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ÉTUDES BALKANIQUES Recherches interdisciplinaires sur les mondes hellénique et balkanique Cahiers Pierre Belon 15 - 2008 La préhistoire du Sud-Est européen : traditions et innovations Volume dirigé par G. KOURTESSI-PHILIPPAKIS ASSOCIATION PIERRE BELON

Mihailovic 2008 Recherches récentes sur le Paléolithique en Serbie

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ÉTUDES BALKANIQUESRecherches interdisciplinaires sur les mondes hellénique et balkanique

CahiersPierre Belon

15 - 2008

La préhistoire du Sud-Est européen : traditions et innovations

Volume dirigé par G. KOURTESSI-PHILIPPAKIS

association pierre belon

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sommaireG. KOURTESSI-PHILIPPAKISIntroduction ou Quatre questions sur la préhistoire du Sud-Est de l’Europe

PREMIERE PARTIE Approches régionales

I. KARAVANIĆ 19 Le Paléolithique moyen en Dalmatie (Croatie) : résultats des nouvelles recherches.

D. MIHAILOVIĆ 35Recherches récentes sur le Paléolithique en Serbie.

V. ELEFANTI 55Le concept de spécialisation en technologie lithique et les stratégies de mobilité des chasseurs-cueilleurs du Paléolithique supérieur en Grèce.

M. KACZANOWSKA , J. KOZLOWSKI, A. SAMPSON 83Le Mésolithique du bassin égéen.

D. BORIĆ 101Lepenski Vir : une transformation de l’Europe pré-néolithique.

D. KOMSO, N. ANDREASEN, S. FORENBAHER 125 Les premiers agriculteurs, pasteurs et pêcheurs en Istrie (Croatie) à travers les industries lithiques.

M. ÖZDOĞAN 145 Le début du mode de vie néolithique en Thrace orientale : une perspective anatolienne.

M. GUROVA 161Outillages lithiques préhistoriques de Bulgarie et la question du « fossile directeur ».

M. BUDJA 177La Néolithisation du Sud-Est de l’Europe : de la dispersion des chromosomes Y aux figurines en terre cuite et l’événement climatique de 8.200 cal. BP.

D. GHEORGHIU 209De l’objet à l’espace : une expérience art-chéologique de la préhistoire roumaine.

DEUXIEME PARTIE : Approches diachroniques

K. KOTSAKIS 229Communautés en transition : la Macédoine grecque du VIIe au Ie mil. av. J.-C.

M. GALATY, O. LAFE 257Le peuplement préhistorique du littoral albanais.

M. IACOVOU, J. WEBB, E. PELTENBURG, D. FRANKEL 275Chypre : des premières communautés néolithiques à l’émergence de l’urbanisme

© Association Pierre Belon - 54, Bd. Raspail, 75006 Paris [email protected]

Diffusion : De Boccard - 11, rue de Médicis, 75006 Paris http://www.deboccard.com

ISBN ISSN

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Recherches récentes sur le Paléolithique en Serbie

Dušan Mihailović

Université de Belgrade, Serbie

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Dans les Balkans le Paléolithique a été inégalement et relativement peu étudié malgré la présence de nombreux sites archéologiques importants. Cela vaut surtout pour les régions montagneuses des zones centrales et occidentales des Balkans, régions peu explorées à ce jour. Le problème ne serait peut-être pas aussi crucial si l’étude et la compréhension des processus de peuplement, caractéristiques d’un espace géographique beaucoup plus large, ne dépendaient directement de l’état de nos connaissances dans les zones centrales et occidentales des Balkans. En effet, les rapports entre l’Europe centrale et la Méditerranée ne sont pas suffisamment clairs et il est quasi-impossible de mettre en relation des phénomènes culturels des zones balkaniques extrême-orientales à ceux qui sont apparus dans les Balkans occidentaux. De même, il devient difficile d’appréhender le Paléolithique grec, par exemple, dans un contexte régional plus large en raison de l’ab-sence des recherches archéologiques systématiques dans les régions voisines comme le sud de la Serbie et de la Bulgarie, l’ex-République yougoslave de Macédoine et l’Albanie.

Cet état de choses est en train de changer ces dernières années grâce aux recherches archéologiques entreprises en Serbie. Il s’agit surtout des fouilles qui ont commencé entre 2002 et 2006 sur quelques sites paléolithiques à plusieurs horizons très riches (Fig. 1). Sur le site de la forteresse de Petrovaradin près de la ville de Novi Sad nous avons repéré des horizons du Paléolithique moyen, celui-ci étant également attesté sur les sites de Hadži Prodanova Pećina près d’Ivanjica (Serbie occidentale) et de Velika i Mala Balanica près de la ville de Niš (Serbie méridionale). En plus, à Šalitrena Pećina près de la ville de Mionica (Serbie du Nord-Ouest) on a exploré des couches contenant des artefacts aurignaciens et gravettiens, tandis que sur les sites de Hadži Prodanova Pećina et de Pećina 1 près du village de Jelašnica (Serbie méridionale) ont été documentées les industries à pointes à dos actuellement difficiles à situer culturellement et chronologiquement.

Toutes ces recherches n’en étant qu’à leur début, nous présenterons brièvement les principales données relatives aux sites mentionnés. En partant des éléments préliminaires nous tenterons également de souligner ceux qui permettraient de mieux expliquer les transformations culturelles et les diffé-rences régionales du Paléolithique des Balkans centraux.

Les recherches antérieures

Les premiers sites paléolithiques en Serbie ont été découverts vers la fin du XIXe siècle grâce aux fouilles effectuées par J. Cvijić et Dj. Jovanović à Prekonoška Pećina près de Svrljig. Dans le gisement pléistocène, un artefact de pierre taillée a été alors mis au jour associé à des ossements d’ours des

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cavernes1. Peu de temps après ces découvertes, les explorations se sont arrê-tées pour ne reprendre que dans les années 1950 dans le cadre des fouilles archéologiques systématiques des grottes situées à Šumadija (Serbie centrale, effectuées par B. Gavela)2. Il s’agit de la grotte de Risovača près d’Arandje-lovac qui a livré des outils typiques du Paléolithique moyen (y compris des pointes foliacées) et du site de Jerinina Pećina, près de la ville de Kragujevac, où ont été attestés quelques artefacts attribués au Paléolithique moyen et supérieur. Trois décennies plus tard, D. Srejović entreprend des fouilles dans plusieurs sites paléolithiques et mésolithiques au Monténégro, une région où jusqu’à cette époque le Paléolithique n’avait été documenté que par le site de Crvena Stijena3. Sur les sites de Bioče4 et de Mališina Stijena5 ont été attestées des couches du Paléolithique moyen, sur ceux de Mališina Stijena, de Medena Stijena6 et de Trebački Krš7 des industries du Paléolithique supérieur et sur ceux de Trebački Krš, Odmut8, Medena Stijena et Vruća Pećina9 des couches contenant des artefacts mésolithiques. C’est au cours de cette époque qu’I. Radovanović introduit une méthodologie moderne pour les recherches archéo-logiques du Paléolithique.

Pendant que les fouilles se déroulaient au Monténégro, notamment de la fin des années 1970 au début des années 1990, les recherches en Serbie étaient de faible intensité. La reconnaissance archéologique et les fouilles de sondage dans les différentes régions de Serbie ont été réalisées par Z. Kaludjerović et Lj. Djuričić. Lors de ces recherches quelques sites seulement ont été localisés: Mirilovska Pećina et Pećurski Kamen, d’une part, avec très peu d’artefacts10, et Smolućka Pećina près de Tutin, Baranica près de Knjaževac et Šalitrena Pećina près de Valjevo, d’autre part, qui ont livré un matériel plus important. A Smolućka Pećina une centaine d’artefacts du Paléolithique moyen ont été

1 J. Cvijić, “Prekonoška pećina” (La grotte de Prekonoška), Geološki anali Balkanskog poluostrva, III (1891), pp. 272-2992 B. Gavela, Paleolit Srbije (Le Paléolithique en Serbie), Belgrade, 1988.3 Đ. Basler (éd.), Crvena stijena, Nikšić, 1975.4 L. Đuričić, “A Contribution to Research on Bioče Mousterian”, Glasnik Srpskog arheološkog društva, 22 (2006), pp. 179-196.5 I. Radovanović, “Novija istraživanja paleolita i mezolita u Crnoj Gori” (Les explorations récentes du Paléolithique et du Mésolithique au Monténégro), Glasnik Srpskog arheološkog društva, 3 (1986), pp. 63-76.6 D. Mihailović, “Upper Palaeolithic and Mesolithic chipped stone industries from the rock-shelter of Medena Stijena”, in D. Srejović (éd.), Prehistoric Settlements in Caves and Rock-shelters of Serbia and Montenegro, Belgrade, 1996, pp. 9-60. 7 L. Đuričić, “The chipped stone industry from the rock-shelter of Trebački Krš”, in D. Srejović, op. cit., pp. 75-102.8 J. K. Kozlowski, S. K. Kozlowski, I. Radovanović, Meso- and Neolithic Sequence from the Odmut Cave (Montenegro), Varsovie, 1994.9 L. Đuričić, «Vruća pećina – višeslojno nalazište» (Vruća Pećina – un site à plusieurs horizons), Starinar, N.S., XLVIII (1997), pp. 195-199.10 D. Mihailović, L. Đuričić, Z. Kaluderović, «Istraživanje paleolita na području istočne Srbije» (L’exploration du Paléolithique dans la région de Serbie orientale), in M. Lazić (éd.), Arheologija istočne Srbije, Belgrade, 1997, pp. 33-44.

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découverts11, à Baranica une dizaine d’artefacts du Paléolithique supérieur12, les explorations de la couche avec des artefacts gravettiens à Šalitrena Pećina n’étant encore qu’à leur début.

Les recherches réalisées entre 2003 et 2006

Hadži Prodanova PećinaHadži Prodanova Pećina est située aux environs de la ville d’Ivanjica au

sud-est de la Serbie. Les fouilles archéologiques réalisées en 2003 et 2004 ont été entreprises sur le plateau devant la grotte et à l’entrée du couloir d’accès menant à la salle centrale13. Les couches contenant des artefacts paléolithiques ont été repérées seulement sur le plateau et ont été étudiées jusqu’à une profondeur de 4,5m. Les couches supérieures ont livré assez peu d’artefacts qui ont été attribués, en raison de la présence des pointes à dos, au Gravettien ou à l’Epigravettien. Dans les mêmes couches on a attesté la présence de lames appointées, de lamel-les tronquées et de lamelles non retouchées. Dans le complexe stratigraphique inférieur plusieurs horizons contenant des artefacts du Paléolithique moyen ont été distingués. Dans la couche 5a on a récolté des artefacts en quartz et un petit nombre d’outils en silex (grattoirs, racloirs, éclats retouchés), tandis que dans les couches 5b-5c, au-dessous du niveau de gros blocs rocheux, on a récolté des poin-tes, des lames Levallois et des outils de silex très usés. Dans les restes de la faune prédominent les ossements et les dents des ours des cavernes. Généralement, l’industrie livrée par la couche 5a pourrait être liée au Moustérien « de quartz » ou « des cavernes » et celle de la couche 5b au Moustérien typique. Il faut également noter qu’un artefact en cristal de roche (ses gisements se trouvant non loin du site) a été attesté dans la couche du Paléolithique moyen14 et que la structure de l’industrie reflète fidèlement le type d’habitation en grotte : les outils de silex ont été importés sur le site et utilisés au maximum, tandis que le quartz servait pour la fabrication sur place des outils destinés à une utilisation temporaire.

La forteresse de PetrovaradinLa forteresse de Petrovaradin est située sur la rive droite du Danube près

de la ville de Novi Sad. Inscrite au patrimoine culturel la forteresse est également un site archéologique important abritant des vestiges de différentes périodes. Les artefacts paléolithiques ont été mis au jour lors des fouilles de sauvetage de 2002, alors que les fouilles systématiques des couches pléistocènes ont eu lieu en 2003 et 200415. C’est alors que dans les couches supérieures de loess deux horizons

11 Z. Kaluderović, “Palaeolithic in Serbia in the Light of the recent Research”, Starinar, N. S., XLII (1993), pp. 1-8.12 D. Mihailović et al., loc. cit.13 D. Mihailović, B. Mihailović, «The Palaeolithic Site Hadži Prodan’s Cave by Ivanjica”, Arheološki pregled Srpskog arheološkog društva, 1/2003 (2006), pp. 13-16.14 D. Mihailović, “Spirituality and Cultural Identity in the Middle-Upper Palaeolithic Transition in the Balkans”, in M. Otte (éd.), Spiritualité, Actes du Colloque international de Liège (10-12 décembre 2003) [ERAUL 106], Liège, 2004, pp. 11-20.15 D. Mihailović, “Petrovaradin fortress – Palaeolithic Site”, Arheološki pregled Srpskog arheološkog društva, 1/2003 (2006), pp. 9-12.

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avec de nombreuses pièces du Paléolithique moyen ont été mis au jour (Fig. 2). Les analyses préliminaires laissent supposer que la couche inférieure, reposant sur la roche même, pourrait dater du stade isotopique 4 et la couche supérieure du stade isotopique 316. Parmi les pièces prédominent des artefacts en quartz et en silex de qualité médiocre, ainsi que quelques outils en radiolarite. Le matériel permet de reconnaître trois composantes. Le Charentien, le plus prononcé, est caractérisé par une représentation élevée des racloirs, des outils denticulés et des outils à encoche ainsi que des artefacts en quartz. La technique Levallois est attestée par la présence des nucléi Levallois préférentiels et récurrents et des éclats à talon large. Dans l’industrie ont été reconnus, enfin, des outils à dos taillé bifacialement : un racloir massif taillé bifacialement et une pointe allongée à base retouchée (Fig. 3). Les analyses du matériel et des échantillons sont en cours.

Velika Balanica La grotte en tant que site paléolithique a été identifiée en 2002 lors de

la reconnaissance archéologique effectuée au cours des travaux de la route Niš-Dimitrovgrad. Elle est située aux environs du village de Sićevo, non loin de Niš, juste à la sortie de Sićevo. C’est lors des fouilles de ce site commencées en 2004 que nous avons constaté que la couche supérieure d’une épaisseur de 1,5m contenait un matériel du Paléolithique moyen très riche et de nombreux ossements d’origine animale. Depuis lors jusqu’à l’automne 2006, dans la partie antérieure de la grotte, six horizons du Paléolithique moyen ont été fouillés. Au sein des horizons supérieurs (2a-2c) apparaissent des grattoirs latéraux et transversaux, des pointes moustériennes et des produits de débitage qui témoignent de la présence de la technique Levallois (Fig. 4, 1-7). Au sein des horizons inférieurs (3a-3c) les artefacts en quartz sont prédominants, la technique Levallois est absente et, parmi l’outillage, on constate la présence d’outils denticulés, d’éclats retouchés et de grattoirs trans-versaux très courts (Fig. 4, 8-12). On a récolté une quantité très importante de restes d’ossements animaux très fragmentés et mal conservés. Les recherches de 2006 ont permis de constater la présence humaine à l’intérieur de la grotte.

Mala BalanicaIl s’agit d’une grotte éloignée d’une cinquantaine de mètres de celle de Velika

Balanica. Si les deux grottes appartiennent probablement au même complexe spéléologique, les couches stratigraphiques et le degré de conservation des restes qui y ont été retrouvés sont cependant très différents. À Mala Balanica, en 2005, au sein des horizons supérieurs ont été mis au jour des artefacts du Paléolithique moyen: des racloirs transversaux, ainsi que des nucléus, des éclats et des outils en quartz. La surface étudiée était très réduite (une dizaine de m2) et le nombre des pièces récoltées jusqu’à présent relativement modestes. Le profil conservé de recherches antérieures permet de constater que les couches géologiques atteignent une épaisseur de 4,5 m et contiennent de nombreux restes de faune bien conservés.

16 S. B. Marković, D. Mihailović, E. A. Oches, M. Jovanović, T. Gaudenyi, “The Last Glacial climate, environmet and the evidence of Palaeolithic occupation in Vojvodina province, Serbia: an overview”, Antaeus, 27 (2004), pp. 147-152.

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Šalitrena PećinaIl s’agit d’une vaste grotte située au bord de la rivière de Ribnica, non loin

de la ville de Mionica en Serbie du Sud-Ouest. Ce site est étudié depuis le milieu des années 1980, les couches riches en matériel n’étant, cependant, atteintes qu’en 2004, grâce aux fouilles effectuées dans la partie antérieure de la grotte par B. Mihailovic. Dans l’horizon du Gravettien des milliers d’artefacts ont été récoltés parmi lesquels on distingue des pointes gravettiennes et des microgravettes, des micropointes doubles et retouchées sur les deux bords, des lamelles à dos bitron-quées (ressemblant aux rectangles), des outils composites, des lames appointées et d’autres types d’outils (Fig. 5)17. Au sein de l’horizon correspondant à l’Aurigna-cien (5a), exploré en 2006, ont été repérés des grattoirs carénés typiques, des lames appointées retouchées, des lames non retouchées et deux perles de Dentalium18.

Pećina 1 près du village de JelašnicaLors de la reconnaissance du terrain près de Sićevo et de Jelašnica en 2006

des fouilles de sondage de moindre envergure ont été effectuées sur le site de Pećina 1 près du village de Jelašnica, sur les bords du bassin de Niš. La présence des couches pléistocènes a été constatée jusqu’à une profondeur de 1,30m. Au sein des horizons supérieurs ont été découverts des lamelles non retouchées et des outils sur lamelles parmi lesquels une pointe à dos double de dimensions microlithiques, alors qu’au sein des couches inférieures ont été identifiés des éclats massifs à talon large. La plupart des outils sont produits en calcédoine locale.

Le Paléolithique des Balkans centraux dans leur contexte régional

Bien que les caractères de chaque assemblage lithique restent à préciser, il est évident que les éléments charentiens sont présents dans les industries des couches inférieures de Velika Balanica, et un peu moins dans celles de la forte-resse de Petrovaradin. Les industries à pointes foliacées et celles du Moustérien typique ayant été jusqu’à présent attestées en Bulgarie, le Moustérien typique de tradition Levallois plus ou moins accentué au nord de la Bosnie et les industries du Moustérien typique, celles du Pontinien et du Moustérien à denticulés dans les régions côtières de l’Adriatique, les éléments charentiens représentent un faciès nouveau du Paléolithique moyen dans les Balkans. Il a été également constaté que dans les Balkans centraux, de même qu’en Pannonie (Tata - Erd)19 et dans le nord-ouest de la Croatie (Krapina)20 le Charentien précède chronologiquement

17 B. Mihailović, «The Gravettian Site Šalitrena Pećina near Mionica (western Serbia)», in A. Darlas, D. Mihailović (éds), The Palaeolithic of the Balkans, Session C33, XV UISPP Congresss, Lisbon – Portugal, 4th to 9th Septembre 2006, sous presse.18 D. Mihailović, B. Mihailović, «Cultural regionalization in the Palaeolithic of the middle Danube basin and western Balkans”, in F. Djindjian, J. K. Kozlowski, N. Bicho (éds), The Territory of Palaeolithic Hunter-gatherers: Data, Metods and Results, Session C16, XV UISPP Congresss, Lisbon – Portugal, 4th to 9th Septembre 2006 (sous presse).19 V. Gabori-Czank, La station du Paléolithique moyen d’Érd-Hongrie, Budapest, 1968 ; M.-H. Moncel, « Tata (Hongrie), Un assemblage microlithique du début du Pléistocène supérieur en Europe Centrale », L’Anthropologie, 107 (2003), pp. 117–151.20 J. F. Simek, F. H. Smith, “Chronological changes in stone tool assemblages from Krapina (Croatia)”,

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le Moustérien typique. Il reste à préciser si ce Moustérien est aussi vieux (entre 70.000 et 130.000 ans) que ceux qui ont été attestés sur les sites de Krapina et de Tata, ou s’il s’agit d’un faciès régional contemporain du Moustérien typique des régions voisines.

Il ne faut pas perdre de vue que les stratégies de peuplement ont évidement fortement influencé le caractère des assemblages lithiques. La présence élevée de quartz, constatée dans les cas suivants, reflète à juste titre ces particularités:

Une aire réduite de déplacement des groupes humains a été attestée à Velika Balanica. C’est seulement dans les phases du peuplement plus tardives que le territoire s’accroît comme en témoignent les matières premières utilisées.

Une utilisation nécessaire des outils à destination temporaire produits sur place, qu’il s’agisse de campements de base (Petrovaradin, Velika Balanica) ou de campements temporaires (Hadži Prodanova Pećina, Mala Balanica).

Là où les matières premières de bonne qualité n’étaient pas disponibles aux environs des sites comme par exemple dans le site de Golema Pesht en Macédoine, dont l’âge n’est pas encore précisément déterminé, et où plus de 90% d’artefacts sont produits en quartz, alors que les artefacts en silex sont complètement absents.21

Le rôle de la technique Levallois, à la différence des technologies de quartz, n’est pas encore tout à fait clair. Sur le site de Hadži Prodanova Pećina des outils sur lame de type Levallois, mais également tous les outils de silex ont été apportés et utilisés au maximum. Contrairement à cela, sur le site de la forteresse de Petrovaradin les artefacts Levallois ne sont pas de caractère exclusif. Sur ce site la technique Levallois a été utilisée dans la production ad hoc des outils issus des matières premières de différentes qualités. Ce site a livré des nucléi formés sur des fragments de gros éclats caractérisés par un talon formé sur troncature, sa partie arrière (la face ventrale de l’éclat) étant modifiée par un débitage centripète.

La mise au jour sur le site de la forteresse de Petrovaradin des outils à dos bifacialement taillés est un fait particulièrement important. La présence des pointes foliacées était déjà bien connue dans les régions au sud de la Save et du Danube, soit sporadiquement (Kamen, Risovača, les sites de Grèce),22 soit au sein d’un faciès différencié (Muselievo-Samuilitsa)23. Les pièces provenant de la forteresse de Petrovaradin ne sont probablement pas liées à cette tradition-là, mais à une tradition antérieure, ce qu’il est à présent impossible d’affirmer avec certitude. Tout compte fait, la présence des outils bifaciaux à dos témoigne de

Journal of Human Evolution, 32 (1997), pp. 561–575.21 L. Shalamanov-Korobar, “First Palaeolithic Researches in FYR Macedonia: the Cave ‘Golema Pesht’ Near Village Zdunje”, in A. Darlas, D. Mihailović, op. cit.22 Đ. Basler, “Nalazišta paleolitskog i mezolitskog doba u Bosni i Hercegovini” (Les sites paléolithiques et mésolithiques en Bosnie et Herzégovine), in Praistorija jugoslavenskih zemalja I (La Préhistoire des pays yougoslaves I), Sarajevo, 1979, pp. 313-330 ; B. Gavela, op. cit.23 P. Haesaerts, S. Sirakova, « Le Paléolithique moyen à pointes foliacées de Mousselievo (Bulgarie) », in J. K. Kozlowski (éd.), Middle and Early Upper Palaeolithic in Balkans, Varsovie-Cracovie, 1979, pp. 35-63 ; N. Sirakov, “Reconstruction of the Middle Palaeolithic flint assemblages from the cave Samuilitsa II (northern Bulgaria) and their taxonomical position seen against the Palaeolithic of south-eastern Europe”, Folia Quaternaria, 55 (1983), pp. 1-100.

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la liaison culturelle entre le sud de la Pannonie et les régions septentrionales du bassin des Carpates. Les influences mutuelles des traditions différentes témoi-gnent que dans l’industrie livrée par le site de la forteresse de Petrovaradin la technique Levallois apparaît en association avec des éléments charentiens et des outils bifaciaux à dos, ce qui généralement n’est pas le cas en Europe centrale, qu’il s’agisse des industries de type Tata-Erd ou bien de celles à bifaces à dos (Micoquien, Bábonyien)24. La seule exception serait le Jankovichien car, d’une part, les sites attribués à cette culture n’ont pas livré d’éléments charentiens, et, d’autre part, les artefacts taillés bifacialement se distinguent considérablement de ceux mis au jour dans la forteresse de Petrovaradin25.

Dans les Balkans centraux, les indices qui pourraient mieux documenter la nature de la transition Paléolithique moyen/Paléolithique supérieur sont absents à ce jour, tandis qu’en Bulgarie du Nord des industries de type tran-sitionnel, datées entre 50 et 45 000 ans B.P. sont bien présentes, ainsi que le Paléolithique supérieur initial daté entre 45 et 40 000 ans BP26. C’est la principale raison pour laquelle il est toujours impossible d’expliquer le remplacement des populations et les changements culturels survenus dans cette période. Il y a des indices qui suggèrent l’existence d’une compétition non seulement écologique, mais aussi sociale entre les hommes de Néanderthal et les hommes modernes. L’emplacement des sites et le matériel archéologique témoignent que les porteurs des cultures du Paléolithique moyen et supérieur ont habité les mêmes niches écologiques dans les plaines et vallées fluviales et que les mêmes habitats ont été occupés au cours du Paléolithique moyen tardif et du Paléolithique supérieur initial. Ce qui laisse également supposer l’existence d’un phénomène de compétition sociale est le fait que les recouvrements chro-nologiques à un niveau régional plus restreint n’ont pas encore pu être attestés, malgré les témoignages indiquant les contacts et les influences mutuelles de ces deux populations. La longue période de co-existence des Néanderthaliens et des hommes modernes ne peut être observée qu’à travers de très vastes espaces géographiques. En effet, dans l’est des Balkans et dans les bassins Adriatique et Ionien le remplacement des populations s’est produit vers 40 ou 41 000 ans BP (en Bulgarie bien avant), alors que dans l’ouest des Balkans, d’après les découvertes provenant de Vindija, les Néanderthaliens sont présents jusqu’à 31 ou 32 000 ans BP27. Dans les régions balkaniques les sites qui auraient pu chronologiquement être assignés au Paléolithique supérieur initial n’ont pas encore été identifiés.

24 G. Bosinski, Die Mittelpaläolithischen Funde im Westlichen Mitteleuropa, Cologne – Graz, 1967 ; A. Ringer, « Le complexe techno-typologique du Bábonyien-Szélétien en Hongrie du Nord », in D. Cluquet (éd.), Les industries à outils bifaciaux du Paléolithique moyen d’Europe occidentale [ERAUL 98], Liège, 2001, pp. 213-220.25 V. Gabori-Csank, Le Jankovichien – Une civilisation paléolithique en Hongrie [ERAUL 53], Liège, 1993. 26 B. Drobniewicz, B. Ginter, B. Kazior, J. K. KozŁowski, “Transitional” industry from layer VI, trench TD-II”, in B. Ginter et al. (éd) Temnata Cave: Excavations in Karlukovo Karst Area – Bulgaria, Vol. 2, Part 1, Cracovie, 2000, pp. 243-316.27 T. Higham, C. Bronk Ramsey, I. Karavanić, F. H. Smith, E. Trinkaus, “Revised direct radiocarbon dating of the Vindija G1 Upper Paleolithic Neandertals”, Proceedings of the National Academy of Science, 103(3), (2006), pp. 553-557.

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Quel était le rôle des Balkans centraux dans tous ces changements? Les sites situés dans les régions montagneuses des Balkans centraux (Smolućka Pećina, Mališina Stijena) sont antérieurs à 38 000 ans BP28. Bien que les datations de ces deux sites n’attestent que leur âge minimal, il est plausible que le Paléolithique moyen dans cette partie des Balkans soit présent même après 40 000 ans BP. Si cette hypothèse se voit confirmée, cela laisserait supposer que le dévelop-pement du Paléolithique supérieur s’accompagnait du retrait des populations du Paléolithique moyen dans les régions montagneuses des Balkans centraux et occidentaux. Par ailleurs, il faut également prendre en considération la possi-bilité de l’existence d’une ligne de démarcation géographique entre les deux populations, analogue à celle de l’Èbre dans la péninsule ibérique.

La réponse à la question concernant les transformations mises en place au Paléolithique supérieur initial se trouverait peut-être dans le schéma de répartition des sites aurignaciens dans les Balkans. En fait, après la découverte de l’Aurignacien à Šalitrena Pećina, qui a comblé le vide entre les sites du nord de la Bulgarie et ceux du nord de la Bosnie, il est devenu évident que presque tous les sites étudiés sont situés sur les frontières septentrionales de la péninsule balkanique, à proximité des vallées de la Save et du Danube. Par contre, dans les régions montagneuses des Balkans, éloignées de ces deux grands fleuves, de la Croatie à l’Ouest à la Bulgarie à l’Est, l’Aurignacien est absent. Dans ces régions, sur tous les sites ont été attestés soit des horizons du Paléolithique moyen (Smolućka Pećina, Mališina Stijena, Hadži Prodanova Pećina), soit des horizons épigravettiens (Mališina Stijena, Medena Stijena, Trebački Krš, Hadži Prodanova Pećina, Jelašnica – Pećina 1). Il reste à vérifier si cela peut nous conduire à parler d’un corridor danubien29 et, si oui, à s’interroger sur les raisons pour lesquelles les porteurs de la culture aurignacienne évitaient de s’installer à l’intérieur de la péninsule balkanique.

Les corridors de la Save et du Danube et les frontières septentrionales des Balkans deviennent encore plus évidents si l’on prend en considération la répartition des sites gravettiens, au moins ceux qui sont plus ou moins reliés au Gravettien d’Europe centrale. Il y a peu de temps le seul site gravettien connu à l’ouest des Balkans était celui de Kadar situé sur la rive de la Save30. Chronologiquement ce site correspond beaucoup plus à l’Épigravettien qu’au Gravettien et présente de nombreux parallèles avec les sites d’Europe centrale. Les recherches dans les grottes de Temnata et de Kozarnika, datées d’une période plus ancienne, ont montré quelques liens avec les régions d’Europe centrale, mais aussi certaines particularités locales que l’on peut également suivre à l’Épigra-vettien31. Cependant, les artefacts livrés par la couche 4 de Šalitrena Pećina ont

28 R. E. M. Hedges, R. A. Housley, C. R. Bronk, G. J. van Klinken, “Radiocarbon dates from Oxford AMS system: Archaeometry Datelist 11”, Archaeometry, 32 (1990), pp. 211-237.29 N. J. Conard, M. Bolus, “Radiocarbon dating the appearance of modern humans and timing of cultural innovations in Europe: new results and new challenges”, Journal of Human Evolution, 44 (2003), pp. 331–371.30 A. Montet White, H. Laville, A-M. Lezine, « Le Paléolithique de la Bosnie du Nord. Chronologie, environment et préhistoire », L’Anthropologie, 90(1), (1986), pp. 29-88. 31 B. Drobniewicz, B. Ginter, J. K. Kozlowski, “The Gravettian sequence”, in J. K. Kozlowski et al. (éd.), Temnata Cave - Excavations in Karlukovo Karst Area, Vol. 1, Cracovie, 1992, pp. 295-501 ; T. Tsanova, “Le

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démontré que le Gravettien du type d’Europe centrale, voisin du Willendorfien et du Pavlovien, apparaît beaucoup plus au Sud qu’on ne le supposait. Ceci est certainement assez surprenant si l’on prend en considération le fait que les témoignages de cette culture dans les régions centrales et méridionales du bassin des Carpates (Hongrie, Slavonie, Voïvodine) sont très modestes.

La question suivante qui s’impose ici est de savoir si la péninsule balk-anique représentait une aire-refuge durant le dernier maximum glaciaire. Le fait que la plupart des éléments gravettiens (et d’Europe centrale) dispa-raissent de l’industrie livrée par la couche 3 de Šalitrena Pećina nous amène à constater que les régions septentrionales des Balkans, sous les influences venues du Nord, ne faisaient certainement pas partie de cette zone. Il est beaucoup plus probable que le Gravettien au nord des Balkans apparaît très tôt (Kozarnika) et que presque tout au long de sa durée, il était intégré dans les mouvements culturels plus vastes du bassin des Carpates. Par ailleurs, au début du dernier stade glaciaire ce Gravettien a changé de caractère, à cause des changements environnementaux qui ont entraîné, à leur tour, des change-ments économiques, sociaux et du système de peuplement. En tout cas dans les phases ancienne et moyenne de l’Épigravettien des Balkans apparaissent des industries non différenciées de l’Épigravettien ancien et moyen caracté-risées par un répertoire réduit des outils retouchés et une présence plus ou moins forte des pointes à cran32. La situation n’a radicalement changé qu’à l’Épigravettien final, à l’époque où dans les zones côtières et l’arrière-pays immédiat apparaissent de nombreux sites épigravettiens porteur d’indices d’un peuplement intensif du territoire.

La recolonisation des zones montagneuses durant le dernier stade glaciaire est due, d’après certains auteurs, aux changements paléogéographiques. Il est, en effet, tout à fait probable que la remontée du niveau de la mer ait provoqué un déplacement de la population et amené à une exploitation de nouvelles zones écologiques33. Toutefois, pour les autres, les facteurs écologiques et climatiques ne pourraient que partiellement expliquer le degré croissant du peuplement des zones montagneuses. Les témoignages de l’occupation répé-tée des mêmes habitats dans cette région pourraient être la conséquence d’un système de peuplement organisé dans lequel chaque habitat avait un rôle bien défini. Bien qu’il y ait des indices des pratiques de ce système, il faut prendre

Gravettien en Bulgarie du Nord: Niveau IVb de la grotte Kozarnika”, in T. Tsonev, E. Montagnari Kokelj (éds), The Humanized Mineral World: Towards Social and Symbolic Evaluation of Prehistoric Technologies in South Eastern Europe [ERAUL 103], Liège-Sofia, 2003, pp. 33-39 ; J. K. Kozlowski, “Gravettian/Epigravettian sequences in the Balkans: environment, technologies, hunting strategies and raw material procurement”, in G. N. Bailey, E. Adam, E. Panagopoulou, C. Perlès, K. Zachos (éds), The Palaeolithic Archaeology of Greece and Adjacent Areas: Proceedings of the ICOPAG Conference, Ioannina, September 1994 [British School at Athens Studies 3], Londres, 1999, pp. 319-329.32 J. K. Kozlowski, art. cit.33 G. N. Baily, P. Carter, C. Gamble, H. Higgs, “Epirus Revisited: seasonality and inter-site variation in the Upper Palaeolithic of north-west Greece”, in G. N. BAILEY (éd.), Hunter-gatherer Economy in Prehistory - A European perspective, Cambridge, 1983, pp. 64-78 ; P. T. Miracle, Broad-spectrum adaptations re-examined: Hunter-gatherer responses to Late Glacial environmental changes in the eastern Adriatic, The University of Michigan, Unpublished Ph.D. dissertation, Ann Arbor – Michigan, 1995.

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en considération le fait que son application pourrait également entraîner une intégration sociale plus forte et une régionalisation culturelle de plus en plus prononcée (dont la présence est d’ailleurs évidente dans cette période)34.

Au nord du Monténégro (qui, géographiquement, fait partie du sud des Balkans centraux) au Paléolithique supérieur final apparaissent des industries « géométrisées » de l’Épigravettien final différentes d’une certaine façon de celles qui sont documentées sur les sites de l’arrière-pays adriatique proche. Dans ces industries, marquées par un vaste répertoire d’éléments géométriques microlithiques (y compris un grand nombre de triangles, quelquefois même allongés), ont été également attestés des éléments sauveterriens caractérisés par un hyper-microlithisme, des pointes à dos très étroites et des lamelles, ainsi que des outils massifs, souvent denticulés, sur éclats35.

Il serait encore prématuré d’avancer que la découverte d’une très étroite pointe à double dos livrée par la couche supérieure du site Pećina 1 à Jelašnica pourrait témoigner que des industries similaires apparaissent également dans les régions centrales des Balkans centraux (le même type de pointe étant également présent dans les périodes antérieures). Pourtant, il est certain qu’au Paléolithique supérieur tardif du Đjerdap (Portes de Fer), vers la fin du Pléistocène et au début de l’Holocène, apparaissent des industries à fortes caractéristiques romanéliennes, voisines de celles qui sont attestées dans d’autres régions de la péninsule balkanique36. Cela indique à juste titre que le développement du Paléolithique final est caractérisé par des tendances similaires dans toutes les régions des Balkans.

Conclusion

Cette brève présentation nous permet de constater que parmi les résultats de recherches récentes certains sont attendus, d’autres inattendus. On s’atten-dait à l’apparition du Moustérien typique dans les Balkans centraux. En effet, la technique Levallois a été identifiée dans les industries du Paléolithique moyen des régions voisines (au nord de la Bosnie, en Bulgarie et même sur la côte adriatique et son arrière-pays immédiat). Il en va de même pour l’Aurignacien documenté à Šalitrena Pećina. L’Aurignacien typique a été attesté dans les sites situés au nord de la Bosnie et en Bulgarie, alors que celui de type Krems appa-raît en Pannonie méridionale (Crvenka-At)37. L’apparition de l’Épigravettien

34 D. Mihailović, “Social and Cultural Integration in the Late Upper Palaeolithic of the Western Balkans”, in A. Bietti, R. Whallon (éd.), Late Palaeolithic Environments and Cultural Relations around the Adriatic, Session C17, XV UISPP Congresss, Lisbon – Portugal, 4th to 9th Septembre 2006 (sous presse).35 D. Mihailović, “The Upper Paleolithic and Mesolithic Stone Industries of Montenegro”, in G. N. Bailey et al., op. cit., pp. 343-356 ; D. Mihailović, Gornji paleolit i mezolit Crne Gore (Le Paléolithique supérieur et le Mésolithique du Monténégro), Université de Belgrade, Thèse de doctorat dactylographiée, Belgrade, 1998.36 I. Radovanović, The Iron Gates Mesolithic, Ann Arbor, Michigan, 1996 ; V. Boroneant, “The Mesolithic habitation complexes in the Balkans and Danube Basin”, Living Past, 1 (1999) URL : http://www.cimec.ro/livingpast/mesolithic.htm.37 A. Montet-White et al., op. cit. ; J. K. Kozlowski, M. Otte, « La formation de 1’Aurignacien en Europe », L’Anthropologie, 104 (2000), pp. 3-15 ; D. Mihailović, Orinjasijenska kremena industrija sa

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en Serbie, en tant que culture du Paléolithique supérieur la mieux connue dans les Balkans, était également un fait attendu. En revanche, ce à quoi on ne s’attendait pas est la présence des industries aux éléments charentiens et européens centraux au sud de la Save et du Danube, non plus que la décou-verte surprenante du Gravettien à Šalitrena Pećina. Tous ces résultats nous ont amené à changer nos points de vue à l’égard de la différenciation régionale des cultures paléolithiques dans les Balkans.

De nouvelles connaissances indiquent clairement que la plupart des sites paléolithiques des Balkans sont concentrés soit dans la région côtière adriati-que et son arrière-pays immédiat soit dans la région située au sud de la Save et du Danube. Actuellement, nous disposons de très peu de données relatives au Paléolithique à l’intérieur de la péninsule balkanique. La question qui se pose, étant donné surtout que les relations entre les Balkans du Nord et le bassin des Carpates ont été documentées dans toutes les périodes, est celle de la possibilité même de parler de Moustérien, Aurignacien ou Gravettien « typiquement balkaniques ». En effet, ne s’agit-il peut-être pas des manifes-tations culturelles qui seraient plutôt en relation avec l’espace de l’Europe centrale? Cela aurait été logique dans une certaine mesure, étant donné que le nord des Balkans était climatiquement et écologiquement relié à la plaine de Pannonie. En même temps il est évident que les vallées de grands fleuves tels que la Save ou le Danube ont constitué non pas un obstacle, mais plutôt une voie de communication très importante pour l’extension de la population et l’évolution des influences culturelles. La nature du rôle joué par les Balkans centraux et la liaison éventuelle des parties méridionales et centrales de la péninsule suivant le corridor moravien-vardarien ou les axes des vallées de la Marica et de la Struma restent à déterminer. Nous espérons vivement que, dans un proche avenir, les recherches archéologiques actuelles offriront des réponses au moins à quelques-unes des questions posées.

lokaliteta Crvenka-At u blizini Vršca (L’industrie aurignacienne de silex provenant du site Crvenka-At près de la ville de Vršac), Belgrade, 1992.

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Fig. 1 Carte des sites paléolithiques (Balkans centraux)

1. Kadar, 2. La forteresse de Petrovaradin, 3. Šalitrena Pećina, 4. Crvenka-At, 5. Hadži Prodanova Pećina, 6. Velika Balanica et Mala Balanica, 7. Jelašnica - Pećina 1, 8. Kozarnika, 9. Temnata, 10. Crvena Stijena,

11. Mališina Stijena et Medena Stijena, 12. Trebački Krš, 13. Smolućka Pećina

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Fig. 2 L’industrie lithique de la forteresse de Petrovaradin.

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Fig. 3 L’industrie lithique de la forteresse de Petrovaradin : les outils bifaciaux à dos.

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Fig. 4 L’industrie lithique deVelika Balanica.

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Fig. 5 L’industrie lithique de la couche 4. Šalitrena Pećina.

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