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MIEUX COMPRENDRE LES DYNAMIQUES DE LA BARRIÈRE INTESTINALE ET SON RÔLE DANS LES MALADIES MÉTABOLIQUES RECHERCHE N° 12 JUIN 2018 LE MAGAZINE DE L’ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES Sir John Eliot Gardiner, docteur honoris causa de l’EPHE P.6 Une école d’archéologie islamique face à Daech P.14 Ah ! Doc, le journal de l’École doctorale P.17 P.26

MIEUX COMPRENDRE LES DYNAMIQUES DE LA BARRIÈRE …€¦ · mieux comprendre les dynamiques . de la barriÈre intestinale et son rÔle dans les maladies mÉtaboliques. recherche

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  • MIEUX COMPRENDRE LES DYNAMIQUES DE LA BARRIÈRE INTESTINALE ET SON RÔLE DANS LES MALADIES MÉTABOLIQUES

    RECHERCHE

    N° 12 JUIN 2018

    LE MAGAZINE DE L’ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES

    Sir John Eliot Gardiner, docteur honoris causa de l’EPHE

    P.6

    Une école d’archéologie islamique face à Daech

    P.14

    Ah ! Doc, le journal de l’École doctorale

    P.17

    P.26

  • Éditorial P.03

    C’est officielRécompenses et nominations P.04-05

    Prix décernés aux docteur.e.s P.05

    À l’honneur : Sir John Eliot Gardiner, docteur honoris causa de l’EPHE P.06-07

    Actu des sectionsUne collaboration inter-GRET : un modèle de neurones en culture 3D pour mieux comprendre la physio pathologie de la maladie d’Alzheimer P.08

    François Jouen élu doyen de la section des Sciences de la vie et de la terre P.08

    Retour sur la Journée Scientifique des Sciences Religieuses P.08-09

    SIGILLA, la sigillographie au futur P.09

    Actu des institutsIYOR2018 : une année pour les récifs coralliens P.10

    Interview de Didier Leschi, nouveau président du Conseil de direction de l’IESR P.10-11

    Vieillissement, quels enjeux pour les territoires ? P.11

    Actu des servicesLe fonds Pierre Bourdieu P.12-13

    Cent cinquantenaire de l’EPHEL’EPHE et la province autonome du Kurdistan irakien : naissance d’une école d’archéologie islamique face à Daech P.14-16

    Ah ! DocLe mot du directeur de l’École doctorale P.17

    Parole de doctorant : Les manuscrits opisthographes P.18

    Gros plan : cérémonie de remise des diplômes de doctorat de l’EPHE P.19

    Focus : colloque « Pragmatisme et religion » P.20

    Retour sur la journée transversale des doctorants de l’EPHE « Ordre et Chaos » P.21

    Soutenances P.22

    PortraitAmina Mettouchi, au cœur des langues berbères P.23-25

    RechercheMieux comprendre les dynamiques de la barrière intestinale et son rôle dans les maladies métaboliques P.26-29

    Valeur ajoutéeMai 2018, le mois des forums de l’EPHE P.30

    Campus Condorcet : une « première pierre » symbolique P.31

    Sans frontièresChronique internationale P.32-33

    ActualitésManifestations scientifiques du cent cinquantenaire de l’EPHE P.34

    Événements labélisés

    Publication : L’Europe et les géographes arabes du Moyen Âge P.35

    Exposition virtuelle : Sortir du gynécée. Un nouveau regard sur la Grèce antique P.35

    MIEUX COMPRENDRE LES DYNAMIQUES DE LA BARRIÈRE INTESTINALE ET SON RÔLE DANS LES MALADIES MÉTABOLIQUES

    RECHERCHE

    N° 12 JUIN 2018

    LE MAGAZINE DE L’ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES

    Sir John Eliot Gardiner, docteur honoris causa de l’EPHE

    P.6

    Ah ! Doc, le journal de l’École doctorale

    P.14

    Une école d’archéologie islamique face à Daech

    P.20

    P.22

    SOMMAIRE

    ÉPHÉMÉRIDE, le magazine de l’École Pratique des Hautes ÉtudesNuméro 12 – juin 2018

    Directeur de la publication : Hubert BostRédacteur en chef : Patricia LedouxOnt participé à ce numéro :Emmanuel Belamie, Jacques Berchon, Cécile Berthe, Yves Bruley, Michel Cacouros, Virginie Cardaillac-André, Sylvie Demignot, Oriane Elatri, Jean-Louis Ferrary, Laurence Frabolot, Jean-Luc Fournet, Vincent Goossaert, Laurent Hablot, Élodie Hibon, Michel Hochmann, Louis Hourmant, Vanessa Juloux, Didier Leschi, Robin Mailhac, Anne Marcilhac, Amina Mettouchi, Romain Mollard, Jean-Michel Mouton, Sophie Nordmann, Denis Pelletier, Antony Perrot, François de Polignac, Cécile Reynaud, Alice de Rochechouart, Sophie Thenet, Sophie Ursella, Nicolas Vatin.

    Création : Agence MagamoMise en page : Frédéric MagdaImpression : Alinea Print

    Photo en couverture : Équipe « Physiopathologie intestinale : nutrition et fonction de barrière ». UMRS 1138 Centre de Recherche des Cordeliers, Paris © Inserm.

    École Pratique des Hautes Études Patios Saint-Jacques – 4-14, rue Ferrus 75014 [email protected]

  • D ans De l’autre côté du miroir, Alice rencontre la Reine Rouge et s’étonne : « Mais Reine Rouge, c’est étrange, nous courons vite et le paysage autour de nous ne change pas... » « Ma chère, lui répond la reine, ici il faut courir vite juste pour rester à la même place. Et si vous voulez vous rendre quelque part, vous devez courir deux fois plus vite. » Faut-il appliquer cette réplique absurde et comique, digne du génie de Lewis Carroll, à la situation de la recherche et de l’enseignement supérieur français ? Tout en nous gardant de répondre trop vite, sachons que la « Reine Rouge » a été récemment évoquée par Stephen Toope, vice-chancellor de l’université de Cambridge, dans son discours à la cérémonie d’ouverture des 120 ans de l’Université de Pékin où je représentais l’EPHE et PSL. Pour Stephen Toope, c’était une façon d’illustrer tout en humour le thème du forum international de Pékin, sur les changements et la continuité ; de montrer que, dans notre domaine comme dans bien d’autres, le paysage mondial s’est transformé de façon spectaculaire : certes les enjeux classiques de la recherche demeurent, mais ils prennent une dimension globale, ils sont forcément pris dans des logiques concurrentielles, ils bénéficient de nouveaux outils qui transforment notre façon d’envisager les problèmes scientifiques et les moyens de les résoudre. Ces nouveaux défis sont considérables.

    Le choix fait par l’EPHE de devenir membre de PSL consiste à rester fidèle à des prin-cipes, à des méthodes, à des valeurs et à des exigences qui ont fait sa réputation tout en se donnant, avec audace, les moyens de rester dans la course. Cette fidélité à la tradition scientifique des « hautes études » que notre École a été la première à institutionnaliser dans l’enseignement supérieur public, nous la célébrons tout particulièrement en cette année de cent cinquantenaire. L’audace, nous la partageons avec les autres établisse-ments membres de PSL. Nous savons qu’en participant à la construction d’une université intégrée, nous nous donnons les moyens d’être plus forts. Ensemble, nous savons que nous avons les moyens de devenir une institution de rang mondial.

    Ce nouveau numéro d’Éphéméride est traversé par cette tension entre continuités et ruptures, par la dynamique qui naît, parfois de manière inattendue, entre l’histoire pas-sée, l’actualité brûlante et les projets qui nous animent.

    Hubert BOSTPrésident de l’EPHE

    ÉPHÉMÉRIDE N°12 / JUIN 2018 03

    ÉDITO

  • C’EST OFFICIEL

    ÉPHÉMÉRIDE N°12 / JUIN 201804

    Récompenses et nominations

    Hélène Frimour, directrice générale des services de l’EPHE, a reçu la médaille de Chevalier dans l’Ordre national du Mérite le 9 février 2018.

    Hélène Frimour lors de la cérémonie du 9 février 2018 © EPHE

    Laurence Frabolot, directrice de la recherche et des rela-tions internationales et Vice-présidente aux relations interna-tionales à l’EPHE, a reçu les insignes de Chevalier dans l’Ordre national de la Légion d’honneur le 2 février 2018.

    Laurence Frabolot lors de la cérémonie du 2 février 2018 © EPHE

    Historien de l’Empire ottoman (xve-xviie s.), Nicolas Vatin a étudié les rapports entre Ottomans et Occidentaux, l’histoire maritime ottomane et la piraterie, l’organisation du pouvoir, l’application administrative de la loi, la légitimité de la dynas-tie.

    Ses travaux sont fondés sur la publication et l’exploitation de documents d’archives et de chroniques, auxquelles il consacre le principal de son séminaire « Études ottomanes, xve-xviie s. » à la section des Sciences Historiques et Philologiques de l’EPHE, où il est directeur d’études cumulant depuis 1999.

    Par le déchiffrement, la traduction et le commentaire de ces textes, il y propose une formation en paléographie, philologie et histoire ottomanes. On y a ainsi étudié les récits ottomans de la prise de Constantinople (1453), le récit par Feridun de la dernière campagne de Soliman (1566) ou la geste de Hayred-din Barberousse : textes dont la publication est le fruit du tra-vail commun avec les auditeurs.

    Il a notamment participé à un programme d’épigraphie funéraire envisageant les épitaphes comme source d’histoire sociale, ainsi qu’à des réflexions sur l’organisation des cimetières et leur place dans la ville, et sur la mort chez les Ottomans à partir de l’étude des décès et successions des sultans ou de celle du formulaire des épitaphes, permettant ainsi d’appréhender l’attitude de la société musulmane ottomane face à la mort.

    Nominations Nicolas Vatin élu à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres le 16 février 2018

    Nicolas Vatin

    Médailles de la Grande chancellerie de la Légion d’honneur

  • C’EST OFFICIEL

    05ÉPHÉMÉRIDE N°12 / JUIN 2018

    Judith Schlanger élue présidente de l’Oxford Centre for Hebrew and Jewish Studies en mars 2018

    Matthew Kapstein élu membre de l’American Academy of Arts and Sciences (AAAS) le 18 avril 2018

    Matthew Kapstein, directeur d’études à la section des Sciences religieuses et membre du Centre de recherche sur les civilisations d’Asie orientale (CRCAO), est spécialiste de l’histoire des philosophies et des religions de l’Inde et du Tibet, et plus particulièrement du bouddhisme tibétain et de ses racines indiennes.

    Ses activités ont donné lieu à plusieurs collaborations d’envergure internationale dans des domaines tels que la philosophie indienne, les rapports sino-tibétains et l’histoire de la pensée et de l’art du Tibet. Parmi ses nombreuses publications, Sources of Tibetan Tradition, rédigé en colla-boration avec K. Schaeffer (Université de la Virginie) et G. Tuttle (Université de Columbia, New York), et publié en 2013 par les Columbia University Press, contient environ 200 extraits de la littérature tibétaine dans tous les domaines – histoire, politique, religion, poésie, ainsi que les œuvres techniques et scientifiques – et constitue une synthèse sans précédent dans l’étude de la civilisation tibétaine.

    Prix décernés aux docteur.e.s Le prix «L’Oréal Portugal Medals Of Honor For Women In Science 2018»

    a été attribué à Dulce Oliveira pour sa thèse « Comprendre les périodes chaudes avant et après la transition du Pléistocène moyen (MIS 31 et MIS 11) dans la péninsule Ibérique » soutenue à l’École doctorale Sciences et environnements sous la direction de Maria Fernanda Sanchez Goñi (directrice d’études à la section SVT) et co-encadrée par Stéphanie Desprat (maître de conférences à la section SVT).

    Le prix de thèse Okamatsu Yoshihisa 2017 de la Société française des études japonaises (SFEJ) a été décerné à Ignacio Lui Quiros Enrique pour sa thèse « Sens et fonctions de la notion de koto dans le Japon archaïque », soutenue à l’EPHE sous la direction d’Alain Rocher (directeur d’études à la section SR).

    Le premier prix de l’Institut d’étude de l’Islam et des sociétés du monde musulman (IISMM) 2018 a été attribué à Hayri Gökşin Özkoray pour sa thèse « L’esclavage dans l’Empire ottoman (XVIe-XVIIe s.). Fondements juridiques, réalités socio-économiques, représentation », soutenue à l’EPHE sous la direction de Nicolas Vatin (directeur d’études à la section SHP).

    Matthew Kapstein

    Dulce Oliveira (deuxième en partant de la gauche) à la remise de la médaille L’Oréal Portugal © Fondation L’Oréal

    Judith Schlanger

    Judith Olszowy-Schlanger est spécialiste de paléographie, diplomatique et sciences de manuscrits en caractères hébraïques du Moyen Âge. Ses thématiques de recherche incluent plus particulièrement l’étude des actes de la pratique et des écritures ordinaires juifs, les écrits découverts dans la Genizah du Caire et les fragments de manuscrits hébraïques réutilisés dans des reliures d’autres livres et dossiers de notaires, dans le cadre du projet international Books within Books : Hebrew Fragments in European Libraries qu’elle dirige. Cette recherche vise à reconstruire la formation et le travail de scribes, les techniques et le contexte historique, économique et intellectuel de la production de manuscrits en caractères hébraïques par des communautés juives d’Orient et d’Occident. Elle travaille également sur les contacts intellectuels entre juifs et chrétiens à l’époque médiévale.

    Directrice d’études à la section des Sciences Historiques et Philologiques et membre de l’équipe Savoirs et Pratiques du Moyen Âge au XIXe s. (SAPRAT), elle a également présidé l’European Association for Jewish Studies (EAJS) de 2010 à 2014.

    Judith Schlanger sera, en septembre 2018, la première femme présidente de l’Oxford Centre for Hebrew and Jewish Studies de l’Université d’Oxford, depuis sa création en 1972.

  • 06

    Trois personnalités ont été désignées par les sections de l’École : • Edith Sullivan, psychiatre spécialiste des sciences du

    comportement, professeure à Stanford University, par lasection des SVT ;

    • Charlotte Roueché, spécialiste des études helléniques etpionnière des humanités numériques pour l’études desdocuments antiques, professeure à King’s College London,par la section des SHP ;

    • Sebastian Brock, spécialiste des études syriaques sur le planlinguistique, culturel, religieux, professeur à l’Universitéd’Oxford par la section des SR.

    À noms de ces trois éminents collègues, l’École a souhaité joindre ceux de deux personnalités qui incarnent des valeurs auxquelles l’École est particulièrement attachée : le dialogue interdisciplinaire et la culture :• Caleb Finch, neurologue spécialiste de la maladie d’Alzheimer,

    professeur à l’University of South California Leonard DavisSchool of Gerontoly, a conjugué l’anthropologie et labiologie moléculaire dans son approche du vieillissement,montrant la fécondité du dialogue entre sciences dures etsciences humaines et sociales ;

    • Sir John Eliot Gardiner, chef d’orchestre de réputationinternationale, fondateur et directeur artistique de plusieursformations musicales prestigieuses, dont nous avons vouluhonorer la carrière au service de la musique en raison denotre intérêt de toujours pour l’histoire de l’art en général etpour la musicologie en particulier.

    Ces choix soulignent la dimension internationale de l’École depuis ses origines. Ils témoignent de son engagement dans des recherches scientifiques très spécialisées, depuis les travaux remontant à l’Antiquité aux techniques contemporaines les plus pointues. L’engagement résolu de l’EPHE dans la construction de l’Université PSL leur donne un écho supplémentaire : tous

    ÉPHÉMÉRIDE N°12 / JUIN 2018

    Sir John Eliot Gardiner, docteur honoris causa de l’EPHE À l’occasion de son cent cinquantième anniversaire et afin de célébrer la recherche mondiale à laquelle

    elle participe depuis sa fondation, l’EPHE décerne en 2018 un doctorat honoris causa à cinq personnalités qui marquent le monde des sciences et de la culture.

    partagent l’idéal d’une université qui promeut la collaboration entre sciences, lettres et arts.

    En un temps où d’inquiétants signes de repli sont émis tant en Europe qu’outre-Atlantique, il est plus que jamais indispensable de rappeler que la science n’a pas de frontières. La recherche, la connaissance, la transmission des savoirs, l’exigence de vérité, les valeurs éthiques qu’impliquent la mise en œuvre de ces activités : tout cela relève de la vocation humaine au sens large, tout cela est universel.

    L’École a décerné son doctorat honoris causa à Sir John Eliot Gardiner le 14 mars dernier, lors d’une cérémonie organisée pour lui à la Philharmonie de Paris. Le discours de réception était prononcé par Cécile Reynaud, directrice d’études à la section des SHP, titulaire de la chaire « Histoire de la musique européenne au XIXe siècle ».

    « Notre fondateur Victor Duruy voulut faire accéder les étudiants au savoir en les familiarisant avec les différentes pratiques de la recherche et de l’érudition et en intégrant au corps enseignant de grandes figures issues de milieux professionnels variés, qui pourraient les guider dans les différentes applications pratiques de leurs recherches.

    Sir John, vous représentez aujourd’hui avec éclat auprès de nous, chercheurs, l’un de ces mondes, celui des créateurs et de la musique vivante : mais par vos travaux sur les répertoires, par vos actions pour la pédagogie et la transmission des répertoires musicaux, vous incarnez une exigence de recherche dont la rigueur et les méthodes rejoignent celles qui animent notre École.

    Bien des territoires sont communs aux artistes créateurs et aux chercheurs – à commencer par la musique et son histoire. Jusqu’à la nomination en 1951 de Solange Corbin sur une chaire de Paléographie musicale, la musicologie ne faisait pas partie des enseignements de l’École Pratique des

    Hubert Bost, Sir John Eliot Gardiner et Cécile Reynaud © EPHE, David Haffen

    L’orchestre PSL et Ambroisine Brée dirigés par par Johan Farjot, le 14 mars 2018 © EPHE, David Haffen

    À L’HONNEUR

    C’EST OFFICIEL

  • 07ÉPHÉMÉRIDE N°12 / JUIN 2018

    Hautes Études. Les institutions qui donneront ses fondements à la musicologie naissent d’ailleurs tardivement : l’Institut de musicologie de l’Université de Paris, en 1952 ; le département de la Musique de la Bibliothèque nationale de France auquel la chaire de musicologie de notre École a été profondément liée, en 1942. Le travail sur les sources historiques et musicales, sur les collections musicales, est en effet au cœur de l’enseignement que nous dispensons : il s’agit là d’un premier point de rencontre entre les chercheurs que nous sommes et le chercheur créateur que vous êtes.

    Vous-même avez commencé des études d’histoire à Cambridge, avant de choisir la carrière de musicien. Ces études furent interrompues par les Vêpres de Monteverdi, qui changèrent le cours de votre carrière : le concert que vous donnez en 1964, en imposant les instruments anciens, vous fait entrer dans la carrière musicale. Votre formation et vos débuts sont étroitement liés à la France : vous suivez à Paris en 1967-68, les cours de la grande pédagogue Nadia Boulanger : son approche de la musique a profondément marqué vos choix artistiques. Les Archives Nadia Boulanger conservées à la Bibliothèque nationale de France contiennent des échanges épistolaires entre votre professeur et vous-même, témoignages de ces années d’études et d’échanges musicaux.

    Votre formation musicale accompagne la fondation des premiers ensembles que vous dirigez (Monteverdi Choir en 1964, Monteverdi Orchestra, en 1966). Viennent ensuite les English Baroque Soloists, en 1978, l’Orchestre révolutionnaire et romantique en 1990. Cette démarche – deuxième point commun entre créateurs et chercheurs – démontre l’importance des outils, nombreux, nuancés, que vous avez voulu mettre au service de la redécouverte de répertoires, de périodes et d’espaces géographiques variées – de Monteverdi à Messiaen : il vous fallait en effet des formations bien différentes pour respecter les esthétiques et les pratiques musicales de chaque époque – dans votre démarche pionnière de recréation des répertoires musicaux du passé.

    Vos travaux de recherche ont permis de donner vie à des partitions ignorées – avant tout l’opéra de Rameau LesBoréades, dont vous avez donné la première version scénique au festival d’Aix-en-Provence en 1982.

    Vous avez aussi œuvré pour la découverte d’œuvres d’un autre mal aimé, à l’époque, de ses compatriotes : Hector Berlioz. En témoigne la première mondiale, en 1993, de la Messe solennelle, miraculeusement retrouvée dans un coffre de l’orgue de l’église Saint-Charles Borromée d’Anvers. Vous avez aussi donné en 2003 au théâtre du Châtelet l’une des rares exécutions intégrales de son opéra Les Troyens, sur instruments anciens, ce qui révéla dans l’orchestre berliozien des sonorités jusqu’alors inouïes pour les oreilles d’un auditeur contemporain.

    Nos chemins se croisent encore lors de la mise en pratique de nos recherches, pratique fondamentale dans notre démarche, pratique que vous mettez en œuvre dans chacune de vos interprétations. Vous avez donné ses lettres de noblesse aux “interprétations historiquement informées” par l’usage des instruments historiques et par un travail fondamental sur la diction et la prosodie.

    Cette glorification de l’œuvre originale par les moyens de la recherche et de l’interprétation sont au cœur des vastes territoires artistiques que vous avez conquis en compagnie des fameux ensembles musicaux que vous avez créés. Ces démarches autour du texte et de son interprétation me semblent aussi celles auxquelles nous autres, chercheurs enseignants, nous aspirons au sein de notre École. »

    AGENDACérémonie des doctorats honoris causa le 21 juinLa cérémonie de remise des doctorats honoris causa aux quatre collègues universitaires aura lieu le 21 juin 2018, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne.

    • Joel Swendsen et Bérengère Guillery Girard prononceront l’éloged’Edith Sullivan

    • Muriel Debié prononcera l’éloge de Sebastian Brock• Denis Rousset prononcera l’éloge de Charlotte Roueché• Jean-Michel Verdier prononcera l’éloge de Caleb Finch

    La cérémonie sera animée par l’Orchestre et chœur PSL. Au programme Mozart, Beethoven, Gershwin et quelques surprises…

    Pour plus d’informations : www.ephe.fr/actualites/ceremonie-des-doctorats-honoris-causa

    Chapelle de la Sorbonne vue des toits © Rectorat de Paris - Sylvain Lhermie

    De gauche à droite : Laurence Frabolot, Philip Huyse, Sylvie Demignot, Sir John Eliot Gardiner, Hubert Bost, Jean-Michel Verdier, François de Polignac et Cécile Reynaud © EPHE, David Haffen

    C’EST OFFICIEL

  • ACTU DES SECTIONS

    8 ÉPHÉMÉRIDE N°12 / JUIN 2018

    Une collaboration inter-GRET1 : un modèle de neurones en culture 3D pour mieux comprendre la physio-pathologie de la maladie d’AlzheimerUn des signes neuropathologiques caractéristiques de la maladie d’Alzheimer est la présence de dépôts amyloïdes extracellulaires toxiques pour les neurones. Ces dépôts sont impliqués dans la perte neuronale caractéristique de cette pathologie neurodégénérative. Des études en conditions classiques (supports de culture en 2D) ont montré que les peptides amyloïdes solubles sont toxiques pour les neurones. De plus, il a été montré que les extensions neuritiques des neurones deviennent anormales (dystrophiques) à proximité d’agrégats amyloïdes. Pour aller plus loin dans l’étude du rôle spécifique des interactions entre les agrégats amyloïdes et les extensions neuritiques sur le devenir de la cellule nerveuse, il était nécessaire de développer un nouveau modèle de neurones en culture.

    Anne Marcilhac et Emmanuel Belamie, respectivement maître de conférences et directeur d’études à la section SVT de l’EPHE, ont associé leurs compétences pour répondre à ces questions. Anne Marcilhac est neurobiologiste à l’UMR-S 1198, Mécanismes Moléculaires dans les Démences Neurodégénératives (GRET TRANS-NEURO). Emmanuel Belamie est physico-chimiste à l’UMR 5253 de l’Institut Charles Gerhardt Montpellier, dans l’équipe matériaux avancés pour la catalyse et la santé (GRET CEDI).

    Ensemencées en surface d’une matrice de collagène biomimétique contenant des facteurs de croissance, les cellules de lignées neuronales (PC12 ou SH-SY6Y) se différencient et forment des neurites (Labour et al Acta Biomat 2012). Les corps cellulaires sont maintenus en surface et seuls les neurites ont la possibilité de croître dans l’intérieur de la matrice lorsque la porosité est rendue suffisamment grande. Les auteurs ont également montré que des agrégats d’Aβ peuvent être formés à l’intérieur de la matrice 3D. Leurs travaux récents démontrent que, dans ces conditions, la proximité avec des agrégats induit une dystrophie des neurites (Fig. C, D1-D3) témoignant de leur toxicité (Labour et al Acta Biomat 2016).Le modèle de culture 3D compartimenté développé et utilisé dans cette étude est un outil précieux pour étudier la cytotoxicité des agrégats d’Aβ denses préformés et démontre, pour la première fois, que le contact entre les agrégats et les neurones est nécessaire pour induire les processus neurodégénératifs. La suite de cette étude consistera à élucider les mécanismes entraînant la mort cellulaire en relation avec le contact neurites-agrégats.

    CONTACTS : Anne Marcilhac, [email protected] Emmanuel Belamie, [email protected]

    Retour sur la Journée Scientifique des Sciences Religieuses

    Sciences de la vie et de la terre

    Sciences religieuses

    Sciences historiques et philologiques

    SCIENCES HISTORIQUES ET PHILOLOGIQUES

    SCIENCES RELIGIEUSESSCIENCES DE LA VIE ET DE LA TERRE

    Sciences de la vie et de la terre

    Sciences religieuses

    Sciences historiques et philologiques

    SCIENCES HISTORIQUES ET PHILOLOGIQUES

    SCIENCES RELIGIEUSESSCIENCES DE LA VIE ET DE LA TERRE

    François Jouen élu doyen de la section des Sciences de la vie et de la terreL’assemblée de la section des Sciences de la vie et de la terre réunie le 15 mars 2018 a élu François Jouen doyen de section.Directeur d’études à l’EPHE, François Jouen est co-directeur de l’unité CHArt (Cognitions Humaine et Artificielle, EA 4004/FED 4246) et coordinateur du GRET Modélisation, Épigénétique et Développement. François Jouen a pris la succession de Sylvie Demignot depuis le 1er avril 2018.

    CONTACT : François Jouen, [email protected]

    1 – Un GRET ou Groupement de recherche et d’enseignement thématiques est constitué d’enseignants-chercheurs EPHE de différents sites et d’un même champ thématique, qui permet à la section d’assurer ses missions spécifiques en enseignement et en recherche.

    Approches plurielles du Religieux - Religion(s) contre territoire, territoire contre religion(s) ?

    - Figures religieuses, figures politiques

    - Savoir et croyances : construction et déconstruction

    INHA : 2 rue Vivienne, 75002 PARIS

    Métro : Palais Royal - Musée du Louvre ou Bourse (Lignes 1, 7 et 3)

    Jeudi 31 mai 2018 de 9h à 18h, à l’INHA, salle Benjamin

    Journée scientifique des Sciences religieuses

    Le 31 mai a eu lieu à l’INHA la se-conde édition de la Journée Scien-tifique des Sciences Religieuses (JSSR), dédiée aux appro ches plu-rielles du religieux et organisée par les docto rants de la section. L’année dernière, 17 intervenants (directeurs d’études que doctorants) avaient pu témoigner du dynamisme aca-démique de la section des Sciences Religieuses de l’EPHE devant plus de 90 participants internes et ex-ternes à l’école. La journée avait ain-si permis d’offrir un large panorama des recherches de la section grâce à des présentations succinctes, tout en créant des échanges forts entre chercheurs et participants lors des temps de discussion. Chercheurs confirmés et débutants avaient ainsi échangé leurs regards d’historiens, d’anthropologues, de sociologues et de philosophes, sur des thèmes

  • Soutenu par le Service interministériel des Archives de France et divers mécénats, ce projet, aujourd’hui porté par l’EPHE, est piloté par un Consortium réunissant des institutions de conservation (le SIAF, les Archives nationales), et de recherche (l’équipe SAPRAT de l’EPHE, le CESCM, l’École nationale des Chartes, le Centre de recherches archéologiques et historiques anciennes et médiévales de l’université de Caen, le Centre de recherche universitaire lorrain d’histoire, l’Institut de recherche et d’histoire des textes.

    L’objectif de SIGILLA est de fédérer la mise en ligne des collections de sceaux des institutions de conservation françaises (archives nationales, départementales et municipales, musées, bibliothèques) et des collections particulières, de promouvoir les recherches sur le sceau et de favoriser la conservation de cette source menacée mais fondamentale de la culture européenne, conservée dans des quantités monumentales uniquement appréhendables via l’outil numérique.

    La base de données, en ligne depuis le début de l’année 2015, hébergée par

    la TGIR HUMA-Num, rend accessible à tous, à mesure de leur saisie, l’ensemble des données sigillographiques connues : matrices, empreintes, moulages, dessins et photographies. Alimentée par le biais de moissonnages des grands catalogues imprimés des XIXe et XXe siècles et par la saisie directe à partir des fonds, la base SIGILLA compte déjà plus de 5 000 sceaux de référence. Cette opération de collecte, conduite à travers la France entière, est soutenue par l’indexation collaborative. Une thèse (ENC-EPHE) étroitement associée au programme SIGILLA, est en cours aux AD21. Près d’une vingtaine de conventions ont déjà signées et un ambitieux projet transfrontalier de collecte des sceaux de la Savoie historique, Empreintes Savoyardes, est à l’étude. L’année 2018 est consacrée à la mise en ligne du catalogue de sceaux de Louis Douët d’Arcq (11 800 entrées) qui, comme l’EPHE, fête cette année ses 150 ans. L’intégration de SIGILLA au sein du projet E-SIGNA porté par le DIMé Sciences du Texte et connaissances nouvelles assurera bientôt l’interaction avec les bases Devise et ARMMA, COLLECTA, TRANSSCRIPT et ACCRONAVARRE.

    Associant les méthodes et la rigueur des sciences de l’érudition aux technologies et aux innovations des humanités numériques, SIGILLA illustre les perspectives offertes par une étroite collaboration entre les domaines de la conservation, de la recherche, de l’enseignement et de la valorisation du patrimoine.

    CONTACT : Laurent Hablot, [email protected]

    ACTU DES SECTIONS

    9ÉPHÉMÉRIDE N°12 / JUIN 2018

    Sciences de la vie et de la terre

    Sciences religieuses

    Sciences historiques et philologiques

    SCIENCES HISTORIQUES ET PHILOLOGIQUES

    SCIENCES RELIGIEUSESSCIENCES DE LA VIE ET DE LA TERRE

    SIGILLA, la sigillographie au futur C’est dans le cadre d’un partenariat scientifique entre les archives

    départementales de la Vienne et le Centre d’études supérieures de civilisation médiévale de Poitiers qu’est née, en 2013, l’idée d’une base de données nationale consacrée aux sceaux conservés en France, aboutissant au programme SIGILLA.

    Amédée III de Genève - Ad 74 - SA 99 Alby 8 (8 février 1340) © Archives départementales de la Haute-Savoie, cliché M. Forest

    navigant de l’Antiquité à nos jours, de l’Orient à l’Occident, et de l’étude des textes à l’étude des pratiques religieuses, en faisant émerger des corres-pondances parfois inatten-dues.

    Cette année encore, la ri-chesse des propositions a permis d’organiser la JSSR autour de trois probléma-tiques fortes, croisant diffé-rentes aires culturelles, diffé-rentes périodes historiques, et différentes disciplines à partir d’un enjeu commun. La 1re session « Religion(s) contre territoire, territoire contre religion(s) ? », a porté sur les interdépen-dances entre religion et structuration des espaces. Entre affrontement, recom-position et cohabitation, comment penser les inte-ractions et acculturations réciproques ? La 2de ses-sion « Figures religieuses, figures politiques », s’est intéressée à certains per-sonnages incarnant la ren-contre entre le spirituel et le temporel, ou faisant l’objet d’un culte spécifique. Com-ment (se) représenter ces figures et leurs liens avec le monde profane ? La 3e ses-sion, intitulée « Savoirs et croyances : construction et déconstruction », a propo-sé un point de vue réflexif sur la production de savoir et de croyances, soit en dé-construisant des récits ou des interprétations établis, soit en s’interrogeant sur le rapport du chercheur à son objet de recherche. De quelle épistémologie par-lons-nous pour les sciences religieuses ?

    La JSSR a accueilli cette année de nombreux parti-cipants et des intervenants.

    CONTACT : [email protected]

  • ACTU DES INSTITUTS

    10 ÉPHÉMÉRIDE N°12 / JUIN 2018

    IYOR2018 : une année pour les récifs coralliens

    Cette initiative a permis de :

    • Renforcer la sensibilisation à l’échelle mondiale sur la valeur des récifs coralliens et les écosystèmes associés et les menaces qui pèsent sur eux ;

    • Promouvoir les partenariats entre les gouvernements, le secteur privé, le monde universitaire et la société civile sur la gestion des récifs coralliens ;

    • Identifier et mettre en œuvre des stratégies de gestion efficaces pour la conservation, l’augmentation de la résilience et l’utilisation durable de ces écosystèmes ;

    • Partager l’information sur les meilleures pratiques en matière de gestion durable des récifs coralliens.

    Depuis plus de 45 ans, le Criobe participe à l’effort de connaissance scientifique sur les récifs coralliens et au partage d’informations à travers l’Institut des Récifs Coralliens du Pacifique qui organise chaque année des ateliers, des colloques et des rencontres avec le public. L’année Internationale pour les Récifs Coralliens 2018 est une nouvelle fois une belle occasion de partager toutes ces connaissances au travers des actions de l’IRCP. À titre d’exemple, deux classes du collège de Paopao (Moorea)

    ont effectué une visite de l’établissement en mars 2018. Les élèves de 6e et de 5e, accompagnés de leurs enseignants, ont ainsi eu l’opportunité d’échanger avec les scientifiques du Criobe, de participer à des expériences et à des ateliers. Un moment particulier entre les jeunes chercheurs et la jeunesse locale qui comprend mieux ce monde marin qu’elle côtoie au quotidien.

    L’IRCP et le Criobe ont profité de IYOR2018 pour créer des événements marquants à Tahiti et à Paris. Un documentaire montrant les beautés et richesses de nos fonds marins sera présenté à la fin de l’année, suivi d’une séance d’échanges entre le public et des intervenants du film. Le Criobe organise également, en partenariat avec la Galerie des Tropiques de Tahiti, une exposition d’art sur la thématique des récifs coralliens, regroupant plus d’une vingtaine d’artistes locaux, qui présenteront des œuvres spécialement réalisées pour l’occasion. Peinture, tapa, poterie, gravure sur pierre, sur bois ou sur nacre… autant de techniques différentes donnant l’occasion d’un autre regard sur nos récifs.

    CONTACT : Cécile Berthe (CRIOBE, Labex Corail), [email protected]

    Les récifs coralliens, cœur de vie de l’IRCP, sont à l’honneur cette année. Pour la troisième fois depuis 20 ans, l’Initiative Internationale pour les Récifs Coralliens (ICRI) a déclaré officiellement « Année Internationale des Récifs Coralliens 2018 » (après 1997 et 2008).

    Didier Leschi, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), a été nommé président du conseil de direction de l’IESR le 13 janvier 2018.

    Interview de Didier Leschi, nouveau président du Conseil de direction de l’IESR

    Comment avez-vous été amené à traiter de laïcité et des faits religieux ?

    C’est au sein du cabinet de Jean-Pierre Chevènement en 1997 que je me suis intéressé aux faits religieux et à la laïcité en étant associé à la réflexion sur l’institutionnalisation de l’islam de France. Même si j’avais lu Critique de la raison politique de Régis Debray, l’impact du retour du religieux et ses effets sur notre régime juridique de la laïcité publique ne faisait pas partie de mes préoccupations premières. J’ai été confronté à ces questions aux différents postes que j’ai occupé dans ma carrière préfectorale, en particulier comme chef du bureau central des cultes entre 2004 et 2008. À partir de cette date, j’ai beaucoup dialogué et même travaillé avec Émile Poulat jusqu’à son décès. Il était la démonstration vivante de ce qu’apporte une bonne connaissance des faits religieux pour mieux comprendre notre spécificité laïque.

    En quoi les missions de l’IESR vous intéressent-elles ?

    J’ai connu l’IESR en siégeant à son conseil de direction comme représentant du ministère de l’Intérieur à l’époque où son président était Dominique Borne. Quand j’étais en charge des quartiers de la « politique de la ville », dans le Rhône

  • ACTU DES INSTITUTS

    11ÉPHÉMÉRIDE N°12 / JUIN 2018

    ou en Seine-Saint-Denis, j’ai été confronté à une forte demande de connaissance des faits religieux afin de mieux faire face aux manifestations de remise en cause de la laïcité. Après les efforts faits dans le monde enseignant qui doivent se poursuivre, un besoin de connaissance des faits religieux afin de mieux expliquer la laïcité s’exprime dans de nombreux secteurs de la société. C’est parfois même devenu un marché, où ceux qui opèrent n’ont pas nécessairement les qualifications requises. Grâce à son équipe de chercheurs et d’enseignants et grâce aux enseignants-chercheurs de l’EPHE, l’IESR est un organisme sans équivalent pour répondre à ces besoins.

    Quelle est, à vos yeux, l’importance d’une formation à la laïcité dans le contexte actuel ?

    Si l’on garde présent à l’esprit que notre construction laïque vise à contester à la Vérité de l’Église de vouloir contrôler la vie de chacun de la naissance à la mort, et à assurer la liberté de conscience, on ne peut s’empêcher de constater que notre présent est marqué par des reculs de laïcité. Malheureusement, l’un des exemples les plus visibles est donné par le littéralisme musulman, qui dans certains quartiers, dans certaines entreprises, sur certaines femmes, est utilisé pour remettre en cause la vie en commun. Il est d’autant plus important de rappeler que la laïcité n’est pas un sport de combat mais une règle d’institution pour le respect mutuel.

    POUR PLUS D’INFORMATIONS : www.iesr.ephe.sorbonne.fr

    Didier Leschi

    Vieillissement, quels enjeux pour les territoires ?

    Le vieillissement de la population induit des conséquences sociodémo-graphiques majeures et pose la question essentielle de l’aménagement du terri-toire. Le questionnement qui en découle impose de promouvoir une vision transdisciplinaire, ce qu’ont fait les spécialistes réunis à l’occasion de cette journée : démographes, sociologues, géographes de la santé, urbanistes, architectes, élus, acteurs publics et acteurs de la société civile.

    Les quelque 150 auditeurs du colloque, décideurs et acteurs de la prévention et du vieillissement, ont ainsi pu échanger autour des multiples stratégies d’intervention qui impactent la vie des aînés.

    Le « bien vieillir » résulte d’une multi-plicité de facteurs individuels, sociaux, économiques et environnementaux, ces derniers affectant de façon notable la qualité du vieillissement. La proximité, la vie sociale, la disponibilité des services ou des transports favorisent grandement le bien-être et la santé des aînés.

    De fait, vieillir à domicile suppose que soit assurée une fluidité entre l’espace public (géré par l’État et les collectivités territoriale), l’espace collectif ou partagé (géré par les acteurs de l’habitat) et l’espace privé : le logement.

    Ce colloque a permis de mettre en ques-tion certains a priori : ainsi la volonté des

    personnes n’est pas tant de demeurer dans leur domicile que de pouvoir vieillir au sein d’un environnement connu. La notion de « chez soi » est donc plus large que le périmètre du domicile : il relève d’un sentiment d’appartenance à un territoire vécu. Demeurer dans son village ou son quartier est une motivation plus forte que celle d’être maintenu à tout prix dans un domicile qui peut s’avérer, avec la perte d’autonomie, tout à fait inadapté. Il s’agit donc, pour les politiques publiques, de réfléchir à une programmation urbanistique permettant d’offrir de nouvelles alternatives d’habi-tat, et aux professionnels de santé et de l’action sociale d’ajuster l’offre de ser-vices.Les nombreuses questions soulevées par le public ont permis d’élargir encore la réflexion : comment agir et interagir avec les personnes handicapées vieillissantes, améliorer la coordination des acteurs, quelles citoyenneté et participation des ainés en perte d’autonomie ?… Autant de thématiques qui pourront être proposées par l’ITEV dans le cadre d’un prochain cycle de conférences programmé dès septembre 2018.

    POUR PLUS D’INFORMATIONS : itev-ephe-sorbonne.fr

    Le colloque organisé par l’ITEV le 6 avril dernier, en partenariat avec le Conseil départemental de l’Hérault et le REIACTIS, a permis un partage d’expertises propice à envisager le vieillissement de la population dans un contexte élargi.

    Jim OGG, responsable de l’UR Vieillissement - Dir. Statistiques, Prospective et Recherche (CNAV) a présenté les conclusions de la journée ©ITEV

  • ACTU DES SERVICES

    12 ÉPHÉMÉRIDE N°12 / JUIN 2018

    Le fonds Pierre Bourdieu Le Fonds d’archives Pierre Bourdieu est confié en dépôt à l’EPHE dans la

    perspective d’une intégration ultérieure au grand équipement documentaire du Campus Condorcet. Actuellement en cours d’inventaire, il constitue un ensemble documentaire très vaste qui couvre toute l’activité professionnelle de Pierre Bourdieu, depuis ses premières recherches, à la frontière de l’ethnologie et de la sociologie, entreprises en Algérie à la fin des années 1950, et durant les quarante années suivantes jusqu’à sa disparition en janvier 2002 à l’âge de 72 ans. Ce fonds à la typologie très riche (manuscrits, correspondances, notes, documents académiques et administratifs, articles, traductions, enquêtes, bibliographies, affiches, cartes postales et tous types d’imprimés…) occupe environ 200 mètres linéaires.

    Publication et manuscrits

    Ces archives sont d’abord celles d’un auteur : Pierre Bourdieu publia, de son vivant, une trentaine de livres et plusieurs centaines d’articles. Le fonds contient ainsi de nombreux manuscrits, versions successives de certains textes, épreuves annotées, contrats d’auteur, correspondance privée avec des traducteurs, éditeurs ou responsables de revues, dossiers de presse sur la réception des livres, etc.

    Matériel d’enquêtes

    Les archives comportent aussi des matériels d’enquête très abondants. En effet, loin d’être un théoricien pur, Pierre Bourdieu s’est engagé pendant quarante années dans des recherches empiriques qu’il menait, selon les cas, seul, avec quelques collaborateurs ou entouré d’une équipe de chercheurs dans le cadre du Centre de sociologie européenne. Les documents conservés sont très variés : notes d’observations, retranscriptions d’entretiens, résultats d’analyses statistiques, comptes rendus de réunions de travail, schémas, dossiers documentaires… Ces documents se rapportent aux enquêtes que Pierre Bourdieu a menées en Algérie et, après son retour en France en 1960, sur le système éducatif, les pratiques culturelles et les goûts, puis les différents secteurs du champ du pouvoir : l’université, l’épiscopat, le patronat, les écrivains et les artistes.

    Les enseignements

    Une partie du fonds porte sur l’activité d’enseignant de Pierre Bourdieu. Elle contient notamment des retranscriptions, annotées par lui-même, des séminaires de recherches qu’il a données, des années 1960 à 2001, à la VIe section l’École Pratique des Hautes Études (où il avait été élu en 1965), puis à l’École des hautes études en sciences sociales. Des documents et des notes de cours liés à l’enseignement qu’il a donné au Collège de France à partir de 1982 ont également été conservés.

    L’activité éditoriale

    Les archives documentent également les activités éditoriales de Pierre Bourdieu. Il fut directeur pendant vingt-cinq ans de la collection « Sens commun » aux Éditions de Minuit où ont paru, outre ses propres travaux et des recherches de ses collaborateurs et des étudiants, nombre de traductions et de volumes rassemblant les écrits dispersés d’auteurs classiques. Des correspondances avec les auteurs, les traducteurs, les éditeurs des volumes, sont ainsi conservées. Un matériel de même type est disponible pour la revue Actes de la rechercheen sciences sociales qu’il a dirigée à partir de 1975. Il est complété par un

    Maquette des pages 4 et 5 du numéro 40 d’Actes de la recherche en sciences sociales, « Sociologie de l’œil ».

    Note préparatoire au Cours de sociologie générale sur l’habitus donné au Collège de France en 1984.

    Pierre Bourdieu

  • INFORMATIONS PRATIQUES

    Le Fonds d’archives Pierre Bourdieu, de 150 mètres linéaires, est actuellement en cours de classement. Cette opération terminée, il sera rendu accessible sur autorisation après l’installation sur le site Condorcet. Il est sous la responsabilité d’un comité de pilotage scientifique composé de : Jacques Berchon (Directeur des Bibliothèques et Archives de l’EPHE), Jérôme Bourdieu, Craig Calhoun (LSE), Pierre Clément (Université de Rouen), Yvette Delsaut (EHESS), Julien Duval (CNRS), Johan Heilbron (CNRS et Erasmus University Rotterdam), Pernelle Issenhuth (CNRS), Brigitte Mazon (EHESS), Paul Pasquali (CNRS), Denis Pelletier (EPHE), Amín Pérez (EHESS), Olivier Poncet (École nationale des chartes), Franck Poupeau (CNRS), Marie-Christine Rivière (CNRS), Gisèle Sapiro (EHESS), Franz Schultheis (Université de Saint-Gall), George Steinmetz (University of Michigan), Stéphane Verger (EPHE).

    Le fonds du Centre de Sociologie Européenne, également en cours d’inventaire, doit lui aussi rejoindre le grand équipement documentatire du Campus Condorcet.

    Les documents photographiques ont été donnés à la Fondation Bourdieu, dirigée par Franz Schutheis et sont gérés par Christine Frisinghelli de Camera Austria (www.camera-austria.at).

    Quelques autres archives concernant Pierre Bourdieu sont d’ores et déjà répertoriées dans le catalogue Calames (ENS Ulm, Institut de France, Collège de France…) et aux Archives Nationales (fonds Abdelmalek Sayad…).

    ACTU DES SERVICES

    13ÉPHÉMÉRIDE N°12 / JUIN 2018

    ensemble de documents liés à l’administration de la revue et par les maquettes de certains numéros de cette revue qui a fait un usage novateur de l’iconographie et de la mise en page. D’autres cartons se rapportent à la revue européenne Liber, publiée dans plusieurs langues pendant une petite dizaine d’années, et à la maison d’édition Raisons d’agir que Bourdieu avait créée en 1996 pour diffuser, auprès d’un public élargi, des travaux de sciences sociales se rapportant à des questions du débat public.

    Un « intellectuel collectif » international

    Le fonds est aussi celui d’un intellectuel et d’un chercheur qui a entretenu des correspondances et, plus généralement, des relations avec des chercheurs français et étrangers, comme avec des responsables syndicaux, associatifs et politiques, des journalistes, mais aussi des lecteurs plus « anonymes ». Le fonds comprend également une partie de la bibliothèque personnelle de Pierre Bourdieu (84 cartons format DIMAB).

    Le fonds s’articule par ailleurs avec d’autres fonds complémentaires : d’une part, le fonds du Centre de sociologie européenne (CSE), actuellement déposé aux Archives nationales et en cours d’inventaire, qui rejoindra également le Grand Équipement Documentaire du site Condorcet ; d’autre part, des fonds d’archives individuels de chercheurs ayant collaboré avec Bourdieu (ces fonds sont en cours de constitution ; seul est déposé à ce jour à l’EPHE le fonds Jean-Claude Chamboredon, voir encadré). Le fonds Bourdieu est ainsi conçu comme le pivot d’un ensemble documentaire plus large qui a vocation à éclairer le fonctionnement collectif de la recherche. C’est l’un des principaux objectifs du projet ARCHISS (Archives et Recherches Collectives pour une Histoire Internationale des Sciences Sociales) qui est porté par les membres du comité de pilotage du fonds.

    Couvertures d’une édition japonaise d’Actes de la recherche en sciences sociales, Tokyo, 1986

    Le fonds Jean-Claude Chamboredon

    Confié en dépôt à l’EPHE en 2017, le fonds Chamboredon, de 4 mètres linéaires, couvre la période 1959-2012, soit l’ensemble de la carrière de ce sociologue qui fut l’un des premiers collaborateurs de Pierre Bourdieu. Il offre un complément au fonds Bourdieu et une riche matière documentaire au fondement de l’œuvre de Jean-Claude Chamboredon, chercheur à l’EPHE (1965) avant de devenir enseignant à l’ENS Ulm (1968) puis à l’EHESS (1989) : activités de recherche et d’enseignement, correspondances, manuscrits originaux, notes, brouillons, etc.

    CONTACTS :

    Projet ARCHISS (Archives et Recherches Collectives pour une Histoire Internationale des Sciences Sociales) [email protected]

    Jacques Berchon, conservateur général, directeur du Service commun de la documentation, des bibliothèques et des archives [email protected]

    POUR PLUS D’INFORMATIONS : www.ephe.fr/bibliotheques/collections-patrimoniales/fonds-pierre-bourdieu

  • CENT CINQUANTENAIRE DE L’EPHE

    Avant l’arrivée de ces étudiants à l’EPHE, l’école archéologique kurde, qui avait vu le jour avec la création en 1999 du département d’archéologie de l’Université Salâh al-Dîn d’Irbil, était d’abord constituée de spécialistes de la Mésopotamie ancienne. Les premiers enseignants de ce département avaient été formés à Bagdad, puis dans les universités arabes (Damas, Le Caire) et françaises à partir de 2001 (Paris I, Lille et Lyon 2).

    Avec la révolution arabe de 2011 et la fermeture de tous les chantiers archéologiques de Syrie, la province autonome du Kurdistan a vu arriver nombre de missions archéologiques étrangères. L’ouverture de nouveaux chantiers et la pénurie d’un personnel scientifique de haut niveau susceptible d’accueillir et d’encadrer ces missions ont entraîné l’envoi en France d’une nouvelle génération de boursiers et pour la première fois

    L’EPHE et la province autonome du Kurdistan irakien : naissance d’une école d’archéologie islamique face à Daech

    Une des missions les plus exaltantes confiée à l’EPHE au début des années 2010, au moment où le Proche-Orient entrait dans une phase particulièrement troublée de son histoire avec le printemps arabe bientôt suivi de l’émergence de l’État islamique, a été de contribuer à la naissance d’une école d’archéologie islamique dans la province autonome du Kurdistan irakien en formant une génération de jeunes chercheurs kurdes.

    La mosquée al-Nourî

    La mosquée al-Nourî tire son nom du prince zankide d’Alep et de Damas, Nūr al-Dīn b. Zankî (m. 1174). Sa construction est survenue dans le contexte de la succession du frère de ce prince et atabeg de Mossoul, Quṭb al-Dīn (m. 1170). Fort de sa position d’oncle au sein de la famille zankide, Nūr al-Dīn entendait avoir un droit de regard dans la querelle successorale entre ses deux neveux afin de préserver ses intérêts. Après avoir assiégé Mossoul, Nūr al-Dīn entra dans la ville le 22 janvier 1171.

    Il ordonna alors de construire cette nouvelle mosquée, choisissant lui-même comme empla-cement un vaste terrain en plein cœur de la ville. Son acquisition respecta la légalité islamique, et les maisons et boutiques adjacentes au terrain furent également rachetées à bon prix auprès de leurs propriétaires. Nūr al-Dīn la dota des revenus d’un village de Mossoul pour pourvoir à son

    entretien. Le montant des travaux s’éleva à 60 000 dinars. Il visita la mosquée achevée, y pria, fit une aumône considérable, et y nomma un prédicateur et un muezzin. Autant de gestes qui lui permettaient de s’afficher comme un prince musulman pieux et de se faire apprécier des Mossouliotes. Cette mosquée est un exemple parmi d’autres de la politique impériale de Nūr al-Dīn, qui se signale par l’édification de mosquées et madrasas dans plusieurs villes de Haute Mésopotamie dans le but d’y affirmer son autorité.

    La domination nouride à Mossoul fut aussi matérialisée dans le paysage urbain par l’érection d’un minaret de 60 mètres de hauteur, le plus haut d’Irak, dans l’angle nord-est de la cour de la mosquée. À la suite de tremblements de terre, il s’inclina au fil des siècles, devenant ainsi l’emblème de la ville. Il fut construit en briques, sur une base cubique, surmontée d’une colonne d’environ 45 mètres de hauteur, elle-même coiffée d’une petite coupole. Bien qu’il ne porte aucune inscription, il s’agit d’une construction symbolique ostentatoire réaffirmant l’islam sunnite dans un environnement très chrétien.

    14 ÉPHÉMÉRIDE N°12 / JUIN 2018

    Salle de prière de la mosquée al-Nourî (Mossoul, mai 2014) © Nariman Khana Rahim

  • d’étudiants souhaitant se spécialiser en archéologie islamique. L’Ecole pratique des hautes études a reçu ainsi en 2012 son premier étudiant de la province autonome, le numismate Hawkar Ahmed Abdullrahman, bientôt suivi par quatre autres étudiants, tandis que l’Ecole obtenait une bourse de master de la région « Île de France » pour un sixième étudiant kurde travaillant au musée de Sulaymâniyya, le principal musée de la province. Tous avaient reçu une bourse pour se spécialiser en archéologie islamique avec pour objectif de couvrir tous

    les champs de la discipline (archéologie de terrain, étude du bâti, numismatique, épigraphie) afin de constituer une équipe pédagogique cohérente à leur retour au Kurdistan.

    Si la prise de Mossoul, le 10 juin 2014 et l’entrée en guerre de la province autonome du Kurdistan, directement menacée dans son existence par Daech, a entraîné l’arrêt, pour des raisons financières, de la délivrance de bourses d’études internationales, la collaboration avec l’EPHE s’est poursuivie

    CENT CINQUANTENAIRE DE L’EPHE

    Le tombeau de Jonas (nabī Yūnis)Le tombeau de Jonas, qui selon la tradition musulmane abrite la dépouille du Prophète, est situé à l’est de Mossoul, sur la rive orientale du Tigre, dans un lieu appelé la colline du repentir (Tall al-Tawba). L’emplacement serait celui où Jonas aurait prié avec les habitants de Ninive jusqu’à ce que Dieu détourne d’eux son châtiment. Dans le voisinage du sanctuaire, se trouve également la source de Jonas, où Jonas aurait ordonné à son peuple de s’y purifier. Au sommet de cette colline, existait également un ribāt., à l’endroit où Jonas aurait effectué une station adorative.

    Quant aux origines de ce tombeau, il aurait succédé à un important monastère chrétien, dédié lui aussi à Jonas, dans lequel le patriarche chaldéen Ḥenān-Īshō‘ I (668-701) fut enterré. La construction du sanctuaire daterait selon les sources soit de l’époque hamdanide (milieu du Xe siècle) soit de l’époque saljoukide (début du XIIe siècle).

    Au XIIe siècle, le lieu semblait être un complexe religieux développé en au moins trois points : un mausolée, une source et un ribāt.. Les sources signalent la fréquentation hebdomadaire du tombeau de Jonas par les Mossouliotes, qui chaque nuit du vendredi se rendaient au ribāt. voisin du tombeau pour y faire leurs oraisons, et se purifiaient en buvant l’eau extraite de la source de Jonas. Le mausolée subit par la suite de nombreuses modifications architecturales.

    15ÉPHÉMÉRIDE N°12 / JUIN 2018

    Salle de prière de la mosquée al-Nourî (Mossoul, mai 2014) © Nariman Khana Rahim

    Séance d’ouverture du colloque « Trésors monétaires et histoire », Université Salâh al-Dîn, Irbil, 25 avril 2017 © Nariman Khana Rahim

  • CENT CINQUANTENAIRE DE L’EPHE

    16 ÉPHÉMÉRIDE N°12 / JUIN 2018

    à travers l’organisation de manifestations scientifiques, notamment un cycle de journées d’études sur la numismatique médiévale. La première journée s’est tenue à la Fondation Hugot du Collège de France le 6 avril 2016 et avait pour thème « Monnaies et échanges monétaires au Moyen Âge : confrontation des témoignages numismatiques avec les sources textuelles » tandis que la seconde s’est déroulée à l’Université Salâh al-Dîn d’Irbil, les 4 et 5 avril 2017, sur le thème « Trésors monétaires et histoire : le cas du Proche-Orient médiéval ». Le comité d’organisation de ce colloque à l’Université d’Irbil qui comprenait un ancien élève de l’EPHE a souhaité donner un éclat particulier et un caractère solennel à cette manifestation en invitant, autour de trois représentants de l’Ecole, l’ensemble des acteurs de l’archéologie du Kurdistan et d’éminents numismates enseignant dans les Universités du Proche-Orient et du Maghreb.

    Ces échanges universitaires et scientifiques ont abouti à la signature d’accords de coopération, tout d’abord, le 25 avril 2017, avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique du gouvernement régional du Kurdistan et ensuite, le 20 juin 2017, avec l’Université Salâh al-Dîn d’Irbil.

    Le fait le plus marquant de cette coopération reste cependant la mission réalisée par un étudiant kurde de l’EPHE, Nariman Khana Rahim, à Mossoul le 24 avril et le 4 mai 2014, soit un peu plus d’un mois avant la prise de la ville par Daech le 10 juin. Cette mission conduite dans le cadre d’un travail de recherche avait pour but d’effectuer la couverture photographique et le relevé de monuments islamiques datant de la période médiévale et plus particulièrement les tombeaux de prophètes (Jonas, Seth, Daniel) et la mosquée al-Nourî, édifices emblématiques qui témoignaient de l’âge d’or de la ville durant la période de l’atabegat zankide (Ve/XIIe-VIe/XIIIe siècles).

    Le tombeau de Jonas fut le premier édifice détruit par Daech, le 24 juillet 2014 tandis que la mosquée al-Nourî – où Abû Bakr al-Baghdâdî a fait sa seule apparition publique le 5 juillet 2014 quelques jours après la proclamation du califat – fut l’un des derniers, le 21 juin 2017, quelques jours avant la libération de Mossoul. Le millier de photos de ces deux bâtiments prises par Nariman Khanan Rahim et les relevés archéologiques effectués sur place constituent les derniers témoignages exhaustifs conservés de ces édifices et une documentation unique sur ces monuments qui sera fondamentale au moment de leur reconstitution en 3D ou de leur hypothétique restauration.

    L’ÉCOLE PRATIQUE

    DES HAUTESÉTUDES

    INNOVATION

    INVENTION, ÉRUDITION,

    DE 1868 À NOS JOURS

    Créée en 1868 par Victor Duruy, ministre de l’Instruction publique de Napoléon III, l’École pratique des Hautes Études a traité depuis ses origines des disciplines extrêmement variées, et parfois très rares, tout en mettant l’accent sur la méthode expérimentale, que ce soit dans les laboratoires des disciplines scientifi ques dites exactes ou dans les séminaires (« conférences ») des sciences appelées aujourd’hui humaines et sociales. En cent cinquante ans, l’École pratique des Hautes Études a vu se succéder une remarquable série de savants qui en ont fait une institution d’apprentissage appuyée sur un dynamisme exceptionnel : ainsi Émile Benveniste, Claude Bernard, Marcellin Berthelot, Alfred Binet, Michel Bréal, Paul Broca, Georges Dumézil, Étienne Gilson, Sylvain Lévi, Claude Lévi-Strauss, Gaston Maspero, Gabriel Monod, Gaston Paris, Louis Pasteur, Ferdinand de Saussure, Germaine Tillion, etc.Sans en être toujours consciente, l’Université a progressivement adopté des méthodes, comme celle du séminaire, qui ont d’abord été mises au point, pour la France, à l’EPHE. Cet ouvrage retrace l’histoire extraordinairement riche d’un projet d’enseignement combiné à un idéal scientifi que élevé qui n’a que peu d’équivalents dans le monde.

    978-2-7572-1326-1 45€

    L’ÉCOLE PRATIQUE

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    DE 1868 À NOS JOURS

    L’ÉCOLE L’ÉCOLE PRATIQUEPRATIQUEPRATIQUEPRATIQUE

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    INNOVATIONÉRUDITION, ÉRUDITION,

    DE 1868 À NOS JOURSDE 1868 À NOS JOURS

    L’ÉCOLE PRATIQUE

    DES HAUTESÉTUDES

    INNOVATION

    INVENTION, ÉRUDITION,

    DE 1868 À NOS JOURS

    Sous la direction de Patrick Henriet

    ah!doc

    Minaret de la mosquée al-Nourî (Mossoul, mai 2014) © Nariman Khana Rahim

    CONTACTS :

    Jean-Michel Mouton, Directeur d’études (SHP) [email protected]

    Élodie Hibon, doctorante à l’EPHE, [email protected]

    Extrait du livre anniversaire l’École Pratique des Hautes Études. invention, érudition, innovation de 1868 à nos jours

    POUR PLUS D’INFORMATIONS : www.somogy.fr/livre/lecole-pratique-des-hautes-etudes?ean=9782757213261

  • L e comité de l’HCERES1 qui, dans le cadre de l’évaluation du Collège doctoral PSL, a visité notre école doctorale le 16 janvier dernier a rendu son rapport, qui souligne l’ampleur et l’importance de nos avancées depuis plusieurs années en termes de suivi et d’accompagnement des doctorant.e.s. Il a aussi relevé, comme nous l’avions déjà fait, des points faibles sur lesquels il nous revient de continuer à travailler, tels que la disparité des situations des doctorant.e.s et le manque de lieu de réunion et de sociabilité et de structure associative. Sur la question des formations transversales, plusieurs aspects apparaissent prioritaires, notamment la communication scientifique.

    Le succès de la récente journée transversale (voir p. 21) de l’École doctorale sur « Ordre et chaos » (4 avril 2018) nous a rappelé que l’exposé oral (en français, en anglais ou en d’autres langues) lors d’événements scientifiques (colloques, congrès) est un aspect essentiel du métier d’enseignant-chercheur. Les plus grandes universités internationales consacrent souvent davantage d’attention à former les doctorant.e.s à cet exercice que nous ne le faisons. Les formations théoriques sont nécessaires (et l’offre de formations transversales du collège doctoral PSL comprend des stages de qualité dans ce domaine), mais l’entraînement concret l’est tout autant, par exemple dans des ateliers où l’on peut tester devant des collègues la première version d’une communication que l’on doit aller présenter dans un congrès dans les semaines qui suivent.

    Il nous semble que l’équipe de recherche est le meilleur niveau pour mettre en place de tels ateliers ; la communication scientifique connaît en effet des spécificités disciplinaires marquées, et un atelier mêlant trop de champs scientifiques différents serait en partie inadapté. Des ateliers d’entraînement des doctorant.e.s à la présentation d’une communication dans un congrès ont déjà lieu dans certaines équipes, souvent à l’initiative des doctorants et avec le soutien de la direction et des chercheurs de l’équipe. L’École doctorale met aujourd’hui en place un réseau des correspondants doctorants (souvent représentants des doctorants dans le conseil de laboratoire) dans ses 37 équipes rattachées, afin de faciliter la circulation des expériences, l’entraide et la mutualisation quand cela est pertinent ; l’École doctorale apportera tout le soutien utile pour que ces ateliers se multiplient s’organisent dans l’ensemble des équipes.

    1 – Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur

    Le mot du directeur de l’École doctorale

    EN SAVOIR PLUS

    L’École doctorale réalise depuis l’année dernière une publication présentant toutes les thèses soutenues à l’EPHE. Vous pourrez donc découvrir un large panel de sujets dont les thèses ont été soutenues en 2016 et 2017 sur www.ephe.fr/recherche/ecole-doctorale

    Retrouvez les interview des docteurs de l’EPHE dans les mentions « Histoire, textes et documents », « Religion et systèmes de pensée » et « Systèmes intégrés, environnement et biodiversité » sur la chaîne de l’EPHEwww.canal-u.tv/producteurs/ephe

    Répertoire des thèses soutenues en 2017

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    17ÉPHÉMÉRIDE N°12 / JUIN 2018

    Vincent GOOSSAERTDirecteur de l’École [email protected]

  • PAROLE DE DOCTORANT

    Les manuscrits opisthographes

    Depuis l’invention du livre, écrire un texte littéraire sur le recto et le verso d’une feuille est chose tout à fait normale. En revanche, il était très rare d’écrire un texte qui se prolongeait sur le verso d’un papyrus ou d’un parchemin avant le début de notre ère. Cette pratique est connue depuis longtemps sous l’appellation de manuscrit « opisthographe » (écrit sur l’arrière). En fonction des sources, l’usage de ce terme est relativement ambigu car il désigne à la fois un texte qui se prolonge sur le verso et, plus simplement, un texte au verso d’un autre.

    De l’Égypte à QumrânL’étude des manuscrits opisthographes retrouvés en Égypte constitue le point de départ de cette thèse. Après avoir dressé une liste d’une cinquantaine de papyri où les deux faces contiennent un texte littéraire, plusieurs aspects codicologiques sont étudiés tels que la mise en page ou encore l’agencement entre le recto et le verso. Ces éléments permettent de retracer l’histoire et le développement de cette pratique. Les conclusions tirées de l’étude de ce phénomène en Égypte peuvent ainsi être comparées à celles issues de l’étude des opisthographes de Qumrân. Parmi les quelque neuf cents manuscrits découverts près de la mer Morte en Israël – ce que d’aucuns considèrent comme étant la plus grande découverte archéologique du XXe siècle – les manuscrits opisthographes représentent seulement 1 % des textes retrouvés dans les grottes. Des raisons économiques permettent-elles d’expliquer la raison de ce petit corpus de texte ? Si oui, comment rendre compte de la présence de grands rouleaux inscrits seulement sur le recto aux côtés de manuscrits opisthographes ? En d’autres termes, la mise par écrit de ces textes nous renseigne-t-elle sur leur usage ? Par ailleurs, en considérant que les manuscrits opisthographes ont été retrouvés dans deux grottes parmi onze, faut-il suggérer l’existence de milieux de production différents ? C’est à l’ensemble de ces questions que l’on se propose de donner une réponse.

    De Qumrân à 4Q503/4Q512Enfin, la dernière partie de la thèse offre une nouvelle édition d’un rouleau opisthographe très fragmentaire de Qumrân, 4Q503/4Q512. Lors de la première édition de ce texte en

    1982, seulement un tiers des fragments composant ce rouleau a pu être utilisé pour la reconstruction. Grâce à la plateforme numérique Scripta Qumranica Electronica1) et les nouveaux outils numériques aujourd’hui à disposition, il est désormais possible de localiser davantage de fragments de ce rouleau opisthographe, en s’aidant notamment de l’orientation des fibres du papyrus, du caractère répétitif des prières au recto et de la création d’une police de caractères propre à ce rouleau(voir ci-dessous).

    CONTACT : Antony Perrot, [email protected]

    1 – Voir www.ephe.fr/actualites/scripta-qumranica-electronica

    Antony Perrot, Les manuscrits opisthographes de Qumrân : approche historique, philologique et numérique, sous la direction de Daniel Stökl Ben Ezra (EPHE, UMR 8167), mention « Histoire, textes et documents »

    Police de caractères pour le manuscrit 4Q503, dessinée par A. Perrot à partir des fragments numérisés par la plateforme Scripta Qumranica Electronica

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    18 ÉPHÉMÉRIDE N°12 / JUIN 2018

  • Cérémonie de remise des diplômes de doctorat de l’EPHE Retour sur la cérémonie de remise des doctorats de l’EPHE, qui a eu lieu le 12 avril 2018 dans le Grand

    salon de la Sorbonne. À cette occasion, 50 jeunes docteurs ayant soutenu leur thèse en 2017 se sont vu remettre leur diplôme.

    Pour cette seconde cérémonie de remise des diplômes de doctorat il fallait – année du cent cinquantenaire de l’École oblige – nous arrêter sur l’histoire de notre pratique de la science. Ce fut pour Denis Pelletier l’occasion de rappeler que le cœur du dispositif de l’EPHE est depuis toujours le laboratoire en SVT et le séminaire en SHS. Dans cet extrait de son allocution, il s’appuie sur quelques exemples pour illustrer la tradition de séminaire, pour en montrer l’évolution et pour y accueillir les docteurs récents.L’an prochain, cette cérémonie sera combinée, sous une forme qui reste à déterminer, avec la cérémonie générale de tous les établissements membres de PSL. D’ores et déjà nos docteurs qui le souhaitent ont été invités à celle qui se déroulera à Paris-Dauphine le 6 juillet prochain.« Je partirai d’un exemple, celui du séminaire animé, à l’EPHE, au cours des années 1930, par le philosophe d’origine russe Alexandre Kojève. Ce séminaire portait sur la Phénoménologie de l’esprit de Hegel. Kojève est celui qui introduit véritablement cet immense texte, essentiel et difficile, dans le paysage philosophique français, à partir d’une lecture conduite presque page à page. Mais il le fait en présence d’auditeurs, jeunes et moins jeunes, dont je ne vous cite que quelques noms : Raymond Aron, Georges Bataille, Roger Caillois, Jean Hyppolite, André Breton, Maurice Merleau-Ponty, Jacques Lacan, Raymond Queneau, André Corbin, Gaston Fessard. Tous joueront un rôle dans le débat intellectuel de l’après-guerre. Ce séminaire est un moment essentiel de l’histoire de la philosophie en France. Il me vient un autre exemple. Au début des années 1960, Roland Barthes est élu directeur d’études à la VIe section de l’EPHE. Il a déjà publié Mythologies, il est déjà un auteur célèbre. Le monde se presse à son séminaire, le grand public se presse

    pour l’écouter. Barthes, qui a passionnément aimé l’EPHE, supporte mal cet afflux d’auditeurs, qui contredit l’idée qu’il se fait du séminaire. Il coupe donc celui-ci en deux. Désormais, une semaine sur deux, le séminaire sera public, il y parlera seul. L’autre semaine, le séminaire sera fermé, c’est-à-dire réservé à ceux de ses étudiants qu’il considère comme des pairs, des chercheurs travaillant à ses côtés. Et là, la parole circulera, le séminaire deviendra un lieu de circulation du savoir, à égalité entre tous. Le séminaire, c’est donc un espace de co-construction des savoirs, de co-construction de la connaissance. Non pas un espace égalitaire : il y a un maître, professeur ou directeur d’études. Mais un espace où la recherche, où le savoir, où la connaissance, tissent comme une trame commune, à force d’être partagés. Un lieu où se trame donc une démocratie du savoir, où chacun a sa place et contribue à une œuvre commune. Démocratie du savoir : nous retrouvons l’utopie émancipatrice qui était au fondement de l’EPHE. Nous retrouvons notre tradition de recherche. Mais cette tradition de recherche, vous le voyez, n’est pas un héritage immuable. Elle n’est pas un privilège que l’on défend et qu’il faudrait préserver intact, immobile et inchangé. Elle ne cesse de se confronter au risque du présent qui la reconfigure. Elle est sans cesse mise à l’épreuve du changement. C’est à cela, mes chers amis, que vous avez participé au cours de vos années de thèse à l’EPHE. C’est de cette histoire-là que vous avez été les actrices et les acteurs. »

    RETROUVEZ L’ALBUM PHOTO DE L’ÉVÉNEMENT SUR www.facebook.com/EPHEfr

    GROS PLAN

    Cérémonie de remise des doctorats de l’EPHE, le 12 avril 2018 © EPHE

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    19ÉPHÉMÉRIDE N°12 / JUIN 2018

  • FOCUS

    Colloque « Pragmatisme et religion » Le colloque qui s’est déroulé les 25 et 26 janvier à l’EPHE et à la Sorbonne avait pour but d’explorer les

    rapports entre le pragmatisme et la religion, à travers l’étude des principaux penseurs de cette tradition intellectuelle.

    Parce que le pragmatisme américain rencontre un écho grandissant en Europe depuis une trentaine d’années, ce colloque a été l’occasion de dresser un état des lieux sur le sujet, dans la perspective d’une étude philosophique et sociologique des religions. Une dizaine de spécialistes, philosophes et sociologues, sont intervenus sur la question. La première partie a été l’occasion de débattre sur la volonté de croire chez William James, philosophe, psychologue, et l’un des penseurs les plus célèbres du rapport entre la croyance et la religion, d’un point de vue pragmatique. La deuxième partie était consacrée à la lecture philosophique et sociologique de John Dewey, connu pour avoir pensé la sécularisation de la religion ou « du religieux » et de ce fait souvent (re)lu par les sciences sociales. Les débats ont enfin porté sur l’application herméneutique du pragmatisme, notamment dans le récit biblique, et sur la question de l’expérience religieuse chez James et Josiah Royce. À la fin de chaque intervention, les nombreuses questions et remarques ont permis d’approfondir les points abordés et de renouveler l’état de la recherche sur les rapports entre le pragmatisme et la religion.Le colloque a accueilli un public aussi important que diversifié, d’étudiants et de chercheurs, ainsi que des personnes s’intéressant au religieux et à la perspective qu’en offre le pragmatisme, toujours d’actualité, dans une approche interdisciplinaire. Cette manifestation a été organisée par Oriane Elatri et Romain Mollard (doctorants de l’EPHE), avec l’appui des équipes de recherche du Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (GSRL) et d’EXeCO (Expérience et connaissance, Univ. Paris 1). La thématique du colloque avait été élaborée par l’équipe de rédaction de la revue ThéoRèmes, revue scientifique à l’intersection des sciences des religions, de la philosophie de la religion et de l’épistémologie.Suite à ce colloque, un numéro spécial « Pragmatisme et religion » paraîtra à la fin de l’année 2018, qui évoquera également le fictionnalisme théologique dans le pragmatisme, les textes de Richard Rorty et de Charles S. Peirce… Ce numéro sera accessible gratuitement sur journals.openedition.org/theoremes

    CONTACTS :

    Oriane Elatri, [email protected] et Romain Mollard, [email protected]

    ah!docah!doc

    20 ÉPHÉMÉRIDE N°12 / JUIN 2018

  • Journée transversale des doctorants de l’EPHE « Ordre et Chaos »

    Le 4 avril à l’INHA a eu lieu l’édition 2018 de la journée transversale de l’EPHE sur le thème « Ordre et Chaos ». Le souci de représenter au mieux les trois mentions, qui font toute l’originalité de l’ED 472, a déterminé le choix des dix communications et des trois sessions rythmant la journée sur un thème qui permettait une émulation entre doctorants issus d’horizons scientifiques très différents.

    La journée a commencé par une introduction de Vincent Goossaert, directeur de l’ED, accompagnée d’une amorce par le comité. La première session « Ordre et chaos : une relation conflictuelle », avait pour but de montrer la manière dont l’homme cherche à maîtriser le chaos en classant et ordonnant la nature. Celle-ci a regroupé les interventions de Delphine Poinsot, spécialiste de la glyptique iranienne d’époque sassanide, de Johan Rols, spécialiste de la Chine ancienne, et d’Elisa Lonati, spécialiste de philologie latine et de codicologie médiévale. À la lumière de leur corpus de thèse, ils ont particulièrement montré en quoi cette volonté de l’homme de mettre de l’ordre dans un chaos subjectif traduit sa perception et son expérience du monde, qu’il s’agisse de prétentions universelles ou du regard d’un seul. Cette réflexion s’est poursuivie lors de la deuxième session, « Ordre et Chaos : un équilibre possible ? ». Les communications de Marion Lenglet, biologiste spécialiste du gène von Hippel-Lindau, de Marion Tandy, égyptologue spécialiste de la région du Delta, et de Soraya Ayouch, spécialiste des femmes en Islam, ont cherché à montrer dans quelle mesure les concepts d’ordre et de chaos sont complémentaires et peuvent former ensemble, ou non, une certaine stabilité. En début d’après-midi, Hubert Bost, président de l’École, est intervenu en présentant le thème de la journée à la lumière du corpus biblique. Son allocution a fait le lien entre les problématiques des deux séances de la matinée et celles de la dernière session « Du chaos à l’ordre : un défi pour la science ». Celle-ci a permis à l’assemblée de réfléchir sur des perspectives épistémologiques et méthodologiques de la recherche grâce aux communications de Hou Xiaoming, spécialiste de philologie chinoise ancienne, de Pauline d’Abrigeon, spécialiste de la céramique chinoise du XIXe siècle, de Gabrielle Thiry, qui

    travaille sur les sciences du corail dans une perspective socio-historique, et d’Anna Scius-Bertrand, qui étudie les algorithmes et leurs usages dans les sciences cognitives.La conclusion de la journée, animée par Amina Mettouchi et Vincent Delecroix, respectivement responsables des mentions HTD et RSP, a permis de mettre en relief les perspectives de recherche et d’étude sur ce sujet. Cette journée a été organisée par des doctorants contractuels de l’École effectuant leur thèse de doctorat depuis 2016 et 2017 : P. d’Abrigeon (HTD), A. Boussac (HTD), M. Lenglet (SIEB), J. Levillain (RSP), E. Lonati (HTD), R. Parmentier (SIEB), O. Ramble (HTD), M. Ramez (HTD), I. Saunier (RSP) et N. Souchon (RSP).

    CONTACT : [email protected]

    RETOUR SUR

    SÉMINAIRE TRANSVERSAL 2018 - ÉCOLE DOCTORALE 472

    ORDRE ET

    CHAOS

    Journée transversale des doctorants de l’EPHE

    Mercredi 4 avril 2018 de 9h à 17hAuditorium de l’INHA, Galerie Colbert

    Retrouvez le programme sur www.ephe.psl.eu

    INHA, 2 rue Vivienne, 75002 Paris

    Métro : Palais Royal - Musée du Louvre ou Bourse (lignes 1, 7 et 3)

    Mot d’ouverture d’Hubert Bost, le 4 avril 2018 © EPHE

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    21ÉPHÉMÉRIDE N°12 / JUIN 2018

  • SOUTENANCES

    Thèses soutenues du 1er janvier au 15 avril 2018Mention « Histoire, textes et documents »Daniela Costanzo, Sépultures infantiles dans l’Italie du Sud entre Âge du Fer et époque archaïque. Espaces, pratiques et offrandes funéraires, sous la dir. de Stéphane Verger et Enzo Lippolis (thèse en cotutelle internationale avec l’Université de Rome « La Sapienza »)Ciro Giacomelli, Histoire de la tradition et édition critique du traité ps.-aristotélicien de mirabilibus auscultationibus, sous la dir. de Brigitte Mondrain et de Margherita Losacco (thèse en cotutelle internationale avec l’Université de Padoue) Cyprien Henry, Cujus diocesis, ejus diplomatica ? Pouvoirs diocésains et diversité des pratiques d’écrit diplomatique en Bretagne (990-1215), sous la dir. de Laurent Morelle Charlotte Leblanc, Louis Emile Durandelle (1839-1917), un photographe au service de l’architecture, sous la dir. de Jean-Michel LeniaudOttavia Mazzon, Lire en excerpta. Le recueil d’extraits contenu dans le manuscrit grec Naples, Biblioteca Nazionale II C 32, sous la dir. de Brigitte Mondrain et de Margherita Losacco (thèse en cotutelle internationale avec l’Université de Padoue)Stefano Milonia, Le troubadour Peirol d’Alvergne : édition critique des chansons et des vers d’amour avec musique, sous la dir. de Fabio Zinelli et de Paolo Canettieri (thèse en cotutelle internationale avec l’Université de Rome « La Sapienza ») Jacopo Quarti, Baroque Syropouliana. Enquêtes sur l’editio vetus et la tradition récente (Rédaction-A) des Mémoires byzantines, 1610-1682, sous la dir. de Brigitte Mondrain et de Federico Barbierato (thèse en cotutelle internationale avec l’Université de Padoue) Christian Satto, Bettino Ricasoli, homme politique dans le Royaume d’Italie (1861-1880), sous la dir. de Gilles Pécout et de Daniele Menozzi (thèse en cotutelle internationale avec l’École normale supérieure de Pise)Lorenzo Uggetti, Les archives bilingues de Totoès et de Tatéhathyris, sous la dir. de Michel ChauveauMariasilvia Vullo, Siris-polieion : une ville essai, sous la dir. de Stéphane Verger et de Massimo Osanna (thèse en cotutelle internationale avec l’Université de Naples Frederico II)

    Mention « Religions et systèmes de pensée »Morvarid Ayaz, Sociologie de la connaissance du chiisme dans l’espace des savoirs sur l’Iran en France (1947-2010), sous la dir. de Jean-Paul WillaimeJean-Jacques Herr, La formation de l’empire néo-assyrien et les phénomènes de globalisation en Mésopotamie du nord : représentations idéologiques et témoignage de la culture matérielle, sous la dir. de Maria Grazia Masetti-RouaultNarae Kim, Architecture des Missions Étrangères de Paris en Corée (Père Coste 1847-1897), sous la dir. d’Isabelle Saint-Martin Ludovic Sot, L’écriture, les écritures dans les sanctuaires grecs à l’époque archaïque et au début de l’époque classique, sous la dir. de François de PolignacLoïc Vauzelle, Tlaloc et Huitzilopochtli : éléments naturels et attributs dans les parures de deux divinités aztèques aux XVe et XVIe siècles, sous la dir. de Sylvie Peperstraete

    Habilitation à diriger les recherches du 1er janvier au 15 avril 2018Mention « Religions et systèmes de pensée »Agniezska Kedzierska-Manzon, Anthropologie, ethnologie, histoire, sous la dir. de Michael Houseman

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    22 ÉPHÉMÉRIDE N°12 / JUIN 2018

  • 23ÉPHÉMÉRIDE N°12 / JUIN 2018

    PORTRAIT

    Amina Mettouchi © Ariane Depincé

    exemple à travers les emprunts au punique (langue sémitique) de termes liés à l’agriculture, la construction ou l’outillage : azˤalim, ‘oignon’, agadir ‘fortification’, ener ‘lampe à huile’, etc. Les emprunts au latin sont également nombreux : ulmu ‘orme’, ifires ‘poire’, afullus, ‘poulet’, etc., ainsi que bien sûr les emprunts à l’arabe, ou au français, entre autres.

    Il existe aussi des caractéristiques uniques aux langues berbères, par exemple ce que l’on appelle ‘opposition d’état’. En effet, dans la plupart des langues berbères, les noms ont une forme différente selon leur genre, leur nombre, mais aussi ce que l’on appelle leur « état » (‘cœur’ au masculin singulier peut prendre en kabyle la forme ul (état libre/absolu) ou wul (état d’annexion). J’ai étudié de manière approfondie le rôle de cette opposition en kabyle, mais aussi ses contextes d’occurrence dans diverses langues berbères : certaines l’utilisent de manière tout à fait centrale, d’autres l’ont en partie ou complètement perdue. Or la perte ou la conservation de cette opposition conditionne entre autres la rigidité de l’ordre des mots, comme nous l’avons montré avec mon ancienne doctorante Valentina Schiattarella en comparant le kabyle (Algérie méditerranéenne) et le siwi (Egypte de l’ouest), étude que nous complétons en ce moment avec des langues où la distinction n’est active que dans certains contextes : le chaoui (Aurès), et le ouargli (Sahara septentrional algérien).

    Vous avez évoqué les inscriptions libyques sur les stèles. Les langues berbères sont donc également écrites ?

    Il existe des inscriptions anciennes, ainsi qu’un alphabet utilisé depuis des siècles par les touaregs du Sahara, le tifinagh. Des manuscrits religieux en berbère ont été rédigés à l’aide de l’alphabet arabe, au Moyen-Âge. Et depuis les années 1970, une notation usuelle à base latine a été développée par les milieux associatifs afin que la publication en berbère de textes romanesques, poétiques et politiques puisse se faire. Enfin, récemment, on a adapté les tifinagh pour créer, sous l’appellation ‘néo-tifinagh’, une graphie typiquement berbère. Mais en réalité, l’écriture est pratiquée par un très petit nombre de locuteurs, et les langues berbères restent largement orales, ce qui préserve bien souvent leur diversité, et leur originalité.

    Amina Mettouchi, au cœur des langues berbères

    Entretien avec Amina Mettouchi, directrice d’études en Linguistique berbère et responsable de la mention « Histoire, textes et documents » au sein de l’École doctorale de l’EPHE.

    Pouvez-vous retracer brièvement votre parcours?

    Après un baccalauréat scientifique, j’ai fait mes classes préparatoires à Henri IV et Fénelon, puis intégré l’ENS de Fontenay-Saint-Cloud. J’ai ensuite passé l’agrégation d’anglais et me suis d’abord dirigée vers la littérature avant de me découvrir une passion pour la linguistique. Ce n’est qu’en DEA que j’ai commencé à travailler sur ma langue d’enfance, le kabyle, objet de ma thèse de doctorat. Au fil du temps j’ai exploré d’autres langues berbères, et en 2009 j’ai été élue à l’EPHE, après avoir obtenu l’habilitation à diriger des recherches en 2005.

    Quelles sont les spécificités des langues berbères ?

    Le berbère est une branche de la grande famille des langues chamito-sémitiques (aussi appelée afro-asiatique), qui comprend également le couchitique, l’égyptien ancien, l’omotique, le sémitique, et le tchadique. Les langues berbères sont parlées sur une aire très vaste, de l’Atlantique à l’Oasis de Siwa en Égypte, et de la Méditerranée au Burkina-Faso. Elles présentent à la fois une unité profonde, et une variation considérable. En les étudiant et en les comparant, on peut reconstruire un berbère commun, ou un proto-berbère, que l’on peut tenter d’utiliser pour reconstruire ce que l’on appelle le libyque, ou libyco-berbère : l’ensemble des parlers présents dans cette zone avant l’arrivée des envahisseurs phéniciens, grecs ou romains. C’est sous forme d’inscriptions sur des stèles ou des rochers que le libyque nous est parvenu, dans des alphabets dont on déchiffre maintenant les lettres isolément, mais pas la ou les langues qu’ils transcrivent, et que l’on n’a pas encore réussi à comprendre. Beaucoup de questions demeurent encore sans réponse, et il est essentiel de poursuivre le travail entrep