Migros Magazin 20 2010 f NE

EN CUISINE 72

La princesse

des circuits

La championne de Formule 2

se remet dun terrible accident

survenu lors dun entranement.

Rencontre chez elle Aigle (VD).

www.migrosmagazine.ch, CONSTRUIRE N

O

20, 17 MAI 2010

NATURE 93

A la dcouverte des belles prairies

de narcisses de la Riviera vaudoise.

PhotosThierryParel/LaurentdeSenarclens

Changements dadresse: la poste ou au registre des cooprateurs, tl. 058 565 84 01

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EditionAar,JAA3321Schnbhl-Shoppyland

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Visite guide dans

les caves de Mifroma.

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DU 17.5 AU 7.6.2010

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DU 17.5 AU 7.6.2010

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Vous trouverez plus dinformations sur la bingomania sur la carte de bingo

situe au milieu de cette dition ou sur www.migros.ch/bingomania.

La bingomania vous attend votre Migros ainsi qu Micasa, Do it + Garden Migros,

SportXX, melectronics, OBI, LeShop.ch, aux restaurants Migros, Saveurs et

Take Away Migros.

DU 17.5 AU 7.6.2010

BINGOMANIA

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Migros Magazine 20, 17 mai 2010

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tl. 0848 84 0848*

ou +41 44 444 72 85

(depuis ltranger).

[email protected];

www.migros.ch

M-CUMULUS:

tl. 0848 85 0848*

ou +41 44 444 88 44

(depuis ltranger).

[email protected];

www.m-cumulus.ch

Adresse de la rdaction:

C. p. 1751,

8031 Zurich,

tl. 044 447 37 37,

fax 044 447 36 02

[email protected];

www.migrosmagazine.ch

* tarif local

Un manque dnergie

Steve Gaspoz,

rdacteur en chef

DITORIAL

Les prochaines dcennies sannoncent pleines de dfis, notamment

en matire de production dlectricit. Alors que lon

singnie trouver des solutions pour limiter la dpense

nergtique des appareils qui accompagnent notre quoti-

dien, on cre paralllement de nouveaux besoins. Quand le

tube cathodique a disparu au profit des tlviseurs cran

plat, les conomies dnergie auraient pu tre substantielles,

mais ctait sans compter avec laugmentation de la taille

des crans et larrive des dcodeurs en tout genre.

Les conomies ralises ont ainsi rapidement t ananties. Et

malgr les efforts de chacun, la consommation dlectricit

ne sest pas stabilise. Bien au contraire! Nul besoin dtre

devin pour prvoir que le mouvement nest pas prs de

sarrter. Face cette situation, la question de lapprovision-

nement lectrique du pays est plus que jamais dactualit.

Que lon construise de nouveaux barrages, modernise nos

centrales nuclaires, installe des champs doliennes ou

invente tout autre source dnergie, cest une vritable

course contre la montre que nous devons engager.

A la place, ce sont les passions qui se dchanent. Il y a ceux qui

militent pour labandon du nuclaire, ceux qui sopposent

lrection doliennes au motif quelles gchent le paysage.

Ceux qui, pour prserver les poissons, ne veulent plus

entendre parler de barrage, ou encore ceux qui voient dun

mauvais il le retour du charbon. Cela fait beaucoup

doppositions, mais peu de solutions. Aujourdhui, les

centrales hydrolectriques produisent 60% de lnergie

suisse, le nuclaire 40% et les nergies alternatives seule-

ment quelques pour-mille (lire notre reportage en page 12).

Il reste donc de la place pour linnovation.Mais nous devons aussi

faire preuve de ralisme. Nous sommes actuellement dj

dpendants pour une part de la production dlectricit

trangre. Part qui ne cessera de crotre tant que nous ne

prendrons pas de mesures courageuses. A limage de

lEspagne qui a dcid de tout miser sur le soleil, leau et le

vent pour accrotre sa production nergtique. Notre voie

sera peut-tre toute diffrente, mais nous ne saurons viter

encore longtemps de prendre des dcisions.

[email protected]

MIEUX VIVRE 85

Ce joli macaron est

luvre de Sonja Henauer,

une ptissire installe

Cully, dans le canton de

Vaud. La particularit de

cette douceur et de toutes

les autres crations de

la jeune femme? Elles

ont t cres pour les

allergiques. Dcouverte.

PhotosClineMichel/ThierryParel/DanielRihs/StefanRappo

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(sauf le gaz). Offre non cumulable avec dautres actions/rductions. Le rabais et les points bonus CUMULUS ne sappliquent

pas en cas de paiement avec la Migrol Company Card.

CETTESEMAINE

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5

ENTRETIEN 28

Eminent gnticien

franais, Axel Kahn

vient de sortir un

nouvel ouvrage dans

lequel il parle

librement de clonage

et deuthanasie.

REPORTAGE 12

En fonction

depuis 1972,

la centrale

nuclaire de

Mhleberg (BE)

est lune des plus

anciennes de

Suisse. Visite

guide.

TMOIGNAGE 18

La Genevoise Sandra Menthonnex a eu la vie sauve il y a dix ans grce

une transplantation cardiaque. Rcit dune renaissance.

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Boisson 65

Aproz O2, une bonne dose

doxygne.

Amnagement 66

Les gagnants du concours

homestorys.

CUISINE DE SAISON

Natacha Gachnang 72

VOTRE RGION

Votre cooprative rgionale 78

VIE PRATIQUE

Mieux vivre 85

Nature 93

Sant 98

Grandir 101

Voitures 105

RUBRIQUES

Migros Flash 6

Vous et nous 9

Temps prsents 10

Minute papillon 27

Perdus de vue 107

Offre aux lecteurs 109

Mots flchs / Impressum 113

RUSSITE

Cdric Morel 118

RCITS

Energie 12

Reportage au cur du racteur

nuclaire de Mhleberg (BE).

Transplantation 18

Une greffe du cur raconte

comment elle a chapp une

mort programme.

Informatique 22

Lorsque les seniors apprivoisent

les ordinateurs.

ENTRETIEN

Axel Kahn 28

ACTUALIT MIGROS

Alimentation 34

Visite lintrieur dune des plus

grandes caves fromages dEurope

Ursy (FR).

EN MAGASIN

Label De la rgion 40

Le label qui garantit

des produits bien

de chez nous.

Crmes glaces 47

Gotez aux deux nouvelles

varits de glaces Heidi.

Produits Annas Best 53

De dlicieux produits pour partir

en pique-nique.

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Des exercices bien-tre

sur son iPhone

Photobab.ch/Stockfood

NEWS

Rappel de la trottinette

Micro White

Pour des raisons de scurit, Migros rappelle

la trottinette Micro White (art. n 4923.301)

du fabricant Micro Mobility Systems. Sont

concernes les sries B31B00121 -

B31B00840 et B31C00737 - B31C01312

qui ont t mises en vente SportXX

entre novembre 2008 et mai 2010 au

prix de Fr. 199.. Migros prie ses

clients de ne plus utiliser ces

modles et de les rapporter dans un magasin SportXX. M-Service se

chargera de contrler la scurit de ces trottinettes. Tout engin qui ne

remplira pas les spcifications requises sera remplac sans frais.

Hotelplan stend en Grande-Bretagne

Le groupe Hotelplan a acquis le spcialiste du tourisme de neige

anglais Enigma Travel Group. Ce faisant, Hotelplan UK devient une

entreprise parmi les plus performantes du march anglais des

vacances de ski. Le groupe Enigma Travel, qui comprend les deux

spcialistes de vacances de sports dhiver, Esprit Holidays et Ski

Total, gnre un chiffre daffaires denviron 85 millions de francs par

an et occupe plus de 600 collaborateurs en pleine saison.

Suivez la caravane des semences

Sans semence, pas de rcoltes.

Et sans diversit vgtale, pas de

scurit alimentaire. A loccasion

de lanne internationale de la

biodiversit, Swissaid, Bio Suisse,

lUnion suisse des paysans et IP-Suisse, une organisation partenaire

du label TerraSuisse de Migros, organisent travers tout le pays une

caravane des semences. Le dpart sera donn le 25 mai 2010 au

jardin botanique de Genve. Avant de poursuivre sa route en Suisse

almanique, la caravane fera encore halte le 26 mai sur le site de

lentreprise Delley Semences et Plantes SA, Delley (FR). Cette

journe sera loccasion de dbattre en prsence de paysans du sud

et de lorganisation IP-Suisse de lavenir de la production des

semences dans notre pays, tout en dgustant des spcialits

suisses.

Informations et inscriptions (pour Delley): www.swissaid.ch/caravane

65 000

Tel est le nombre de meules de gruyre actuellement en affinage dans

les grottes de molasse dUrsy (FR). Pour faire face une demande

croissante, Mifroma, la socit exploitatrice, est actuellement en train

dagrandir le rseau de galeries. Pour en savoir plus sur la maturation

du clbre gruyre, rendez-vous en page 34.

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rappelle

23.301)

Sont

12

magasin SportXX. M-Service se

LE CHIFFRE DE LA SEMAINE

LE PRODUIT FRAIS

DE LA SEMAINE

Un plaisir simple

Homard, caviar? Pour les

snobinards! Les picuriens,

eux, prfrent privilgier

des mets qui ont la fascinante

proprit de rendre un peu

plus heureux. Un bon chvre

chaud sur un toast et sa salade

de saison, le tout dcor dun

trait de vinaigre balsamique

appartient assurment

cette catgorie.

L

Ecole-clubMigros a lancmi-mai

sa premire application pour

iPhone. Sous lintitul Just re-

lax, elle runit plus dune centaine

de conseils pour se dtendre. Ceux-ci

sont rpartis enneuf catgories, dont

le qi-gong, le yoga, le stretching, les

massages, la mditation ou la respi-

ration. Ces exercices simples expli-

qus en images, voire en film pour

le qi-gong, peuvent tre effectus au

bureau, la maison ou mme lors

dun dplacement. Bref, ds quune

monte de stress se fait sentir. Par

ailleurs, lapplication peut tre sans

autre couple son agenda. Ainsi,

liPhone rappellera son utilisateur

quil est nouveau temps de dcompres-

ser. Just relax est disponible sur la plateforme iTunes-Store.

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MIGROS FLASH

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7

Le nouveau Vivai est l

Eloge du golf en sept swings. Cest avec ce

titre que Vivai, la revueMigros du bien-tre

et du dveloppement durable, a dcid dveil-

ler la curiosit des lecteurs. En sept courts cha-

pitres, larticle combat autant de clichs sur ce

sport qui se dmocratise de plus en plus. A lire

aussi: les conseils pour avoir des bras galbs, un

dcollet sduisant et des jambes fermes avant

le dbut de lt. Vivai peut tre command

gratuitement au 0800 180 180, par courriel

[email protected] ou sur le

site internet www.migros.ch/vivai.

Une respiration,

un moment soi:

la lecture

du nouveau

Vivai.

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galement en vente chez melectronics.

VOUSET NOUS

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Que fait-on contre les puces de canard? Livia Varju

Migros Magazine n 18 du 3 mai.

A propos de larticle Nos lacs se

portent bien, trs bien

Impossible de nager

dans le lac

Il serait rjouissant de savoir que

notre lac se porte bien (...) si on

pouvait y nager. Lironie de la

situation est quil y a quinze-vingt

ans, quand le lac tait plus pollu,

on pouvait y nager. Maintenant,

cest impossible, cause des puces

de canard (). La dernire fois

que jai os nager dans le lac, il y a

deux ans, jai eu ensuite de

nombreux boutons rouges qui

dmangeaient (...). Pourquoi

personne ne mentionne ce

problme, et pourquoi ne fait-on

pas quelque chose pour le

rsoudre? ()

Livia Varju,

Le Petit-Lancy

Migros Magazine n 18 du 3 mai.

A propos de lentretien avec

Massimo Busacca

Il puise en Dieu la

confiance et la force

Il a accroch un discret crucifix

son sifflet, il connat ses limites, il

puise en Dieu la confiance et la

force: Massimo Busacca, le

Tessinois (...), donne une magnifi-

que dfinition de la foi: cest

mettre sa vie entre les mains de

quelquun de trs important, une

attitude essentielle pour lui.

Puisse-t-il servir le beau jeu et le

fair-play la coupe dumonde

sud-africaine jusquen finale.

Abb Franois-Xavier Amherdt,

Fribourg

Migros Magazine n 17 du

26 avril. A propos de Impulsions

- Je pense, donc jessuie

O travaillez-vous?

Ayant peine termin la chroni-

que de M. Bovard, je tiens la

faire dcouvrir immdiatement

la gent masculine de la famille

(). Peut-tre que votre tmoi-

gnage de pre au foyer leur fera

mesurer lampleur de la tche

sous langle masculin, avec

lhumour que je vous connais.

Mais surtout, jtais trs flatte

du rle que vous nous prtez si

lgamment: de vritables et

infatigables penseuses. Notez

que le nettoyage des vitres a cela

de positif que malgr leffort

physique quil demande, il

permet la rflexion. () Savez-

vous ce que jai fait lors du

dernier lavage de vitres? Jai

pens votre chronique, et ce

que javais envie de vous crire.

Voici donc quelques penses qui

se seront choues sur le papier

plutt que parmi la poussire.

Mais dites-moi, vous qui russis-

sez vous reposer au travail,

est-ce dire quil sagit dun

endroit o lon ne pense pas?

() Marianne Schneeberger,

Cressier


19 avril. A propos de larticle

SlowUp fte ses 10 ans!

Comment y trouver

son plaisir?

() Jadore les randonnes

bicyclette sur les petites routes de

campagne, lcart de la grande

circulation. Il y a quelques annes,

ma femme et moi avons, par une

belle journe dautomne, pris part

au slowUp autour du lac de

Joux. Le soleil tait radieux et la

contre riante. Malheureusement,

au lieu de pouvoir admirer le

paysage et rouler une allure

normale et conviviale, la seule vue

qui mait t offerte dans cette

cohue tait celle de la roue arrire

et du postrieur de mes devan-

ciers, tant il fallait prendre garde

ne pas les bousculer, ne pas

craser le tricycle de lenfant, de la

poussette ou du patineur ()

Jean-Claude Grosjean-Fabbri,

Pry


10 mai. A propos de larticle

Vent mauvais sur les oliennes

romandes

Il faudrait une tude

srieuse

() Jai lu dans un ouvrage du

professeur Jean de Kervasdou,

que pour la mme puissance

installe, les centrales nuclaires

fabriquent quatre fois plus

dnergie utile que les oliennes

et cotent pour la mme nergie

disponible dix fois moins. Pour

produire un pour cent de

llectricit franaise, il faudrait

installer 25 000 oliennes... Il

serait peut-tre utile quune

tude srieuse soit faite (...)

avant de couvrir nos collines

doliennes gantes et ne pas

abandonner lnergie nuclaire

trop tt.

J.B. (nom connu de la rdaction),

Mies


10 mai. A propos de Impulsions

- Le gang des quatre

Se rendre compte

des dangers

Je viens de lire avec intrt la

chronique de Stphane Garelli

consacre au gang des quatre

(Google, Facebook, Twitter,

YouTube). Je suis daccord avec

ses propos, et je trouve quil est

important que tout un chacun se

rende compte des dangers que

peuvent faire peser certains sites

web sur sa sphre prive

dautant plus que le march tend

se concentrer (...).

Par contre, je me dois de ragir

par rapport une erreur mani-

feste au milieu de cette chroni-

que: la clbre librairie du

Congrs amricain nexiste

pas. En franais, il sagit de la

Bibliothque du Congrs. ()

Alain Borel,

Lausanne

Ecrivez-nous! Un article de Migros Magazine vous fait ragir? Ecrivez-nous en mentionnant clairement vos nom, prnom, adresse

et numro de tlphone: Migros Magazine, Bote aux lettres, case postale 1751, 8031 Zurich; [email protected]

10

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TRAIT POUR TRAIT

SUR LE VIF

IMPULSIONS

Martina Chyba, journaliste

et productrice la TSR.

Qui veut dpenser

des millions?

DessindeChappatteparudanslInternationalHeraldTribunedu12mai2010

Caisses maladie:

un march transparent

Sanitas et CPT ont annonc leur fusion et, selon Santsuisse, sept groupes

de caisses maladie se partagent dsormais 90% du march. Toutefois, leur

nombre ne devrait pas diminuer, selon Stefan Meierhans, Monsieur prix.

Ah l l ma bonne dame, il ny a

plus de saisons! Non, je ne parle

pas de lamto, bien quil y aurait

fort dire. Je parle des primes, ou

des bonus, si vous prfrez. Pour

vous et moi, les primes sont un

sujet de conversation de fin dan-

ne tournant essentiellement

autour de la question suivante:

vais-jemriterquelques centaines

de francs supplmentaires pour

farcir correctement la dinde de

Nol? Ou serai-je le dindon de la

farce justement, avecunedprime

au lieu de la prime?

Eh bien, pour nos chers, trs

chers, trop chers amis banquiers

non. Cest toute lanne quon

parle de leurs fichus bonus. Avec

un suspense videmment fort dif-

frent: vais-je toucher 30, 60 ou

90millions?

Va-t-on vers une concentration

des assureurs?

Sil y a quelques holdings sur le

march, on compte peu prs 80

caissesmaladie actives.Onest loin

dun oligopole. Pour linstant, il ny

apasde raisonsdavoirpeur. Il sagit

essentiellement pour les caisses

daugmenter leur pouvoir dengo-

ciation tarifaire. Cest aussi un si-

gne quil y a des pressions pour r-

duire les cots. Il sagit dunmarch

relativement transparent, car le

consommateur a la possibilit de

comparer les primes.

Comment comprendre le double

mouvement de concentration

des caisses et demultiplication

desmodles dassurance?

Le phnomne de la caisse bon

march rsultede la chasse aubon

risque, ce qui est la preuve dun

dysfonctionnement du systme.

Mais des mesures sont en discus-

sion pour que la chasse aux bons

clients soit moins attrayante et

quonagisseplutt sur la rduction

des cots.

Quelle est la marge demanu-

vre des caisses maladie?

Il y a plusieurs conomies possi-

bles. Par exemple, la gestion des

clients par internet et, en particu-

lier, loffre de modles de rseaux

de soins attrayants. Pour lassu-

rance de base, la comptition a

lieu sur le terrain des cots. En

revanche, les assurances compl-

mentaires sont undomaine o on

peut faire dubnfice et la concur-

rence y joue mieux. Aussi long-

temps que les produits proposs

seront diversifis, certaines peti-

tes caisses auront du succs.

Propos recueillis

par Mlanie Haab

PhotoKeystone

TEMPSPRSENTS

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11

A jouer:

La vengeance est un

plat... Sam Fisher est

de retour. Et il nest toujours pas

content. Encore moins que

dhabitude, troquant linfiltration

extrme pour laction rapide et

sans piti. Retour gagnant pour

cette clbre licence. Attention,

pas pour les plus jeunes! Ubisoft,

Splinter Cell Conviction,

test sur Xbox360.

A lire:

Bas les masques.

Gruyres et son

chteau sert de dcor imaginaire

cette ferie animalire et

fantastique, conte potique et

initiatique dun enfant marqu

par la diffrence et le rejet. Les

aquarelles de Hausman sont

somptueuses. Hausman/

Rodrigue, Le Chat qui

courait sur les toits, Le

Lombard.

A voir:

Naissance dun

hros. Nouvelle

prquelle cinmatographique,

cette fois autour du brigand de

Sherwood. Le couple R. Scott et

R. Crowe se reforme une

nouvelle fois pour le meilleur: du

spectaculaire, de lpique, de la

grande aventure emballs par

des images et des scnes

daction poustouflantes. Et la

plus charmante des Marianne.

Robin Wood, de Ridley

Scott. En Salle.

A couter:

Toute la musique que

jaime...

Avant sa venue trs attendue au

Montreux Jazz, de quoi se

rgaler avec le virage rock de ce

gnial guitariste de blues. Joe

Bonamassa, Black Rock

J&R Adventures.

Pour annoncer un vnement:

[email protected]

DANS LOBJECTIF

PhotoFrankFranklin/AP

> Nos chroniqueurs sont nos htes. Leurs opinions

ne refltent par forcment celles de la rdaction.

Un choc

au stop

Curieuse scne de la vie

urbaine la semaine dernire

New York. Cet homme

daffaires en train de tlpho-

ner regarde dun air tonn

cette jeune femme au corps

peint qui pose pour des

photographes. Andy Golub,

artiste corporel, est lorigine

de ce happening en plein

Times Square.

Je ne vais pas refaire le dbatmoral,

je souhaiterais simplement poser

unequestion. Ils en fontquoide tous

ces millions? Parce que avec 1 mil-

lion, je vois bien ce que ferait une

personnenormalement constitue:

acheter un logement, unplacement

tranquille, un joli voyage, les tudes

des enfants, voyez.Mais avecdi-

sons 50millions? Par anne?

LesgenscommeTigerWoodsou

Franck Ribry, on sait ce quils font:

ils paient des strip-teaseuses ou des

prostitues. Et ensuite des pensions

alimentaires. Les starsdu showbusi-

nessonsait aussi: quelquesmaisons,

quelquespiscines, quelques voitures

de sport et quelques liftings.Mais

Brady Dougan, le patron du Credit

Suisse?Hein?Ny a-t-il pas quelque

chosedebizarre gagnerde largent

que lon narrivera jamais dpen-

ser?

Bon, si on veut vraiment, on peut.

Par exemple utiliser des jets privs

tous les jours. a cest bien, a

cote trs cher. Mais pourquoi?

Lanne dernire une compagnie

nous diffusait, nous passagers

bouseux de la classe conomique,

des petits films prsentant la vie en

premire classe. Psychologique-

ment ctait trs classe effective-

ment. De ce que jen ai vu, avec le

lit, les couverts en porcelaine et le

foie gras, a avait lair dcent pour

un tre humain.Mais pour unmil-

lionnaire a ne suffit probablement

pas. Eh oui, quand on est riche, on

a des problmes de riche. Et l,mes

amis, flicitons-nous. a fait au

moins un problme quon naura

jamais.

par

Pierre Lderrey,

journaliste

MES BONS

PLANS

12

|


Dans le ventre dun racteur

A lheure o la Suisse sinterroge sur lavenir de ses centrales, le Vaudois Patrick Miazza fait visiter la

quil dirige depuis 2002.

T

rois, deux, un, vous ntes pas

contamin,merci beaucoup.

Une machine la voix mtal-

lique dlivre le feu vert aprs avoir

auscult les suspects des pieds la

tte. Ici, les employs quittent leur

travail en slip et chaussettes.

Il faut dire que nous sommes

dans le btiment qui abrite le rac-

teur de la centrale nuclaire de

Mhleberg (BE). Rien ne doit sor-

tir du saint des saints. Surtout pas

les habits et les souliers, loi sur la

radioprotection oblige. Pourtant le

directeur, le Vaudois PatrickMiaz-

za, insistera plusieurs fois: Le per-

sonnel navigant arien est davan-

tage expos la radioactivit que

celui dune centrale nuclaire.

Voici dabord la salle des com-

mandes o saffairent les gens du

quart vingt-quatre heures sur

vingt-quatre. En assurant un travail

de fourmi: la consignation et la d-

consignation de chaque interven-

tion, de chaque vnement, ne

serait-ceque le remplacementdune

visminuscule.Unedeuxime salle

de contrle existe depuis 1990, dans

un bunker, prte prendre le relais

en cas de tremblementde terre, de

prise dotages, de chute davion ou

bien pire encore.

Aprs avoir travers la salle des

machines et ses trois turbines,

franchi plusieurs portes et sas her-

mtiques, nous voici en train de

marcher sur le racteur, 29 m-

tres de hauteur. Bon, cest peut-

tre beaucoup dire. Entre lui et

nous il y a dabord une enceinte

primaire de scurit, couverte

par 20 millimtres dacier et envi-

ron 2 mtres de bton, capable

Chaque anne, la centrale utilise trente-six barres dlments combustibles.

REPORTAGEMHLEBERG

|

13

nuclaire

sienne, celle de Mhleberg (BE),

Un monde sous surveillance

Patrick Miazza avoue tre un peu fatigu de limage dun lobby

nuclaire prsent comme une sorte de fantme chappant tout.

Alors quil faudrait plutt parler selon lui de lintensit des contrles

effectus par lautorit de surveillance indpendante, lInspection

fdrale de la scurit nuclaire, lIFSN. Une autorit qui occupe

aujourdhui plus de cent collaborateurs. Mhleberg a subi ainsi

87 inspections en 2009.

Un inspecteur de lIFSN travaille lanne sur le site. Ces contrles

ont videmment un cot: On approche des dix millions annuels. Et

puis il y a ce paradoxe qui veut que la prcaution provoque le doute:

Plus on prend des mesures de scurit, plus le soupon sinstalle

quil y a du danger.

LIFSN se limite pas contrler ltat des composants ou

surveiller les travaux effectus dans la centrale mais va galement

valuer le facteur humain: On nous inspecte par exemple notre

sance quotidienne de coordination. LIFSN veut savoir si lon

communique de manire claire. Si tous les problmes sont relle-

ment poss sur la table. Une prcaution que Patrick Miazza trouve

justifie: La plus belle des machines, quelle quelle soit, si vous la

mettez dans les mains dun incapable, cest laccident assur.

de tenir jusqu 6 bars de pres-

sion, dabsorber des ruptures hy-

pothtiques des plus grosses

conduites et de tout garder lin-

trieur.

Patrick Miazza explique que

cette enceinte primaire nexistait

pas sur les racteurs de type Tcher-

nobyl: On mettait vraiment le

racteur au milieu de la campa-

gne. Dans une telle configuration,

o il ny a plus de barrires, quand

il y a un ppin, vous avez relle-

ment un problme.

La deuxime enceinte est for-

me du btiment-racteur lui-m-

me. A Mhleberg, comme Leib-

stadt (AG), le racteur est eau

bouillante, alors que Beznau (AG)

et Gsgen (SO) fonctionnent avec

des systmes eau pressurise.

Le racteur se compose dune

enceinte de pression en forme de

cigare aux dimensions respecta-

bles: 19 mtres de haut, 4 mtres

de diamtre, avec une paisseur de

10-12 cm dacier. A lintrieur, un

mlange eau-vapeur 70 bars de

pression. Chaud dedans: entre 270

et 280 degrs.

Dans la partie basse se trou-

vent les lments combustibles.

Cest l que la raction nuclaire

se produit: La chaleur est trans-

mise du combustible nuclaire

leau, puis la vapeur qui est en-

voye sur les turbines. Chaque

fois que la pression ou que le ni-

veau deau baisse trop, des barres

de contrle sinsrent automati-

quement et permettent darrter

lusine en 2 secondes.

Dans une centrale

eau bouillante comme

Mhleberg a t

mise en service

en 1972.

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REPORTAGEMHLEBERG

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15

Mhleberg, limportant, ex-

plique Patrick Miazza, une

fois que le racteur est arrt, est

de se dbarrasser de la chaleur

rsiduelle de fission. Un jour aprs

larrt, on a encore 5mgawatts de

chaleur vacuer. Chaleur qui va

tre extraite et renvoye dans lAar:

La rivire se rchauffe denviron

un degr mais 500 mtres plus

loin, au confluent de la Sarine, on

ne voit dj plus la diffrence.

Sur le toit du racteur se trouve

galement la piscine qui abrite les

lments combustibles usags.

Des espces de barres filiformes

qui seront vacues lintrieur

dune bouteille gante, avant dtre

achemines sur leur lieu de stoc-

kage provisoire dans le canton

dArgovie.

Un volume de dchets

trs faible

Quand on lui brandit lpouvantail

de dchets quasi ternels, Patrick

Miazza rtorque que le volume

est trs faible. Soit trente-six l-

ments combustibles par anne

Mhleberg. Rien voir donc avec

lampleur des dchets que pro-

duit lindustrie chimique. En

quatre dcennies dexploitation,

les cinq racteurs suisses des qua-

tre centrales nont ainsi rempli

avec leurs dchets que le dixime

dune halle industrielle. La future

caverne de stockage dfinitive sera

creuse dans des sols particuli-

rement impermables, l o des

tudes gologiques ont montr

quen plusieurs millions dannes,

il ny avait eu aucune infiltra-

tion.

Patrick Miazza balaie avec la

mme tranquillit les dgts po-

tentiels dun ventuel tremble-

ment de terre. Nous sommes

cent fois plus solides quun barrage.

Mhleberg est arrime profond-

ment dans la molasse.

Des imprvus

grer

Outre larrt annuel de mainte-

nance (lire encadr), la centrale

connat enmoyenne un arrt im-

prvu tous les deux ans. Essen-

tiellement d des incidents du

genre un mauvais contact lec-

tronique ou une carte lectroni-

que redondante quil faut

changer. Le dernier arrt

Et demain?

Patrick Miazza rappelle que la

consommation dlectricit a t

multiplie par six et demi depuis

1950, passant de 10 65 milliards

de kilowatteures. Le tout couvert

60% par lhydraulique et 40%

par le nuclaire. Pourtant

mdiatiquement, on ne parle plus

que du photovoltaque et de

lolien qui ont une visibilit

inversement proportionnelle leur

puissance, respectivement

environ 0,5 et 0,3 pour mille de la

production en 2008.

Et maintenant? Pour Mhleberg,

le dbat politique va se focaliser

sur la construction dune

nouvelle centrale 500 mtres

dici. Alors que le nuclaire nest

peut-tre quune phase de

transition? Durant les cinquante

prochaines annes, on va

probablement ne jamais russir

couvrir la demande dlectricit

quavec du renouvelable. Et

dexpliquer que les mesures

dconomie et defficacit

nergtique conduisent une

augmentation de llectricit

consomme: Vous diminuez

votre chauffage mazout, vous

mettez une pompe chaleur,

vous conomisez sur le mazout,

le bilan cologique est meilleur,

mais vous augmentez votre

consommation dlectricit.

Mme chose avec les voitures:

on va vers des modles hybrides

voire tout lectriques, puisque

lnergie fossile est reconnue

comme la menace numro un

pour lhumanit.

Patrick Miazza, directeur de Mhleberg: Nous sommes cent fois plus solides quun barrage.

Cornettes nes Tipo M,

500g

Nouilles frises Tipo M,

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Vermicelles Tipo M,

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Papillons Tipo M,

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Macaronis de

lalpage Tipo M, 500g

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Nouilles 5 ufs Tipo M,

500g

Grandes spirales

5 ufs Tipo M, 500g

Coquillettes M-Classic,

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Denti delefante

M-Classic, 750g

Spaghettoni Tipo M,

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750g

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Cornettes grandes

Tipo M, 500g

Nouilles maison Tipo M,

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Nouilles maison extra

larges Tipo M, 500g

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2.25

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1.80

avant: 2.20

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2.60

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1.80

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1.50

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2.05

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Baisse de

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Baisse de

prix durable

avant: 2.25

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BAISSE DE PRIX DURABLE SUR

VOS PTES PRFRES.


REPORTAGEMHLEBERG

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17

imprvu date de septembre

2009, une nouvelle pom-

pe dalimentation dont le rglage

ntait pas optimal.

Lintrt de Patrick Miazza

pour le nuclaire date de lEPFL,

au dbut des annes 80 o un

professeur, Jacques Ligou, va lui

donner le virus: Il nous expli-

quait dj que ce que lon tait en

train de faire avec les nergies

fossiles ctait de la folie, que le

photovoltaque tait trop gour-

mand et que lolien, ctait ala-

toire. Vous verrez, disait-il, le

nuclaire, malgr tout le mal

quon en dit, a un bon bilan co-

logique comme ctait un type

sympa, jai fini par faire ma thse

avec lui.

Thse de physique acheve peu

avant la catastrophe de Tcherno-

byl: a ma videmment touch

comme tout lemonde, jemen sou-

viens bien, ma femme tait en-

ceinte, jtais au servicemilitaire.

Touchmais pas vraiment surpris:

On savait dans le milieu que ce

genre de racteurs ntaient pas

srs ni stables. Quand vous les ar-

rtiez, ils redmarraient tout seuls.

On savait aussi quil ny avait aucun

confinement. En plus, lorganisa-

tion ntait pas auxmains des tech-

niciens, mais des commissaires

politiques. Avant de conclure:

Bon, sur le droulement des faits,

personne navait imagin a.

Laurent Nicolet

Photos Daniel Rihs

Mhleberg en chiffres

La centrale de Mhleberg date de

novembre 1972. Seuls les deux

racteurs de Beznau sont plus

anciens, en service depuis 1969

et 70. Beznau et Mhleberg sont

des centrales de puissance

moyennes avec une production

denviron 380mgawatts alors que

Gsgen et Leibstadt font environ

1000 mgawatts. Mhleberg

produit donc 3 milliards de

kilowatteures par anne,

exactement toute la consomma-

tion annuelle des cantons de

Fribourg et Neuchtel runis.

La centrale tourne 24 heures sur

24, 7 jours sur 7, avec un arrt

annuel denviron un mois,

gnralement en aot, o sont

effectus les changements de

combustible, si ncessaire, et

tous les travaux de maintenance.

La hantise des fissures

Des fissures apparues dans des

soudures sur le manteau du

racteur un lment qui spare

le flux de leau descendant du flux

montant du mlange eau-vapeur

- ont terni durablement limage de

Mhleberg. Une aubaine pour les

opposants la centrale. Patrick

Miazza rtorque dabord que ce

nest pas un problme majeur

sinon il y a longtemps que lIFSN

nous aurait arrts.

Et quensuite la soudure la plus

expose est intacte plus de 70%

de son pourtour. Et il y a dix

mtres de pourtour. Quenfin

llment rsisterait un

tremblement de terre

hypothtique maximal sil lui

restait encore au moins un tiers

des soudures, parce tout est

largement surdimensionn.

Dans la salle des commandes, des employs de Mhleberg saffairent vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Le racteur nuclaire se trouve sous ce couvercle dacier et de bton.

18

|


S

andra Menthonnex a 43 ans.

Lge de son pre et de son

grand-pre lorsquils ont ren-

du lme, victimes tous deux dune

panne de cur. Le sien, cette Ge-

nevoise a pu heureusement

lchanger en cours de route contre

celui dun autre en tat demarche.

Je jouis dune deuxime vie,

commente-t-elle aujourdhui, dix

ans aprs cette transplantation

russie.

Son ancienne vie, la premire,

elle la vcue un peu au ralenti afin

dviter de trop fatiguer son mus-

cle cardiaque dfectueux. Jai

grandi avec des limitations. Jes-

sayais de faire comme tout le

monde,mais avec normment de

peine et enmemettant en danger.

Chaque fois que je faisais la gym,

par exemple, javais limpression

de mourir.

Une trs grande attention

au moment prsent

Enfant, la petite Sandra a lutt

pour conserver son insouciance.

Mme si elle tait plus dlicate

que ses camarades de classe et pos-

sdait dj une conscience exacer-

be de la fragilit de lexistence.

Jai trs vite eu une grande atten-

tion au moment prsent, sans

doute parce que jtais moins dans

laction que les autres. Sans doute

aussi parce quelle savait que tout

pouvait sarrter chaque ins-

tant.

Cest comme une bombe

retardement quon a lintrieur

de soi et qui est prte exploser.

Je jouis dune

deuxime vie

Le cur qui bat depuis dix ans dans la poitrine de Sandra Menthonnex

est celui dun autre. Grce au don de ce nouvel organe, cette

Genevoise a chapp une existence trique, une mort

programme. Tmoignage dune femme forte et reconnaissante.

Hritage inscrit dans les gnes fa-

miliaux, laffection dont elle souf-

frait la cardiomyopathie en jargon

mdical volue par paliers des-

cendants. A la fin, jallais de mon

lit ma chaise deux fois par jour.

Ctait mon unique activit.

La greffe reprsentait donc la

seule alternative viable pour San-

dra. Trs tt, jai su quil nexistait

pas dautres solutions si je voulais

avoir un futur. Jai dailleurs tou-

jours t persuade que a fonc-

tionnerait. Il y a de la dtermina-

tiondans le regarddecette croyante

qui nappartient aucune Eglise ni

chapelle.

Pourtant, elle a hsit avant de

coucher son nom sur la liste des

receveurs. Comme il y a des hauts

et des bas dans cette maladie, on

ne sait pas vraiment quel mo-

ment faire ce choix. Et dvoquer

le destin tragique dune bonne

connaissance elle qui avait trop

tergivers avant de passer lacte:

Finalement, elle sest inscrite,

mais ctait trop tard. Elle est d-

cde en se rendant lhpital.

Sandra, elle, sest dcide aprs

avoir t rapatrie durgence en

hlicoptre par la Rega suite une

grave dcompensation cardiaque.

Quand a sest pass, jtais en

Provence pour assister, comme

tmoin, au mariage de ma meil-

leure amie. A son retour prci-

pit, elle a simplement dit: Main-

tenant, je suis prte pour la

greffe!

Une longue attente

et beaucoup de questions

Cest le dbut dune longue attente

qui durera quatre mois. Jtais au

CHUV, cloue dans un lit, incapa-

ble de bouger. Des motions

contradictoires la submergent:

peur de la mort, espoir en une vie

nouvelle Cest flippant, trs

usant pour les nerfs, mais a per-

met de se prparer recevoir un

nouveau cur et lcher lan-

cien.

Peu avantNol, une infirmire

entre dans sa chambre pour lui

annoncer la bonne nouvelle: On

a un cadeau pour vous! Sandra

simmerge dans sa bulle. Elle en-

clenche son discman et des

musiques qui lvent un extrait

desNoces de Figaro et la bande ori-

ginale du film La double vie de V-

ronique de Krzysztof Kieslowski

laccompagnent jusqu la salle

dopration.

A son rveil, deux cho-

ses la frappent immdiate-

Jai su quil

nexistait

pas dautres

solutions

si je voulais

avoir un

futur

RCITTRANSPLANTATIONSDORGANES

|

19

Don de soi

La carte de donneur

dorganes, on peut la trouver

dans les pharmacies, les

hpitaux et chez les

mdecins. Il est aussi

possible de la commander

directement au

0800 570 234 ou via

[email protected].

Plus dinfos sur

www.swisstransplant.org,

le site de la Fondation

nationale suisse pour

le don et la transplantation

dorganes.

Sandra Menthonnex

a subi une

transplantation du

cur il y a dix ans.

GRILLADES AU MENU:

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RCITTRANSPLANTATIONSDORGANES

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21

ment: Dj, je pouvais

respirer normalement et

puis, je sentais un corps tranger

qui battait son propre rythme,

rgulier, tellement rgulier quil

ny avait plus de souci se faire.

Cet organe, elle laccepte sans se

poser trop de questions. Je lai

reu comme un prsent, il est

moi, je lai adopt et je ne vois pas

comment je pourrais le rejeter!

Ce que je fais dans la vie?

Je vis

Certes, mais cette quadra doit

quand mme prendre des immu-

nodpresseurs pour limiter les

risques. Cest un traitement

lourd. Selon les priodes, on le

supporte plus ou moins bien. Le

prix payer, la raison pour laquelle

elle est lAI. Quand on me de-

mande ce que je fais dans la vie, je

rponds: je vis! Rires.

Cette seconde naissance se

fait un peu dans la douleur: il faut

se radapter, effectuer tout un

cheminement aprs linterven-

tion. Quatre ans aprs celle-ci,

Sandra a dailleurs suivi une psy-

chothrapie. Pour faire le point,

pour digrer le fait quelle naurait

jamais denfants (Parce que cest

fortement dconseill aux greffs

et parce que je navais pas envie de

transmettre ma maladie), pour

pouvoir chafauder des projets

davenir et se sentir libre enfin.

Depuis, cette femme de tte a

empoign son existence bras-le-

corps, trop heureuse de rattraper

le temps perdu, de refaire du vlo

et du ski, de sessayer la voile, de

peindre et dcrire, de se former en

aromathrapie et en thrapie ner-

gtique, de voyager ou encore de

tmoigner comme elle le fera le

21 mai prochain lors dune soire

de gala organise par la Fondation

genevoise ProTransplant. De bat-

tre son cur sest emball

Alain Portner

Photo Thierry Parel /

Patrick Dutoit-CEMCAV-CHUV

Transplantations cardiaques

Lausanne, Berne ou Zurich?

La Genevoise Sandra Menthonnex a reu son nouveau cur au CHUV.

Ctait hier. Car demain, il se pourrait que les Romands doivent

se rendre en Suisse almanique pour subir une telle opration.

Pourquoi? Parce que dix ministres cantonaux de la Sant discutent

actuellement de la rpartition des domaines mdicaux de pointe

dans les cinq hpitaux universitaires de Suisse et quune question les

divise: qui de Lausanne, Berne ou Zurich pourra encore continuer

pratiquer des transplantations cardiaques lavenir?

Dans cette course qui devrait dsigner deux vainqueurs et un perdant,

Berne semble possder une petite longueur davance sur ses

poursuivants. Poursuivants qui ont dailleurs commenc

sentredchirer par mdias interposs. Ludwig Karl von Segesser,

chef de la chirurgie cardiovasculaire du CHUV, sur les ondes de la RSR:

Ce serait un dsastre si la Romandie perdait la greffe cardiaque! Ce

docte professeur est mme all jusqu menacer de dserter son poste

en cas damputation de ce service. Quant Volkmar Falk, le directeur

de la clinique de chirurgie cardiaque des bords de la Limmat, il a averti,

dans les colonnes de la SonntagsZeitung quil nabandonnerait pas la

transplantation sans se battre. Rappelons quen 2005, lors dune

prcdente tentative de rationalisation, le canton de Zurich avait dj

refus de lcher cette comptence.

Interrog par nos confrres, Pierre-Yves Maillard, le conseiller dEtat

vaudois qui prside la Confrence suisse des directrices et directeurs

cantonaux de la sant, a, lui, prcis que cest lintrt des patients et

la qualit des soins qui priment sur toute autre considration, prestige

compris. Si ce dernier ne souhaite pas que tout soit concentr en un

seul lieu, il juge quand mme important quil y ait une masse critique

suffisante dinterventions par centre. Or, en Suisse, on ne pratique

aujourdhui quune trentaine de greffes du cur par anne

Le couperet tombera lissue de deux jours de retraite prvus fin mai

Appenzell. Mais les tablissements concerns pourront encore

recourir contre cette dcision sils sestiment lss

Le CHUV pourra-t-il garder les transplantations cardiaques? Rponse la fin du mois.

Greffes en bref

2009* Nombre dorganes Nombre dorganes Patients dcds

transplants recherchs en liste dattente

Cur 30 60 10

Poumons 39 102 9

Foie 102 250 26

Reins 291 1132 0

Pancras 20 61 22

Total 482 1605 67

*Chiffres fournis par Swisstransplant.

Jai reu ce

cur comme

un prsent, je

ne vois pas

comment je

pourrais le

rejeter

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Lorsque les seniors

apprivoisent

les ordinateurs

Retraits et personnes bas revenus restent souvent sur les bas-

cts des autoroutes de linformation. De nombreuses associations

tentent de lutter contre cette socit deux vitesses. Reportage

Lausanne, lors dun cours dispens par le Mouvement des ans.

L

es rseaux sociaux, Google,

les blogs et autres sites web

en tous genres: tout le monde

en parle. Mais tout le monde

ny a pas accs. Loin sen faut,

puisque prs de 90% de la popu-

lation mondiale ne se connecte

jamais sur Facebook, sur un mo-

teur de recherche ou nimporte

quel autre site internet. Cela

sappelle la fracture numrique,

qui en loccurrence sapparente

plutt la faille de San Andreas

qu votre dernier accident de

ski.

Bien sr, ce gouffre reprsente

dabord une criante disparit

dutilisateurs entre le Nord et le

Sud (lire encadr).Mais il concerne

aussi nos contres. O les milieux

dfavoriss et les seniors restent

sur le bas-ct des autoroutes de

linformation. O de nombreuses

personnes ne peuvent pas accom-

plir des gestes aussi vidents que

deffectuer ses paiements en li-

gne, consulter un horaire de train

domicile ou chercher un appar-

tement.

En Suisse, la technologie est pour-

tant porte de clic et limmense

majorit de la population en pro-

fite largement, puisque 80% des

Helvtes surfent rgulirement

sur la Toile. Ce pourcentage tom-

be cependant 40% parmi les

revenus infrieurs 5000 francs.

Il ne dpasse pas la barre des 50%

chez les plus de 50 ans. Et lorsque

lon affiche une vingtaine dan-

nes supplmentaires, les per-

sonnes laise avec linformatique

ne constituent plus quune mino-

rit.

Trois seniors

ce jour-l

Rita, Monique etWilly veulent en

sortir. Tous trois font partie des

nombreuses personnes ges pro-

fitant des cours informatiques dis-

penss sous les auspices du Mou-

vement des ans (MDA).

En ce second mardi davril, le

cours commence. Premire des six

leons dispenses nos trois l-

ves dun genre particulier par des

professeurs pas tout fait comme

les autres non plus. Bertrand et

Oliver enseignent dans le cadre de

latelier protg du Bureau Service

Handicap, situ sur les hauteurs

lausannoises. Depuis 1977, expli-

que lexpriment Bertrand, nous

avons test plusieurs formules.

Lactuelle, soit deux matres pour

trois lves, nous parat la plus ef-

ficace.

Tiens, des spcialistes mobi-

lit rduite dispensant leurs

conseils des retraits? Lide de

cette rencontre entre deux catgo-

ries de la population diversement

fragilises remonte il y a plus de

trente ans et savre une jolie trou-

vaille, selon Franoise Bloesch,

responsable des lieux.

Cette mise en place date

davantmon arrive la Fondation

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Combe, dont dpend notre

unit. Et cest une excellente ide.

Au fond leurs vitesses de fonction-

nement savrent assez proches.

Comme si chacun devait sadapter

aux limites de lautre. Sans quil ny

ait jamais de jugement. Bertrand

et Oliver se donnent beaucoup de

peine et en retour se voient chou-

chouts par leurs lves. Il y a par

exemple parfois des dames qui

leur confectionnent des confitu-

res. Cest trs sympa.

Objectif principal:

tre autonome

But du cours: permettre aux se-

niors de se dbrouiller seuls avec

un ordinateur. Des choses sim-

ples: crer un dossier, classer ses

documents, transfrer ses photos,

De g dr.: Oliver, le forma-

teur, avec ses trois lves,

Monique, Rita et Willy.

RCIT FORMATION

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23

se balader sur le Net, souligne

Oliver. Le jeune homme fte

aujourdhui son anniversaire, mais

a tenu tre prsent pour faire

partager sa passion.

Hardware ou software: Ber-

trand et lui matrisent leur sujet,

tout en restant trs comprhensi-

bles. Il nest pas rare quun lve

demande ensuite une ou deux

sances dapprentissage suppl-

mentaires pour ses besoins spci-

fiques. Cest le cas de Monique

Blanc. A 69 ans, cette Lausannoise

plutt chic laisse depuis deux ans

un appareil photo numrique

prendre la poussire. Mon filsme

la offert, en mme temps quun

ordinateur portable. Jai hsit

minscrire plusieurs reprises, et

cette fois je me lance. Linforma-

tique a bien dbarqu en force au

sein de la Policliniquemdicale o

elle soccupait des radios pulmo-

naires. Mais aprs mon dpart,

en 1988. Du coup, jeme sens tota-

lement dbutante. Et un peu per-

due face toute cette technologie.

Mais jai envie de pouvoir envoyer

des messages mes amis ou ache-

ter des billets de spectacle en li-

gne. Et puis peut-tre quun jour

faire mes commissions sur inter-

net me rendra bien service.

Un nouveau monde

apprhender

Monique le reconnat: pas facile

de sy mettre. Un minimum din-

dpendance dans lemonde virtuel

reprsente un effort bien rel. Il

faut le vouloir, cest certain. Cer-

taines connaissances de mon ge

ont dailleurs renonc. Pas le

genre de Rita Krayenbuhl, 80 ans,

pourtant la plus ge du petit

groupe. Mes enfants mont offert

un ordinateur. Et dans le groupe

de ping-pong que jai rejoint il y a

trois ans, tout le monde en a un.

Alors elle sy est mise aussi.

Il y a tout juste une semaine,

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RCIT FORMATION

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elle a os allumer la myst-

rieuse machine. Finale-

ment, il ny a pas de raison davoir

peur. Et puis Bertrand et Oliver

expliquent trs patiemment. Je

vais srement y arriver.

Il navait jamais utilis

une souris auparavant

Encore plus sr de lui, Willy Du-

bois. Ce retrait de 70 ans dbar-

que aprs un joli parcours dans le

monde de limprimerie, avec no-

tamment le catalogue Veillon dont

je moccupais mon compte du-

rant des annes, explique ce natif

de La Brvine au caractre bien

tremp. Cela peut parat tonnant,

mais nombreux sont les anciennes

professions librales ou cadres de

sa gnration navoir jamais uti-

lis une souris. Tout simplement

parce que javais des employs qui

le faisaient trs bien. Je nai jamais

utilis un logiciel de PAO ou tap

un document Word de ma vie.

Mais alors pourquoi sy intresser

aujourdhui? Ma femme me de-

mande de faire un effort. Pour

nous deux. Jai trs bien vcu sans

tout cela, maismaintenant que jai

du temps, cela mintresse. No-

tamment pour aller un peu plus

loin dans le dcodage de linforma-

tion, sourit-il notre intention.

Les formations dispenses par

leMDA recueillent de plus en plus

de succs. Et ne ce sont pas les seu-

les. Nous avons notamment pas

mal de demandes concernant luti-

lisation de logiciels tonnamment

spcialiss comme PowerPoint.

De manire gnrale, linformati-

que et le numrique ont pris une

telle place que les seniors souhai-

tent ne plus en tre exclus.

Pierre Lderrey

Photo Nicolas Coulomb

La solidarit numrique avec le Sud

Le prix Pullitzer vient dtre remis, pour la premire fois, un site

dinformation. La prise dimportance de lidentit numrique au

dtriment du rel; ou encore ce savoir dmatrialis qui met le

monde de ldition en bullition autour des catalogues en ligne et

autres livres numriques. Pour que la Toile mondiale envahisse nos

vies, il faut dabord des moyens techniques. A cet gard, la ville nest

pas loge la mme enseigne que la campagne. Et dans les pays

plus grands que le ntre, commencer par la France voisine, ce

problme fait lobjet de nombreux plans damnagement.

Mais cest naturellement entre Nord et Sud que les disparits

savrent les plus criantes: la dmocratisation du web et la gnra-

tion numrique signifient davantage Genve ou New York qu

Bamako. Depuis 2005, dans la Cit de Calvin, le Fonds mondial de

solidarit numrique tente dy remdier, notamment travers le 1%

numrique, proposant sur une base volontaire de ponctionner ce

pour-cent sur le bnfice de chaque contrat conclu pour lachat de

technologies de linformation. Et de le rinjecter dans des projets de

solidarit numrique. Lide sduit tout le monde. Sa concrtisation,

elle, avance au rythme onusien. Comprendre: aux antipodes dune

connexion instantane.

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CHRONIQUEMINUTEPAPILLON

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Jean-Franois Duval,

journaliste

Je me dois de re-

venir sur le best-

seller de Michel

Onfray, Le crpus-

cule dune idole:

laffabulation freu-

dienne, tant il remporte dchos. Partout

invit, lauteur sme une belle confusion

propos de Freud et des thrapies dinspira-

tion psychanalytique.De tout cela, lenten-

dre, il ne reste rien. Tout ce qua dit linven-

teur de la psychanalyse serait erron,men-

songer. Trs bien, lui a demandRuquier

la TV,mais alors par quoi remplaceriez-vous

les thrapies issues de la psychanalyse, car

les cabinets des psys, aujourdhui, sont

pleins, preuve quil y a de la demande!On-

fray, prof de philo, a rtorqu Eh bien, par

la philosophie!Quon lise Snque, Epictte,

Nietzsche, etc. Cest un peu court.

La philosophie peut-elle remplacer un travail sur

soi-mme dordre psychologique? Srement

pas. Certes, on peut convenir avec Onfray,

dont les 600 pages sont pouvantablement

caricaturales, que les thories successives

de Freud pchent par maints aspects et

nont rien de scientifiques (pas plus que la

philosophie, lducation ou la mditation

zen). La psychanalyse nest pas non plus une

panace et ne peut prtendre gurir les

troubles et symptmes dont on souffre

ventuellement.

Freud ananmoins eu lemrite de tenter de

poser, son poque, un premier cadre, des

repres, parfois grossiers, partir desquels

la psychanalyse a ensuite pu voluer et saf-

finer. Qui peut nier, dans notre approche

actuelle de la psychologie de lenfant, les ap-

ports de Bion, Bowlby et de tant dautres?

Pourquoi les livres des psys Aldo Naouri,

Marcel Rufo,Didier Pleux remportent-ils un

tel succs? Tout parent daujourdhui ne sait-

il pas limportance psychologique et duca-

tive de savoir dire non aux enfants, de leur

poser des limites, de ne pas leur laisser d-

velopper un sentiment de toute-puissance?

Peut-on passer par-dessus bord les observa-

tions des pdopsychiatres (Winnicott, Cra-

mer, Stern) sur lattachement dunourrisson

sa mre? Celles de Boris Cyrulnik sur la

faon dont on se tricote du sens pour sur-

monter les traumatismes denfance et at-

teindre la rsilience? Tous ces gens ont

abondamment lu Freud.

Le problme du best-seller dOnfray, cest que,

littralement, il jette le bb avec leau du bain.

Bien des pistes nauraient pu tre explores

si Freud navait pas lanc, avec les moyens

du bord, lexploration de la psych. Car

quest-ce que la psycho-logie?Une tentative

de prise de conscience des logiques qui,

lintrieur de notre psych, prsident nos

penses et motions les plus intimes, nos

conduites singulires? La philosophie

Platon, Kant,Heidegger permet-elle cela,

qui considre plus lhomme dans son uni-

versalit que dans son individualit? Non,

si lon excepte deux ou trois penseurs hors

norme, comme Marc-Aurle (Penses pour

moi-mme) ou Montaigne (Les Essais), qui

mlent admirablement lauto-analyse et la

philosophie.

Ce quOnfray ne voit pas du tout, cest que Freud

a conduit lhomme et la femmemoderne, soit

des millions dindividus, plus dINTROS-

PECTION, unemeilleure comprhension

deux-mmes. A preuve que jamais la psy-

chologie na autant empli les pages des ma-

gazines. Ce quOnfray refuse galement de

voir, cest quune psychothrapie ( condi-

tion de choisir un bon psy) met humaine-

ment en relation deux personnes ce que

ne font ni un cours de philo ni un livre qui

sadresse par dfinition un large public.

Lune de ces personnes (le psy) aide lautre

se dcentrer de ses propres logiques psy-

chiques, les remettre en question, de sorte

ce que, dans ce contact personnalis avec

un autre dment form cette tche, le pa-

tient accde si possible une plus grande

multiplicit de points de vue sur lui-mme,

davantage de libert intrieure. Le but

tant que le patient se sorte des ornires

mentales dans lesquelles sa propre psycho-

logie la enferm. Sur ces points, Onfray se

rvle encore plus aveugle qudipe

Onfray, tez vos illres!

28

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Un destin ne se rsume

pas des gnes

Eminent gnticien, Axel Kahn appartient ces voix qui comptent dans la socit franaise.

Dans un livre vrit, celui qui met lthique au centre de sa dmarche scientifique claire

lorigine de ses choix. Et parle librement de clonage comme deuthanasie.

Vous tes prsident de luniver-

sit o vous nous recevez

(Descartes Paris V) depuis dbut

2008. Un dfi?

Oui, je lai pris un peu comme cela.

Ce ntait pas prvu. Il y a des cir-

constances, comme on dit la pres-

sante insistance de mes amis, qui

ont fait natre ce dsir. Un peu im-

prvu et fou comme exprience,

mais cela en vaut la peine.

Votre pre, que vous prsentez

toujours comme linfluence

majeure de votre vie, vous a-t-il

transmis cette passion de

luniversit?

Naturellement. Il tait un profes-

seur de philosophie passionn par

la transmissiondu savoir et la pda-

gogie. Je me sens chez moi dans ce

mondedu savoir et de la culture, de

lchange pluridisciplinaire. Il ma

sembl ds lors quaccepter cette

charge constituait une belle ma-

nire dachever la partie purement

professionnelle de ma carrire.

Mme sous Sarkozy, alors que

vous tes homme de gauche?

Un prsident duniversit est lu

par ses pairs, nonpar le pouvoir. En

2007 et 2008, le prsident tentait

louverture et bien sr des proposi-

tions mont t faites. Jai refus.

Votre dernier livre dit beaucoup

de vous, y compris dpisodes

douloureux comme le divorce de

vos parents, puis le suicide de

votre pre. Une criture libra-

toire?

Je lavais dj fait dans le livre Rai-

sonnable et humain, en 2004. Et l,

oui, ce fut atrocement difficile. Pen-

dant trente ans, je nai jamais vo-

qu ce choc, la lettre quil mavait

laisse. Pas mme mes frres. Jai

pratiquement fini de lcrire en

pleurant. Ici, cet objet consiste plu-

tt expliquermesprsupposs, les

racines de mon engagement. Jai

dcid de jouer franc jeu en don-

nant une grille de lecture de ldifi-

cation de ma subjectivit morale.

Cest un exercice de franchise.

Logiquement, parmi vos positions

les plus modeles par votre

trajectoire, on songe au suicide et

leuthanasie.

Oui, sans doute. Elle se nourrit

dabord de mon exprience de m-

decin, puisque jai pratiqu enhpi-

tal pendant plus de vingt-cinq ans.

Et doncdu suicide demonpre, qui

minterroge depuis quarante ans.

Cette libert de mettre fin ses

jours mapparat comme le contrai-

re dune libert. Au moment o les

gens demandent mourir, ils ne

voient plus ce quils pourraient de-

mander dautre. Parce quils sont te-

naills par la douleur ou langoisse.

Je me suis toujours dit que si mon

premavait rencontr, moi ou lun

demes frres, avant demonter dans

ce train dont il sest jet, peut-tre

aurait-il entrevu dautres possibles.

Du coup, pas besoin de vous

demander ce que vous pensez de

lautorisation suisse dlivre

Dignitas ou Exit.

Je suis trs hsitant. Parce quil ny

a pas dalternative permettant ces

malades dsesprs de retrouver

des conditions de vie dcentes.

Cela me rappelle, il y a plusieurs

annes, le tmoignagede ce siden.

Ecras par langoisse et une

mdication trs lourde, il re-

Bio express

Naissance le 5 septembre

1944 en Touraine o sa

mre sest rfugie pour fuir

les privations Paris, et

peut-tre alarme par la

Rafle du Vl dHiv (la famille

a des origines juives du ct

paternel). Axel Kahn est le

frre de Jean-Franois, le

clbre journaliste (n en

1938) et dOlivier, brillant

chimiste dcd en 1999.

Divorce de ses parents alors

quil a 10 ans. Son frre

Jean-Franois part avec son

pre quil vnre, Jean

Kahn professeur de

philosophie.

1967: 23 ans, interne aux

hpitaux de Paris, il part en

coopration du ct de la

Rpublique centre-africaine.

Militant durant dix-sept ans

au Parti communiste

17 avril 1970: suicide de

son pre, alors quil est

interne en hmatologie

lHtel-Dieu. Il lui laisse un

court message qui se

termine par Sois raisonna-

ble et humain. Son pre

avait 54 ans, lui 26. Un

choc dont on ne se remet

jamais. Son fils, Jean-

Emmanuel, nat le jour des

obsques de son grand-

pre.

1992: 48 ans, aprs plus

de vingt-cinq ans dexercice,

il abandonne la pratique de

la mdecine pour la recher-

che.

Le suicide

demon pre

minterroge

depuis

quarante ans

ENTRETIENAXELKAHN

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29

Mdecin gnticien

et essayiste, Axel Kahn

sest fait connatre

du grand public par

ses ouvrages

de vulgarisation

scientifique.

30

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connaissait tout de mme

que sil y avait de lamour, ce

serait diffrent. Voil. Il est clair

que ces associations daide au sui-

cide ne prvoient pas doffrir de

lamour.

Vous prcisez dailleurs dans

votre livre que ce type de

demande existe beaucoupmoins

dans les pays, comme la Grande-

Bretagne, aux soins palliatifs trs

dvelopps.

Absolument. Jajouterai que la loi

ne doit pas rgler les dtails de tou-

tes les pratiques, mais dfinir les

valeurs autour desquelles une so-

cit se runit et se construit. Alors

oui, une loi qui indique quedonner

la mort volontairement reste inter-

dit me convient. Mme sil peut

bien sr y avoir des exceptions, no-

tamment pour soulager dinsuppor-

tablesdouleurs.Ou lorsquil nexiste

plus aucune chance de gurison. Je

reste rsolument oppos lachar-

nement thrapeutique. Le but de la

mdecine nest pas de prolonger la

vie tout prix.Cest de permettre le

retour une vie relationnelle of-

frant les conditions minimales

dpanouissement. Et lorsquun

traitement na plus cette perspec-

tive, alors le traitement devient sans

objet.

Dans dautres domaines, vos

coups de gueule face lattitude

dune partie des scientifiques,

notamment dans le cadre du

clonage thrapeutique, nont pas

facilit votre carrire.

Ctait en 2003. Je me suis permis

de dire lillusion de cette voie. Ce

que tout le monde reconnat

aujourdhui. Alors que jappartenais

au groupe de contrle dthique de

lAcadmie, je contredisais compl-

tement son message. Et naturelle-

ment les journaux ont beaucoup

plus relay mon avis que le leur.

Ctait se conduire comme un gar-

nement. Et jen imaginais bien les

consquences.

Toujours ce souci de lthique

incarne?

Tout fait. Un vrai problme din-

jonction morale. En soupesant ce

quime serait le plus insupportable,

jai compris que ce serait de me

taire face unemystification scien-

tifique. Le savant doit dire ce quil

pense tre vrai selon la science, et

ne pas faire de lidologie.

Il tait un honnte homme, cest

comme cela que vous voudriez

que lon se souvienne de vous?

Mes lves le savent. Si lon voulait

graver une pitaphe surma tombe,

et si je pouvais la voir, ce dont je

doute, il essaya dtre un type

bienme satisferait.

La science est-elle immorale en

soi?

Je ne le pense pas. Mais linverse,

je ne crois pas non plus que la pas-

sion scientifique soit forcment

synonymedthique. La science vise

dvoiler ce qui savre probable-

ment vrai. Cela ne suffit pas trou-

ver ce qui est bien ou juste.

Ce qui ne vous empche pas de

dnoncer les menacesmarchan-

des pesant sur la gntique.

Le principe moral ne peut ralentir

lexploitation commerciale dune

trouvaille scientifique. Pour cela, il

faut que la loi, expression de la vo-

lont populaire, linterdise.

Mais la plupart des gens ny

comprennent pourtant pas

grand-chose.

Je ne peux pas tre daccord. On ne

demande pas aux citoyens de deve-

nir des gnticiens. En revanche,

on peut leur expliquer les enjeux

qui les aideront donner leur avis.

Cenest pas pari perdu. Si vous aviez

raison, lexercice dmocratique de-

viendrait caduc. Je ne le crois nulle-

ment.

Pourtant mme les responsables

politiques se rfugient de plus en

plus derrire la science, ou le

droit, pour justifier leurs dcisions.

Oui, selon un principe de prcau-

tion mal compris, beaucoup consi-

drent quils nont plus politique-

ment la capacit dassumer leur

rle. Celui de lexpert consiste

donner des lments objectifs de

dcision en disant non pas ce qui

est vrai dailleurs, ils sont souvent

dun avis diffrent mais ce quils

croient ltre. Pas dedevenir un lob-

byiste qui module son information

pour manipuler lavis du citoyen.

Parce que alors la socit cesse

dtre dmocratique pour devenir

technocratique.

Du coup croyez-vous vraiment

la possibilit dune recherche

encadre sur lembryon comme

vous le prconisez?

La loi doit limiter les autorisations.

Concernant lembryon,maposition

reste la mme depuis vingt ans.

Lembryon humain a la singularit,

sil se dveloppe, de devenir un pe-

tit bb. Ce qui nest pas rien. Pour

un homme commemoi qui na pas

de foi, il ne revt pas de sacralit

particulire. Mais il est le dbut

dune personne dont toute la r-

flexion thique consiste dfendre

la respectabilit particulire. Cela

justifie que lembryon ne soit ja-

mais conu commeunmoyen, avec

un

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Migros Magazin 20 2010 f NE