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Bibliothèque du Parlement Library of Parliament Mini-bulletin L’ABUS DE L’AFFAIRE Margaret Smith Division du droit et Le 23 novembre 1990 Service de recherche POSITION DOMINANTE: NUTRASWEET dii gouvernement MR-70F A

Mini-bulletin MR-70F · de l’abus de position dominante, y compris le sens de “contrôler’, de Hcatégorie ou espèce d~entreprises

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BibliothèqueduParlementLibraryofParliament

Mini-bulletin

L’ABUS DEL’AFFAIRE

MargaretSmithDivision du droit et

Le 23 novembre1990

Servicederecherche

POSITION DOMINANTE:NUTRASWEET

dii gouvernement

MR-70F

A

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Le Service de recherche de Ia Bibliothèque du ~Parlementtravaille exciusivement pour le Parlement, ~effectuant desrecherches et fournissant des informations aux parlementaireset aux com~tésdu Sénat et de Ia Chambre des communes.Entre autres services non partisans, ii assure Ia redaction derapports, de documents de travail et de bulletins d’actualité.Les attaches de recherche peuvent en outre donner desconsultations dans leurs domaines de competence. •

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CANADA

. LIBRARY OF PARLIAMENT .

BIBLIOTHEQUE DU PARLEMENT

L ‘ ~BUSDE POSITION DCMIN~NTE: L ‘AFFAIBE NUTRASWEET

coN~rE

Le 4 octobre 1990 , le Thibunal de la concurrence a rendu son

premier jugement dans une affaire d ‘ alus de position dominante aux termes

de la I1oi stir le concurrence . Daris ce jugement qui crée un éd, le

~Tribunal declare que The NutraSweet Company (NSC) s ‘ est servie de sa

puissance commerciale pour faire obstacle a 1 ‘ entrée ou au développement

d ‘ éventuels concurrents ~sur le marché canadien de 1 ‘ aspart.ame . ~ Selon le

ibuna, la NSC n ‘ a pas le droit ‘ inclure dans ses contrats d ‘ approvi-

sionnement d ‘ aspartame au Canada des clauses en vertu qu, par

I le client doit faire exclusivement ou principalement affaire avec

elle ou bénéficie de rabais s’il consent a afficher le nom NutraSweet et le

logo du tourbillon.

Le Tribunal a également statue que la presence en son sein

de membres qui ne sont pas juges n ‘ avaient rien d ‘ inconstitutionnel.

L ‘ partam, édulcorant environ 180 Lois plus sucrant que le

, a été découvert au milieu des années 1960 . On a obtenu des brevets

d ‘ exploitation dans un grand nonibre de , mais les autorités en matière

de sante ayant tardé a approuver son utilisation, 1 ‘ aspartame a fait son

apparition sur le marché alors que la durée de ces brevets était largement

entamée . En Europe et au Canada, le brevet d ‘ exploitation est expire

tandis que , aux Etats-Unis et en Australie , sa durée a été prolongée.

La NSC est un grand producteur qui vend son aspartaine sous

la marque NutraSuc . Elle est le fournisseur unique aux Etats-Unis et

occupe plus de 95 p . cent du marché canadien . C’ est 1 ‘ industrie

alimentaire qui se serb surtout de 1 ‘ aspartame pour édulcorer ses produits

sans sucre ~ ou ~ faible teneur en “. Parmi les principaux

clients canadiens de la NSC, mentionnons les fabricants de boissons

gazeuses et de gomme a macher.

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En Europe et au Canada, la NSC a pour concurrent la Holland

Sweetener Company, coentreprise d ‘ une société néerlandaise et de la Tosoh

Corporation du Japon . La ~Holland Sweetener Company se charge des ventes

européennes, et la société japonaise, par sa filiale Tosoh Canada Ltd , des

ventes canadiennes.

Sur reception d’une plainte de la Tosoh, le directeur des

enqu~tes et recherches (ci-après appelé le “threcteur1’ ) a mené une enquête

et déposé un avis de demande auprès du Thibunal de la concurrence en vertu

des articles 79 (abus de position dominante) et 77 (exclusivité et ventes.

liées) de la Loi sur la concurrence . Il contestait surtout 1 ‘ usage que

fait la NSC dans ses contrats d ‘ approvisionnement de certaines clauses qui,

en lui assurant 1 ‘ , ont pour effet de ~faire obstacle a 1 ‘ entrée

et au développement d ‘ éventuels concurrents sur le marché.

L ‘ ABUS DE POSITION DOMINANTE

D’après la £01 SU~Ia concurrence, il y a abus de position

dominante lorsqu ‘ “une ou plusieurs personnes contrôlent sensiblement ou

complètement une catégorie ou espèce d ‘ entreprises “ et “ se livrent ou se

sont livrées a une pratique d ‘ agissements anti-concurrentiels “ qui ont pour

effet de “diminuer sensiblement la ~ . La loi donne une liste

~non exhaustive ‘ agissements anti-concurrentiels.

Le Tribunal a commence par définir les éléments constitutifs

de l’abus de position dominante, y compris le sens de “contrôler’, deH catégorie ou espèce d ~entreprises “ et de 11pratique”

Définissant le verbe ‘1contrôler” par référence a la

puissance commerciale, le Thibunal a statue que la NSC cont.rôlait

sensiblement une “ catégorie ou espèce d ‘ entreprises ‘~ en raison de la part

du marché qu’elle possède, des conditions d*entrée sur ce marché et des

dispositions qui empêchent ses clients principaux de faire affaire avec

d ‘ autres fournisseurs . Selon le Tribunal , le terme “catégorie cu espèce

d’entreprises1’ désigne le marché du produit en cause, en l’occurence celui

de 1 ‘ aspartame . Enfin, après avoir note que les agissements anti—

concurrentiels ‘accompagnent généralement ‘une intention de réduire la

concurrence, c ‘est-â-dire, par exemple, ‘éliminer, ‘exclure ou de mettre

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au pas un concurrent , le Thibuiial a soutenu qu ‘ une pratique peut consister

en un ou plusieurs actes isolés ou en un ensemble d ‘ actes anti-

concurrentiels .

Le directeur a soutenu que la NSC s ‘ était livrée ou se

livrait a huit actes anti-concurrentiels . Quatre d ‘ entre eux ont trait aux

clauses des contrats d ‘ approvisionnement de la NSC et les autres concernent

1 ‘ “ abus touchant les exigences relatives aux declarations gouvernemen-

tales” , 1 ‘ “exclusion contractuelle des concurrents “ , la “ fixation

des prix -ur” et 1 ‘ “utilisation du brevet américain pour

faire obstacle a la concurrence “ . Le ¶flribunal n ‘ a retenu que les

allegations relatives aux conditions contractuelles et a Futilisation du

brevet américain, rejetant toutes les autres . Suit une analyse des

allegations retenues par le Thibunal.

A. Les conditions contractuelles

Le directeur a allégué que la NSC se livre “a une pratique

d ‘ agissements anti-concurrentiels “ en incluant dans ses contrats i) des

clauses d ‘ approvisionnement exciusif , en vertu desquelles le client doit

utiliser uniquement 1 ‘ aspartame de marque NutraSuc dans tout ou partie de

ses produits a faible teneur en calories; ii) des clauses en vertu

desquelles le client obtient un rabais susbtantiel s ‘ il consent areproduire le nom NutraSuc et le logo du tourbillon sur ses emballages et

dans sa publicité a la télévision et dans les journaux; iii) des clauses de

prix concurrentiel ou de debit , en vertu desquelles le fournisseur a le

choix d ‘ aligner son prix sur celui ‘ un concurrent meilleur marché avant de

laisser le client faire affaire avec ce dernier; et iv) des clauses du

client le plus favorisé , en vertu desquelles le fournisseur garantit au

client le meilleur prix possible pour une quantité donnée d ‘ aspartame.

Le Tribunal a statue que les clauses contractuelles d ‘ appro-

visiorthement exciusif ont pour but de barrer 1 ‘ accès du marché aux

concurrents futurs ou existants . Quant au rabais (40 p . cent du prix

régulier) accordé aux clients qui consentent a utiliser dans leur publicité

la marque NutraSuc et son logo, selon le Tribunal, il contribue a faire de

la NSC le fournisseur exclusif d’aspartanie. Si les clients ne consentent

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pas a reproduire le logo ou a 1 ‘ utiliser pour toute une gaxnme de produits,

1 ‘ aspartanie leur revient trop cher .

Tout en faisant observer que rien ne prouvait que la NSC

avait impose 1 ‘ utilisation du nom et du logo de NutraSuc a titre de

condition d ‘ approvisionnement , le Tribunal a statue que le rabais substan-

tiel accordé aux clients gui acceptaient de le faire constituait une

condition contractuelle étant donné que “NSC pouvait fixer ses prix de

manière a ne guère laisser le choix aux clients “ .

Les clauses de prix concurrentiel ou de debit servent

également d ‘ incitation a 1 ‘ exclusivité en la rendant plus acceptable pour

les clients. Selon le Thibunal, ces clauses ont pour effet de dissuader

les concurrents de soumissionner parce qu’ ils savent que la NSC pourra leur

couper 1 ‘ herbe sous le pied . Quant aux clauses du client le plus favorisé,

bien qu ‘ elles aient pour but de réduire 1 ‘ effet de 1 ‘ exclusivité parce que

seul peut qu ‘ elles incitent tout de m~mea 1 ‘ exclusivité parce que seul

pout les offrir un gros fournisseur qui vend aux concurrents du client.

B. Utilisation du brevet américain

pour faire obstacle a la concurrence

Le directeur soutenait , et le Tribunal a convenu avec lui,

que la NSC 5 ‘ était servie de son brevet axnéricain pour se procurer un

avantage concurrentiel au Canada . Le Thibunal a en effet jugé

anti-concurrentiel 1 ‘ annulation de la difference entre les prix américains

de la NSC et ses prix canadiens sur les exportations en provenance des

ni, le but étant d ‘ inciter 1 ‘ importateur canadien a utiliser

1 ‘ aspartame de la NSCplutôt que celui de la Tosoh.

Quant a l’abus de position dominante, la question était de

savoir si ces agissements anti-concurrentiels avaient pour effet ‘ emp~cher

ou de diminuer sensiblement la concurrence sur le marché canadien de

1 ‘ aspartame . En d ‘ autres termes , avaient-ils pour effet de maintenir ou de

rehausser la puissance commerciale de la NSC et de faire obstacle a1 ‘entrée de concurrents sur le marché?

Après avoir établi que la concurrence avait été sensiblement

dnninuée, le Thibunal a conclu que “1 ‘exclusivité prévue aux contrats de la

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NSC, q~ui comprennent a la Lois des clauses indiquant 1 ‘ intention des

parties d ‘ utiliser seulement ou surtout la marque d ‘ aspartame NutraSuc

ainsi que les primes et les subventions pe, emp~che1 ‘ accès au

marché et 1 ‘ expansion d ‘ autres entreprises”.

L ‘ EXCLUSIVITE

L ‘ exciusivité est une pratique par laquelle le fournisseur

exige de ses clients , a titre de condition d ‘ approvisionnement , qu ‘ ils

fassent seulement ou principalement le commerce de ses produits ou qu ‘ il

5 ‘ abstienne de faire le commerce de produits autres que les siens.

Lorsqu ‘ elle est le fait d ‘ un gros Lournisseur , 1 ‘ exclusivité tend aempêcher 1 ‘ entrée ou le développement d ‘ autres firmes sur le marché et

réduit sensiblement la concurrence; elle est donc contraire a la Lol sur la

concurrence . La Loi vise également les fournisseurs qui incitent les

clients a faire exclusivement le commerce de leurs produits.

Le Thibunal a retenu les allegations d ‘ exclusivité du

directeur après avoir établi que , par diverses incitations financières et

par 1 ‘ inclusion de clauses d ‘ exclusivité dans ses contrats d ‘ approvi-

sionnement, la NSC avait incite ses clients a utiliser exclusivement son

produit pour répondre a leurs besoins d ‘ aspartame.

LA V~LIDITE cONSTITtJTIONNELLE DtJ TRIBUNAL

La Lol stir .le Tribunal de la concurrence prévoit que le

Tribunal est compose de juges et d ‘ autres membres . Les juges sont nominés

par le gouverneur en conseil et choisis parmi les juges de la Section de

premiere instance de la Cour fédérale; les autres membres sont nommés pour

un mandat de sept ans par le gouverneur en conseil sur la recommandation du

ministre des Consommateurs et des Sociétés et ils occupant leur poste atitre inamovible, sous reserve de revocation motivée que prononce le

gouverneur en conseil. Le groupe constitué pour entendre 1 ‘affaire

NutraSweet se composait de deux juges et d’ un autre membre.

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Dans une decision rendue en avril 1990 (et portée en appal),

la Cour supérieure du Québec a déclaré le Thibunal de la concurrence

inconstitutionnel parce qu ‘ il n ‘ avait pas 1 ‘ impartialité ou 1 ‘ indépendance

nécessaires aux organismes qui exercent des fonctions judiciaires Le

Tribunal de la concurrence a donc décidé • d ‘ entendre les arguments par

lesquels Ia NSC conteste sa constitutionnalité.

La question est de savoir si , aux termes de la Constitution,

le Parlement est tenu d ‘ éta.blir des critères réglementaires d ‘ indépendance

pour les membres d ‘ organismes qui exercent des fonctions judiciaires et si

cette indépendance doit comporter certaines garanties minimales de

permanence et prévoir la separation entre les Lonctions judiciaires et non-

judiciaires .

Le Thibunal n ‘ a trouvé dans la Constitution aucune disposi-

tion expresse en ce sens . Ii s ‘ est même demandé s ‘ il existait des

contraintes constitutionnelles implicites . Ii a note , toutefois , qu, m~me

S ‘ il y avait une contrainte de ce genre , elle aurait vraiseniblablement pour

but de garantir le droit “a une audition impartiale selon les principes de

justice fondamentale “ . Dans la mesure oü ces principes exigeraient

1 ‘ indépendance , le Thibunal a estimé qu ‘ il s ‘ agissait de savoir si la

presence en son sein de membres gui ne sont pas juges peut donner lieu aune apprehension de partialité. Ii a statue que tel n’était pas le cas.

On soutenait également qu, du fait que les autres menibres

sont nommés par le gouverneur en conseil et qu ‘ ils occupant leur poste pour

une période déterminée et sous reserve de revocation motivée prononcée par

le gouverneur en conseil , une personne raisonnable pouvait conclure qu ‘ ils

risquaient de prendre des decisions en faveur du directeur pour éviter

1 être renvoyés ou pour faire renouveler leur mandat . Le Thibunal a

statue , toutefois , que 1 ‘ interpretation du terme “ devait se

rapporter a la capacité d ‘ un membre a exercer ses fonctions de façon

adequate plutôt qu ‘ a la question de savoir s ‘ il prend des decisions en

faveur du directeur . Bien que le Tribunal ait laissé a entendre qu ‘ il

serait souhaitable d ‘ allonger le mandat et d ‘ établir des garanties claires

en matière de permanence, il n’ a pas pu trouver de contrainte constitu-

tionnelle implicite interdisant a quelqu’ un qui n’ est pas juge de siéger en

son sein pour entendre cette cause.

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Le Thibunal a également statue qu ‘ il n ‘ est pas invalidé par

les dispositions de la £01 consti tutlonnelle de 1867 qu’ on a interprétées

comme exigeant que les membres des organismes qui exercent des fonctions

jucliciaires semblables a celles qu’exercent les cours supérieures doivent

~tre des juges nommés par le gouvernement fédéral.