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Travail de mémoire dans le cadre du Master professionnel de droit de la Vigne et du Vin, réalisé en partenariat avec la faculté de droit d'Aix-Marseille (13) et de l'Université du Vin (26)
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1
Université Aix-Marseille, partenariat avec l’Université du Vin
Mémoire de Master 2 Droit de la Vigne et du Vin et Produits de Qualité
Mise en perspective de la loi Evin, vingt
ans après sa création : acteurs,
évolutions, conséquences.
Quelles sont aujourd’hui les possibilités
de communication positive sur le vin ?
Réalisé par Laure GOY, sous la direction de Jocelyne CAYRON
Année universitaire 2011-2012
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Résumé et mots clés
Mots clés
Loi Evin, Code de la Santé Publique, vin, boissons alcoolisées, publicité, communication,
promotion, consommateur, médias, binge drinking, associations de prévention contre
l’alcoolisme, éducation, jeunes, alcool, dégustation, consommation responsable.
Résumé
Il y a maintenant vingt ans que la loi Evin a été écrite. En 1991, dans le souci d’œuvrer vers
davantage de santé publique sur l’ensemble de la population française, la publicité des
produits alcoolisés devient régulée, sur la base d’articles intégrés au Code de la Santé
Publique. Seul le vin, ici, sera notre objet d’analyse.
La règle est restrictive et les communicants doivent s’y plier, comme pour toute loi. Mais il
apparaît assez vite de nombreuses ambigüités, notamment dans l’interprétation de cette loi, et
elle devient sujette à de nombreuses critiques.
Ce travail de recherches et de recueil de propos est intervenu en pleine actualité de
l’application de la loi Evin, notamment sur l’autorisation de nouvelles chaînes spécialisées de
télévision, et ce contexte nous permet de nous interroger sur le fonctionnement de cette loi
ainsi que sur ses limites et ambigüités.
L’ensemble des acteurs du secteur vitivinicole est intéressant à étudier dans le rapport qu’ils
entretiennent avec les règles de communication d’une part, et avec le vin, d’autre part. Une
place toute particulière a été réservée à l’étude des effets de la restriction de la publicité sur
les consommateurs, cible initiale de la loi, lors de sa création.
5
Sommaire
RESUME ET MOTS CLES ...................................................................................................................................... 4
Remerciements à…. .................................................................................................................................... 6
INTRODUCTION .................................................................................................................................................. 7
PREMIERE PARTIE : LA CREATION DE LA LOI EVIN REGISSANT LA PUBLICITE DES
PRODUITS ALCOOLISES. OBJECTIFS INITIAUX ET EVOLUTIONS ................................................ 12
CHAPITRE 1 : OBJECTIFS INITIAUX DE LA LOI EVIN ..................................................................................................... 13
Section 1 : La genèse de la loi Evin : avant 1991 ........................................................................................ 13
Section 2 : Ecriture de la loi EVIN en 1991 ................................................................................................. 18
Section 3 : Une évolution par ajouts successifs .......................................................................................... 26
CHAPITRE 2 : UNE INTERPRETATION PARFOIS EXTENSIVE DE LA NOTION DE PUBLICITE : ACTEURS IDENTIFIES
ET ANALYSE COMPAREE ................................................................................................................................... 33
Section 1 : Avec une jurisprudence extensive, le juge peut-il devenir législateur ? ..................................... 33
Section 3 : Les acteurs des évolutions de cette loi : les « hygiénistes » contre les « inconscients » ?........... 40
Section 3 : L’influence européenne sur cette évolution .............................................................................. 50
DEUXIEME PARTIE : LES EFFETS DE CETTE LOI POUR LES COMMUNICANTS DE LA
FILIERE VITIVINICOLE ET LES CONSOMMATEURS ......................................................................... 56
CHAPITRE 1 : LES EFFETS DE LA LOI EVIN SUR LES TECHNIQUES ET STRATEGIES DES COMMUNICANTS DU VIN
......................................................................................................................................................................... 58
Section 1 : Les acteurs publicitaires en matière de communication publics et privés, qui sont-ils ? ............ 58
Section 2 : Conséquences de la loi Evin, une désincarnation de la publicité ? ............................................. 64
Section 3 : De nouveaux axes de communication positive sur le vin : remettre le vin au cœur du sujet ...... 71
Section 4 : Un problème de positionnement pour les communicants, l’importance du choix du média ...... 75
CHAPITRE 2 : OBJECTIFS INITIAUX DE LA LOI EVIN ATTEINTS SUR LES CONSOMMATEURS ? ........................... 89
Section 1 : Etat des lieux de la consommation d’alcool en France .............................................................. 89
Section 2 : La consommation de vin traduit avant tout un mode de vie, théories de consommation positive
de vin dans la mesure et la responsabilité ................................................................................................. 96
Section 3 : Finalement, ne vaut-il mieux pas prévenir que guérir ? .......................................................... 107
Conclusion .............................................................................................................................................. 117
Bibliographie .......................................................................................................................................... 122
6
Je dédie ce mémoire à mon Papé René, un passionné de bonnes choses, enthousiaste de la vie
et de la bonne gastronomie, parti malheureusement un peu trop vite pour lire ce travail.
Remerciements à….
Jocelyne Cayron, qui a été la directrice de mémoire et de formation que chacun souhaiterait
connaître. Un grand merci pour son apprentissage, son encadrement bienveillant et son
soutien tout au long de l’année.
Karine Valentin, journaliste spécialisée en vins chez Cuisine et Vins de France, ainsi que tous
les membres de la rédaction, qui m’ont permis de vivre un apprentissage hors du commun du
vin et de son monde, dans le cadre de mon expérience de travail dans ce journal.
Aux journalistes et aux professionnels qui ont accepté de m’aider dans ces recherches : Jean-
Michel Peyronnet, Dominique Hutin, Catherine Gerbod, Antonin Iommi-Amunategi,
Guillaume Nicolas-Brion. Tous ont accepté d’échanger leur expertise à travers des
conversations ou des échanges d’informations, ce qui m’a été très précieux.
Toutes mes amitiés vont à Arnaud Terrisson, dont le professionnalisme, emprunt de bonne
humeur m’aura permis d’avancer dans ma réflexion sur ce sujet, ainsi qu’à Charlotte
Minnone, amie d’hier et de demain, avec laquelle les projets viniques dont nous rêvons
ensemble deviendront réalité.
A ma famille qui a été le soutien moral et logistique, indispensable à la bonne réalisation de
ce travail.
Au domaine des Terres Promises, au cœur de la Sainte-Baume, là ou tout a commencé.
7
Introduction
Une décision du Conseil d’Etat vient de tomber : Deovino, projet de chaîne de télévision
payante spécialisée sur la vigne et le vin est jugée non conforme au cadre de la loi Evin1.
Eloignée plus que jamais de la vision de Pasteur qui décrivait le vin 1866 comme « la plus
saine et la plus hygiénique des boissons », cette boisson à l’histoire bien particulière, connaît
aujourd’hui des règles particulièrement strictes, en matière de publicité. Il y a vingt ans, dans
un souci de réduire les consommations excessives d’alcool et de poser une solution publique
au problème de l’alcoolisme, les pouvoirs publics ont décidé une nouvelle loi le 10 janvier
1991. Claude Evin, Ministre de la Solidarité, de la Santé et de la protection sociale avait
proposé le projet en 1991 afin de mettre en place les premières actions de lutte contre le
tabagisme et la publicité en faveur de l’alcool. Cette loi est toujours connue aujourd’hui sous
le nom de loi Evin, encadrant notamment la publicité des produits alcoolisés. A l’époque, il a
été choisi de traiter à la fois des consommations de boissons alcoolisées et de tabac, dans un
souci de santé publique. Ce choix est aujourd’hui largement remis en cause, puisque les deux
familles de produits ne soulèvent ni les mêmes enjeux en matière économique, ni en matière
de santé publique. Il est vrai qu’alcool et tabac n’ont aucune origine historique, ou modes de
consommations en commun. Mais aujourd’hui, en 2012, les règles ont évolué sans pour autant
être transformées et elles régissent toujours les boissons dites « alcooliques » d’une part, et le
tabac, d’autre part.
Dans ce travail de recherches, seul le vin sera l’objet de notre analyse. Les spiritueux en tant
que produits à dimension culturelle et sous origine seront également évoqués succinctement,
présentant souvent des enjeux communs avec le vin en matière de publicité. Il a été choisi de
se concentrer sur les règles qui régissent la publicité du vin, afin d’être exhaustif dans
l’analyse des différences d’enjeux et d’interprétations que ce produit peut parfois engendrer.
La loi Evin, souvent jugée « sévère » par les différents acteurs interrogés de la filière
vitivinicole, sera le cadre principal de notre étude.
Il sera nécessaire, vingt ans après le vote de cette loi par le Parlement, de réussir à établir un
état des lieux, le plus exhaustif possible de ce cadre législatif. Mettre en perspective le cadre
normatif, son interprétation, ainsi que ses résultats, sera l’objet de notre travail.
1 Le magazine Terres de Vins (ainsi que beaucoup d’autres supports médiatiques dédiés au vin résume la décision du Conseil d’Etat d’interdire la chaîne Deovino. http://www.terredevins.com/vin-et-tele-nouveau-coup-d-arret-pour-deovino/
8
Nous nous intéresserons au fil de ce travail au profil des acteurs concernés : qui sont-ils ?
Quelles sont les structures ayant fait évoluer la loi Evin, et selon quelles logiques ? Nous
verrons que le profil de ces acteurs peut être clairement dessiné, puisqu’on retrouve dans
chaque litige, les mêmes structures de façon quasi systématique.
Par ailleurs, le vin, en tant que produit historique, chargé de culture et inhérent à des méthodes
agricoles ancestrales, a été récemment reconnu patrimonial dans le cadre des repas « à la
française ». Il reste un terrain d’études très vaste et fascinant puisque développant de
multiples facettes pas toujours évidentes à concilier selon le prisme d’analyse.
Le vin dans la famille des produits alcoolisés ? Il est clair que le vin, contenant de l’alcool,
doit être régi par des règles particulières de publicité afin de ne pas tromper le consommateur
ou de le mettre dans une position de dépendance face à l’alcool, nuisible pour la santé,
lorsqu’il est consommé de façon excessive. Le rapport à l’alcool sera un des thèmes récurrents
de ce mémoire.
Le vin, nuisible pour la santé ? Nous verrons que cette problématique vin et santé a fait coulé
beaucoup d’encre, et les positionnements peuvent être très différents selon les points de vue.
Le vin, un enjeu économique ? Puisque le vin génère des bénéfices considérables, les enjeux
de publicité sont énormes. Cette publicité est à manier avec prudence, puisque économie et
santé publique sont deux mondes opposés.
Le vin, patrimoine à promouvoir ? En tant que produit agricole, le plus souvent placé sous
Indication Géographique en France, le vin représente bien plus qu’une simple boisson, à la
fois d’un point de vue producteur, mais également consommateur.
Le vin, créateur de lien social ? Cette expression ressort souvent dans les discours des
professionnels du vin, ainsi que dans ceux des passionnés. Il s’agira ici, de déterminer en quoi
le vin peut être considéré comme tel, sans pour autant mettre en danger le consommateur.
Une nécessaire répression, ou une nécessaire éducation face aux dangers de l’alcool dans une
société ? Ces deux visions opposées d’action seront analysées de concert, permettant d’établir
des liens positifs entre les deux, et de comprendre les limites de chacune.
Les enjeux de communication du vin, dans le contexte de la loi Evin, sont complexes. Produit
depuis des millénaires, entretenant simultanément des liens sacrés avec la religion, l’art,
l’histoire économique, sociologique et culturelle, marqueur du développement de notre
9
commerce extérieur, le vin traverse les âges en étant témoin de chaque époque, selon
différentes méthodes de vinification, différents symboles de consommation, ou encore de
représentations. Concernant les publicités de vin, il y a moins de 50 ans, le vin pouvait être à
la fois symbole de force et de bonne santé, mais aussi de richesse. Aujourd’hui, il est banni
pour de bon des écrans de cinéma et de télévision, puisque reconnu par les pouvoirs publics
comme nocif pour la santé. Communiquer sur le vin s’est fait au cours des siècles de façon
différente : l’histoire de l’art nous montre constamment que le vin est partout. Sur nos œuvres
patrimoniales réalisées par les plus grands artistes et reconnues comme constitutives de notre
histoire, nombreuses et récurrentes sont les références au vin, au raisin, ou encore à la fête
bachique.
Mais le vin est également synonyme d’ivresse. Et l’Etat providence souhaite agir contre les
phénomènes d’alcoolisation que connaît une partie de sa population. Après avoir été divinisé,
ou intégré aux modes alimentaires courants, voire recommandé pour certains problèmes de
santé en tant que « vin-médecin », le vin devient désormais limité dans la communication que
l’on peut en faire, ceci à partir de la loi dite Barzach de 1987. Aujourd’hui, le vin étant régit
par la loi Evin en matière de communication, on observe des changements radicaux de
techniques de la part des communicants du vin, en lien avec les évolutions actuelles de la
consommation de ce produit.
Nous verrons souvent que le cadre de la loi Evin est très contesté par la filière vitivinicole. Il
s’agira de rester prudent dans l’analyse de ces critiques, afin de ne pas mélanger les enjeux
purement économiques auxquels la filière est confrontée, et les ambigüités d’interprétation
que la loi Evin peut engendrer, par son texte et sa jurisprudence.
Afin que chaque lecteur de ce travail puisse se retrouver dans les termes utilisés dans ce
mémoire, il convient désormais de les définir.
La publicité s’entend ici comme commerciale. La publicité, en droit, peut être envisagée sous
deux angles différents : la publicité légale, et la publicité commerciale. La publicité légale est
définie par Alain Sayag comme « l’ensemble des règles qui imposent à certaines personnes
de communiquer au public une information selon une forme et un support déterminé »2. La
publicité commerciale, quant à elle, a un caractère volontaire. Dans le cadre de notre analyse,
nous retiendrons la publicité commerciale, appelée aussi « propagande »3, dans le sujet qui
2 A. Sayag, Introduction, in Colloque CREDA, L’information légale dans les affaires, 1992. 3 Code de la Santé Publique, article L.3323-2
10
nous intéresse. Même si le choix du mot sera décortiqué par la suite, nous retiendrons la
publicité commerciale comme « l’ensemble des instruments de communication utilisés par
une entreprise au service de la promotion de ses produits »4. Lorsqu’un acteur professionnel
de la filière vitivinicole souhaite mettre en place une campagne de publicité afin de
promouvoir ses produits, il est clair qu’il le fait de façon volontaire, afin d’améliorer la
visibilité et la distribution auprès des consommateurs.
La communication, quant à elle, est un concept plus vaste. Nous la définissons comme
« l’action, le fait de communiquer et de transmettre quelque chose »5. Cette communication
est faite grâce à une posture active : le communicant a une cible, et par ses techniques de
communication, il cherche à l’atteindre. C’est donc le « fait pour une personnalité, un
organisme, une entreprise, de se donner telle ou telle image vis-à-vis du public ». Les
techniques de communication sont multiples, et elles usent de médias différents selon la force
et le type de message à transmettre. Il sera également souvent question de la communication
collective, très utilisée dans le secteur agro-alimentaire afin de faire la promotion d’une
famille de produits, sans évoquer une marque en particulier. On peut donc définir la
communication collective comme la « mise en œuvre par des organisations professionnelles
regroupant différents opérateurs économiques, qui souhaitent communiquer sur leurs
produits et métiers de façon générique »6. Cette communication collective poursuit à la fois
un objectif de mise en avant grâce à une marque collective (la communication publi-
promotionnelle) ainsi qu’un objectif d’explication des produits ou métiers (la communication
informative).
Il est clair que la publicité et la communication sont deux facteurs de promotion, mais que
leurs finalités ne sont pas forcément les mêmes.
Le terme de publicité indirecte, ou « propagande indirecte », utilisé dans le code de la santé
publique aux articles qui nous intéressent, est plusieurs fois employé. C’est pourquoi le terme
de « communication » a été défini, puisque nous verrons que des ambigüités de définition, et
donc d’interprétation peuvent être soulevées dans le texte initial toujours appliqué, au sein des
mesures de santé publique.
4 Jean-Marc Bahans et Michel Menjucq, Droit de la Vigne et du Vin, aspects juridiques du marché vitivinicole, 2ème édition, p. 417 5 Dictionnaire encyclopédique de Larousse, Larousse Bordas, 1997 6 Définition de la communication collective par l’association Stratégies et Communication Collectives, réunissant l’ensemble des interprofessions agro-alimentaires françaises
11
La loi Evin est bien trop restrictive : voici le constat de la filière. Nous nous interrogerons sur
cette notion de « restriction » de la loi : s’agit-il donc d’un problème de définition, impliquant
un souci d’interprétation de la règle pour les acteurs, ou est-ce un cadre législatif trop
contraignant en soi ? De même, puisque le secteur vitivinicole étant souvent observé comme
un secteur très éparpillé dans sa configuration et subissant des divergences d’intérêts
marquées selon les régions productrices, n’y a-t-il pas également des enjeux politiques forts
qui peuvent amener ces acteurs à s’autocensurer ?
C’est pourquoi l’objectif de ce mémoire est double. D’une part, les deux décennies écoulées
après la création de la loi Evin permettent aujourd’hui d’établir un état des lieux de la règle
dans son application, tout comme dans son interprétation. Ainsi la première partie permettra
de dresser un bilan du cadre législatif, et d’analyser la jurisprudence afin de comprendre les
évolutions que cette loi a subies. D’autre part, puisque la loi a été créée dans un souci de
répondre à des problèmes de santé publique, il s’agira, en deuxième partie, de comprendre si
cette règle a bien rempli ses objectifs initiaux.
Les deux parties de ce travail n’auront de cesse de se renvoyer des analyses de résultats
positifs et négatifs du cadre législatif, afin d’observer si les objectifs initiaux de la loi Evin ont
bien été atteints. Les deux aspects sont très liés puisqu’ils éclairent sur les choix de
modification de la règle et permettent de comprendre également les tendances des stratégies
futures de communication du vin, pouvant également être axées de façon positive, sans
n’avoir que pour seul but la publicité.
12
Première partie : La création de la loi EVIN
régissant la publicité des produits alcoolisés.
Objectifs initiaux et évolutions
« Ah ! Nous y voilà ! Ma bonne Suzanne, tu viens de commettre ton premier faux pas ! Y a des
femmes qui révèlent à leur mari toute une vie d'infidélité, mais toi, tu viens de m'avouer
quinze années de soupçon. C'est pire ! Eh bien que t'a peut-être raison : qui a bu boira ! Ça
faut reconnaître qu'on a le proverbe contre nous. »
Jean Gabin, Un singe en hiver7
7 Film écrit et réalisé par Michel Audiard en 1962
13
Chapitre 1 : Objectifs initiaux de la loi EVIN
Section 1 : La genèse de la loi Evin : avant 1991
1. Les supports de publicité autorisés avant 1987
En 1960, à l’époque où la publicité explose, seuls les produits interdits légalement ne
pouvaient faire l’objet de publicité, comme l’absinthe, interdite de vente depuis 1915. Les
lieux de pratiques sportives quant à eux, ne pouvait être un endroit de publicité pour l’alcool,
on en comprend aisément le sens.
Jusqu’en 1987, les publicités des produits alcoolisés étaient régies selon le groupe auxquelles
les boissons appartenaient. Dans le code de débit de boisson, c’est l’article L17 qui régit les
supports publicitaires autorisés pour les produits alcoolisés. Il a beaucoup évolué entre 1960
et 1987.
Article L17 : Il est interdit d'effectuer une publicité, sous quelque forme qu'elle se présente,
en faveur des boissons dont la fabrication et la vente sont prohibées, ainsi que les
boissons du cinquième groupe.
Il est également interdit d'effectuer une publicité sous quelque forme qu'elle se présente, en
faveur des boissons alcooliques sur les stades, terrains de sports ou privés, dans les lieux
où sont installées des piscines et dans les salles où se déroulent habituellement des
manifestations sportives ainsi que dans les locaux occupés par des associations de
jeunesse ou d'éducation populaire.
Ainsi, la loi française faisait une distinction en fonction du groupe auquel appartenaient les
boissons alcoolisées selon leur degré en alcool.
Pour les produits du groupe 2 (vins, bières et vin doux naturel), et 4 (alcools considérés
comme des digestifs), la publicité était libre. Elle devenait restreinte pour les produits du
groupe 3 (apéritifs faiblement alcoolisés, type Martini, kir, apéritifs italiens) puisque seules la
dénomination et la composition du produit, accompagnées du nom de l’adresse du fabricant
14
pouvaient apparaître. La publicité était complètement interdite pour les produits du groupe 5
(apéritifs avec haut degré alcoolisé, de plus de 45° comme les whiskys, vodka, Pastis).
Puisque les vins appartenaient au groupe 2, tout comme les bières ou les vins doux naturels,
toute publicité en faveur des vins était libre. On observe néanmoins, qu’à l’époque, une
discrimination certaine existait entre les cognacs ou les calvados par exemple, appartenant au
groupe 4, et les whiskys appartenant, eux, au groupe 58.
Les années 1960 et 1970 ont vu de nombreuses campagnes de publicité en faveur du vin se
créer. A l’époque où il était autorisé de fumer dans les amphis universitaires, le vin pouvait
être promu en « vin médecin »9.
A l’opposé de ces méthodes de communication, des associations de prévention commençaient
à alerter les pouvoirs publics du fléau de l’alcoolisme, nuisible pour chacun et pour la société.
La dépendance à l’alcool, en pleine période des trente glorieuses, est pointée du doigt de
façon plus globale.
Pourtant, la publicité est un moyen que chaque entreprise développe considérablement
pendant ces années où les Français voient leur pouvoir d’achat augmenter considérablement.
8 R Fabren M-P Bonnet-Desplan, N Sermet, N Genty, Droit de la publicité et de la promotion des ventes, 3ème édition 2006. 9Ces images ont été reproduites à partir de buvards de l’époque, supports courants pour la publicité
des vins
15
La télévision, notamment, est un support qui permet d’effectuer des placements produits au
cœur de chaque foyer.
L’Etat, après avoir été distributeur d’alcool pour ses soldats, ayant même décidé de tripler la
dose quotidienne pendant la guerre de 1914-1918, fait le constat que l’alcoolisme en tant que
maladie, continue de faire des ravages en France. De plus l’alcool au volant devient de plus en
plus meurtrier et les campagnes de prévention contre les dangers de l’alcool au volant, se
multiplient, sur différents supports. « L’Etat a identifié le cinéma et la télévision comme des
supports possibles pour contrer un fléau social identifié »10
explique Dominique Hutin,
journaliste pour France Inter, animateur de la
chronique « On va déguster ». Les premiers films de
prévention contre l’alcoolise sont surtout apparus
dans les années 1960, avec l’apparition du slogan
« Les parents boivent, les enfants trinquent » et le
célèbre « un verre, ça va, trois, bonjour les dégâts »,
slogan commence à quantifier la consommation d’alcool et sera repris par les associations de
prévention, par la suite.
L’évolution de la législation française régissant la publicité des boissons alcoolisées connaît
une évolution majeure en 1987, avec pour origine du problème, cette discrimination entre les
différentes boissons alcoolisées. Cette différence, considérée non justifiée par les Anglais
entre les Cognacs et leurs whiskys, amena la Cour de Justice des Communautés Européennes
(CJCE) en 1980 à statuer pour rétablir l’équilibre11
.La CJCE considéra dans cet arrêt que la
classification des boissons alcoolisées prévue par la loi française était discriminatoire et
défavorisait les produits importés d’autres Etats vis-à-vis des produits nationaux, ce qui
10 Entretien avec Dominique Hutin, le 18 juillet 2012 11Arrêt de la CJCE du 10 juillet 1980
16
constitue en droit européen une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative,
absolument interdite12
.
La France, ne souhaitant pas intégrer ces dispositifs européens dans son droit national, adressa
alors une circulaire à tous les procureurs généraux leur expliquant d’appliquer tout de même
les articles L17 et L18 du code de débit de boisson. Cette décision engendra une
condamnation pour faute lourde de la part de la Cour de Cassation13
. C’est pourquoi la France
décida in fine de réformer son système de droit de publicité concernant les boissons
alcoolisées en 1987.
2. 1987 : évolution majeure du cadre
A la suite de la réforme menée par la France et de la création de la loi du 30 juillet 1987, aussi
communément appelée loi Barzach, révisant les articles L17 et L18 du code de débit de
boisson, le régime de publicité régissant les produits alcoolisés connait deux évolutions
majeures.
Premièrement, on abandonne désormais les distinctions entre les différents groupes de
boissons alcoolisées. Deuxièmement, cette réforme prohibe certains supports comme la
télévision, qui devient interdite en tant que support de publicité pour le vin et tous les produits
alcoolisés de plus de 1% volume d’alcool. Tous les journaux à destination de la jeunesse (de
façon large) ainsi que les lieux de pratiques sportives deviennent également des endroits où
aucune publicité en faveur des boissons contenant de l’alcool ne peut désormais avoir lieu.
Article L17 : Est interdite la diffusion de messages publicitaires en faveur de boissons
contenant plus de un degré d'alcool :
- par les organismes et services de télévision publics ou privés dont les émissions sont
diffusées par voie hertzienne terrestre ou par satellite ou distribuées par câbles ;
- dans les publications destinées à la jeunesse, définies au premier alinéa de l'article 1er de
la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse.
Est également interdite la publicité, sous quelque forme qu'elle se présente, en faveur des
boissons alcooliques sur les stades, terrains de sport publics ou privés, dans les lieux où sont
installées des piscines et dans les salles où se déroulent habituellement des manifestations
12 L’article 30 du Traité de Rome interdit la restriction quantitative 13 13 Jean-Marc Bahans et Michel Menjucq, Droit de la Vigne et du Vin, aspects juridiques du marché vitivinicole, 2ème édition, p. 419
17
sportives ainsi que dans tous les locaux occupés par des associations de jeunesse ou
d'éducation populaire.
Est interdite la publicité, sous quelque forme qu'elle se présente, en faveur des boissons dont
la fabrication et la vente sont prohibées.
On remarque d’une part que jusqu’en 1991, les supports autorisés commencent à être listés, et
que d’autre part, des restrictions quant au contenu du message publicitaire sont introduites, ne
devant évoquer « ni sport, travail, véhicules à moteurs, ou encore sexualité »14
.
Sous la pression des mouvements ayant un objectif de protection de la santé, une seconde
réforme voit le jour : la loi Evin du 10 janvier 1991, toujours en vigueur aujourd’hui bien
qu’ayant subi quelques modifications, et largement décriée par ses rétracteurs, depuis sa
naissance jusqu’à nos jours.
14 Jean-Marc Bahans et Michel Menjucq, Droit de la Vigne et du Vin, aspects juridiques du marché vitivinicole, 2ème édition, p. 419
18
Section 2 : Ecriture de la loi EVIN en 1991
La loi Evin, loi n°91-32 a été promulguée le 10 janvier 1991 et régit à la fois le système de
publicité de l’alcool et du tabac. Comme introduit précédemment, il s’agit ici de s’intéresser
uniquement à la publicité et promotion des boissons alcoolisés, et plus précisément, le vin,
objet de notre analyse. Cette loi a pour objectif de réglementer la publicité des « boissons
alcooliques ». Elle est toujours appliquée en France et est considérée en Europe comme un
des régimes les plus sévères, comparativement aux autres Etats Membres.
Cette loi entre en vigueur le 1er
janvier 1993. Elle est intégrée dans un premier temps dans les
articles L17 et L18 du Code de débit de boisson, puis transposée dans le Code de la Santé
Publique15
. Il s’agit donc aujourd’hui des articles L 3323-1 à 6 et R.3323-1 à 4 du Code de la
Santé Publique.
Le choix du terme « alcoolique » mérite qu’on s’y arrête. Ce mot a deux définitions dans la
langue française : « ce qui contient de l’alcool » et qui ce « qui se rapporte à l’alcoolisme »16
.
Le choix du mot est important, puisqu’on aurait pu imaginer l’adjectif « alcoolisé » à la place,
se référant uniquement à « un produit contenant de l’alcool, et qui consommé en trop grande
quantité peut entraîner une dépendance et une maladie : l’alcoolisme ».
L’objectif initial de cette loi est sanitaire, ceci est important pour la suite. La règle a été
imaginée dans un cadre de politique de santé publique visant à lutter contre les dépendances à
l’alcool, nuisibles individuellement et collectivement.
1. Objectif de la loi et supports autorisés
a. Objectif de création de la Loi Evin
Les objectifs de cette loi sont donc avant tout sanitaires. Le tabac et l’alcool ont été mis
ensemble afin de répondre à une volonté de politique publique. Dans plusieurs articles de
presse, les auteurs parlent d’une loi écrite par des médecins17
. Ce qui est revendiqué au début
des années 1990, c’est la nocivité de ces produits sur la santé. C’est pourquoi, une régulation
15 La partie législative de ces dispositions a été intégrée au Code de la Santé Publique, par l’ordonnance n°2000-548 du 15 juin 2000. 16 Définition du mot « alcoolique », in Grand Usuel Larousse, dictionnaire encyclopédique 17 Denis Saverot, Rédacteur en Chef de la RVF et JM Peyronnet, Directeur éditorial d’Edonys, et ancien Rédacteur en Chef de la Revue du Vin International
19
en matière de publicité, apparait comme nécessaire. A l’époque du début du développement
du principe de précaution, la loi Evin est née et définit ses objectifs.
b. Le principe dérogatoire
En ce qui concerne la publicité de l’alcool, la loi Evin a un principe particulier. Le principe est
celui du régime dérogatoire, précisant que le principe général est « le principe
d’interdiction », mais qu’à titre dérogatoire, certains supports et certains médias prévus
peuvent être utilisés.
C’est un principe assez particulier, en droit et en république démocratique. Si la liberté, en
général, consiste à agir dans un cadre donné sans transgression des interdits, ici, la liberté
pour l’utilisateur est de respecter uniquement ce qui est autorisé. Le principe fondamental des
libertés publiques édicté par l’article 5 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
de 1789 est donc inversé par la loi publicitaire. Selon la Déclaration de 1789, l’article 5
s’exprime ainsi : « la loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce
qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce
qu’elle n’ordonne pas »18
.
On comprend tout de suite que cette loi a des contraintes particulières et qu’elle a été
envisagée de façon stricte.
c. Principe de la liste positive
Contrairement au tabac dont toute publicité est interdite, la consommation d’alcool devient
nocive dès lors qu’elle intervient en quantité excessive. C’est pourquoi, dans le texte de 1993, il
a été voulu que soient listés les médias autorisés. Avec ce nouveau dispositif, c’est une
nouvelle ère de contrôle de la publicité du vin qui s’ouvre, puisqu’il a été choisi de fonctionner
sur le modèle de la liste positive, c'est-à-dire « établissant de manière exhaustive et limitative
les pratiques autorisées »19
18 DDH 1789, article 5 19 Jean-Marc Bahans et Michel Menjucq, Droit de la Vigne et du Vin, aspects juridiques du marché vitivinicole, 2ème édition, p. 417
20
L’article L 3323-2 du Code de la Santé Publique édicte :
« la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur de boissons alcooliques dont
la fabrication et la vente ne sont pas interdites sont autorisées exclusivement :
1° Dans la presse écrite à l’exclusion des publications destinées à la jeunesse, définies au
premier alinéa de l’article de la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications
destinées à la jeunesse.
2° Par voie de radiodiffusion sonore pour les catégories de radios et dans les tranches
horaires déterminées par décret en Conseil d’Etat.
Selon le Conseil d’Etat, les tranches horaires autorisées sont entre minuit et 7 heures le
mercredi, et entre minuit et 17 heures les autres jours.
3° Sous forme d’affiches et d’enseignes; sous forme d’affichettes et d’objets à l’intérieur
des lieux de vente à caractère spécialisé, dans des conditions définies par décret en conseil
d’Etat.
La Cour de Cassation a eu l’occasion de préciser que le niveau de licence obtenu, détermine le
type de boissons pour lesquels la publicité sous forme d’affichettes est autorisée. Pour un
évènement, si le niveau de licence obtenu est 2, il est alors interdit de faire de la publicité pour
Ricard par exemple, appartenant au groupe 420
.
4° Sous forme d’envoi par les producteurs, les fabricants, les négociants, les
concessionnaires ou les entrepositaires, de messages, de circulaires commerciales, de
catalogues et de brochures, dès lors que ces documents ne comportent que les mentions
prévues à l’article L.3323-4 et les conditions de vente qu’ils proposent… »
Seuls les supports mentionnés sont des supports de publicité autorisés. Ainsi tout support
médiatique, tel que le cinéma ou la télévision deviennent de facto interdits, puisqu’ils ne sont
pas cités.
Dans le dernier article, il est également question de restriction en termes de message.
L’article L 3323-4, « toute publicité en faveur de boissons alcooliques, à l’exception de
circulaires commerciales destinées aux personnes agissant à titre professionnel ou faisant
20 Arrêt de la Cour de Cassation du 19décembre 2006, affaire Ricard n°06-80 729
21
l’objet d’envois nominatifs ainsi que les affichettes, tarifs, menus ou objets à l’intérieur de
lieux de vente à caractère spécialisé, doit être assortie d’un message de caractère sanitaire
précisant que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé ».
Ce principe de liste positive, associé à la restriction du message, entrainera rapidement des
confusions d’interprétation pour les communicants, mais également pour les interprètes de la
règle. Cette ambigüité sera soulevée un peu plus loin dans le travail.
2. Définition du terme publicité et du contenu publicitaire permis
a. Définitions de publicité directe, et publicité indirecte/propagande
Par publicité directe, on entend toute « opération par laquelle les mérites d’un produit
alcoolisé sont mis en avant 21
». Cette définition semble transparente.
Par publicité indirecte et propagande, la définition est plus délicate. L’article 3323-3 nous
donne plus de précisions.
« Est considérée comme publicité indirecte ou propagande, toute propagande ou publicité en
faveur d’un organisme, d’un service, d’une activité, d’un produit ou d’un article autre qu’une
boisson alcoolique qui par son graphisme, sa présentation, l’utilisation d’une dénomination,
d’une marque, d’un emblème publicitaire ou de tout autre signe distinctif, rappelle une boisson
alcoolique ».
La « propagande » est un terme choisi très fort, par la négativité qu’il entraîne immédiatement.
Celle-ci se définit communément par «une action exercée sur l’opinion pour l’amener à avoir
et à appuyer certaines idées (religieuses, politiques, sociales, ...) par le moyen de nouvelles peu
sérieuses ou d’affirmations afin d’influencer l’opinion. »22
Ce terme est également synonyme
de « désinformation ». Il a été intéressant de voir qu’au cours des entretiens avec les
professionnels, ce mot a toujours été jugé comme choquant, trop proche du vocabulaire utilisé
pour désigner la désinformation en temps de régime autoritaire.
21 Définition de Jurispedia.org 2222 Définition du mot propagande dans le Petit Robert de Poche, dictionnaire d’apprentissage de la langue française, novembre 1993.
22
On verra que dans l’interprétation de cette loi, le choix du terme n’est pas sans conséquence,
puisque la publicité vise à l’incitation de consommer, par essence. Et qu’entre publicité, soit le
fait de donner envie de consommer, ou la propagande en tant que volonté de désinformer, deux
poids deux mesures peuvent être envisagés.
b. Contenu publicitaire permis
Sur les supports autorisés de publicité, précédemment cités, le contenu du message publicitaire
n’est pas libre, pour éviter toute « propagande », comme expliqué précédemment. En effet,
seules les mentions suivantes sont autorisées23
:
- L’indication du degré volumique d’alcool
- L’origine (géographique et historique)
- La dénomination et la composition du produit
- Le nom et l’adresse du fabricant, des agents et dépositaires
- Le mode d’élaboration
- Les modalités de vente et le mode de consommation du produit.
Concernant la publicité des boissons alcoolisées, d’autres critères sont désormais appliqués. Ils
ont été votés en 2005 et n’apparaissaient pas initialement.
- Sont acceptées des références relatives : aux terroirs de production, aux distinctions
obtenues et aux appellations d’origine ou aux indications géographiques protégées
- Elle peut également comporter des références objectives relatives à la couleur et aux
caractéristiques olfactives ou gustatives du produit
Ces deux dernières mentions sont apparues lors de la modification du 23 février 2005 (détaillé
ci-dessous)
- Doit figurer obligatoirement un conseil de modération, indiquant que l’abus d’alcool est
dangereux pour la santé, à l’exception des circulaires commerciales destinés aux
professionnels, et des affichettes et objets à l’intérieur des lieux de vente spécialisés qui
en sont dispensés
23 Article L3323-4 du Code de la santé Publique, modifié par la loi n° 2005-157 du 23 février 2005
23
Le conditionnement du produit ne peut être conforme au droit français que s’il respecte
exactement les mêmes conditions que celles citées précédemment.
3. Une interprétation traditionnellement stricte
La jurisprudence a toujours interprété cette partie de la loi dans sa vision la plus stricte. La
publicité doit s’en tenir aux mentions précitées et ne jamais rien dévoiler d’autre. Les cas de
jurisprudence sont nombreux, il sera impossible malheureusement de tous les citer. Deux
premiers exemples ont été choisis comme exemples afin d’illustrer le propos. Concernant le
contenu du message publicitaire et de l’interprétation, les spiritueux, vins et bières doivent
suivre la même règle. C’est pourquoi les exemples choisis concernent des marques de bière et
une marque de spiritueux. Ces cas sont intervenus avant 2005, qui, comme nous le verrons ci-
dessous a été une date importante dans l’interprétation de la loi par les communicants et les
juridictions.
a. Affaire Chivas
En 1995, la Cour de Cassation statue sur une photo publicitaire montrant une bouteille de
Chivas entouré par des livres anciens et des lunettes d’un style du début du 20ème
siècle. Le
fait que la bouteille ait été mise en scène afin de rappeler que le whisky subissait un élevage
long en fût avant sa commercialisation a donné l’occasion à la Cour de rappeler le cadre
législatif strict, ne permettant pas ce genre de raccourcis. Dans sa décision, la Cour de
Cassation s’exprime en ces termes :
« Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Mumm et Cie, importateur, et la société DDB
Needham Worldwide communication, agent de publicité, ayant fait publier dans une revue
une double page de publicité en faveur du whisky de marque Chivas Régal, l'Association
nationale de prévention de l'alcoolisme (ANPA) les a assignées en dommages-intérêts pour
publicité illicite ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt énonce, que l'exigence d'un fond neutre ayant
été écartée par le législateur il ne saurait être reproché aux auteurs de cette publicité d'avoir
insisté sur l'ancienneté du produit en le présentant sur un meuble, au côté de livres anciens
sur lesquels sont posées des lunettes de forme désuète et en l'accompagnant d'un slogan
24
soulignant la valeur de l'héritage du passé et que l'ensemble de ces illustrations fait référence
aux indications autorisées par la loi ;
Qu'en statuant ainsi, tout en relevant, par motifs adoptés, que l'illustration représentait le
conditionnement d'une bouteille de Chivas Régal et à côté de celui-ci deux livres aux reliures
anciennes sur lesquels est posée une paire de lunettes rondes, cerclées d'une monture
métallique, un ruban défait et une enveloppe ouverte, et qu'elle était accompagnée du slogan
" le présent n'est rien sans l'héritage du passé ", alors que ces éléments ne se rapportent pas
aux seules mentions autorisées par la loi »24
L’interprétation est claire : seul un fond neutre est acceptable, aucune mise en scène n’est
permise.
b. Affaire Kronembourg
Dans cette affaire25, la compagnie de bières
Kronembourg avait initié une campagne de
publicité distribuée par Sud de France. Deux
images étaient disponibles avec les logos
suivants : trois jeunes hommes portant des
chapeaux de paille et avec un torchon sur
l’épaule, accompagné du slogan suivant : « aux copains qui frisent l’insolation », et la photo
ci-dessus. La Cour d’Appel de Paris avait autorisé la campagne publicitaire.
La Cour de Cassation n’est pas de cet avis, puisqu’elle s’exprime ainsi : « aux copines qui ont
de la conversation” qui accompagnent les illustrations précédées de l’indication -
distribution de Kronenbourg fraîche - constituent l’expression écrite désignant les noms réels
des dépositaires, à savoir le nom de deux débits de boissons où la bière à la pression peut
être consommée et comme telle, conforme aux dispositions de l’article L. 18 susvisé, la
présence des guillemets signalant l’enseigne des établissements ; qu’en assimilant ces
mentions à un slogan publicitaire étranger à la désignation du nom des dépositaires du
produit concerné, les juges d’appel ont faussement appliqué les dispositions de l’article
susvisé (rappel de l’article L18 de la loi Evin) ».
24 Arrêt de la Cour de Cassation du 28 juin 1995. Intégralité de l’arrêt disponible en annexe. 25Arrêt de la Cour de Cassation du 23 mars 1999 n°98 81967
25
Ainsi la Cour de Cassation considère que ces messages publicitaires n’avaient aucun lien avec
les modes de consommations ou de vente du produit et que ces informations devenaient alors
illégales.
Ces deux exemples ont été choisis de façon aléatoire, ils n’ont aucune prétention à dresser une
liste exhaustive de la jurisprudence avant 2005. Ils montrent simplement que la Cour de
cassation donne une vision particulièrement stricte de la loi Evin. Ils nous permettent
également de comprendre que dès le départ, les interprétations peuvent être différentes selon
les degrés d’instances des juridictions en charge des affaires.
26
Section 3 : Une évolution par ajouts successifs
Il n’y a jamais eu de refonte complète de la loi Evin ; Néanmoins, 2005 et 2009 sont des dates
pivots puisqu’elles apportent des changements partiels dans l’application et l’interprétation de
la règle.
1. Légères modifications avant 2005
Dans la loi Evin initiale, la publicité par affiches et enseignes dans les zones de production
devait être autorisée sous conditions qui seraient ensuite déterminées par décret. Le décret en
question n’ayant jamais vu le jour, le tribunal de Grande Instance de Paris avait décrété qu’il
interdisait donc la publicité par voie d’affichage des boissons alcoolisées. La loi du 8 août
1994 autorise de manière générale la publicité sur les affiches et les enseignes de façon
générale26
. Cette disposition a eu un effet bénéfique sur les initiatives œnotouristiques,
permettant d’inciter le consommateur de se rendre dans le vignoble afin de se rendre compte
des zones de production par lui-même et d’être informé des possibilités de commerce grâce à
des affiches créées pour lui.
En 1998, par la loi du 2 juillet 1998, la publicité pour le vin et autres produits alcoolisés est
autorisée à l’occasion de visites touristiques des lieux de fabrication. Ceci permet de
développer d’ouverture des domaines, ceci dans la dynamique d’oenotourisme naissante au
début des années 2000.
2. La loi du 23 février 2005 : Modification substantielle de la loi EVIN
a. Le contexte de cette modification
Dans les années 2000, avec l’application stricte de la jurisprudence et les attaques
systématiques des nouvelles campagnes mises en place par les organisations professionnelles
des filières vitivinicoles, filières de brasseurs et de spiritueux, un débat fait rage dans les
hémicycles. Il est vrai que les campagnes des interprofessions sont systématiquement
attaquées par l’ANPAA et la filière commence à exercer des actions de lobbying auprès des
institutionnels afin d’ouvrir les règles de publicité, en rappelant le poids économique qu’elle
26 Loi n°94-679 du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier
27
représente. En 2005, la filière dégage plus de 6 milliards d’euros de bénéfice à l’export. Cette
époque est également celle d’une concurrence accrue face à l’apparition du marché des vins
du nouveau monde, qui commence à être présente en France, tandis que la consommation de
vin baisse. Cette diminution s’explique évidemment par différentes évolutions des pratiques
alimentaires, sociales et culturelles, ainsi que par le durcissement des contrôles routiers et des
campagnes de prévention de la nuisibilité de l’alcool au volant27
. Nous développerons ce
point dans la deuxième partie du travail.
Ainsi, plusieurs projets de loi sont déposés à l’Assemblée Nationale28
et devant le Sénat29
courant de l’année 2004. La principale volonté était de distinguer les produits «faiblement
alcoolisés » comme le vin et la bière, et les « alcools durs » désignant les spiritueux.
Concernant la première catégorie de produits, une libéralisation en matière de spiritueux était
souhaitée permettant une communication sur les aspectas culturels, sociaux, alimentaires,
hygiéniques et environnementaux, révélateurs d’une connexion entre un producteur, un terroir
et un produit.
De plus, il était envisagé dans ces projets de distinguer la publicité des marques et les
initiatives de communication collective menées notamment par les interprofessions. Il est clair
que les enjeux de communication collective et communication par marque, n’ont les mêmes
enjeux ni en matière de budget et de mise en place de campagnes, ni en matière de
conséquences dans l’effet que les campagnes vont créer chez le consommateur. Ainsi naît la
loi du 23 février 200530
, adoptée par le Sénat dans le cadre du projet sur le « développement
des territoires ruraux » qui ajoute une modification significative à la loi Evin.
b. L’article 21
L’article 21 de cette nouvelle loi est essentiel puisqu’il vient remplacer une partie de l’article
L3323-4 du Code de la santé Publique (cité ci-dessus).
Il prévoit que « la publicité peut comporter des références relatives aux terroirs de
production, aux distinctions obtenues, aux appellations d’origine telle que définies dans les
conventions et traités internationaux régulièrement ratifiés. Elle peut également comporter
27 JM Braans, M Luby, M Menjucq, Publicité des Vins : les voies d’une libéralisation nécessaire, p.1290 28 Projet déposé devant l’Assemblée Nationale le 24 février 2004 29 Projet n° 218 du 12 février 2004 déposé devant le Sénat, enregistré le 18 février 2004 30 Loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux. L. n° 2005-157 publiée au JO le 24 février 2005
28
des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et
gustatives du produit. »
Finalement, cela semble être un texte de compromis entre différentes positions puisque le texte
adopté en première lecture au sénat prévoyait une situation encore plus large : la publicité
pouvait, selon lui, « comporter des références et des représentations relatives aux
caractéristiques sensorielles et organoleptiques du produit »31
. Mais le texte adopté par les
deux chambres reprend finalement une vision plus restrictive, montrant certainement des débats
houleux entre les deux positions les plus extrêmes. Par ailleurs, le législateur n’a pas choisi de
distinguer le secteur du vin et le secteur des spiritueux en matière de droit de la publicité, dans
son texte final.
c. L’autorisation de la communication collective
En 2004, l’affaire des vins de Bourgogne avait soulevé un problème dans cette loi : aucune
distinction n’était faite entre la communication collective de produits issus d’une même
appellation et des marques individuelles.
La campagne « Révélations », menées par le Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne
(BIVB) a été condamnée en 2004 par le Tribunal de Grande Instance de Paris, qui a jugée cette
campagne illicite puisque représentant les vins de Bourgogne par une silhouette féminine. Cette
campagne était destinée à durer jusqu’en 2006 et à montrer au public « à travers un langage
évocateur et des visuels féminins qui suggèrent toute leur finesse », que « les vins de
Bourgogne révèlent un univers riche fait d’élégance, de légèreté
et de modernité »32
. En dehors de l’interdiction du contenu de la
campagne, le BIVB a avait insisté sur le vide juridique qui
existait en matière de communication collective : « en l’état, la
loi Evin est rédigée pour ne s’appliquer qu’à la communication
d’un produit et non d’un ensemble de produits ». Bertrand
Devillard, secrétaire général du BIVB à l’époque, était même
allé plus loin : « il est désormais extrêmement difficile de
communiquer directement ou indirectement sur la qualité des
produits de la viticulture bourguignonne, alors que nos vins
31 Projet n° 218 du 12 février 2004 déposé devant le Sénat, enregistré le 18 février 2004 32 Communiqué de presse du BIVB disponible en annexe
29
souffrent d’une méconnaissance forte de la part des consommateurs français, et que nous
avons largement investi pour renforcer leur qualité. »
Le but de cette campagne, avec un message de modération devait « soutenir une consommation
raffinée, éclairée et responsable ».
Depuis 2005, il est désormais possible de citer les appellations d’origine et les produits sous IG
(indication géographique). La communication collective prend alors davantage de la légitimité.
Elle devient un moyen légal de faire de la publicité pour des produits issus d’une même zone de
production ou d’une même région, du moment qu’ils son structurés communément, tout en
ayant à cœur de respecter le cadre législatif de la loi Evin. Pourtant nous verrons également que
les campagnes de promotion collective n’ont pas toujours été autorisées par les juges français.
d. Une introduction de subjectivité dans la publicité des vins ?
Concernant les « références objectives »… Puisque nous parlons de vin, produit par essence
emprunt de subjectivité dans son analyse et dans sa dégustation, il semble intéressant de
s’arrêter un instant sur ce terme. Par objectivité, le législateur entend ici des références claires
liées à la couleur, à l’odeur et au goût du produit. Mais peut-on vraiment être objectif dans la
description de vins ?
En posant la question à différents dégustateurs professionnels du vin, voici les ressentis obtenus
quant à la possibilité d’être objectif dans les caractéristiques olfactives et organoleptiques d’un
produit. Aucune personne interrogée n’est annonceur, afin qu’il n’y ait pas de mauvaise foi
dans les réponses.
Selon Karine Valentin, journaliste dégustatrice pour Cuisine et Vins de France, être objectif
dans une dégustation de vin, et dans sa description, est impossible : « Le vin, c'est autre chose,
bien au delà d'une référence objective. Au contraire, toute dégustation est subjective, la
preuve c'est qu’elle nous ramène chaque fois à des souvenirs, à du vécu. C’est comme si on
disait d’un tableau, qu’il s’agit de couleurs sur une toile ! ».
Selon Charlotte Minnone, chargé de communication et marketing pour une entreprise
distributrice de vins méditerranéens, l’objectivité doit être mieux définie : « Que signifie
l’objectivité ? Doit-on fonctionner en association d’idées, à partir d’objets tels qu’une rose,
qui pourrait nous suggérer la sensualité, qui elle-même pourrait évoquer une forme
d’excès ? ». La question de la définition de l’objectivité est délicate, quand il s’agit d’un
produit faisant appel à notre perception sensorielle.
30
Selon Antonin Iommi, journaliste pour rue 89, et fondateur du site Vindicateur, cette notion de
subjectivité lui inspire cette réflexion : « Ceux qui écrivent les lois et amendements relatifs au
vin tentent, en vain, d'objectiver une substance profondément instable, changeante, contextuelle
- en un mot, subjective. La loi Evin parle d'un vin imaginaire, figé. »33
.
Malgré le scepticisme entretenu devant cette possible objectivité, ce nouvel article ouvre de
nouvelles possibilités. Il reste que par ces « références objectives », on introduit davantage de
subjectivité dans la possibilité de réaliser une publicité pour des vins. Attention, ce cadre élargi
n’en est pas moins restrictif. Même si il est possible de faire référence à des caractéristiques
organoleptiques et donc sensorielles du produit, les références doivent rester centrées sur le
produit, et ne pas introduire d’éléments exogènes. Deux exemples de jurisprudence permettent
de montrer cette nouvelle application de la loi.
e. Un exemple de jurisprudence post 2005 : l’affaire Moët et Chandon
L’ANPAA avait attaqué une affiche illustrée par une bouteille de champagne rosé brut
impérial, entouré de pétales de roses, avec le message publicitaire suivant : « la nuit est rose ».
La Cour d’Appel de Paris fait preuve de nouveauté dans son interprétation, puisque les juges
d’appel considèrent que les pétales de rose et leur mise en scène de façon éparpillée restait dans
la description des références olfactives du produit champagne rosé développant des notes
florales au nez, et dans la description des références gustatives puisqu’un champagne est
effervescent.
En revanche, la Cour estime que le message publicitaire est hors propos et ne tient pas dans le
cadre de la loi Evin, puisque « la nuit est rose » crée une association d’idées proche de « voir la
vie en rose ». De plus, puisque nous ne consommons pas ce champagne exclusivement la nuit,
le choix du message sort des indications de consommation du produit.
Encore une fois, dans le contenu, les cours n’ont pas émis le même avis, entre le TGI, la Cour
d’Appel et la Cour de Cassation, souvent la plus sévère dans les jugements rendus.
33 Entretien avec Antonin Iommi le 29 juillet 2012
31
3. La réforme du 21 juillet 2009 : ouverture à la publicité en ligne
a. Mise en contexte
Cette réforme change réellement la publicité et la communication en ligne. Il s’agit de l’article
97 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009. Avant cette loi, la jurisprudence avait toujours
interdit Internet comme support de publicité, puisque les sites internet n’apparaissant pas dans
la liste positive des supports autorisés.
Depuis 2008, un groupe de travail a été constitué comprenant en son sein des représentants du
Ministère de la Santé, des membres de l’ANPAA, des membres de V&S, des spécialistes
d’internet et des sites de ventes en ligne, ceci à la suite d’une rencontre avec Nicolas Sarkozy,
sur le sujet de la publicité du vin sur internet. Malgré un consensus difficile à atteindre, un
amendement est déposé à travers Jacques Domergue, député à l’Assemblée, qui sera adopté
dans la loi Bachelot, dans le cadre du projet loi Hôpital. Cet amendement permet à la publicité
pour les boissons alcoolisées d’être autorisée sur les « services de communication en ligne, à
l’exclusion de ceux, qui par leur caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent
comme principalement destinés à la jeunesse, ainsi que ceux édités par des associations,
sociétés et fédérations sportives ou des ligues professionnelles au sens du code du sport, sous
réserve que la propagande ou la publicité ne soit ni intrusive, ni interstitielle».
b. Une publicité toujours très encadrée
Cette publicité en ligne est néanmoins très encadrée, puisque l’article L 3323-2-9, intégré
dans le code de la Sante Publique dispose finalement :
l’article L 3323-2-9: « sur les services de communications en ligne à l’exclusion de ceux, qui
par leur caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent comme principalement
destinés à la jeunesse ainsi que ceux édités par des associations, société et fédérations
sportives ou des ligues professionnelles au sens du Code du Sport, et sous réserve que la
propagande ou la publicité ne soit ni intrusive ni interstitielle »
32
Par intrusive ou interstitielle, on entend les pop up et toute fenêtre publicitaire apparaissant
sur l’écran sans que l’internaute ne l’ait souhaité.
Nous verrons plus en détail la possibilité de communiquer sur Internet dans la deuxième
partie, et observerons que cette nouvelle façon de communiquer peut poser des problèmes
d’interprétation. Comme le rappelle Vin&Société, l’association représentant l’ensemble de la
filière, la définition de la publicité reste assez ambigüe. Par défaut, il est de coutume de
prendre la définition restrictive de la Cour de Cassation en 2004 : « on entend par publicité
illicite au sens des articles L 3323-2, L3323-3 et L 3351-7 du Code de santé publique, tout
acte en faveur d’un organisme, d’un service, d’une activité, d’un produit ou d’un article ayant
pour effet, quelle qu’en soit la finalité, de rappeler une boisson alcoolique sans satisfaire aux
exigences de l’article L 3323-4 du même code. »
Nous verrons également dans un deuxième temps, qu’Internet peut encore être une zone grise
de positionnement pour le vin, notamment par les sites d’information, et les blogs, terrain de
liberté pour promouvoir le vin et diffuser l’information mondialement, sans aucun achat
d’espace.
Ainsi, dans cette première étape de l’exposé, il a été montré le champ d’application détaillé de
la loi dite Evin, ce qu’il est possible de faire ou de ne pas faire selon la règle. Il a aussi été
introduit les ambigüités que ce texte pouvait entraîner dans l’application concrète de la loi.
Ces ambigüités résident essentiellement dans les différentes définitions datant de 1991,
notamment à travers le terme publicité, qui semble inséparable de l’incitation, par nature. Le
principe de liste exclusive, ou chaque aspect non listé devient de facto interdit est également
une règle juridique peu étendue et étonnante. La jurisprudence a amené les acteurs à affiner
leur compréhension de la règle, mais il semble également que certaines incohérences
d’interprétation aient eu lieu dans le passé. Nous verrons par la suite que d’autres acteurs ont
pu être attaqués, tels que des journalistes, ne travaillant pourtant pas en tant que publicitaires.
Mais puisque toute forme de propagande directe ou indirecte est interdite, la jurisprudence a
pu parfois devenir très extensive. De plus, puisque cette règle est française, mais que la
communication ou les médias deviennent de plus en plus internationalisés, nous nous
interrogerons sur le caractère dangereux de cette interprétation et ses conséquences.
33
Chapitre 2 : Une interprétation parfois extensive
de la notion de publicité : acteurs identifiés et
analyse comparée
Les termes sont définis, le cadre et les principales lignes d’interprétation posés. Interrogeons
nous maintenant sur les différentes définitions que la loi Evin entretient avec la publicité ou la
promotion et l’information. Lorsqu’on voit que des journaux périodiques tels que le Parisien
Libéré ont été condamnés pour avoir réalisé des dossiers sur des vignobles, informations
destinées à leurs lecteurs, on peut s’interroger sur la dimension extensive de l’interprétation
de la loi Evin. Par le simple fait de parler du vin, doit-on comprendre publicité détournée ou
« propagande » ? En reprenant la définition de « propagande » édictée par la loi, on voit bien
que la jurisprudence française a élargi la définition de la publicité puisqu’elle la considère
parfois comme « tout moyen d’information destiné à permettre au client potentiel de se faire
une opinion sur les caractéristiques des biens ou des services qui leur sont proposés »34
. Il est
nécessaire de faire une distinction entre campagne de publicité et article de presse informatif,
qui ne sont pas les mêmes sources d’information et qui n’appartiennent pas au même cadre
réglementaire.
Section 1 : Avec une jurisprudence extensive, le juge peut-il
devenir législateur ?
Dans une législation particulièrement restrictive, les annonceurs s’entourent désormais de
juristes spécialisés, afin d’être parfaitement conformes à la loi. Pourtant selon le témoignage
de Dominique Hutin, en partenariat avec Vin et Société, ces précautions ne suffisent pas,
puisque l’interprétation devient imprévisible35
. « Chaque mot est vérifié par un professionnel
du droit, ce qui retire pas mal de spontanéité », plaisante-t-il, « malgré cela, personne n’est
jamais sûr qu’il ne sera pas attaqué et condamné 36
».
Observons quelque interprétations, afin d’illustrer ses propos.
34 Cass crim, 14 octobre 1998 : JCP E 1999, 462, note Ph Conte. 35 Entretien avec Dominique Hutin, journaliste France Inter
34
1. Le cas de Val de Loire, le flou d’interprétation persiste entre les
différentes instances
Cette affaire est intéressante dans l’exposé, puisqu’elle concerne une campagne de
communication collective menée par l’interprofession des vins du Val de Loire, à propos de
leur vin rosé. Ainsi, aucune marque n’est mise en avant, il s’agit ici de la promotion du
Cabernet d’Anjou, de façon générale, puisque représentatif de tous les cabernets d’Anjou
produits par les producteurs d’une même appellation.
a. Le visuel
Cette publicité était diffusée par la presse et par voie d’affichage, médias autorisés par la loi
Evin.
Le message publicitaire « Cabernet d’Anjou : qui ose dire que jeunesse ne rime pas avec
délicatesse ? » était associé à un autre message « Cabernet d’Anjou AOC, voilà des jeunes qui
n’ont pas peur d’exprimer leur délicatesse. Grâce à leur terroir, ils font apprécier dès leur plus
jeune âge et sans complexe, la finesse de leur bouquet et leur fraîcheur aromatique ». Un
conseil de modération apparait en bas de l’affiche.
b. La condamnation
Attaqué par l’ANPAA, cette publicité a d’abord été interdite par le Tribunal de Paris en juillet
2006, jugeant que les deux verres proches de trinquer montraient une convivialité dans la
boisson, et que le message était trop ambigu37
.
La Cour d’Appel de Paris ne s’est pas prononcé de la même manière. Les juges d’appel
estiment que la publicité ne « contient aucune mise en scène extérieure au produit, la
représentation du vin ne pouvant se faire autrement qu’au travers d’une bouteille ou de verres
remplis, et que les couleurs choisies en rapport avec celles du vin n’impliquent pas de prime
abord de référence à la convivialité »38
. De plus la Cour estime que le message publicitaire fait
référence explicitement aux caractéristiques organoleptiques et de fabrication du produit. Cette
interprétation montrait une nouvelle possibilité de communiquer sur le vin, tout en restant dans
le cadre autorisé.
37 Arrêt du TGI de Paris du 10 juillet 2006 n° 06/55837 38 Arrêt de la Cour d’Appel du 23 février 2007 n°06/13555
35
Malheureusement, ce n’a pas été l’avis de la Cour de Cassation, qui a considéré que « le
message de la publicité litigieuse ne se bornait pas en la reprise de caractéristiques objectives
et techniques du produit, mais renvoyait sans ambigüité au comportement humain selon une
technique de manipulation des affects et constituait une incitation à la consommation de cette
boisson alcoolique »39
.
Cette interprétation montre bien toute l’ambiguïté d’une forme de « libéralisation » de la loi
Evin, espérée par la filière après 2005, comme nous l’avons plus haut. Le créateur publicitaire,
dans le cas d’une création de publicité sur le vin, prévoit difficilement les avis des juges en cas
de litige. Les interprétations changent également selon le degré d’instance, ce qui rend encore
plus imprévisible les jugements finaux. C’est pourquoi les annonceurs travaillent toujours de
concert avec les juristes. Dominique Hutin, lors d’un entretien40
, confiait que le programme
« Repas Divins », de Vin&Société, constitué de vidéos libres de droit sur internet et reprises par
les chaînes télévisées en septembre 2012, ont été entièrement réalisées avec une avocate, afin
que chaque mot puisse être conforme à la loi, mais surtout qu’il puisse être projeté selon
d’éventuelles possibilités d’interprétations par une cour.
2. La jurisprudence extensive peut elle devenir dangereuse ?
Lorsque le législateur interdit la publicité indirecte, il définit ce concept comme « toute
propagande ou publicité en faveur d’un organisme, d’un service, d’une activité, d’un produit
ou d’un article autre que la boisson alcoolique, qui par son graphisme, sa présentation,
l’utilisation d’une dénomination, d’une marque d’un emblème publicitaire ou d’une autre
signe distinctif, rappelle une boisson alcoolique ». Cette définition permettait d’interdire aux
annonceurs de détourner les principes de la loi en faisant de la publicité sur d’autres supports
tels que briquets, tee-shirts, etc. Dans l’interprétation de cette publicité indirecte, on voit
qu’elle est appliquée bien plus largement, et de façon étonnante.
a. L’affaire du Parisien
Lorsque Le Parisien est attaqué par l’ANPA puis condamnés par le TGI en janvier 2008, pour
une série d’articles sur le champagne au moment des fêtes de 2005, toute la filière crie au
scandale. L’action d’écrire et de publier de l’information sur ces vins de Champagne, a été
39 Arrêt de la Cour de Cassation du 22 mai 2008 40 Entretien avec le journaliste de France Inter, op cit
36
assimilé à de la publicité aux yeux des juges : « l’action de promouvoir la consommation de
vins, en général, et pas seulement au profit de marques particulières, en exerçant sur le
public une influence, une action psychologique de nature à créer en lui des besoins ou des
désirs »41
.
Puisqu’on parle d’interdiction de la « propagande », cela doit fonctionner dans les deux sens.
De nombreux journalistes ont protesté contre cette décision et ont montré leur solidarité
envers leurs confrères du Parisien. Thibault Leclerc, le directeur de l’Amateur, s’insurge en
publiant immédiatement: « Tout article paraissant dans notre journal fait généralement la
promotion « d’une boisson alcoolique » et exerce « sur le lecteur une action psychologique de
nature à l'inciter à la consommation » puisque l’objet même d’un journal d’amateurs de vin
est d’assurer la promotion des meilleurs de nos vins, en décrivant leurs qualités et celles de
ceux qui les font ». Il exprime son désaccord vis-à-vis du litige et de la condamnation que le
quotidien a subi. Pour lui aucun texte rédactionnel n’est listé par la loi Evin, et de plus les
publicités avec achat d’espace sont même autorisées. Il s’exprime en ces termes : « Pour
autant, il est hors de question que nous fassions mention du message sanitaire que semble
requérir le tribunal de grande instance de Paris, pour la simple et bonne raison que nous
n’assurons pas la promotion de marques ou de producteurs, mais celle des grands vins
français et du monde entier, ainsi que de l’art de vivre à la française.
Nous assurons notre confrère Le Parisien de notre entière solidarité et réfléchissons, en
coordination étroite avec l’Association de la Presse du vin (APV) et nos confrères spécialisés
à la nécessaire riposte que nous nous devons d’assurer face au lobby prohibitionniste. »42
L’Amateur a été créé en 1981 par Georges Bardawil, initialement appelé l’amateur de
Bordeaux, il a rejoint le groupe du bottin gourmand en 2000.
Jean-Marc Peyronnet, autre journaliste de renom dans la profession, s’exprime sur cette
condamnation du Parisien de janvier 2008 : « Etre condamné à verser 5000 euros de
dommages et intérêts à l’ANPA, après avoir écrit un dossier sur le champagne à la veille des
fêtes de Noël, relève du non sens le plus complet. Que cette association prohibitionniste,
n’ayant comme seul but de jouer les shérifs de l’hygiénisme attaque, on s’y attend. Mais que
les juges condamnent le principe de liberté d’expression en prêtant une oreille complaisante à
ce lobby subventionné, c’est une honte. Il s’agit d’une interprétation abusive et fantaisiste. Un
41 Arrêt du Tribunal de Grande Instance du 27 juin 2007 ANPA vs les Echos et arrêt du TGI du 20 décembre 2007 ANPAA vs Le Parisien 42 Communiqué de presse du Paris, 15 janvier 2008, disponible sur leur blog gourmand : http://gourmand.blogs.com/le_blog_gourmand/2008/01/lamateurthe-win.html
37
journaliste a le droit de dire ce qu’il veut, dans une limite de respect de la moralité. Décider
de parler des vins de Champagne avant Noël n’est pas un appel au meurtre ou à la haine
raciale à ce que je sache ! »43
Cette définition d’un reportage de presse est très discutable, puisqu’elle revient à dire que le
seul fait de montrer un verre de vin, ou de parler de viticulture, correspond à une incitation à
boire. Faut-il alors interdire toute évocation du vin, dans un film de cinéma, tout livre de
littérature, ou même dans les journaux car il pourrait créer un désir de consommation pour
ceux qui les regardent ? Doit-on au même titre interdire et censurer tous les auteurs français
contemporains, ou plus vieux, ayant décidé de parler du vin en termes positifs ? Ou introduire
un message sanitaire de modération, à chaque fois qu’un personnage de film sert du vin à
l’écran ?
Pourtant selon les définitions européennes, lorsqu’il n’y a pas d’achat d’espace, on ne peut
pas parler de publicité44
. On parle de publicité, en tant qu’opération commerciale, lorsque
l’annonceur paie l’organe de presse pour qu’il la diffuse. Un journaliste n’est en aucun cas un
annonceur, et puisque nous sommes en démocratie, il doit rester libre de ses paroles. Il s’agit
là de la liberté d’information définie aussi bien en France, que dans la convention européenne
des droits de l’homme.
On ne peut pas nier qu’en démocratie française, le juge ne peut pas devenir législateur et
réécrire la loi. Il semble ici, qu’il y ait un point fondamental d’interprétation extensive
dangereuse de la loi Evin. Que le contenu rédactionnel d’un journal puisse être condamné
pose problème, et il semble anormal que les juges aient décidé de le faire. Lorsqu’un
magazine spécialisé vin décide de faire un dossier sur une région, ou de parler de vin, il doit
rester possible de pouvoir citer les noms de domaine, par respect pour celui qui élabore le
produit, et par souci d’exhaustivité de l’information auprès de ses lecteurs.
b. Le problème de territorialité de la loi
Puisque toute opération de parrainage est interdite45
, il a été très vite question de la
territorialité de la loi Evin, notamment à travers les parrainages sportifs. Par essence, la loi
43 Entretiens avec l’auteur en juillet 2012 44 Analyse des directives européennes n°84/450/CEE du 10 septembre 1984 et directive n°89/552/CEE du 3 octobre 1989, par JM BAHANS in Droit de la vigne et du vin, cité précédemment 45 Article L 3323-2 du Code de la Santé publique interdisant expressément le parrainage ayant pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité directe ou indirecte en faveur des boissons alcoolisées.
38
française est limitée à son territoire français. Mais avec l’existence de nombreux évènements
sportifs se déroulant sur le sol français, et l’émission de magazines édités à l’étranger, ou la
réception d’images de chaînes étrangères grâce au câble et au satellite, la question s’est vite
posée. Ainsi, la bière, le vin ou les spiritueux ne peuvent officiellement pas faire de publicité
lors d’évènements sportifs. Mais lorsqu’un évènement engageant une équipe sportive
française se déroule à l’étranger, il est fréquent que des marques de boissons alcoolisées
achètent des panneaux publicitaires afin d’augmenter leur visibilité. Lorsque ces évènements
sont retransmis en France, par le biais notamment de chaînes câblées, que faire de ces
publicités ?
Dans la directive européenne « Télévisions Sans Frontières »46
, la question n’est pas réglée
puisque cette règle est plus souple que la règle française.
Au départ, la retransmission en France de ces évènements sportifs, sponsorisés par des
marques entrainait systématiquement des amendes pour les annonceurs (à chaque fois que le
plan montrait la marque). Mais parfois, les annonceurs refusant de payer, les émissions ne
pouvaient être retransmises car il était impossible techniquement de couper tous les plans
litigieux. En 1995, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel a ainsi statué en faveur d’un « code
de bonne conduite » pour les annonceurs. Ce code de bonne conduite a été réalisé avec le
ministère de la jeunesse et des sports. Deux cas sont distingués : dans le cas de manifestations
multinationales n’ayant pas forcément pour cible le public français, les panneaux publicitaires
peuvent être retransmis, puisque les chaînes qui rediffusent ne maitrisent pas les prises de
vues. Dans le cas de retransmission de manifestations binationales se déroulant à l’étranger,
mais visant plus spécifiquement les Français, « le diffuseur peut les retransmettre, mais dans
ce cas, il faut, au préalable, qu’il se soit renseigné sur les annonceurs susceptibles de figurer
dans l’enceinte sportive et qu’il ait informé ses partenaires étrangers du contenu de la
législation française. Il faut ensuit qu’il démontre avoir mis en œuvre tous les moyens
techniques disponibles de manière à éviter une mise en évidence télévisée des panneaux
publicitaires en faveur des boissons alcoolisés »47
.
La Cour de Cassation a interdit cette publicité indirecte48
, ce code de bonne conduite n’a
jamais été appliqué. La décision est critiquable puisque, même si la France peut interdire toute
forme de publicité directe ou indirecte sur son territoire, elle peut difficilement imposer sa
46 Directive n° 89/552 du 3 octobre 1989 47 Analyse de JM Braans, M Luby, M Menjucq, Publicité des Vins : les voies d’une libéralisation nécessaire 48 Arrêt de la Cour de Cassation du 5 avril 2005, après arrêt de la CJCE n’entérinant pas la décision du CSA
39
règle à des opérateurs étrangers. De plus, avec les retransmissions multiples par internet, et à
partir de l’ensemble des pays du monde, cette règle devient impossible à respecter.
On pourrait imaginer que les annonceurs soient tentés de préférer payer les amendes et choisir
d’afficher leurs marques sur les écrans, même si ces amendes peuvent être égales à 50 % du
budget de l’opération illicite, mais la marque peut également être interdite de vente pendant
une durée de 1 à 5 ans, en cas de récidive.
Nous avons pu constater les excès que cette loi peut entrainer dans une interprétation
extensive, dépassant normalement la compétence des juges en droit français. De quoi
décontenancer davantage dans l’interprétation de la règle ! Que peut-on faire ou ne pas faire
puisqu’il est possible de se faire sanctionner dans des procédés normalement autorisés ?
La règle juridique émane d’hommes politiques, elle est ensuite interprétée par des juges, celle-
ci reste humaine. Ce qui nous intéressera désormais, c’est de comprendre les enjeux qui
existent entre les différentes parties, ces mêmes acteurs que l’on retrouve de façon quasi
systématique. Quels sont les enjeux politiques entre les différents acteurs qu’ils soient « pro-
vin » ou « anti-alcool » ?
40
Section 3 : Les acteurs des évolutions de cette loi : les
« hygiénistes » contre les « inconscients » ?
Puisque précédemment, nous nous sommes interrogés sur les différences d’interprétation
selon les instances, il est nécessaire maintenant de se pencher sur les stratégies des différents
acteurs à propos de la promotion du vin, établissant en France aujourd’hui un débat très
passionné.
1. Les associations de prévention contre l’alcoolisme
Plusieurs associations, financées majoritairement de façon publique, ont une stratégie
offensive face à la filière vin et sont quasiment systématiquement à l’origine des attaques face
aux nouvelles campagnes de publicité.
a. Objectifs de ces associations
Dans la même lignée d’objectifs de L’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et
Addictologie (ANPAA), travaillent de concert l’Observatoire Français des Drogues et
Toxicomanie (OFDT) avec 4 millions d’euros de budget public, la Mission Interministérielle
contre les Drogues et la Toxicomanie (MILDT), héritière de la mission permanente de lutte
contre la toxicomanie datant de 1982 (38,8 millions d’euros) puisqu’elle a intégré l’alcool à
son champ d’action en 1998, et l’Institut National de Prévention et l’Education pour la Santé
(INPES). Ces organismes nous rappellent que l’alcool tue chaque année 5000 personnes et
crée des addictions mortelles pour soi et pour les autres. Selon les statistiques de l’ANPAA,
chaque adulte ingère 12,4litres d’alcool pur par an, et cet alcool est également responsable à
30% des accidents mortels sur la route. C’est pourquoi, ces associations se sont placées en
lobby principal de lutte contre la promotion des produits alcoolisés, quelle que soit sa forme.
b. Fonctionnement interne et structuration de l’ANPAA
Une association 1901 contre la consommation excessive d’alcool
L’ANPAA est une association loi 1901, agréée d’éducation populaire, implantée sur
l'ensemble du territoire national avec 89 Comités départementaux et 19 Comités régionaux
coordonnés par son siège national, et animée par de nombreux bénévoles et 1400
41
professionnels. Elle est née sous sa première forme en 1872, et avait à l’époque un seul
ennemi : l’alcool. Elle avait notamment été crée pour accompagner la première loi en 1873 de
répression de l’ivresse publique. « Elle fut portée sur les fonds baptismaux, avec l’aval il est
vrai, d’Adolphe Thiers et les Communards pour lutter contre l’alcoolisation du peuple »49
.
Au fil du temps, elle s’est agrandie sur le territoire et est devenue de plus en plus
subventionnée, afin de participer aux politiques publiques de prévention et accompagnement
des personnes alcooliques.
L’ANPAA, une grosse machine
En effet, après avoir été CNDCA (Centre National de Défense Contre l’Alcoolisme), elle
devient ANPAA en 2002, financée aujourd’hui majoritairement par la Sécurité Sociale. En
2011, le financement de l’ANPAA est divisé en deux financements : le premier provient de la
dotation globale des établissements médico-sociaux au titre de l’activité des cellules
déterritorialisées de l’ANPAA, soit 56 millions d’euros, en augmentation de 11% vis-à-vis de
l’année précédente. Le deuxième financement est une somme de subvention de l’assurance
maladie (64,4%), de l’Etat (16,2%) et des Conseils Généraux (10,3%), pour une autre somme
de 15 millions d’euros. En résumé, l’ANPAA représente quasiment 71 millions d’euros et
emploie 1409 salariés. On note tout de même la rémunération annuelle des trois cadres les
plus hauts placés : 212 076 euros.
Son financement dépend également de ses victoires juridiques. A chaque fois que
l’association se porte partie civile et gagne son procès, elle peut toucher des dommages et
intérêts si elle est à même de démontrer qu’elle a subit un préjudice direct. C’est la Chambre
Criminelle de la Cour de Cassation qui l’a exprimé dans un arrêt en 1998 : le fait de se porter
partie civile et d’être obligé d’intensifier ses actions de communication contre une publicité
illicite est un préjudice direct.
Un combat contre la filière vin assumé
Loin du schéma de fonctionnement des petites associations françaises de prévention,
l’ANPAA est transparente sur son financement. Ce n’est d’ailleurs pas le cas des
interprofessions régionales du vin, ayant du mal à communiquer leur budget total de
communication.
Vis-à-vis de la filière des produits alcoolisés, la tolérance de l’ANPAA est de zéro puisqu’elle
49Denis Saverot, op cit.
42
a décidé de mener un combat systématique, dans le but de faire disparaître la diffusion de la
publicité des vins en France. L’ANPAA est donc le principal acteur à se porter partie civile
systématiquement au lancement de nouvelles campagnes de publicité. Dans l’affaire des vins
de Bourgogne, l’ANPAA avait rappelé son fondement initial et ses raisons d’être : « La loi
Evin fournit le cadre de ce qui est autorisé ou non. Quelque soit la cible d’une campagne, dès
qu’elle est en infraction, nous engageons des poursuites. Si nous n’attaquons pas, d’autres
iront plus loin. Mais notre objectif n’est pas de viser le vin en tant que tel, et de le
diaboliser ».
Les acteurs de la santé publique se doivent d’agir contre les dépendances et les addictions,
nuisibles au bien être d’une société. Mais qu’en est-il du vin dans ces statistiques ?
Le vin serait le « principal responsable de cette débauche puisque les Français en boivent
54,4 litres par an et par habitant… la France est présentée par ses autorités sanitaires
comme le pays où l’on boit le plus d’alcool, derrière l’Irlande, et la République Tchèque (…)
c’est un réquisitoire !50
» dénonce Denis Saverot, rédacteur en chef de la Revue des Vins de
France, et auteur d’un livre dénonçant le positionnement ambigu de ces associations sur la
problématique vin et santé. Selon lui, un amalgame est fait en termes de chiffres (ils incluent
la consommation des touristes sur le territoire et sont souvent financés par les mêmes
dirigeants d’associations) et le vin n’est jamais considéré autrement que comme une boisson
alcoolique, il est placé dans le même groupe que tous les produits alcoolisés. « L’offensive
s’est accéléré brutalement en 1999 : cette année là, l’OFDT considère, pour la première fois
depuis les temps gallo-romains, le vin comme une drogue, au même titre que toutes les
boissons contenant de l’alcool. La définition d’un produit alcoolique : un produit naturel ou
synthétique, consommé en vue de modifier son état de conscience, ayant un potentiel d’usage
nocif, d’abus ou de dépendance dont l’usage peut être légal ou non. » Il ajoute que cette
définition du vin est regrettable, « là où Goethe le définissait comme « ce qui réjouit le cœur
de l’homme, et la joie est la mère de toutes les vertus »51
.
Le vin contient de l’alcool, et peut donc créer une dépendance, ces faits sont indéniables et il
est nécessaire que des associations de prévention luttent contre ces effets nocifs de l’alcool
ingéré en grande quantité. La démonstration de Denis Saverot porte davantage sur les
amalgames et les difficultés d’interprétation que ces chiffres entraînent et de la guerre
qu’entretiennent les associations de prévention avec la filière vin. Il est vrai que l’ANPAA, et
autres associations, regroupés en Alliance Prévention Alcool souhaite que sur tous les
50 Denis Saverot et Benoit Simmas, In Vino Satanas, Albin Michel 2008, chapitre vin contre prozac 51 Denis Saverot, op. Cit.
43
produits alcoolisés, et même de faible teneur, soit remplacé le message « l’abus d’alcool
dangereux pour la santé », en « l’alcool est dangereux pour la santé », tous produits
confondus52
.
2. Les interprofessions
Même si nous aurons l’occasion plus tard dans ce travail de nous intéresser aux
Interprofessions en tant que communicants, il est important de les redéfinir ici.
Les vingt-deux interprofessions régionales sont les interlocuteurs privilégiés en matière de
communication. Cela fait partie des missions qui leurs sont attribuées dans son statut. Une
interprofession est définie comme une « construction originale qui regroupe, à l’intérieur
d’une filière agroalimentaire, les responsables d’un métier les plus représentatifs décidant de
travailler ensemble sur la base du volontariat, pour défendre auprès des différents
partenaires économiques l’image et les intérêts communs de cette filière allant de la
production à la commercialisation »53
.
Ce sont des personnes morales, de droit privé (en termes de créances et de cotisations), sous
forme d’associations de loi 1901. Une telle structure représente essentiellement des acteurs
du monde agricole puisqu’elle réunit des organisations spécialisées et représentatives pour le
produit en question.
Leur but, défini par le Ministère de l’Agriculture, est de conduire des actions dans l’intérêt de
tous leurs membres. La promotion et la recherche sur les marchés intérieurs et extérieurs font
partie de ces missions, comme l’indique les articles 631-1 et suivants du code rural,
officialisés en 1975. Il s’agit ici de communication collective que les interprofessions portent
financièrement pour l’intérêt de l’ensemble de leurs membres. La communication collective
se définit, elle, comme le regroupement des différents opérateurs économiques souhaitant
communiquer sur leurs produits de façon générique. Ceci peut se réaliser grâce à une marque
collective (mise en avant générique publi-promotionnelle) ou grâce à une communication
informative (objectif d’explication des produits et des métiers).
52 Communiqué de presse de l’Alliance Prévention santé, février 2012, disponible sur le site www.anpaa.fr 53 Définition de Stratégie Communication Collectives, association loi 1901 réunissant l’ensemble des interprofessions agricoles françaises.
44
Nous développerons dans la deuxième partie, les actions de communication des
interprofessions.
3. Le Conseil de Modération et de Prévention
En 2005 est créé le Conseil de Modération et de Prévention, par décret54
. Il est placé près des
ministères de la Santé et de l’Agriculture. Dans ses missions, il est expliqué que ce Conseil
doit « assister les pouvoirs publics dans l’élaboration et la mise en place des politiques de
prévention relatives aux usages et aux risques liés aux boissons alcooliques ». Il se place
donc comme une « instance de dialogue », mais qui ne peut en aucun cas se substituer aux
ministères en question. Il a donc un rôle de consultation, en émettant recommandation et avis,
et en étant consulté sur des projets législatifs relatifs à la consommation des « produits
alcooliques ». Il peut également proposer des études, des recherches, des évaluations et des
actions d’information et de communication « qui lui paraissent appropriés ».Chaque année, il
rend un rapport public, qui permet aussi d’avoir un peu de recul sur les différentes opérations
de communication choisies.
Il se veut représentatif de l’ensemble des acteurs, puisqu’il tient en son sein une composition
qui rassemble : des représentants de la filière vins et spiritueux, des représentants
d’associations spécialisées dans la prévention de la dépendance à l’alcoolisme, des experts de
la santé publique, des représentants des ministères de la Sante et de l’Agriculture et des
parlementaires et autres experts.
Ce conseil de la modération est un élément révélateur d’une volonté de distinguer la
promotion de la « consommation mesurée et responsable », expression très en vogue, et la
promotion de tous les produits alcoolisés.
4. Vin et Société
Qui est Vin&Société ?
Vin&Société est une association de loi 1901, constituée comme tel en 2004 et qui s’est mise
en place de façon opérationnelle en 2007. Cette structure est aujourd’hui la seule à représenter
l’ensemble de la filière vitivinicole. Elle compte en son sein 29 membres, dont l’ensemble des
interprofessions régionales et nationales. Depuis 2007, cette structure se place en principal
54 Décret du 4 octobre 2005, publication au JO du 5 octobre 2005
45
lobby de la filière et a pour mission de communiquer autour de « tous les sujets se rapportant
au vin, à la santé, à l’art de vivre et à la politique ». Les membres de Vin&Société se placent
comme des interlocuteurs pivots entre les professionnels et le grand public, et insistent sur
trois dimensions : « celle de l’homme producteur qui cherche à extraire le meilleur de la
nature, celle de l’homme consommateur qui recherche le partage et le plaisir, celle de
l’homme de raison conscient de la nécessaire éducation à la responsabilité. »55
Ils sont aujourd’hui dans une volonté de positionnement politique de la filière, là où pendant
longtemps la filière n’avait jamais été rassemblée et organisée. Le Comité National des
Interprofessions du Vin (CNIV) a longtemps été le porte-parole des interprofessions, en cas
d’attaque, mais sans toujours prendre en compte l’ensemble des acteurs.
Leur positionnement sur la loi Evin, par la consommation modérée et
responsable
Au sujet de la loi Evin, dans le cadre de notre travail, V&S s’est positionnée plusieurs fois. En
matière de santé, la filière vin « s’appuie sur des experts reconnus et une méthodologie
rigoureuse d’analyse des études afin de faire régulièrement l’état des connaissances
scientifiques concernant la consommation de vin et de diffuser cette information ». Ils
insistent beaucoup sur la notion de responsabilité de chacun. Responsabilisation,
consommation modérée et plaisir de partager sont les maîtres mots de leurs différentes actions
de communication.
Ils reprennent notamment les repères de consommation fixés par l’Organisation Mondiale de
la Santé (OMS), et « reconnus comme définissant une consommation modérée par le Conseil
de Modération et de Prévention ». Ces seuils ont été validés internationalement par des
chercheurs et des scientifiques de différentes nationalités, avec un verre imaginé comme
contenant traditionnellement 10cl de vin, et 10 grammes d’alcool pur. Nous verrons dans la
deuxième partie de cet exposé, que ces seuils de consommation vont même plus loin ; de plus
en plus de médecins et de chercheurs s’intéressent aux bienfaits d’une consommation
responsable et modérée sur la santé, et notamment sur le cœur56
.
55 Missions de Vin et Société disponibles sur leur site web : www.vinetsociete.fr 56 Informations initiales disponibles dans le rapport de WHO (Organisation Mondiale de la Santé) : Problems related to alcohol consumption, Report of the expert committee, Geneva, 1980
46
Par ailleurs, ils rappellent que cette consommation responsable doit se faire de préférence à
table, pour qu’il soit « meilleur à la santé comme au palais », qu’il ne s’agit en aucune façon
de consommer du vin pendant une grossesse ou l’allaitement, pendant des traitements
médicamenteux, etc.…57
et que l’abus est de toute façon dangereux pour la santé.
Concernant la loi Evin et son cadre d’application ainsi que son interprétation, V&S a organisé
le 29 novembre 2011 une table ronde au Sénat intitulé « La Loi Evin, 20 ans après ». Cette
table ronde s’est déroulée en plusieurs temps, abordant différentes thématiques et a permis
d’inviter toutes les parties autour de la table. Ils regrettent néanmoins de n’avoir pas eu de
membres de l’ANPAA, ayant refusé de venir58
. Le fil rouge de la table ronde, est annoncé par
les membres comme l’établissement d’« un constat sérieux juridique et politique de la loi
Evin afin de mieux concilier santé publique et préservation du patrimoine viticole »59
.
Parmi les participants, plusieurs hommes politiques ayant voté la loi en 1991, ont donné leur
avis. Yves Censi, secrétaire de la commission des finances et député à l’Assemblée Nationale,
rappelle en introduction de cette table ronde l’objectif initial de la Loi Evin, qui répondait à
l’époque à une nécessité de santé publique, faire comprendre les dangers d’une consommation
abusive d’alcool. Selon lui, cet objectif a été atteint. En revanche, il soulève les interrogations
juridiques que l’application de cette loi entraîne, notamment en matière de définitions : « Les
contours du terme de « publicité », mal définis, ont entrainé un flou artistique qui a conduit à
une autocensure des producteurs. Or, nous le savons, la publicité est un facteur indispensable
de développement économique »60
.
57 Recommandations de l’OMS reprises par le site de Vin&Société sur http://www.vinetsociete.fr/prevention/l-avis-de-l-oms 58 Entretien avec Arnaud Terrisson, chargé de projet chez Vin&Société, décembre 2011 59 Propos publics, disponibles dans le compte-rendu, recueillis lors de la Table Ronde du 29 novembre 2011 60 Entretien avec Yves Censi, animateur de la table ronde au Sénat
47
Entre problèmes de définition, et nécessité pour le secteur vin de pouvoir exercer de la
publicité responsable, les avis sont unanimes. François Patriat, sénateur de la Côte d’Or et
ancien Ministre de l’agriculture répond à une question lui demandant s’il pensait que la Loi
Evin avait atteint ses objectifs : « l’étiologie de la Loi était de limiter la publicité très
agressive des grands alcooliers. Mais il y a eu un raté, celui d’une dérive de l’interprétation.
Je suis prêt à faire mon mea culpa et à rouvrir le débat ! Faut-il sortir le vin pour éviter la
confusion de tous les alcools ? Revoir une Loi très restrictive ? Parlons-en ! La loi a marché
pour le tabac. Il faut en réécrire une pour le vin»61
. Jérôme Agostini, directeur du Comité
National Interprofessionnel des Vins d’Appellation d’Origine (CNIV) s’exprime en ces
termes : « le vin ne vit pas en dehors du monde comme on le lui reproche. Les viticulteurs en
ont assez que l’on stigmatise leur maison et leur nom. Il y a un problème identitaire négligé et
méprisé. Pour y remédier, le vin a besoin de publicité et de précision ! ».
Parmi les sujets abordés, le phénomène du « binge drinking » chez les jeunes a été un
argument important pour montrer que le vin ne pouvait être l’unique responsable d’une
consommation abusive d’alcool. Il a été aussi question de faire le point sur le French Paradox
établissant des corrélations positives entre une consommation modérée de vin rouge et une
bonne santé. Nous verrons ces phénomènes plus précisément en deuxième partie.
L’amalgame entre le tabac et le vin a été dénoncé par l’ensemble des membres, ainsi que la
confusion des possibilités existantes en matière de communication sur le vin pour les acteurs
professionnels et les consommateurs (Nous étudierons tous ces aspects plus en détail dans la
deuxième partie du travail).
Yves Censi, sur la question d’une éventuelle révision de la loi, répond en ces termes : « Le
problème qui se pose est de communiquer autour d'un produit, de grande consommation,
partie intégrante de notre culture et de notre identité française, dont l'impact économique est
considérable pour notre pays, mais stigmatisé au regard des impératifs de santé publique.
Tout l'enjeu est de pouvoir communiquer sur une consommation modérée, responsable, de ce
produit, et d'autre part de lutter contre les consommations excessives ».
Ainsi, V&S reprend ces conclusions de débat pour rappeler que nous pouvons être fiers du
vin, tout en le consommant de façon modérée et responsable. L’association rappelle que les
moyens de communication ont considérablement évolués, incluant maintenant la sphère
61 Propos publics, disponibles dans le compte-rendu, recueillis lors de la Table Ronde du 29 novembre 2011
48
internet et que celle-ci pose de nouveau des problèmes d’interprétation du texte sur ce qu’il
est possible de faire ou pas. Marie-Christine Tarby, Présidente de l’association, parle de la
culture du vin en France et à l’étranger en espérant qu’une « relation saine à la consommation
de vin » puisse être possible. Elle rappelle que V&S en tant que représentant de la filière
formulent trois propositions concrètes de révision de la loi Evin afin de « revenir à l’objectif
initial de la loi, celui de lutter contre la consommation excessive en valorisant la modération
et se concentrant sur les conduites à risques, notamment les jeunes » :
Clarifier la notion de la publicité afin de lever toute ambigüité, de permettre la liberté
d’expression et de conserver le vin comme composante incontournable du patrimoine
culturel français ;
Redéfinir les indications autorisées dans le contenu des messages publicitaires afin d’aller
au-delà de la simple information, autoriser la communication sur la consommation
responsable du produit et sécuriser le champ de l’information œnotouristique ;
Supprimer la liste limitative des supports autorisés et préférer l’identification des supports
interdits à la publicité en intégrant dans la loi l’interdiction de s’adresser à des publics
sensibles ou d’engager des conduites à risque : les supports visant directement les jeunes,
l’association au sport, l’exploitation de la notoriété d’une personne médiatique.
Ainsi, pour V&S, il s’agit en conclusion, de retrouver un équilibre entre plaisir et santé, sur
lequel il soit possible de communiquer, en prenant en compte les changements sociétaux
depuis les années 1990 vis-à-vis de la consommation de vin, ainsi que les nouveaux moyens
de communication, tel qu’internet, plus utilisé aujourd’hui que n’importe quel autre média.
Ainsi politiquement, des enjeux existent entre les défenseurs du vin en tant que produit
patrimonial et culturel et les associations hygiénistes considérant ce produit comme une
boisson alcoolique nuisible pour la santé. Il s’agira dans la deuxième partie de reprendre les
arguments avancés par ces acteurs, pour les soumettre à la réalité des consommateurs et des
communicants du vin. Nous verrons également que la filière, par sa construction historique et
par son fonctionnement interne est facilement attaquable dès qu’il s’agit de communication. Il
est clair que des relations ambigües existent entre nos dirigeants politiques et les têtes
dirigeantes des associations anti-alcool, et il est important de le souligner. Il ne s’agit pas ici
d’être juge et partie, mais bien d’analyser simplement les éléments d’avancée de la loi, dans
49
son cadre actuel, et de comprendre les critiques permanentes que les professionnels lui
adresse.
Quelle est la position européenne sur ce sujet ? Les états membres fonctionnent-ils comme
nous en matière de publicité ? Quelle est la position des institutions européennes sur notre
règle en matière de publicité des produits alcoolisés ? L’Europe souhaite-t-elle une extension
de cette loi à tous les Etats membres ?
50
Section 3 : L’influence européenne sur cette évolution
Comme l’affirme le rédacteur en chef de la Revue des Vins de France, certains pays
producteurs sont plus fiers de leur vin que nous. Mais que pensent la Commission Européenne
et la Cour Européenne de notre règle ? Après avoir rappelé la conformité de cette loi vis-à-vis
du droit communautaire, nous nous intéresserons à la façon dont nos voisins européens
régissent leur publicité sur le vin.
1. La conformité de la règle par rapport au droit communautaire : le
cas de la Suède
Concernant la conformité de cette règle française sur la restriction ou l’interdiction de la
publicité pour les boissons alcoolisées, vis-à-vis du droit européen, un arrêt est important. La
Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) a exprimé son avis à l’occasion de
l’arrêt « Gourmet International Products »62
. Il s’agit de la législation publicitaire suédoise,
l’une des plus sévères du monde, qui amena la cour à se poser la question de la conformité de
ce type de restrictions publicitaires. En Suède, il est interdit de communiquer sur les vins, les
spiritueux et la bière dans les journaux et magazines. Une revue suédoise décida de violer
l’interdit et publiant des publicités pour des alcools forts au sein de son journal. La Cour a été
saisie en question préjudicielle et a expliqué que la prohibition de publicité dans la presse,
constitue une entrave au commerce, puisque cette interdiction affecte plus sérieusement la
commercialisation des produits originaires d’autres Etats Membres que des produits
nationaux. Il s’agit, ici, selon la CJCE, d’une entrave à la liberté de circulation des
marchandises, soit une restriction quantitative à l’importation ou mesure d’effet équivalent,
interdites par l’article 34 du traité TFUE. La CJCE va même plus loin : elle estime qu’il s’agit
ici, d’une restriction à la liberté de prestations de services affectant l’offre transfrontalières
d’espaces publicitaires de façon particulière, compte-tenu du marché international de la vente
des boissons alcoolisées63
.
Mais elle justifie cette interdiction, en expliquant que ces entraves sont justifiables
puisqu’elles correspondent à un « objectif de protection de la santé publique, ce qui constitue
un motif d’intérêt général, reconnu par les articles 36 et 52 du traite de fonctionnement de
62 CJCE du 8 mars 2011, affaire C-405/98 63 Analyse de l’arrêt gourmet en Suède, in Droit de la Vigne et du Vin, op. cit.
51
l’Union Européenne 64
». La santé publique, ne peut être invoquée que sous réserve d’une
condition de proportionnalité. En d’autres termes, il faut que la mesure choisie soit
proportionnelle à l’objectif visé et qu’il ne s’agisse pas d’une discrimination arbitraire ou
d’une restriction commerciale maquillée. Dans le cas de la Suède et de cette affaire, la CJCE
demanda alors à la juridiction nationale de juger in concreto le respect de cette condition de
proportionnalité.
La France reste donc maîtresse en sa demeure vis-à-vis des règles publicitaires en matière de
produits alcoolisés, puisqu’il s’agit d’une politique publique qui peut être jugée
proportionnelle aux objectifs qu’elle vise : la diminution réelle de consommation d’alcool par
sa population.
2. L’exemple d’un autre pays producteur : l’Espagne
Il est intéressant d’observer la règle qui régit la publicité sur le vin, dans un autre pays
producteur voisin. L’Espagne est un bon exemple en matière de législation, puisque son
système est plus souple que le système français, ainsi nous pourrons observer quels sont les
effets de ces règles sur les consommateurs.
La première chose observable est que le vin est reconnu par la Constitution espagnole comme
un produit national, et que la publicité du vin, est distincte des règles de la publicité des autres
produits alcoolisés. Le vin est défini comme un « alimento natural » (élément naturel) et les
pouvoirs publics sont autorisés à diffuser des campagnes d’information et de promotion du
vin65
.
a. La loi 24/2003 établissant le vin comme une fierté nationale
La loi 24/2003, du 10 juillet 2003, de la Viña y del Vino, explique les règles de publicité dans
son article 4 intitulé « Promoción » :
64 J-M Brahans, M Luby, M Menjucq, Publicité des vins : les voies d’une libéralisation nécessaire 65 Article 2 et 4 de la loi du 10 juillet 2003 relative à la vigne et au vin – ley 24/2003, de 10 julio, de la vina y del vino, BOE n°165
52
1. L’Administration Générale de l’Etat pourra financer les campagnes d’information, de
diffusion et de promotion du vignoble, du vin et de nos raisins, dans le respect de la règle
normative de l’Union Européenne, et en accord avec les juridictions nationales en vigueur et
en particulier les règles qui interdisent la consommation d’alcool pour les mineurs.
2. Les critères d’orientation devront être respectés pour les campagnes menées avec des fonds
publics étatiques. Ces critères sont les suivants :
a. Recommander la consommation modérée et responsable de vin.
b. Informer et définir les bénéfices du vin comme aliment intégrant le régime
méditerranéen
c. Encourager le développement durable de la culture de la vigne, favorisant le respect de
l’environnement et la fixation de la population en milieu rural.
d. Souligner les aspects historiques, traditionnels et culturels du vignoble espagnol ; en
particulier les aspects spécifiques des sols et du climat influant sur la culture de la
vigne
e. Impulser une connaissance du vignoble espagnol ainsi que des autres vignobles des
pays membres de l’Union Européenne, des pays tiers avec l’objectif de parvenir à une
meilleure présence sur les marchés respectifs
f. Informer et définir la qualité et les bénéfices des moûts et des jus de raisin.
3. L’Administration Générale de l’Etat assurera une promotion de développement de projets
et de programmes de recherche dans le secteur vitivinicole
4. L’administration générale de l’Etat, les communautés autonomes, les corporations locales
ainsi que les organisations qui en dépendent, pourront coopérer d’un commun accord dans la
réalisation de ces campagnes d’information, de diffusion et de promotion du vin et des moûts
de raisin66
.
Ces campagnes sont bien sûr encadrées par des orientations définies dans la loi, et
obligatoirement dans une volonté de message de consommation responsable et modérée, avec
l’interdiction d’inclure les mineurs comme cibles de communication principale. La loi
66 Ley 24/2003, de 10 de julio, de la Viña y del Vino, articulo 4.
53
rappelle uniquement les bénéfices qu’une communication sur la vigne et son savoir-faire
peuvent avoir sur les consommateurs, afin qu’ils puissent mieux comprendre ce qu’ils
boivent, et comment le boire.
Elle mentionne également la possibilité de communiquer et d’informer sur les bénéfices du
vin, comme élément du régime méditerranéen, ainsi que sur les pratiques culturales en faveur
du développement durable « comme éléments favorables au respect de l’environnement
naturel et de la fixation de la population en milieu rural ». La vigne est placée ici, comme
élément historique et culturelle, qui participe au développement des paysages et qui est
vecteur de valeurs traditionnelles pouvant influer sur la cohésion d’une population donnée, sur
un territoire donné.
Un autre point intéressant de cette loi : ces campagnes d’information et de promotion du vin
sont également définies dans le but de mieux connaître les vignobles espagnols, mais
également, ceux des autres pays européens et même des vignobles des pays tiers ! Ce cadre
législatif encadrant la publicité est aux antipodes du nôtre. Il s’agit maintenant d’en connaitre
les résultats sur les consommateurs.
b. Une incitation à la boisson excessive ?
67
Pourtant, malgré cette possibilité de communiquer sur le vin, on s’aperçoit que les Espagnols
consomment moins d’alcool par an que les Français.
Selon le Ministère espagnol de l’Environnement et du Milieu Rural et Marin, les Espagnols
consomment moins d’alcool pur par an que les Français et selon le Wine Institute, ils 67 Schéma extrait du dernier rapport OIV 2012
54
consomment davantage de bière que de vin, celui-ci étant un produit que l’on réserve pour des
bons repas et des beaux moments. Pourtant l’Espagne n’est pas un petit vignoble : ce pays se
place à la troisième place en matière de production.
En Espagne, la promotion du vin se doit d’être faite avec une volonté de mettre l’accent sur
une consommation responsable et modérée. Depuis 2011, la Fédération Espagnole du Vin
(FEV) et la Conférence Espagnole de Conseils Régulateurs Viticoles (CERCRV), tous les
deux représentants du secteur vitivinicole espagnol ont lancé un projet de collaboration de
campagne grand public sur le vin, orientant tous leurs spots publicitaires (presse et radio) sur
la consommation modérée et responsable du vin, face à la bière qui est consommée deux fois
plus par les Espagnols68
. Le programme est intitulé « Quien sabe beber sabe vivir » (celui qui
sait boire, c’est celui qui sait vivre). Ce programme souhaite promouvoir l’image du vin dans
sa tradition, sa qualité, sa modernité, tout ça en lien avec la culture viticole du pays69
. Ainsi à
travers cette campagne, il s’agit de remettre le vin à sa place de produit historique et culturel
et de faire comprendre aux Espagnols que boire excessivement est nuisible pour leur santé et
leur vie sociale. Avec la possibilité de faire cette publicité, cela n’a pas incité les Espagnols à
boire davantage de vin, puisque la consommation continue de diminuer70
. Boire moins, mais
mieux, comme le schéma ci-dessus nous l’a prouvé.
La Commission Européenne a accepté ce programme présenté par la FEV en collaboration
avec la CECRV en juin 2012. Il sera lancé à l’automne 2012, durera trois ans et coûtera 3
millions d’euros71
. Elle peut décider de le cofinancer, dans le cadre du règlement n°3/200872
,
mais ceci n’a pas été encore validé.
V&S avait lancé en 2010 une initiative de programme de communication sur la
consommation responsable, avec l’Espagne et le Portugal, qu’ils souhaitaient cofinancer par
l’Union Européenne dans le cadre dans le cadre du règlement n°3/2008, prévoyant un budget
annuel sur des opérations de promotion collective multinationales sur le marché intérieur ou
sur les marchés de pays tiers. Hans Barth, Directeur de l’unité promotion au sein de la DG
Agri (Direction Générale de l’Agriculture de la Commission Européenne) avait reçu
68 Chiffres du Ministère Espagnol 69 Site de la FEV : http://www.fev.es/v_portal/informacion/informacionver.asp?cod=199&te=78&idage=229 70 Selon le Wine Institute, une étude montre que la consommation de vin en Espagne était de 33,70%per capita en 2006 et qu’elle est de 27% en 2009. Chiffres disponibles sur http://www.wineinstitute.org/files/PerCapitaWineConsumptionCountries.pdf 71 http://www.fev.es/v_portal/informacion/informacionver.asp?cod=355&te=105&idage=404 72 Règlement CE n°3/2008 relatif à des actions d’information et de promotion en faveur des produits agricoles sur le marché intérieur et dans les pays tiers
55
favorablement le dossier dans un premier temps. Celui-ci se plaçait dans le cadre d’un
programme plus large intitulé Wine In Moderation et faisait participer trois pays européens
sur deux ans, à la promotion d’un programme de communication collective73
. Mais il a
finalement été refusé en juin 2011, à cause d’une mauvaise rédaction et d’une piètre
collaboration dans le montage du projet entre les trois pays.
Sans parler du rapport évident que la campagne promotionnelle entretient avec une meilleure
vente de ses produits, qui constitue la base de toute opération volontaire de publicité, il est
surtout intéressant de voir ici que des méthodes complètement différentes en Europe existent
en matière de communication sur l’alcool, et plus spécifiquement sur le vin. Il est possible de
choisir aujourd’hui des formes de communication ciblées sur les populations à risque afin de
les prévenir des dangers de la consommation excessive d’alcool, tout en rendant aux produits
sous appellation leurs qualités et leur prestige.
Puisque nous avons dressé un état des lieux des règles publicitaires en France pour le vin, à
travers la création de la loi Evin puis son application jusqu’à maintenant, il s’agit maintenant
de s’intéresser aux effets de cette loi sur les acteurs communicants dans la filière vitivinicole
d’une part, et sur les cibles visées par la loi d’autre part. Dans les cibles, il s’agira d’accentuer
sur les populations dites « à risque », afin de comprendre si les objectifs sanitaires de la loi
Evin ont été atteints.
73 Entretien avec Hans Barth, juin 2011, Bruxelles
56
Deuxième partie : les effets de cette loi pour
les communicants de la filière vitivinicole et
les consommateurs
« Qui sait déguster le vin ne le boit plus jamais, mais goûte des secrets », Salvador Dali.
57
En reprenant les objectifs initiaux de la loi Evin, il s’agissait en 1991 de diminuer la
consommation excessive de boissons dites « alcooliques ». Le vin n’étant aucunement
différencié des autres boissons alcoolisées, il devient alors soumis aux mêmes règles de
publicité que les autres. Il a été choisi ici de contrôler rigoureusement la publicité, afin de la
diminuer et de ne pouvoir être incitatif quant à la consommation de ce produit.
Pourtant, la publicité peut tout de même exister. Puisque nous nous sommes penchés sur les
autorisations et restrictions qu’amenaient la loi Evin, il s’agit maintenant d’étudier les
stratégies que les acteurs communicants adoptent afin de continuer à promouvoir le vin
français de façon légale.
Par ailleurs, cette loi a été écrite dans le but de réduire les comportements à risque et de faire
disparaître les dépendances que certains buveurs de boissons alcoolisés développaient,
lorsqu’ils consommaient ces produits en quantité excessive. Mais qu’est ce que l’on entend
par excessif ? Nous avons pu voir précédemment, que parmi les acteurs de la jurisprudence de
cette loi, l’excès a pu être quantifié. Il s’agira ici d’analyser dans un premier temps ces
limites, afin de comprendre quelles options seraient à développer afin de rétablir un lien avec
le vin, sans le diaboliser d’une part, ni banaliser sa consommation excessive d’autre part.
Nous verrons que plusieurs facteurs sont à prendre en compte : l’alcool au volant, l’alcool
pour oublier, l’alcool en tant que lien social, etc.… Il doit être envisagé comme dangereux
dans certaines situations, et il est nécessaire de le rappeler. Comment se situe le vin dans ce
rapport à l’alcool pour le consommateur ?
58
Chapitre 1 : Les effets de la loi Evin sur les
techniques et stratégies des communicants du vin
Nous avons pu voir précédemment, les difficultés d’interprétation que les différents acteurs de
la communication du vin continuaient de rencontrer. Il ne s’agit donc plus de les définir, mais
de s’intéresser aux techniques de communication que l’on utilise désormais pour promouvoir
le vin, sans être illégal vis-à-vis de la loi Evin. Pourtant le secteur vitivinicole n’est pas
négligeable, puisque selon FranceAgriMer, le chiffre d’affaire de la filière était estimé à près
de 11 milliard d’euros74
. Le vin est le 3ème
secteur économique exportateur national derrière
l’aéronautique et la parfumerie, mais il ne s’agit pas de négliger le marché national. En effet,
la consommation de vin en France ne cesse de baisser. Souhaite-t-on exporter l’ensemble de
notre production du vin, à l’heure où celui-ci entre dans les éléments inscrits au patrimoine
mondial de l’UNESCO dans le repas à la française ? La publicité et la promotion du vin, en
tant que produit économique, culturel et patrimonial est essentielle. Mais comment réaliser
cette promotion sur le marché français alors que la jurisprudence de la loi Evin montre une
interprétation sévère et stricte de la règle prohibitive ?
Section 1 : Les acteurs publicitaires en matière de
communication publics et privés, qui sont-ils ?
Avant d’analyser les différentes techniques de communication utilisées, nous nous
intéresserons rapidement aux acteurs, pour comprendre, qui communique aujourd’hui dans la
filière, et pourquoi cette communication peut parfois devenir éparpillée.
1. Les interprofessions
Comme nous l’avons vu précédemment, les interprofessions sont en charge de la
communication collective des acteurs de la filière et du territoire dont l’interprofession
s’occupe. Nous parlerons ici d’action de communication collective, mettant en avant
l’ensemble de producteurs et professionnels d’une région, dans le but de promouvoir
74 http://www.franceagrimer.fr/filiere-vin-et-cidriculture/Vin/La-filiere-en-bref/La-production-de-vin-en-2011
59
l’ensemble de leurs produits, et non pas des marques individuelles. Les conséquences de ce
type de communication se voient donc démultipliées sur les acteurs.
L’ANIVIN (Association Nationale Interprofessionnelle des Vins de France) par exemple est
l’interprofession portant toute la communication des vins de France. C’est le nouveau nom de
l’ANIVIT, depuis le 6 octobre 2009, puisque les vins de table ont disparu. Cette
interprofession est active pour tous les nouveaux vins de France avec ou sans mention des
cépages et millésimes. Cette interprofession a pour Président René Moréno. Dans ses
missions, l’interprofession a pour mission de développer la connaissance de cette mention Vin
de France et de participer à la promotion de la consommation modérée et responsable, à
travers notamment la structure de Vin&Société.
Il n’empêche que les budgets communication des interprofessions existent grâce à un système
particulièrement de prélèvement : les « cotisations volontaires obligatoires » de la part des
membres de l’interprofession et des taxes parafiscales auprès de la production. Ainsi des
budgets conséquents se dégagent et permettent de mettre en place des campagnes de
communication collective pour l’ensemble des viticulteurs et vignerons d’une même région.
Ces budgets ne pourront donc être utilisés que pour cette communication collective en faveur
de l’appellation que l’interprofession représente, aucunement pour des marques individuelles.
Sur le marché français en 2000, l’investissement publicitaire en faveur du vin a atteint tout de
même 32,2 millions d’euros au total, avec seulement 61 000 euros pour les marques75
.
2. Le négoce et les marques
Contrairement aux pays dits du Nouveau Monde, la France a choisi le maintien du plus grand
nombre possibles de viticulteurs sur leurs terres et elle est donc traditionnellement dans la
défense de ses terroirs et de ses appellations. La concurrence avec les vins étrangers et ce
positionnement historique ont empêché la création de grandes marques mondiales, excepté
pour ma région du Champagne où le négoce a toujours joué un rôle particulièrement
important.
En 2000, sur les marchés étrangers, l’ONIVINS (maintenant FranceAgriMer), en partenariat
avec l’ANIVIT (interprofessions des vins de table et de pays) et les interprofessions ont
investit 36 millions d’euros, quasiment uniquement sous forme de communication collective
75 JP Deroudille, Le Vin face à la Mondialisation, Un monde en question, Hachette, 2003, p. 151
60
en faveur des vins de France. Sur le marché anglais par exemple, la France aurait investit 6,1
millions d’euros en publicité. Mais cela ne représente qu’à peine le double d’investissement
en publicité de celui d’Ernst et Julio Gallo, une seule marque californienne. Cet exemple pour
montrer qu’il ne s’agit pas uniquement du cadre réglementaire français, la filière est aussi
structurée de façon traditionnelle et ne peut pas concurrencer en l’état ses concurrents.
L’exemple du Champagne
Cette région est un exemple en France de collaboration entre les marques, les négociants et les
vignerons, et notamment en matière de publicité. C’est l’exemple en France d’une mise en
valeur des marques individuelles et de la marque collective Champagne, afin de réaliser
ensemble les efforts de communication et de publicité76
. C’est une association étroite entre
l’appellation d’origine contrôlée et les marques qui permet de réaliser des investissements
significatifs, même si les publicités doivent être complètement désincarnées (cf. exemple
Moët et Chandon dans la première partie). L’exemple champenois illustre un cas de publicité
de marque qui génère de la coopération et oblige à introduire la notion de coopération
implicite. Dans les faits, les investissements en actifs spécifiques collectifs sont réalisés par
une seule des parties prenantes (les maisons de Champagne) mais en retour les vignerons
s’engagent dans des contrats qui assurent un approvisionnement régulier77
.
Mais le cas champenois est un cas isolé. Puisque très peu de marques individuelles permettent
de soutenir le marché français en cas de crise, les faibles investissements en publicité sur le
marché national ne permettent pas d’assurer à la filière des beaux jours devant elle.
Contrairement à l’Espagne et à l’Italie qui ont su développer un système de marques solides,
la France est donc un marché assez éparpillé et développant peu ses investissements en
publicité, même sans loi Evin. Le marché des consommateurs français reste un marché de
proximité, où la relation entre le producteur et le client est encore quelque chose de recherché.
Même si 80% des achats se sont en Grande Distribution, le consommateur cherche à retrouver
des noms qui lui paraissent familiers.
76 Hervé Lanotte, Investissements publicitaires et choix contractuels d’approvisionnement : les clés d’une
gouvernance « coopérative » dans la filière des vins de Champagne, thèse soutenue à l’université d’Amiens, le
24 novembre 2011 77 Thèse d’Hervé Lanotte op.cit.
61
Nous verrons dans la partie suivante, que la loi Evin peut aussi contenir des arguments
protectionnistes pour le marché français, en tant que système protégeant les vignerons
indépendants. Sans elle, les marques étrangères pénètreraient le marché avec des budgets
colossaux en publicité, faisant disparaitre certainement cette relation privilégiée que le
consommateur français pense entretenir avec le « petit producteur du coin ».
Dans la filière vin, on parle souvent de « mille feuille institutionnel » pour exprimer la
dispersion des acteurs. Ainsi, les contraintes ne sont pas uniquement sur les cadres législatifs.
En matière de publicité, il s’agit également de savoir qui fait quoi, et quelles initiatives
collectives peuvent être menées, sans entrer dans les méandres des conflits d’intérêt que la
filière entretient entre ses acteurs. Nous le verrons notamment avec quelques exemples rééls
d’étiquettes de vignerons indépendants. Les noms de domaine n’apparaissent pas pour des
raisons de confidentialité, et pour respecter les vignerons qui ont accepté de nous accorder un
entretien.
3. La relative liberté des vignerons: Paradoxe de la loi Evin ?
A la source de la production, les vignerons font à peu près ce qu’ils veulent, sans qu’ils soient
attaqués par les associations de prévention contre l’alcoolisme. Pourtant, dans le code de la
santé publique, il est rappelé que le conditionnement ne peut être reproduit que s’il est
conforme aux dispositions contenues dans la loi Evin. Les étiquettes commercialisées sont
mises sur le marché, et distribuées pourtant sans contrôle, et sans condamnation.
Il ne s’agit pas ici, de démontrer que le manque de contrôle porte préjudice aux
consommateurs. Au contraire, les consommateurs de vin, sont à la recherche d’une histoire.
Ces vins sont emprunts d’une philosophie de production, ou d’une histoire particulière, et le
moyen de l’exprimer, est de le mettre sur l’étiquette afin d’établir une relation de fidélité avec
les consommateurs.
Si l’étiquette, première publicité du vin contenu dans la bouteille, souhaite véhiculer une
image de plaisir, ou raconte l’histoire de celui qui l’a fait, peut-on en
déduire rapidement qu’il y aura incitation à une consommation excessive ?
Sur une autre étiquette d’un vin rouge, un texte aux touches de poésie, a été
choisi par le vigneron sur sa contre-étiquette : « Pour vous abandonner aux
62
rencontres, voyager sans partir, sceller vos amitiés, dissiper vos mélancolies, entretenir les
souvenirs, ou seulement les prolonger, et partager encore. Ne craignez plus le flagrant délit,
voici votre alibi ». Un choix de texte pour raconter une histoire, établir un lien direct avec son
consommateur.
Les vignerons se permettent donc de mettre en marché des étiquettes, sans que les
associations anti-alcool ne les attaquent.
Certains vignerons interrogés, clament haut et fort que la loi Evin, est également une forme de
protectionnisme, malgré son inflexibilité. Il est vrai que la question peut se poser : si le cadre
de la loi Evin était assoupli, qui en bénéficierait si ce n’est les grandes marques aux budgets
de communication conséquents ? De plus, cette ouverture amènerait une multitude de
campagnes étrangères de vins du Nouveau Monde, souvent plus internationalisées que les
vins de « terroirs » français. Cette concurrence amènerait certainement la disparition d’un bon
nombre de petites structures productrices françaises.
Cet argument n’est pas partagé par tous, puisque selon Jérôme Agostini : « La loi Evin a pour
effet pervers de mettre tous les vins dans le même panier et de totalement brider la diversité
culturelle alimentaire. De plus, l'argument classique de la loi qui protège les petits
producteurs de la concurrence étrangère ne tient pas. On ne souffre pas de la concurrence
étrangère en France. La loi nous protège à court terme, il est plus difficile pour les grandes
marques internationales de communiquer dans l'Hexagone. À moyen terme, elle nous bloque
dans notre volonté de différenciation ».
Qu’on soit pour ou contre l’assouplissement de la règle qui régit actuellement la publicité des
boissons alcoolisées en France, les vignerons sont aujourd’hui assez protégés par cette règle.
4. Les agences, intermédiaires entre vignerons et consommateurs
Dans différents blogs d’agence de création, les propos sont unanimes. Parallèlement,
appliquer strictement la loi au média Internet, un média international dont l'essence même est
d'être sans frontière, est un exercice difficile. L’application de la loi Evin dans le domaine de
la promotion du produit est une règle inévitable, mais dans le domaine de l'information, cela
devient plus flou. En termes de création publicitaire, les agences démontrent qu’une règle
stricte peut aussi permettre de faire naître une nouvelle créativité.
63
Sowine, une agence de marketing et de communication spécialisée dans le vin et les
spiritueux l’explique sur son blog. La loi Evin, a selon eux,
permis d’enrichir les marques. Même si la désincarnation de la
publicité est inévitable (nous le verrons plus en détail dans la
prochaine partie), il est possible de jouer sur le processus
« d’anthropomorphisation », terme utilisé par Pascal Beucler
(Agence Carré noir en charge des campagnes de publicité
Heineken), soit la substitution des personnages à des symboles,
qui permettent de suggérer bien plus. Ce directeur d’agence a
travaillé depuis l’apparition de la loi Evin en 1991 sur le
« Paradoxe de la contrainte féconde »78
, exprimant son point de vue sur le fait que la
publicité sous contraintes doit devenir inventive, là où elle pouvait s’épuiser, lorsqu’elle
n’était pas encadrée par des règles contraignantes.
Les dernières campagnes de publicité des grandes marques d’alcool, comme Suze, ou
Bacardi, ou encore Gordon’s ont repris depuis quelques années ce jeu de suggestion sur la
façon d’utiliser la bouteille. On ne peut plus afficher le désir, il s’agit alors de le suggérer, en
jouant de subtilité. L’important est de créer une affinité avec le consommateur et de lui
donner envie de consommer, sans pouvoir parler du produit, ni le détourner.
Mais nous verrons que cela mène également à une désincarnation de la publicité pour les vins,
qui semble inévitable.
78 Article de Stratégies n° 1242
64
Section 2 : Conséquences de la loi Evin, une désincarnation
de la publicité ?
La désincarnation de la publicité est un phénomène particulièrement répandu dans les
campagnes de publicité du vin. On s’interrogera ici, sur la possibilité de faire de la publicité
pour un produit, sans le montrer.
1. Etude du cas de Bordeaux, la campagne nationale lancée en 2000
Puisqu’il s’agit ici d’analyser les techniques des communicants présentés ci-dessus dans le
cadre législatif qui nous intéresse, il semble important dans un premier temps de prendre des
exemples concrets de campagnes de publicité pour une marque (qu’elle soit collective ou non)
où le vin n’apparait pas.
Dans un premier temps, nous nous intéresserons au cas de la campagne de Bordeaux, interdite
depuis peu par la Cour de Cassation, montrant les « hommes et les femmes producteurs du
Bordelais », et prouvant par une nouvelle interprétation des juges qu’il est impossible de
mettre des visages humains dans une campagne de promotion du vin.
a. Le cas
En 2000, le CIVB (Comité interprofessionnel des Vins de Bordeaux) lance une nouvelle
campagne de promotion des vins de Bordeaux, intitulée : « Le vin de Bordeaux : des
personnalités à découvrir ». Après avoir été attaquée par l’ANPAA, la Cour de Cassation
rend sa décision finale.
Elle censure l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris
du 26 février 2010 qui avait confirmé le
jugement du TGI de Paris le 19 décembre 2006.
Ainsi, alors que le CIVB avait gagné les deux
premiers procès, la Cour de cassation condamne la campagne.
65
Elle juge dans son arrêt, que « lesdites affiches comportaient des références visuelles
étrangères aux seules indications énumérées par l’article L. 3323-4 du Code de la santé
Publique, et qu’elles visaient à promouvoir une image de convivialité associée aux vins de
Bordeaux de nature à inciter les consommateurs à absorber les produits vantés ».
Erwan Le Morhedec, avocat au barreau de Paris depuis plus de dix ans et spécialiste en droit
de la publicité (notamment pour les boissons alcoolisées) et en droit de l’Internet, analyse
cette décision, perplexe : « d’après les magistrats, sur les visages de ces deux modèles, vous
contemplez une « impression manifeste de plaisir ». Par conséquent, et en raison de la
convivialité débridée qu’exprime ce visuel, cette publicité serait prohibée en France. La saga
des publicités pour les vins de Bordeaux se poursuit donc. Saga que j’ai connue à ses
origines, puisque fortement impliqué dans la défense du CIVB (Comité Interprofessionnel des
Vins de Bordeaux) contre l’ANPAA (Association Nationale de Prévention en Alcoologie et
Addictologie) lors du référé en 2005, et en première instance en 2006 »79. Il rappelle
également, que cette campagne avait justement été imaginée par le CIVB pour casser le
caractère élitiste et « vieillot » des vins de Bordeaux.
Ce qui est étonnant, selon lui, c’est le changement de cap que la Cour de Cassation
adopte puisque dans la décision de la Cour d’Appel : « la représentation figurative de
professionnels appartenant à la filière de l’élaboration, de la distribution et de la
commercialisation de vins de Bordeaux comme le caractère avenant, souriant, jeune, en tenue
de ville, de personnes ou groupe de personnes, présentant différentes marques de vins en
levant le bras en tenant un verre, avec une impression manifeste de plaisir ne peuvent être
utilement reprochés dès lors que les autres exigences de la législation et réglementation
applicables sont respectés, une telle représentation n’étant pas, par elle même de nature à
inciter à une consommation abusive et excessive d’alcool étant observé que par essence la
publicité s’efforce de présenter le produit concerné sous un aspect favorable pour capter la
clientèle et non pour l’en détourner ».
La Cour d’Appel reconnaissait qu’il était bien naturel de présenter un produit sous son
meilleur jour, dans une publicité, devant donner au consommateur une vision positive du
produit. Est-ce illégal de sourire, dans le cadre de la loi Evin ? Imagine-t-on des personnages
mornes et tristes sur une publicité en faveur d’une marque collective souhaitant dynamiser son
image ?
79 Blog de l’avocat article disponible sur http://www.lm-a.fr/publicite-pour-lalcool-une-impression-manifeste-de-plaisir
66
De plus, ici, à nouveau, il est question de notion « d’impression manifeste de plaisir» qui
semble étonnante dans un arrêt de droit, « et qui laisse songeur quant à l’expressivité que l’on
peut attendre des magistrats 80
».
b. Interprétations
Dans cette campagne, il était question de faire apparaître des vignerons, des maîtres de chai et
des négociants de Bordeaux, afin de montrer une image dynamique et jeune du vignoble. On
peut aussi interpréter ces éléments comme « des références aux terroirs de productions », et
ceci selon les définitions des cahiers des charges AOC, qui incluent l’influence humaine dans
la notion de terroir.
Eric Andrieu, avocat au barreau de Paris, donne la même analyse : « Qu’une publicité pour
de l’alcool soit sanctionnée, cela ne me choque pas. En revanche, ce qui est
fondamentalement problématique, c’est de sanctionner des campagnes au motif qu’elles
soient incitatives. C’est une aberration, une campagne est toujours incitative par nature »81
.
Ainsi, deux interprétations sont possibles : soit, il ne faut jamais faire référence au plaisir dans
une publicité, soit aucune représentation humaine n’est acceptée. Dans les deux cas, nous
assistons à une différence d’interprétation des juges français, et d’une nécessaire
désincarnation de la publicité pour le vin, puisqu’il devient impossible de communiquer sur
les hommes et les femmes le réalisant.
En revanche, ces arrêts ne sont pas une bonne nouvelle pour les campagnes à venir, mais ont
permis à l’interprofession de se faire relayer dans l’ensemble de la presse spécialisée et grand
public. De plus, comme les interdictions de campagnes interviennent plusieurs années après
les lancements par les publicitaires, les publics ciblés ont souvent reçus les informations avant
que les publicités ne soient interdites.
80 Blog d’Erwan op cit. 81 Propos recueillis dans le Huffington Post, article du 29 février 2012
67
2. Etude comparative : la désincarnation en France face aux campagnes
destinées à l’international ?
a. Exemple du BIVB
Dans un article de Bourgogne Live du 3 mars 2012, François Desperriers intitulait son article
« Cachez moi ce vin que je ne saurai voir.. ». Il met en perspective ces deux campagnes
lancées fin 2011, l’une en France, l’une à l’étranger :
Selon lui, « de la contrainte doit naitre la créativité » et le cadre de la loi Evin ne doit pas
empêcher les agences de publicité de pouvoir avoir de nouvelles idées. François Jumeau,
responsable du marketing du CIVB, est en charge de ces deux volets de campagne. Il
s’exprime en ces termes : « Le cadre on le connait, ça fait maintenant une vingtaine d’années
qu’il est en vigueur. Je pense que ce qu’on peut en dire, c’est que de cette contrainte doit
naitre aussi la créativité. Donc c’est une contrainte pour les agences de communication mais
on arrive à véhiculer le même message d’une façon globale comme cela a été le cas dans la
campagne développée cette année, communiquée en fin d’année et qu’on a diffusée sur notre
sept pays prioritaires»82
.
b. Campagnes des Vins de Bergerac
Un entretien avec la Chargée de communication des vins de Bergerac n’apparait pas comme
aussi optimiste.
82 http://www.bourgogne-live.com/2012/03/cachez-ce-vin-que-je-ne-saurais-voir-la-loi-evin-chasse-la-convivialite-et-le-plaisir-des-publicites-sur-le-vin/
68
Mêmes impressions de désincarnation dans la comparaison de ces deux visuels. Lors d’un
entretien avec Anne Lataste, chargé de communication pour l’interprofession des vins de
Bergerac, le même flou apparaît. Selon elle, « on ne sait pas exactement ce qu’on a le droit de
faire ou pas ». Si bien, que par précaution, ils préfèrent retirer toute référence à l’humain et à
la dégustation de vin, pour ne pas pouvoir être attaqué par l’ANPAA. Lors d’un évènement
récent, le partenariat entre les vins de Bergerac et le festival de musique Garorock, la question
s’est à nouveau posée : « Nous avions la possibilité de diffuser un film de présentation de nos
vins, entre les concerts, puisque les vins de Bergerac avaient un stand de buvette sur le site.
C’était une belle façon de pouvoir communiquer sur les vignerons de la région, sans pour
autant faire de l’incitation à boire. Mais je n’étais pas sûre du support vidéo, donc nous
avons préféré ne pas le faire »83
. Trop de précaution ? Autocensure ?
83 Entretien téléphonique avec Anne Lataste, juin 2012
69
c. Inter Rhône en Chine
Afin de comparer une dernière fois ce qu’il peut de se
faire en termes de créativité des Français à l’étranger,
voisi un exemple de visuel de campagne d’Interhône, en
Chine. Cette image serait absolument interdite en France
dans le cadre de la loi Evin, cela va sans dire. Cette image
est extraite de la campagne publicitaire en Chine afin de
mettre en valeur les vins rouges de la vallée du Rhône.
Puisque les Chinois consomment actuellement près de
50% de Bordeaux, l’interprofession, dans ses missions de
promotion, a décidé de se lancer sur le marché chinois.
Cette campagne a été lancée en 2011.
La campagne, jouant tout sur le rouge permet de rappeler
que 85% des vins de la vallée du Rhône sont rouges, et de jouer également sur la couleur
rouge, qui symbolise la modernité et la sensualité.
Tout serait interdit sur cette affiche en France. Une femme élégante est en train de déguster un
verre de vin rouge. Tout est sujet à plaisir dans ce visuel, même la main dans le dos qui
commence à détacher la robe. Le slogan en chinois : « Les vins des Côtes du Rhône, le
bonheur qui n’attend pas ».
Le rouge est la couleur chinoise du bonheur, de la richesse et du romantisme (tout comme sur
le drapeau national). On est dans un registre glamour et clairement incitatif, qui ne pourrait en
aucun cas être légal en France.
Pourtant, combien de publicités faisant référence au glamour, voire au sexe, a-t-on pu recevoir
concernant des sodas ? Les exemples sont innombrables : référence à une extrême chaleur, de
la nudité, un homme ou une femme buvant une boisson fraîche, le sexe opposé arrivant séduit,
etc. Les campagnes de 7up, de Coca, d’Orangina, de Ginny « la plus chaude des boissons
froides », etc. sont d’innombrables exemples. Et ceci, sur les écrans de télévision pendant les
pics d’audience, sur des maillots de joueurs professionnels, le long des stades sportifs, à la
radio, dans les journaux et magazines, au cinéma…. !
De plus, les sodas ont été reconnus par les pouvoirs publics comme nocifs pour la santé, si
consommés en trop grande quantité. Répondant à l’inquiétude grandissante des associations,
70
des budgets pour mettre en place des politiques de préventions contre l’obésité, notamment
dans les derniers plans nationaux et européens, se créent. Injustice de la règle ? Pressions de
lobbys de groupes agroalimentaires multinationaux ?
Concernant les différenciations de campagnes à l’export et sur le marché national pour le vin
(mais c’est également valable pour tous les autres produits alcoolisés), les exemples sont
extrêmement nombreux. Depuis l’affaire des vins de Bordeaux, les interprofessions ne savent
plus ce qu’elles sont en mesure de promouvoir ou pas concernant le vin84
. Jérôme Constant,
juriste conseil de l’autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) a rappelé, au
sein d’un colloque à l’Assemblée Nationale sur une éthique dans la communication des
produits alcoolisés85 que les acteurs économiques les « filières alcool » faisant souvent appel à
l’ARPP pour avis sur la conformité des campagnes de communication. Près de 400 dossiers
par an sont déposés dans ce but.
A l’inverse, dans les autres pays producteurs, les campagnes de publicité en faveur de leur vin
national fleurissent. Les exemples étant trop nombreux, et afin de se donner quelques idées de
ce qu’il se fait, quelques publicités étrangères sont disponibles en annexe (CD).
Selon certains, de la contrainte doit naître la créativité de la part des agences françaises.
Comme le dit Dominique Hutin, « la loi Evin est rock’n’roll, mais il y a encore des
possibilités de programmes à développer, sans être censuré »86
. L’exemple de la publicité du
verre de Sicile prouve à quel point la créativité publicitaire peut être développée sur le vin,
sans jamais le mentionner87
.
Sans aller dans une désincarnation complète de la publicité, nous verrons ci-dessous que des
possibilités de communication positive sur le vin existent en France. Ce sont des pistes à
développer pour les agences publicitaires.
84 Entretiens téléphoniques avec différents chargés de communication au sein de différentes interprofessions 85 Agora organisée en avril 2012 à l’Assemblée Nationale intitulée « y a-t-il une place pour l’éthique dans la consommation des produits alcoolisées ? » organisée par le Syntec-Conseil, le Syrpa, et l’Uda 86 Entretien avec Dominique Hutin, journaliste pour France Inter, « on va déguster », 18 juillet 2012. 87 Spot publicitaire réalisé pour les vins de Sicile, disponible en annexe sur le CD
71
Section 3 : De nouveaux axes de communication positive sur
le vin : remettre le vin au cœur du sujet
Lorsqu’on s’intéresse au vin, on se rend bien compte qu’en France, il est partout. Ce n’est pas
uniquement sous forme de publicité. L’oenotourisme, en plein développement, est un moyen
positif pour parler du vin, en tant que sujet patrimonial français. La promotion de la
consommation modérée et responsable est un autre moyen de le faire.
1. L’oenotourisme
L’œnotourisme est une contraction entre le terme « œnologie » et le terme « tourisme ». Il
entreprend d’afficher le vin comme un produit culturel à travers les discours et les images
cultivées par les stratégies communicationnelles. A travers les siècles le vin a maintenu des
liens intimes avec les disciplines artistiques puisqu’il était envisagé comme un objet sacré. Il
est devenu profane au fil des siècles, tout en continuant de jouer un rôle social essentiel dans
les sociétés chrétiennes. Il est aujourd’hui de retour sur le devant de la scène culturelle
puisque le vin et les vignobles français deviennent des objets patrimoniaux grâce à leur mise
en communication et à leur mise en exposition. Il semble que cette patrimonialisation soit
rendue possible par l’envie des générations actuelles de la redécouvrir, en se réappropriant
l’art de l’œnologie, de la dégustation, et les secrets de la vinification. Les hommes peuvent
reconstruire une relation avec les générations passées au moyen de l’objet vin.
L’oenotourisme se traduit par des initiatives dynamiques et intéressantes dans tous les
secteurs : hôtellerie, restauration, visite des vignes, massages avec des produits issus de la
vigne, dégustations, etc.… En matière de communication, il s’agit ici de vulgariser les savoirs
du vin et de mettre en lien avec le processus de « retour à la terre », qu’une partie de la
société urbanisée recherche.
Ainsi, l’oenotourisme se manifeste par l’organisation d’évènements culturels mêlant
dégustations, secrets de vinification et expositions d’œuvres d’art variées : une forme de
pratique culturelle, et une vulgarisation du propos. Ces éléments sociologiques sont
indispensables pour comprendre comment la communication œnotouristique peut fonctionner
sur leurs cibles. France 3 Bourgogne a réalisé un épisode sur les pratiques œnotouristiques
dans sa saga Millésime, montrant à l’écran des dégustations de vin, en tant que redécouverte
des terroirs français88
. On note de nombreux documentaires et sites web de promotion de
88 Pour visionner l’épisode en replay : http://bourgogne.france3.fr/dossiers/millesime--70459459.html
72
l’oenotourisme, et une dynamique plus moderne dans les techniques de diffusion de
l’information.
a. Le pique-nique des vignerons indépendants
Parmi les nombreuses initiatives, qui naissent souvent dans le vignoble, prenons celui des
pique-niques des vignerons indépendants. Tout en organisant un évènement grand public,
orienté autour du plaisir, de la gastronomie et de la découverte d’un patrimoine, on promeut
une marque collective, et on la dynamise. Cet évènement est relayé par la presse et par tous
les supports médiatiques qui ne peuvent normalement pas être utilisés pour de la publicité de
vins89
. La communication est axée entièrement sur la découverte et sur la convivialité. Les
enfants buveurs de jus de fruits sont les bienvenus dans les chais, et les dégustations sont
thématisées par lieux historiques, ou culturels, etc.
b. Chasse aux trésors en Loire
A l’échelle plus régionale (les exemples sont innombrables), la chasse aux trésors organisée
par Vitiloire, en juin dernier, a été un succès médiatique pour les vins de Loire. Cette initiative
a été relayée par beaucoup de journaux et magazines régionaux et nationaux. Internet a été le
support d’information privilégié puisqu’il permet la diffusion d’informations très rapidement,
et au plus grand nombre. Nous verrons un peu plus bas que ce média est encore une zone où
les possibilités de communication sont infinies. La première phase de sélection s’est déroulée
exclusivement sur Internet, afin de choisir six candidats en tandem qui sillonneront ensuite les
vignes de Loire sur trois jours. La grande chasse aux trésors, est relayée sous formes
d’épisodes, diffusés sur une Web TV et relayée surtout par tous les réseaux sociaux,
permettant de diffuser très rapidement une information ou une image au plus grand nombre.
Ce relais met en place également un vote des internautes, les impliquant dans le suivi de
l’aventure et dans le nombre de vues des épisodes. Tout cela est fondé sur le principe de
découverte du patrimoine ligérien, rappelons que ce vignoble est classé au patrimoine mondial
de l’UNESCO.
Il est évidemment question d’une communication sur un évènement culturel, donc qui ne se
place pas dans le cadre de publicité, au sens commercial du terme. Mais cette communication
reste une communication positive sur le vignoble et permet de projeter sur tous ceux qui
89 http://www.vigneron-independant.com/pique-nique/
73
suivent l’évènement, une vision dynamique, et moderne de la région, donnant envie de la
découvrir. Une preuve que par le tourisme, le vin peut se développer considérablement.
N’oublions pas que la France est la première destination touristique mondiale, et que ces 80
millions de touristes viennent pour nos paysages en première motivation, puis pour notre
gastronomie, incluant les vins90
. Et que certains visuels permettent de créer autre chose, en
sortant de la loi Evin, puisqu’il ne s’agit pas de vin, mais bien de tourisme….
D’un point de vue plus sociologique, on pourrait également envisager l’oenotourisme comme
à la fois une étape dans le processus de patrimonialisation français, mais également un pas
considérable dans l’évolution de la perception du vin vu par les populations consommatrices.
L’image du produit peut évoluer à travers cette façon de voir les choses, et donc faire évoluer
le vin et changer sa vision dans les décennies à venir.
2. Une communication sur la consommation responsable et modérée
d’un produit culturel
A l’image du travail de promotion réalisé par Vin&Société, qui devrait se développer
davantage avec les budgets que les interprofessions allouent, la responsabilisation des
consommateurs est une façon de communiquer intelligemment sur le produit vin. On ne parle
pas de n’importe quel produit, et ainsi il ne s’agit pas ici d’oublier que le produit est alcoolisé,
mais de le remettre dans une consommation mesurée et responsable.
Les vidéos intitulées « repas divins », produites par V&S, et réalisées en partenariat avec
Dominique Hutin, journaliste de France Inter animant l’émission du dimanche matin « On va
déguster » pourrait être un exemple de vin remis à la télévision, sans velléité de publicité.
Utilisation du conditionnel ici, car les programmes ont été lancés au mois de juin 2012 et
qu’ils ne sont pas à l’abri d’une attaque de l’ANPAA. Le travail ayant été fait avec une
avocate spécialisée en publicité des produits alcoolisés, il semble que les programmes soient
conformes à la légalité. Dominique Hutin, ironique sur le manque de spontanéité, en tant que
présentateur des vidéos, confie : « Je souhaitais scénariser chaque scénette pour que ce soit
plus spontané, résultat : chaque mot a été validé par l’avocate, et nous avons fini par tout
écrire et les lire au prompteur »91
.
90 Denis Saverot, In Vino Satanas, chapitre “On a oublié les étrangers », p. 97 selon une étude IPSOS et Maison de la France de janvier 2007 91 Dominique Hutin, entretien du 18 juillet 2012
74
Dans ces repas divins, on commence avec une suggestion de recette simple et accompagnée
d’un vin choisi par Dominique Hutin, le chroniqueur gastronome de France Inter. On peut
aussi partir pour un séjour œnotouristique original. Le tout est couronné par la minute
dégustation responsable, rappelant qu’il ne faut pas boire sans manger ou encore ne pas
hésiter à emporter sa bouteille de vin entamée commandée au restaurant.
Dans ces vidéos92
, le message de V&S est de promouvoir le vin, tout en ayant conscience de
son côté alcoolisé et en devenant responsable de sa consommation. Ces vidéos, libres de droit,
ont été relayées par l’ensemble de la presse spécialisée, et seront repris par quelques chaînes
de la TNT à partir de septembre. Une façon de remettre le vin à la télévision, en tant que
produit culturel ? « Nous avons souhaité exprimer toute la richesse du vin à travers la
gastronomie et l’oenotourisme, pour que chacun puisse se rappeler que la culture du vin est
un patrimoine. On peut s’intéresser à des paysages et à des traditions, même si on n’est pas
amateur de vin, tout en ayant conscience que sa consommation doit être modérée et
responsable » explique Séverine Besse-Le Saux, ancienne directrice générale de V&S93
.
Il ne s’agit pas ici, de publicité, puisqu’aucun achat d’espace n’est réalisé, et qu’aucune
marque n’est mise en avant (avec coordonnées, prix des bouteilles, etc.), mais c’est une façon
de rappeler que le vin est synonyme de culture, gastronomie, patrimoine et paysages
magnifiques, et qu’un repas à la française ne s’imagine pas sans vin, même si celui-ci peut
être envisagé à sa juste mesure. C’est un choix judicieux de la part des interprofessions, qui
ont mandaté Vin&Société pour réaliser cette communication générique, afin de rétablir une
vision culturelle et historique du vin, essentielle à une juste appréhension du produit.
Cette initiative se place également dans la lignée du Manifeste ayant vu le jour il y a un an et
aujourd’hui signé dans l’ensemble des régions viticoles françaises94
. Celui-ci avait pour but de
rappeler à tout le monde l’importance du secteur vitivinicole et permettre aux hommes et
femmes du vin de parler librement, mais de façon responsable. Une autre façon d’interpeller
les médias et les pouvoirs publics sur notre culture commune du vin et la possibilité d’en être
fier, sans se sentir coupable, ou de mauvaise foi sur de la promotion de l’alcoolisme.
"Si le vin disparaissait de la production humaine, je crois qu'il se ferait dans la santé et dans
l'intelligence de notre planète un vide, une absence encore plus affreuse que tous les excès dont on le
rend coupable » Charles Baudelaire.
92 Toutes les vidéos par thématique disponibles sur http://www.vinetsociete.fr/repas-divin 93 Entretien téléphonique de mai 2012 94 http://www.vinetsociete.fr/manifeste
75
Section 4 : Un problème de positionnement pour les
communicants, l’importance du choix du média
1. Confusion des genres entre information, promotion et publicité :
exemple des refus de chaînes spécialisées à la télévision
Depuis quelques années, une « guerre des télés du vin »95
se livre entre les créateurs des
chaînes, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, le Conseil d’Etat.
Plusieurs projets ont été imaginés afin de répondre à une demande des téléspectateurs, friands
des programmes culinaires et de gastronomie, qu’ils soient purement informatifs, ou affichant
des lieux, des prix, etc. Les programmes sur le vin, en tant que produit de consommation et en
tant que produit culturel, ont des marchés de consommateurs à rattraper, et notamment sur le
marché français.
Nous verrons succinctement en quoi consistent ces différents projets, pour s’intéresser plus
spécifiquement aux réactions du Conseil Supérieur Audiovisuel et leur «non légalité » jugée
par différents acteurs institutionnels français pour des motifs de non respect de la loi Evin.
a. Le vin à la télévision
Le vin ne peut être objet de publicité à la télévision, ceci depuis la loi Barzach, et maintenant
dans le cadre de la loi Evin. Mais le vin, en tant que sujet économique, gastronomique, ou
historique, peut être vu à la télévision. C’est le cas dans certaines émissions telles que
« Toques et Politique », émission animée par Périco Légasse sur la chaîne LCP, ou encore
« les escapades de Petitrenaud » qui sillonne les vignobles pour France 5, ainsi qu’ « In
Vino », émission dédié au vin et animée par Alain Marty. D’autres allusions au vin se font
régulièrement, dans des téléfilms, ou encore dans d’autres émissions gastronomiques à la
mode, telles que Master Chef ou Top Chef, Fourchette et sac à Dos, etc.… Les exemples sont
nombreux et la demande de ce type de programmes est réelle. Un constat que les créateurs de
programmes télévisés et de chaînes ont bien en tête, motivant, selon eux, des créations de
chaînes spécialisées sur le monde vitivinicole.
95 Titre d’un reportage de la RVF sur ce sujet
76
Pourtant, au début de l’été 2012, une interdiction de la part du Conseil d’Etat émane
concernant la création de la chaîne Deovino, qui avait auparavant été acceptée par le Conseil
Supérieur de l’Audiovisuel (CSA). Edonys, autre projet de chaîne spécialisée sur le vin, avait
été quant à lui refusée par le CSA, et ceci pour plusieurs motifs de « non-conformité à la loi
Evin ». Le motif principal était le problème de la dégustation à l’écran. Pourtant à la radio
française, Dominique Hutin ne se prive pas de déguster à l’antenne. Alain Marty, David
Cobbold et Philippe Faure-Brac, sur l’émission In Vino de BFM business donnent également
leurs conseils d’achat pour tel ou tel vigneron, en tant que professionnels du vin. Périco
Légasse n’hésite pas à montrer et boire du vin à l’écran, mais sans citer les domaines. Même
chose pour Alessandra Sublet, présentatrice de « C à Vous », programme de France 5,
animant son émission avec ses invités autour d’une table, d’une assiette et de verres de vin.
Les règles nous semblent floues : que peut-on montrer à l’écran légalement ? Quelles sont les
interprétations possibles ? Le vin est-il vraiment en train de devenir « l’étendard de la liberté
d’expression, un peu malgré lui »96
?
On part d’un constat assez déroutant : les interprétations de la loi Evin par les uns et les
autres, font de la France le seul pays où il parait impossible de citer un nom de vigneron ou de
domaine, alors qu’il vend des bouteilles jugées prestigieuses par les amateurs et les
professionnels. Aujourd’hui, seul Internet reste une « zone des possibilités », avec quelques
programmes de télévision sur le vin comprenant des dégustations qui n’ont encore jamais été
inquiétés par le CSA.
b. Le projet Deovino et Edonys sur les ondes hertziennes et satellites
En septembre 2009, un projet de chaîne, conçu par les producteurs Media Partners, appelé
Edonys, et traitant exclusivement du monde vitivinicole, est déposé au CSA. L’idée initiale,
était « d’avoir une autorisation de diffusion sur un réseau ciblé français, celui du câble et du
satellite, avec une réception des programmes payante »97
. La chaîne toute entière est rejetée
par le CSA en mars 2010, expliquant que les programmes ne sont pas conformes à la loi Evin.
« Alors, on autorise des programmes de pornographie ou toute forme de violence à la
télévision, mais on interdit de pouvoir parler de nos grands crus et de notre patrimoine »,
affirme Jean-Michel Peyronnet, scandalisé. De nombreuses réactions en chaine dans la presse
96 Jérôme Baudoin, La guerre des télés du vin, La RVF n° 544, p.35 97 Entretien ave Jean-Michel Peyronnet, juillet 2012
77
et sur Internet tentent de démontrer que cette décision tient de la censure, surtout concernant
une chaîne payante, à laquelle les téléspectateurs décident de s’abonner volontairement. Selon
tous les professionnels du vin, le constat est unanime : les programmes informatifs ne doivent
en aucun cas être assimilés aux règles de publicité régies par la loi Evin. Celle-ci interdit en
effet à la télévision de faire de la publicité pour le vin, mais pas d’émettre des reportages ou
des émissions y faisant référence98
.
Un autre projet de télévision du vin, Deovino, est présenté au CSA, et est lui, accepté. Les
créateurs de la chaîne avaient fourni des preuves de ne diffuser ni publicité, ni dégustations,
pour aller dans le sens du CSA.
Les membres du CSA et de Deovino sont vite suspectés d’entretenir des liens très personnels.
Françoise Laborde, membre du CSA, référente sur ces sujets s’est exprimé publiquement en
faveur de Deovino à plusieurs reprises. Beaucoup d’encre a coulé sur les liens de proximité
existants entre Françoise Laborde, et Michèle Cotta, présidente pressentie de la chaîne
Deovino, ancienne journaliste, et qui aurait également été le « témoin de mariage entre
Françoise Laborde, ex présentatrice du 20 heures, et Jean-Claude Paris ancien président de
la chaîne iTélé »99
.
La chaîne Deovino, également imaginée comme chaîne payante accessible sur abonnement,
vient pourtant d’être refusée par une décision du Conseil d’Etat. Celle-ci avait pourtant été
conçue, en partenariat avec le Ministère de la santé, intégrant des messages de
responsabilisation de consommation d’alcool et de modération100
.
Edonys, qui avait décidé de changer de stratégie, en allant s’installer au Luxembourg, afin
d’émettre depuis l’étranger, avait attaqué le projet concurrent, jugeant que l’avis favorable du
CSA était discriminatoire envers eux101
. Le Conseil d’Etat les a donc écouté, puisqu’à décidé
d’annuler la « convention d’émettre », conclue entre Deovino et le CSA, pour le motif de non
respect de la loi Evin. Par ailleurs, ce même Conseil d’Etat a jugé discriminatoire le véto posé
par Françoise Laborde sur le projet de chaîne concurrent en jugeant qu’elle avait manqué
d’impartialité, en donnant son avis à plusieurs reprises dans la presse : « Françoise Laborde
avait trop parlé et avait manqué à son devoir de réserve lors de la prise de décision du CSA
98 Cf. 1ère partie. 99 Jérôme Baudoin, op cit. 100 Jérôme Baudoin op.cit. 101 Recours déposé auprès du Conseil d’Etat par la SARL Media Partners, société défendant Edonys
78
l’année dernière ». Le juge administratif a accueilli favorablement ce motif et a demandé au
CSA d’étudier le dossier d’Edonys de nouveau, avant trois mois102
.
Deovino, ainsi que leur société de production Maya Media, s’expriment sur leur site internet,
au lendemain de la décision du Conseil d’Etat, étonnés et déçus : « Il est étonnant que l’on
puisse, par anticipation, juridiquement décider que nos émissions ne respecteraient pas le
Code de Santé Publique. Et pourtant, nous avons pris, dans l’élaboration de notre grille des
programmes, toutes les dispositions pour respecter la dite Loi Evin, et ceci après avoir
rencontré le Ministère de la Santé, la Direction de la Santé, les organisations de prévention
contre l’alcoolisme ». Ils rappellent que la convention élaborée avec le CSA précisait « leurs
intentions d’exclusion de la dimension publicitaire et promotionnelle du vin et des boissons
alcooliques, sans éléments spécifiquement laudatifs, complaisants ou promotionnels en faveur
du vin et des boissons alcooliques, ainsi que la diffusion d’émissions de prévention contre
l’abus d’alcool »103
. Un comité d’éthique avait également été mis en place, avec médecins et
spécialistes de la prévention, qui auraient participé à la vérification des programmes pour
qu’ils restent conformes au cadre juridique de la loi Evin. Ils regrettent bien sûr
« l’acharnement de Media Place Partners/ Edonys » qui a amené, selon eux le Conseil d’Etat
à les censurer, et qui mène les deux projets à la corbeille. « Là où il aurait pu y avoir deux
chaînes de télévision (Deovino et Edonys) consacrées à rendre compte du travail d’excellence
des métiers de la vigne … Il n’y en a aucune »104
.
La « guerre des télés du vin », est bel et bien déclarée. Dans le cadre législatif actuel, parler
du vin devient censurable, même avec des programmes élaborés en partenariat avec les
experts de la santé publique, et des juristes spécialisés. Mais il est plus difficile encore, de
mettre de côté les enjeux économiques des uns et des autres, pour agir collectivement, surtout
dans un cadre où les décisions des institutionnels ne sont pas logiques puisque rendues en
fonction des affinités avec les acteurs. Des logiques juridiques se retrouvent imbriquées avec
des enjeux financiers et des jeux politiques entre les différents acteurs : un résultat décevant
pour les passionnés de vin, qui restent prêts à payer afin d’être informés des évolutions et
actualités du monde du vin.
102 Décision du Conseil d’Etat rendu le 11 juillet 2012 103 Lettre rédigée par l’équipe de Deovino et disponible sur http://www.deovino.com/ 104 Deovino, op.cit.
79
c. La solution internet : Vigne et vin.tv. Une chaîne déguisée ?
Aujourd’hui, la seule chaîne de télévision spécialisée dans le secteur vitivinicole est une web
TV, imaginée par Jacques Legros, ancien présentateur du 13h de TF1, et passionné par
l’univers du vin. Vigne et Vin.TV a bel et bien été imaginée pour être diffusée exclusivement
par le web, celui-ci n’étant pas sous le contrôle du CSA.
Le projet a été lancé avec un budget initial de 600 000 euros afin que la chaîne soit en mesure
de produire chaque jour une nouvelle vidéo et de réussir à amener 10 000 visiteurs
quotidiennement105
. Le financement du site web se ferait à termes avec des annonceurs de
plateformes, ainsi qu’à travers une boutique en ligne réunissant des objets œnologiques ou
livres spécialisés. L’oenotourisme sera également une piste de développement afin que le site
devienne une référence pour le consommateur qui souhaiterait se rendre dans une région
viticole afin de la visiter. A de nombreuses reprises, Jacques Legros avait stratégiquement
rappelé que la prévention et la modération sur la consommation de vin serait également
présente dans chaque reportage afin d’être dans une dynamique d’éducation et non pas de
répression.
L’ambigüité entre la construction d’un site web avec des reportages disponibles et la création
d’une chaîne de télévision sectorielle est entière. En effet, le budget de lancement est similaire
à celui de Deovino et d’Edonys, et le principe est de créer de l’information audiovisuelle avec
des programmes à la carte pour l’internaute. Jacques Legros parle souvent à la presse ou aux
blogueurs de « chaine télévisée du vin ». On peut donc se poser légitimement la question
quant à la création de ces programmes : commencer sur le web est-il une façon de contourner
la loi Evin ?
d. Le rôle du CSA dans l’interprétation de la loi Evin
Il est clair qu’aujourd’hui, le CSA n’a pas de contrôle sur les web TV. Jacques Legros s’est
exprimé sur le rôle du CSA : « Alors même que notre site n’était pas encore conçu, nous
avons eu le CSA sur le dos pour nous dire que nous n’avions pas le droit de créer une chaîne
sur le vin. Or le CSA n’a pas la compétence de contrôler les sites internet ! »106
. Pourtant, il
semble que le Conseil de l’Audiovisuel aimerait bien acquérir ces dispositions. Michel
105 Informations diffusées par l’équipe de Vigneetvin tv lors d’une conférence de presse, lancement de la chaîne, au château de Pommard. 106 Propos de Jacques Legros, par la RVF
80
Boyon, le président du CSA, s’est exprimé à ce sujet : « Le CSA est compétent pour la radio
et les télévisions diffusées par l’Internet, et depuis un décret publié en novembre dernier, pour
les services de médias audiovisuels à la demande, c'est-à-dire la télévision de rattrapage et la
vidéo à la demande. Les autres contenus audiovisuels accessibles sur l’internet,
contrairement à ceux de la télévision de sont pas régulés, ce qui devient difficile à justifier
auprès de l’opinion publique. Le problème va d’ailleurs trouver son illustration avec le
développement du téléviseur connecté par ce que les mêmes images arriveront par deux
canaux différents, mais seules celles qui arriveront par la télévision seront régulées, et seront
soumises, le cas échéant à une signalétique. Il y a là une incohérence législative qu’il faudra
surmonter, parce qu’on ne peut renoncer à un minimum de régulation pour assurer la
protection de l’enfance et de l’adolescence et le respect de la dignité de la personne humaine.
On sent bien une hésitation des pouvoirs publics, car dès qu’on touche à Internet, on est
immédiatement accusé d’être liberticide, et en même temps il y a une attente très forte de
l’opinion »107
.
Parler de vin sur Internet est légal, aux yeux de la loi Evin, mais on ne sait pas vraiment pour
combien de temps. Dans cette zone des possibilités, les mentions obligatoires seront
certainement évolutives dans les années à venir, et on en comprend aisément le sens. Il ne
s’agit pas de pouvoir émettre tout et n’importe quoi sans aucune limite, notamment vis-à-vis
des mineurs. Mais, là où tous les acteurs s’étonnent, c’est de ne pouvoir avoir des canaux
choisis (puisque payants) où le vin puisse être promu en tant que produit chargé d’histoire.
Lors de la table ronde au Sénat, organisée par Vin&Société, Marie-Christine Tarby,
présidente, s’était insurgée sur la non différenciation entre consommation d’alcool et
l’évocation du vin : « Quand Frédéric Mitterrand, Ministre de la Culture, passe à la
télévision dans Un diner presque parfait pour célébrer le classement du repas français à
l’Unesco , il n’a même pas le droit de présenter le vin qui accompagnera le repas, alors que
le vin est un fleuron de notre patrimoine et de notre gastronomie ! ».
L’inquiétude se place au niveau de la restriction : si Deovino et Edonys ont été retoquées par
les institutionnels français, qui ne souhaitent pas que le vin puisse être objet de documentaires
à la télévision, même si ceux-ci respectent les objectifs de santé publique, une censure pourra
être appliquée de façon insidieuse à toutes les images diffusées évoquant le vin à travers la
107 Extrait de l’interview réalisée par la journaliste Béatrice de Mondenard pour Astérisque, La Lettre de la Scam, magazine trimestriel édité par la Société civile des auteurs multimédia. N° 39 de février 2011
81
télévision ou le cinéma. Il est clair par exemple, que malgré des émissions culinaires en
vogue, on n’évoque jamais un accord mets-vins, malgré leur inscription commune au
patrimoine mondial de l’UNESCO.
Il est à noter que dans certains pays européens, le vin connaît des mesures favorables récentes
en termes de publicité et de communication: « En Autriche et en Espagne, les boissons
alcoolisées ne doivent pas dépasser 20% des publicités à la télévision. La Finlande et le
Danemark ont assoupli leurs lois, dans le but de favoriser une communication plus culturelle
sur l’alcool, de lutter contre les abus et in fine, d’éduquer davantage les consommateurs. Il
n’y a que la France pour dicter tout ce qu’il faut faire !», explique José Ramon Fernandez,
membre du Comité Européen des Entreprises du Vin (CEEV).
e. Des émissions sur le vin ailleurs dans le monde
La fierté du vin, la dégustation à l’antenne, etc.… D’autres pays l’ont réalisé avec succès,
confirmant la demande existante des curieux du vin. Le vin fascine, il rassemble, c’est une
évidence pour les Américains, qui ont déjà mis en place dans Vine Talk, « un talk show à
l’américaine sur le vin »108
. Il s’agit ici d’une émission hebdomadaire animée par Stanley
Tucci où le vin est abordé de façon décomplexée avec un invité célèbre et un sommelier à
chaque émission. On parle d’une région sélectionnée, avec des experts du vin, et on déguste
sans aucun embarras, devant la caméra. L’audience explose, le programme connaît un vrai
succès.
En Suisse le rapport au vin, est sacralisé. Le festival Oenovidéo, se tenant chaque année, dans
le château d’Aigle, récompense les meilleures productions cinématographiques parlant de vin.
Claude Brasseur, acteur français, décernait en juin dernier, les prix des meilleurs films sur la
vigne, le vin et le rapport des hommes à cette culture et ces produits. Il était président de la
19ème édition du festival Oneovidéo, qui s’est déroulé du 31 mai au 3 juin à Aigle, en Suisse
et s’exprimait en ces termes après trois jours de production : « La vigne et le vin sont de très
beaux sujets, humains et profonds. Encourageons la réalisation des fictions autour de la
vigne et du vin. La rencontre entre deux sensibilités qui se ressemblent tant, des réalisateurs
et des vignerons talentueux, donnera, c’est certain, naissance à de grands films… comme il
108 Les Français en rêvent, les Américains l’ont fait », Article de BourgogneLive, et épisode disponible sur le CD en annexe
82
existe de grands vins»109.C’est intéressant de noter que le festival prévoit différentes mentions,
afin de mettre en valeur différents aspects du produit vin : une mention « patrimoine » est
décernée chaque année au cours de ce festival afin de récompenser les réalisateurs rappelant
que les vignobles du monde entier sont des constructions patrimoniales qu’on ne peut laisser
disparaître.
Le futur thème de ce festival : « déguster et fêter le vin sur tous les continents »110
.Un vin qui
rapproche, qui crée de la joie et de la cohésion sociale, qui accompagne les moments
importants d’une vie, que l’on apprécie différemment selon notre appartenance culturelle, qui
rappelle des souvenirs, que « l’on a sur toutes les lèvres… ».
Il ne s’agit plus ici de garder l’unique prisme d’interprétation du vin en tant qu’alcool nuisible
pour la santé et dangereux puisque créant une dépendance dès le premier verre. Il s’agit de
ramener le vin dans la diversité qu’il crée, dans sa culture, dans son histoire.
« Le vin réjouit le cœur de l’homme, et la joie est la mère de toutes les vertus », Johann
Wolfang Goethe.
109 Programme et informations disponibles sur : http://www.oenovideo.oeno.tm.fr/presse 110 Thème de la 20ème édition d’oenovidéo en 2013 disponible sur leur site web http://www.oenovideo.oeno.tm.fr/tim
83
2. Le cas internet : les zones grises en matière de placement produits,
fenêtre d’opportunité
La démonstration d’une utilisation extrêmement répandue d’Internet n’est plus à faire. Mais
ce média n’apparaissant pas dans la liste des médias autorisés, le Conseil d’Etat, dans un
rapport de 1998, avait considéré que la « publicité sur l’alcool devrait être autorisé sur
Internet »111
. Cette interprétation avait été suivie par l’Autorité de réglementation
professionnelle de la Publicité (ARPP) en 2004 sur sa recommandation sur l’alcool112
. Malgré
ces recommandations, le TGI de Paris, dans l’affaire Bacardi, avait déclaré en 2007 que
puisqu’Internet n’apparaissait pas sur les supports autorisés, il était interdit113
. Cette
interprétation avait été reprise en 2008 par le TGI de Paris, puis par la Cour d’Appel en 2008,
dans l’affaire Heineken, qui avait émis des publicités sur Internet, et qui avait été attaqué par
l’ANPAA114
.
Depuis le 21 juillet 2009, dans la loi dite « Bachelot », il est désormais autorisé de faire de la
publicité pour Internet, sauf publicités intrusives sous formes de pop-up ou de spams (cf.
partie 1 du mémoire). Malgré les réticences des associations de lutte contre l’alcoolisme qui
s’inquiétaient de l’alcoolisation des jeunes, cette même tranche de population utilisateurs
d’internet en majorité, la ministre de la santé de l’époque, Roseline Bachelot avait répondu à
ses inquiétudes en autorisant l’amendement parlementaire sur la publicité de l’alcool en ligne
à condition de l’entourer de garde-fous. Même Claude Evin, avait exprimé un avis favorable
en disant : « la loi de 1991 reposait déjà sur une recherche de compromis entre la liberté de
commerce et les enjeux de santé publique. Internet n’avait pas été pris en compte puisque à
l’époque, embryonnaire. C’est un difficile équilibre à atteindre, mais qu’il faut réussir à
trouver aujourd’hui ».
La loi Bachelot autorise donc la publicité des alcools sur internet. Mais elle renforce
également la protection des mineurs, en augmentant l’âge au dessus duquel il est interdit
d’acheter de l’alcool. On passe d’une limite d’âge à 18 ans, alors qu’avant celle-ci était
111 Conseil d’Etat, Rapport public « Internet et les Réseaux numériques », La Documentation Française, 1998 112 AARP, recommandation sur l’alcool, version de juin 2010, disponible sur http://www.arpp-pub.org/Regles-en-vigueur.html 113 TGI Paris ordonnance de référé du 2 avril 2007, affaire ANPAA vs Bacardi France et Bacardi Martini Production 114 TGI Paris, ordonnance en référé du 8 janvier 2008, affaire ANPAA vs Heineken, puis décision Cour Appel du 13 février 2008.
84
limitée à 16 ans115
. Ainsi la vente en ligne doit respecter les mêmes dispositions énoncées ci-
dessus pour les mineurs.
a. Internet, le lieu de tous les possibles
Cet assouplissement de la loi Evin, est notamment dû au travail du Forum des droits sur
l’Internet intitulé « Publicité en Ligne et Alcool » qui a été présenté en décembre 2008. Ce
groupe avait réfléchi sur la question des formats de publicité en ligne. Puisque sur Internet, la
publicité est souvent interactive, il était nécessaire de trouver des formats adaptés, tout en
excluant les groupes intrusifs.
Le message publicitaire reste lui aussi très encadré sur Internet, et nous essaierons de nous
intéresser à la possible réalisation de ce principe. Par nature, est-ce qu’un message diffusé sur
Internet en faveur d’un vin particulier sera assimilé à de la publicité ou non ?
Si on réfléchit à ce sujet en matière d’achat d’espace, alors les règles de contenus sont
exactement les mêmes que sur les autres supports. S’il s’agit de « publi-promotion », à savoir
sans aucun achat, le vin est alors évoqué, ou par son producteur, ou par les conditions de
consommation que le buveur souhaite partager. Les frontières sont donc plus floues. Internet
connaît aujourd’hui une multiplication de blogs et de sites web faisant la promotion d’accords
mets-vins, ou de bouteilles en particulier. Or les blogs, tout comme les réseaux sociaux,
n’étant ni des sites, ni des messages privés, restent des zones de flou juridique. D’un autre
côté, si Internet reste un lieu réglementé, il s’avère aujourd’hui, qu’il correspond aussi à une
zone de créativité incroyable pour les communicants.
b. Des réunions spontanées de communicants web et vin : les Vinocamps
Ce constat est né à la suite de différents Vinocamp, des réunions spontanées entre des
passionnés d’internet et de vin, qui souhaitent avoir une vision professionnelle, axée sur le
mode participatif, puisque chacun peut proposer un module et l’animer s’il le souhaite116
. La
première édition a eu lieu à Paris en juillet 2010. Les thèmes d’atelier, ces dernières
rencontres, ont axé justement sur la créativité que l’on pouvait développer sur Internet, tout en
étant légal, et en utilisant efficacement les outils les plus récents d’internet tels que Réseaux
Sociaux (Facebook, Twitter, foursquare, etc..) et applications pour téléphones mobiles.
115 Article L3342-1 116 Les deux fondateurs des Vinocamps sont Anne Victoire Monrozier, et Grégoire Japiot
85
Attention, sur ces derniers outils, nous verrons que l’affaire Ricard qui vient d’être jugée, à
donné une interprétation des applications de téléphones comme supports de publicité interdite.
Les Vinocamp se tiennent dans différentes villes de France et d’Europe. Le dernier s’est tenu
en Champagne, le dernier week-end de Juin 2012.
Ainsi beaucoup se posent la question, et souhaitent être créatifs dans leur façon de
communiquer sur le vin, tout en restant dans la légalité de la loi Evin, cadre qu’on a vu rigide
et restrictif.
c. Les blogs et les relais par les réseaux sociaux
Parmi les nombreuses possibilités, le blog est un moyen de communication différent du site,
mais intéressant puisqu’il permet une communication extrêmement rapide des informations.
Le phénomène des blogs dans le vin explose numériquement. Pourtant, ce média demande un
investissement de temps et de rythme de publications, souvent bien différents des contraintes
réelles du vigneron dans ses vignes et sa cave. Malgré cela, certains exemples de blogs de
vignerons sont des succès sur le plan communication et marketing. Exemple en est du blog
d’Hervé Bizeul, du domaine du clos des fées.
Mais la plupart du temps, les blogueurs sont des communicants, ils ne sont pas vignerons,
n’utilisent pas le blog comme journal de bord. Ces communicants se retrouvent partout sur la
toile, et créent une dynamique de circulation de l’information. Celle-ci devient très rapide,
particulièrement lorsqu’elle est relayée par des réseaux sociaux en un clic. Certains blogs
aujourd’hui, deviennent de sérieux concurrents de la presse spécialisée, puisqu’ils sont
capables d’étendre leurs informations à des milliers d’internautes en très peu de temps. C’est
le cas d’un blog/site comme Bourgogne Live, ou le Vindicateur sur Rue 89. Un blog ou un
site web spécialisé intégrant du contenu quotidiennement peut avoir une force de frappe
communicationnelle énorme. Les blogs de vins, qu’ils soient rédigés par amateurs ou
professionnels du vin permettent aux producteurs de se faire connaître : « les blogs de vin
pourraient ainsi permettre à de nombreux producteurs de vin de se faire connaitre auprès des
consommateurs, autrement que par des techniques promotionnelles »117
. Le blog, par son côté
amateur et indépendant, n’a encore jamais été condamné comme non conforme aux règles
édictées par la loi Evin. Il semblerait que 20% des blogs du vin correspondent plutôt à des
117 Mémoire de recherche en marketing de Guillaume Lempérière , Business school de Rouen, cité dans un article de Bourgogne Live du 7 août 2012
86
travaux de critiques de vin, que 18% sont plutôt dans l’apprentissage du vin, 16% rallient le
vin à la gastronomie, et 16% parlent des liens qui réunissent vin et culture118
. On est ici dans
une consultation d’informations grand public, et non pas dans des mondes spécialisés. 25%
des blogs spécialisés reçoivent plus de 10 000 internautes par mois, leur force
communicationnelle est énorme. Les blogs sont des mondes à la fois riches en contenus, mais
assez éphémères, puisqu’ils doivent être alimentés très régulièrement pour être crédibles et
consultés. D’un point de vue message, « l’intérêt du blog réside dans la pertinence de
l'information qu'on y trouve. Pour être lu, un blog doit trouver sa place dans la blogosphère
en apportant un contenu nouveau, régulier et intéressant»119
. Sowine avait lancé une étude en
2010 afin de comprendre qui étaient les usagers des blogs, et comment ils s’en servaient. Dans
leur baromètre Sowine/SSI 2010, on voit bien que les usagers sont attirés par deux catégories
de blogs : ceux qui racontent l’histoire d’un domaine ou d’un vigneron, et ceux qui relaient de
l’information sur le secteur viticole. Ils croisent les sources en allant sur différents blogs afin
de recouper les informations. Ces blogs sont en premier lieu relayés par les interfaces de
réseaux sociaux les plus utilisés : Facebook et Twitter.
d. Le problème de la nature du message et des réseaux sociaux: l’affaire
Ricard
Certains posent la question juridique de la nature des contenus sur ce type de médias. Parler
d’un vin, en faire la promotion, faire apparaître l’adresse du producteur, le prix de la bouteille,
les lieux d’achat, etc., est considéré par les associations de prévention contre l’alcoolisme
comme une technique de « publi-rédactionnel », faisant une publicité indirecte pour certains
produits, sans achat d’espaces commerciaux de publicité. Il est préférable, semble-t-il, de voir
ces moyens se développer comme expression spontanée démocratique, permettant de pouvoir
communiquer librement sur n’importe quel sujet, et que dans la mesure où il n’y a pas
d’appels à la haine, au meurtre ou à la violence, ces médias sont informatifs, au même titre
que du contenu rédactionnel que l’on trouve ailleurs dans la presse.
En juin 2011, Ricard lance une nouvelle campagne de publicité intitulé « Un Ricard des
Rencontres », attaquée immédiatement par l’ANPAA sur le slogan, ainsi que sur des
possibilités de voir cette campagne à partir d’applications gratuites, disponibles sur les
118 Mémoire de Guillaume Lempérière, cité par François Desperriers, Bourgogne Live, 8 août 2012 et par Vitisphère le 13 août 2013 119 Blog de SoWine, agence en communication et marketing, spécialisée en vin.
87
smartphones. La SA Ricard se voit donc assignée en référé par l’association pour ordonner le
retrait du film publicitaire sur Internet, les applications Ricard 3D et Ricard Mix Codes
disponibles gratuitement sur I Tunes et l’Apple store pour I Phone, ainsi que tous les supports
contenant le slogan. Le 5 aout 2011, les référés du TGI de Paris, avait condamné Ricard pour
son slogan, jugé non compatible avec les dispositions de la loi Evin. Ricard avait essayé de
plaider le terme « rencontres » pour les ingrédients utilisés, dans la recette originale, ainsi que
dans les cocktails à la mode. Mais en appel, la décision du 23 mai 2012, la Cour d’Appel de
Paris, ordonne le retrait des affiches, au motif que les mentions ne peuvent être considérées
comme des indications objectives en rappelant que « la déclinaison d’une gamme de couleurs
jouant sur l’évocation des ajouts au Ricard (eau, glace, grenadine, menthe) et les nuages
(utilisés dans le film publicitaire) renvoient à une impression de légèreté ou d’évasion et que
le sigle # visé par la publicité associé à un chiffre dont le sens est incompréhensible pour le
consommateur, n’a d’autre objet que de rappeler son attention, et plus particulièrement celle
d’un consommateur jeune, sensible aux nouvelles technologies ». Elle ordonne également le
retrait du film publicitaire dans son ensemble, ainsi que la suppression des applications
gratuites. Ce dernier point nous interpelle dans le cadre des dispositions autorisées sur
Internet : pour la Cour d’Appel de Paris, ce mode de communication est intrusif. Les juges
d’appel s’expriment en ces mots : « L’accord de l’utilisateur d’accès à ses données
personnelles et l’autorisation donnée à Ricard, de publication sur Facebook en son nom, ne
constituent pas un accord pour recevoir ou diffuser des messages au contenu dont il n’a
préalablement connaissance, et qu’il ne maîtrise pas. » Ils disent aussi : « le texte de ces
messages, adressés par Ricard sur le mur de l’utilisateur, consultables par ses « amis » et qui
incite clairement à télécharger l’application Ricard Mix Codes, apparait de manière inopinée
et systématique, revêtant ainsi un caractère intrusif ». Le caractère intrusif des réseaux
sociaux est interprété par la cour. La Cour de Cassation pourra se prononcer à son tour, si
Ricard choisit de la saisir.
Méfiance donc avec les réseaux sociaux du web 2.0, puisque les interprétations des juges ne
vont pas dans le sens de leur reconnaissance. Que les utilisateurs de sites web soient rassurés :
les sites web sont considérés comme des sites institutionnels et non des publicités, puisque
celles-ci se trouvent sous forme de bannières, de pub animée en marge des sites, ou encore
sous formes d’emails reçus, sans qu’on ne l’ait demandé.
Pourtant sur Facebook, Twitter, Foursquare, etc., et toutes ces plateformes, chaque passionné
du vin s’exprime haut et fort afin de faire partager ses impressions ou connaissances sur la
88
vigne ou sur les bouteilles tant aimées. Ainsi, on pourra légitimement s’interroger sur la
responsabilité de chaque utilisateur de ces réseaux sociaux : si je poste une information en
faveur d’un domaine sur le mur de mon ami Facebook, suis-je alors dans l’illégalité ?
Le phénomène du vin sur les blogs et sur les réseaux sociaux a explosé. Il est indéniablement
un des moyens de communication positive sur le vin en France. On voit même que le web est
le lieu de vidéos de dégustation postées sur des sites de critiques de Vin. Certaines revues
spécialisées comme la Revue des Vins de France ont une rubrique sur leur site web qui
permet de visionner des dégustations en ligne de vins d’un domaine ou d’une appellation
particulière120
. Ceci est réalisé dans un but informatif, mais pourrait être jugé (dans le sens de
la jurisprudence) comme du « publi-rédactionnel ». C’est pourquoi, il est fondamental de
redéfinir les termes de publicité, communication et information, afin qu’on ne puisse
mélanger les sites et les images informatives sur le vignoble français, et sur les publicités pour
des domaines ou des marques apparaissant en marge d’un site.
Puisque le vin n’a jamais été autant présent sur Internet, on remarque que la demande
d’informations est réelle. Les utilisateurs des réseaux sociaux, passionnés de vins, sont jeunes
et adeptes des nouvelles technologies. Les interprofessions ont embauché ces dernières
années, des passionnés de nouvelles technologies, afin de devenir « community manager » et
s’occuper de la communication par ces réseaux.
Ces « jeunes », inquiétude première des associations de prévention contre l’alcoolisme, et
souvent placés dans les populations « à risque ». Il est vrai que la mortalité au volant par
l’alcool tue les jeunes, majoritairement. Que le phénomène de Binge Drinking, ou « initiation
sauvage à l’alcool »121
n’a jamais touché autant de jeunes français, de plus en plus jeunes.
Mais quel est le rôle exact du vin dans ces phénomènes d’alcoolisation ? Est-il le
responsable ? Ne véhicule t’il pas justement un art de vivre, une vision opposée du binge
drinking ? Nous nous intéresserons dans cette dernière partie du travail aux consommateurs de
vin, et à leur relation à l’alcool contenu dans le vin, puisque ce sont les cibles principales de la
loi Evin. Celle-ci a bien été envisagée au début des années 1990 pour répondre aux objectifs
fixés par les politiques de santé publiques mises en place à partir des années 1970.
120 Les dégustations sont classées par thème sur le site de larvf.com entre les régions françaises, les vins étrangers, les dégustations thématiques, etc.… 121 Propos de Dominique Hutin, journaliste de France Inter, recueillis le 18 juillet 2012
89
Chapitre 2 : Objectifs initiaux de la loi Evin
atteints sur les consommateurs ?
Tous les abus nuisent à la santé humaine. Ce principe fondamental n’est plus à démontrer, et
il est clair que les politiques de santé publique se doivent de répondre à la limitation des abus
nocifs. La loi Evin a été créée dans ce sens. Il est alors intéressant d’étudier, vingt ans après,
les effets de ces restrictions de publicité, du côté consommateur. Quel est le rôle de cette
mesure publique sur la prise de conscience du consommateur dans sa consommation d’alcool,
et de vin en particulier ?
Section 1 : Etat des lieux de la consommation d’alcool en
France
1. Une baisse régulière de la consommation d’alcool, mais des
inquiétudes persistantes
Le Haut Comité à la Santé Publique, crée en 2004, publie régulièrement des rapports en
rappelant les dangers de la consommation abusive d’alcool en France, même si celle-ci est en
baisse.
90
Le Haut Comité à la Santé Publique a rappelé à plusieurs reprises122
le poids de la pathologie
liée à la consommation d’alcool qui reste préoccupant en France. Le Haut Comité, même si la
diminution d’alcool par habitant est réelle, rappelle que les risques d’usage nocif d’alcool
s’accentuent chez les jeunes, notamment avec des constats d’ivresse répétée. Il parle de
« consommation importante d’alcool », puisque la France se placerait au 7ème
rang des pays
de l’Union Européenne après la République Tchèque, l’Irlande et l’Estonie. Cependant, les
chiffres sont ceux fournis par l’OFDT mais ne sont pas homogénéisés avec les chiffres
européens qui sont ailleurs plutôt fournis par l’OMS.
Il rappelle aussi qu’en comparaison par rapport aux autres pays de l’Union Européenne, la
France a tout de même quelques atouts :
- Les femmes françaises connaissent un taux d’espérance de vie plus élevée que la
moyenne européenne
- La France est un des pays les plus avancés en matière de sécurité routière
- Le taux de mortalité par maladies cardiovasculaires est le plus bas d’Europe
Quant à l’Organisation Mondiale de la Santé, dans un rapport de 2010, elle préconise
également des mesures pour inciter à la réduction de la consommation d’alcool, afin de
réduire les dommages que celui-ci peut engendrer. L’OMS préconise un éventail de
possibilité avec des mesures fiscales, des réductions de points de vente offrant de l’alcool, et
une augmentation de l’âge légal pour en acheter, ainsi que des mesures de lutte contre l’alcool
au volant.
Ainsi, l’alcool reste un danger pour la société, c’est pourquoi les politiques de santé publiques
œuvrent pour le restreindre. Il s’agit ici de s’intéresser aux manières développées pour
restreindre cette consommation excessive, néfaste pour la santé et pour la société. Quelles
sont les meilleures solutions ? Quel est le rôle du vin dans « l’alcoolisation » des Français, et
notamment des jeunes ? En quoi la loi Evin répond-elle, ou non à ces objectifs ?
122 http://www.hcsp.fr/explore.cgi/cherchePleinTexte?ae=cherchePleinTexte&menu=14
91
2. Une interdiction relative de communiquer : le choix des pouvoirs
publics pour la diminution de la consommation d’alcool
En France, dans le but de décourager la consommation excessive d’alcool, il a été choisi de
réduire la communication et la publicité de façon drastique des produits alcoolisés. Le vin est
donc soumis au dispositif de la loi Evin, mais non à des taxes supplémentaires comme le
tabac, et maintenant les sodas. En effet, décourager la consommation peut également se faire
par une hausse sur le prix final pour le consommateur. Récemment, la création de la « taxe
soda » a fait beaucoup parler d’elle. Nous l’abordons ici, en tant qu’exemple d’une
« désincitation » de consommation d’un type de produits, en réalisant une hausse successive
sur son prix final.
Après avoir été votée par l’Assemblée Nationale, cette taxe a été confirmée par le Conseil
Constitutionnel le 28 décembre 2011, et cette taxe est donc entrée en vigueur le 1er janvier
2012. Cette taxe s’élève à 7,16 euros par hectolitre, ce qui correspond en moyenne à 11
centimes par 1,5 litre123
. Avec une taxe sur les produits, les pouvoirs publics espèrent pouvoir
disposer de nouvelles entrées d’argent, et encourager les mesures de lutte contre l’obésité. A
l’époque, le vin n’est pas entré dans cette taxation, justement pour pouvoir protéger les
producteurs derrière le produit, car il est déjà soumis à accises. Selon Yves Bur, député UMP
à l’été 2011 : « Derrière les bouteilles d’alcool fort, le tabac ou les sodas, il y a des
industriels, presque uniquement des multinationales qui ne réagissent pas beaucoup. Derrière
les bouteilles de vin, ce sont des viticulteurs »124
. Les alcools forts (sauf Rhum) avaient
également été visés par cette taxe, après le constat que les jeunes entraient par l’alcool à
travers les alcools forts « comme le whisky ou la vodka »125
et qu’il était fondamental
d’augmenter le prix des bouteilles pour les rendre moins attractives.
Certains analystes ou journalistes émettent la théorie de l’exclusion du vin dans cette taxe,
dans un contexte particulier : celui des réélections présidentielles. En 2007, en effet, Nicolas
Sarkozy, en tant que Ministre de l’Intérieur avait rappelé à Sancerre qu’il ne fallait pas
« assimiler le vin au tabac et donc à la drogue, car c’est une erreur » et qu’il était en faveur
d’une « consommation modérée et responsable ». Pendant son mandat présidentiel, il n’a pas
été question pour autant de ré-envisager la loi Evin, afin de dissocier les problématiques liées
123 Réunion d’articles des Echos 124 Propos recueillis par Geoffrey Le Guilcher, article des Inrockuptibles sur http://www.lesinrocks.com/2011/08/25/actualite/taxe-sur-lalcool-et-les-sodas-pourquoi-le-vin-et-le-rhum-sont-ils-epargnes-1110571/ 125 Geoffrey Le Guilcher op cit
92
à l’absorption d’alcool et celle de la consommation de tabac. Mais il n’a pas non plus été
question d’intégrer le vin à ces nouvelles taxes, imaginées dans un contexte de déficit des
finances publiques et de nouvelle politique de santé publique, malgré le lobby des
associations de prévention contre l’alcoolisme.
Ainsi, en France, la façon de réguler la consommation d’alcool se fait davantage par l’absence
de communication sur les produits. Il est clair que la baisse de consommation d’alcool
concerne tous les produits alcoolisés, comme indiqué sur le schéma ci-dessus.
Pourtant, nous verrons que le fait de limiter la publicité, n’a pas empêché le phénomène
d’alcoolisation des jeunes appelé aussi binge drinking, ou le fait de s’alcooliser très
rapidement aux alcools forts.
Il est important également de rappeler que le tabac ayant connu les deux formes de
découragement, à savoir l’interdiction de faire de la publicité sur le tabac et les hausses de
prix successives, ne s’est pas débarrassé de ses aficionados. Les consommateurs de tabac
existent toujours et ils sont estimés en hausse par l’INPES. Dans un rapport (données reprises
par l’OFDT), « le nombre de décès dus au tabac est estimé aujourd’hui à 548 000 personnes
par an dans l’Union Européenne donc 60 000 en France. Au vu des tendances passées et
actuelles de consommation, des prévisions pour 2025 évaluent le nombre de morts liées au
tabac pour la France à 160 000 dont 50 000 chez la femme, soit dix fois plus qu’aujourd’hui
»126
.
Le fait de mettre tous les produits dans les mêmes dispositifs de taxes ou de règles de
restriction publicitaire, ne répond pas aux réalités de consommation, inscrites davantage dans
des habitudes de vie. Surtout pour des produits soumis à accises, soutenus depuis des siècles
par l’Etat français, à travers des structures comme la SEITA par exemple. Il est nécessaire de
faire une distinction entre les différents produits, à commencer entre le tabac et les produits
alcoolisés.
Les phénomènes d’alcoolisation tuent chaque année, et notamment sur la route. Les happy
hours et les bars à « shots » se multiplient, et les jeunes en sont friands. Il s’agit maintenant,
de s’interroger sur la place et le rôle du vin, dans ces phénomènes.
126 http://www.inpes.sante.fr/CFESBases/catalogue/pdf/362.pdf
93
3. La place du vin dans le phénomène d’alcoolisation
Quels que soient les chiffres institutionnels, un constat est à faire : la consommation de vin
baisse en France de façon constante depuis le début du vingtième siècle.
Lorsqu’on interroge les consommateurs, la consommation de vin baisse pour plusieurs
raisons. Le vin connaît une mutation de sa place dans l’alimentation, n’étant plus considéré
comme une boisson indispensable à un repas. Il est aisément compréhensible qu’on ne
consomme plus systématiquement de vin pendant le déjeuner, associé à une baisse de la
pénibilité du travail, et dans un souci d’hygiène de vie. De plus, le vin est aujourd’hui un
produit des anciennes générations, dans la vision de la plupart des consommateurs127
et fait
partie des premiers produits à sortir du panier moyen en temps de crise. Il est aussi en
concurrence avec les autres boissons, surtout les sodas et les eaux minérales (argument
développé dans la section suivante).
Si on s’intéresse au phénomène de l’alcoolisme en France, il est intéressant de voir que les
régions les plus touchées ne sont pas viticoles : « les deux régions en France comptant le plus
fort taux d’alcoolisation sont le Nord-Pas de Calais et la Bretagne »128
.
On peut en effet constater sur la cartographie alcool en France, réalisée par l’INPES et l’IFDT
que l’alcoolisme touche principalement le Nord de la France129
. Mais elle montre aussi que le
Languedoc Roussillon est une région que l’INPES considère comme touchée par « une
127 Intervention de C. Pivot, Université de Suze la Rousse, novembre 2011 128 Denis Saverot, op.cit. 129 Cartographie réalisée par INPES et OFDT dispo sur http://www.injep.fr/IMG/pdf/Atlas_alcool_carto_INPES.pdf
94
surconsommation d’alcool au quotidien dans la tranche 15-75 ans ». Attention car la
surconsommation est définie ici comme une consommation quotidienne d’un verre d’alcool
par jour. Les régions où l’on boit le plus de manière ponctuelle, soit au moins 6 verres ou plus
en une fois, et au moins une fois par mois, sont la Bretagne, le Limousin, la Franche-Comté,
la région Midi-Pyrénées. Les régions les plus buveuses de bières sont celles du Nord, et celles
qui privilégient le vin, les régions viticultrices, comme nous le montre les deux cartes
suivantes :
Ainsi, on voit que la consommation de vin est en lien avec la région productrice ou non, mais
que l’alcoolisme n’est pas corrélé, selon ce critère. Cette étude nous montre également que le
vin reste l’alcool le plus consommé, puisque « 77% en ont bu au moins une fois au cours de
l’année », mais que la consommation quotidienne de vin augmente avec l’âge (1% des moins
de 20 ans contre 39% des plus de 65 ans). On observe aussi que les ivresses ponctuelles sont
95
réalisées principalement par les jeunes, et ceci avec absorption de cocktails ou alcools
« forts ».
Selon les chiffres de l’association de prévention routière, on remarque que l’alcool est la
première cause d’accident en France, en « particulier chez les jeunes », puisque « près d’un
jeune sur quatre (39,8%) tué sur la route en 2010 l’a été dans un accident avec l’alcool »130
.
L’alcool tue, et il ne s’agit pas ici de le minimiser. En revanche, il semble important de
rappeler que ces jeunes, entre 15 et 24 ans sont les premiers consommateurs de mélanges
alcoolisés, réalisés souvent à partir d’alcools forts.
Par ailleurs, la consommation de vin de table baisse au profit des vins de qualité.
Le « fléau de l’alcool » a souvent été associé au vin, puisque ancienne boisson nationale.
L’image de vin coupé à l’eau sur toutes les tables dans les années 1950 n’est plus du tout
d’actualité. Au contraire, on constate une diminution de la consommation de vin de façon
globale, mais une augmentation marquée d’achat de vins de qualité.
Ainsi, la consommation de vin a connu une baisse constante, mais surtout de profondes
mutations dans la façon de le consommer. Consommerait-on moins mais mieux ?
130 Chiffres de l’association de prévention routière, disponibles sur http://www.preventionroutiere.asso.fr/Parents/Gerer-les-retours-de-soiree/Des-chiffres-qui-font-reflechir
96
Section 2 : La consommation de vin traduit avant tout un
mode de vie, théories de consommation positive de vin dans la
mesure et la responsabilité
Nous avons étudié depuis le début de ce travail, le vin, en tant que produit alcoolisé, dans le
cadre de la loi Evin. Mais ne peut-on pas envisager ce produit également comme un produit
chargé d’histoire et en être fier ? Sa consommation doit se faire avec mesure et responsabilité,
ceci est clair. Mais le vin ne se réduit pas à ses 15% de volume alcool, « C’est comme si on
disait d’un tableau qu’il s’agit de couleurs sur une toile ! » déclare Karine Valentin,
journaliste spécialisée en vins à la rédaction de Cuisine et Vins de France. «Dans le vin, il y a
beaucoup plus, une région, une culture, des gens, de l’intime, du plaisir, du partage. Mais
malheureusement, dans une société individualiste, il n’est plus possible de parler de ces deux
dernières notions ! Et pourtant combien de fois le vin a-t-il pu créer un lien social…», regrette
la dégustatrice professionnelle.
Afin de pouvoir parler du vin comme il le mérite, nous verrons ici, les théories de
consommation positive du vin, afin d’ouvrir sur des possibilités de responsabilisation du
consommateur, avec prévention et goût.
1. La théorie du french paradox
Au début des années 1990, un constat est réalisé par plusieurs chercheurs: les Français vivent
environ deux ans et demi de plus que les Américains et ont 40% de moins de problèmes
cardiaques131
. On baptise ce constat le « french paradox » ou paradoxe français, et il est
médiatisé pour la première fois en novembre 1991 lorsque Morley Saler, de la chaîne CBS le
présente lors de l’émission de télévision « 60
minutes ».
Cette courbe est issue d’une étude de Serge Renaud,
concernant la consommation de vin et la mortalité
coronarienne dans les dix-sept pays les plus
131 Lewis Perdue, le paradoxe français, réduire les risques cardiaques et vivre mieux grâce au vin et au style de vie méditerranéen, Editions A. Barthélémy, 1995, p.23
97
industrialisés de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique
(OCDE)132
. Ce « french paradox » a surtout été observé dans le Sud Ouest de la France, ou la
nourriture est particulièrement saturée en graisse de canard et où les Français sont amateurs de
vin rouge.
Serge Renaud, chercheur français, Directeur de recherches à l'Inserm (Institut national de la
santé et de la recherche médicale) a développé cette théorie, en montrant les bienfaits du
régime méditerranéen et particulièrement crétois sur la santé. Selon lui, les Français, et plus
généralement les habitants des pays méditerranéens, sont bien moins affectés par les maladies
cardiaques et notamment l’infarctus du myocarde que ceux du Nord de l’Europe ou des pays
anglo-saxons. Là où sa théorie est intéressante, c’est dans la conjonction des facteurs entre la
consommation de vin rouge, une alimentation contenant moins de graisses animales, ainsi que
des fruits et légumes en abondance, ainsi que suffisamment de céréales.
Selon le docteur Curtis Ellison, responsable de la médecine préventive et de l’épidémiologie,
professeur de l’Ecole de Médecine de l’Université de Boston, les Français seraient moins
touchés par les maladies cardio-vasculaires grâce à une conjonction de plusieurs éléments : le
vin rouge, la nourriture et le style de vie. Il s’agit ici du vin comme élément participant à un
ensemble de facteurs favorables à une espérance de vie plus longue :
- La consommation habituelle de vin rouge, en quantité modérée avec leur repas
- La consommation plus fréquente que les américains de fruits et légumes frais
- La prise de temps plus longue pour prendre son repas, et moins d’en-cas consommés
- Moins de viande rouge
- Plus de fromage et moins de lait entier
- Plus d’huile d’olive et moins de lard ou de beurre
Mais cette conjoncture n’est possible que dans le cas où la prise d’alcool reste modérée et
régulière. En effet, dans les essais réalisés par le docteur Keith Marton, Directeur du
département de médecine au « California Pacific Medical Center », on bénéficie de ce french
paradox en consommant moins de deux verres et demi de vin par jour. Au delà de cette limite,
les sujets montrent des risques plus élevés aux maladies cardio-vasculaires. Le professeur
Ellison va même plus loin dans son étude : « l’augmentation des cancers et des maladies
132 OCDE pour consommation de vin (Statistiques de la consommation des denrées alimentaires, Paris 1991), annuaire des statistiques de l’OMS, Genève 1992, schéma repris dans Lewis Perdue, le paradoxe français, 1991
98
hépatiques est à associer à une consommation forte et abusive de boissons alcoolisées mais
généralement pas une consommation modérée de vin »133
.
L’émission de 60 minutes sur la chaine CBS en novembre 1991 a souhaité démontrer qu’une
consommation modérée d’alcool avait un rôle de protection sur le cœur. Selon Lewis Perdue,
dans son analyse, « ce phénomène est connu depuis 1926 lorsqu’une étude de patients
tuberculeux dans un sanatorium a révélé que ceux qui buvaient de l’alcool modérément
avaient un taux de mortalité deux fois moins élevés que ceux qui n’en buvaient pas du tout »,
mais cette analyse n’avait pas été relayée par le « gouvernement et les pouvoirs médicaux en
place étant donné que les données ont été connues en pleine prohibition»134
.
Ainsi le vin pourrait avoir des effets bénéfiques sur la santé, en le consommant régulièrement
mais modérément. Cette théorie a été développée jusqu’à aujourd’hui, et de nombreux
scientifiques continuent à travailler sur ce constat, afin de mieux le comprendre.
Cette théorie connaît aussi de nombreuses critiques. Les associations de prévention contre
l’alcoolisme ne nient pas le principe du « french paradox », mais sont loin de le valider. Dans
leur plaquette de prévention des risques liés à l’alcool, ils expliquent dans un encadré que :
« Plusieurs études font valoir le rôle positif que l’alcool, et notamment le vin pourrait avoir
sur la santé (accidents cardio- vasculaires). Les effets bénéfiques ne concernent que des
populations limitées (hommes de plus de 50 ans, sujets génétiquement déterminés) et
n’empêchent pas parallèlement la survenue des effets dangereux, voire destructeurs, déjà
cités. Un mode de vie sain (absence de tabagisme, alimentation sans surcharge, exercice
physique) a des effets bénéfiques sur la santé ». Ainsi, selon eux, le vin ne doit pas être
encouragé, puisqu’appartenant à la famille des boissons alcoolisées, déconseillées pour la
santé de façon générale.
Le « French paradox » est devenu dans la fin des années 1990, la théorie de tous les espoirs
pour la filière. Elle a permis le lancement de nombreuses études concernant le vin et la santé.
Récemment, une hypothèse a été avancée : les polyphénols contenus dans le vin rouge
auraient un effet anti-cancérigène. Cette théorie a été également relayée par Vin&Société,
comme un argument bénéfique de consommation de vin. Elle a également été tout de suite
contrée par l’Institut National de Recherche Contre le Cancer (INCA). L’INCA a rappelé
depuis 2009 que « la relation alcool-cancer est scientifiquement établie. L’alcool est classé
133 Compte-rendu du symposium Vin et Santé, une mise au point scientifique, colloque du 30avril 2007 à Pau. 134 Lewis Perdue, op.cit.
99
cancérogène pour l’Homme par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC),
faisant partie de l’OMS. Cette affirmation a été reprise par le World Cancer Research Fund
(WCRF) et l’American Institute for Cancer Research (AICR), et jugée pertinente pour les
cancers de la bouche, du pharynx, du larynx, de l’œsophage, du colon-rectum (chez l’homme)
et du sein (chez la femme) »135
. Selon ces organismes, il est également précisé que
l’augmentation de risque dépend de la dose d’alcool pur consommée, et non du type d’alcool.
Des études montrent aussi qu’il pourrait y avoir des effets bénéfiques entre les polyphénols
antioxydants et l’éthanol à long terme sur la prévention de maladies neuro-dégénératives type
Alzheimer et Parkinson. Elles sont porteuses d’espoir, mais restent encore embryonnaires.
Il faut tout de même être prudent avec cet argumentaire, souvent utilisé en tant qu’outil
marketing, ainsi qu’avec l’indépendance relative entre la filière et les études scientifiques, qui
reste dans certains cas un peu floue136
. Il est clair que la filière vitivinicole a profité de
l’engouement de cette théorie afin de développer le « french paradox » en marketing
générique : en effet, il contribue à une modification de l’image du vin dans les pays non
producteurs et à une augmentation significative de la consommation de la plupart d’entre
eux137
. Tous les ans depuis 1994, les Editions du Voyage publient le guide Vin et Santé et
depuis 2003, ils avancent l’argument de la baisse de
la consommation, de la lutte contre l’alcool au
volant, de l’application stricte de la loi Evin, et
donc de cette possibilité d’argument « vin et santé »
comme une voie possible de communication.
Le vin médecin, comme il était promu il n’ya que
quelques décennies ? Le vin est passé d’une
communication positive, en étant promu comme
excellent pour la santé, à un produit nocif et
cancérigène. Une ironie de l’Histoire… Beaucoup
de recherches sont encore à approfondir, et
personne n’a le recul nécessaire pour affirmer que
le vin est bon pour la santé, consommé en soi.
135 Etude de l’INCA du 20 janvier 2011, fiche repère alcool et cancer 136 Argument développé par Andy Smith, Jacques de Maillard, Olivier Costa, op.cit 137 Op cit.
100
En revanche, associé à des repas équilibrés et au plaisir d’une table, en étant consommé avec
modération, le vin est un créateur de lien social et de convivialité, son inscription au
Patrimoine Mondial de l’UNESCO en association avec le « repas à la française », en est bel
et bien une preuve.
101
2. La consommation culturelle du vin : qui consomme du vin, et quel
mode de vie cela implique-t-il ?
Lorsqu’on interroge les Français sur leurs occasions de consommation, les réponses sont
intéressantes : le vin est principalement consommé pendant les repas, que ceux-ci soient pris à
domicile ou pas. 78% des Français consomment du vin au restaurant au moins une fois par an,
et 54% au moins une fois par mois138
. Ensuite, vient la consommation de vin à l’apéritif. Le
vin est un ingrédient d’accompagnement des repas, puisqu’il est associé au « degré de festivité
et de convivialité » du repas. Seulement 23% des Français ont affirmé avoir consommé du vin
pour le cadre professionnel.
Devient-on alors inconscient en affirmant que le vin est un créateur de lien social et qu’il
contribue à une convivialité et à une bonne alimentation ? Le verre de vin de l’amitié, celui
qui accompagne un repas cuisiné, pour soi et ses proches est une façon de remettre le vin au
cœur de ses pratiques de consommation. A l’heure où le maire de New York a décidé de
réduire la taille des gobelets de sodas, et où son commissaire à la santé estime que plus de la
moitié des cas d’obésité de la ville serait due à une trop grande consommation de sodas, la
présence du vin pendant un repas est entrée au patrimoine immatériel de l’humanité grâce à
l’UNESCO. Le « repas gastronomique des Français » est une reconnaissance des rites de
préparation culinaires, ainsi que des produits utilisés en lien avec l’agriculture, les terroirs
français et les savoirs faire gastronomiques. En France, on combat le vin en le diabolisant et
en le catégorisant produit toxique pour la santé, sans voir la multitude de facettes que ce
produit peut montrer. A New-York, ville symbole de la puissance mondiale, où un tiers des
habitants boirait au moins un soda par jour, les fontaines à soda autorisées dans les fast-foods
permettant de se resservir à volonté139
, des mesures de santé publiques ont été mises en place
pour réduire cette consommation, afin qu’elle reste un plaisir pour ses consommateurs. Cette
phrase pourrait être attaquée, d’un point de vue médical. Mais que dirait une marque telle que
Coca-Cola si on lui interdisait l’accès à la publicité au cinéma ou à la télévision ?
Pour mieux comprendre l’influence de la publicité sur les consommateurs, et notamment
observer la différence entre les sodas et le vin, voici les chiffres d’investissement publicitaire,
par secteur de boissons entre les eaux minérales, les boissons gazeuses (dont sodas) et les
vins. Il a été choisi de faire apparaître les champagnes afin de montrer comme précédemment,
que cette région viticole fait office d’exception.
138 Intervention de C. Pivot, Université de Suze la Rousse, novembre 2011 139 Article de Caroline Piquet, Le Figaro.fr, le 31 mai 2012, NewYork s’attaque à la consommation des sodas
102
Montant investi
(millions d’euros)
Evolutions
2001-2002
(%)
Part du secteur
boissons (%)
Budget moyen
par marque
(millions
d’euros)
Eaux
minérales
126 -10 25,1 2,4
Boissons
gazeuses
88 -3 17,5 1,2
Bières 74 +12 14,8 0,9
Vins 34 +4 6,9 0,074
Champagne et
mousseux
23 +11 4,7 3,9
Source : Onivins-Infos, décembre 2003
Le consommateur reçoit l’information qu’on lui donne, en termes de publicité, afin de lui
donner envie de consommer le produit. On voit facilement ici, que dans le cadre de la loi
Evin, mais également à cause de choix particuliers du secteur vitivinicole (les brasseurs de
bières dépensent deux fois le montant d’investissements en publicité), les Français ne
reçoivent que très peu le message d’incitation de consommation du vin. Pourtant 77% d’entre
eux déclarent consommer prioritairement du vin dans l’année, selon l’étude de l’INPES de la
consommation d’alcool par région, citée précédemment. Les Français sont attachés à ce
produit, même avec très peu de publicité, car il correspond aussi à autre chose qu’une simple
valeur marchande et que les habitudes culturelles peuvent avoir un poids très fort.
Le « french paradox » développé ci-dessus, s’il reste attaquable sur le rôle du « vin-
médecin », a tout de même permis un constat formidable : on peut développer la thématique
du « bien manger » et du « bien boire », sans complexes, même dans un contexte économico-
culturel mondialisé, constitué de marques leaders mondiales, ne se privant pas de prévoir des
budgets considérables en communication et en publicité pour les sodas et les fast-foods.
Pourtant, en France, comme ailleurs, elles sont également accusées d’avoir créé la
« malbouffe »140
.
Avec cette montée de la « malbouffe », certains groupements nationaux et internationaux se
sont créer afin de pouvoir re-communiquer sur les origines des produits et diffuser des
140 Terme devenu générique. Voir le documentaire de Jacques Glodstein, la République de la Malbouffe, 2011
103
méthodes traditionnelles et de « bien-vivre ». Slow Food est l’exemple le plus connu de ces
initiatives. Par manque de place, nous ne traiterons que de ce mouvement, bien que d’autres
initiatives parallèles se développement partout dans le monde. Une façon de rappeler que la
communication n’est pas uniquement une incitation commerciale, mais peut aussi être vue
comme une éducation au goût et une volonté d’informer les consommateurs sur ce qu’ils
mangent et boivent. Nous développerons ce point plus en détail dans la dernière partie du
travail.
Ainsi, en France, l’art de la table est donc quelque chose de culturel et de lucratif. Les
émissions autour de la gastronomie se multiplient, connaissant un public amateur grandissant.
Les exemples sont nombreux : Master Chef, Top Chef, Un dîner presque parfait, etc.….
produits pour les chaînes télévisées à la plus forte audience. Mais pas d’accords mets-vins, ni
même de suggestion à l’écran. Pourtant, sur les déclinaisons de marques (accessoires, livres
de cuisines, etc.), le vin reprend sa place naturelle. M6 Interactions, en partenariat avec
l’interprofession des Vins de Loire, organise depuis deux ans « un vin presque parfait ». Cela
n’a pas été diffusé sur les ondes hertziennes, par peur d’enfreindre le cadre Evin, mais on peut
retrouver des vidéos de dégustation sur leur site web141
. Le concept de cette émission : un
concours d’œnologie destiné au grand public, et à démocratiser les guides des vins « jugés
trop élitistes ». Une dégustation filmée de 1000 vins, réunissant des téléspectateurs de
l’émission « Un dîner presque parfait » et un jury de gagnants de l’émission et de
professionnels du vin. Cette émission a été réalisée pour répondre à la demande existante sur
la recherche d’accords mets-vin, à partir des recettes réalisées sur le petit écran. La
dégustation 2012 a eu lieu sous la coupole Haussmann le 9 juin dernier. Selon les
responsables de l’opération, 5000 guides se sont vendus au cours de l’année 2012 et 500 000
bouteilles ont été achetées, estampillées par une collerette « Vin presque parfait ». Une façon
« sympathique et conviviale 142
» d’apprendre la dégustation, confie une des téléspectatrices de
cette dégustation, apprendre à cracher afin de ne pas s’alcooliser et découvrir la complexité
des différentes facettes du vin.
Nous avons vu que le vin reste un produit culturel pour les consommateurs, et qu’une
démocratisation des techniques œnologiques et de dégustation a ses clients. On peut découvrir
les aspects gustatifs du vin d’une manière ludique. Un nouvel engouement pour les plaisirs de
la dégustation se fait sentir de la part des consommateurs, et les émissions culinaires grand
141 Vidéos de résumé disponibles en annexe CD 142 Propos d’une des téléspectatrice. Disponible en annexe CD
104
public y sont pour beaucoup, bien qu’elles aient été reprises souvent de concepts déjà
existants à l’étranger.
3. Une révolution également dans la distribution de vin pour les
consommateurs
Les Français consomment de moins en moins de vin, comme nous avons pu le voir
précédemment, et les estimations semblent montrer que la tendance va s’accentuer.
La responsabilisation des consommateurs s’est réalisée par les mesures de restriction de
consommation d’alcool. Ajoutés aux restrictions de consommation d’alcool au volant, la loi
HPST143
a également été dans le sens de la responsabilisation des consommateurs. Celle loi a
pour objectif principal la limitation des « consommations à risque, notamment chez les
jeunes ». Le principe des open bars a été interdit, soit le paiement forfaitaire d’une
consommation illimitée d’alcool dans un temps défini. Elle a également obligé l’offre de
boissons gratuites pendant les « happy hours », axées sur les périodes de la journée propices à
l’apéritif, et proposant des boissons à prix réduits. Une enquête d’opinion avait été réalisée sur
le volet alcool de la loi HPST prouvant que les consommateurs se responsabilisaient face à
une consommation excessive d’alcool : en effet, 85% des personnes interrogées sont 143 Loi Hôpital n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires
105
favorables à l’interdiction de vente d’alcool aux moins de 18 ans, 76% approuvent
l’interdiction des « open bars » et 79 % sont favorables à l’interdiction de vente d’alcool dans
les stations-services144
.
Les acteurs de la distribution ont été dans la nécessité d’aller dans le même sens. De nouvelles
façon de consommer le vin sont apparues, comme le vin au verre ou à la ficelle par exemple,
dans les restaurants et les bars à vin. Il est intéressant d’ailleurs d’observer que le nombre des
bars à vin dans les centres-villes à explosé. Il est désormais possible de repartir d’un lieu de
restauration en remportant sa bouteille afin de rester dans les indices de consommation, ou de
reprendre le volant sans être en état d’ivresse.
Dans le même sens, certaines interprofessions œuvrent pour des activités de communication
de responsabilisation des consommateurs. L’ANIVIN, ancienne ANIVIT à l’époque, avait
proposé dès 2004, une campagne de sensibilisation à la consommation au verre lorsqu’on se
trouve au restaurant, sans forcément opter pour la bouteille. Noël Bougrier explique cette
initiative comme une façon de répondre « aux nouvelles attentes de consommation de vin »145
.
D’autres initiatives similaires ont eu lieu dans chaque région viticole française.
Concernant les mineurs, comme nous l’avons vu précédemment, la distribution d’alcool est
interdite, le contrôle d’identité restant à la discrétion du propriétaire. Sur ce dernier point, la
Grande Distribution, étant le lieu privilégié d’achat de vin pour les Français, a encore des
efforts à faire, afin de ne pas encourager la consommation d’alcool chez les mineurs. On
pourrait également imaginer l’impliquer de façon plus marquée dans les campagnes de
prévention contre l’alcoolisme des jeunes, étant le premier lieu d’achat. Des efforts restent
néanmoins à faire dans la distribution, pour aller dans le sens des objectifs de santé publique
et de consommation responsable et modérée.
La Grande Distribution (GD) devrait jouer un rôle plus éducatif pour ses consommateurs en
matière de vin, particulièrement en période de foires aux vins ou de fêtes de fin d’année.
Embaucher des sommeliers afin qu’ils puissent conseiller les consommateurs dans leur choix
d’achat et les sensibiliser aux dangers de la consommation excessive. Un partenariat avec des
organisations de promotion de la consommation responsable et modérée telles que
Vin&Société devrait pouvoir être établi afin de toucher tous les consommateurs de vin et
144Enquête d’opinion disponible sur http://www.alcoolinfoservice.fr/ 145 Article stratégies.fr du 23 mars 3004 sur http://www.strategies.fr/articles/r32036W/loi-evin-separer-le-bon-vin-de-l-ivresse.html
106
d’alcool en général. Il paraîtrait aussi normal, afin d’aller dans le sens de la responsabilisation
des consommateurs que les cafetiers puissent inciter leurs clients à consommer des produits
non alcoolisés. Cette incitation ne peut se faire que par le prix.
Les consommateurs ont besoin de repères de consommation pour être dans un rapport au vin
de plaisir et de convivialité et ne pas le consommer excessivement. C’est pourquoi, limiter la
publicité peut empêcher d’inciter, pourtant le phénomène d’alcoolisation des jeunes ne fait
qu’augmenter. Ne pas transformer le vin en tabou, d’une part, et lui rendre sa place de produit
gastronomique, d’autre part, sont nécessaires à rendre à ce produit sa place, et surtout sans
complexe, tout en insistant sur sa consommation limitée. Cet objectif ne sera atteint que par
une nécessaire éducation ou rééducation par le goût et par la curiosité.
« La dégustation a une valeur d’évasion comparable à celle des autres arts »,
Max Léglise
107
Section 3 : Finalement, ne vaut-il mieux pas prévenir que
guérir ?
Lors de la table ronde du Sénat en Novembre 2011, Gérard Laloi, Président des brasseurs de
France rappelait que seule l’éducation pouvait avoir un rôle de fond pour changer les
comportements d’excès. Il s’exprimait en ces termes: « pour lutter efficacement contre le
binge drinking, il faut éduquer la jeunesse, renverser la charge de la preuve. Tout le monde
souhaite participer mais cela nous est refusé»146
. Nous verrons dans ces trois derniers points
du travail, que de nombreuses possibilités de communication éducative existent et qu’elles
portent leur fruit. Comme dans chaque sujet de société, prévenir les populations à risques
avant qu’elles ne le deviennent restent selon nous, la meilleure façon de favoriser le « bien-
vivre » et la cohésion sociale. Nous avons vu précédemment que de nombreuses façons
d’expliquer les risques, par la prévention ou la répression existent. Il s’agit ici, de
communiquer sur la qualité du vin et son histoire, en orientant le discours afin de le rendre
accessible aux jeunes, futures générations consommatrices de ce produit particulier.
1. L’éducation par un retour à la provenance et aux produits de
qualité : l’exemple de Slow Food
Slow Food a été créé par Carlo Petrini, dans le Piémont, en Italie. Il ne s’agit pas ici de
démontrer les bienfaits du mouvement, mais de montrer que cette initiative éducative par
l’origine et le savoir faire permet aux consommateurs de s’éduquer par le goût. Slow Food
fonde sa philosophie et sa raison d’être sur le fait que seuls les « consommateurs informés »
deviennent conscients de l’impact de leurs choix. Cette conscience aura un effet sur les
logiques de production agro-alimentaires, mais surtout, en ce qui nous concerne, sur un
modèle de consommation respectueux du vivant, des aliments propres et « bons »147
.
Communiquer sur les méthodes traditionnelles de production de vin et autres produits de
qualité, est une façon d’éduquer à la consommation qualitative : consommer moins, mais
mieux. Ainsi, il est intéressant de pouvoir apposer ce mode de communication intelligente,
face aux communications purement publicitaires et incitatives.
146 Compte-rendu de la table ronde su Sénat, disponible sur le site de Vin&Société 147 Charte de slow Food, disponible sur leur site web : http://slowfood.com/
108
Avec le mouvement Slow Food, se sont créées des déclinaisons de ce mode d’éducation,
telles que Slow Wine. Ce mouvement est initialement un regroupement de dégustateurs
souhaitant établir un guide grand public des vins respectueux de leurs conditions de
production, et authentiques. Slow Wine est également un laboratoire de recherche sur les
techniques de production allant dans ce sens ; des conférences se tiennent régulièrement sur la
certification bio européenne, la biodynamie en tant que technique ancestrale et reprenant les
principes de l’homéopathie, ou sur d’autres technicités tenant au processus de fabrication du
vin.
On peut donc replacer le vin dans une famille de produits alimentaires. Puisque le vin est un
produit issu de l’agriculture, il est fondamental pour le consommateur de savoir ce qu’il boit.
Slow Wine, travaille donc dans le sens des certifications et des règles d’étiquetage,
fondamentales pour l’information du consommateur.
Le principe de Slow Food est également de rétablir un lien entre les producteurs et les
habitants d’un même territoire. L’unité de base de l’association est le convivium, une
association locale, que l’on retrouve dans toutes les régions du monde ayant une tradition
gastronomique et culturelle marquée. On retrouve ces conviviums en France, en Islande, au
Liban, au Ghana, en Nouvelle-Zélande, à Chypre, en Thaïlande, etc.148
…Ce convivium doit
pouvoir être le relais entre une région et l’organisation internationale Slow Food sur les
sauvegardes à réaliser, ainsi que l’éducation au goût de la population locale et la
sensibilisation aux fondements de Slow Food. Cette éducation peut se faire sous différentes
formes : des « ateliers du goût » sous forme de dîners thématiques afin de faire découvrir des
aliments ou des vins, des salons ou expositions, des visites chez les producteurs, etc...
Il nous paraissait important de pouvoir évoquer le système de pensée Slow Food, puisqu’il
œuvre dans la même lignée que l’UNESCO pour la reconnaissance de notre patrimoine, ou le
CITES (Convention sur le Commerce International des Espèces de faune et de flore Sauvages
menacées d’extinction) : Slow Food, à travers ses conviviums permet de faire un recensement
des produits régionaux à travers les spécialités culinaires, les races animales, les fruits, les
légumes, alcools. Travailler contre les exhausteurs de goût et contre la standardisation du
goût, c’est également une façon d’éduquer à ce produit complexe qu’est le vin. Tous les
produits « à protéger » sont classés dans deux catégories : l’Arche du goût, et les sentinelles.
L’Université des Sciences et de la Gastronomie en Europe nous paraît une initiative
148 Liste des conviviums sur leur site web
109
intéressante dans la volonté d’éduquer par le goût en investissant directement les
consommateurs dans ce travail. Cette université a été crée en octobre 2004, à l’initiative de
Slow Food, et elle délivre des diplômes en « communication alimentaire et gastronomique »
par exemple. On envisage ici la gastronomie comme un produit culturel, à démocratiser afin
de rendre son accès possible auprès de tous. Les étudiants de cette formation deviendront
donc spécialistes en marketing alimentaire, en journalisme, en tourisme alimentaire, etc.149
…
Il y a maintes façons de s’intéresser et de promouvoir les produits alimentaires. Le vin est un
produit souvent considéré comme élitiste, lorsqu’on ne le considère pas uniquement comme
une boisson « alcoolique ». Ce mouvement nous permets de changer d’axe d’analyse et
d’envisager le vin, comme un produit alimentaire qui a été produit depuis des millénaires et
qui répond à des logiques agro-alimentaires, économiques, culturelles et historiques. Il ne
s’agit toujours pas de nier l’alcool que contient le produit, mais de pouvoir envisager d’autres
axes de communication intelligente sur le produit.
2. La démocratisation de l’accès à la gastronomie pour tous
Cette même éducation au goût, peut se faire de maintes façons. En France, par exemple, la
semaine du goût devient de plus en plus médiatisée et suivie par les Français.
Les interprofessions du vin œuvrent également dans ce sens, en proposant différents ateliers
de gastronomie, dans l’idée de replacer le vin à table, à sa juste place, sans incitation à un état
d’ivresse.
Sur des populations plus ciblées, des clubs œnologiques se développent grandement dans les
universités et écoles supérieures. Ce sont des lieux d’apprentissage et de plaisir. Ils sont tout à
fait différents des « open bars » ou autres soirées d’intégration sponsorisées par les marques
d’alcool. L’alcool est festif pour les jeunes, et c’est bien là tout notre sujet. Partons du postulat
qu’il n’existe plus aucune possibilité de communiquer sur les boissons alcoolisées, ni de
possibilité d’acheter de l’alcool en tant que mineur : assisterait-on à la fin de l’alcoolisation
des jeunes ?
149 Toutes les formations de l’Université du goût sont disponibles sur www.unisg.it
110
a. Adolescence et alcool : une relation compliquée
Nous avons pu voir dans la partie précédente, que les consommations d’alcool excessives
concernaient de plus en plus les jeunes. Toute une gamme de produits alcoolisés s’est
construite dans ce sens, proposant des mélanges d’alcool entre sodas et alcool forts, et ciblés
pour être vendus aux jeunes.
Le vin n’a pas le même rôle sur ces populations, comme nous l’indiquait la cartographie
réalisée par l’INPES, puisque les moins de 18 ans sont plutôt amateurs d’alcool fort afin de
connaître rapidement l’état d’ivresse et se confronter à des limites comportementales, plus que
par goût de déguster des nouveaux produits.
Selon plusieurs psychanalystes, les conditions d’existence des jeunes générations se sont
profondément modifiées ces dernières décennies. Un comportement dit « à risque » est une
quête de soi, une volonté de se positionner au sein de sa famille et de son groupe de pair. Les
adolescents doivent pouvoir « porter une nécessité personnelle de la part de leur parents, si
celle-ci ne leur est jamais donné, ils sont alors emportés dans des conduites à risques, des
souffrances, qui sont comme de longues épreuves qu’ils s’infligent pour traverser
l’adolescence et entre dans l’âge d’homme »150
.
Dans la quête d’ivresse, en augmentation ces
dernières années malgré le contexte de la loi
Evin, l’adolescent recherche la transgression de
ses propres limites. Ce phénomène de « binge
drinking » va dans ce sens. Pourtant, il n’est en
aucun lien avec le vin, puisque comme on peut
le constater sur ce schéma, la France connaît une
augmentation de ce phénomène venu du nord de
l’Europe, initialement.
Source : Drogues et dépendance, le livre d’information, éditions INPES, p.103
150 Article de David Le Breton, psychanalyste, intitulé «Adolescences, familles et conduite à risque », issu de l’ouvrage adolescence en contexte, p.217
111
Mais pourtant, la société n’a jamais autant légiféré en posant des limites de plus en plus
restrictives. « Dire et/ou écrire que la société contemporaine ne pose plus de limites est une
absurdité. Elle n’en a jamais autant fabriqué en légiférant à tout va sous la pression de
l’opinion publique et des sondages. Malheureusement, ces lois de circonstance et
compassionnelles ont pour effet majeur de détruire les repères nécessaires à
l’humanisation »151
. Jean-Pierre Chartier, en tant que psychanalyste, spécialisé sur la période
adolescente, va plus loin : « Se limiter, c’est donc accepter de se restreindre et renoncer à
l’omnipotence infantile dans il sera beaucoup question par la suite. Paradoxalement,
l’adolescent d’aujourd’hui à qui on demande de se limiter vit dans une culture qui le pousse à
dépasser toute limite, comme en attestent la quête exacerbée des records sportifs et la
recherche d’un corps extrême que P. Baudry a repéré dans les publicités contemporaines ». Il
est important de ne pas tout confondre : la réalisation de soi, ne peut pas passer par des limites
trop dangereuses qui frôleraient alors la mort, et il semble fondamental que l’Etat puisse
entourer l’adolescent de garde-fous afin de le protéger. Mais d’un autre côté, le passage vers
l’âge adulte, se résume aussi à un dépassement de soi en tant qu’enfant, et le chemin peut être
sinueux.
Selon Pierre Chartier, « deux cas de figures peuvent se présenter : ou bien « celui qui est en
train de grandir » (adolescere) a pu intégrer suffisamment de limites au cours de son enfance
et la transgression pourra à terme nourrir sa créativité, ou bien les limites lui ont tellement
manqué que les conduites transgressives n’expriment plus alors que la destructivité et l’auto
sabotage permanent de ses potentialités »152
. Il nous explique que les limites se fixent au sein
de la famille et des systèmes éducatifs. Si celles-ci ne sont pas fixées au sein de ces cercles,
les limites sociétales n’auront jamais le poids éducatif qu’elles prétendent avoir. La question
se pose donc dans les familles dites « en incapacité » d’éduquer leurs enfants. Les
psychanalystes nous expliquent que les repères et les interdits sont alors posés par les
instances de relais (école, service social, etc.).
Encadrer les conduites à risque des jeunes, c’est travailler en lien avec tous les programmes
de prévention et d’éducation, afin d’expliquer que la consommation excessive d’alcool est
dangereuse. Encadrer les publicités alcoolisées, et notamment à la télévision, cible préférée
des jeunes, est fondamental. Mais pouvoir les informer sur les risques, mais aussi les plaisirs
151 Jean-Pierre Chartier, psychanalyste, article intitulé « La transgression adolescente : une quête de limites ? », disponible sur le site de Cairn. 152 Pierre Chartier, op.cit
112
que le vin ou autres produits de qualités peuvent apporter, en suivant des repères de
consommation précis, participe aussi à cet encadrement.
La source des comportements adolescent dans la recherche de transgression des limites,
semble se trouver davantage dans le morcellement de la parentalité et de l’autorité, qui est un
phénomène social reconnu par une profession toute entière.
« Il est certain que la circulation du sexe, l’éclatement initiatique du soi, l’effervescence
orgiaque renvoient à l’“extase”, à l’outrepassement de l’individu dans un ensemble plus
vaste. Et il est frappant de constater que la domestication des mœurs, l’idéologie du risque
zéro, l’asepsie de l’existence, les divers changements socio-économiques, les développements
scientifiques et techniques n’ont en rien amoindri cette pulsion à l’errance. »153
b. Une initiative dynamique : l’association « arrête de mal bouffer » et leur
action « arrête de mal boire »
Les clubs œnologiques, ont un rôle de prévention face à l’alcool. En effet, selon Dominique
Hutin, qui a organisé de nombreuses dégustations amatrices, avant de devenir journaliste,
« Chacun a un lien différent avec la consommation d’alcool, l’idée, c’est de pouvoir
accompagner les gens, un peu comme une conduite accompagnée, une forme d’éducation à
l’alcool ». Encadrer, ne signifie donc pas avoir obligatoirement un geste répressif. « La
jeunesse doit être absolument épargnée de cette consommation d’alcool dans le texte de la loi
Evin. Pourtant, elle cherchera toujours à tester ses propres limites »154
. Beaucoup de clubs
œnologiques ont vu le jour, notamment dans les universités et écoles supérieures.
Une association étudiante a vu le jour en 2010 sous le nom de « Arrête de mal bouffer ».
L’idée de départ est née dans une école de commerce à Reims et il s’agit selon ces étudiants,
de pouvoir montrer aux autres étudiants qu’il est possible de cuisiner des recettes simples
pour manger sainement et pas cher. De nombreuses actions sont organisées autour de la
cuisine. L’association a décidé de développer un volet sur la consommation excessive des
étudiants, notamment pendant les soirées étudiantes, intitulé « Arrête de mal boire ». Hugues
Villemain, le président de l’association rappelle le but de cette action : apprendre aux
153 Michel Maffesoli, L’ombre de Dyonysos, Contribution à une sociologie de l’orgie, éditions CNRS, 2010 154 Dominique Hutin, op.cit
113
étudiants à déguster et à apprécier le vin. Il a témoigné sur les ambigüités que les figures
d’autorité pouvaient entretenir avec ce genre d’initiatives. Selon lui, « il est très compliqué
aujourd’hui de travailler avec l’administration scolaire en ce qui concerne les boissons
alcoolisées, même lorsqu’on travaille dans le sens de la responsabilisation et qu’on souhaite
les aider à apprécier ces boissons en les comprenant, et non pas en les buvant à
outrance »155
. Il explique que les administrations ont souvent encore peur de prononcer le mot
alcool, par appréhension d’une réprimande dans le cadre de la législation actuelle. Pourtant, la
loi Evin, n’aborde pas la question des clubs œnologiques, au contraire, elle autorise la
publicité sur les évènements de dégustation, en fonction du groupe auxquelles les boissons
appartiennent.
Il faut pouvoir encourager davantage ces initiatives, afin que les informations reçues par les
jeunes consommateurs soient complètes et qu’ils puissent consommer sans culpabilité, mais
dans une mesure raisonnable.
3. Les jeunes générations à sensibiliser et à éduquer
Les jeunes générations sont les consommateurs de demain. De nombreuses initiatives
d’éducation au goût ont lieu dans les écoles afin de sensibiliser les enfants à ce qu’ils ont dans
leurs assiettes et dans leurs verres.
a. Les livres sur le vin
En 2010, les éditions Féret publient un livre intitulé « Grand-père, Raconte-moi la vigne »156
.
Lorsque ce livre paraît, les médias s’interrogent sur les réactions qui vont suivre sa sortie. Les
douze histoires reprennent les principales étapes du
travail d’un vigneron sur l’année et le vocabulaire est
simple, permettant aux enfants de tout comprendre. Ce
livre montre bien l’ambigüité entre création de label
œnotouristique en 2010 et début de la guerre des
télévisions, ou certains s’offusquent qu’on puisse montrer
des reportages sur la vigne à la télévision. Ce livre est
155 Hugues Villemain, propos recueillis lors du colloque à l’Assemblée Nationale, avril 2012, op cit. 156 Rédaction Pascale Bounet, illustrations Françoise Etourneaud, septembre 2010
114
destiné aux enfants pourtant, mais il signe le travail d’un métier artisanal, que l’on exerce
depuis des siècles. « Paul et son grand-père accueillent les visiteurs avec un grand sourire,
tout fiers de montrer une année de travail - de la taille de la vigne à la mise en bouteille »157
.
On parle ici de la fierté d’un travail en collaboration avec la nature, d’un héritage
générationnel, d’une transmission de patrimoine. S’adresser avec des mots simples aux
enfants, c’est rappeler que la communication sur la vigne en tant qu’héritage national, peut
être ludique, sans tomber dans une vulgaire incitation à la consommation d’alcool. Grâce à cet
ouvrage, on montre au contraire qu’on peut parler du vin en initiant les enfants à des valeurs
terriennes, les éduquer par le goût, leur apprendre la patience, l’observation, et le respect de
son environnement.
b. L’apprentissage et la découverte du goût par le jeu
Des initiatives régionales similaires, en Bourgogne, et dans un objectif éducatif pour les
enfants, ont été relayées par François Desperriers, auteur de Bourgogne Live. En juin 2012, il
nous raconte son expérience d’apprentissage de la dégustation avec des enfants, à travers du
jus de raisin. « Ceci n’est pas du vin évidemment.. C’est du jus du raisin. Quoi que vous
dégustiez, il s’agit de faire attention et de pouvoir décrire les sensations »158
explique Marie-
Jeanne Jouquet, professeur au lycée viticole de Beaune, aux enfants. Il est question ici de
travailler sur les sens, et comment identifier des sensations telles que le sucré, le salé, l’amer,
l’acide, reconnaître des saveurs de fruits, de fleurs, etc. Les incite t’on pour autant à user du
vin comme boisson alcoolisée ? Au contraire, il s’agit ici de sensibiliser les enfants, en tant
que futurs consommateurs de vin, et de leur faire comprendre avec pédagogie, qu’il ne s’agit
pas de boire n’importe quoi, sans y faire attention.
En Bourgogne, d’autres initiatives de découverte de la vigne et de l’univers du vin ont été
imaginées par le BIVB. Une boîte de jeu par exemple pour le 3-10 ans a été imprimée et
conçue par l’agence de conseil et édition parisienne Valorémis159
. L’idée de cette boîte de
jeu : éveiller la curiosité et l’imagination des enfants à travers coloriages, dessins, devinettes,
mots croisés, etc., afin de faire découvrir l’univers de la Bourgogne viticole de façon ludique.
Cette initiative, bien que sponsorisée par une organisation professionnelle vigneronne, permet
157 Pascale Bounet, Grand-Père raconte moi la vigne, éditions Féret, 2010, p.37 158 Article de François Desperriers, Comment expliquer aux enfants la dégustation du vin en leur faisant gouter du jus de raisin, mis en ligne le 13 juin 2012, disponible sur www.bourgogne-live.com 159 Article de François Desperriers, parents dégustez dans les caves de Bourgogne, pendant que vos enfants s’amusent en découvrant la vigne et le vin, rédigé le 12 avril 2012 et disponible sur www.bourgogne-live.com
115
d’expliquer aux enfants comment est réalisée une bouteille de vin, et ce qu’elle contient
exactement. Plus tard, ils se souviendront de cela, et choisiront d’autant mieux ce qu’ils
décident de consommer.
Il ne s’agit pas ici de lister les initiatives éducatives existantes pour les enfants, sur le sujet du
vin. Elles sont bien évidemment plus nombreuses dans les régions viticoles, les enfants
grandissant dans des vignes. Il est plus intéressant de voir que l’on peut décider de parler du
vin dans son ensemble, et non pas uniquement sous l’angle d’un produit alcoolisé, comme
l’envisage la loi Evin. On imagine les bienfaits d’initiatives similaires dans le monde des
spiritueux, et plus globalement dans l’univers de tous les produits de qualité. Ne pas créer de
« néophobie », ou peur des aliments nouveaux pour les enfants, et éveiller sa curiosité.
Ces initiatives sont d’autant plus intéressantes, qu’elles vont dans le sens de la politique
publique de santé, s’exprimant sous formes de « classes du goût », dispositifs créés par le
Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l’aménagement
du territoire, déployé dans le cadre du Programme National de l’Alimentation (PNA), et en
association avec le Ministère de l’Education Nationale, de la jeunesse et de la Vie
Associative. Le PNA rappelle qu’il a pour objectif de « faciliter l’accès des plus jeunes à une
bonne alimentation fondée sur le goût, l’équilibre entre les aliments et les rythmes des prises
alimentaires, la convivialité dès l’école primaire »160
.
Dans le Languedoc-Roussillon, il a été mis en place un dispositif pédagogique dans les classes
primaires, afin de permettre aux enfants une expérience sensorielle de 8 séances, réparties en
1h30 chacune. Selon le site institutionnel de la
DRAAF Languedoc Roussillon, ces initiatives
d’éducation au goût ont pour but de développer les
compétences psychosociales des élèves,
d’encourager la verbalisation des perceptions
sensorielles et de proposer un support aux
apprentissages fondamentaux161
. Il s’agit de
découvrir ses propres sens dans un premier temps, puis la découverte des aliments dans un
deuxième temps. Ce n’est donc pas une approche nutritionnelle mais bien une approche
sensorielle. On peut donc imaginer que l’éducation par le goût, se fasse pour tous les produits
160 Objectifs du PNA sur educ.gouv.fr 161 Les vidéos explicatives divisées en trois chapitres montrent les résultats de ce dispositif pédagogique
116
de qualité, dans la limite de l’âge légal pour la consommation d’alcool. Mais encore une fois,
intéresser les enfants à la vigne et au travail de vigneron en les informant par des livres, des
supports vidéos, ou encore des interventions de professionnel à l’école, ou dans leurs caves,
ne signifie pas faire de ces enfants des futures victimes de l’alcoolisme, bien au contraire.
Cette éducation par le goût, doit également être complétée par une éducation nutritionnelle de
tous les produits consommés : il est fondamental d’éduquer les enfants sur ce que contiennent
des produits industriels par exemple, avec tous les ajouts que cela implique. Tout comme il
semble plus intelligent d’expliquer aux enfants comment bien consommer les produits
contenant du sucre, des graisses animales, du sel, etc.
L’idée de mener des actions éducatives pour le développement du goût chez les enfants a
également été développée par Périco Légasse, rédacteur en chef à Marianne, qui souhaite
lutter contre l’abus d’alcool en misant tout sur l’éducation par le goût. Selon lui, « des
modules d’éducation devraient être proposés au sein des établissements éducatifs pour
connaître et respecter les produits »162
.
« S'il est question d'une boisson insipide, comme, par exemple, un verre d'eau, on n'a
ni goût ni arrière-goût ; on n'éprouve rien, on ne pense à rien ; on a bu et voilà tout »,
Anthelme Brillat-Savarin
162 Périco Légasse, Rédacteur en chef de Marianne, colloque sur l’éthique de la communication des produits alcoolisés, 5 avril 2012, Assemblée Nationale, organisé par le Syntec
117
Conclusion
Tout au long de ce travail, nous avons pu voir que la loi Evin a fait couler beaucoup d’encre et
a été sujette à de nombreuses protestations. Son interprétation est contestée, et apparait
également parfois comme contestable, ne sachant plus ce que signifient les termes
communication, publicité, ou encore promotion. Une nécessaire redéfinition des termes doit
avoir lieu afin que les acteurs communicants puissent être sûrs de ce qu’ils peuvent faire ou
non.
La loi a été créée puis menée dans son application par des hommes, souvent accusés de ne
vouloir prendre en compte que les enjeux de santé publique, sans regarder les produits dans
leur ensemble. Il est vrai que nous pouvons observer l’absence de parité entre les acteurs, dans
les débats parlementaire concernant la santé publique, et particulièrement la loi Evin. Mais il
serait temps pour la filière vitivinicole de comprendre que le positionnement institutionnel est
important afin de pouvoir être acteur de l’évolution législative, sans toujours la subir.
Tout au long de ce travail, nous avons pu observer le fonctionnement détaillé des règles en
matière de publicité, et plus globalement en matière de communication, bien que cette
dernière soit un concept trop large pour qu’il soit traité exhaustivement. Puisque la publicité
s’adresse à un public dans le but de créer un désir de consommation chez lui, il s’agit de
travailler intelligemment en amont sur les mêmes cibles de consommateurs. Montrer que le
vin peut aussi être un produit moderne, accessible, qualitatif et créateur de lien social, est une
façon de montrer la complexité de ce produit et d’en parler positivement.
Les agences de création sont toujours en mesure de le faire par la publicité, puisque la
suggestion n’est pas forcément incompatible avec la désincarnation. Mais il semble plus
fondamental de pouvoir faire comprendre au grand public qu’il est possible de consommer du
vin, sans culpabiliser, tout en mesure et en responsabilité. C’est aujourd’hui le cœur de métier
de Vin&Société. On regrette que certains dysfonctionnements intra-filières, notamment des
enjeux purement politiques et de convergence d’intérêt, bloquent parfois cette association
dans le développement optimal de ses actions. Si le vin peut être un produit moderne, comme
nous le montre cette jeune génération sur le web s’appropriant les blogs, ou les réseaux
sociaux pour faire partager les produits qu’ils aiment, il faudrait que la filière elle-aussi se
modernise, et sache travailler de concert sur ces problématiques génériques.
118
Le vin est un produit aux multiples facettes, et il est autant objet d’histoire et de patrimoine
que boisson alcoolisée. L’oenotourisme nous le prouve, en ouvrant ce patrimoine aux
touristes, permettant d’expliquer et d’éduquer sur ce que les consommateurs décident ensuite
de boire.
La loi Evin, malgré ses restrictions parfois exagérées, reste tout de même un garde –fou, pour
la publicité des marques d’alcool ayant développé des produits ciblés pour les jeunes, tels que
les mélanges de sodas et d’alcool fort. Les exemples de ces boissons sont nombreux, et les
cibles sont clairement établies. Puisque les jeunes sont victimes de consommation abusive
d’alcool, il ne s’agirait pas de libéraliser la publicité complètement, et que ces marques
d’alcool puissent développer leur publicité et incitation sur les jeunes.
En revanche, pour le vin, puisque nous avons pu voir que ce produit n’avait absolument pas
les mêmes modes de consommation, l’éducation par la responsabilisation semble bien plus
appropriée. Il ne s’agit donc pas de libéraliser entièrement la loi Evin, mais de pouvoir faire
sortir les produits sous appellation (vins et spiritueux) du panier global dans lequel ils ont été
mis, sans aucune distinction. En tant que patrimoine, ces produits impliquent des savoir-faire
et des hommes et des femmes qui se battent économiquement, pour continuer à proposer leurs
produits. Il serait alors important de ne pas laisser s’éteindre ces traditions historiques et
culturelles par peur anticipée. Le principe de précaution se développe de plus en plus dans
notre société. Les risques sont parfois réels, il ne s’agit pas pour autant de déployer des
méthodes fondées sur la peur, de façon systématique.
Autoriser des chaînes spécialisées sur la vigne et le vin, c’est comme autoriser une chaine sur
la gastronomie, sur le plaisir de chasser ou de pêcher pour certains, c’est également permettre
de développer la connaissance de ce produit, afin de mieux le consommer, tout en rendant un
hommage à l’histoire et aux savoirs-faires de ce produit millénaire. Les exemples des chaînes
spécialisées nous ont permis de voir qu’il existait une réelle confusion des genres entre la
volonté d’informer sur un secteur et la publicité pour un produit. La loi Evin ne traite pas de
ce sujet là, mais son interprétation extensive, et les cas des journaux condamnés pour avoir
suggéré une sélection de domaines à leurs lecteurs, ont crée la confusion la plus totale.
Ainsi, il ne faut pas tout mélanger, les problèmes d’abus d’alcool et l’éthique dans la
communication des produits alcoolisés. Dans une conférence organisée par le Syntec-Conseil
en Relation Publiques (syndicat patronal des agences conseil en relation avec les publics
réunissant presque 65% des agences), le Syrpa (réseau de professionnels de la communication
119
agricole) et l’UDA (Union des Annonceurs), des acteurs juridiques, économiques, de
prévention, les moyens positifs de communication sur les boissons alcoolisées, tout en faisant
preuve d’éthique existent. Le nouveau label « Vignobles et découvertes », marque du Conseil
Supérieur de l’oenotourisme est une façon d’ouvrir les vignobles et de montrer aux
consommateurs le produit à sa source, tout en dégustant et en crachant le vin. Ce moyen de
communiquer et d’éduquer à été présenté par Hervé Novelli (député d’Indre et Loire et
Ancien Ministre et secrétaire d’Etat chargé du commerce, des PME, du tourisme et des
services), lors de ce colloque.
Les agences de régulation de la communication telles que l’ARPP ou le CSA doivent être en
mesure de répondre correctement aux acteurs communicants, afin de leur expliquer ce qu’ils
peuvent faire ou non.
Des politiques de prévention sont mises en place, mais elles restent minoritaires quant aux
politiques de répression. La nouvelle mesure d’obligation d’éthylotest dans chaque voiture en
est un exemple. Comme si le consommateur ne pouvait pas être responsable de ses actes, et
que par précaution, comme pour un enfant, l’Etat se doit de lui dire comment contrôler son
alcoolémie. Au contraire, des politiques de prévention montrent qu’agir en expliquant peut
être un moyen bien plus efficace qu’agir en punissant. Il ne s’agit pas de créer un tabou autour
des « boissons alcooliques » en général. La vodka, le rhum, le bourbon, le champagne ne sont
pas des produits similaires, ni dans leur fabrication, ni dans leur consommation. Expliquer aux
consommateurs qu’il faut suivre des repères de consommation et être responsable de ses
actes, semble une politique bien plus prolifique que le fait d’empêcher toute communication
sur les boissons alcoolisées.
En revanche, aucune apologie ne doit être tenue ici, quant à la consommation d’alcool, et
c’est pourquoi le thème de la consommation modérée et responsable a été présent tout au long
de ce travail.
L’alcool a toujours été un marqueur dans notre société, et ceci depuis des siècles. Véronique
Nahoum-Grappe, anthropologue et chercheur à l’Ecoles des Hautes Etudes en Sciences
Sociales a développé une approche plus comportementale de la consommation d’alcool163
.
Pour elle, « boire est un fait social » pour de nombreuses cultures. Depuis l’antiquité, le vin
fait partie intégrante de nos paysages, de nos écrits, de notre culture. Le fait de trinquer est
163 Colloque à l’Assemblée Nationale, avril 2012, op cit.
120
synonyme d’heureux évènement dans une vie (signature de contrat, mariage,..). L’alcool est
donc le marqueur social d’une situation qui sort de l’ordinaire, pour le meilleur et pour le
moins bon. « Quand je vais bien et que je veux célébrer quelque chose, je bois, et quand je
vais mal, je bois ». Aujourd’hui, en réaction à une société où la vitesse est le maître mot, une
aspiration au ralentissement émerge. Elle rappelle qu’à la tendance « fast-food », une tendance
« slow Food » a émergé. Il en va de même pour la tendance « slow drinking » qui émerge en
réponse au « binge drinking », afin de pouvoir remettre la dégustation et le plaisir au cœur du
sujet.
Ainsi, pour conclure ce travail, on constate évidemment qu’un consommateur est aujourd'hui
largement informé des peines et risques qu’il encourt ou fait encourir à ses proches en
consommant de l’alcool au volant. Mais connaît-il le processus de vinification ? Lorsqu’il a
été question que l’Europe autorise la production de rosé en mélangeant du vin blanc et du vin
rouge, combien de consommateurs réguliers de rosé en France savaient comment ce vin était
réalisé ?
« Allons enfants de la Courtille
Le jour de boire est arrivé. […]
A table citoyens, videz tous les flacons,
Buvez, buvez, qu’un vin bien pur abreuve vos poumons »
La Marseillaise du Buveur, publiée dans le journal La Feuille du Matin, en 1792 :
121
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Film
GLODSTEIN Jacques. La République de la Malbouffe. Film réalisé en 2011
127
Table des Matières
RESUME ET MOTS CLES ...................................................................................................................................... 4
Remerciements à…. .................................................................................................................................... 6
INTRODUCTION .................................................................................................................................................. 7
PREMIERE PARTIE : LA CREATION DE LA LOI EVIN REGISSANT LA PUBLICITE DES
PRODUITS ALCOOLISES. OBJECTIFS INITIAUX ET EVOLUTIONS ................................................ 12
CHAPITRE 1 : OBJECTIFS INITIAUX DE LA LOI EVIN ..................................................................................................... 13
Section 1 : La genèse de la loi Evin : avant 1991 ........................................................................................ 13 1. Les supports de publicité autorisés avant 1987 ...................................................................................................13 2. 1987 : évolution majeure du cadre .......................................................................................................................16
Section 2 : Ecriture de la loi EVIN en 1991 ................................................................................................. 18 a. Objectif de création de la Loi Evin ....................................................................................................................18 b. Le principe dérogatoire .....................................................................................................................................19 c. Principe de la liste positive ...............................................................................................................................19 a. Définitions de publicité directe, et publicité indirecte/propagande ..............................................................21 b. Contenu publicitaire permis .............................................................................................................................22 a. Affaire Chivas.....................................................................................................................................................23 b. Affaire Kronembourg ........................................................................................................................................24
Section 3 : Une évolution par ajouts successifs .......................................................................................... 26 1. Légères modifications avant 2005 .........................................................................................................................26 2. La loi du 23 février 2005 : Modification substantielle de la loi EVIN ...................................................................26
a. Le contexte de cette modification....................................................................................................................26 b. L’article 21 .........................................................................................................................................................27 c. L’autorisation de la communication collective ................................................................................................28 d. Une introduction de subjectivité dans la publicité des vins ? .........................................................................29 e. Un exemple de jurisprudence post 2005 : l’affaire Moët et Chandon ...........................................................30
3. La réforme du 21 juillet 2009 : ouverture à la publicité en ligne .........................................................................31 a. Mise en contexte ...............................................................................................................................................31 b. Une publicité toujours très encadrée...............................................................................................................31
CHAPITRE 2 : UNE INTERPRETATION PARFOIS EXTENSIVE DE LA NOTION DE PUBLICITE : ACTEURS IDENTIFIES
ET ANALYSE COMPAREE ................................................................................................................................... 33
Section 1 : Avec une jurisprudence extensive, le juge peut-il devenir législateur ? ..................................... 33 1. Le cas de Val de Loire, le flou d’interprétation persiste entre les différentes instances ....................................34
a. Le visuel .............................................................................................................................................................34 b. La condamnation ...............................................................................................................................................34
2. La jurisprudence extensive peut elle devenir dangereuse ? ................................................................................35 a. L’affaire du Parisien ..........................................................................................................................................35 b. Le problème de territorialité de la loi ..............................................................................................................37
Section 3 : Les acteurs des évolutions de cette loi : les « hygiénistes » contre les « inconscients » ?........... 40 1. Les associations de prévention contre l’alcoolisme .............................................................................................40
a. Objectifs de ces associations ............................................................................................................................40 b. Fonctionnement interne et structuration de l’ANPAA ....................................................................................40
2. Les interprofessions ...............................................................................................................................................43 3. Le Conseil de Modération et de Prévention .........................................................................................................44 4. Vin et Société..........................................................................................................................................................44
Section 3 : L’influence européenne sur cette évolution .............................................................................. 50 1. La conformité de la règle par rapport au droit communautaire : le cas de la Suède .........................................50 2. L’exemple d’un autre pays producteur : l’Espagne ..............................................................................................51
a. La loi 24/2003 établissant le vin comme une fierté nationale ........................................................................51 b. Une incitation à la boisson excessive ? ............................................................................................................53
128
DEUXIEME PARTIE : LES EFFETS DE CETTE LOI POUR LES COMMUNICANTS DE LA
FILIERE VITIVINICOLE ET LES CONSOMMATEURS ......................................................................... 56
CHAPITRE 1 : LES EFFETS DE LA LOI EVIN SUR LES TECHNIQUES ET STRATEGIES DES COMMUNICANTS DU VIN
......................................................................................................................................................................... 58
Section 1 : Les acteurs publicitaires en matière de communication publics et privés, qui sont-ils ? ............ 58 1. Les interprofessions ...............................................................................................................................................58 2. Le négoce et les marques ......................................................................................................................................59 3. La relative liberté des vignerons: Paradoxe de la loi Evin ? .................................................................................61 4. Les agences, intermédiaires entre vignerons et consommateurs .......................................................................62
Section 2 : Conséquences de la loi Evin, une désincarnation de la publicité ? ............................................. 64 1. Etude du cas de Bordeaux, la campagne nationale lancée en 2000 ....................................................................64
a. Le cas .................................................................................................................................................................64 b. Interprétations ..................................................................................................................................................66
2. Etude comparative : la désincarnation en France face aux campagnes destinées à l’international ? ...............67 a. Exemple du BIVB ...............................................................................................................................................67 b. Campagnes des Vins de Bergerac .....................................................................................................................67 c. Inter Rhône en Chine ........................................................................................................................................69
Section 3 : De nouveaux axes de communication positive sur le vin : remettre le vin au cœur du sujet ...... 71 1. L’oenotourisme ......................................................................................................................................................71
a. Le pique-nique des vignerons indépendants ...................................................................................................72 b. Chasse aux trésors en Loire ..............................................................................................................................72
2. Une communication sur la consommation responsable et modérée d’un produit culturel .............................73 Section 4 : Un problème de positionnement pour les communicants, l’importance du choix du média ...... 75
1. Confusion des genres entre information, promotion et publicité : exemple des refus de chaînes spécialisées à
la télévision.......................................................................................................................................................................75 a. Le vin à la télévision ..........................................................................................................................................75 b. Le projet Deovino et Edonys sur les ondes hertziennes et satellites..............................................................76 c. La solution internet : Vigne et vin.tv. Une chaîne déguisée ? .........................................................................79 d. Le rôle du CSA dans l’interprétation de la loi Evin ...........................................................................................79 e. Des émissions sur le vin ailleurs dans le monde ..............................................................................................81
2. Le cas internet : les zones grises en matière de placement produits, fenêtre d’opportunité............................83 a. Internet, le lieu de tous les possibles ...............................................................................................................84 b. Des réunions spontanées de communicants web et vin : les Vinocamps ......................................................84 c. Les blogs et les relais par les réseaux sociaux..................................................................................................85 d. Le problème de la nature du message et des réseaux sociaux: l’affaire Ricard .............................................86
CHAPITRE 2 : OBJECTIFS INITIAUX DE LA LOI EVIN ATTEINTS SUR LES CONSOMMATEURS ? ........................... 89
Section 1 : Etat des lieux de la consommation d’alcool en France .............................................................. 89 1. Une baisse régulière de la consommation d’alcool, mais des inquiétudes persistantes ....................................89 2. Une interdiction relative de communiquer : le choix des pouvoirs publics pour la diminution de la
consommation d’alcool ...................................................................................................................................................91 3. La place du vin dans le phénomène d’alcoolisation .............................................................................................93
Section 2 : La consommation de vin traduit avant tout un mode de vie, théories de consommation positive
de vin dans la mesure et la responsabilité ................................................................................................. 96 1. La théorie du french paradox ................................................................................................................................96 2. La consommation culturelle du vin : qui consomme du vin, et quel mode de vie cela implique-t-il ? ............101 3. Une révolution également dans la distribution de vin pour les consommateurs .............................................104
Section 3 : Finalement, ne vaut-il mieux pas prévenir que guérir ? .......................................................... 107 1. L’éducation par un retour à la provenance et aux produits de qualité : l’exemple de Slow Food ...................107 2. La démocratisation de l’accès à la gastronomie pour tous ................................................................................109
a. Adolescence et alcool : une relation compliquée ..........................................................................................110 b. Une initiative dynamique : l’association « arrête de mal bouffer » et leur action « arrête de mal boire » 112
3. Les jeunes générations à sensibiliser et à éduquer ............................................................................................113
129
a. Les livres sur le vin ..........................................................................................................................................113 b. L’apprentissage et la découverte du goût par le jeu .....................................................................................114
Conclusion .............................................................................................................................................. 117
Bibliographie .......................................................................................................................................... 122