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Numéro 5 – octobre 2017 VILLES DE DEMAIN : LES ENJEUX DU NUMÉRIQUE TENDANCES Répondre aux nouveaux défis des territoires CONNECTONS NOS TALENTS Partie I : Numérique et territoire Partie II : Données et gouvernance urbaine Parie III : La fabrique urbaine dans la ville intelligente

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Numéro 5 – octobre 2017

VILLES DE DEMAIN : LES ENJEUX DU NUMÉRIQUE

TENDANCESRépondre aux nouveaux défis des territoires

CONNECTONS NOS TALENTS

Partie I : Numérique et territoirePartie II : Données et gouvernance urbaine

Parie III : La fabrique urbaine dans la ville intelligente

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Sources et crédits des illustrations : Aire Publique : pp. 38, 39 – Anne Ardichvilli pour SPL Lyon Confluence : p. 53 (bas) – Arkédif : p. 56 – Asylum pour SPL Lyon Confluence : p. 50 – Chronos : p. 41 – Droits réservés : p. 16 – Enedis : p. 61 – Gedia : p. 14 – Google : p. 10 – HABX : p. 29 (bas) – Iddri : p. 62 – L’Odyssée Interactive : p. 9 – Laurence Danière pour SPL LyonConfluence : p. 53 (haut) – Maisons & Cités : p. 52 – Nesta : p. 43 – NUMA : p. 8 – Olivier Guerrin pour SPL LyonConfluence : p. 26 – Oppidea : p. 29 (haut) – Parcus : p. 40 – Rennes Métropole : pp. 46, 47, 48 – Territoires Charente : p. 11 (bas) – Shutterstock.com : couverture, pp. 7, 11 (haut), 13,17, 18, 21, 22, 31, 32, 36, 42, 64, 66 –Spallian : pp. 25, 37 – Valéry Joncheray/SAMOA : p. 58 – Ville de Paris : p. 63 – Ville de Rennes : p. 49 – Wavestone : p. 34

Tendances est édité par la direction de l'animation du réseau et de la communication, SCET52 rue Jacques Hillairet 75612 Paris cedex 12Tél. : 01 53 44 06 89 – [email protected] – reseauscet.fr

Directrice de la publication : Florence DECKERRédacteurs en chef : Thierry LEMANT et Léone-Alix MAZAUD

Ont également contribué à ce numéro : Dominique AUBERGER (Citédia), Thomas BOMBENGER (Spallian), Tangi FOUYER (SAMOA), Ariane GORISSE (SEM Ville Renouvelée), Pascal JACQUIN (Parcus), Eric MATHIEU(L’Agence Régionale Pays de la Loire), Philippe RIVE (Gedia)

© SCET – Groupe Caisse des Dépôts

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1Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

Édito

LE NUMÉRIQUE S’INVITE EN VILLEIl y a 20 ans, on pressentait que les nouvelles technologies allaientprofondément structurer la vie quotidienne. Mais, avec lagénéralisation d’applications associant les données et les techniques les plus performantes de géolocalisation, couplée à l’essor d’outilspermettant d’accumuler, traiter et rendre accessible ces données, notre société a changé d’ère.

Face aux défis de la transition énergétique, de la mobilité durable, de l’évolution de nosmodes de vie, du vieillissement, le numérique permet d’imaginer de nouvelles solutionspour les villes et les territoires, en associant habitants et citoyens.

Chaque jour, des expérimentations se transforment en réponses opérationnelles, dans ledomaine du logement, de la mobilité, de l’énergie, de la maîtrise des déchets, de la cultureet des échanges citoyens. Smart grid, voiture connectée, imprimantes 3D, maquettesnumériques pour rénover le bâti, réseaux sociaux de partage, budget participatif,plateformes commerciales ou de services en lignes, robots pour effectuer certainesmissions... structurent le nouveau paysage des usages et fonctionnalités de la ville. Le numérique s’invite ainsi à toutes les échelles de territoires, des métropoles aux villesmoyennes, jusqu’aux espaces ruraux.

Au-delà des débats autour de la notion de ville intelligente, ce numéro analyse les impactsdu numérique sur le développement urbain. Quelle transition numérique pour lesterritoires ? Quels usages et quelle gouvernance de la donnée ? Quelles conséquences pourla fabrique urbaine ?

Nourri par des questionnements scientifiques, des regards d’experts et les retoursd’expériences du Réseau et de la SCET, ce Tendances témoigne du potentiel detransformation induit par le numérique dans la conception, la production et la gestion desvilles de demain.

Il illustre par ailleurs, à travers ses contributeurs, le nouvel archipel d’expertises etd’ingénierie de projet que la SCET a constitué pour apporter de nouvelles solutions auxvilles et aux territoires : forts de l’appui de nos filiales, Citadia, Aatiko et CEI, et du nouveaupartenariat noué avec Spallian, entreprise leader dans la donnée, nous sommes clairementmobilisés pour accompagner la transition numérique.

Bonne lecture.

Stéphane KEITA, Président-Directeur général de la SCET

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3Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO :

Isabelle BARAUD-SERFATY, diplômée de l’Ecole Supérieure de Commerce de Paris et du cycled’urbanisme de Sciences Po, a d’abord travaillé comme consultante en finances locales, puis à la Caissedes Dépôts et chez le promoteur ING Real Estate. En 2010, elle a créé ibicity, structure de conseil enéconomie urbaine qui intervient sur le montage de projets urbains avec une double focale : jeu d’acteurset modèles économiques. Depuis 2003, elle enseigne à l’Ecole Urbaine de Sciences Po.

Benoît BARDET est directeur général adjoint de la société publique locale Lyon Confluence. Manager etdirecteur de projets, il s’est successivement investi dans plusieurs domaines : urbanisme, développementdurable, international, éducation, science et culture. Il a en outre une longue expérience de communicant,éditeur, journaliste et organisateur d’événements au service de projets en développement.

Antoine COURMONT, docteur en science politique, est chercheur au Centre d’études européennes,responsable scientifique de la chaire Villes et numérique de l’Ecole urbaine, à Sciences Po. Spécialiste des politiques de données urbaines, il analyse et enseigne les recompositions de lagouvernance des métropoles à l’ère du numérique. Il a reçu en 2017 le prix de thèse sur la ville décerné parl’Apereau, l’Institut CDC pour la recherche et le PUCA.

Tatiana de FERAUDY travaille à l'Iddri (institut du développement durable et des relationsinternationales) sur les outils numériques de participation citoyenne et leur appropriation par lescollectivités locales en France. Spécialiste des villes durables, elle était auparavant chargée de projet surles politiques du bâtiment dans les pays en développement et sur les logements sociaux durables auProgramme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE). Elle est titulaire d’un Master de Rechercheen Sociologie (EHESS, 2015) ainsi que d’un Master en Affaires Internationales, spécialité Environnement etDéveloppement Durable (Sciences Po, 2008).

Clément FOURCHY est co-fondateur et directeur général adjoint d’Espelia, cabinet de conseil françaisde référence pour l’amélioration de la performance des services publics. Il a également travaillé à laBanque Européenne d’Investissement comme expert sur le sujet des Partenariats Public-Privé. Au cours des 2 dernières années, il a accompagné plusieurs villes françaises et indiennes dans ladéfinition et la mise en œuvre de la stratégie smart city. Il est le co-auteur de « Financement de projet etpartenariats public-privé », ouvrage de référence en français sur les PPP.

Lionel GASTINE est fondateur d’URBANOVA (conseil en innovation territoriale et urbaine) etenseignant à Sciences Po Paris. Il intervient auprès des collectivités et des aménageurs sur la conceptionet le déploiement de leur stratégie de développement économique et d’innovation (programmatique,servicielle, numérique, sociale). Il coordonne actuellement les études sur le management de l’innovationdans les métropoles (ADEME et Caisse des Dépôts) et sur l’impact des appels à projets urbainsinnovants sur la commande urbaine (en lien avec Sciences Po).

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4 Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

Marion GLATRON, issue de la fonction publique d’État, a rejoint Rennes Métropole en 2010. Elle a acquis une bonne expérience de la conduite des politiques publiques dans le domaine del’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation dans différents environnementsprofessionnels (Datar, ministère de l’Éducation nationale, Rennes Métropole), qu’elle a étendue à denouveaux domaines d’expertise : smart city, fabrication numérique, transition énergétique et écologique,modélisation de la ville... Elle est aujourd’hui directrice déléguée Innovation et Smart city, au sein de ladirection de l’Économie, de l’Emploi et de l’Innovation.

Emile HOOGE est consultant en prospective et innovation territoriale. Il co-dirige l’agence nova7 etaccompagne entreprises et collectivités dans l’exploration des usages émergents, le design de nouveauxservices, la transformation de leurs modèles économiques et l’animation de démarches partenariales.

Bernadette KESSLER, après une quinzaine d’années comme journaliste de médias audiovisuels puisresponsable de communication, s’est spécialisée dans la direction de projets web. Elle rejoint la ville deRennes en 2004 comme responsable du Pôle Web puis du service Innovation Numérique, un servicemutualisé entre la ville et la métropole. Elle dispose d’une connaissance concrète des problématiquesd’usages du numérique et d’e-administration dans les collectivités territoriales. Elle pilote le programmeopen data rennais depuis son lancement en 2010.

Bruno MARZLOFF est sociologue, fondateur en 1993 du cabinet de prospective Chronos. Pour lui, mobiliser les acteurs de la ville autour des mutations (les mobilités, le travail, l’écosystèmenumérique urbain, le climat) est une constante. Le récent rapprochement de Chronos avec OuiShare ausein d’un Lab commun ouvre de nouvelles perspectives sur la data en commun (#DataCités), la recomposition radicales des mobilités (#Mobility As Networks) ou encore les opportunités des villesmoyennes (#Sharitories).

Nicolas RIO est consultant-chercheur en stratégies territoriales, au sein de l’agence Partie Prenante.Politiste, il s’intéresse aux transformations de l’action publique territoriale. Il a notamment soutenu sathèse sur l’usage de la prospective par les régions et les métropoles. Il enseigne par ailleurs à l’EcoleUrbaine de Sciences Po.

Mathieu SAUJOT est coordinateur de l’initiative Transition numérique et écologique à l’Iddri. Ingénieuret docteur en économie, il y mène des travaux de recherche depuis 2010 sur un ensemble de thématiquesreliant la ville et la transition écologique. Il coordonne aujourd’hui avec la Fing (Fondation InternetNouvelle génération) le projet Audacities sur la gouvernance de la ville numérique réelle et le projet NewMobility, Clean Mobility de prospective de la mobilité autonome et partagée.

Cédric VERPEAUX est responsable du programme « smart city » à la Direction des investissements etdu développement local de la Caisse des Dépôts. Il travaille depuis près de quinze ans sur les enjeux dudéveloppement numérique et des territoires. Depuis 2012, il est en charge de la stratégie et desinvestissements (prise de participation ou création de sociétés) sur l’ensemble des thématiques de lasmart city : transport et mobilité, énergie, environnement, tiers-lieux, services urbains, data... Il travailleégalement avec les collectivités sur ces sujets en accompagnement, ingénierie et financement.

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Un archipel d’expertises : les contributeurs de la SCET, CITADIA, Aatiko Conseils et SpallianActeur majeur du développement local, la SCET assemble des expertises d’excellence en synergie avec ses filiales CEI,société de conseils et d’évaluation immobilières, CITADIA, une référence du conseil en aménagement du territoire, etAatiko Conseils, spécialisé en stratégie et management auprès des bailleurs sociaux. Partenaire stratégique, Spallian,un des leaders français dans le domaine des data analytics est un pilier de cet édifice.

Julien BERTRAND est géographe-urbaniste, diplômé du CESA de Tours et de l’Institut d’Urbanisme de Lyon. Il est associé du groupe CITADIA depuis 2003. Coordinateur national du groupe en charge du développementcommercial et stratégique, il est également un acteur référent en matière de planification territoriale etd’urbanisme réglementaire sur l’ensemble de la région PACA et Corse.

Kevin GUEREL est diplômé de l’Ecole Française des Attachés de Presse et intervient sur l’ensemble du territoirenational sur des enjeux de participation citoyenne et de communication publique. Formateur, il développe uneapproche associant ouverture, créativité (design thinking, idéation), pragmatisme et méthode (leanmanagement) tel que le premier hackathon d’urbanisme en France.

Léone-Alix MAZAUD, après une expérience de 2 ans comme consultante en stratégies territoriales climat-air-énergie et urbanisme durable chez I Care & Consult, a rejoint la SCET en tant que consultante ville intelligente etdonnées où elle assure des missions de conseil et d’expertise sur des sujets transverses liés au développementurbain et territorial. Elle est diplômée d’un master en stratégies territoriales et urbaines à Sciences Po Paris etd’une double licence en mathématiques à la Sorbonne et Sciences sociales à Sciences Po.

Julien MEYRIGNAC, diplômé de l’Institut d’Urbanisme et d’Aménagement de la Sorbonne, a fondé en 1997 legroupe de conseil pluridisciplinaire CITADIA, filiale de la SCET depuis juin 2017. Il a conduit de grands projets deterritoires et urbains en développant une approche et des méthodes originales qui ont fait école. Expert,enseignant/formateur et conférencier il est l’auteur de « Hypermanifeste » (2007).

Pierre-Louis ROUSSEL est associé du cabinet Aatiko Conseils. Il est responsable de la veille numérique et dudéveloppement des offres d’accompagnement à la digitalisation des métiers des bailleurs sociaux. Depuis 3 ans,sous son impulsion, Aatiko Conseils accompagne les bailleurs dans la définition de leur stratégie de déploiementdu BIM (ou maquette numérique), en intégrant toutes les dimensions (organisation interne, maturité du SI et desprestataires, plus-values opérationnelles, format des données…) et en s’appuyant sur les réseaux de start-up pourproposer des scénarios plus agiles.

Valérie TESSIER est experte à la SCET en ingénierie de dispositifs innovants pour les territoires en faveur del’efficacité énergétique des bâtiments publics et de l’habitat. Elle est aussi cheffe de projet de plusieurs missionsde stratégie immobilière de grands comptes. Ayant développé une réflexion innovante pour la transitionénergétique et écologique appliquée au bâtiment, elle apporte son expertise en coordination de réseauxd’acteurs et animation d’ateliers participatifs et de concertation avec les parties prenantes.

Marie TYL, forte d’une double culture scientifique et en sciences sociales, pilote le développement des activitésde data analytics chez Spallian depuis 2015. Elle est diplômée en sciences et technologies à l’Université Pierre etMarie Curie et en affaires publiques à Sciences Po Paris. De précédentes expériences dans les relations publiqueset le secteur de la sécurité, l’ont amenée à exercer à Dubaï, Tunis, Bruxelles puis Paris, au sein d’entreprisesindustrielles et d’entités institutionnelles.

Orianne VALES, consultante « Mobilité et services urbains » à la SCET, apporte son savoir-faire en gestion deprojets complexes faisant appel à de multiples compétences transversales. Elle accompagne les collectivitésdans leurs réflexions sur les thématiques de mobilité, inter-modalité, multi-modalité, dé-mobilité. Faisant appel àdes partenariats, elle coordonne des missions portant sur des solutions des nouvelles mobilités : pôles d’échangemultimodal, tarification intégrée, politiques publiques d’encouragement au report modal.

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VILLES DE DEMAIN : LES ENJEUX DU NUMÉRIQUENUMÉRO COORDONNÉ PAR ANTOINE COURMONT, SCIENCES PO PARIS

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

Sommaire

Numérique et territoireNUMÉRIQUE, LA FIN DES TERRITOIRES ?........................................................................7

L’AMÉNAGEMENT NUMÉRIQUE DU TERRITOIRE : QUEL (NOUVEAU) RÔLE DE LA PLANIFICATION ? ..........................................................11

SMART CITY VERSUS STUPID VILLAGE ?.......................................................................13

LE NUMÉRIQUE, UNE LUMIÈRE NOUVELLE SUR UN VIEUX MONDE................................15

Données et gouvernance urbaineQUI GOUVERNE(RA) LA VILLE NUMÉRIQUE ? ................................................................21

DES DONNÉES PUBLIQUES AUX TRACES NUMÉRIQUES : LA DATA DANS LA VILLE.................................................................................................22

QUAND LES PLATEFORMES NUMÉRIQUES TRANSFORMENT NOS TERRITOIRES.........27

UN NOUVEAU MODÈLE DE FINANCEMENT POUR LA VILLE ? ........................................32

NOUS SOMMES LES VILLES INTELLIGENTES .................................................................35

GOUVERNER AUTREMENT L’URBAIN : LA DATA, UNE QUESTION DE SAVOIR ET DE POUVOIR ..................................................39

La fabrique urbaine dans la ville intelligenteÀ RENNES, UN SERVICE PUBLIC MÉTROPOLITAIN DE LA DONNÉE ...............................45

CULTURE NUMÉRIQUE, CULTURE URBAINE : L’AMÉNAGEUR RESTE UN FACILITATEUR .......................................................................49

DÉVELOPPER L’INNOVATION NUMÉRIQUE : LES PRATIQUES DES TERRITOIRES ...............................................................................54

CROWDSOURCING URBAIN ET PARTICIPATION CITOYENNE NUMÉRIQUE ..................62

Glossaire

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Le numérique, un espacea-territorial ?

Àpartir des années 90, avecle développement massifd’Internet et du web, les

promesses autour de la créationd’un « village global »1, où lesfrontières et les distances seraientabolies par les technologiesnumériques, se sont multipliées.Un nouveau monde virtuel etdéterritorialisé, s’offrait aux in-ternautes qui pouvaient dévelop-per librement leurs pratiques tout en s’affranchissant des contraintes légales. Les pionniersdu numérique y ont développésune culture libertarienne, commele manifeste la « Déclaration

d’Indépendance du Cyber -espace »2, qui acte leur souhaitde se dispenser d’institutionsrégulatrices au sein de ce nou-veau monde. Dans cette perspec-tive, les logiques étatiques et ter-ritoriales entrent en contradictionavec ce nouvel espace virtuel.De fait, les débats sur le respectde la propriété intellectuelle, ouplus récemment du droit à l’oubli,révèlent le décalage entre l’échelled’Internet et celle des juridictionspolitiques. De même, les villesse trouvent aujourd’hui largementimpuissantes face à ces nou-veaux acteurs que sont les plate-formes, qui agissent localementsans être situées territorialement,rendant plus complexe toute

volonté de régulation de leurspratiques. Les approches territo-riales semblent peu appropriéespour réguler un espace global,qui nécessiterait une gouver-nance à cette échelle3. Le déve -loppement du numérique mar-querait ainsi la fin des territoireset questionnerait, dès lors, nosinstitutions pensées et construi -tes pour gouverner des espacesterritoriaux.

L’inscription territorialedu numériqueL’immatérialité des flux d’infor-mations repose sur des infrastruc-tures matérielles. Le numériques’incarne dans des lieux, des

NUMÉRIQUE, LA FIN DES TERRITOIRES ?

Face à une fin longtemps annoncée à l’ère de lamondialisation, les territoires résistent bel et bien. C’est ce que souhaite démontrer cet article, en mettant enévidence quelques interrelations entre numérique etterritoires. D’une part, le numérique s’inscrit dans lesterritoires par le biais d’infrastructures matériellesnécessaires à son déploiement. D’autre part, le numérique produit de nouvellesreprésentations spatiales qui s’interfacent avec l’espace physique et font évoluer lespratiques territoriales.

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

Numérique et territoire

Antoine COURMONTChercheur, Sciences Po Paris

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réseaux, des capteurs, des ordi-nateurs, des data centers, etc.qui sont déployés dans les terri-toires selon des logiques parti -culières et des intérêts divers. Lalocalisation de ces infrastructuresest cruciale et démontre que leterritoire a encore une significa-tion à l’ère du numérique. Pourdes enjeux économiques toutd’abord, avec par exemple, lesfirmes financières qui investissentmassivement pour positionnerleurs data centers au plus prèsdes places boursières et ainsigagner de précieuses micro- secondes. Mais également, pourdes questions de souveraineté,les états tentent de mettre enœuvre des formes de territoriali-sation d’Internet. Particulière-ment mis en exergue par le GreatFirewall chinois4, l’objectif est dese réapproprier l’Internet pour en faire une infrastructure souscontrôle pour des raisons tantécono miques que politiques (cen-sure, surveillance, etc.). Loin dese limiter au cas chinois, ceprocessus de territorialisation estégalement perceptible dans lesdébats actuels sur la localisationdes données. Alors que la Com-mission Européenne souhaite en-courager la libre circulation desdonnées (free flow of data), ellese heurte à certains pays mem-bres (France, Allemagne) attachésà un stockage national de cer-taines données.

Localement, les collectivitésdéveloppent des politiques d’amé-nagement numérique de leur ter-ritoire visant à mettre en placeles conditions favorables à l’in-novation. Le déploiement deréseaux très haut débit (THD) oul’implantation locale de data cen-ters en sont les exemples les plusrécents. Ces actions volontaristesdes pouvoirs locaux visent à main-tenir l’attractivité de leurs terri-toires pour les habitants et lesentreprises. En effet, contraire-ment aux espérances initialesd’un monde où toute distanceserait abolie, le numérique tendà amplifier les fractures spatialeset sociales, conduisant à un risquede relégation de certains terri-toires. Les promesses d’un renou-veau des territoires ruraux grâceau travail à distance permis par les technologies de la com-munication ont fait long feu. L’économie numérique se con-centre dans des hubs de richesseset de savoir-faire, essentiellementdans les principales métropoles,de moins en moins dépendantsdes périphéries5. L’exemple del’industrie financière est parti -culièrement révélateur. Elle ne re-

pose sur aucune matérialité etpourrait donc être localisée n’importe où. Pourtant, sa con-centration spatiale s’est accrueparce que les interactions, lesconnaissances informelles et lesrencontres en face à face sontcruciales à son développement.Autre exemple, le site Internetjeuxvideo.com, créé en 1997 àAurillac, a longtemps été lapreuve qu’Internet était une op-portunité de développementéconomique pour des territoiresisolés situés loin des aires métro-politaines. Devenu leader en Europe et numéro 3 mondial, lesite a été racheté pour 90 millionsd’euros par Webedia à l’été 2014.L’acheteur a alors contraint lessalariés de jeuxvideo.com à re-joindre ses équipes toulousainesou parisiennes pour développerdes synergies avec ses autressites, mais également pour luttercontre les problèmes « logis-tiques » liés à l’éloignementcomme en témoigne le directeurgénéral de Webedia : « à Paris,la rédaction sera plus près deséditeurs de jeux vidéo et des ac-teurs du secteur. Elle s’est parfoisvu reprocher de vivre un peu dansson coin, sans aller beaucoup sur les salons professionnels »6.Cet exemple de relocalisationmétropolitaine d’une entreprisenumérique souligne l’importancede la proximité physique dans ledéveloppement économique,même dans le cas d’activités im-matérielles. Malgré quelques réus-sites éparses7, contrairement àce que laissent croire les adeptesdu « solutionnisme »8 techno -logique, le numérique ne peutêtre considéré comme une solu-tion au désenclavement territorial.Internet n’a pas aboli les dis-tances : au contraire, la localisa-tion est toujours aussi importante,les hiérarchies spatiales n’ont pas

“ Les états tentent de mettre en œuvre desformes de territorialisation d’Internet ”

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

Un data center : les données sont localisées quelque part…

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disparu et il importe d’être biensitué pour jouir pleinement denos sociétés contemporaines9.

Au sein même des villes, le numé -rique risque de renforcer les dif-férenciations spatiales. De nom-breuses recherches ont pointé lerôle central joué par les réseauxd’eau, d’électricité ou de transportdans la construction et la cohé-sion des territoires. Cette dimen-sion d’intégration sera-t-ellepréservée avec les réseauxnumériques ? La polarisation desinvestissements sur les espacesles plus valorisés des grandesvilles fait courir le risque d’un« splintering urbanism »10. Lessmart grids par exemple, cesréseaux électriques intelligentsdéployés à l’échelle d’un quartier,ne vont-ils pas conduire à denouvelles enclaves territoriales ?Ces questions restent aujourd’huien suspens. Elles soulignent toutefois que tous les territoiresne sont pas égaux face aunumérique, mais que ce dernierse déploie différemment selonles espaces.

Evolution desreprésentations,évolution des pratiquesterritoriales La relation entre le numériqueet les territoires se joue égalementau travers des représentationsde l’espace. Le numérique se caractérise par son caractère« pervasif »11 : les technologies del’information ne sont plus loca -lisables uniquement dans les machines, mais elles se déploientdans l’ensemble de l’environ-nement urbain. La multiplicationdes capteurs, de la carte de trans-port au téléphone portable enpassant par les caméras, permetde détecter, mesurer et enregistrerce qui se passe dans la ville. Cesnouvelles sources de données offrent de nouvelles représenta-tions de la ville. Des représen -tations toujours plus riches et précises au point que certainscaressent l’espoir de proposerdes modélisations systémiquesde la ville, sans toujours être conscient du caractère réduction-

niste des opérations de mise endonnées.

Cette nouvelle couche informa-tionnelle permet à de nouveauxacteurs de produire des représen-tations du territoire alternativesà celles des institutions publiques.Le secteur de la cartographie est à ce titre révélateur. Alorsque l’IGN était doté d’un quasi-monopole dans la représentationdu territoire, il a vu en moins dedix ans l’émergence d’entreprisesprivées (Google Maps, Here) etd’organisations citoyennes (OpenStreet Map) dont les cartogra-phies sont parfois plus à jour ou plus précises que celles de l’IGN. Toutes ces « petites cartesdu web »12 viennent ainsi com-pléter ou mettre à l’épreuve les« grands récits cartographiques »,produites par les institutionspubliques visant à produire unereprésentation commune dumonde. Ces nouvelles représen-tations de l’espace peuvent con-tribuer à mettre en évidence certains problèmes, susciter desdébats publics, changer l’imagede certains quartiers voire con-tribuer à transformer l’actionpublique. Les cartes de criminalité,dont les pays anglo-saxons sontfriands, sont, à ce titre, révéla -trices des controverses issues deces nouvelles représentations quirendent visibles des expériencesde la ville qui étaient gardéessous silence.

Plus généralement, la prolifé -ration des représentations car-tographiques est au cœur de laville intelligente. La carte joueen effet un rôle d’« interface as-surant la correspondance entreles mondes physiques et numé -riques »13. Interactive, la carte estdésormais actualisée en tempsréel et personnalisée pour chacunde ses utilisateurs. Géolocalisés,ces derniers sont placés au centrede la carte dont le contenu évolueselon leur localisation, leurs carac -téristiques et leurs préférences.La carte est adaptée au contextespatial de chaque usager et à

“ La relation entre le numérique et les territoires se joue également autravers des représentations de l’espace ”

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

Numérique et territoire

Derrière le web « dématérialisé », un écosystème (expertise, logistique,finance…) territorialisé

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l’action qu’il s’apprête à effectuer.Avec le numérique, la cartechange de nature : alors qu’elleavait auparavant une vocationdescriptive (dire ce qui est), elleest maintenant insérée dans uncadre d’action (faire faire). Dèslors, ce n’est pas seulement lareprésentation du territoire quiévolue, c’est également sa pra-tique. Les mobilités urbaines sontrévélatrices de ces évolutions. La géolocalisation a permisl’émergence de nouveaux servicesde mobilité. Sans la généralisa-tion de cette technologie via lessmartphones, Uber n’aurait, parexemple, pu développer son ser -vice de mise en relation de chauf-feurs et de voyageurs. En outre,les applications d’aide à la navi-gation se sont multipliées cesdernières années offrant auxvoyageurs une information entemps réel sur l’ensemble des of-fres de transport à sa disposition.

Ces nouvelles représentations del’espace ont des effets sur la gou-vernance des territoires. En effet,alors que les villes industriellesse caractérisaient par la régula-tion des réseaux urbains, lenumérique fait apparaître unenouvelle couche de régulation,déliée des infrastructures, et cen-trée sur les usagers. Cette nou-velle forme de régulation urbaine,

que l’on peut qualifier de « post-réseau », ne cible plus des fluxde voyageurs dépendant d’unréseau de transport, mais vise à inciter les individus à passerde l’un à l’autre. La régulationdes transports urbains se dépla-cent ainsi des réseaux aux indi-vidus envisagés dans toute leursingularité.

Quel espace commun àl’ère du numérique ? Si, comme le souligne judicieuse-ment Antoine PICON, les techno -logies de l’information et de lacommunication, contrairementà l’automobile, ne semblent pas avoir d’effets sur la forme urbaine14, tous les territoires nesont pas égaux face au numé -rique. Le numérique semble ren-forcer les disparités territorialeset l’émergence de hubs métro-politains, où se concentrent popu -lations, richesses, savoirs et connexions. Cela soulève la question du maintien d’une co-hésion territoriale à l’échelle desdifférents niveaux de gouverne-ment, de l’Europe à la commune,pour éviter que le numérique ac-centue les inégalités sociales etspatiales. Cette question se poseégalement avec l’évolution desreprésentations toujours plus per-sonnalisées du territoire. Si lesreprésentations de l’espace sontsingularisées pour chacun d’entrenous, nous ne voyons et ne pra-tiquons le monde qu’à partir denotre point de vue, de la « bulle »15

dans laquelle nous placent lesalgorithmes de personnalisation.Pour faire société, il est nécessairede conserver des références com-munes afin que le collectif s’ac-corde sur ce qui est sur ce qu’ilpartage. Ces deux points renfor-cent l’importance du rôle de l’Étatet des pouvoirs publics pour main-tenir une cohésion territoriale etdéfendre une représentationpartagée de l’espace dans lequelse déploie la société. n

1- Manuel CASTELLS, La GalaxieInternet, Paris, Fayard, 2002.

2- Ecrite en 1996 par John PERRYBARLOW, consultable en ligne

3- Boris BEAUDE, Les finsd’Internet, Limoges, FYP, 2014.

4- Le Grand Firewall de Chine,dénommé par analogie avec laGrande Muraille de Chine, est lenom usuel du projet « bouclierdoré », un projet de surveillanceet de censure d’Internet

5- Pierre VELTZ, La société hyper-industrielle. Le nouveaucapitalisme productif, La République des idées, Paris,Seuil, 2017.

6- Aurillac ou Paris : l’heure duchoix pour les salariés deJeuxvideo.com, Le Monde, 27 janvier 2017

7- Voir par exemple « Que peut lenumérique pour les territoiresisolés ? », rapport publié parTerra Nova avec Google France,Janvier 2017

8- Evgeny MOROZOV, To saveeverything, click here: the follyof technological solutionism,New York, Public Affairs, 2013.

9- Michel LUSSAULT, De la luttedes classes à la lutte des places,Paris, Grasset, 2009.

10- Qu’on peut traduire par« urbanisme éclaté ». StephenGRAHAM et Simon MARVIN,Splintering Urbanism.Networked infrastructures,technological mobilities and theurban condition, New York,Routledge, 2001.

11- Dominique BOULLIER,Sociologie du numérique, Paris,Armand Colin, 2016.

12- Matthieu NOUCHER, Les PetitesCartes du web. Analyse critiquedes nouvelles fabriquescartographiques, Paris, EditionsRue d’Ulm, 2017.

13- Antoine PICON, Smart Cities.Théorie et critique d’un idéalauto-réalisateur, Paris, EditionsB2, 2013.

14- Ibid.15- Eli PARISER, The filter bubble:

what the internet is hiding fromyou, s.l., Penguin, 2011.

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

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Fracture numériqueterritoriale : winter is stillcoming

Plusieurs députés ont récem-ment déposé une proposi-tion de loi projetant de cou-

pler à la création d’un Fondsd’Aménagement Numérique Territorial une contribution desolidarité numérique applicableà tous les abonnements domes-tiques1 : c’est donc que l’amé-nagement numérique nationalpose aujourd’hui problème, celuid’une certaine inégalité territorialeen émergence opposant les ter-ritoires « connectés » et les zonesblanches. L’extrait du projet deloi ci-après en dit long sur la ques-tion : « notre pays est aujourd’huidivisé par une véritable fracturenumérique, avec d’un côté lesagglomérations et les métropolesurbaines connectées au très hautdébit, dotées de la fibre et de la4G, et de l’autre des zones ruraleset de montagne, où l’accès aubas débit est bien trop souventla norme, avec des problèmesrécurrents de connexion auréseau. Double peine, elles sontaussi souvent mal desservies entéléphonie mobile, pudiquementdésignées sous le nom de « zonesblanches » ou zones grises ».

Le temps 1 del’aménagementnumérique, planificationprogrammatique Rappelons que le déploiementdes nouvelles technologies del’information et de la communi-cation (NTIC) a été intégré dès2009 aux politiques publiquesd’équipements des territoires2. Il s’est alors inscrit au sein dedocuments d’orientations conçustant à l’échelle régionale (les SCoRAN3) que départementaleou en groupement (SDTAN4). Ainsi, depuis lors, chaque terri -toire – et en particulier les terri-toires ruraux – s’est attentivement

penché sur l’état de sa couver -ture numérique, a édicté le pro-gramme d’équipements à réaliser,a désigné la prise en charge de l’exploitation du réseau, qu’il soit intégralement privé ou conçupar le public puis proposé en délégation.

Dix ans plus tard, la dessertenumérique « très haut débit » enFrance est à la peine. Assurément,dans les territoires ruraux où leszones de réseau public ne trou-vent pas preneur, mais également,plus surprenant, parfois au seinmême des espaces métropoli-tains. Ainsi, en juillet 2017, les pre-mières pénalités ont été infligéesà un prestataire gestionnaire

L’AMÉNAGEMENT NUMÉRIQUEDUTERRITOIRE : QUEL (NOUVEAU) RÔLE DE LAPLANIFICATION ?

Si le numérique est bien la nouvelle électricité duXXIe siècle, le jus de la 3erévolution industriellechère à Jeremy RIFKIN(TRI), un service publicuniversel devenu indispensable à tout territoire, commentla fracture territoriale peut-elle être advenue dans un paysaussi expert en planification que la France ?

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

Numérique et territoire

Julien BERTRANDAssocié, CITADIA

Dans le cadre du plan « France très haut débit », le département de laCharente est lauréat de l’appel à projets national et bénéficie duprogramme « zones blanches centres-bourgs » : une mise en œuvreassurée par Territoires Charente qui assure la mise en place de pylônes afind’améliorer la couverture du territoire en téléphonie mobile et Internet

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d’une zone de contractualisationtrès en retard sur le déploiementde son réseau5. Il s’agissait pour-tant d’une zone métropolitainetrès dense : de la théorie (planifi-cation programmatique) à la pra-tique (déploiement), l’aménage-ment numérique a pris du retard.L’AVICCA6 dénonce une actiondes opérateurs « trop molle », leraccordement étant priorisé surles sites les plus faciles, créantdans les villes, à l’instar des terri-toires ruraux sous-équipés, desespaces numériques délaissés,desservis par des débits faibles,moins attractifs en matière delocalisation économique et rési-dentielle que les zones pourvues.

La transition numériquepar le territoire En dotant, dès 2010, lors duGrenelle 2 de l’environnement,les documents d’urbanisme régle -mentaires7 de la compétenceaménagement numérique, le législateur a souhaité aller au-delà de la simple programmationopérationnelle ou financière etinciter les acteurs du développe-ment local à envisager lenumérique à travers une dé-marche transversale, intégrée ausein des trois étapes de concep-tion d’un projet de territoire : • Le diagnostic permet de bâtir

une stratégie portant à la foissur les infrastructures de com-munication mais également sur les usages et les servicespotentiels pouvant être mis àprofit.

• Le projet d’aménagement et de développement durable fixeles contributions du numériqueen matière d’infrastructure etd’usages.

• Document prescriptif, le docu-ment d’orientations et d’objectifsdélimite les sites « critères dequalité renforcés en matière d’in-frastructures et réseaux de com-munications électroniques »,l’imposition de débit numériqueplancher pouvant par exempleconditionner certaines ouver-tures à l’urbanisation ou touteautre opération de projet urbain.

Si l’intégration du numérique dans les schémas d’urbanismea, dans un premier temps, débous-solé les équipes d’études (com-pétence, intérêt, compréhensiondes dynamiques à l’œuvre...), son adoption progressive s’esteffectuée depuis... mais de façoninégale, souvent encore trop limi -tée à quelques principes simplesde prise en compte. Une intégra-tion a minima qui reste insuf -fisante pour stimuler la diffusiondu numérique et enclencher latransition.

À l’inverse, lorsque la questiondu numérique est incluse dansla stratégie globale de développe-ment, un engagement nouveaupour l’innovation et le développe-ment s’enclenche. C’est ce quedémontre l’expérience du plan« territoire numérique » du Paysde Saint-Omer8. À partir d’unedémarche ouverte et concertéevisant à cerner les besoins desprofessionnels et des habitants,le Pays a construit un plan d’ac-tions détaillé en 5 volets opéra-tionnels couvrant toutes les problématiques du développe-ment local allant de l’emploi à laculture, la santé, l’e-administra-tion... et comme corolaire, l’ex-tension et l’inventivité pour éten-dre les infrastructures et les so-lutions de desserte (Wii zones,quartiers intelligents...).

L’approche globale, lasolution de l’intégration L’équipement numérique ne peutse déployer qu’en face d’usageset de besoins avérés et organisés,après la planification program-matique et la planification terri-toriale : de ce fait, les territoires(les régions) se saisissent au-jourd’hui de la question dunumérique à partir d’une ap-proche globale9. Cette démarcheintégratrice a pour avantage des’ancrer dans un projet dedéveloppement co-écrit avec lesutilisateurs finaux et donc d’ar-ticuler adéquatement, et progres-sivement, un investissement col-lectif (le réseau) avec un besoin(l’usager). Elle démontre égale-ment les limites de la planificationthéorique, et donc la nécessitéde faire naître, par la concertation,l’échange et l’adhésion, une enviede développement numérique. n

1- Proposition de loi visant à créerune contribution de solidariténumérique pour financer le Fondsd’aménagement numériqueterritorial

2- Loi n° 2009-1572 du 17 décembre2009 relative à la lutte contre lafracture numérique

3- Stratégie de cohérence régionaled’aménagement numérique

4- Schémas directeurs territoriauxd’aménagement numérique

5- Près de 100 millions d’euros6- Association des villes et

collectivités en charge dunumérique (AVICCA)

7- Schéma de cohérence territoriale(SCoT) et plan local d’urbanisme(PLU)

8- Ou encore le PLUi de lacommunauté d’agglomérationde Flers

9- Ainsi, le conseil régional du Nordavait stipulé, dans le cadre deson schéma directeur des usageset services numériques, le motd’ordre suivant : « sans réseaupas d’usages, sans entreprise pasde services, sans services pasd’innovations »

“ Le législateur a souhaité aller au-delàde la simple programmationopérationnelle ou financière ”

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

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La révolution numérique està l’œuvre, et impacte toutesles collectivités françaises,

petites et grandes, urbaines etrurales. Habitants et touristesconnectés, entreprises et parte-naires avec des besoins de con-nectivité… Le numérique n’estplus un choix mais s’impose auxcollectivités car leurs usagerssont déjà entrés dans « l’èrenumérique ».

Les grandes agglomérations etmétropoles se sont d’ores et déjà saisies du numérique pouroptimiser leurs services : lieuxd’innovation, nouvelles mobilités,éclairage intelligent, gestion in-novante de l’eau et des déchets…Qu’en est-il pour les (plus) petitescommunes ? Si leurs élus et dé-cideurs ont conscience que lenumérique peut aider à améliorerla gestion des services et à ren-forcer l’attractivité du territoire,ils ignorent encore souvent dequelle manière et pointent no-tamment des carences en termesde sensibilisation, ingénierie etfinancement.

Des solutions « smart »encore peu développéesdans les petites villes Devant ce constat, la Caisse desDépôts, en partenariat avec deux

associations d’élus (APVF etADCF1), a mené une enquêtequantitative et qualitative réa -lisée auprès d’un échantillonreprésentatif d’une centaine decollectivités en France, qui a per-mis de dresser un panorama desbesoins et initiatives localeslancés par de « petites villes »,c’est-à-dire les villes centres d’uneintercommunalité et comptantentre 8 000 et 25 000 habitants.

Plusieurs constats peuvent êtreposés. D’une part, la questiondes infrastructures numériquesreste centrale et prioritaire parrapport au développement deservices numériques. Près de lamoitié des enquêtés (élus et di-recteurs généraux des services)estime en effet que le très hautdébit (THD) constitue une priorité.Viennent ensuite les premiers besoins essentiels et souventobligatoires comme la dématéri-alisation et l’e-administration.Mais lorsque ces villes dévelop-pent des solutions numériquesplus innovantes, c’est davantageau coup par coup et par oppor-

tunisme, sans avoir établi aupréalable de stratégie numériqued’ensemble.

La smart city et ses services ap-pellent, il est vrai, un certain nom-bre de questions. Un investisse-ment dans un service urbain« smart » peut en effet être coû-teux, mais quelle est l’assurancesur un potentiel retour sur inves -tissement ? Un service innovantparait séduisant, mais quel estle risque d’obsolescence à courtou moyen termes ? Quels sontles niveaux de compatibilité etd’interopérabilité avec d’autrestechnologies et services déjà ins -tallés dans la ville ? La populationacceptera-t-elle les change-ments ? Enfin, pour les projetsles plus matures, quid de la pro-priété et de l’usage des données ?Il s’agit ici de sujets complexes,techniques, avec un rythme d’évo-lution rapide, et qui nécessitentsouvent une expertise et une in-génierie qui freinent leur déve -loppement dans les petites villes.

En parallèle, l’approche commer-ciale des industriels de la smartcity cible encore aujourd’hui enpriorité les grandes villes voireles villes moyennes, avec desmarchés estimés plus accessibleset une rentabilité espérée plusgrande.

SMART CITYVERSUS STUPID VILLAGE ?

Le concept de smart city est-il uniquement réservé aux métropoles ou aux grandes villes ? Les plus petitsterritoires ne peuvent-ils pas, eux aussi, prendre part à cemouvement ? Décryptage des enjeux des solutions« smart » pour les territoires périurbains et ruraux.

“ Le numérique n’est plus un choix maiss’impose aux collectivités ”

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

Numérique et territoire

Cédric VERPEAUXResponsable du pôle « Villes et territoires intelligents », Caisse des Dépôts

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Des facteurs clés del’innovation et de latransformationLes secteurs désignés commeprioritaires par les villes (eau,déchets, éclairage…) ne sont pas toujours les mieux traités.Pourtant, il existe un large panelde solutions innovantes déploy-ables et utiles pour ces com-munes et intercommunalités.Voire même des services smartplus efficaces dans les petites

villes que dans les zones urbainesdenses, comme par exemple lagestion intelligente des déchets.

Alors, quelles actions mener pour enclencher la modernisa -tion de ces territoires et de leurs services ? D’abord, sensibiliser.Autrement dit, associer les petitesvilles et leurs EPCI aux débatsautour du numérique et de sesenjeux, mettre à leur dispositiondes moyens d’informationsréguliers afin de les encouragerà mieux connaître les solutions

qui existent et à adopter unestratégie numérique globale (no-tamment en ayant une meilleureconnaissance des retours sur investissement). En termes de financement, les différents dis-positifs de soutien existants etnotamment les fonds régionaux,nationaux ou européens en faveurdu développement numérique,doivent également être identifiéset mieux utilisés par ces collec-tivités. En parallèle de cette néces-saire information des élus et dé-

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

À Dreux, un quartier connecté dans le cadre du NPNRUGEDIA, SEM de distribution d’électricité à Dreux et de gaz dans de nombreuses communes d’Eure-et-Loir,producteur d’énergie renouvelable depuis 2012, a réalisé pour le compte de la communauté d’aggloméra-tion du Pays de Dreux une étude recensant les solutions déployables dans le cadre d’une gestion urbaineoptimisée. Le projet s'inscrit dans le Nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU) lancé parl'ANRU et a pour partenaires, l’agglomération du pays de Dreux, la ville de Dreux, la ville de Vernouillet etl’HABITAT DROUAIS (bailleur social).L’approche pour élaborer un quartier intelligent repose sur l’utilisation du patrimoine urbain commecolonne vertébrale d’un futur réseau communiquant, en ajoutant aux candélabres, aux bâtiments publicsou aux postes de distribution, des capteurs additionnels qui permettent de collecter les données, d’opti-miser l’utilisation des ressources afin d’accroitre l’interactivité de l’usager avec l’environnement urbain.Gédia développe pour cela des outils d’aide à la décision et d’optimisation pour réaliser des économiesd’énergie, d’eau et une meilleure gestion de l’habitat, notamment pour :• Etablir un réseau de collectes de données (compteurs d’eau, compteurs électrique, compteurs de chauffage...).• Assurer la gestion et le contrôle de systèmes urbains (arrosage, panneau d’affichage, éclairage public...).• Générer de l’open data (données issues de capteurs de la ville (pollutions, températures...), donnéespubliques mises à la disposition des usagers et la création de services urbains.• Rendre le consommateur acteur.

L’étude présente ainsi de nom-breuses applications : mesure dutrafic en temps réel, gestion de la circulation, optimisation du sta-tionnement, alertes à la pollution,détection des nuisances sonores,mesure des flux de passage, pilo -tage de l’éclairage public, maintiendes séniors à domicile, réseaux sociaux de proximité, gestion desdéchets... Elle donnera lieu à desdiscussions avec la ville de Dreuxet d’autres maitres d’ouvrage afinde préciser les besoins et possibi -lités avant une mise en application.

Gestion des consommations grâceà la télé-relève et à des compteursintelligents

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Le contexte, toujours lecontexte

Toutes les villes sont histoirede contexte et elles onttoujours tiré leur prospérité

de leur capacité à capter les flux

de personnes et de biens. Toutesont ces attributs en commun :une (des) route(s) et/ou une côteet/ou un cours d’eau et/ou unevoie ferrée et/ou un aéroport...Même Brasilia, la plus grandeutopie du 20e siècle le démontre :

avant les immeubles, il aura fallucréer un contexte, terrasser et,phénoménalement, desservir.

Certains pensent – espèrent ? –que cette construction « histo -rique » de la ville est largementbattue en brèche par l’entrée

cideurs, il semble aussi indispen-sable de permettre le développe-ment d’une ingénierie interne,donc de former des agents pourconcevoir et piloter la mise enplace de nouveaux servicesnumériques et être en mesure defaire les meilleurs choix parmi lessolutions du marché.

Sur nombre de ces points, les petites villes et leurs intercom-munalités se trouvent souventseules et démunies, financière-ment ou en termes d’ingénierie.Les dispositifs de mutualisationentre collectivités, à des niveauxdépartementaux ou régionaux,peuvent être une solution mêmes’ils sont aussi complexes à mettre en œuvre, notammentpar leurs montage et gouver-nance. Et nécessitent dans tousles cas une volonté politique forte,au-delà des « concurrences » en-tre territoires. Cette mutualisationpeut aussi permettre de faciliterl’approche commerciale des ac-teurs privés porteurs de solutions

en leur offrant des marchés plusaccessibles et plus rentables.

Enfin, reste la question des don-nées. Se lancer dans une dé-marche de smart city impliquede traiter et d’utiliser une quantitéimportante de données, souventproduites par les délégataires deservices. Comment alors garantirun usage ouvert de celles-ci touten jouant un rôle de tiers de con-fiance par rapport à l’usager ?Comment répondre aux obliga-tions légales d’ouverture des don-nées publiques pour toutes lescollectivités de plus de 3 500habitants ? Ce challenge majeursera encore plus fort au fur et à mesure du déploiement desservices et impacte déjà les métropoles.

La Caisse des Dépôts, partenairehistorique des territoires, accom-pagne aussi les petites collecti -vités dans ces enjeux de la tran-sition numérique. Elle a com-mencé dès le début des années2000 par le développement des

infrastructures télécom et se po-sitionne aujourd’hui comme lepremier investisseur dans lesréseaux d’initiative publique pourpallier les carences du marchéen haut débit et très haut débitsur les territoires moins denses.Pour les services numériques eten termes de sensibilisation, ceguide2 est une première pierre.Des projets sont aussi en courspour favoriser la mutualisationentre territoires, afin de faciliterla rencontre entre leurs besoinset les offres du marché et opti-miser les impacts financiers.

Il reste encore beaucoup à faire,mais les besoins et les offres ex-istent pour que le nombre desmart villages dépasse bientôtcelui des smart cities. n

1- Respectivement Association despetites villes de France etAssemblée des communautés deFrance

2- Guide « Smart city versus stupidvillage ? », Caisse des Dépôts,septembre 2016

LE NUMÉRIQUE, UNE LUMIÈRE NOUVELLESUR UN VIEUX MONDELe numérique ne saurait gommer les atouts « physiques »des villes, qui reposent en partie sur la maîtrise des flux. Le premier impact du numérique sur la ville c’est précisémentd’optimiser les flux, permettant plus d’« agilité ». Cetteagilité convient cependant mieux au soft (matière grise,services, logiciels…) qu’au hard (infrastrustures), entraînantdes conséquences parfois inattendues : dans certains cas, c’est le public qui s’adapte auservice et non l’inverse. De fait, la digitalisation de nos modes de vie accroît la tentation depiloter la ville par la simple satisfaction de la demande, au risque d’en oublier l’intérêt général.

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

Numérique et territoire

Julien MEYRIGNACDirecteur général, Citadia

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dans l’ère numérique. Rien demoins évident pourtant. Il suffitd’énumérer les villes les plus in-novantes en matière de gestiondes mobilités au sens large pours’en convaincre : Singapour, SanFrancisco, ou plus proche de nousNice… chacune tire parti d’uncontexte ultra-favorable (et d’unehistoire singulière). Les exceptionsà ce constat sont rarissimes :citons Francfort qui a su échapperà son destin de capitale régionaleen réalisant des investissementsmassifs en réseaux de télécom-munication et sur sa plateformeaéroportuaire pour devenir uneplace financière de rayonnementmondial.

L’économie (post)industrielle, toujoursl’économie (post)industriellePour l’heure, il est manifeste quel’économie numérique n’est pasune économie de substitutionmais d’amplification de l’éco -nomie traditionnelle. Du strictpoint de vue des activités, Teslaconstruit des voitures, Amazonet Alibaba font du commercepar correspondance, comme laRedoute depuis 1836. Mais cesnewcomers bénéficient (par lagrâce du numérique) d’une entréerapide et massive sur un marchémondial, générant d’énormes in-vestissements, directs pour lesbâtiments logistiques, et indirectspour les infrastructures, supportsdu flux de marchandises. Qui nesont rien d’autre que des entre-pôts et des routes.

Du point de vue des services,Waze, l’application de navigationde Google, est de toute évidenceun outil au service de l’automobile(et son industrie), la promessede tirer le meilleur parti desréseaux de voiries, et implicite-ment d’en créer de nouveaux. Les applications de gestion dyna -mique des capacités de parking

dans les centres villes ne sontpas destinées à réduire la circu-lation automobile. Ce qui est pro-posé en tout et pour tout parBlablacar, Uber, Moovit… c’estune optimisation de l’existant.

La consolidation de cette« vieille » économie conforte lespositions et les atouts héritéspar les villes (liés au contexte).Elle s’adapte aux contraintesplutôt qu’elle ne les réduit.

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

Avec le numérique, une mobilité plus résilienteOù est donc la révo-lution qui nous étaitpromise ? Le numé -rique devait raccour-cir les distances, lestemps de parcours,nous amener un véhi-cule sur demande àtout moment et pournous conduire à toutendroit ! À défautd’un paradigme spec-taculaire, le numé -

rique a apporté un véritable confort d’usage pour nos dépla-cements : il a sensiblement augmenté leur résilience.Quelques exemples :• Les calculateurs d’itinéraire en voiture permettent en temps réelde modifier le trajet à emprunter. Ainsi, malgré les éventuels accidents et ralentissements, le temps de parcours est garanti. • Les plateformes d’information multimodale intègrent les offresde court-voiturage. Les usagers trouvent ainsi une alternativeplus facilement en cas de rupture de service de transport encommun (ou à l’inverse, trouvent un transport en commun encas de défaut du conducteur).• Les retards de train sont mieux communiqués et permettent àde nombreux actifs de basculer vers du télétravail, réduisant lacontrainte du transport sur la productivité du travail.Les métropoles bénéficient, par le numérique, d’une économied’investissement sur le capacitaire des flux en pointe horaire(c’est-à-dire l’absorption des « chocs » tels qu’un ralentissementsur voie de circulation, une bascule des cyclistes vers les trans-ports en commun par temps de pluie, etc.). Elles peuvent ainsiconcentrer leurs investissements sur les politiques de transfertmodal, durable et de masse. Afin de continuer à bénéficier des effets positifs du numérique, elles doivent se positionner commeplateforme, capable de distribuer l’information et d’orienter lesflux de voyageurs.En territoire moins dense, le numérique permet de valoriser etsécuriser des pratiques qui ont toujours existé (trajets partagés,prêt de véhicule, auto-stop...). Le bénéfice du numérique est deformaliser ces pratiques, c’est-à-dire quantifier et qualifier leurusage. Les territoires peuvent ainsi ajuster le service public entreoffre structurante et besoin résiduel non couvert. Ces territoiresdoivent se positionner comme stratège, répondant avec agilitéaux évolutions des besoins de mobilité augmentée.

Orianne VALES, Consultante Mobilité et Services Urbains, SCET

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Le numérique, mobilitéset gentrification

Les mobilités, grandesordonnatrices dudéveloppement urbaincontemporainLes villes européennes ontd’abord, suivant les principes mo -dernistes /fonct ionnal istesd’après-guerre, de déviations enrocades, sorti les flux motorisésde leurs centres. Ceci pour deuxraisons principales :• Une raison avouable : désen-

gorger les centres villes du traficet les libérer de ses nombreusesnuisances sur la santé, le patri-moine, le cadre de vie…

• Une raison moins avouable :créer la ville moderne à l’immé-diate périphérie, ce qui est plusfacile et moins cher, doncpromesse de plus-values.

Ce mouvement s’est accompa -gné d’un déclin plus ou moinsprononcé des centres villes, lié àla fuite de l’investissement et dela création de valeurs.

Cette corrélation entre la gestiondes flux et l’économie urbaine etimmobilière est toujours à l’œuvreau XXIe siècle mais suivant unrenversement de valeurs : souventlibérés des contingences de lamobilité professionnelle, les actifsurbains1, tirant le meilleur partide l’économie numérique au ser -vice de la mondialisation, jettentleur dévolu sur les centres villesdont les valeurs immobilières sontsouvent devenues inférieures àcelles de la périphérie. Ces actifsne sont pas seulement attiréspar les opportunités offertes parun patrimoine immobilier revenuà leur portée : ils recherchent lesaménités du centre, conceptua -lisées par les urbanistes sous lesdénominations « ville aimable »,« ville facile » ou autres. Sont par-ticulièrement prisées les condi-tions de mobilité et les servicespublics.

Aujourd’hui, la gentrification descentres peut être constatée(presque) partout. Les centresvilles ont donc cette chance his-torique de pouvoir continuer àse libérer des flux automobilesmais, désormais, pour le bénéficed’une reconquête immobilière etsociale qu’ils n’ont qu’à accompa -gner. Cependant, le réinvestisse-ment coûte cher et les moyenspublics s’amenuisent.

Le numérique, l’organisationdes flux et la planificationdes mobilitésLes politiques de mobilité desvilles, agglomérations et métro -poles intègrent dans leurs réflex-ions les nouveaux outils numé -riques au service des nouveauxbesoins de mobilités (à moinsque ce ne soit l’inverse). La syn-thèse est souvent difficile entrele poids de l’héritage hard, touten infrastructures, gestion desressources humaines (régies) oufinancières (concession), et lespromesses soft, tout en systèmeD ou palliatif.

Les promoteurs du soft sont pourtant très entreprenants,n’hésitant pas à offrir leurs ser -vices aux collectivités, prétendu-ment en contrepartie de la data

« bien commun » qu’ils collectenteux-mêmes gracieusement.Google (Waze) intervient directe-ment dans la gestion quotidiennedes mobilités de grandes métro -poles comme Rio ou Boston. Lesbénéfices attendus de ces entre-prises ne sont pas très mys-térieux : devenir leader et à termeéquiper les matériels roulants (ilsemble inenvisageable de revenirsur la gratuité pour les usagers).

En substance, ce qui reste le plussouvent étudié, projeté et financépar la sphère publique, c’est lehard : d’une part, les supportsdes mobilités structurantes (lesinfrastructures qui connectent la ville à son environnement ré-gional, national voire européen,et les infrastructures armaturesde la ville et son hinterland) etd’autre part, les supports d’ac-cessibilité aux centres villes (lestationnement pour l’essentiel).

Les ouvertures sur le soft sontsouvent dirigées vers les mobilitésintérieures des villes – qui ontlongtemps été appelées « modesdoux », désormais « modes ac -tifs » – et qui correspondent par-faitement aux attentes des gen-trificateurs. Elles sont souventabordées de manière générique.

“ Les actifs urbains [tirent] le meilleurparti de l’économie numérique auservice de la mondialisation ”

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

Numérique et territoire

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Le numérique, nouvel enjeude lutte des classes ?Tout irait donc pour le mieuxdans le meilleur des mondes ur-bains si toutes les catégories socioprofessionnelles étaient con-cernées par la dématérialisationdes échanges et des flux. Mais iln’en est malheureusement rien.Tout le monde n’est pas candidatà la gentrification. Il demeureratoujours ( ?) dans les centres villesune majorité d’actifs qui doiventse déplacer pour rejoindre leurlieu d’emploi : pensons notam-ment au patrimoine en loge-ments sociaux des centres villes,et à la localisation périphériquedes emplois peu qualifiés ou intermédiaires.

Il est à ce titre assez embarras-sant de constater que la gentri-fication des centres, amplifiéepar le numérique, attire les actifsayant a priori le moins besoin dese déplacer dans les villes ayantles meilleurs systèmes de trans-ports collectifs. Tout comme ellene réanime pas le vieux com-merce mais le transforme en pro-

tants. Il structure et stimule leurscomportements, notamment entermes de mobilités. Ces dernièressont plus envisagées sous l’angledes temporalités (des usages)que des infrastructures et desdistances. Les habitants opti-misent leurs déplacements par la gestion du temps : choixde l’heure de départ, duréesouhaitée/acceptable... Et lesservices de transports urbainssont continuellement adaptésen conséquence.

En Europe, des collectivités ontmis en place des « agences dutemps » chargées d’adapter lesservices urbains de toute natureaux besoins des habitants et usagers dans le temps : horairesd’ouverture des services admi -nistratifs, de l’accueil périscolaire,des équipements sportifs, ho-raires et fréquences des trans-ports en commun… Certainesgrandes entreprises optimisentleur fonctionnement en modulantleurs horaires en fonction descontraintes de déplacements (em-bouteillages, heure de pointe destransports collectifs…).

La maîtrise du temps, et descoûts directs et indirects qui ysont rattachés, devient un argu-ment de la vie en ville contre lepériurbain. Les villes doivent êtrefaciles : fluidité des déplacements,polyvalence et optimisation deséquipements publics… Il s’agitd’une politique d’optimisation dupatrimoine et de la ressourcepublics, et d’un changement deparadigme : comment appelle-t-on un service public quand c’estle public qui s’adapte au service ?

Mobilités et infrastructuresLa dématérialisation des échan -ges et les nouvelles pratiques demobilité ne signifient pas moinsd’investissements publics en termes d’infrastructures, au contraire. Le numérique réclamedes réseaux (téléphonie, fibre…),les nouvelles organisations dutravail demandent des locaux

“ Pour les villes comme pour leurs habitants,la problématique des mobilités reste

affaire de classe sociale ”

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

fondeur suivant les besoins desnéos, poussant les moins fa-vorisés à la mobilité pour faireleurs achats.

On notera qu’il est plus difficilede tenir un discours sur les« modes actifs » à une personnedevant faire 2 km à 6h30 dumatin (pour aller travailler) qu’àune autre devant faire 200 m à8h15 (pour accompagner son enfant à l’école). Ce n’est pas unhasard si c’est Oslo, petite capi-tale au plus fort PIB par habitantdu monde, qui s’annonce premièregrande ville « zéro voiture » pour2019. Pour les villes comme pourleurs habitants, la problématiquedes mobilités reste affaire declasse sociale.

Nouveaux flux, nouvellestemporalités, nouvellesinfrastructures

Mobilités et temporalitésEn Asie (Japon, Corée du Sud),le numérique est omniprésentdepuis de nombreuses annéesdans la vie quotidienne des habi-

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(tiers-lieux…), les nouveaux liens sociaux réclament des es-paces publics/communs. Les nouveaux modes d’achat de lagrande distribution (livraisons,drive…) impliquent une nouvellelogistique.

De nouveaux services, de nou-veaux supports sont et serontproposés aux citoyens/usagersdans l’espace public (comme dumobilier urbain « intelligent » : arrêts de bus, bornes inter actives...)ou par des acteurs privés (points

de livraison, conciergerie urbaine,services bancaires… proposés en complément de leur activitéprincipale par des commerces« traditionnels »).

Cette tendance est mondiale :chacun en a fait l’expérience.

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Numérique et territoire

Smart Union, un pilote pour la métropole lilloise : innover à partir des usagesSmart Union est à la fois une démarche globale et un programme d’innovationd’usages destiné à développer desstratégies de type « smart city »sur le territoire de la Métro-pole Européenne de Lille(MEL). Il prend place au sein du projet urbainde l’Union, réa lisé par la SEM VILLE RENOUVELÉE, à lajonction des villes deTourcoing, Roubaixet Wattrelos. Les ob-jectifs sont ambi -tieux et visent àenrichir et moderniserles services proposésaux usagers de l’Union,ainsi qu’à renforcer l’at-tractivité du site et accom-pagner sa démarche d’excel-lence métropolitaine.Au-delà de ces objectifs, la démarcheSmart Union doit permettre à l’Union de consolider sa position en tant que terrain d’expérimentationpour le développement d’usages innovants, permettant de tester des technologies et des usages suscep-tibles d’être généralisés aux villes et à la MEL (passage à l’échelle), en synergie avec les enjeux et politiquesd’innovation des villes et de la MEL. Les projets peuvent être regroupés selon 5 axes :Action 1 – Diversifier les modes de mobilité et développer leur articulation pour les salariés de l’Union età terme tout type d’usagers : covoiturage, vélos partagés, autopartage, navette autonome et connectée.Action 2 – Offrir un lieu physique qui permet de favoriser les échanges et la dynamique sociale,économique et culturelle de l’Union, d’accompagner l’émergence d’une nouvelle centralité sur le territoirede projet, et d’encourager le développement de projets sur le territoire : projet de Tiers-Lieu. Il s’agit doncde mettre un (ou plusieurs) lieux à disposition de tous, pour expérimentations, évènements, convivialitéet échanges, orienté vers la ville durable et connectée en devenir.Action 3 – Mettre à disposition des usagers de l’Union un outil numérique, en lien avec le Tiers-Lieu, pourfavoriser le partage d’informations, l’accessibilité aux services et renforcer les échanges : plateformenumérique de services.Action 4 – Développer le marketing territorial de l’Union pour le grand public et les investisseurs, à l’aidedes compétences locales et à travers les outils de l’image, de réalité mixte et de gamification : l’Union enImages.Action 5 – Optimiser la gestion énergétique des bâtiments implantés sur l’Union et abritant des activitéséconomiques, à l’aide d’un outil mutualisé de gestion et d’exploitation des systèmes, et en s’appuyant surle développement d’intelligence sur le réseau de chaleur du quartier.

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Le numérique produit une glo -balisation des usages et des com-portements à l’échelle planétaire,fabriquant un monde d’ubiquité,d’instantanéité et de standardi-sation : mêmes commerces,mêmes services (Uber…), mêmesinnovations (hub, tiers-lieux…),partout symboles de l’aplatisse-ment de la planète. Les frontièresentre public, commun et privésont progressivement abolies,soulevant cette question : qui administre/finance quoi ?

Le numérique, lesmobilités et l’urbain : de la systémique ausystème ?L’analyse systémique pourun urbanisme de raisonLe renouveau de la planificationurbaine inauguré par la loi SRUdoit beaucoup aux méthodes ettravaux de Roger BRUNET et du GIP Reclus sur l’analyse sys-témique2 appliquée à la géogra-phie et aux territoires. L’analysesystémique considère le territoirecomme un système (dans un en-vironnement). Elle est multi-scalaire et interdisciplinaire, re-pose sur les équilibres globauxet interrelations, par oppositionaux analyses sectorielles clas-siques. Elle s’intéresse donc enpriorité à l’analyse des modes devies et des usages, dans l’objectifd’apporter des réponses (hyper)locales et (hyper) adaptées auxbesoins collectifs identifiés. Laproblématique des mobilités y atrouvé une place importante, ence qu’elle conditionne l’équilibresocial (logements, services…) etl’attractivité économique (em-plois, commerces…) des villes etdes territoires.

Cette approche « de raison » correspond parfaitement aux exigences du développementdurable tirant ses racines duprincipe d’équilibre, qui fonde ledroit de l’urbanisme. Mais il nefaut pas négliger non plus le faitqu’elle convient bien, par sa sobriété consubstantielle, auxcollectivités dont les moyens d’agir (investir et gérer) ne cessentde se réduire. Il s’agit ici d’appli-quer le principe de précaution etde ne répondre qu’aux questionsqui auront été posées. Une ges-tion des villes en bon père defamille, en somme.

Le numérique pour unsystème urbainLe numérique appliqué à l’urbains’intéresse avant tout à la ville-système et aux possibilités qu’iloffre à son optimisation par lacollecte et le traitement des data :son développement, son pilo -tage/sa régulation. Il développeune approche économique de laville qui est celle de la plateforme,des algorithmes (la matrice) etdes contributions (sa régéné -ration perpétuelle). Une écono -mie dans laquelle des services(gratuits) aux particuliers ali-mentent/structurent des servicespublics/communs… et récipro-quement. À l’image de l’exempleévoqué des pays d’Asie où cesont les usages qui s’adaptentaux infrastructures et à la ville.Un tel basculement, s’il était complet, aurait des effets dévas-tateurs, notamment socialement.

En termes d’urbanisme, il ne s’agi-rait plus de « devenir ce que noussommes » (le mantra de l’économieurbaine en récession), mais de« deviner ce que nous allons être »(le mantra de Apple et Google).

En termes de politique, se pose -rait alors la question de savoirqui gouverne et décide.

Smart mobilitésCarlo RATTI, professeur au MIT,a bien résumé l’enjeu véritabledes smart cities : « des villes in-telligentes pour des vies intelli-gentes »3. En matière de réflexionet d’action dans le domaine desdéplacements, la maîtrise des usages doit rester une prioritéfondamentale, mais :• Elle implique une connaissance

suivie de leurs évolutions, ren-dues perpétuelles par l’innova-tion continue du numérique (ac-compagner la digitalisation denos modes de vies).

• Elle ne peut pas être la simplesatisfaction de la demande etdoit, en conséquence, accepterd’être réorientée au gré d’autresobjectifs jugés supérieurs auprisme de l’intérêt général (croireen un dessein collectif).

Elus, urbanistes, experts etcitoyens devront être capablesd’être bousculés par l’innovation(jusqu’à la « démobilité » par exemple), sans cesser de croireque nos vies ne peuvent se réduireà des équations4. n

1- Qu’on les appelle« métropolitains supérieurs » ou« bobos »

2- Conceptualisée en 1975 par Joëlde ROSNAY dans son ouvrageLe Macroscope, Le Seuil, 1975

3- Des villes intelligentes pour desvies intelligentes, JulienDAMON, Les Echos, 17 mars 2017

4- Ou des algorithmes

“ Élus, urbanistes, experts et citoyensdevront être capables d’être bousculéspar l’innovation ”

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Glossaire

Big data – En français, mégadonnées. Expressiontraduisant l’explosion quantitative de la donnéenumérique, dépassant les capacités d’analyse des outilsinformatiques classiques de gestion de base de donnéesou de traitement de l’information.

BIM – Building information modeling, en français mo -délisation des données du bâtiment. Le BIM désignedes méthodes de travail et une maquette numériqueparamétrique 3D contenant des données intelligenteset structurées. Il permet le partage d’informationsfiables tout au long de la durée de vie d’un bâtiment oud’une infrastructure, de sa conception jusqu’à sa démolition en passant par sa certification, sa réparation...La maquette numérique désigne la représentation digitale des caractéristiques physiques et fonctionnellesde ce bâtiment ou infrastructure. Le BIM définit, de laconception à l’utilisation du bâtiment, qui fait quoi,comment et à quel moment, en s’appuyant sur desmodèles virtuels 3D permettant d’effectuer des analyseset simulations (énergétiques, structurels, détection desconflits...), des contrôles et des visualisations.

Blockchain – En français, chaîne de blocs. Technologiede stockage et de transmission d’informations, trans-parente, sécurisée, et fonctionnant sans organe centralde contrôle. Par extension, une blockchain constitueune base de données qui contient l’historique de tousles échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sacréation. Cette base de données, sécurisée et distribuée,est partagée par ses différents utilisateurs, sans inter-médiaire, ce qui permet à chacun de vérifier la validitéde la chaîne.

CIL – Nouveau métier, né en 2004 suite à la refonte dela Loi Informatique et Libertés. Délégué à la protectiondes données, le correspondant Informatique et Libertéveille à la sécurité juridique et informatique de son or-ganisme (association, collectivité locale, administrationde l’État, PME-PMI, entreprise multinationale...). Le CILa vocation à devenir le délégué à la protection des données dans le cadre de la nouvelle réglementationeuropéenne applicable en 2018. Il est le référent sur lesquestions de protection des données personnelles ausein de l’organisme qui l’a désigné.

Civic tech – Abréviation de civic technology. Ensembledes procédés, outils et technologies qui permettentd’améliorer le système politique, la civic tech est l’usagede la technologie dans le but de renforcer le lien dé-mocratique entre les citoyens et le gouvernement. Elle intègre toute technologie permettant d’accroîtrele pouvoir des citoyens sur la vie politique, ou de rendrele gouvernement plus accessible, efficient et efficace.

CNIL – Autorité administrative indépendante française,la commission nationale de l’informatique et des libertésest chargée de veiller à ce que l’informatique soit auservice du citoyen et qu’elle ne porte atteinte ni àl’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vieprivée, ni aux libertés individuelles ou publiques. Elle exerce ses missions conformément à la loi relative àl’informatique, aux fichiers et aux libertés du 6 janvier1978 modifiée le 6 août 2004, fondement de la protectiondes données à caractère personnel dans les traitementsinformatiques mis en œuvre sur le territoire français.

Crowdfunding– Terme anglais désignant un financementparticipatif, c’est-à-dire tout outil ou méthode de trans-actions financières qui fait appel à un grand nombrede personnes afin de financer un projet. Ce mode de fi-nancement se fait sans l’aide des acteurs traditionnelsdu financement et est dit « désintermédié ». Il s’estfortement développé avec l’émergence des plateformesde financement participatif et s’inscrit dans le mouve-ment plus global de consommation collaborative et de production participative. Il existe plusieurs formesde crowdfunding (don, don avec contrepartie, prêt, capital-investissement) et ce dernier est réglementédepuis le 1er octobre 2014.

Crowdsourcing – Terme anglais désignant la « productionparticipative » ou l’« externalisation ouverte ». Il s’agitd’utiliser la créativité, l’intelligence et le savoir-faired’un grand nombre de personnes (notamment du grandpublic ou des consommateurs) pour réaliser certainestâches traditionnellement effectuées par un employéou un entrepreneur (par exemple, proposer et créer deséléments d’une politique marketing).

Data – Terme anglais utilisé pour qualifier les données(voir ce terme).

Data center – En français, centre de données. Sitephysique regroupant des installations informatiques(ordinateurs centraux, serveurs, routeurs, commutateurs,disques durs...) chargées de stocker et de distribuer desdonnées à travers un réseau interne ou via un accès In-ternet. Il peut s’agir d’installations privées à usageexclusif ou bien de centres de données administrés pardes prestataires qui regroupent plusieurs clients.

Data protection officer (DPO) – Le délégué à la pro-tection des données est l’expression du règlementgénéral sur la protection des données (RGPD), règlementeuropéen du 14 avril 2016 appelé à remplacer les dispo-sitions de la loi informatique et libertés qui s’appliquejusque mi-2018. Il est une évolution du correspondantInformatique et Libertés (CIL).

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Donnée – Description élémentaire d’une réalité. C’est,par exemple, le résultat brut d’une observation ou d’une mesure du monde réel. La donnée est dépourvuede tout raisonnement, supposition, constatation, probabilité.

Empowerment – En français, traduit notamment parcapacitation. Accroissement d’un pouvoir exercé à titreindividuel ou collectif, pour agir notamment sur les conditions sociales, économiques, politiques ouécologiques auxquels sont confrontés individus ougroupes. Le terme connaît de nombreuses traductionsfrançaises (outre capacitation : attribution de pouvoir,émergence d’un processus d’appropriation du pouvoir,puissance d’agir…) qui correspondent chacune à desacceptions différentes, mettant l’accent sur une certainedimension de l’exercice du pouvoir. Le numérique estsouvent considéré comme un vecteur d’émancipation,de modification du rapport aux collectif et au pouvoir,favorisant le collaboratif et l’empowerment.

Format – Un format de données est une convention(éventuellement normalisée) utilisée pour représenterdes données (informations représentant un texte, unepage, une image, un son, un fichier exécutable...). Lorsqueces données sont stockées dans un fichier, on parle deformat de fichiers. Une telle convention permet d’échan -ger des données entre divers programmes informatiquesou logiciels, soit par une connexion directe, soit par l’intermédiaire d’un fichier.

Hub – Structure logistique physique où sont acheminésplusieurs flux logistiques (produits ou individus essen-tiellement) dans le but d’être triés, organisés, pilotés etréexpédiés. La massification en un point donné permetune économie financière et de temps.

Internet des objets – En anglais, Internet of things ouIoT. D’un point de vue conceptuel, il caractérise desobjets physiques connectés ayant leur propre identiténumérique et capables de communiquer les uns avecles autres, telle la matérialisation d’Internet dans lemonde réel. D’un point de vue technique, il consiste enl’identification numérique directe et normalisée (adresseIP, protocoles smtp, http...) d’un objet physique grâce àun système de communication sans fil. Les objets connectés produisent de grandes quantités de donnéesdont le stockage et le traitement entrent dans le cadredes big data. En logistique, il peut s’agir de capteurs quiservent à la traçabilité des biens pour la gestion desstocks et les acheminements. Dans le domaine de l’environnement, il est question de capteurs surveillantla qualité de l’air, la température, le niveau sonore, l’étatd’un bâtiment...

Interopérabilité – Possibilité d’échanger des donnéesentre différents logiciels ou systèmes informatiques oucapacité de fonctionner avec d’autres sans restrictiond’accès ou de mise en œuvre. Le terme « interopéra -bilité », contrairement à « compatibilité », induit unecommunication entre les systèmes étudiés.

Métadonnées – Données décrivant ou définissantd’autres données (ou données à propos des données). Il s’agit principalement de l’information permettant dedécrire un contenu ou de retrouver les données stockées(date de sauvegarde, taille, auteur…).

Open data – En français, donnée ouverte. Donnéenumérique dont l’accès et l’usage sont laissés libresaux usagers. Elle peut être d’origine publique ou privée,produite notamment par une collectivité, un servicepublic, ou une entreprise. Elle est diffusée selon uneméthode et une licence ouverte garantissant son libreaccès et sa réutilisation par tous, sans restriction tech-nique, juridique ou financière.

Plateforme – Service occupant une fonction d’inter-médiation directe pour échanger informations, contenus,services ou biens entre professionnels, entre profession-nels et particuliers et entre particuliers. Les plateformesnumériques développées par des entreprises techno -logiques collectent et exploitent des données sur l’offreet la demande et proposent un service (souvent per-sonnalisé, évalué, géolocalisé, en temps réel…) à untrès grand nombre d’utilisateurs.

SCoRAN – La stratégie de cohérence régionale pourl’aménagement numérique (SCoRAN) fixe les grandesorientations souhaitées par les acteurs régionaux et or-ganise la concertation entre eux, afin de garantir quechaque territoire soit couvert par un schéma directeurterritorial d’aménagement numérique.

SDTAN – Le schéma directeur territorial d’aménagementnumérique, instauré par la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, dite loiPintat, définit une stratégie de développement desréseaux, établie au moins à l’échelle d’un département.Il vise à soutenir la cohérence des initiatives publiqueset leur bonne articulation avec les investissementsprivés. La moitié des départements français est aujour-d’hui engagée dans l’élaboration d’un SDTAN.

Services numériques – En anglais, data services. Servicesbasés sur des solutions numériques. Dans le cadre dela fabrique urbaine, ils peuvent être des services deproximité en matière sociale, culturelle, sportive... (démarches en ligne, applications mobiles), une offrecitoyenne (outils de dialogue et de participationcitoyenne, partage de biens communs...), des dispositifsde transparence et d’innovation (ouverture des donnéespubliques, services de l’économie sociale et solidaireou de l’économie collaborative), ou encore des outils

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au service du fonctionnement interne de la collectivité(dématérialisation des processus…) ou visant à optimiserdes services publics existants (dans les domaines del’énergie ou de la mobilité par exemple).

Smart city – Traduit en général par ville intelligente.Outre smart city, de nombreux termes sont utiliséspour désigner la ville intelligente : ville numérique, greencity, connected city, éco-cité, ville durable… (voir unecartographie de ces notions sur le site de la CRE). Auniveau des métropoles, désignant un nouveau paradigme,ce terme est souvent accompagné de notions connexesde ville numérique (où les technologies de l’informationet de la communication prennent une importance gran-dissante) ou encore de ville créative (où la mise enœuvre des technologies côtoie l’éclosion des « talents »,de la créativité). Sans trancher, on peut se référer àPilar CONESA, PDG d’Anteverti, citée dans le récentrapport au premier ministre sur l’avenir des smart cities :« […] c’est un terme commun qui nous a permis deparler et de faire parler de l’innovation urbaine, sociale,de la participation citoyenne, des communs, de tousces problèmes fondamentaux de nos sociétés ».

Smart grid – Un réseau électrique intelligent – dontsmart grid est l’une des dénominations anglophones –est un réseau de distribution d’électricité qui favorise lacirculation d’information entre les fournisseurs et les

consommateurs afin d’ajuster le flux d’électricité entemps réel et permettre une gestion plus efficace duréseau électrique. L’objectif est d’améliorer l’efficacitéénergétique de l’ensemble en minimisant les pertes enlignes et en optimisant le rendement des moyens deproduction utilisés, en rapport avec la consommationinstantanée. Notion parfois étendue à tout type d’énergie.

Traces numériques – Informations enregistrées par lesdispositifs numériques à partir des activités de leursutilisateurs ou sur leur identité, volontairement ou biende manière automatique. Tous les systèmes nécessitantune identification ou une interaction avec ses utilisateurssont susceptibles de capter des informations les concernant (achats en ligne, moteurs de recherche,titres de transport, téléphones mobiles...).

Ubérisation – Du nom de l’entreprise Uber, processuspar lequel un modèle économique basé sur les tech-nologies digitales entre en concurrence frontale avecles usages de l’économie classique. Ce modèle reposeprincipalement sur la constitution de plateformesnumériques qui mettent en relation directe prestataireset demandeurs, ainsi que sur des applications dédiéesqui exploitent la réactivité en temps réel de l’internetmobile.

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