très simple, bon enfant,
brave type qui doit faire l’orgueil de ses poilus, heureux d’avoir un évêque comme
aumônier »9. {…}
Le général Chrétien, commandant du 30e corps d’armée, le gratifie bientôt d’une
première citation, le 1er
novembre 1917, rédigée dans la manière du temps (le médecin
major du GBC et le pasteur sont cités lors de la même cérémonie) :
« Aumônier d’une activité et d’un zèle inlassables s’est rapidement imposé par ses
hautes vertus et son dévouement sans bornes, parcourant constamment sans souci de la
fatigue ni du danger des tranchées de première ligne, pour apporter au soldat, avec les
secours de son ministère, le réconfort de sa parole ardente. S’est particulièrement
dépensé de février à juin 1917 dans le secteur des Éparges très battu par le feu
ennemi. » Cette citation est assortie de la croix de guerre. {p. 94-96}
* *
*
Enfin, évêque de Gap, il assume autant que possible la direction de son Église.
Il cultive le souvenir de ses prêtres morts au front. Il retrouve la tombe de l’abbé
Margot-Duclos « à qui huit des nôtres, déjà, font cortège sur notre nécrologie de
guerre » ; il est mort en héros, voulant donner l’extrême-onction à un mourant, sous le
feu de l’ennemi, devant le fort de Froideterre à Verdun.
Le pèlerinage ‒ écrit Mgr de Llobet ‒ n’a pas été aisé. Trente-six
kilomètres à pied par la neige, puis la boue. Mais le paysage que j’ai vu et
parcouru est de ceux qu’on oublie jamais. Pas un pouce de terrain qui ne soit
bouleversé. Littéralement, pas un brin d’herbe...
Il retrouve aussi, après de longues recherches dans les environs de Soissons, la tombe
de l’abbé Sarrazin, ancien curé de Chanousse. Sa lettre au sujet de la mort de l’abbé
Escallier, vicaire d’Embrun, aumônier militaire, est publiée dans la Quinzaine
Religieuse du 22 août 1918.
Et, comme nous l’avons vu, il prend plaisir à visiter les recrues de son diocèse
lorsqu’il s’en trouve dans quelque formation voisine.
L’attachement à son diocèse, il l’a marqué dès le début, avec la solennité dont on
usait alors, dans sa lettre pastorale annonçant son départ pour l’armée :
L’évêque est établi par Dieu pour diriger l’Église. Ce n’est point un rôle
d’administrateur, mais dans toute l’acception du mot, la sollicitude des âmes
et de leur salut qui lui incombe […]. En approchant d’autres âmes, en
guérissant d’autres cœurs, c’est aux vôtres que nous prierons Dieu d’attribuer
les pauvres mérites que nous pourrions acquérir.
Aucune dénomination passagère ne peut modifier notre caractère : Nous
sommes et Nous demeurons votre Évêque, et où que se consume notre vie,
c’est à vous qu’elle appartient, à vous qu’elle est due […].
En effet il s’est efforcé de compenser son absence de 34 mois (15 mars 1917-
3 janvier 1919) en promulguant 34 lettres pastorales, en échangeant un très nombreux
courrier et en consacrant aux affaires de son diocèse l’intégralité des sept permissions
dont il a bénéficié.
La 69e division
La guerre de mouvement a repris à partir de juin 1918. C’est au même moment
que G. de Llobet a été muté au groupe de brancardier de la 69e division, (GBD/69) à
proximité de la ligne de combat.
Son ordre de mutation est daté du 19 mai. Il écrit :
Le vendredi 24 mai, je disais ma dernière messe au cher oratoire de
Notre-Dame-de-Grâces, j’échangeais une affectueuse accolade avec force
compagnons de vie, et, à Soissons, je prenais le train pour la destination
inconnue10
.
Me séparer du 30e corps fut vraiment un sacrifice. Vingt-six mois de
cordiale intimité avaient noué des liens qui semblaient ne devoir finir
qu’avec la guerre. Pourquoi ce changement ? Une décision ministérielle
voulait que les aumôniers des GBC fussent tous titulaires ; la place des autres
étaient assignée aux GBD. (Cahier III, p. 126-127)
Le général Chrétien, commandant le 30e corps, ne voulait pas prendre son
parti de mon départ et me témoigna des regrets et des sentiments délicats
[…] Il n’hésita devant aucune démarche pour me ramener dans son C.A.
[…].
Regret de quitter ses amis, nous verrons que ce n’est pas la seule raisonde son peu
d’enthousiasme d’aller dans une division.
Au moment de partir, G. de Llobet fait {…} une demande de titularisation,
instamment appuyée par le général Chrétien ; elle permettra peut-être d’annuler cette
mutation.
Nous insérons ici l’évocation de cet épisode, lors de la conférence prononcée en 1922, en partie
reproduite à la fin :
Si préparé qu’il fallût être, dans la vie du front, aux nouvelles les plus
inattendues, ma surprise fut à son comble, lorsque {…} le sous-chef d’état-
major me donna avis de mon changement. Un remaniement intervenait dans
l’affectation des aumôniers militaires et ma place était assignée à la 69e
division. On ne se sépare pas sans regret d’un corps où 26 mois de vie
commune, d’excellente confraternité à travers mille péripéties, vous ont
donné droit de cité. Et puis, la 69e, quelle est cette mystérieuse inconnue ?
Immédiatement et sans délai, j’obtempérai à l’intimation et le 27 mai à
minuit, après trois journées de voyage, je débarquais en Lorraine, sur le quai
de la gare de Toul. Douze heures après, le contact était pris, dans le secteur
de Flirey, avec la 69e division d’attaque, toute fraîche, reposée et prête,
paraît-il, à toute éventualité. Dès le premier abord, la cordialité était parfaite
et il était manifeste qu’à la première bataille, la plus étroite intimité serait
scellée11
.
Par exemple, la nouvelle qui m’accueillit par le communiqué secret qui
parvenait à l’état-major me laissait muet de stupéfaction. Soissons ‒ d’où
j’arrivais ‒ était aux mains de l’ennemi ! {…}
En pareille circonstance, plus de repos pour personne. En un clin d’œil, la
69e est transportée de la Lorraine dans l’Oise et du 9 au 16 juin, elle tient le
coup sur l’Aronde, à Antheuil et la ferme Portes. {Un évêque aux armées,
p. 73}
Il arrive à Domèvre, au nord de Toul, le 28 mai. L’accueil du général Monroë est
chaleureux : « Monseigneur, vous êtes mon prisonnier. Vous êtes à mon État-Major.
Vous n’en sortirez pas. » « Mon programme, il me l’expose clairement : “Je tiens à ce
que dans chaque formation, dans chaque bataillon, il y ait un prêtre pour assurer les
secours religieux. S’il n’y en a pas, signalez-moi la mutation à faire. Je n’en ai pas le
droit, mais je le ferai tout de même.” Très simplement, tous les matins, il est à la messe
et à la sainte table […] Plusieurs des officiers sont d’ailleurs d’excellents chrétiens. »
« Le 4 juin, on plie bagages, avec une rapidité à laquelle on n’était pas accoutumé
au GBC. » Le 8 juin, avant l’aurore, le train dépose la 69e division à Clermont-de-
l’Oise, à l’ouest de Compiègne. Elle se dirige à pied vers le nord ; en sens inverse
tout le matin du samedi 8 juin, des théories de chariots d’évacués font défiler
sous nos yeux terreur et misère. La nuit du 8 au 9 tient du cauchemar. Les
bombes de gothas éclatent à peu de distance.
À 3h ½ mon ordonnance vient frapper à la porte de ma chambre, au
presbytère : « La division est alertée ! »
Ah ! Ce n’est plus la guerre de tranchée. Quel mouvement sur les routes
où les soldats vont d’un pas rapide, le visage grave, comprenant qu’une heure
décisive est venue. Le tir de l’artillerie est continu, feu roulant si proche
qu’on se demande quelle est la distance entre les batteries ennemies.
Le Boche descend par la route en direction de Compiègne, et occupe
vraisemblablement les abords de Gournay et d’Antheuil. Le 162e est dans les
parages de la ferme Porte et de la ferme de Mouchy. Le 129e du côté
d’Antheuil.
Sur la route, quelques officiers et soldats s’approchent de moi. Les
confessions sont courtes et bonnes […] Je m’engage sur le côté ouest de la
route. Les blés presque mûrs qui parent les champs dépassent notre tête. On
éprouve un serrement de cœur à s’engager au milieu de cette splendide
moisson qui va périr sans donner son grain. L’homme de la terre qui est dans
le soldat sent comme une profanation à se blottir dans les épis. Et pourtant, il
n’est que temps de s’effacer, de se courber immobiles, bénissant Dieu de la
protection providentielle qu’il nous a ménagée, car des avions boches
descendent à faible hauteur et criblent de mitraille la route et les champs qui
la bordent. […]
Décidé à passer la nuit en ligne, je sens pourtant le besoin d’aller prendre
quelque nourriture. […] {…}
En quête de notre État-Major, je le rejoins à midi au petit château de
Baugy.
L’après-midi, le retour en ligne m’offre un spectacle de panique. Par le
chemin creux qui monte vers la grand route, des artilleurs dévalent à toute
allure, le visage terrifié et nous jettent au passage : « Les Boches arrivent ! »
Le poste de secours du 129e m’offre de quoi employer mon temps.
(Cahier III, p. 128-136) C’est l’arrivée des blessés, les plaies horribles, le
sang, les gémissements, les morts ! (Q.R. Gap, 27 juin 1918)
Après le 13 juin, la bataille s’assoupit. La 69e division est bientôt relevée et les
permissions reprennent. Mgr
de Llobet est à Gap le 23 juin ; il est de retour, près de
Compiègne, le 7 juillet.
Un singulier cas de conscience m’y attendait, écrit-il, les heures tragiques
vécues sur le plateau d’Antheuil me laissent persuadé qu’on n’échappe pas
deux fois à pareil péril. Mes jours de permission à Gap se sont passés à
disposer toutes choses au matériel et au moral, comme si je ne devais pas
revenir. Mon sacrifice est fait.
Or, en arrivant au front, c’est le R. P. Louis Galtier, mon excellent
collègue du BGC/30, que j’ai la surprise de trouver à la 69e, et par qui
j’apprends que, nommé aumônier titulaire, j’ai à regagner aussitôt le 30e
corps. C’est le général Chrétien qui, au regret de me voir parti, a négocié et
obtenu la chose.
Le Père Galtier ne me fait point mystère de son état d’âme : il ne se sent
aucun attrait pour le ministère qui lui incomberait ici, et n’a qu’un désir :
revenir au GBC/30.
D’autre part, le général Monroë proteste qu’il entend me garder et qu’il a
déjà sollicité en haut lieu mon maintien à la 69e. Que faire ? Ai-je le droit de
choisir, et, suivant mes prévisions, de choisir la mort ? Je réfléchis, je prie
surtout… et je reste. (Cahier III, p. 142-143)
Quoi qu’il en dise, les démarches du général Chrétien avaient été faites avec son
plein accord, sinon à sa demande. Il aurait bien aimé ne pas être nommé à ce poste
plus dangereux que l’ancien. Mais mis devant une situation imprévue et cornélienne, il
choisit d’y rester. Ses relations se sont distendues, même après la guerre, avec le
général Chrétien ; il se peut que celui-ci ait été vexé de cette volte-face, qu’il l’ait
considéré comme une trahison. Cependant à la place de Mgr
de Llobet, il aurait fait
certainement le même choix.
La 69e division qui fait partie de la X
e armée de Mangin contribue à la seconde
victoire de la Marne qui permet de résorber la poche allemande de Château-Thierry.
Le 17 juillet, note G. de Llobet, « la forêt de Compiègne que nous traversons nous
révèle une accumulation de forces extraordinaire ».
Les Américains attaquent le 18, progressent rapidement au sud de l’Aisne ; la 69e
division prend le relais le 21 ; elle établit ses cantonnements, à partir du 3 août et
pendant presque tout le mois, à Noyant au sud de Soissons, ville libérée mais devenue
déserte. {p. 96-101}
* *
*
Profitons de cette pause pour évoquer des rencontres qui ont donné à réfléchir à
notre héros.
À Mourmelon, un an auparavant, il avait été frappé par la profonde piété d’un
artilleur noir, « soldat dont la carrure de colosse cache une âme timide autant que
délicate. Il est à prévoir que nos rapports n’en resteront pas là. » À la veille de la
bataille d’Antheuil, le dimanche 9 juin, il a confessé un Malgache ; il y en avait toute
une compagnie qui l’a édifié.
Sous l’impulsion d’un pieux aumônier et d’un sergent indigène […], tous
les catholiques, au nombre de 60 ont communié. Ils ont exécuté des chants à
trois voix qui dénotent de réelles qualités musicales. Grâce à eux, la
deuxième procession de la Fête-Dieu revêtit un éclat mêlé de quelque
originalité.
{…}
Au moment de leur progression rapide, les Américains ont fait des prisonniers. « Il
doit y avoir parmi eux beaucoup de catholiques, remarque-t-il, car en apercevant ma
soutane, bon nombre font le salut militaire. »
Le plateau est jonché de cadavres, allemands surtout. À un moment, j’en
touche un de ma canne. Il bouge, se dresse à demi, à mon grand saisissement.
[…] Mes lointaines notions d’allemand ont leur utilité […]. Pieusement le
blessé joint les mains et reçoit l’absolution. Plusieurs en paradis me diront
que je fus pour eux l’ange de la dernière heure.
Ils portent toujours sur eux un opuscule de prières, soit catholique, soit luthérien,
prière d’une recrue, prière après la bataille heureuse, prière après une défaite.
Tout était prudemment prévu. Il ne me reste qu’à recommander à la
miséricorde divine les âmes de ceux dont les pieux manuels sont venus finir
entre mes mains.
À propos de son attitude vis-à-vis des protestants, notons qu’en Champagne il s’était
fait « un pieux devoir » de déposer un bouquet sur la tombe d’un jeune soldat
originaire de la Haute-Beaume. La famille lui en a témoigné par la suite une vive
gratitude.
Vers la fin de l’été 1918, il doit s’acquitter d’une « désagréable mission » :
assister un déserteur à ses derniers instants, avant l’exécution. Il essaie vainement
d’engager le dialogue avec lui.
On arrive à la clairière d’un petit bois. Le condamné défile devant la
compagnie formée en carré. Devant le poteau son émotion est bien visible,
bien qu’il la veuille cacher. Il tire avidement des bouffées de la cigarette que
je lui ai tendue. Presque avec timidité, le lieutenant lui dit : « Je crois que ce
serait le moment ‒ Je ne suis pas pressé ». Je fais un signe de croix sur ce
pauvre front qui ne s’est pas ouvert à la grâce […]. Stoïquement, sans
permettre qu’on lui attache les mains ou qu’on lui bande les yeux, il se met
devant le poteau. Une décharge de peloton. Un cadavre est à terre.
J’aurais autant aimé ne point connaître pareille matinée. {Cahier III,
p. 206-207}
* *
*
Le 15 août, le médecin-chef du GBD signale à G. de Llobet la disparition de l’abbé
Gillant, aumônier auxiliaire. Il le recherche longuement sur les plateaux calcaires qui
s’étendent au sud-ouest de Soissons, royaume des morts jonchés de cadavres en
putréfaction, allemands, mais aussi américains, écossais, français… On apprendra vers
le 10 septembre que l’abbé Gillant est prisonniers des Allemands ; en allant visiter un
régiment, il a perdu son chemin et s’est retrouvé du mauvais côté.
Il est inutile de s’appesantir ensuite sur les « hauts faits » dont notre héros a été
l’auteur. {…} Ils font l’objet d’une seconde citation, datée du 4 septembre 1918 :
« Aumônier d’une bravoure au-dessus de toute {sic} éloge. Pendant les batailles
de l’Oise et de …12
s’est dépensé sans compter, chaque jour, pour assister en première
ligne les Combattants. Le 28 août 1918, a pris part au passage de … avec les
compagnies de tête et a franchi la rivière sous le feu des mitrailleuses. Le 30 août a
pénétré le premier dans une localité que venaient d’évacuer les Allemands, a réalisé
une première liaison entre deux bataillons isolés et a fait, seul, des prisonniers, vivant
modèle d’héroïsme, enthousiasme la troupe par son splendide exemple. Avait déjà fait
preuve de sérieuses qualités d’énergie et de dévouement au cours des 9, 10, 11 juin
devant Compiègne. » Général Monroë, Commandant de la 69e division, 4 septembre
1918.
Légion d’honneur et croix de guerre avec palme attribuées par le même sur le
champ de bataille, sur l’avis du général Mangin. {Cahier III, p. 205}
{…}
La division {relevée} est transportée le 17 septembre en Lorraine pour protéger le
secteur, au demeurant tranquille, qui s’étend au nord-est de Nancy ; elle y reste
jusqu’à l’armistice du 11 novembre (c’est l’époque de l’ordination de l’abbé Mansuy).
Ensuite, elle entre dans les provinces perdues en 1870. G. de Llobet note l’attachement
au Concordat, toujours en vigueur en Alsace-Lorraine :
La question religieuse, nous écrit Monseigneur, est celle qui paraît tenir
la première place dans les préoccupations de ces bonnes populations. Il n’est
guère de commune où le maire ne vienne m’entretenir de l’état d’âme de ses
administrés et du vif désir de tous de voir la France respecter leurs libertés
religieuses. {Q.R. GAP, 12 décembre 1918}
Bien que la 69e division ait un parcours plus méridional, il obtient de participer à
l’entrée triomphale de la Xe armée dans Metz le 19 novembre. C’est enfin la
pénétration des troupes françaises en Sarre allemande où il découvre chez l’ennemi
une pratique religieuse bien plus vivante que chez ses compatriotes :
Combien le contraste est pénible au milieu de populations très ferventes,
d’une pratique dont nulle part, chez nous, on n’a l’exemple. Ces fêtes de
Noël l’ont prouvé, et non sans une souffrance intime.
Cette remarque est extraite d’une lettre adressée d’Allemagne, le 26 décembre 1918, à Fr. Veuillot,
publiée dans Un évêque aux armées :
Cher Monsieur,
L’heure de ma libération est venue et demain je quitterai l’Allemagne et
la vie militaire.
Inutile de souligner l’absence ‒ complète dorénavant ‒ de service
religieux dans la plupart des formations.
Depuis notre entrée en Allemagne, nos groupes sont éparpillés à des
distances de vingt et trente kilomètres. Et il devenait douloureux d’apprendre
que des gens étaient morts sans secours, de recevoir des lettres réclamant
notre ministère de la part de pauvres gens qu’il n’y avait aucun moyen d’aller
voir.
Si on ne nous remplace par des jeunes, ce sera, avant peu, l’égalité dans
la privation totale de service religieux.
Combien le contraste est pénible au milieu de populations très ferventes,
d’une pratique dont nulle part, chez nous, on n’a l’exemple. Ces fêtes de
Noël l’ont prouvé, et non sans une souffrance intime.
Les intérêts [du diocèse de Gap] qui m’attirent chez moi sont trop graves
pour que je ne les fasse point passer avant toute autre occupation.
[…] {p. 61}
Arrivé à Neunkirchen, Mgr
de Llobet est démobilisé avec la classe 92 ; il est de
retour à Gap le 3 janvier 1919. {p. 102-104, fin du chap. VI }
Extraits de lettres relatives à la pratique religieuse intégrées dans Un Évêque aux armées.
Lettre du 30 janvier 1917 à François Veuillot, p. 59-60 :
Cher Monsieur,
[…] Que de fois je me suis rendu compte de l’influence qui s’exerce par
la lecture ‒ et trop souvent, hélas, au préjudice des idées religieuses et
morales.
Plus va le temps et plus la vie du front ressemble à celle de l’arrière, je
veux dire les sentiments et les habitudes. L’élite s’épure ‒ mais la masse
demeure dans ses positions. L’action de l’aumônier est toute personnelle. On
estime celui que l’on voit, de l’activité de qui on bénéficie, sans que la
religion elle-même y trouve tout le profit qu’on pourrait attendre.
Les petits ont besoin de l’exemple, et l’exemple est encore attendu.
[…]
† Gabriel, évêque de Gap
et celle du 26 juillet 1918 à son frère Joseph, p. 60-61 :
Mon cher Joseph
Vraie vie du champ de bataille ! à 2 km du boche ‒ entourés de cadavres
d’hommes ou de chevaux en pleine putréfaction, copieusement marmités nuit et
jour. Vie dans une caverne profonde, humide, où l’on peut loger mille, mais
quelles buées, odeurs, vacarmes ! Tout de même, bonne santé et bonne humeur.
Nos prêtres ne peuvent dire la messe, mais moi presque tous les jours. Avec la
latitude que tu me laisses, j’en acquitterai cinq à tes intentions.
[…]
† G.
Extraits13
d’une des conférences organisées par l’Association de l’enseignement libre pour 1921-1922,
prononcée par Mgr de Llobet le 5 mars, sans titre14
, intégralement reproduite dans Un évêque aux
armées en 1916-1918, et à laquelle il a été fait allusion plus haut à propos de sa mutation au groupe de
brancardier de la 69e division (voir n. 10).
Un secteur de tout repos ! (mai 1918), à proximité de Soissons, exposée en permanence :
{…}
Pour une fois, nous sommes dans les entours d’une ville, profitons-en.
Profitons-en, notamment, pour procurer à notre cantonnement l’organisation d’un
service religieux assez complet. Les ambulances et groupes d’artillerie échelonnés
de Boisroger à Vauxrot en bénéficieront. (p.71)
C’est donc sur la rive droite de l’Aisne, à son coude vers le nord, à 500 m. à
vol d’oiseau de la ferme Saint-Crépin que s’écoulent les semaines paisibles de
cette période. On est dans un secteur de tout repos !
Aménager une chapelle de campagne n’exige pas de grands frais. Dans les
décombres d’un carrefour, bien connu jadis des rouliers sous le nom de l’Auberge
du petit cochon (figure de logique qui consiste à prendre la partie pour le tout en
ne nommant que le compagnon de saint Antoine), dans ces décombres, dis-je, reste
une pièce qui ne reçoit de jour que par la place où fut la porte et qui a le rare
privilège de posséder encore, à défaut de toit, un léger plafond.
En ce temps-là, le ciel avait placé à mes côtés, à titre d’ordonnance, la perle
des hommes ; il avait à son actif toutes les qualités {…}. Au demeurant, breton de
vieille roche, missionnaire ardent et quelque peu décorateur, il s’acquitta à souhait,
grâce à quelques pots de peinture trouvés à Soissons, du soin de décorer
passablement notre oratoire improvisé et y installa, sur un semis de fleurs de lys et
de Croix de guerre un chromo de la Vierge qui valut à notre chapelle le vocable de
Notre-Dame-de-Grâce. Jamais mois de mai n’aura pour moi les charmes de ce
temps où le plus consolant ministère m’ouvrait des âmes en grand nombre et me
faisait suivre en elles le travail de la grâce.
La petite chapelle eut ses heures de gloire : ne vit-elle pas un jour trois évêques
réunis ! Mon cher collègue, aumônier inspecteur lui aussi, Mgr
Ruch, alors évêque
de Nancy, vint me rendre visite et la circonstance me valut d’attirer en mon
oratoire et en ma cagna le vénérable octogénaire qu’était Mgr
Péchenard, évêque
de Soissons. Fidèle à son peuple, le digne prélat
s’obstinait à rester – au prix de grands sacrifices – au
milieu de ses ruines. Les privations qu’il a endurées, les
émotions par lesquelles il a passé, ont sûrement contribué
à abréger ses jours15
.
À quelques jours de là, à l’occasion de la fête de la
Pentecôte, le vénéré Mgr
Péchenard put tenir dans une
travée de la cathédrale, un fantôme d’office pontifical. Il
crut en rehausser l’éclat en me priant de prendre la parole
aux vêpres. Fête pieuse, exquise journée de printemps que
ce 19 mai, et dont le grondement discret du canon n’altère
pas la sécurité. (p. 72-73)
À gauche, Mgr Ruch, à droite, Mgr de Llobet
{Ici se situe le passage déplacé plus haut.}
{…} Participant activement à la reprise de Soissons, « la 69
e s’est avancée à Berzy, puis à Noyant, jusqu’à
l’Aisne, qu’elle occupe dès le 3 août. » Les Allemands n’ont cependant pas évacué tous les quartiers.
{…}
Soissons désolé et toujours menacé (août 1918)
Je vous laisse à penser si de nous voir si près de Soissons, à 4 km à peine,
allumait en moi une irrésistible convoitise ! {…} Pourtant, ce n’est pas à nos
troupes qu’est confié ce secteur, (il ne leur sera donné que dix jours plus tard) et
aucune raison de service ne nous y attire. N’importe, le dimanche 4 août, la
randonnée est décidée : j’ai trouvé un complice en la personne du médecin
principal dont les cousins habitaient Soissons et qui a hâte de leur dire ce qui est
advenu de leur logis.
Il va sans dire que l’accès de la zone est encore trop malsain pour qu’on voie
surgir, sur la route, la silhouette d’un gendarme ou d’un factionnaire quelconque,
exigeant mot d’ordre ou papiers. Y va qui veut, mais n’en revient pas qui veut.
C’est déjà bien que de ne pas se trouver nez à nez avec une tunique feldgrau.
{… partout, ce ne sont que silence, ruines et saccages délibérés}
Je ne croirai pas {…} commettre un pieux larcin en retirant du cadre des
offices de la semaine appendu à un pilier de la cathédrale l’avis qui annonce… les
offices du jour de la Pentecôte… avec un sermon donné par l’évêque de Gap…
Ainsi durant toute l’occupation ennemie, cette relique du 19 mai est demeurée sous
son verre, et c’est comme un sourire ami qui nous accueille, qui nous attendait.
Chère cathédrale ! Quelle émotion à en franchir le seuil et à contempler sa
désolation. Le gros œuvre n’a guère souffert depuis le printemps, mais il est aisé
de constater que la prière ne l’a plus habitée. « Viӕ Sion lugent » [« Les chemins
de Sion sont dans le deuil », Lamentations, I, v. 4]. Le soldat allemand a son dieu à
lui, qu’il traîne à sa remorque. « Gott mit uns ». Il n’aime pas nos temples, où
habite l’Eucharistie.
{…}
À un ¼ d’heure de notre cantonnement est le petit village de Courmelles. Là,
autre sujet de tristesse. Le vestiaire de l’église est vide, les armoires débarrassées
de tout objet religieux. Mais en parcourant les maisons voisines, il est significatif
de rencontrer sur le fumier des écuries les chasubles et autres ornements.
Désormais, il ne s’écoulera guère de jours que la visite de nos régiments ne
m’attire à Soissons. Je puis suivre, heure par heure, l’agonie de la grande
cathédrale ! Au 4 août, elle m’était apparue telle, à peu près, que je l’avais connue
au mois de mai. La plaie béante de la paroi nord était grave mais pas irréparable.
À dater de ce jour, avec une intention indéniable, avec une justesse, hélas, trop
précise, le feu de l’ennemi sera dirigé sur elle, sous le prétexte, vingt fois démenti,
que son clocher sert de point d’observation. La haute tour carrée qui élève à 66 m
sa cage aérienne devient le point de mire de son tir. Les projectiles viennent
frapper sa dentelure de pierre, démolir gargouilles et pignons, abattre l’une après
l’autre les statues qui en décoraient les galeries, jusqu’à ce que l’écroulement se
produise et que le poids de cette construction massive, tombant sur le vaisseau de
la nef principale, entraîne un effondrement de la voûte et cause un désastre
irrémédiable. Mon carnet l’enregistre à la date du 14 août.
Cette vision lugubre n’ouvre-t-elle pas d’elle-même une parenthèse ?
À la veille de la cruelle tragédie, M. Barrès avait dénoncé avec éloquence « la
grande pitié des églises de France ». « Que pensez-vous faire pour sauvegarder ces
hautes expressions de la spiritualité française ? », demandait-il au gouvernement,
au lendemain de la Séparation. « Quelles mesures allez-vous prendre afin de
protéger la physionomie architecturale, la figure physique et morale de la terre
française ? » On n’en a pris aucune.
La guerre est venue avec son cortège de destructions et de crimes. Le canon
allemand a jonché de débris romans ou gothiques le sol envahi. Le nord de la
France, Champagne et Vermandois, Île-de-France et Picardie, que jusqu’à hier les
merveilles de notre architecture faisaient si riche, portent désormais le deuil de leur
splendeur passée. Reims et Soissons, Albert et Lorette, Noyon et Montdidier,
Rambercourt [sic] et Longpont pour n’en point nommer d’autres, joyaux de notre
patrimoine religieux et artistique, méritent d’être citées et honorées comme les
plus nobles mutilés de guerre. Ces pierres abattues, ces autels renversés,
représentent la plus haute pensée qui soit accessible au cœur de l’homme. Les
esprits imbus de rationalisme peuvent en prendre leur parti. L’âme catholique de la
France ne peut pas.
L’appel que nous adressent ces jours-ci S.E. le cardinal archevêque de Reims
et les évêques des diocèses dévastés trouve dans le simple exposé de la cause qu’il
plaide toute son éloquence. Quand on nous parle des trois mille églises de France
meurtries ou totalement anéanties par la bataille et qu’on veut relever ‒ ce n’est
pas un « projet », mais un « devoir » qu’il faut dire, devoir qui rencontrera des
connivences assurées dans toutes les âmes dont le patriotisme s’éclaire aux clartés
de la foi.
Jadis, on eût sollicité nos bras pour apporter des pierres à l’édifice. On eût
séduit notre enthousiasme par l’attrait des récompenses futures. En notre siècle
vingtième d’un réalisme pratique, on ne s’adresse qu’à notre bourse. On se
contente de nous attirer par l’appât d’un coupon de rente, bien gagé du reste.
Sachons voir de plus haut et en plus grand. L’avantage matériel n’exclut pas le
mérite : l’or monnayé peut disparaître, l’or de la charité a toujours cours. Restituer
au Christ ses tabernacles, c’est faire le geste de la race et quand la voix nous vient
de Reims et de son baptistère, c’est répondre en fils de ces Francs d’autrefois qui
aimaient le Christ. (p. 84-87)
{Évocation de la débâcle allemande}
Deo gratias ! Le 2 août, premier vendredi du mois, nos
soldats étaient entrés dans Soissons
reconquise. Le 6 septembre, encore un
premier vendredi du mois, la ville était
entièrement libérée de l’étreinte ennemie.
Heureux… comme on l’était un matin
de relève, après une nuit passée sur les
talons de l’ennemi, sur le chemin de
Laffaux, je croyais sentir qu’une dette du
cœur m’appelait à la cathédrale. Dans cette
insigne église où ‒ depuis plus de trois
mois ‒ le Sacrifice avait cessé, il me
semblait d’une douceur immense de faire
monter vers Dieu les premiers accents de
la reconnaissance et de l’amour.
Débarrasser tant bien que mal de
l’amoncellement de pierres et de plâtras
qui le couvrait l’autel du Saint-Sacrement
ne fut pas l’affaire d’un instant.
Puis, sans autres témoins que deux officiers et les oiseaux du ciel, qui ont
trouvé ici leur refuge, je célébrai la sainte messe. Première fleur de la prière qui
s’élevait du milieu de ces ruines. Première hostie qui dans ce cadre de destruction
et de mort, faisait descendre, avec le Christ vivant de nos autels, un gage de
résurrection et de vie.
Encore quelques heures et nous serons loin du théâtre des combats16
. Mais où
que nous allions et quel que soit le temps qui s’écoule, en revivant par le souvenir
ou par le rêve ces 50 journées, il nous semblera que de ces champs de l’Aisne
arrive jusqu’à nous « un peu du grand zéphyr qui souffle à Salamine » 17
. Il nous
suffira de fermer les yeux pour revoir, dans la majesté de sa douleur, la silhouette
élancée de la chère cathédrale, pour entendre l’écho de sa plainte sacrée « comme
il suffit de porter à l’oreille une coquille marine pour entendre le bruit des vagues
qui la roulèrent pendant des milliers d’années ».
1 Un Évêque aux armées en 1916-1918, Lettres et souvenirs de Mgr de Llobet, documents réunis et présentés par
Gabriel de Llobet, préface de Gérard Cholvy, Limoges, Pulim, coll. « Cahiers de l’Institut d’Anthropologie
Juridique » n° 9, 2003, 133 p., ill., et Mgr de Llobet, Un pasteur intransigeant face aux défis de son temps (1872-
1957), Limoges, Pulim, coll. « Cahiers de l’Institut d’Anthropologie Juridique » n° 32, 2012, 260 p., ill.
2 Localité située au nord-est de Perpignan et où la famille possédait une demeure et des terres.
3 Sauf indication contraire, dans la suite du texte, la pagination renvoie à cet ouvrage.
4 Selon X. Boniface, L’aumônerie militaire française (1914-1962), Cerf, Paris, 2001, p. 75-76.
5 Titre d’un ouvrage présenté comme une enquête d’opinion publiée par H. Massis et A. de Tarde en 1913 ;
réédité de manière très critique par J.-J. Becker, Paris, Imp. Nat., 1995.
6 D’après la n. 6, p. 80, toutes ces citations sont extraites de la préface d’Une page d’apostolat, p. XIII-XVII.
7 La n. 45, p. 90, précise : « le 30 avril est le premier dimanche après Pâques. »
8 « Cette lettre est par exception une copie, faite sans doute par Augustine, fière du rôle joué par son frère. Le
tout début de la lettre n’a pas été recopié ; on ignore donc à qui elle est adressée », (Un évêque aux armées, n. 7,
p. 55).
9 Correspondance de guerre du général Guillaumat (1914-1919), transcrite par son petit-fils Paul Guillaumat,
Paris, L’Harmattan, 2006, p. 186-187.
10
Les détails sont donnés dans la conférence reproduite dans Un évêque aux armées, et dont des extraits figurent
plus bas, après les tableaux chronologiques.
11
La n. 25, p. 74, indique : « La Q.R. Gap du 13 juin 1918 donne de cette mutation une version complémentaire :
“ Sa Grandeur disait adieu à sa chère chapelle et à la formation du G. B. C. pour être affecté à l’Aumônerie d’une
division d’infanterie. L’accueil le plus sympathique l’attendait à ce nouveau poste où son ministère s’annonce
actif et consolant. La Fête-Dieu [30 mai] a été la première cérémonie religieuse ; une compagnie d’Italiens a tenu
à célébrer cette fête avec grande dévotion : tous les hommes se sont approchés des sacrements, officiers en tête,
ils ont assisté à la grand-messe, au cours de laquelle ils ont eu la joie d’entendre Monseigneur leur adresser la
parole dans leur langue maternelle.” »
12
Une note précise : « Le nom est laissé en blanc, nous savons qu’il s’agit de l’Aisne. »
13
Nous avons reproduit les seuls passages en rapport direct avec la pratique religieuse au front.
14
L’historien Gabriel de Llobet a choisi de lui donner deux titres, sans doute à des périodes différentes :
Souvenirs du front de l’Aisne (mai-septembre 1918) et Autour de Soissons délivrée. Il ajoute : « Nous avons
aussi pourvu le texte de titres de chapitres qui facilitent la lecture en soulignant le plan et la chronologie. Des
paragraphes très courts ont été regroupés. La plupart des mots abrégés ont été développés en toutes lettres […].
(p. 64)
15
La n. 21, p. 73, indique qu’il est mort en 1920.
16
La n. 78, p. 95, commente cette affirmation : « Il s’agit sans doute d’un raccourci oratoire, car l’auteur a
accompagné la 69e division sans l’interruption d’une permission, même après le 11 novembre, à Metz et jusqu’à
l’occupation de la Sarre à la fin de 1918 : « Il faut être venu ici [à Neukirchen] pour goûter vraiment tout
l’honneur de la victoire. » Q.R. Gap, 26 décembre 1918, p. 373-374. »
17 Sully Prudhomme (1839-1907), extrait du poème « L’Université » en huit quatrains, publié dans le recueil Le
Prisme (1886). L’alexandrin figure dans le sixième quatrain (nous soulignons) : « Si la gaîté du ciel rarement
illumine Tes austères préaux qui n'ont pas d'horizons, Un peu du grand zéphyr qui souffle à Salamine Mêle un
salubre arôme à l'air de tes prisons ».