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Université Jean Moulin Lyon 3
Ecole doctorale : Lettres, langues, linguistique et arts (LLLA)
MIYAMOTO Tsunéichi 宮宮宮宮, un
ethnographe folkloriste, infatigable
marcheur à la recherche de l’identité
japonaise
par Alexandre MANGIN
Thèse de doctorat d’Etudes de l’Asie et ses diasporas
sous la direction de JeanPierre GIRAUD
présentée et soutenue publiquement le 11 septembre 2008
devant un jury composé de :
JeanPierre GIRAUD, professeur à l’université Jean Moulin Lyon 3
YvesMarie ALLIOUX, maître de conférences à l’université Toulouse Le Mirail
Gregory B. LEE, professeur à l’université Jean Moulin Lyon 3
Philippe PELLETIER, professeur à l’université Lumière Lyon 2
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(« Si l’on marquait les traces de pas de MIYAMOTOkun sur une carte blanche à l’encre
rouge
c’en serait au point qu’elle en deviendrait toute rouge. »
SHIBUSAWA Keizô1)
« Anthropologie et comparatisme apparaissent (…) comme les deux faces d’une même
réalité. »
Gilbert DURAND2
« L’aventure n’a pas sa place dans la profession d’ethnographe ; elle en est seulement une
servitude (…) Qu’il faille tant d’efforts et de vaines dépenses pour atteindre l’objet de nos
études ne confère aucun prix à ce qu’il faudrait plutôt considérer comme l’aspect négatif de
notre métier. »
Claude LEVISTRAUSS3
« Un Allemand cultivé me dit un jour : “Comment ! vous venez du folklore ? ” Cela dénote un
manque de culture. Comme si un homme sur qui le soleil brille, la lune répand sa clarté,
comme si tout ce qui nous entoure, comme si tout cela n’était pas le support et une part de
culture ? J’ai tourné les talons et l’ai planté là ! »
Leos JANACEK4
1 « Waga shokkaku ha Nippon ichi – Doryoku no minzokugakusha Miyamoto Tsuneichikun no koto » 「「「「「「「「「「 「「「「「「 「「「「「「 「「「「 (« Mon piqueassiette est le premier du Japon / A propos d’un grand travailleur : l’ethnographe folkloriste Miyamoto Tsuneichikun »), publié dans Bungei shunjû 「「「「「「 (Printemps et automne (ou Annales) littéraires), numéro d’août 1961. Cité dans Miyamoto Tsuneichi Tabi suru minzokugakusha 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 (Miyamoto Tsunéichi / Un ethnographe folkloriste qui voyageait), ouvrage collectif sous la direction de SANO Shin’ichi 「「「「, Kawade shobô shinsha 「「「「「「, Tôkyô, 1ère éd. Avril 2005, rééd. Juin 2005, p. 84.2 Structures / Eranos I, La Table ronde, Contretemps, Paris, 2003, « Dualismes et dramatisation », p. 131.3 Tristes Tropiques, Plon, Paris, 2004, 1ère éd. 1955, « I Départ », p. 9.4 Guy Erismann, Janáček ou la passion de la vérité, Paris, éditions du Seuil, 1979, rééd. 2007, 350 p., p. 247.
[Avertissement]
L’université Jean Moulin Lyon III n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions
émises dans les thèses. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.
A la mémoire de mon grand père LouisJean RIOU
et du professeur Jean CHOLLEY,
disparus tous deux en mars 2007
pendant la rédaction de cette thèse.
Remerciements
J’aimerais remercier ici :
En premier lieu M. JeanPierre GIRAUD, (Professeur des universités en littérature et culture du Japon
à l'Université LYON III Jean MOULIN, Directeur du Département des Études Japonaises), mon
directeur de recherches, à qui je dois tout d’abord de m’avoir suggéré, avec beaucoup de clairvoyance,
le sujet même de cette thèse, m’ouvrant ainsi l’accès à un monde dont je ne soupçonnais pas alors la
prodigieuse richesse. Je lui dois également de m’avoir donné à plusieurs reprises l’opportunité de faire
de longs séjours au Japon, séjours sans lesquels je n’aurais jamais pu mener à bien mes recherches. En
outre, la pertinence de ses conseils et le soutien attentif que j’ai toujours trouvé en lui m’ont été plus
que précieux : inestimables. Qu’il trouve ici l’expression de ma très sincère et absolue gratitude.
M. Jean CHOLLEY†, (professeur à l’Université Jean Moulin Lyon III), à qui ce travail est dédié, mon
directeur de recherches en maîtrise (La mélancolie dans le Sarashina nikki, chez KAMO no Chômei et
KAWABATA Yasunari) et DEA (De quelques influences de l’étranger et de leur rapport avec
l’identité japonaise), qui a bien voulu assurer un suivi quant aux problèmes de langue (notamment
classique) et donc, de traduction, et m’a fait bénéficier de ses observations érudites sur le Japon
d’autrefois. Merci aussi à Mme CHOLLEY Natsuko pour ses encouragements.
M. Gregory B. LEE, (professeur à l’Université Jean Moulin Lyon III, Premier viceprésident de
l’Université Lyon III, Directeur du département des études chinoises et Directeur de l’IETT), qui a
stimulé ma réflexion théorique (notamment par des conseils de lectures qui ont agrandi mon champ de
vision concernant l’Asie et même les sciences humaines en général) et m’a régulièrement poussé à me
remettre en question et à rejeter toute facilité.
M. SUMITANI Hirobumi 住 住 住 住 (professeur à l’Université d’éducation d’Osaka / Oosaka kyôiku
daigaku 住住住住住住 ) qui m’a fait connaître MIYAMOTO Tsunéichi, à l’occasion de mes recherches de
DEA et a suivi l’avancement de mes travaux tout au long de ma scolarité de troisième cycle, ne
ménageant pas son temps pour m’aider dans mes recherches sur place.
Mme MIYAMOTO Asako 住住住住住 (veuve de MIYAMOTO Tsunéichi), M. MIYAMOTO Hikaru 住住住 (fils
cadet de MIYAMOTO Tsunéichi) et son épouse qui ont bien voulu m’accueillir chez eux et me parler
de leur regretté Tsunéichi.
M. MIYAMOTO Kesao 住住住住住 (non apparenté à MIYAMOTO Tsunéichi) (professeur à l’Université de
Musashi 住住住住), qui m’a orienté et conseillé pendant ma première année de thèse au Japon ;
M. KOJIMA Takao 住 住 住 住 (enseignant à l’Université de Musashi), dernier disciple de MIYAMOTO
Tsunéichi, qui m’a laissé l’interviewer et m’a fourni de nombreux et précieux articles concernant son
défunt maître ;
M. YAMAGUCHI Kôichi 住 住 住 住 (chargé d’enseignement à l’Université Lyon III), mon premier
professeur de japonais, qui m’a donné l’envie de persévérer dans mon apprentissage du japonais et de
la culture japonaise ;
M. TSUKUDA Tomonori 住住住 (chercheur en industrie halieutique), pour son aide appréciée, sur place,
concernant le monde de la mer et ses travailleurs ;
M. FURUHASHI Nobuyoshi 住住住住 (professeur à l’Université de Musashi), mon professeur responsable
au Japon pendant ma première année de thèse, qui m’a fait beaucoup lire ;
M. NAKAHIRA Ryûjirô 住住住住住 (chercheur en Histoire des toponymes et cartographe), pour son aide
savante, en particulier en ce qui concerne l’Histoire des routes et des toponymes japonais ;
M. NAKAJIMA Hiroji 住住住住. (professeur à l’Université Rikkyô 住住住住) pour ses conseils ;
M. JeanMichel BUTEL, (maître de conférence à l’Université Toulouse Le Mirail) pour ses
encouragements ;
M. Nicolas RENAHY, (chercheur à l’INRA et au Laboratoire de sciences sociales) pour ses marques
d’intérêt ;
Mes amis Mme SHIMA Misako 住住住住, Laurent, Kiyoko, Yukako, Mizuho, Vincent, Sato, Tomoko…
Et bien sûr ma famille, pour son soutien permanent et indéfectible.
Note liminaire sur la transcription des mots japonais et la présentation
Le système utilisé ici pour la transcription du japonais est celui dit de Hepburn modifié, tel qu’il figure
dans le Nelson5 (avec basculement du « n » au « m » avant b, m et p). Pour un compterendu détaillé
des différents systèmes de transcription du japonais, nous renvoyons à l’article de Laurence Labrune6.
Selon ce système, les consonnes se prononcent comme en français, sauf que :
Le « r » est très doux, entre le r et le l français.
Le « g » est toujours dur, comme dans « guerre » ou « gare » et légèrement nasalisé en milieu de mot
lorsque le japonais est parlé avec élégance.
Ex. : 住住 sera transcrit negi et se prononcera « négui » [negi].
Le « s » est toujours sifflant, comme dans « samedi ».
Ex. :住 sera transcrit asa et se prononcera « aça » / « assa » [asa].
Et les voyelles se prononcent comme en italien, ou en français :
« u » se prononce entre le ou de « où » et le eu de « peur ». En fin de phrase, il est très peu marqué,
sauf dans le langage féminin affecté ou dans le langage formel, notamment au téléphone.
« e » se prononce tantôt comme é, tantôt è. Par convention, nous transcrivons « e » dans les noms
communs où qu’ils figurent et les noms propres figurant dans une phrase ou un titre japonais
transcrit(e), et « é » dans un nom propre figurant dans une phrase française.
Ex. : MIYAMOTO Tsuneichi ha hon wo nihyakusatsu kakimashita.
MIYAMOTO Tsunéichi a écrit deux cents livres.
Un accent circonflexe (ou un macron) sert à noter une voyelle longue. Nous distinguerons cependant
entre 住住 transcrit « oo » et 住住 transcrit « ô », de même 住住 « ei », 住住 « ê » et 住住 « ee ».
Ex. : 住住 kenkô se prononcera donc « kennkoo » [k nko:]ε
住住住 ookii se prononcera donc « ookii » [o:ki:]
Quant à la prononciation des sons transcrits avec un « w » :
Le 住 wo se prononce « ouo » [wo] en japonais ancien et « ô » [o] en japonais moderne.
Le 住 wi se prononcera de même « oui » [wi] en japonais ancien et « i » [i] en japonais moderne.
Le 住 we se prononcera « oué » [we] en japonais ancien et é [e] en japonais moderne.
5 The New Nelson, par Andrew Nathaniel NELSON, révisé et mis à jour par John H. HAIG, Tuttle, Tôkyô, 1997.6 Article (« Fiche de grammaire / Transcrire le japonais ») paru dans le numéro 6/7 du printemps 2000 de la revue Daruma, Editions Philippe Piquier, Arles, 2000, p.339356.
Les syllabes 住住 kwa, 住住 kwi, 住住 kwe et 住住 kwo se prononceront donc respectivement en japonais ancien
« kwa » [kwa], « kwi » [kwi], « kwé » [kwe] et « kouo » [kwo] et se prononceront ka [ka], ki [ki], ké
[ke] et ko [ko] en japonais moderne.
Par convention, nous transcrivons zu le japonais 住 qui se prononce « zou » [zu] en japonais classique et
dzou [dzu] en japonais moderne et dzu le kana 住 qui se prononce « dzou » [dzu] en japonais classique
tout comme en japonais moderne, notant le même son que 住. De même pour 住 dji et 住 ji.
En outre, à chaque mot est affecté une intonation (akusento 住住住住住) qui permet de distinguer des mots
dont la transcription en kana serait la même, donc des quasihomonymes, mais non des homophones
purs (à cause de cette intonation), ni des homographes, à cause de la différence de caractères chinois
ou d’origine (cas de mot d’origine étrangère non chinoise (gairaigo 住住住), transcrit en katakana). Il n’y
a que deux hauteurs en japonais : une intonation haute et une intonation basse. L’intonation haute est
constante, ou descendante.
Dans nos exemples, nous figurerons l’intonation basse par un soulignement, l’intonation haute ne sera
pas figurée et une intonation haute descendante sera figurée par un accent grave.
Ainsi par exemple, on distinguera, en langue standard7 : trois hashi 住住 : 1/ hashi 住, le bord ; 2/ hàshi 住,
les baguettes et 3/ hashì 住, le pont.
Autre exemple avec des gairaigo : mejâ 住住住住 : 1/ mèjâ (de l’anglais measure : mesure) ; 2/ mejâ (de
l’anglais major : majeur, de première importance).
Notons également que les mots d’origine chinoise employés en composés avec d’autres mots de même
type voient la plupart du temps leur intonation changer par cette « agglutination ».
Ainsi, kippu 住 住 (ticket), devient, en composé avec uriba 住 住 住 (machine à vendre, distributeur),
kippuùriba 住住住住住.
Toutefois, les hauteurs ne distingueront pas toujours les homonymes, et nous aurons parfois de purs
homophones, que seul le contexte permettra de distinguer.
Ainsi par exemple : kyôkai, l’église 住住 et l’association 住住, auront la même hauteur « kyookai » et donc
rigoureusement la même prononciation. On notera que le mot signifiant « association » est peu
employé à l’oral, et lorsqu’on le fait, on doit toujours préciser de quoi on parle.
Autre exemple avec des gairaigo : buranchi 住住住住 qui signifiera, avec la même prononciation burànchi,
et en plus la même orthographe, selon le contexte, brunch (brunch, goûter de 10 heures) ou branch
(branche [économique]).
7 Les accents et dialectes régionaux ont leurs propres intonations qui sont parfois l’inverse de la prononciation standard de Tôkyô.
Pour des raisons de commodité informatique, nous ne transcrirons pas ces intonations, bien qu’elles
soient essentielles pour éviter tout malentendu8.
La transcription des noms et mots chinois est faite selon le système pīnyīn 住住, pure convention qui a le
mérite d’être utilisée partout, à défaut de refléter pour des Européens la prononciation réelle du chinois
(contrairement au système Wade, ou à la transcription de l’Ecole française d’Extrême Orient). Les
tons sont notés au moyen d’accents.
Pour plus de précisions sur la prononciation du chinois, nous renvoyons aux ouvrages spécialisés (cf.
bibliographie).
Par convention, les ouvrages écrits en langue classique verront leur titre et les extraits cités reproduits
dans la mesure du possible en caractères classiques (ou « non simplifiés ») (kyûji 住 住 ). Ainsi par
exemple le Man’yôshû sera noté 住住住住住 et non 住住住住住.
Enfin, les noms de personnes sont donnés dans l’ordre japonais, le patronyme en premier (et en
majuscule par convention), sauf cas particulier (par exemple personne américaine ou européenne
d’origine japonaise). Il en est de même pour les Coréens et les Chinois, la transcription de leur nom
suivant la prononciation de leur pays, et non la prononciation japonaise.
Ex. : SHIBUSAWA Keizô et non « Keizô Shibusawa ».
TAWADA Yôko (essayiste japonaise) mais « Yôko TAWADA » (lorsqu’elle choisit
d’apparaître en tant qu’écrivain d’expression allemande)
LĬ Bái et non « Bai Li » ni « Ri Haku » (prononciation japonaise)
Les mots suivis d’un astérisque * renvoient au lexique approprié situé en fin de volume.
Par convention, les titres des ouvrages de MIYAMOTO Tsunéichi sont donnés dans le corps du texte
en transcription non traduite. Les titres complets en écriture originale et avec leur traduction et les
références sont indiqués dans la bibliographie en fin de volume. Notons aussi que les Œuvres de
MIYAMOTO Tsunéichi Miyamoto Tsuneichi Chosakushû 住住住住住住住住住publiées aux éditions Miraisha 住住住,
sont abrégées en OM, suivies du numéro du volume, et de la page. OMB1 et OMB2 désignent les
volumes annexes des Œuvres (besshû 住住).
Ex. : le chapitre II de Sanson to kokuyûrin 住 住 住 住 住 住 住 住 (Villages de montagne et forêts
domaniales) sera situé dans : OM14, 22 (ch. II) (soit page 22, deuxième chapitre, du tome 14 des
Miyamoto Tsuneichi Chosakushû).
Les nombres et mots placés entre crochets [ ] sont rajoutés par nous pour plus de commodité.
Sauf mention particulière, nous avons utilisé nos propres traductions.
8 Pour plus de renseignements, on se reportera au dictionnaire japonais de référence, le Shinmeikai nihongo akusento jiten 「「「「「「「「「「「「「「「, sous la direction de KINDA’ICHI Haruhiko 「「「「「 et AKINAGA Kazué 「「「「, Sanseidô 「「「, Tôkyô, 4ème éd. nov.2002.
Enfin, la encore sauf mention contraire, les photographies insérées ont été prises par nous et sont donc
libres de droit.
Introduction
La distance, due aujourd’hui davantage à la langue qu’à l’éloignement géographique fait que certaines
œuvres et certains grands hommes du Japon, connus dans leur pays, nous sont présentés en Occident
avec un retard pouvant aller jusqu’à plusieurs siècles. La réciproque est vraie, bien entendu. En 1950,
voici ce qu’écrivait YANAGITA Kunio 住 住 住 住 (18751962), considéré comme le fondateur de
l’ethnologie au Japon, et plus précisément de l’ethnologie des contes populaires, à propos d’un de ses
disciples :
C’« était le voyageur qui, longtemps, et jusqu’à maintenant, a le plus parcouru le Japon, en tous sens et
dans ses moindres recoins, justement dans des terres du genre où personne n’allait. Peu sont ceux qui,
à ce point, ont réfléchi avec attention aux histoires qu’il serait intéressant pour nous d’écouter, ou que
nous voudrions écouter et que, par ailleurs, nous retenons. Il est difficile de discerner et de classer les
sujets (kotogara) que nous voudrions que le peuple japonais porteur des temps futurs connaisse en
priorité, mais pour cela aussi, [lui] qui est un grand lecteur, ne s’y est pas trompé et n’a pas fait fausse
route. »9.
Ce jugement élogieux est destiné au plus humble d’entre les humbles, au plus faible des hommes, et en
même temps au plus volontaire, à un travailleur qui fit passer le terrain et l’écriture avant sa santé
fragile, le concret avant la théorisation, le respect avant la remise en question, « l’amour » du petit
peuple avant tout, un certain MIYAMOTO Tsunéichi 「「「「(19071981).
En 1995, date qui marque le début des études miyamotiennes, NAGAHAMA Isao 住 住 住 s’étonnait
qu’une œuvre de cette importance quantitative et qualitative n’ait jamais été présentée et analysée de
façon sérieuse et soit boudée par les universitaires. Que l’œuvre soit foisonnante, raison de plus pour
l’étudier, répliquetil10. Aujourd’hui de moins en moins inconnu au Japon11 – ceux qui en ont entendu
parler, sans le lire, ont au moins vu une ou deux de ses photographies12 – connu, souvent reconnu et
9 Préface à l’édition Kôdansha gakujutsu bunko de Furusato no seikatsu, 1986, rééd. 2002, p. 1011. Un extrait plus long précédé du texte original figure en annexe.10 NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsuneichi no tabi to gakumon「「「「「「「「「「「「「「「「「「「(Regard d’errance : Voyages et science de Miyamoto Tsunéichi), Tôkyô, Akashi shoten 「「「「 , 1995, 249 p., Introduction, p. 17.11 Dernière en date, l’exposition magistrale et très complète « Miyamoto Tsuneichi no ashiato »「「「「「「「「「 (Sur les traces de MIYAMOTO Tsunéichi »), qui se tint en avril et mai 2007, au Kyôdo no mori hakubutsukan 「「「「「「「 (Musée du bois du terroir) de Fuchû 「「, ville où résida MIYAMOTO de 1961 à sa mort en 1981.12 Que ce soit dans un quotidien national, à la rubrique « nostalgie », où lors d’une exposition, telle celle de la galerie Place M de Tôkyô du 11 au 17 juillet 2005, Place M, Kindai Bldg. 3F, 1211 Shinjuku, Shinjukuku, Tokyo 1600022 ; site : http://www.tokyoartbeat.com/event/2005/23B7.en ; http://www.placem.com/schedule/2005/pastschedule_2005.html
commençant tout juste à être étudié dans le milieu universitaire, il n’a pas encore eu la chance d’être
traduit en langue européenne (une traduction française de Wasurerareta Nihonjin 住住住住住住住住住住 par Jean
Michel BUTEL est en cours à ce jour, en 2008), aucune publication francophone ne parle de lui13, à
commencer notamment par les ouvrages de référence que sont, par exemple, le Dictionnaire de
l’ethnologie et de l’anthropologie, de Pierre BONTE et Michel IZARD14 ou le Dictionnaire de
littérature japonaise de JeanJacques ORIGAS15. Pourtant c’était un intellectuel exigeant qui laissa
une œuvre écrite considérable (l’édition sérieuse de ses Œuvres (Chosakushû 住住住住住) ne comportant pas
moins de cinquantedeux volumes). Cette œuvre se trouve d’ailleurs en librairie au rayon
ethnographie, son nom en grands caractères et servant parfois d’argument de vente à lui seul. Son
intérêt non seulement scientifique, mais aussi littéraire, semble de plus être réévalué depuis quelques
années, notamment le livre considéré comme son chefd’œuvre, Wasurerareta Nihonjin (Les Japonais
oubliés).
Mais d’abord, qui était MIYAMOTO Tsunéichi ? Quand et comment vécutil ? Comment le situer au
milieu des intellectuels de sa génération, de la précédente, de la suivante ? Quelle est sa place
aujourd’hui (ou quelle devrait être sa place) ? Qu’atil dit, ou cherché à nous dire ? C’est à ces
questions, et à beaucoup d’autres, que cette étude tentera d’apporter des éléments de réponse. Mais
avant cela, la présente introduction s’organisera selon deux axes : une présentation du fond, avant un
bref exposé des conditions matérielles de sa réalisation.
I Présentation de l’homme et définition des termes employés
Nous présenterons brièvement l’homme, avant de nous interroger sur les concepts et les champs
d’études que nous serons amenés à utiliser.
13 Nous verrons plus loin que certains spécialistes occidentaux le citent cependant, en bibliographie la plupart du temps.14 Pierre Bonte et Michel Izard, Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, Paris, PUF/Quadrige, 1ère éd. 1991, rééd. 2002, 842 p.. Les notices respectives de Laurence Caillet et Patrick Beillevaire (p. 397399) évoquent Yanagita Kunio, Orikuchi Shinobu, Nakane Chié, et Seki Keigo, mais ni Miyamoto Tsunéichi, ni Shibusawa Keizô, ni même Minakata Gumagusu, considéré pourtant comme le précurseur de la discipline.15 JeanJacques Origas, Dictionnaire de littérature japonaise, Paris, PUF/Quadrige, 1ère éd. 1994, rééd. 2000, 366 p.. On y trouve un article Orikuchi Shinobu (p. 236237) et un article Yanagita Kunio (p. 340342). L’absence de Miyamoto Tsunéichi et de Minakata Kumagusu y est moins gênante, compte tenu du sujet, ni l’un, ni l’autre n’étant romancier.
A/ Quelques repères sur la vie et l’œuvre de MIYAMOTO Tsunéichi16
MIYAMOTO Tsunéichi est né le 1er août 1907 (Meiji XL) à Ooaza Nishigata 住住住住, commune d’Oki
Kamuro Nishigata 住住住住住住 , district d’Ooshima 住住住 , (futur district de Tôwa (Tôwachô 住住住 )) sur Suô
Ooshima 住住住住, département de Yamaguchi (Yamaguchiken 住住住), fils aîné de MIYAMOTO Zenjûrô 住住住
住住 et de sa femme Machi 住住, tous deux agriculteurs. La famille MIYAMOTO appartient à la classe des
paysans, hyakushô 住住, même si elle compte aussi quelques prêtres shintô (kannushi 住住) à l’origine selon
Tsunéichi du nom de famille « MIYAMOTO » (« Au pied (moto) des temples (miya) »).
Dans sa petite enfance, son père est absent, expatrié aux îles Fidji. Son grand père, homme d’une
grande sagesse, prend son éducation à cœur. Il lui inculque les valeurs traditionnelles.
16 Pour plus de détails et de dates, voir les repères biographiques figurant en annexe.
Suô Ooshima17 est une île de taille moyenne (d’une superficie de 129,7 km²)18, à fort relief, tout
comme les autres îles du Japon, dépourvue de fleuve ou de rivière, peuplée d’agriculteurs et, dans une
moindre mesure, de pêcheurs, qui a globalement su se tenir à distance de la plupart des conflits et
destructions provoqués par les bushi 住住, la classe des guerriers. Le fait d’être né sur une terre de paix19,
loin du monde des « samouraïs », jouera un rôle structurant dans la personnalité foncièrement pacifiste
de MIYAMOTO qui tentera toute sa vie de montrer que le Japon est loin de n’être peuplé que de
guerriers (ces derniers ne représentant que 7 % de la population20 à l’époque des TOKUGAWA, au
XVIIème siècle, cette proportion ayant peu varié par la suite jusqu’à Meiji). Au XVIIIème siècle, l’île se
met à produire des Satsuma imo 住住住住住 [住住住] (sorte de patates douces, encore produites aujourd’hui), ce
qui a pour effet une augmentation importante de la population (jusqu’à environ 50 000 habitants à la
fin de l’époque d’Edo – début XIXème s.)21. Jusqu’à la fin du XIXème siècle, l’île est
démographiquement prospère, ou en tout cas capable de s’autosuffire. Réputée pour ses sculpteurs sur
bois22 employés dans tout l’archipel, l’île est cependant une terre que l’on quitte. En effet, de
17 Nous tirons nos informations de la monographie de Tôwachô quasiexhaustive corédigée par Miyamoto Tsuéinchi et Okamoto Sadamé 「「「 , Tôwachôshi 「「「「「「 , Tôkyô, Kinki Nippon tsurisuto kabushikigaisha 「「「「「「「「「「「「 Nihon kankô bunka kenkyûsho 「「「「「「「「「, Shôwa LII (1982), 933+34 p.18 SANO Shin’ichi 「 「 「 「 , Miyamoto Tsuneichi no manazashi 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 (Le regard de Miyamoto Tsunéichi), Kôbé, Mizunowa shuppan, 2003, 207 p., chap. I p. 19. 19「「「「「「「「「「「「「(« Les populations paysannes aimaient la paix. ») In MinZokugaku he no michi, chap. 1, p. 75.20 Selon Edwin O. Reischauer, Japan, the Story of a Nation (1re éd. Japan, Past and Present (1946)), New York, Alfred A. Knopf, traduction française (Histoire du Japon et des Japonais) et mise à jour de Richard Dubreuil, Paris, Seuil, Points Histoire, 2 vol., 1973, rééd. et mise à jour 1997, 255 et 320 p., t. I p.110.21 Tôwachôshi, p. 73 et s..22 Un exemple local de leur travail peut être vu au temple de Shitata, le Shitata Hachimangû 「「「「「 , avec son fronton en bois évidé et peint.
nombreux habitants partent émigrer à Hawai23, en Corée ou à Taiwan, et beaucoup reviennent déçus.
Avec l’industrialisation de Meiji, l’exode rural commence et se poursuit aujourd’hui. Aussi, une
grande partie des terres autrefois cultivées sur les pentes des collines estelle redevenue sauvage et
couverte de forêt, les routes qui mènent en haut de cellesci ne sont plus toutes entretenues, certains
ports de pêche sont à l’abandon, pollués par des décharges à ciel ouvert. En 1995, la population
comptait 28 750 habitants24 et si l’on n’observe que les chiffres concernant le district de Tôwa, où
vivait la famille MIYAMOTO, on constate que sa population était de 17 000 habitants en 1955, 8 000
en 1980 et 5 200 en 200725. L’île reste majoritairement peuplée d’agriculteurs, malgré des tentatives
d’en faire un lieu de villégiature (c’est un échec) et un pôle local de culture (on y trouve de nombreux
musées, des centres de recherches en Histoire locale et une université populaire créée par
MIYAMOTO et perpétuant son œuvre26)27.
Ci dessus, la vue en direction de l’ouest depuis la colline située au centre de l’île de Suô
Et cidessous, la vue en direction du sud.
23 Un musée leur est d’ailleurs consacré à Suô. 24 SANO Shin’ichi, Miyamoto Tsuneichi no manazashi, chap. I, p. 19.25 NIIYAMA Norio, « Kyôdo daigaku funsenki »「「「「「「「「「「 (« Chroniques du courageux combat de l’Université du terroir »), in Miyamoto Tsuneichi no messêji, annexe, p. 105.26 Suô Ooshima kyôdo daigaku 「「「「「「「「 (Université du terroir de Suô Ooshima). Cf. Première partie, chapitre I, et annexe.27 Pour plus de détails sur Suô Ooshima, on se reportera à SANO Shin’ichi, Daiôjô no shima「「「「「「「(Une île en fin de vie), Tôkyô, Bunshun bunko 「「「「, Bungei shunjû, mai 2006, 291 p.
MIYAMOTO, né dans une maison sans eau courante ni électricité, dans une famille portant le
costume traditionnel, aura eu le temps de voir la modernisation technologique de son pays (jusqu’aux
premiers ordinateurs). La frugalité du mode de vie de sa famille et, plus généralement de son milieu,
ne semble pas lui avoir pesé, bien au contraire. Toujours il en fera l’éloge car elle seule permet de
connaître la vraie valeur des choses et de respecter le travail de chacun. L’éducation traditionnelle que
lui prodigue son grand père, fondée sur l’exemple et l’explication des choses avec bienveillance plutôt
que sur l’apprentissage par cœur, vient compléter celle de l’école primaire et compenser les rapports
un peu plus distants qu’il semble avoir eu avec son père, ancien ouvrier agricole de retour des îles
Fidji après une expérience désastreuse28.
La famille MIYAMOTO n’est pas riche, mais elle est connue pour son hospitalité : on appelle leur
maison un zenkon yado 住住住 (une auberge du bon vouloir), c’est à dire un refuge pour les voyageurs de
passage29.
MIYAMOTO fait donc partie de cette génération qui, née sous Meiji, ayant grandi sous Taishô et
s’éteignant sous Shôwa, comptait les derniers représentant d’une éducation « à la Meiji » qui, selon
28 Cet épisode douloureux sera relaté à plusieurs reprises, notamment dans Kakyô no oshie (1947).29 FUJIMOTO Kiyohiko, « Bukkyô to iryô : " Miyamoto Tsuneichi no ikikata to kotoba " ni manabu »「「「「「「「「「「「「"「「「「「「「"「「「「(« Bouddhisme et traitement médical : étudier "la manière de vivre et les mots" de Miyamoto Tsunéichi »), in Miyamoto Tsuneichi no messêji, chap. II, p. 26.
TAKEDA Atsushi 住 住 住 住 30, était marquée par l’unité et assumait les contradictions (mujun 住 住 ), les
interruptions (kireme 住住住) et les contrastes (EstOuest, nouveauancien, occidentaljaponais)31 qu’elle
faisait fusionner, produisant de l’intelligence (chisei 住住), une puissance d’observation (kansatsuryoku
住住住) et de lecture (dokushoryoku 住住住) qui fera défaut aux générations suivantes32.
Il s’intéresse un temps à la composition de poèmes mais s’arrête assez vite. Il lit beaucoup. Après des
études secondaires assez brillantes, il fait l’Ecole des postes et communications à Osaka. Il étudie trop
intensément, se nourrit mal et contracte le béribéri. Toute sa vie, il tombera malade et frôlera le pire
(1930, 1939, 1942, 1949). Il fait ensuite le cursus de l’Ecole normale en une année et trouve assez
rapidement un poste d’instituteur. Dès lors, il passera d’un poste à un autre sans se fixer très
longtemps. Dans ses cours, il introduit des séances en plein air, lui permettant d’initier les enfants au
patrimoine naturel et aux objets du passé.
Il fonde la revue Kôshô bungaku 住住住住住住(Littérature orale) où YANAGITA Kunio publiera des articles.
Dès 1932, il se consacre à l’étude de terrain dans les villages qu’il rejoint toujours à pied. Deux années
plus tard, il est l’initiateur de réunions de recherches et de rencontres ayant pour thème le terroir. Il
intègre plus ou moins le milieu officiel des chercheurs. Lors d’une de ces rencontres, en 1935, il fait la
connaissance de SHIBUZAWA Keizô 住 住 住 住 * (18961963), petit fils de SHIBUSAWA Eiichi 住 住 住 住
(18401931) qui s’était illustré comme homme d’affaires ainsi que comme ministre des Finances
pendant la Restauration. Keizô deviendra son maître à penser, presque un gourou. Il l’invite à intégrer
l’Achikku myûzeamu 住住住住住住住住住住住* (Le musée des greniers) qu’il a fondé. La même année MIYAMOTO
épouse TAMADA Asako 住住住住住 . Il poursuit ses recherches de terrain, s’entretenant avec des vieillards
souvent truculents (SAKON Kumata 住住住住). Deux ans plus tard, naît son fils aîné Chiharu 住住. En 1939, il
renonce à l’opportunité de partir travailler en Mandchourie à cause de l’opposition de SHIBUSAWA.
La même année, il quitte sa famille pour s’installer à Tôkyô, mais c’est pour mieux reprendre ses
études de terrain. Dès 1940, il commence à photographier les gens et les lieux qu’il visite. Il
s’intéresse à l’étude, à la classification et à la conservation des mingu 住 住 * (objets populaires
traditionnels). Il multiplie les publications (articles, livres, participations à des ouvrages collectifs de
référence). En 1943, naissance de sa fille Keiko 住住.
Pendant la guerre, on ne sait presque rien de ses activités. On sait par exemple que sa maison est
incendiée en 1945 lors d’un bombardement. Il perd sa bibliothèque et ses manuscrits irremplaçables.
L’année suivante, il retourne à la terre tout en étudiant les autres agriculteurs, puis il inaugure une
30 Professeur de philosophie française à l’Université Meiji (Meiji daigaku 「 「 「 「 ) et essayiste (né en 1934).31 TAKEDA reprend en partie les mots du biologiste IIJIMA Mamoru 「「「.32 Meijijin no kyôyô 「「「「「「「「 (L’instruction des Hommes de Meiji), Tôkyô, Bunshun shinsho, Heisei XIV (2002), 198 p.. Cf. en particulier les chapitres I et II p. 1 à 22. A noter que le second (p. 18) évoque brièvement une anecdote concernant YANAGITA Kunio dont nous reparlerons plus loin.
série de conférences d’agronomie auprès des exploitants, dans la mouvance du Shinseikatsu undô 住住住住
住 (Mouvement pour une nouvelle vie quotidienne), ce qui lui permet de financer ses voyages d’étude.
Sa femme donne naissance à un second fils qui meurt nourrisson.
Il poursuit ses études de terrain, certaines pour le compte d’organismes publics (Ministère de
l’agriculture notamment). En 1952 naît son troisième fils, Hikaru 住 . Il continue de participer à des
groupes d’études et est membre d’un grand nombre de sociétés savantes.
En 1959, on lui diagnostique un ulcère du duodénum. La même année, il entreprend la rédaction d’une
thèse de doctorat, Seto naikai tôsho no kaihatsu to sono shakai keisei 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Le
développement des îles de la mer intérieure de Séto et la formation de leur société), qui deviendra Seto
naikai no kenkyû 住住住住住住住住住 (Recherches sur la Mer intérieure de Séto). En même temps, il fait d’autres
publications.
A partir de 1960, son œuvre reçoit des prix (Prix du Club des essayistes (Esseisuto kurabushô 住住住住住住住住
住住) ; Prix du Chûgoku pour la culture (Chûgoku bunkashô 住住住住住 )). En 1961, il obtient son doctorat
(Université Tôyô 住 住 住 住 ) et quitte la résidence de SHIBUSAWA. Il travaille ensuite brièvement à la
Faculté d’études halieutiques de l’Université de la mer de Tôkyô (Tôkyô suisan daigaku 住住住住住住) et fait
venir sa famille auprès de lui. En 1962 et 63, décèdent son maître YANAGITA et son mentor
SHIBUSAWA. En 1964, il trouve un poste d’enseignant à l’Université des BeauxArts de Musashino
(Musashino bijutsu daigaku 住住住住住住住 ). L’année suivante, il commence à travailler à la réalisation de
documentaires télévisés en tant que consultant. En 1967, il enseigne à l’Université Waseda 住住住住住.
En 1975, à 67 ans, il fait sa première étude de terrain à l’étranger, au Kenya et en Tanzanie. Deux ans
plus tard, il effectuera un deuxième voyage à l’étranger, cette fois à Chéjudô 「「「 [住住住]33 (Corée). En
1979, il partira pour Taiwan et l’année suivante son dernier voyage à l’étranger sera en Chine, où il
part accompagné de sa femme pour la première fois.
Sa dernière grande œuvre sera la fondation de l’Université du terroir de l’arrondissement de Tôwa
(Tôwachô kyôdo daigaku 住住住住住住住).
A la fin de 1980, sa santé se dégrade. Il fait plusieurs séjours à l’hôpital où il décède le 30 janvier
1981, à l’âge de 73 ans. Il laisse une œuvre (publiée et posthume) titanesque (plus de deuxcents
livres34 ou trois mille textes si l’on ajoute les articles35) couvrant les sujets les plus divers.
33 Chejudo : lu en japonais indifféremment Saishûtô 「「「「「「「 ou Chejudo 「「「「「.34 Selon notre recension personnelle. 35 D’après SANADA Yukitaka 「「「 「「「「, in Miyamoto Tsuneichi no densetsu 「「「「「「「「「(La légende de MIYAMOTO Tsunéichi), Kyôto, A’unsha 「「「, août 2002, 330 p., préface p. ii.
B/ Explication des termes employés et présentation de la méthode retenue
Avant toute chose, il nous semble nécessaire de donner au lecteur le sens de termes que nous allons
employer au cours de cette étude, afin d’éviter l’ambiguïté et prévenir tout malentendu.
1) Ethnographie, ethnologie et anthropologieAvant de parler des mots japonais (b), prenons le temps de définir les notions françaises (a).
- a. Notions françaises :
Selon le Trésor de la langue française informatisé (TLFI)36 du CNRS,
Le même dictionnaire définit ainsi logiquement l’ethnographie :
De l’ethnologie à l’anthropologie, la distance se creuse avec l’ethnographie.
36 Consultable en ligne gratuitement à l’adresse suivante : http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv4/showps.exe?p=combi.htm;java=no; Sa description est disponible à cette adresse : http://www.tlfi.fr/
On notera la différence extrême entre l’« anthropologie culturelle » (de l’anglais cultural
anthropology), terme mondialisé au sens proche de celui d’ethnologie ou d’anthropologie (I A 1) et
l’anthropologie physique (sens I A 2) (physical anthopology) proche de l’anthropométrie et de
l’expertise légale.
Un peu à part, la sociologie explique sa position davantage par son Histoire et la personnalité de son
fondateur (Auguste COMTE (17981857)) que par un objet qui serait fermé à l’ethnologie. Le TLFI
explique que la sociologie est la :
Pour résumer, ethnographie, ethnologie et anthropologie sont à la fois trois phases successives, trois
métiers cumulables et trois branches de l’anthropologie au sens général37, ellemême une des sciences
humaines. Même si historiquement l’ethnologie et l’ethnographie institutionnalisées furent créées avec
pour vocation l’étude des populations primitives et/ou « exotiques », le critère géographique n’est
aujourd’hui plus valable, l’ethnologie et l’ethnographie de son propre pays étant chose courante, et
majoritaire dans certains pays, par exemple en Suisse. Ainsi ce qui aurait pu être et rester une science
de l’altérité géographique et absolue devient une science de l’altérité relative des populations
(compatriotes ou non) étrangères au milieu des chercheurs en ethnologie (c’est le seul critère exclusif
aujourd’hui). Ce qui ne nous empêche pas de distinguer, de fait, les deux tendances de l’ethnographie
et de l’ethnologie : l’ethnologie de soi (de son propre pays, de sa région, voire de sa ville ou de son
quartier), et l’ethnologie de l’autre (de pays étrangers), l’un n’empêchant pas nécessairement l’autre.
En allemand on distingue d’ailleurs entre deux termes : Volkskunde « étude de son propre peuple »
et Völkerkunde « description des peuples étrangers ». Ces deux tendances remontent à l’Antiquité,
avec d’un côté Pausanias (grec, Lydie 115 Rome 180) et la description de ses compatriotes et de
leurs us et coutumes, et de l’autre Hérodote (484 ou 482 à 425) qui décrivit la guerre entre cités
grecques et empire perse en 490, les coutumes des peuples et fournit de nombreuses anecdotes et
37 Marc AUGE synthétise ainsi l’anthropologie, y incluant plusieurs phases : la « combinaison d’une triple exigence : le choix d’un terrain, l’application d’une méthode et la construction d’un objet ». Marc Augé, Pour une anthropologie des mondes contemporains, Paris, Aubier 1994, rééd. Champs Flammarion, 1997, 2003, chap. I, p. 9.
analyses concernant les mœurs, religions etc. Thucydide (471 à 400) appartient à la nouvelle
génération. Il se préoccupe peu d’anecdotes et cherche les raisons des choses. Il enquête auprès des
intéressés. Il aimerait fournir des éléments d’interprétation pour les générations futures. Face à la
guerre (entre Athènes et Spartes), il applique des catégories d’analyses proches de celles des médecins.
Quant à la sociologie, traitant historiquement des phénomènes urbains des sociétés d’où était issu le
sociologue, elle a trois objets principaux : 1/ les rapports individusociété (les références sociales
internes) ; 2/ la différenciation sociale (la stratification sociale) ; 3/ le changement social (l’évolution,
les conflits sociaux).
La différence entre ethnographe et ethnologueanthropologue recouvre souvent celle entre le
chercheur de terrain et l’intellectuel de cabinet38. L’ethnographie seule concerne le terrain, ethnologie
et anthropologie étant des phases et des disciplines d’intérieur. Mais ces deux disciplines sont elles
mêmes à distinguer l’une de l’autre. Il s’agit d’abord d’une différence d’échelle, mais aussi d’une
différence de point de vue. L’ethnologie est encore assez concrète, mais l’anthropologie, par l’analyse
des mythes et une réflexion souvent philosophique, peut s’élever haut dans l’abstraction. Gilbert
DURAND en est un bel exemple. MIYAMOTO, pour sa part, ne prétend pas être un anthropologue,
encore moins un penseur. Il ne propose pas un paradigme, un système explicatif. Il se définit
simplement (et agit) comme un minZokugakusha (nous expliquerons ce terme un peu plus loin), un
chercheur de terrain. Il a tenté de rassembler des informations et de les présenter, tout en recensant les
questions qui se posaient à lui au cours de son travail.
La différence entre sociologie et ethnologie tient avant tout à leur Histoire (ce qui inclut la
personnalité de leurs fondateurs respectifs), laquelle entraîna une différence de sensibilité, d’approche.
La sociologie s’intéresse ainsi à la société urbaine du pays du chercheur alors que l’ethnologie n’a plus
de terrain de prédilection (que ce soit dans le pays du chercheur ou non, la seule condition étant
l’extériorité au milieu des chercheurs en ethnologie).
Bien sûr, le travail du sociologue peut être précédé d’une recherche sur le terrain comparable à celle de
l’ethnographie, et certains jeunes chercheurs revendiquent les deux appellations (voire les trois) :
d’ethnologue et de sociologue voire d’ethnographe39.
Peut enfin se poser, à titre théorique, la différence entre sociologie et journalisme ou entre
ethnographie et journalisme. Sans revenir sur les différences entre ethnographie et sociologie, on
pourra s’en tenir aux trois remarques suivantes :
38 Ainsi par exemple au XVIIIème siècle le navigateur Bougainville réalisant un travail ethnographique repris et analysé chez eux par Voltaire, Rousseau ou Diderot. En revanche, le voyage du jeune Voltaire en Angleterre (1726) comporte quelques éléments ethnographiques.39 Comme par exemple Nicolas RENAHY (Les gars du coin : Enquête sur une jeunesse rurale, Paris, La Découverte, 2005, 288 p.).
1° le journalisme recherche généralement l’événement : une situation qui se répète quotidiennement
l’intéresse moins qu’un bouleversement ;
2° le journalisme travaille plutôt sur le court terme, à la différence des sciences humaines ;
3° le journalisme s’intéresse essentiellement au présent (mais paradoxalement il devient de ce fait
rapidement du passé, donc une source pour l’Histoire), alors que les sciences humaines citées
concernent aussi bien le passé, le présent que l’avenir.
- b. Notions japonaises :
A l’occasion d’une mise au point40 épistémologique contre une certaine tendance de la sinologie
française, incarnée par François JULLIEN, à exagérer « l’altérité [absolue] de la Chine »41, Jean
François BILLETER, cite l’exemple de la traduction française du mot chinois dào 「 :
« le traducteur a toujours plusieurs possibilités. Dans le cas présent, le choix qu’il doit faire en premier
lieu est de conserver dans sa traduction le mot « Tao » ou « Voie », pour signaler la présence d’une
notion qu’il estime importante, quitte à proposer à son lecteur une phrase difficilement intelligible, ou
bien de chercher à traduire d’abord la phrase où ce mot apparaît et à la rendre par une phrase
française aussi simple et claire que la phrase chinoise. Le second procédé me paraît préférable. (…)42
»La langue chinoise n’est-elle pas caractérisée par une extraordinaire43 polysémie ? Point du tout. Le
passage inverse, du français au chinois, pose les mêmes problèmes. (…)44 La polysémie est la règle
et non l’exception, dans quelque langue que ce soit45. Un mot n’a de sens que dans une phrase, et ce
sens se détermine négativement, par élimination des significations qu’il ne peut avoir dans le contexte
donné. En matière de traduction, la difficulté vient de ce que les mots que l’on met en rapport, d’une
langue à l’autre, ont des champs de signification qui ont des extensions différentes et qui ne se
40 Jean François Billeter, Contre François Jullien, Paris, Allia, 2006, 122 p..41 Seraitce là une accusation d’« orientalisme » tel que le définit et présente Edward Said, à savoir une généralisation pseudosavante, condescendante, visant à dominer tous les pays non occidentaux ? (Orientalism, London, Penguin Books, 1978, paru en français sous le titre : L’Orientalisme, Catherine Malamoud (trad.), Paris, Seuil, La couleur des idées, 1980, rééd. 2003, 2005, 426 p.).42 Le texte continue ainsi : « Trop de sinologues continuent à poser a priori que la pensée chinoise est différente de la nôtre, puisqu’elle est fondée sur des notions telles que le Tao, et à traduire en conséquence, prouvant par leurs traductions ce qu’ils ont posé au départ. Mais le mot tao ne possèdetil pas une richesse de sens particulière ? »43 Nous soulignons.44 Jean François Billeter cite ensuite l’exemple du mot « grâce » en français, rendu différemment en chinois selon le contexte.45 Nous soulignons.
recouvrent qu’en partie. C’est pourquoi l’on fait violence aux textes en traduisant toujours un mot
chinois de la même façon en français, sans égard pour le contexte (…)46.
»En vertu de la croyance naïve que chaque mot renvoie à une chose, nous partons à la recherche de
la chose à laquelle ils correspondent. C’est de ce genre d’interrogation que naît la philosophie, selon
Paul Valéry : “Presque toute la philosophie, note-t-il, consiste dans la recherche du sens absolu isolé
des mots”47. »48
Pour résumer, il en résulte qu’« un choix de traduction suffit à créer le mirage d’un univers intellectuel
entièrement séparé du nôtre »49.
C’est conscient de ces difficultés que nous avons essayé de définir et de traduire les notions suivantes
en les distinguant le cas échéant.
Le terme (bunka) jinruigaku (宮宮)宮宮宮, tout d’abord, ne pose pas de problème. Il fut créé pour traduire
l’anglais anthropology. Le bunka (culturelle) fut ajouté plus tard, suivant en cela la tendance du
monde anglophone distinguant entre physical anthropology (anthropologie physique, morpho
anthropologie) et cultural anthropology (anthropologie culturelle), plus proche de la conception
européenne de l’anthropologie, bien que moins abstraite que cette dernière.
Les termes minZokugaku 宮宮宮 et minzokugaku 宮宮宮, en revanche, appellent davantage de remarques. Le
premier minZokugaku 住 住 住 (du chinois mínsúxué), que par convention, nous transcrirons avec un Z
majuscule en son milieu – pour le distinguer du second minzokugaku 住 住 住 (du chinois mínzúxué),
46 Jean François Billeter prévoit la riposte : « Mais, m’objecteraton, n’y atil pas tout de même, en chinois, comme dans nos langues, certaines notions philosophiques que le traducteur ne peut pas escamoter ? Si – mais, sur ce point aussi, faisons preuve d’esprit critique. On rencontre dans toutes les langues des mots désignant un tout que l’on serait bien en peine de définir, qu’on se représente de manière vague et dont on a cependant besoin pour s’exprimer – tels la “nature”, le “monde”, la “réalité”, le “réel”, l’“existence”, la “vie”, l’“esprit”, la “matière”, l’“espace”, le “temps”. Ces mots n’ont de sens défini que dans telle ou telle phrase, en liaison avec d’autres mots. Parfois cependant, pris d’un soudain vertige, nous nous demandons quel est leur sens propre. » Contre François Jullien, p. 54.47 Paul Valéry, Cahiers I. Bibliothèque de la Pléiade, 1973, p. 649. Référence fournie par JeanFrançois Billeter.48 Jean François Billeter ajoute que : « Wittgenstein remarque, lui aussi, que les problèmes philosophiques apparaissent quand, au lieu de nous servir du langage, nous [nous] mettons à raisonner à partir de lui. (voir «“Philosophie”, extrait du Big Typescript publié dans Revue internationale de philosophie n° 169, Bruxelles, 1989, p. 197 ; référence de Jean François Billeter). Ils paraissent profonds, observetil, parce que “les problèmes qui naissent de notre incompréhension des formes de notre langage nous donnent le sentiment de notre profondeur” (Recherches philosophiques, I, § 111, référence Jean François Billeter). Selon lui, la tâche unique du philosophe est de dissiper au contraire “l’ensorcellement de notre esprit par les moyens propres à notre langue” (Ibid., I, §109, référence de Jean François Billeter) ». Contre François Jullien, p. 55.49 Contre François Jullien, p. 57.
exactement homophone (住住住住住 住 住 /minzokùgaku/)50 – désigne l’étude du folklore, des arts et traditions
populaires et leur ethnographie, alors que le second désigne l’ethnologie, l’étude des ethnies. Le
Seisen minZokugaku jiten 住住住住住住住住住51 donne du mot minZoku la définition suivante :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「52
(« En général, est employé dans le sens de coutumes (narawashi) des gens ordinaires (minshû) ou
mœurs (fûzoku) et usages (shûkan) du peuple (minkan). Comme mots de la même famille, on trouve
les mots d’origine chinoise dozoku [tŭsú] (coutumes du terroir), shûzoku [xísú] (us), fûzoku [fēngsú]
(mœurs), kanshû [guànxí] (coutumes) et shûkan [xíguàn] (habitude), et les mots d’origine japonaise
fûshû (usages du temps), kankô (pratiques), kanrei (précédents) etc.. Dans chacune de ces acceptions il
y a de subtiles nuances, mais elles ont un point commun : la coutume (narawashi). Le mot minZoku
fut importé [de Chine] dans l’Antiquité, mais sa diffusion n’a été observée que récemment (…) Jusque
là, plutôt que le mot minZoku, on employait les termes techniques minkan denshô (transmissions
populaires) ou encore fôkuroa (folklore) et à une époque, sous Meiji [18681912] et Taishô [1912
1926], il y avait aussi des chercheurs qui proposèrent dozoku (terroir) et dozokugaku (étude du terroir)
et on trouvait même des partisans qui considéraient dozoku (terroir) et minZoku comme un même
concept. »)
L’article continue avec de nombreuses précisions et distinctions53, mais nous nous en tiendrons là pour
le moment. Quant à la minZokugaku – l’étude de la minZoku – elle est définie de la façon suivante par
le même ouvrage54 :
50 Les mots, homophones en japonais, se prononcent de façon différente en chinois, ce que montre leur transcription en pīnyīn. Cf. Kinda’ichi Haruhiko 「「「「「 (dir.), Shinmeikai Nihongo akusento jiten 「「「「「「「「「「「「(Nouveau dictionnaire Meikai des intonations du japonais), Tôkyô, Sanseidô, 2002, 931+110 p., p. 822, II.51 FUKUDA Ajio 「「「「「, KANDA Yoriko 「「「「「, SHINTANI Takanori 「「「「, NAKAGOMI Mutsuko 「「「「, YUKAWA Yôji 「 「 「 「 et WATANABE Yoshio 「 「 「 「 (dir.), Seisen Nippon minZoku jiten 「 「 「 「 「 「 「 「 (Dictionnaire raisonné d’ethnographie du folklore du Japon), Tôkyô, Yoshikawa kôbunkan, 2006, 692 p. 52 Article de HIRAYAMA Kazuhiko 「「「「.53 On comparera cette définition avec celle du Daijisen 「 「 「 「 「 (Tôkyô, Shôgakukan), dictionnaire généraliste : 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「(« Mœurs (fûzoku) et usages (shûkan) transmis depuis longtemps dans le peuple (minkan) »).54 Définition du Daijisen : 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「(« Science qui, par une étude des transmissions populaires (minkan denshô), étudie principalement l’Histoire du développement de la vie quotidienne et des cultures des gens ordinaires. Apparue en Angleterre, elle fut systématisée au Japon par des gens comme YANAGITA Kunio ou ORIKUCHI Shinobu. Folklore »).
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 folklore「「「「「「 Volkskunde 「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「55
(« Discipline qui, à partir des phénomènes collectifs humains transmis de génération en génération,
met en lumière le déroulement historique des cultures de la vie quotidienne et, par ce faire, étudie les
cultures de la vie quotidienne contemporaine. Terme qui correspond aux mots anglais folklore et
allemand Volkskunde. A la base, la minZokugaku est une méthode qui vise à comprendre le monde
dans sa dimension historique (rekishiteki sekai) [et qui y parvient, d’une part], en enquêtant et en
analysant « les phénomènes selon lesquels (dans une unité ou un groupeéchantillon d’étude
déterminé), les gens d’aujourd’hui observent des pratiques, détiennent des connaissances transmises
par les générations précédentes et les conservent comme concepts » ce qui correspond proprement à
la minZoku – et [d’autre part], en mettant en lumière les cultures de la vie quotidienne passées d’une
génération à une autre, ainsi que leurs processus de changement. »)
Là encore, l’article continue en établissant des distinctions et en précisant des points de détails.
MIYAMOTO Tsunéichi, toute sa vie, se définit comme un minZokugakusha 住住住住 , et non comme un
shakaigakusha 住住住住 (sociologue) ni comme un rekishigakusha 住住住住 (historien), alors que certaines de
ses œuvres comportent des aspects historiques. Dans ces caslà, il se désignera comme un
minZokugakusha faisant une digression historique en se basant sur le travail des historiens.
MIYAMOTO, selon nous, plutôt qu’un « ethnographe du folklore », est davantage un « folklographe »
– qu’on nous pardonne ce néologisme – bien que le mot français « folklore » inclut un champ
d’investigation plus limité que le japonais minZoku 住住.
Pour synthétiser, nous pourrions donner la définition suivante de la minZokugaku. C’est l’étude
systématique, à partir d’un recensement d’information recueillies sur le terrain, des informations
géographiques, historiques et humaines ayant trait à la vie des gens ordinaires, essentiellement à la
campagne, et portant notamment sur les arts et traditions populaires, les coutumes (y compris les
pratiques religieuses) et les métiers traditionnels.
2) Le folklore et l’identité
- a. Le folklore :
La définition du Trésor de la langue française informatisé rend parfaitement compte de la polysémie
et du changement radical de nuance du sens premier aux sens dérivés :
55 Article de FUKUDA Ajio 「「「「「.
On constate ici que la minZokugaku, si elle englobe totalement la définition du folklore (A) et est elle
même un folklore (sens B), ne s’y limite pas puisque, comme nous l’avons dit plus haut, elle englobe
les éléments historique, géographique et économique.
– b. L’identité :
Pour l’identité, nous reprenons la définition de LABURTHETOLRA et WARNIER (1993) qui voient
dans l’identité un « principe de cohésion intériorisé par une personne ou un groupe. Elle consiste en un
ensemble de caractéristiques partagées par les membres du groupe, qui les identifie au sein du groupe,
et les différencie des membres des autres groupes.
C’est un processus inscrit dans le temps, de sorte qu’il serait préférable de parler d’identifications
(variables) plutôt que d’identité (donnée une fois pour tous) »56. Cette définition a le mérite de se
prêter particulièrement bien au contexte de la description miyamotienne, qui insiste justement sur les
caractères de cohésion au sein du groupe, de différence avec les autres groupes, de variabilité (hensen
住住, transition, évolution) et de temporalité (car MIYAMOTO fait œuvre d’historien pour chaque objet
ou pratique qu’il présente). Car l’identité est, sinon une illusion, du moins une construction, et
susceptible à ce titre d’évolutions à l’échelle même d’un simple individu.
56 Philippe LaburtheTolra & JeanPierre Warnier, Ethnologie / Anthropologie, Paris, puf, Quadrige, 1ère éd. 1993, rééd. 2003, 428 p., p. 366.
II Approche matérielle de cette étudePas plus que notre sujet – et modèle – nous ne tenons à négliger l’évocation, pour brève qu’elle soit,
de l’aspect concret de cette recherche.
Nous avons procédé au recensement des œuvres de MIYAMOTO Tsunéichi, nous aidant des
bibliographies déjà un peu anciennes, de TAMURA Zenjirô57. Sont venus ensuite différents entretiens
avec des personnalités au premier rang desquelles il convient de citer le professeur KOJIMA Takao 住住住
住 de Tôkyô, l’un des derniers disciples de MIYAMOTO. Nous avons aussi interrogé M. HIMEDA
Tadayoshi 住住住住, réalisateur de documentaires ethnographiques, notamment sur les Aïnous, et directeur
du Minzoku bunka eizô kenkyûsho 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Centre de recherche sur la documentation visuelle
ethnographique), qui travailla avec MIYAMOTO luimême, ainsi qu’avec de nombreux chercheurs en
minZokugaku (MIYAMOTO Kesao 住 住 住 住 住 58) comme dans d’autres domaines (par ex. NAKAHIRA
Ryûjirô 住 住 住 住 住 , chercheur en Histoire des toponymes). Les autres entretiens, plus informels, se sont
déroulés sur les lieux de notre étude de terrain, à savoir d’une part l’ouest de Honshû, et plus
particulièrement Suô Ooshima, et le Tôhoku d’autre part, où nous sommes partis, sur les traces de
MIYAMOTO, à la recherche des matagi 住住住 [住住]*, les chasseurs d’autrefois. Nous avons visité des
centres de recherches (dont les deux consacrés à MIYAMOTO Tsunéichi) et des musées de mingu 住住*
(objets traditionnels populaires) dont nous avons établi le catalogue photographique des collections.
Rencontrer la famille MIYAMOTO, à Shitata (sur Suô Ooshima) fut une expérience des plus
enrichissantes. Connaître cette famille nous permit en effet d’avoir accès à des documents privés,
comme des photos personnelles et des textes inédits (dont le Byôkanroku 住住住住住(« Notes de maladie »)
que nous reproduisons en annexe)59.
Notre corpus, dont le lecteur trouvera la liste complète en annexe, se compose donc non seulement des
œuvres de MIYAMOTO, publiées et inédites, mais aussi évidemment des ouvrages publiés sur lui
depuis quelques années, en faible mais constante augmentation, de l’ordre d’une dizaine d’ouvrages
par an. Pour ce qui est des œuvres de MIYAMOTO, on remarque deux choses : leur publication n’a
jamais cessé et a toujours trouvé son public. Les rééditions sont donc fréquentes, en particulier depuis
les cinq dernières années, et l’on voit apparaître, en particulier chez l’éditeur Iwanami 住 住 dans la
collection Iwanami gendai bunko 住 住 住 住 住 住 60, des recueils posthumes d’articles tirés de revues
57 Notamment celle figurant à la fin d’Emakimono ni miru Nihon shomin seikatsushi (1981, 2003), p. 232.58 Le professeur MIYAMOTO Kesao n’est pas de la famille de MIYAMOTO Tsunéichi.59 Avec l’accord de la famille Miyamoto.60 Collection que l’on reconnaît à sa bande verte, qui la différencie de la collection Iwanami bunko 「「「「 (tout court) à tranche saumon (et bande de couleur selon le pays de l’auteur et le genre de l’ouvrage) dans laquelle sont publiés les « livres » tels que les avait conçus leur auteur.
scientifiques ou de livres non encore réédités, et organisés autour d’un thème, ou d’une approche
particulière. Ainsi par exemple les quatre voyages de MIYAMOTO à l’étranger, dans Miyamoto
Tsuneichi, Afurika to Ajia wo aruku 住住住住住住住住住住住住住住住住住住61 (Miyamoto Tsunéichi va marcher en Afrique et
en Asie)62.
De toutes les œuvres de MIYAMOTO, y compris sa monumentale thèse de doctorat (Setonaikai no
kenkyû 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Recherches sur la Mer intérieure de Seto)63, 720 pages, plus les cartes), c’est
certainement son journal64 qui constitue la masse la plus dense65.
Ces points étant précisés, il nous semble alors adéquat d’annoncer la question centrale qui parcourt
notre réflexion, à savoir celle de l’identité rurale telle qu’étudiée par une discipline en train de se
constituer et l’inscription active de celleci dans l’Histoire, avec les limites qu’une telle entreprise
suppose. En effet, qu’estce que la minZokugaku miyamotienne et comment en estil arrivé à
l’élaborer ? La présente thèse n’étant pas une étude ethnologique, ce à quoi nous n’avons jamais
prétendu, notre approche sera à la fois biographique, épistémologique et « japonologique ».
Cela nous amènera à organiser cette étude selon une structure binaire par laquelle nous présenterons la
formation et la méthode de MIYAMOTO (première partie), avant de nous demander comment
l’Histoire et la notion de patrimoine constituent un renouveau dans les études sur la japonité
(Nihonjinron 住住住住) (seconde partie).
On aura compris les raisons qui nous poussèrent à choisir MIYAMOTO Tsunéichi comme sujet de
thèse. Sans compter la réserve quasiinépuisable d’informations (dont de nombreux témoignages
aujourd’hui irremplaçables) et d’objets recueillis qu’il présenta dans son œuvre (comportant quelques
chefsd’œuvre66) et qui fera longtemps le bonheur des chercheurs tant japonais qu’étrangers, il fut un
de ceux qui, selon nous, sut le mieux questionner l’identité de son peuple (comme nous tenterons de le
montrer), ne prenant rien pour acquis qu’il ne l’ait expérimenté par luimême. Il le fit avec une
simplicité de cœur tout autant que d’expression. Son approche, pourraiton dire, inscrit (en la
sauvegardant par écrit) la tradition au sein de la Modernité, voire de l’« hypermodernité ».
61 Tôkyô, Iwanami gendai bunko, 1ère éd. 2001, rééd. 2003, 346 p..62 On pourrait encore citer Sora kara no minZokugaku 「「「「「「「「「 (L’ethnographie du folklore vue du ciel) (2001) ou Onna no minZokushi 「「「「「「「(Articles sur le folklore des femmes) (2001), tous deux chez le même éditeur.63 Tôkyô, Miraisha, 1ère éd. 1965, rééd. 2001, 32 000 Y(HT).64 Shashin.nikki shûsei 「「「「「「「「「(Recueil des photographies et du journal), Tôkyô, Asahi shimbunsha, 2005.65 … et la plus chère (60 000 Y(TTC)), notamment en raison de son format (trois volumes A4 de 230, 480 et 500 pages avec textes sur quatre colonnes), du luxe de sa présentation (papier glacé, pages en couleur abondamment illustrées de toutes les photographies professionnelles de l’auteur, coffrets cartonnés dans un grand coffret de carton).66 Qu’il nous suffise de citer Wasurerareta Nihonjin, Shio no michi, Minkanreki… dont nous reparlerons plus loin.
Sa notoriété parmi les spécialistes, de son vivant, et l’admiration de ses disciples ne le rendirent pas
plus orgueilleux. Au contraire, il ne se montra que plus exigeant avec luimême, sans doute au
détriment de sa santé.
Notons enfin que cette étude se veut aussi un hommage à l’occasion du centième anniversaire de cet
auteur.
Note : Exemples d’auteurs citant MIYAMOTO Tsunéichi
I Auteurs français et occidentaux citant MIYAMOTO :
MIYAMOTO Tsunéichi n’a pas fait jusqu’à présent l’objet d’une étude particulière. Toutefois, on
trouve son nom parfois cité dans des travaux de japonologie et/ou de minZokugaku occidentaux. Ainsi
avonsnous pu trouver mention de son nom :
Dans des travaux universitaires sur l’ethnographie japonaise :
En français : JeanMichel BUTEL67 (traduit actuellement Wasurerareta Nihonjin), qui
travaille avec l’Université de ToulouseLe Mirail et son pôle « ethnologie du Japon » fondé par Anne
Bouchy ;
Dans des livres et des articles, mais en bibliographie :
En français : Yves BOUGON68, Nathalie KOUAME69, Jacqueline PIGEOT70,
En anglais : Jeffrey IRISH71
Dans des travaux universitaires :
Ex. : mémoire de master de David C. MORETON (University of British Columbia)72
67 Son site : http://cf.geocities.com/jmbutel3/ Son projet de recherche où il évoque MIYAMOTO : http://inalcofront1.heb.fr.colt.net/IMG/doc/butel_recherche.doc.68 Yves Bougon, « Réapprendre la Chine », Critique internationale, n°1, automne 1998, Paris, Presses de Sciences Po, 8 p..69 Nathalie Kouamé, Pèlerinage et société dans le Japon des Tokugawa : Le pèlerinage de Shikoku entre 1598 et 1868, Monographie 188, Paris, Ecole française d’ExtrêmeOrient, 2001, 317 p..70 Jacqueline Pigeot, Michiyukibun : Politique de l’itinéraire dans la poétique du Japon ancien, Paris, Editions G. P. Maisonneuve et Larose, 1982, 400 p..71 Jeffrey Irish (trad.), « Chasing Folksongs – Miyamoto Tsuneichi » (« A la chasse aux chants folkloriques »), Kyoto journal : Perspectives from Asia, KJ 63, New York, 2006.72 David C. Moreton, The History of Charitable Giving Along the Shikoku Pilgrimage Route (L’Histoire de la charité sur la route du pèlerinage à Shikoku), A Thesis Submitted in Partial
II Exemples d’auteurs japonais :
Dans cette catégorie, les auteurs sont considérablement plus nombreux, et les citer tous ici ferait
double emploi avec la bibliographie finale. Voici seulement quelques exemples :
Dans des conférences : par ex. : OOSHIMA Hideki 住 住 住 住 73 (maître de conférence à l’Université de
Risshô 住住住住)74 qui parle de « topophilie » (topophilia) de MIYAMOTO.
TANIGAWA Ken’ichi 住 住 住 住 (ethnographe des traditions) s’entretient avec SANO Shin’ichi 住 住 住 住 ,
grand spécialiste de MIYAMOTO (avec TAMURA Zenjirô 住住住住住)75.
On peut trouver à l’heure actuelle (2007) quatre types d’ouvrages concernant spécifiquement
MIYAMOTO Tsunéichi :
1. les récits de disciples qui s’attachent à l’aspect biographique (les auteurs du Miyamoto Tsuneichi
tsuitô bunshû/ Dôjidai no shôgen 住住住住住住住住住住住住住住住 (Témoignages d’une époque : Recueil de textes en
hommage à Miyamoto Tsunéichi)) ;
2. les récits de voyageurs sur les traces du grand marcheur (KIMURA Tetsuya 住住住住, MÔRI Jimpachi 住住
住住 etc.) ;
3. les études sur la vie et l’œuvre (deux partisans : SANO Shin’ichi 住住住住, NAGAHAMA Isao 住住住, et un
adversaire : SANADA Yukitaka 住住住 住住住住).
4. les recueils d’articles de journaux (SATAO Shinsaku 住住住住住, l’équipe du Yomiuri shimbun etc.)
Il est à espérer que des chercheurs étrangers produiront à l’avenir une analyse poussée et objective de
cette œuvre que la présente étude entend présenter.
Fulfillment of the Requirement ofr the Degree of Master of Arts in the Faculty of Graduate Studies, The University of British Columbia, mai 2001. Miyamoto y est cité p. 99, de même que Nathalie Kouamé.73 (1er nove. 2006) http://shinri.rissho.jp/teacher/t_020.html.74 « Seeking 'Topophilia' – Learning through walking, watching and hearing » (« A la recherche de la “topophilie” : Apprendre en marchant, observant et écoutant »), intervention à l’International Congress on Environmental Ethics and Environmental Education in Thailand: Environmental Enducation for Environmental Ethics (Congrès international sur l’Ethique environnementale et l’éducation à l’environnement en Thaïlande : Education à l’environnement et éthique environnementale), 3rd Congress of the International Association of Earth Environment and Global Citizen, 20 août 2000. http://www.nk.rim.or.jp/~fumiaki/eng/thai/thaienglish.html75 Sano Shin’ichi (sekinin henshû 「 「「 「 (sous la responsabilité de 「 )), Miyamoto Tsuneichi tabi suru minzokugakusha 「「「「「「「「「「「 (Miyamoto Tsunéichi, ethnographe folkloriste qui voyageait), Kawade Michi no techô KAWADE 「「「「, Kawade shobô shinsha 「「「「「「, Tôkyô, avril 2005, rééd. juin 2005, 200 p. (en deux ou trois colonnes)
Première partie. Une méthode à la
recherche de l’identité
La présentation matérielle des livres de MIYAMOTO Tsunéichi :
Parler de la forme matérielle des livres euxmêmes peut paraître anecdotique au premier abord,
toutefois c’est un des éléments qui permettent d’avoir une idée du public auquel l’éditeur, et parfois
l’auteur luimême, les destinent.
La première chose qui frappe, c’est le contraste absolu entre ses livres publiés individuellement, et
l’édition des Oeuvres (Miraisha). Les livres sont publiés chez différents éditeurs, le plus souvent des
éditeurs spécialisés dans les sciences humaines comme Miraisha 「「「, ou Kawade shobô 「「「「 – lequel
soigne particulièrement la présentation matérielle de ses publications miyamotiennes, avec des
couvertures cartonnées sous jaquette, des illustrations adéquatement choisies et du beau papier – mais
aussi chez de grands éditeurs « polyvalents » comme Iwanami, Kôdansha et Heibonsha. Chez ces
derniers, les livres bénéficient généralement d’une couverture illustrée, et les photographies, cartes et
dessins des éditions originales sont reproduits, sauf exception76, non sans jouer parfois sur la vague de
la nostalgie de Shôwa, assez porteuse, compte tenu du vieillissement à la fois de la population et du
type de lecteurs susceptibles de s’intéresser aux ouvrages traitant des coutumes d’autrefois.
Souvent l’orthographe a été modernisée pour suivre les règles en vigueur depuis l’aprèsguerre :
passage de l’ancienne orthographe syllabique (kyûkanadzukai 「「「「「)77 à la nouvelle (shinkanadzukai 「
「 「 「 「 「 [ 「 「 「 「 「 ]), diminution du nombre de kanji utilisés pour écrire les articles, adverbes etc.,
normalisation des terminaisons en kana (okurigana 「 「 「 「 ) des mots dont la racine est écrite en
sinogramme etc. Mais nous n’avons trouvé aucun cas de censure ou de modification du texte lui
même. L’éditeur Iwanami, dans un souci tout américain de correction politique, insère cependant à la
fin de chacun des livres de MIYAMOTO Tsunéichi qu’il publie la phrase suivante : 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Dans ces textes, il y a des expressions discriminatoires etc., mais,
76 Les photographies sont généralement de MIYAMOTO Tsunéichi lui même, mais il arrive qu’elles aient été prises pas ses collaborateurs ou des photographes professionnels, dans ce cas, leur nom est bien sûr mentionné quand il a été retrouvé (ex. : Sora kara no minZokugaku, 2001 avec des photos notamment de SUTÔ Isao 「「「).77 Le kyûkanadzukai est surtout présent dans les œuvres de jeunesse, MIYAMOTO Tsunéichi n’étant pas contrariant et adaptant son orthographe assez facilement à la mode du temps.
considérant l’époque du texte et le fait que [leur] auteur est [aujourd’hui] décédé, nous les avons
laissés tels quels »). Voir de la discrimination dans les textes de MIYAMOTO Tsunéichi ne peut être
dû qu’à une méconnaissance du sens des mots dans le contexte de l’époque. En effet, cet avertissement
doit probablement viser des termes comme :
– « Shina 「「 [「「] » ([le royaume des] QÍNG [「] déformé avec l’accent japonais, et par extension « la
Chine ») qui n’a rien de péjoratif pour un francophone à cause de la ressemblance phonétique avec le
mot français mais qui aujourd’hui a pris une connotation si négative en japonais qu’on a renoncé à
l’employer, au profit du seul Chûgoku 「「 (la Chine, le « pays du milieu »).
– « Nisshi jihen 「「「「 » (« l’incident nippochinois ») pour évoquer la guerre sinojaponaise Nisshin
sensô 「「「「 (« la guerre nippoQĪNG »).
– « buraku 「「 » (village, localité, ghetto) utilisé aussi bien pour désigner un village qu’un ghetto de
« burakumin 「「「 », les hors classes du Japon, les paria. Ce terme, neutre en soi, évoque des situations
de discriminations dont le Japon a aujourd’hui encore peine à parler, malgré les tentatives timides de
certaines municipalités78 de faire appliquer l’égalité protégée par la loi depuis Meiji. MIYAMOTO,
par l’entreprise révolutionnaire de Nihon zankoku monogatari 「 「 「 「 「 「 「 「 (Contes cruels du Japon)
(1960), entrera clairement dans la lutte visant à faire la lumière, objectivement et scientifiquement79,
sur ce tabou du Japon, afin de mettre fin à cette situation. Cet ouvrage collectif dont il assura la
direction fit d’ailleurs date en lançant (involontairement) la mode des études, mais aussi des fictions80,
sur la cruauté.
Une lecture attentive des textes de MIYAMOTO nous montre sans ambiguïté le respect, voire
l’affection, que portait MIYAMOTO Tsunéichi à ses sujets d’étude et son respect de l’humain en
général.
Quant à l’édition des Œuvres, comme nous l’annoncions, l’aspect matériel est tout autre. Dans un
souci de respectabilité, afin sans doute de lever les derniers doutes qui demeureraient sur le sérieux du
travail de MIYAMOTO Tsunéichi, l’éditeur Miraisha81 a opté pour une présentation à l’ancienne,
avec des volumes à couverture non illustrée sous cartonnage beige peu attrayants. D’ailleurs MM.
SANO Shin’ichi 「「「「 (biographe et spécialiste de MIYAMOTO Tsunéichi) et TANIGAWA Ken’ichi 「
78 Par exemple celle de Nara, (ville où la ségrégation est la plus vivace et la plus violente), avec des affichages à proximité des universités notamment.79 Rappelons que cet ouvrage est paru en 1960. Avec les critères d’aujourd’hui, on le jugerait plus sévèrement. Les textes qui sont comparés sont par exemple d’époques différentes et mis sur un même pied de comparaison. (remarque de l’ethnologue spécialiste en cultures comparées UMESAO Tadao 「「「「 cité par SANADA Yukitaka 「「「「「「「 in Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 11, p. 261.80 Au nombre desquelles le film éponyme d’OOSHIMA Nagisa 「「「 : Seishun zankoku monogatari 「「「「「「「「 (Contes cruels de la jeunesse)81 Bien que l’édition eût débuté du vivant de MIYAMOTO Tsunéichi, on peut déduire de ce qui suit que ce choix fut celui de l’éditeur seul.
「「「 (anthropologue et essayiste)82 déplorent cette présentation trop austère et inaccessible à un large
public. MIYAMOTO semble être du même avis, au moins pour ce qui est de la réédition, dans ses
Œuvres, en 1968, d’un de ses ouvrages destinés à la jeunesse83. Il parle d’une reliure un peu
prétentieuse dans son austérité (« shikatsumerashii 「「「「「「「 »). On peut enfin remarquer à leur propos
l’absence de notes explicatives et la présence non systématique d’une simple postface, le plus souvent
due à TAMURA Zenjirô 「「「「「, bien seul pour réaliser une tâche aussi monumentale.
Comme nous l’évoquions dans l’introduction, si la tendance est à la republication d’ouvrages de
MIYAMOTO Tsunéichi indisponibles depuis des décennies, on a vu quelques exemples d’ouvrages
thématiques conçus après la mort de MIYAMOTO Tsunéichi à partir d’articles divers et de textes de
conférence : ainsi Sora kara no minZokugaku (2001), Josei no miZokushi (2001) et Miyamoto
Tsuneichi, Afurika to Ajia wo aruku (2001) chez Iwanami gendai bunko (collection verte), et Nihon
bunka no keisei (2005), chez Kôdansha gakujutsu bunko84. Le cas de ce dernier livre récent est assez
particulier. Il reprend en effet le titre d’un ouvrage en trois volumes aujourd’hui épuisé85 (dont nous
traiterons dans la seconde partie) et le contenu complet de son troisième volume, lequel est un texte
posthume retrouvé à l’état manuscrit (ikô 「 「 ). Il faut donc rester prudent avant de parler de choix
posthume ou de recueil conçu par l’auteur. Dans ce dernier cas une analyse, même brève, de la
structure du livre peut être faite, alors qu’elle n’a pas autant lieu d’être concernant un ouvrage
thématique réalisé par d’autres à titre posthume, pour excellent que soit le choix en question (jusqu’à
présent ce fut toujours le cas), c’est à dire reprenant le texte intégral de chacun des articles ou
interventions en tâchant d’être le plus complet possible (voire exhaustif, dans le cas de Miyamoto
Tsuneichi, Afurika to Ajia wo aruku).
On voit également paraître, toujours chez les mêmes éditeurs, des recueils d’entretiens, le plus
souvent des rééditions d’entretiens parus dans des revues aujourd’hui non disponibles pour les non
82 Dans « Tabi suru minzokugakusha / Ima naze Miyamoto Tsuneichi na noka » 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Un ethnographe folkloriste qui voyage – Pourquoi MIYAMOTO Tsunéichi aujourd’hui ? »), entretien inédit dans SANO (2005), p. 56 à 71, en particulier p. 70.83 OM7, 300. Postface à la réédition (Shimpan kôki 「「「「) de Nihon no mura (1948) dans le cadre d’OM (p. 297300).84 Chacun de ces trois ouvrage porte la phrase suivante en fin de volume : 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「(« Le présent ouvrage a été compilé sous une forme nouvelle pour Gendai Iwanami bunko »).85 Publié dans la collection Chikuma gakugei bunko 「「「「「「「 chez Chikuma shobô 「「「「, 1994.
chercheurs. C’est le cas par exemple de Nihonjin wo kangaeru 「「「「「「「「「86 (Penser les Japonais) (2006)
et de Tabi no minZokugaku 住住住住住住住87 (Ethnographie du voyage) (2006).
Afin d’étudier la méthode de MIYAMOTO Tsunéichi, il convient de s’interroger sur la formation
intellectuelle de cet auteur (I), ce qui nous amènera ensuite à présenter concrètement sa manière de
travailler (II).
I (Chapitre I) : La formation de MIYAMOTO Tsunéichi
MIYAMOTO Tsunéichi eut une formation atypique : il fut successivement élève de l’école des
postes (Teishin gakkô 「「「「), puis de l’école normale de Tennôji (Tennôji shihan gakkô 「「「「「「「), et reçut
enfin l’enseignement de maîtres, à l’ancienne, YANGITA Kunio au premier plan.
A/ La formation intellectuelle de MIYAMOTO Tsunéichi
MIYAMOTO, dès son enfance, à défaut de beaux habits, disposa chez lui de livres et put continuer
de s’en procurer jusqu’à ce qu’il quittât le domicile parental, situation assez rare à Suô Ooshima88.
Par la suite, enseignant dans le primaire, il continua d’acquérir des livres. Son professeur MORI
Shinzô, venu lui rendre visite chez lui, s’étonne :
86 Tôkyô, Kawade shobô shinsha, 1ère éd. mars 2006, 237p.. On y trouve sept entretiens avec : MUKA’I Junkichi 「 「 「 「 (19011995) (ethnologue du Japon), OOYA Sôichi 「 「 「 「 (19001970) (essayiste), URAYAMA Kirio 「「「「 (19301985) (réalisateur), KUSAYANAGI Daizô 「「「「 (19242002) (critique) & USU’I Yoshimi 「 「 「 「 (19051987) (écrivain et critique littéraire), HAYAMI Akira 「 「 「 (1929) (historien de l’économie et de la démographie), NOMA Hiroshi 「「「 (19151991) (écrivain) & YASUOKA Shôtarô 「「「「「 (1920) (écrivain) et avec AOKI Hajimé 「「「 (19112003) (pédagogiste).87 Tôkyô, Kawade shobô shinsha, 1ère éd. août 2006, 211 p.. Onze entretiens avec : TSUKUBA Hisaharu 「「「「 (1930) (historien de l’agriculture, des sciences et technique), AKIMOTO Matsuyo 「「「「 (19112001) (dramaturge), MARUYA Saiichi 「「「「 (1925) (écrivain) & KINO Kazuyoshi 「「「「 (1922) (spécialiste du bouddhisme), EGAMI Namio 「「「「 (19062002) (archéologue) & KOKUBU Nao’ichi 「「「 「 (19082005) (archéologue), MIZUKAMI Tsutomu 「 「 「 (19192004) (écrivain), MATSUTANI Miyoko 「「「「「 (1926) (écrivain(e)) & Matsunaga Go’ichi 「「「「 (1930) (poète), SUGIMOTO Sonoko 「「「「 (1925) (écrivain(e)), NAKANISHI Chikashi 「 「 「 (1929) (spécialiste des transports), KÔNO Michihiro 「 「 「 「 (1919) (spécialiste de géographie humaine), YAMAZAKI Tomoko 「 「 「 「 (1932) (essayiste, chercheuse en études féminines) & MOZAI Torao 「「「「 (1914) (archéologue de la mer) et avec ARAGAKI Hidéo 「「「「 (19031989) (critique social).88 YONEYASU Akira 「 「 「 , « Miyamoto sensei to nôgyô » 「 「 「 「 「 「 「 「 「 (« Le professeur Miyamoto et l’agriculture »), in Miyamoto Tsuneichi / Dôjidai no shôgen 「「「「「「「「「「「「「(MIYAMOYO Tsunéichi, témoignages contemporains), Nihon kankô bunka kenkyûsho , Tôkyô, 1981, rééd. augm. Heisei 16 (2004).
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「89
(« Je me demande si c’était peutêtre son cabinet de travail ou son salon de réception des
visiteurs, mais, introduit dans cette pièce, je fus étonné. Je m’explique : c’est parce que la
collection de livres et de documents qu’il stockait, tout en faisant le professeur des écoles à cette
époquelà, était ce qu’on devrait appeler une grande et vraiment dense bibliothèque (raiburarî) ».)
Cela est d’autant plus admirable qu’à cette époque, le salaire des instituteurs était minime et que
MIYAMOTO ne mangeait pas à sa faim tous les jours. Les nourritures de l’esprit lui étaient donc aussi
nécessaires que celles du corps.
Malheureusement, cette bibliothèque devait disparaître avec sa maison lors d’un bombardement
aérien. La bibliothèque de MIYAMOTO, telle qu’elle nous est parvenue est donc sa deuxième
bibliothèque. Elle comptait quelques ouvrages en langue anglaise90, langue que MIYAMOTO ne
parlait pas (il le dit explicitement dans plusieurs de ses textes, notamment celui sur son voyage en
Afrique91) mais dont il avait dû acquérir des rudiments à l’école normale, rudiments suffisants en tout
cas pour permettre la lecture d’ouvrages littéraires. Ce qui frappe lorsqu’on établit la liste des ouvrages
composant la bibliothèque personnelle de MIYAMOTO Tsunéichi telle qu’elle nous est parvenue92,
c’est, parmi les traductions d’ouvrages étrangers, non pas la présence de Jean Henry FABRE93 (1823
1915) (plus connu au Japon que dans sa propre patrie) ou d’auteurs ayant vécu au Japon comme
Lafcadio HEARN (18501904), le japonologue Basil Hall CHAMBERLAIN (18501935), le zoologue
et archéologue Edward Sylvester MORSE (18381925) ou le diplomate Ernest SATOW (18431929)
(Un diplomate au Japon), mais la présence d’ouvrages de penseurs européens d’extrême gauche
(Pyotr KROPOTKINE, Max STIRNER (18061856), August BEBEL (18401913)). Ce genre de
livres était effectivement jusqu’au début des années 1970 l’objet d’une intense activité de traduction,
et il était à la mode parmi les jeunes intellectuels japonais du début du XXème siècle de (prétendre) s’en
89 MORI Shinzô, « Oshieta hito futari – MinZokugakusha Miyamoto Tsuneichishi »「「「「「「「「――「「「「「「「「「「(« Deux personnes à qui j’ai enseigné – Miyamoto Tsunéichi »), in Zenshû「「「「(Œuvres complètes), tome XXIII, cité par SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 5, p. 110. 90 De STEINBECK par exemple. On sait aussi que MIYAMOTO aidait le professeur MORI (dont nous reparlerons plus bas) à traduire en japonais un ouvrage de critique littéraire en langue anglaise, Recherches modernes sur la littérature, d’un certain MORTON. SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 3, p. 49.91 Miyamoto Tsuneichi, Afurika to Ajia wo aruku, Tôkyô, Iwanami gendai bunko, p. 3 :「「「「「「「「「「「「(« je ne parle pas suffisamment les langues étrangères »).92 La grande majorité de ces ouvrages est stockée au Suô Ooshima bunka kôryû sentâ 「「「「「「「「「「「「 (Centre des relations culturelles de Suô Ooshima) (cf. annexe) dans un kura 「 / 「 (silo de forme traditionnelle) dont l’accès est réservé aux chercheurs. Une petite partie restante est détenue par son fils cadet Hikaru.93 Auteur cité par exemple dans : MinZokugaku no tabi, chap. 6, éd. Kôdansha gakujutsu bunko, p. 65.
inspirer. Le concept de lutte des classes devait probablement être très stimulant pour l’imagination des
intellectuels japonais.
MIYAMOTO possédait également dans sa première bibliothèque une traduction d’un essai
historique d’André MAUROIS exposant les causes de la défaite française.
De Pyotr Alexevitch KROPOTKINE (18421921), il parle avec admiration, même si la
connaissance de son œuvre fut indirecte et masquée par l’ombre de son génial traducteur OOSUGI
Sakaé (18851923) :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
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「「「「「「「「「「94
(« J’ai pensé que j’avais tout oublié des circonstances dans lesquelles je le lus pour la première
fois, mais je découvris que la suggestion [que je reçus] selon laquelle, afin de survivre, tous les
animaux forment des groupes (mure) ; tous, au sein de ce groupe, en collaborant et en s’entraidant,
forment une coopération (kyôdôtai) (le texte original utilise le terme communauté (kyôsan)), [cette
suggestion, disje,] ne s’était pas effacée le moins du monde de ma tête. Depuis que j’avais lu ce
livre, pendant les quarante et une années et les mois jusqu’aujourd’hui, j’ai en fait vu les choses
exclusivement avec une attitude du genre de celle de cet auteur et j’ai poursuivi la vérité des faits,
pourraisje même dire. »)
Mais voici ce qu’en dit MIYAMOTO en 1964 (à l’âge de 57 ans) :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「……「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「……「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「95
(« La première fois que j’ai lu la Théorie de l’entraide, je n’avais pas encore atteint vingt ans…
J’en éprouvai une profonde émotion ; c’était comme si je lisais une grandiose épopée… Elle resta
gravée dans mon for intérieur. Et bien que l’auteur de ce livre devait être KROPOTKINE, en moi
c’était comme OOSUGI Sakaé et dans ma tête, je ne faisais pas la distinction. Depuis ce moment,
je lus plusieurs volumes d’OOSUGI et je connus KROPOTKINE par l’intermédiaire d’OOSUGI
Sakaé, mais par la suite, je pris bientôt mes distances avec ce genre de livres »)
Et les distances, comme nous l’allons voir un peu plus bas, furent prises assez vite.
94 Cité dans SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 9, p. 195.95 « Oosugi Sakaeyaku Sôgo fujoron wo yonde »「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« En lisant Théorie de l’entraide dans la traduction d’OOSUGI Sakaé »), in Tosho shimbun 「「「「「「, 1er sept. Shôwa XXXIX (1964), cité par SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 3, p. 57.
C’est par l’intermédiaire de son ami HIGAKI Tsukimi 桧桧桧桧 que MIYAMOTO découvrit Théorie
de l’entraide, mais aussi des œuvres d’Alexandre POUCHKINE (17991837) et de Sergeï ESENINE
(18951925)96. HIGAKI était un idéaliste romantique dans son socialisme révolutionnaire, allant
parfois jusqu’à l’intransigeance, notamment à l’égard de SHIMAZAKI Tôson 「「「「 (18721943) et de
KURIYAGAWA Hakuson 「「「「 (18801923) dont MIYAMOTO appréciait la lecture97.
Toujours estil que l’allégeance inconditionnelle de MIYAMOTO à SHIBUSAWA Keizô, homme
d’affaires et magnat de la banque, petitfils du chevalier d’industrie et homme politique SHIBUSAWA
Eiichi 「「「「 (18401931) a de quoi étonner par son évidente contradiction avec les lectures suscitées98.
Une nuance est à apporter : les SHIBUSAWA, bien que shishaku 住住 (sortes de vicomte) depuis Meiji,
étaient à l’origine de riches paysans propriétaires (gônô 住住), mais des paysans tout de même, comme la
famille MIYAMOTO. Rappelons que jusqu’à l’ère Meiji existait une stricte hiérarchie des classes
sociales héritée du néoconfucianisme, avec au sommet la noblesse de Cour (les kuge 住住) et la noblesse
d’épée (les bushi 住住, l’aristocratie de fait), puis, curieusement, la paysannerie, ensuite les artisans, puis
les commerçants, enfin les comédiens, les prostituées, et en dernier les parias (eta 住住[住住]99 ou hinin 住住,
nonhumains). Les religieux, absents de la classification confucéenne, étaient rangés dans la catégorie
de leur famille d’origine, un peu comme en France où, à la veille de la Révolution, l’origine sociale
des membres du Clergé comptait peutêtre davantage que l’appartenance à celuici. La riche
paysannerie jouissait donc d’une assez haute considération, bien plus, « en principe », que les riches
commerçants qui à la fin de l’époque d’Edo possédaient finalement l’essentiel du pouvoir
économique. YANAGITA Kunio, lui, était en revanche d’une authentique famille noble.
SHIBUSAWA jouatil de ses origines paysannes pour attendrir MIYAMOTO Tsunéichi et créer avec
lui une ébauche de complicité ou n’en eutil pas besoin ? Charisme ou persuasion ? Sympathie
réciproque ? Profitatil de la trop grande gentillesse de MIYAMOTO Tsunéichi pour se l’accaparer et
en faire son envoyé dans les provinces, son junkenshi, son dénicheur d’objets (mingu) ? SANADA
96 SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 3, p. 56.97 Ainsi reprochaitil par exemple à SHIMAZAKI ses « dissimulations » (tôkai 「 「 ) et ses « tromperies » (gomakashi 「「「「) et à KURIYAGAWA son sentimentalisme « mielleux » (amattarui 「「「「「), et défendaitil le double suicide amoureux d’ARISHIMA Takéo 「「「「 (18781923) parce que c’était selon lui la seule façon d’aimer vraiment. Les débats des deux amis, originaires de la même région, étaient souvent vifs et passionnés. SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 3, p. 58.98 USU’I Takumi (professeur à la Hiroshima bunkyô joshi daigaku 「「「「「「「「) cite SANO Shin’ichi qui avait écrit que MIYAMOTO était considéré comme étant de droite par les gens de gauche, comme un anarchiste de gauche par ceux de droite et qu’il ne donne pas prise. USU’I ajoute : 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Mais « vivre », c’est un champ qu’on ne saurait diviser entre « c’est de droite » et « c’est de gauche ». ») Interview de SATAO Shinsaku, in Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, 5ème
interview, p. 100.99 Ces caractères sont des ateji 「「「 , des caractères rajoutés après coup d’abord pour leur son, ensuite pour leur sens. Ils signifient « plein de souillure ».
Yukitaka100 avance une hypothèse assez extrême selon laquelle MIYAMOTO opéra un véritable
revirement à droite, par le biais de réseaux très développés avantguerre. Nous reviendrons sur cette
question de « controverse » lorsque nous évoquerons le rôle joué par les professeurs de MIYAMOTO.
S’il est indéniable que la lecture des auteurs européens d’extrême gauche semble avoir eu une
petite influence théorique sur MIYAMOTO, on peut se demander si cette influence n’a pas été
possible parce que le jeune homme était avant tout un idéaliste, plutôt que par imprégnation du
contexte intellectuel de l’époque. MIYAMOTO, comme nous le verrons dans la deuxième partie, n’a
jamais séparé l’action de la théorie ni de la science en général, et n’a d’ailleurs pas ménagé ses efforts
pour tenter de sauver ou de faire vivre, voire revivre, ce qu’il estimait devoir l’être. La façon dont ses
disciples (et tous ceux qui ont reçu son influence, même posthume) parlent de lui est toujours
affectueuse et rend compte de la place que tenait le cœur (kokoro 「) dans la vie et les recherches de
MIYAMOYO101.
Une autre influence, et pas des moindres, fut celle qu’exerça la littérature classique. A l’époque
du volume à un yen (embon 「 「 ), se procurer les classiques en collection économique était chose
réalisable. C’est ainsi que MIYAMOTO acquit les Nippon bungaku zenshû 「「「「「「 (Collection complète
de littérature japonaise), Meiji Taishô bungaku zenshû 住住住住住住住住 (Collection complète de littérature de
Meiji et Taishô), Sekai bungaku zenshû 「「「「「「 (Collection complète des littératures du monde), Sekai
gikyoku zenshû 「 「 「 「 「 「 (Collection complète des théâtres du monde), Kindai geki zenshû 「 「 「 「 「
(Collection complète de théâtre moderne), Sekai shisô zenshû 「「「「「「 (Œuvres complètes de la pensée
du monde) etc.102 dont il lut paraîtil chaque volume.
MIYAMOTO, comme tous les Japonais, avait étudié les classiques à l’école, des classiques de
Cour de l’époque Heian : Genji monogatari 「「「「「「 (Le dit du Genji) de Murasaki Shikibu 住住住, Makura
no sôshi 「「「「「 (Notes de chevet) de SEI Shônagon 住住住住 etc. aux gestes guerrières comme le Heike
monogatari 「 「 「 「 「 「 (Le dit des Heike) ou l’Ookagami 「 「 「 「 (Le grand miroir [des évènements]) en
passant par les antiques fudoki* 「 「 「 (sortes de chroniques de géographie et d’Histoire matinée de
mythologie et de topographie). On raconte103 qu’il pouvait citer de mémoire des passages entiers du
100 SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 4, p. 6488.101 C’est d’ailleurs dans un paradoxal parallèle avec l’aide apportée par les habitants de Tsushima aux soldats russes pendant la guerre russojaponaise (qui avait donné lieu au livre Tsushima no kokoro 「「「「 (Le(s) cœur(s) de Tsushima) qu’un chercheur (KOMATSU Tsuyoshi 「「「「「) écrivant sur les recherches de MIYAMOTO sur Tsushima intitula la collection dans laquelle s’insère son ouvrage Tsushima no kokoro II 「「「「「「「 II「(Le(s) cœur(s) de Tsushima II).102 Liste confirmée par le « Miyamoto Tsuneichi nempu » 「 「 「 「 「 「 「 「 (« Chronologie de Miyamoto Tsuneichi ») figurant en annexe de Nihon bunka no keisei (version courte), Kôdansha, 2005, 2007, p. 196.103 WATANABE Takeshi 「「「 , professeur à l’Université Tôkai (de la Mer orientale) 「「「「 , dans son commentaire à Nihon bunka no keisei, éd. Kôdansha, p. 245 : 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« A propos du Recueil des dixmille feuilles, ne nous le citaitil pas de mémoire presque dans sa
Man’yôshû 「「「「「 (Recueil de dixmille feuilles/générations)104, ce dont bien peu de spécialistes de la
littérature sont capables.
Si MIYAMOTO parle peu de ses lectures non ethnographiques ou historiques dans ses livres, les
ouvrages de littérature classique, ou plus précisément en langue classique, qu’ils soient littéraires ou
non (et ce point n’est peutêtre pas sans importance), sont en bonne place. Dans ses travaux sur les
rouleaux peints, notamment, il dit justement que ce qui l’intéresse n’est pas de faire une étude littéraire
mais de chercher ce qui dans les œuvres du passé, même les plus mineures, peut l’aider dans la
connaissance de la façon de vivre concrète des gens. Sans nier la valeur des chefs d’œuvre du passé,
MIYAMOTO se met à les comparer avec des opuscules anecdotiques mais tout aussi riches, sinon
plus, en détails sur cette vie concrète des petites gens, et les illustrations l’intéressent tout autant, sinon
plus, que le texte, qu’il lit sans la moindre difficulté. L’aspect historique est par ailleurs très poussé
dans l’œuvre miyamotienne, et MIYAMOTO recourt souvent à des archives (vieux documents
(komonjo 「「「, cf. illustration), inscriptions dans la pierre, épîtres tracées au pinceau sur des planchettes
(mokkan 「 「 ), pierres gravées (ishibumi 「 ) etc.) rédigées en japonais ancien ou en kambun* deux
langues qu’il maîtrise parfaitement.
Lorsque MIYAMOTO choisit de faire son doctorat, la minZokugaku n’étant pas encore entrée dans
les universités, il ne le présenta pas comme un doctorat d’Histoire ou de géographie, mais comme un
doctorat es lettres (bungaku hakushi 「「「「), même si le contenu de sa thèse105 n’a rien de littéraire. Au
totalité ? »).104 Le Man’yôshû est la plus ancienne anthologie de poèmes en langue japonaise transcrite entièrement en sinogrammes, certains pris pour leur sens (idéogrammes), d’autres pour leur son (phonogrammes), écrits dans un deuxième temps légèrement plus petits, ancêtres des caractères syllabiques transcrivant des mores (kana 「 「 ). L’ensemble est très difficile à déchiffrer et les spécialistes ne sont pas tous d’accord sur la prononciation de certains passages. Cette langue écrite hybride sera appelée par la suite man’yôgana 「「「「 (caractères (chinois) syllabiques « Man’yô »).105 Seto naikai no kenkyû ichi「「「「「「「「「「 (Recherches sur la mer intérieure de Seto I), republiée ensuite sans ce numéro I qui ne vit pas de suite.
contraire, il s’agit d’une sérieuse étude de terrain, abondant en tableaux présentant des chiffres et en
cartes établies par MIYAMOTO lui même et comportant un solide socle historique. Cela pourrait
sembler anecdotique, mais nous verrons qu’il n’en est rien.
La littérature japonaise moderne et contemporaine est certes peu évoquée dans l’œuvre
ethnographique de MIYAMOTO Tsunéichi, mais elle n’en fut pas moins importante par l’influence
intellectuelle qu’elle exerça sur lui, ce qu’il reconnaît dans ses textes partiellement106 ou totalement
autobiographiques107. L’année de ses dixneuf ans fut fondamentale à ce titre. C’est celle où il entra à
l’école normale Tennôji d’Osaka. Là, il connut des maîtres charismatiques qui l’initièrent aux
disciplines de base de la minZokugaku (cf. plus bas). C’est l’année où il commence une activité de
lecteur acharné et qui durera trois ans. Il se fixe 10 000 pages par mois, et pour cela réduit son temps
de sommeil au minimum biologique. Parmi les auteurs qui eurent sa préférence, on notera
particulièrement ARISHIMA Takéo108, ISHIKAWA Takuboku109, KUNIKIDA Doppo110 et
SHIMAZAKI Tôson111. C’est aussi l’année où il fréquente les cinémathèques, presque aussi
boulimique de cinéma, notamment américain, que de lecture. Cette suractivité pédagogique ne lui
106 Notamment MinZokugaku he no michi, OM 1.107 Principalement MinZokugaku no tabi, Bungei shunjûsha 「「「「「 , Shôwa 53 (1978), rééd. Kôdansha gakujutsu bunko n°1104 (édition annotée et non illustrée), Tôkyô, 1ère éd. 1993, réimpr. 2004, rééd. Nihon tosho sentâ 「「「「「「「「 (Centre japonais du livre) (édition non annotée mais illustrée), Tôkyô, 1ère
éd. 2000.108 ARISHIMA Takéo 「「「「 (18781923) : romancier né à Tôkyô. Son frère Ikuma 「「 (18821974) était peintre et romancier. Takéo est connu pour avoir notamment participé avec son frère à la fondation de la revue littéraire Shirakaba「「「「(Le bouleau) (19101923) aux côtés de MUSHANOKÔJI Sanéatsu 「「「「「「 (18851976), SHIGA Naoya 「「「「 (18831971), SATOMI Ton 「「「 (18881983) et NAGAYO Yoshirô 「「「「 (18881961). Les œuvres qui y étaient publiées décrivaient souvent des conflits de personnalités fortes. Parmi les œuvres d’ARISHIMA, on peut citer sa confession, Sengen hitotsu 「 「 「 「 「 「 (Une déclaration), écrite peu avant son suicide avec sa compagne, ou ses romans Aru onna 「 「 「 「 「 (Une femme), Umareidzuru nayami「「「「「「「「「(Les tourments qui apparaissent), Kain no matsuei「「「「「「「「(Le descendant de Caïn) ou encore Oshimi naku ai ha ubafu「「「「「「「「「「(L’amour sans regret vous enlève).109 ISHIKAWA Takuboku 「「「「 (18861912) : écrivain mort jeune, élève du poète réputé YOSANO Tekkan 「 「 「 「 「 (18731935), il est resté célèbre pour son Romazi nikki (Journal en alphabet latin), première œuvre japonaise écrite, comme son titre l’indique, directement en alphabet latin, essentiellement selon le kunreisiki romazi 「「「「「「「 (système officiel de transcription en alphabet latin) qui est une convention de linguistes japonais qui sera officialisée en 1937 ne tenant pas compte de la prononciation des lettres dans leur pays d’origine (ex. : le « s » lu « sh » devant un « i », le « z » prononcé « dj » ; 「 「 [ o:gun] (généralissime, shogoun) sera donc transcrit ∫ syougun et non shôgun), tout comme le pīnyīn 「 「 chinois. Par la suite, ISHIKAWA se laisse par moments pénétrer par le système Hepburn, respectueux de la prononciation d’origine de notre alphabet. ISHIKAWA est également l’auteur de poèmes, notamment en trois lignes et en langue parlée (au lieu d’une seule en langue classique selon les règles classiques) (recueil Ichiaku no suna「「「「「「(Une poignée de sable)), d’un essai (Jidai heisoku no genjô「「「「「「「「「(Etat présent de la fermeture de notre époque)), de romans (Kumo ha tensai dearu「「「「「「「「「(Un nuage, c’est génial)).110 KUNIKIDA Doppo 「「「「「 (18711908) : poète et romancier né à Chiba. Prônant une poésie de forme nouvelle, il fut un des pionniers du naturalisme au Japon. Ouvrages célèbres : Musashino 「 「 「 「 「(Musashino) ; Mimamoto oji「「「「「(L’oncle Minamoto) ; Gyûniku to bareisho「「「「「「「「(Viande de bœuf et patates) ; Ummeironsha「「「「「「(Le théoricien du Destin).
permet cependant pas de réussir l’examen de professeur des lycées (ou l’en empêche, selon qu’on
prend ou non en compte la santé, le manque de sommeil, ou même la trop grande profondeur de vue
de ce candidat pour des épreuves certainement assez scolaires et qui ne recherchaient pas l’originalité
ni les références trop exotiques ou trop subversives).
Parmi les auteurs que nous venons de citer, il nous paraît intéressant de développer quelques
exemples.
Durant la convalescence de MIYAMOTO après la maladie qui l’affecta durant l’année 1930, trois
œuvres ont joué un rôle prépondérant de soutien moral et psychologique : le Man’yôshû, les
Souvenirs entomologiques de JeanHenri FABRE (19231915) et les journaux poétiques de voyage de
MATSUO Bashô (16441694), en particulier Oku no hosomichi 住住住住住住(La sente étroite des provinces
de l’Est) (1694). Il consacra d’ailleurs à ce dernier auteur un court essai, « Bashô oboesho » 住住住住住住住
(« Souvenirs concernant Bashô »), qu’il fait suivre d’un choix de poèmes de son cru (des haikai et des
poèmes de forme moderne en prose)112.
A propos du Man’yôshû, tout d’abord, il écrit :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「113
(« Ce qui, en lisant le Recueil des dixmille feuilles (/générations) m’avait profondément touché, plutôt
que les poèmes des Dixmille feuilles, c’était plutôt l’image sérieuse des Antiques. »)
Et nous n’en saurons pas plus, MIYAMOTO n’ayant pas jugé nécessaire de s’étendre davantage.
FABRE a droit a un peu plus de détails :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「114
(« Les Souvenirs entomologiques, je les lus par paquets de cent pages par jour, petit à petit. C’est de
cette façon qu’ils me touchèrent. Toutefois, ce qui toucha mon cœur, ce ne fut pas la vie des insectes,
que je considère comme un prodige. Ce fut la silhouette de FABRE observant lesdits insectes. »)
111 SHIMAZAKI Tôson 「「「「 (18721943) : poète et romancier né à Nagano. Participe à la création de Bungakukai「「「「「 , revue du poète et critique KITAMURA Tôkoku 「「「「 (18681894). Il commence comme poète romanesque (rômanshugi shijin 「 「 「 「 「 「 ) et obtient la reconnaissance avec son roman Hakai 「 「 「 「 (Transgression des ordres) et s’oriente vers le naturalisme. Parmi ses œuvres, citons son recueil de poèmes Rakubaishû「「「「「(Recueil des prunes tombées) et ses romans Haru「「「(Printemps), Ie「「「(Maison), Shinsei「「「「(Nouvelle vie) et Yoake mae「「「「「「(Avant l’aube).112 L’ensemble, Nitsubo 「「 (Le vase rouge), figure dans le recueil de textes de jeunesse intitulé Inochi no yurameki 「「「「「「「「「(Le brasillement de la vie) (1981).113 Inochi no yurameki, p. 99.114 Inochi no yurameki, p. 99.
On voit déjà se dessiner une des préoccupations de MIYAMOTO : chercher l’Homme le plus vrai
possible, où qu’il soit. Et FABRE, s’il n’est pas l’Homme à lui tout seul, représente bien le premier
modèle de chercheur de terrain que MIYAMOTO s’appliquera à devenir.
Bashô, pour sa part, constitue un modèle plus ambigu : à la fois un modèle de voyageur et
d’observateur, de poète aussi évidemment, mais également un double mythifié, un alter ego du passé
qui aurait pu comprendre les pensées du jeune MIYAMOTO Tsunéichi en souffrance psychologique
et affaibli par la maladie :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
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「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
(« Alors qu’il était chétif, il malmenait son corps, poursuivant ses voyages : j’éprouvais un grand
respect pour son attitude et son moral. Voilà pourquoi naquit en moi un fort engouement à l’égard de
Bashô.
De plus – et [là] s’agitil de compassion pour une personne atteinte de la même maladie que moi, ou
de mon cœur à la recherche d’un ami ? – moi qui souffrais, je me mis à avoir de l’attachement pour
Bashô qui souffrait [lui aussi]. A cela [s’ajoute] le [fait suivant] : c’était aussi parce que Bashô allait
m’indiquer la voie que doit suivre – à pieds – une personne souffrante. Par conséquent, je cherchai à
découvrir, dans la prose de Bashô, sa poésie ou bien encore dans ses traces de pas, des choses qui me
fussent proches.
Voilà le genre de cœur [qui bat] en [tout] malade. Ou alors peutêtre estce moi qui suis
particulièrement fort. […] [Là, MIYAMOTO évoque des poètes que la maladie a rendus plus
sympathiques à ses yeux] Parmi ces hommes, je me mis à vouloir retrouver ma propre image. Bashô
aussi, en fait, était l’un d’eux. Et pourtant, ce fut celui qui me toucha le plus (au cœur).
Donc, dans le fait que, pour épancher mon cœur, je faisais parfois appel à Bashô, et que je dissertais
sur lui, il était fréquent, à certains moments, que c’était mon propre moi [que je cherchais]. Je crois
que ce simple texte, tout en cherchant finalement à raconter Bashô, finit par mettre à jour ma vraie
nature (propre). »)
On comprendra, dès lors, l’annonce initiale de l’essai :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「115
(« Le Bashô que je cherche à présent à traiter est un Bashô “pour moi”. C’est à dire que le Bashô dont
je parle est un Bashô pour moi. Ce qui veut dire que le Bashô dont je parle a peutêtre pris mon
apparence.
Il ne s’agit pas pour moi de chercher à faire une étude de Bashô. »)
Quant à ses lectures ethnographiques et ethnologiques, nous en reparlerons tout au long de cette
étude, mais l’on peut déjà supposer que son maître YANAGITA lui avait fait connaître ses auteurs de
prédilection (découverts pendant son séjour en Suisse)116, à savoir : les anthropologues anglais Edward
Burnett TYLOR (18321917), James George FRAZER117 (18541941), les folkloristes européens plus
tardifs Kaarle KROHN (18631933), George Laurence GOMME (18531916), Charlotte Sophia
BURNE (18501923), les ethnologues diffusionnistes Wilhelm SCHIMDT (18681954), William
Halse RIVERS (18641922), les anthropologues fonctionnalistes de l’Ecole britannique : Bronislaw
MALINOWSKI (18841942) et Alfred Reginald RADCLIFFEBROWN118 (18811955), la sociologie
française et son approche anthropologique avec Emile DURKHEIM (18581917) et Marcel MAUSS
(18721950), enfin l’anthropologie américaine avec Franz BOAS119 (18581942) (allemand).
Du côté des auteurs japonais, l’influence de HIRATA Atsutané 住住住住 (17761843) et de NITOBE
Inazô 住住住住住 (18621933) avait été déterminante pour YANAGITA. Pour MIYAMOTO, on ajoutera les
ouvrages de ses maîtres, ainsi que ceux du précurseur MINAKATA Kumagusu 「「「「 (18671941) (sur
lequel nous reviendrons un peu plus loin), ainsi que ceux des écrivains voyageurs à qui MIYAMOTO
consacrera des études : NODA Senkôin 住住住住住, FURUKAWA Koshôken 「「「「「 (17261807) et SUGAE
Masumi 「「「「 (17541829).
115 Inochi no yurameki, p. 97.116 KAWADA Minoru, Yanagita Kunio no shisô shiteki kenkyû,「「「「「「「「「「「「「 (Recherches historiques sur la pensée de Yanagita Kunio), 1992, traduit en anglais par Toshiko KISHIDAELLIS sous le titre The Origin of Ethnography in Japan : Yanagita Kunio and his Times, Kegan Paul International, 1993, 185 p. Cf. en l’occurrence le chap. 5, p. 109.117 Ces deux « intellectuels de cabinet », fort admirés de leur vivant, travaillaient à partir de sources hétérogènes d’époques différentes et n’avaient jamais mis les pieds dans les pays sur lesquels ils écrivaient.YANAGITA prendra par la suite une grande distance par rapport à ces auteurs et ira même jusqu’à faire l’autocritique de ses propres œuvres de jeunesse, écrites selon la même méthode. KAWADA Minoru, Yanagita Kunio no shisô shiteki kenkyû, chap. 5, p. 114115.118 Pour RADCLIFFEBROWN, ce n’est qu’une supposition de KAWADA Minoru, YANAGITA n’ayant jamais fait aucune mention de cet auteur dont aucun livre ne figurait dans sa bibliothèque. KAWADA Minoru, Yanagita Kunio no shisô shiteki kenkyû, chap. 5, p. 119.119 YANAGITA connaissait BOAS personnellement. KAWADA Minoru, Yanagita Kunio no shisô shiteki kenkyû, chap. 5, p. 119.
Parler des lectures ne saurait nous faire oublier les maîtres qui lui fournirent conseils et orientations
de recherche. MIYAMOTO Tsunéichi, s’il fut un chercheur indépendant, n’en fut pas pour autant un
homme seul.
B/ MIYAMOTO Tsunéichi, ses maîtres et ses confrères
MIYAMOTO fut l’élève de plusieurs institutions et connut toutes les différentes sortes
d’enseignement que peut offrir le Japon (1). Par ailleurs, sa coopération avec d’autres chercheurs (2)
ne saurait être négligée, tant il est vrai que la carrière de MIYAMOTO alterne les phases de recherche
et rédaction solitaires et celles de collaborations.
1) ses maîtresMIYAMOTO connut deux périodes de formation : avant (a) et après (b) l’entrée dans la minZokugaku.
-a. Les non minZokugakusha :
Comme nous venons de le dire, l’année de ses 19 ans passée à l’école normale de Tennôji fut
essentielle dans le formation de MIYAMOTO Tsunéichi. Cinq professeurs semblent avoir eu une
influence particulière : KANEKO Sanéhidé 住住住住 , YAMAGIWA Jirô 住住住住 , SATÔ Tasuku 住住住, MORI
Shinzô 住住住 et ASHIDA Enosuké 住住住住住. Il évoquera leur apport dans plusieurs textes120, essentiellement
autobiographiques, de la maturité.
α. KANEKO Sanéhidé
Diplômé de l’Université de Kyôto, ce fut lui qui initia MIYAMOTO à la pensée moderne.
KANEKO eut une influence non seulement directe, mais aussi indirecte, sur MIYAMOTO puisqu’il
lui présenta son ami le critique et essayiste OOYA Sôichi 住住住住 (19001970). Cette rencontre suscita,
sembletil, chez le jeune homme, une intense stimulation intellectuelle.
β. YAMAGIWA Jirô
YAMAGIWA se chargea, lui, d’enseigner les rapports entre la nature et la culture. On n’en sait guère
plus, mais si MIYAMOTO a cru bon de le citer, c’est que son enseignement lui a forcément apporté
quelque chose.
120 Inochi no yurameki (Le brasillement de la vie), p. 11 : recueil de textes de jeunesse.
γ. SATÔ Yoshi
Il enseigna à MIYAMOTO l’Histoire de l’architecture. Sans lui, il n’aurait peutêtre jamais pensé à
écrire Nihonjin no sumai121 (L’habitat des Japonais), aujourd'hui réédité, ouvrage de référence
synthétique abondamment illustré.
δ. MORI Shinzô
Sorti de l’Université de Kyôto tout comme KANEKO, MORI fut un disciple du philosophe NISHIDA
Kitarô 住住住住住. MIYAMOTO en parle ainsi :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「122
(« Avoir pu suivre le cours magistral de philosophie du professeur MORI Shinzô fut une grande
chance. […] Il avait l’air d’un philosophe, c’était quelqu’un dont on pouvait dire qu’il avait l’élocution
solennelle, il avait une espèce de difficulté d’accès, mais il avait [aussi] un charme qui attirait et
nombreux étaient les étudiants qui, bien qu’ils peinassent devant la difficulté de la philosophie,
suivaient son cours. J’en faisais partie moi aussi. »)
C’est lui qui présenta la pensée de Max STIRNER123 à ses étudiants dans le cadre de son cours sans
manuel124, une originalité à l’époque qui dut marquer favorablement MIYAMOTO qui fit de même
lorsqu’il enseigna à l’université.
C’est encore lui qui le premier évoqua la possibilité pour son ancien élève de partir le rejoindre à sa
nouvelle affectation, l’Université de Mandchourie pour l’édification du pays (Mănzhōu jiànguó dàxué
住住住住住住) lors d’une visite au chevet de MIYAMOTO, malade.
L’honnêteté nous oblige à mentionner le fait suivant qu’il faut se garder de régler par un jugement
hâtif. Le professeur MORI avait à Osaka une activité de direction de recherche qui se déroulait lors
des Shidôkai 住住住 (Réunions de cette voie)125. Il publiait aussi des articles dans la revue du professeur
121 Nihonjin no sumai 「「「「「「「「「, s.l., Nôbunkyô 「「「, 2007, 170 p..122 MinZokugaku no tabi, éd. Kôdansha gakujustu bunko, chap. 7, p. 73.123 SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 3, p. 49.124 SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 3, p. 53.125 Shidô, « cette voie », fait référence à l’origine à la voie du confucianisme et des sages de cette école. On sait qu’au Japon, le néoconfucianisme fut, du XVIIème siècle jusqu’à 1945, très prisé par les intellectuels d’extrêmedroite qui voyaient là une base philosophique qui, avec des aménagements, pouvait justifier la stratification sociale et la docilité du peuple. L’impérialisme (le dogme de l’infaillibilité impériale), la souséducation politique de la jeunesse et l’absence de cours où l’on apprend à construire un raisonnement, la société d’hyperconsommation et la démocratie manipulée avec l’aide des média, phénomènes qu’on les observe aujourd’hui sont en un sens les conséquences engendrées, non pas par la philosophie de l’antique maître chinois (552 à 479), mais bien par la logique du néoconfucianisme japonais poussé jusqu’au bout. MIYAMOTO explique cette étymologie de la manière suivante : 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Ce que l’on appelle
ASHIDA, Dôshi dôkô (cf. plus bas) des articles où il exaltait la psychologie japonaise et la mission du
Japon, unique au monde, consistant à ramener la paix en Asie – ce qui assurerait par là la stabilité
mondiale – par l’intervention militaire, en chassant du sol asiatique les Européens et les Américains
selon lui responsables uniques de la situation. Il va de soi que du côté des Asiatiques, ni les Chinois, ni
les Coréens, ni les Taiwanais ne souhaitaient une intervention militaire du Japon sur leur sol.
On sait que MIYAMOTO invita les professeurs NISHIO Minoru 宮宮宮 (18891979) et KANEHARA
Shôgo 宮宮宮宮 (18881935) à venir faire à Osaka une conférence sur la didactique du japonais, conférence
à laquelle le professeur ASHIDA fut également convié à assister. La conférence ne concernait que la
didactique126, discipline qui intéressait alors l’instituteur qu’était MIYAMOTO, mais tant NISHIO que
KANEHARA étaient membres du groupe de réflexion du professeur ASHIDA127.
Et c’est ce quatrième enseignant qui devait avoir, non pas la plus grande influence, mais la plus grande
incidence sur la vie de MIYAMOTO.
ε. ASHIDA Enosuké
(18731951) De tous les noms cités, il est le seul à figurer dans le dictionnaire128. Il fut un
« didacticien » réputé, spécialiste de l’enseignement de la langue nationale. Il s’intéressa notamment à
la question de la lecture et de l’orthographe. Contemporain de YANAGITA, il fut aussi et surtout le
professeur de SHIBUSAWA Keizô, avant d’être celui de MIYAMOTO. Celuice le considérait
comme un père spirituel auquel il n’hésitait pas à se confier. Le vieux professeur prenait toujours le
parti de son jeune élève maladif mais à l’esprit prometteur. Il n’hésita pas à faire valoir l’opportunité
que représentait le poste en Mandchourie auprès de SHIBUSAWA lequel, à la surprise générale,
refusa (et fut d’ailleurs obéi).
Ce qu’on ignore aujourd’hui, et qui ne figure pas dans le dictionnaire, c’est qu’ASHIDA était
officiellement chargé de diriger l’élaboration des manuels scolaires de japonais destinés aux peuples
colonisés. Cela ne signifierait pas nécessairement un cautionnement du colonialisme si ASHIDA
n’avait été le membre d’un puissant groupe de réflexion savante dont les membres ne faisaient pas
mystère de leurs opinions d’extrême droite : le Seikatsu tsudzurikata undô 住住住住住住住 (Mouvement pour
l’orthographe de la vie quotidienne), qui organisait les Keiukai 住 住 住 129 (Réunions de la pluie
« Shidô » fait référence à « Cette Voie » telle qu’elle figure dans les rescrits impériaux sur l’éducation, et elle signifie « la Voie du peuple japonais » ».) In « Mori Shinzôsensei no yokogao (ichi) »「「「「「「「「「「「「「(« Le profil du professeur MORI Shinzô (I) »), Dôshi dôkô, 8ème numéro du 8ème vol., nov. Shôwa XIV (1939).126 Et aucun dérapage idéologique ne s’y produisit, il faut le souligner à la décharge de MIYAMOTO.127 SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chapitre 5, p. 91.128 Daijisen 「「「「「, Tôkyô, Shôgakukan, éd. 2007. 129 Keiukai signifie aussi « Réunions de Keiu », Keiu étant le pseudonyme d’ASHIDA.
bienfaisante / de la pluie en pleine sécheresse) auxquelles assistaient des personnalités aujourd’hui
complètement oubliées au Japon, mais aussi SHIBUSAWA Keizô et l’écrivain WATSUJI Tetsurô 住住住住
(18891960)… Les noms des personnes ayant assisté à ces réunions sont mentionnés dans les rapports
que rédigeait le professeur MORI Shinzô. Celui de MIYAMOTO y figure. Le mouvement éditait
depuis 1930 une revue, Dôshi dôkô住住住住住住130 (Volonté commune, route commune), qui servit de surnom
au mouvement luimême. Il semble que les thèmes traités lors de ces réunions n’étaient pas politiques,
ce qui ne veut pas forcément dire qu’ils étaient dénués de toute signification politique. Mais les
discussions ouvertement politiques se déroulaient en coulisse, et tout porte à penser que MIYAMOTO
n’en était pas. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que YANAGITA était un sympathisant en
connaissance de cause et qu’il se fit le relais de ces hommes de l’ombre pour agir auprès de
MIYAMOTO afin de le « rectifier » idéologiquement. Nous reviendrons sur ce sujet un peu plus bas
lorsque nous traiterons de YANAGITA. Parmi ces hommes de l’ombre, nous trouvons un certain
YASUOKA Masahiro 宮 宮 宮 宮 (18981983). Diplômé de l’Université impériale de Tôkyô, il était
spécialiste de néoconfucianisme131. S’il n’assista jamais aux Keiukai, il était en revanche actif
comme idéologue antimarxiste et membre du Gakusei shisô mondai iinkai 住住住住住住住住住 (Comité pour les
problèmes idéologiques des élèves) mis en place par le Ministère de l’éducation, alors impérialiste et
physiocrate132. Son opposition à toute action terroriste alors pratiquée par certains groupes d’extrême
droite et son action idéologique au sein de cette instance lui valaient d’être soutenu par des hommes
riches et/ou puissants du monde de l’entreprise, de la finance, de la politique, de la haute
Administration et de l’armée133… Son nom était cité avec admiration lors des Keiukai. Et c’était une
des relations (un ami ?) de YANAGITA.
Ce que l’on peut dire aujourd’hui, compte tenu des informations à notre disposition, c’est qu’il y a de
fortes chances pour que le jeune MIYAMOTO ait été abusé et qu’on ait profité de sa naïveté.
Mais refermons la parenthèse.
130 L’expression même Dôshi dôkô semble venir du Dôhô dôkô「「「「「「(Une même route avec des amis) de Shinran 「「 (11731262), le fondateur du Jôdo shinshû (l’Ecole véritable de la Terre pure).131 Plus précisément de Yômeigaku 「 「 「 (« Yángmíngologie » : la discipline japonaise analysant la pensée du philosophe chinois WÁNG Yángmíng 「「「 (14721528).132 La physiocratie, au Japon, évoque d’autres images que la physiocratie française créée au XVIIIème
siècle par l’économiste François QUESNAY (16941774), prônant la primauté du secteur primaire, seul créateur de richesses indéfiniment multipliables, par opposition aux secteurs secondaire et tertiaire, « stériles » car fondés sur l’utilisation de matériaux préexistants, et sur les services. Malgré l’envie, sous l’Etat français de Vichy, de renvoyer les Français à la terre, cette doctrine resta chez nous plus liée au prélibéralisme (la formule « laisser faire, laisser aller » est de QUESNAY) qu’à l’extrêmedroite nationaliste. Au Japon, elle fut l’argument quasiconstamment utilisé par les impérialistes pour conserver de fait le système des classes (shinôkôshô 「「「「) supprimé officiellement sous Meiji (en 1872), et maintenir le peuple dans une frugalité utile à l’ordre public autant qu’à l’autarcie.133 On sait aussi que MISHIMA Yukio fut un de ses sympathisants.
Après ce solide bagage en culture générale, littérature, Histoire et géographie japonaises,
MIYAMOTO reçut une formation d’un type nouveau, l’enseignement d’une discipline en train de se
former, la minZokugaku, et passa ainsi progressivement du statut d’étudiant passif à celui de chercheur
actif, de plus en plus indépendant.
- b. Les minZokugakusha :
α. YANAGITA Kunio 「「「「 (18751962)
MIYAMOTO a autant travaillé seul que dans des groupes, pourtant il ne s’est fixé dans aucun, et le
nombre incroyable de ses affiliations à des sociétés savantes ou de recherche nous amènerait plutôt à
penser que son implication en leur sein fut brève, ou tout du moins épisodique. Même sa participation
aux réunions du grand maître YANAGITA Kunio pour qui il fit toujours montre d’un grand respect,
n’eut qu’un temps, et la brouille discrète qui en marqua la fin n’eut peutêtre pas pour seule cause celle
que MIYAMOTO veut bien donner.
Avant d’en détailler les circonstances, revenons sur l’origine de sa relation avec YANAGITA.
MIYAMOTO Tsunéichi avait découvert l’œuvre de YANAGITA et participé à l’appel lancé par le
maître dans sa revue Tabi to densetsu 住住住住住住 (Voyage et légendes) visant à recueillir le maximum de
témoignages ethnographiques sur les contes populaires des campagnes. Il envoya à cette occasion
quelques extraits des témoignages qu’il avait recueillis pour son propre compte auprès de personnes
âgées au cours de ses promenades champêtres et, à sa grande surprise, le maître lui répondit par une
lettre très bienveillante. Il avait su discerner chez son correspondant l’étoffe d’un disciple prometteur.
Mais il faudra attendre trois ans avant que MIYAMOTO rencontre YANAGITA en personne, en
octobre 1934. L’été de cette annéelà, celuici l’avait invité à venir le voir à Kyôto et MIYAMOTO
s’y était rendu seul134. Puis il avait été convié à participer aux réunions du chercheur qui se tenaient à
son domicile pour plus de commodité. YANAGITA avait ensuite apporté quelques contributions à une
revue lancée par MIYAMOTO Tsunéichi avec des moyens de fortune, Kôshô bungaku 住 住 住 住 住 住
(Littérature orale).
Si l’influence intellectuelle fut incontestable, que ce soit notamment dans le domaine de l’étude des
contes populaires ou de celui de l’étymologie des toponymes, on ne peut pas dire que YANAGITA ait
cherché à entraîner MIYAMOTO Tsunéichi dans une direction précise en termes de folklore. Il lui
conseilla seulement d’écrire un livre par département, proposition que MIYAMOTO accepta135
l’incitant, sembletil, à y consacrer sa vie136.
MIYAMOTO Tsunéichi se retrouvait dans un groupe de disciples réunis autour du maître, à
l’ancienne mode, quasiment « féodale »137, (et l’on peut d’ailleurs noter de manière anecdotique que
les réunions se faisaient toujours dans une pièce japonaise à tatami et que YANAGITA était vêtu d’un
kimono). SANADA Yukitaka y note138 une forte ressemblance avec le cercle d’études nationales de
HIRATA Atsutané 住 住 住 住 (17761843), à la fin du Bakufu. Ce genre d’enseignement, extrêmement
enrichissant et formateur pour un étudiant ou un jeune chercheur, peut s’avérer au contraire être un
frein à une carrière individuelle passée la trentaine et cela, MIYAMOTO Tsunéichi l’a forcément
senti. Qui sait s’il n’a pas éprouvé de la lassitude à faire partie d’une Cour (dont le centre était un
authentique aristocrate)… lui si libre et si proche des petites gens dont il appréciait la simplicité et le
naturel.
SANADA Yukitaka (2002), dans son essai violemment antimiyamottien139, présente un YANAGITA
idéologiquement engagé à l’extrêmedroite (bien que politiquement, il ne soutint jamais aucun parti),
et insiste sur sa sympathie pour le nazisme et les publications des scientifiques nazis. Alors que,
134 MinZokugaku no tabi, chap. 8, p. 84.135 MinZokugaku no tabi, chap. 9, p. 102.136 SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 4, p. 84 :「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Il semble que MIYAMOTO ait reçu de YANGITA Kunio l’encouragement suivant : « Consacre [à la MinZokugaku] toute ta vie ! »).137 Pour reprendre le mot de SANADA Yukitaka à la suite de MASUDA Katsumi (directrice de la réédition de Meiji Taishôshi Sesôron「「「「「「「「「「「(Histoire de Meiji et Taishô / Théorie des mœurs) de YANAGITA, dans son « Kaisetsu » 「「 「「 (« Commentaire »)) qui parle de « système féodal » (hôken seido 「「「「) in Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 6, p. 124125.138 Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 6, p. 124.139 Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 7.
paradoxalement, YANAGITA n’adhéra pas du tout à l’idéologie mussolinienne qu’il dénonça
explicitement140.
Pour résumer « objectivement » la pensée idéologique de YANAGITA, nous pourrions dire que, pour
lui :
1/ la minZokugaku doit être nationale (« nashiyonaru »住住住住住住住)141 et doit se distinguer complètement de
l’ethnographie de l’étranger142, science de l’altérité. Par conséquent, l’ethnographe ne saurait être
d’une autre nationalité que celle du pays qu’il étudie.
2/ elle doit donc rejeter tout système interprétatif venu de l’étranger (comme le marxisme
notamment) ;
3/ la minZokugaku doit se défier de l’écrit, car elle se distingue de la science officielle qui l’a
précédée, l’Histoire (des puissants), contre laquelle elle s’est constituée ;
4/ afin de cerner au mieux l’âme, la psychologie et le cœur japonais, il faut se pencher sur les
traditions immuables143, rejetant l’idée que l’évolution permanente de la société va nécessairement
dans le bon sens.
YANAGITA, très critique envers les partis politiques de son époque, appelait de ses vœux la création
d’un parti réellement populaire (et non corrompu) amené au pouvoir par le suffrage universel
140 Ainsi écritil qu’« « il est douteux qu’il y ait quoi que ce soit à apprendre de l’Italie » et, de façon plus emphatique, « j’affirme avec force qu’il n’y a rien à apprendre de l’Italie. » Il dénonce le fascisme, l’appelant le produit d’esprits « étroits », et dit que « ceux qui aiment leur pays ne devraient pas être étroits d’esprit. » Pour Yanagita, le fascisme était entièrement hors de la portée des mesures admissibles et était donc hors du champ de son intérêt ». KAWADA Minoru, Yanagita Kunio no shisô shiteki kenkyû, 1993, chap. 4, p. 86.141「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (On notera la terminaison en –te yaru qui indique qu'on parle d'agir à l'égard d'une personne que l'on estime inférieure) 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「(« Comme un de mes buts, je réfléchis à ce que l'on appelle le pays et les races. Dans quelque pays que ce soit, la minZokugaku est nationale, elle cherche en profondeur et avec rationalité (tôkyû shi) principalement la culture de ses propres compatriotes et [plus] rarement elle interroge la vie quotidienne du passé des races sousdéveloppées. A l'inverse, la chose que j'appelle l'ethnologie de son propre et seul pays, il n'y a eu jusqu'à présent personne pour la proposer. Aussi, pour peu que l'on parle de minZokugaku du Japon, point n'est besoin de se préoccuper de faire répéter la question : « Avec quel caractère écriton Zoku ? » ».)142「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「(« Dans le monde scientifique japonais, il y a actuellement deux choses qu’on nomme minzokugaku. Quel qu’en soit le pourquoi, nous sommes proches de la nécessité de devoir mettre la différence entre les deux. »), in Nihon minZokugaku kenkyû「「「「「「「「「 (Recherches en minZokugaku japonaise), repris par SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 6, p. 118.143「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
(« On ignore pourquoi, mais depuis les temps anciens, jusqu’à récemment, la génération de mon grand père ou de mes parents, on trouve des manières de vivre qui continuent sans interruption depuis plusieurs centaines d’années ou davantage, et c’est ce sur quoi nous aimerions réfléchir. »)Repris dans Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 6, p. 119.
masculin. Il s’agissait de réformer en profondeur sur le long terme la structure de la société japonaise
en privilégiant l’équilibre entre les trois secteurs d’activité et en instaurant concomitamment un
sentiment d’appartenance à la fois microlocal, régional et national, seul capable de mobiliser la
population en faveur d’un projet de développement qui permettrait au pays de résister à l’hégémonie
des Européens et des Américains. Pour cela, le ciment est le shintô des campagnes que décrit la
minZokugaku. Nous reviendrons sur ce projet dans la deuxième partie.
OOMACHI Atsuzô 住住住住住, disciple de YANAGITA, n’est pas dupe et qualifie ainsi la minZokugaku du
maître :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「144
(« Même si cette discipline est subjectivement une minZokugaku (un folklore) du Japon, objectivement
c’est une minzokugaku (ethnologie) ».)
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「145
(« Le mot « minZoku » évoque le folklore (fôkuroa), mais la discipline de YANAGITA n’est
nullement l’étude du simple folklore ; elle est plutôt proche en substance de la Volskunde. »)
Toutefois, le projet longuement mûri par YANAGITA allait encore plus loin : il s’agissait de former
des ethnologues japonais pour ensuite les envoyer en Asie afin de créer une constellation de
« minZokugaku de la sphère de la Grande Asie orientale » (DaitôAken minZokugaku 住住住住住住住), sous le
contrôle idéologique des sociétés savantes sises au Japon, donc sous celui de YANAGITA luimême.
Ce projet commença d’être mis à exécution avec la création de la Société d’ethnologie de
Mandchourie (Manshû minzokugakkai 住住住住住住 ) en 1942. Au même moment était créée au Japon une
société savante qui unifiait la minZokugaku : le Centre de recherche en ethnologie (Minzoku kenyûsho
住住住住住). Il faut cependant ajouter que YANAGITA désapprouvait les actions armées du Japon en Asie et
la façon ouvertement arrogante qu’avait son pays de traiter la Chine : tout cela était contre productif et
n’était dans l’intérêt de personne146.
YANAGITA, sympathisant assez actif des groupes de réflexion d’extrême droite, notamment ceux
dont nous avons parlé plus haut, semble avoir remarqué assez tôt les lectures d’extrême gauche de son
disciple. Il entreprit donc de rééduquer idéologiquement le naïf campagnard. Peutêtre estce la cause
du « par la suite, je pris bientôt mes distances avec ce genre de livres » que nous avons déjà cité.
YANAGITA était un esprit brillant possédant un charisme lui permettant de persuader assez
facilement les gens de faire ce qu’il voulait, point sur lequel nous reviendrons un peu plus bas. A une
époque où tout le monde s’enflammait d’amour pour l’empereur et où l’impérialisme était la seule
144 Cité par SANADA Yukitaka, in Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 7, p. 139.145 Idem, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 7, p. 139.146 KAWADA Minoru, Yanagita Kunio no shisô shiteki kenkyû, chap. 4, p. 84.
voie pour réussir dans l’école, l’université, ou l’administration en général, (que l’adhésion fut pleine et
consciente, ou le fruit d’un malentendu, voire d’une manipulation, ou bien tout simplement forcée), il
n’est pas étonnant que MIYAMOTO se soit retrouvé mêlé à des réunions où était chanté l’hymne
impérial et où les discours sur la grandeur du pays faisaient vibrer l’idéalisme de chacun. Les aspects
sombres du régime militaire étaient inconnus du jeune MIYAMOTO, ou du moins en minimisaitil de
bonne foi l’importance. YANAGITA dut probablement lui expliquer que la voie nationaliste était plus
à même de profiter au petit peuple (qui importait avant tout à MIYAMOTO) que le socialisme147, car
celuici était fait de ruptures, et que les ruptures détruisaient l’harmonie dont le maintien par la
tradition assurait la stabilité du pays et son « art de vivre ». Selon nous, ce sont les élans altruistes de
MIYAMOTO, canalisés par YANAGITA, qui l’orientèrent vers un conservatisme nationaliste, du
moins dans un premier temps. Tous les minZokugakusha de l’époque étaient issus du même moule
idéologique et personne n’aurait un instant songé à le remettre en question. Peutêtre les idéologues
d’extrêmedroite japonais tentaientils de relier l’ethnographie à une certaine anthropologie, mais les
(jeunes) chercheurs de terrain se détachaient complètement de cette théorisation qui n’était souvent là
que comme un prétexte à faire des discours (et autres politesses avant un bon repas bien arrosé), sans
compter qu’à l’époque le peuple japonais (y compris la plupart des intellectuels) était complètement
sousinformé voire désinformé par la propagande quant à ce qui se passait à l’étranger, et notamment
du côté de son allié allemand148. Pour l’essentiel, les oppositions étaient donc davantage portées contre
l’idéologie du régime que contre des (ex)actions qui n’étaient pas encore connues.
Quand MIYAMOTO évoque ses maîtres, son admiration se porte soit sur leur comportement en tant
que personnes à son égard, soit en tant qu’enseignants ou érudits, jamais sur leur action politique.
Alors une phrase telle que : « YANAGITA Kunio et YASUOKA Masahiro sont des digues contre le
marxisme »149 attribuée à MIYAMOTO, nous amène à dire deux choses : soit elle est authentique, et
elle est le fruit de cette manipulation exercée par YANAGITA, soit c’est une mystification destinée à
jeter le doute sur les opinions de MIYAMOTO150. De toute façon, l’importance de YANAGITA dans
147 Pour un aperçu récent sur la question, voir :OOTSUKA Eiji 「「「「, Gishi toshite no miZokugaku : Yangita Kunio to itan no shisô「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「(La minZokugaku en tant qu’Histoire mensongère : YANAGITA Kunio et les pensées hétérodoxes), Tôkyô, Kwai 「 BOOKS, Kadokawa shoten, 2007, 270 p.. 148 A titre d’exception, on trouve un article de l’essayiste et critique MUROFUSE Kôshin 「「「「 (18921970), « Nachizumu ha doko he »「「「「「「「「「「 (« Où va le nazisme ? »), revue Serupan「「「「「「(Serpent), sept. Shôwa XIV (1939). 149「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「, in SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 4, p. 87.150 Et SANADA Yukitaka 「「「 「「「「 (sans doute un pseudonyme – et la graphie en hiragana irait en ce sens), malgré son apparente objectivité, son travail de recherche prodigieux et sa réelle érudition, est un bon exemple de parti pris. Tout est orienté chez lui de façon à ce que chaque citation de MIYAMOTO, sortie de son contexte, lui soit défavorable. Il faut donc chez SANADA faire le tri entre les informations brutes et leur interprétation qui ne laisse de nous porter à croire qu’une telle étude de longue haleine n’a pu être réalisée sans une forte motivation, et cette motivation est malveillante
cet antimarxisme est probablement exagérée. Toute la vie et l’œuvre de MIYAMOTO démontreront
que ni sa pensée ni son action n’ont partie liée avec l’impérialisme, le militarisme ou le colonialisme.
Il fut un peu conservateur dans sa façon de penser en général, mais en même temps il déploya une
grande activité dans les campagnes pour changer les conditions de vie des populations. Politiquement,
nous affirmons, et nous tenterons de montrer, qu’il était, avant tout, un humaniste (au delà de toute
appartenance politique précise).
Les ouvrages de MIYAMOTO ne suivront pas le cahier des charges rigide voulu par YANAGITA :
1/ certes, sa minZokugaku sera nationale, mais elle n’aura rien de nationaliste ; d’autre part, une fois
son dernier maître (SHIBUSAWA) disparu, MIYAMOTO entreprendra des voyages à l’étranger afin
de nourrir sa réflexion et sa dernière œuvre, Nihon bunka no keisei 住住 住住 住住 住住 住 (La formation de la
culture japonaise), dont nous reparlerons plus tard, sera une véritable étude des mouvements
internationaux de biens et de personnes ;
2/ la pensée d’extrêmegauche rejetée sous l’influence de YANAGITA et des autres sera réintégrée en
partie et l’importance des œuvres ethnologiques étrangères ne sera jamais remise en question ;
3/ la minZokugaku miyamotienne étudiera les deux sources, l’orale et l’écrite, à égalité. Elles sont
complémentaires et se passer de l’une serait considérablement réducteur ;
4/ même si c’est douloureux pour notre auteur, il est le premier à reconnaître que les faits et les objets
qu’il étudie sont en voie de disparition rapide. Il ne s’agit plus tant de savoir pourquoi les choses ont
duré jusqu’à présent, que de les décrire avant qu’elles ne sombrent tout à fait dans l’oubli : choses
oubliées, mais aussi Japonais oubliés…
Les différences étaient trop nombreuses, certes, pour que le disciple restât éternellement dans le cercle
rapproché du maître.
La brouille est évoquée très elliptiquement dans MinZokugaku no tabi 住 住 住 住 住 住 住 (Le voyage de la
minZokugaku))151. Voici comment il relate l’incident :
Au départ, la coexistence était tout ce qu’il y a de pacifique :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
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「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「152
(« faire tomber la statue » diraiton). Nous pensons effectivement qu’il y a de fortes probabilités que SANADA connût personnellement MAYAMOTO et que celuici eût pu le contrarier ou le traiter de haut, d’où une rancœur tenace. Le ton en apparence détaché de SANADA masque mal, sur la longueur, une ironie mordante. 151 Minzokugaku no tabi, éd. Kôdansha gakujutsu bunko, 1993, 2004, p. 105 et 183.152 Op. cit., p. 105.
(« A cette époque, il n’y avait pas de relations entre les gens de l’Institut de recherches sur la vie du
terroir (Kyôdo seikatsu kenkyûsho) dont le centre était le professeur YANAGITA, et le Musée des
greniers (Achikku myûzeamu) ») que dirigeait le professeur SHIBUSAWA. Tant M. SAKURATA
employé au Musée des greniers que M. HAYAKAWA qui recevait l’aide du professeur
SHIBUSAWA étaient des gens qui avaient reçu l’enseignement du professeur YANAGITA, mais
depuis qu’ils avaient noué des relations avec le Musée, il s’étaient mis à ne quasiment plus se
présenter chez le professeur YANAGITA. Il y avait quelque chose de différent dans l’air qui y flottait
et cela enrayait les relations153. Cependant, pour moi, les deux professeurs étaient importants, aussi
avaisje même décidé de rendre visite au professeur chez lui quand je rentrais de voyage, mais au
début, mes impressions étaient mêlées. Me disant que cela ne devait pas être, qu’il fallait qu’il y eût
d’étroites relations entre les deux, il m’arriva de me rendre chez le professeur YANAGITA
accompagné de M. IWAKURA Ichirô qui était entré au Musée des greniers avant moi »).
MIYAMOTO Tsunéichi ajoute ensuite qu’il faisait l’intermédiaire entre les deux cercles et qu’il
ramenait certains des chercheurs auprès du vieux maître le temps d’une visite comme le montre
l’exemple cidessus.
Mais un jour :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
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「「「「「「「「「「「155
(« J’eus beau entendre que le professeur YANAGITA lui aussi s’était réjoui du fond du cœur de ce
que j’avais eu mon doctorat, je n’allai pas lui faire mes civilités. Ayant entendu dire qu’un de mes
amis atteint d’une maladie de poitrine s’était vu pour cette raison interdire l’entrée [chez lui], je finis
par m’abstenir moi aussi [d’y aller].
Il se trouva quelques personnes pour me dire : « M. MIYAMOTO, c’est parce que dans votre cas,
c’est différent », mais moi tout seul, je ne pouvais devenir le petit enfant sage [qu’on attendait]. De
nouveau, lorsque mon aîné était entré à la faculté d’anthropologie sociale de l’Université de la
Communauté urbaine de Tôkyô (Tôkyôtoritsu daigaku), le professeur YANAGITA avait dit qu’il
s’en réjouissait comme si c’était lui. Là, comme il y avait quelqu’un qui m’avait conseillé d’aller avec
153 Nous soulignons.154 Nous soulignons.155 MinZokugaku no tabi, p.183.
mon fils lui faire mes salutations, je lui avais dit : « Et si nous y allions, hein ? » et lui de faire :
« [Dis], vieux, moi j’ai rien à voir avec le professeur YANAGITA ! ». Peutêtre étaitce par timidité,
toujours estil que moi non plus je n’allai pas le voir. Lorsque j’avais eu mon doctorat aussi, je pensais
aller lui faire mes remerciements, mais, je ne sais pourquoi, les jambes me pesaient. C’est qu’[en fait]
le fait que mon ami s’était vu refuser l’entrée m’était resté en travers de la gorge . Aussi, je ne revis
plus le professeur jusqu’à la célébration de son quatrevingthuitième anniversaire (beiju) ».)
L’exclusion de ce jeune chercheur est étrange parce qu’en comparaison, MIYAMOTO Tsunéichi,
plusieurs fois très malade, ne fut jamais mis à l’écart.
C’est là que nous émettons une hypothèse156 selon laquelle il y aurait une seconde cause, qui viendrait
non pas remplacer celle alléguée dans MinZokugaku no tabi, mais s’y ajouter : c’est la désapprobation
tacite de MIYAMOTO Tsunéichi à l’égard des méthodes de travail de YANAGITA.
KANZAKI Noritaké 住住住住, dans sa Postface à MinZokugaku no tabi, s’exprime de la façon suivante :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「―「「
「「「「「「「「、 、
「「 「「「「
(« Il était à la fois sceptique et critique devant des recherches ethnographiques qui s’éloignaient de
« l’expérience et la pratique » qu’il avait pour principe et où prévalait l’idéalisme (kannen). Même
avec YANAGITA Kunio qu’il regardait d’en bas comme un mentor, conscient de cette différence dans
la nature de la science, il y eut un moment où il posa une distance. Voilà à l’heure actuelle un point
qu’on peut envisager. »)157
INNAMI Toshihidé 158, ancien disciple de MIYAMOTO, va dans le même sens, et ce sans émettre le
moindre doute :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「159
(« Ce que YANAGITA avait pris comme sujet d’étude de terrain, c’était les villages en tant que
matrice de transmission, et son intérêt ne se portait pas vers les individus. Même s’il écoutait ce qui
avait trait aux villages, il n’écoutait pas ce qui avait rapport au locuteur.
156 Le cartographe et géographe NAKAHIRA Ryûjirô, chercheur en Histoire des toponymes et fils du dernier disciple de YANAGITA qu’il rencontra même à quelques reprises en personne, est du même avis.157 MinZokugaku no tabi, chap. 9, éd. Kôdansha gakujutsu bunko, Kaisetsu (Postface explicative), p. 242.158 INNAMI Toshihidé 「「「「 (né en 1952) : ethnographe et professeur à l’Université d’Aichi 「「「「.159 Dans un entretien avec SATAO Shinsaku repris dans Miyamoto Tsuneichi to iu sekai (Un monde nommé Miyamoto Tsunéichi), Kôbé, 2004, 319 p., 6ème interview, p. 130.
Seulement voilà, si l’on ne sait pas ce qui a trait au locuteur, j’ignore ce que l’on peut entendre des
« villages ». En fait, il devait écouter, mais comme cela s’éloignait de son point d’étude de terrain
(chôsa kômoku), il n’a pas écrit làdessus.
Cependant, dans les œuvres du professeur MIYAMOTO, très tôt est mentionné ce qui concerne le
narrateur. »)
Et INNAMI cite l’exemple de la série d’entretiens avec le vieux SAKON Kumata 住 住 住 住 réalisés
successivement par YANAGITA et MIYAMOTO. Il aboutit à la conclusion suivante :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「160
(« L’étude sur SAKON Kumata, le professeur [MIYAMOTO] y participe aussi au sein du cadre
ethnographique de YANAGITA. Toutefois, concernant la posture que l’on peut observer dans les
notes de terrain, on y voit l’influence de SHIBUSAWA Keizô qui fixait son regard sur les modes de
vie des gens qui ne se posent pas trop de questions (nanige nai hito). Le professeur avait des doutes
concernant les études de terrain « rubriquistes » (kômokushugiteki na)161 de l’ethnographie de
YANAGITA. »)
Pour notre part, nous allons plus loin : contrairement à MIYAMOTO Tsunéichi qui a toujours réalisé
ses propres enquêtes de terrain et ne s’est jamais basé sur un texte qu’il n’en citât l’auteur, il est de
notoriété publique aujourd’hui que YANAGITA Kunio a réalisé ses études de terrain dans sa jeunesse,
dans l’appareil que l’on sait et qu’il se sédentarisa assez tôt, prenant l’habitude d’envoyer ses disciples
réaliser des études de terrain à sa place, et d’oublier de citer leur nom dans ses ouvrages… Ceci est
confirmé par l’historien KITAYAMA Shigéo 住住住住, qui souligne même le rôle coercitif des réseaux de
sociétés savantes – la Minkan denshô no kai de YANAGITA était la société savante qui comptait le
plus de membres de tout le Japon162 – pilotées à leur sommet par un YANAGITA tout puissant, ses
amis et ses protégés :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「163
160 Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, p. 130131.161 Il n’existe pas de terme français propre à rendre le sens de ce mot (kômoku 「「 : article, rubrique, point ; shugiteki na 「「「「 : ique). L’auteur veut dire que YANAGITA a des rubriques, des points à étudier en tête, préalablement à l’étude de terrain, en somme des présupposés de détail. Il s’attache trop au sujet qu’il a défini au départ sans s’en écarter, au risque de négliger des tenants et aboutissants et de perdre une partie du sens des phénomènes qu’il observe (ou qui se déroulent devant lui et qu’il néglige de relever).162 La Minkan denshô no kai 「「「「「「 (Réunion sur les transmissions populaires) comptait 937 membres en 1937. Source : KURIYAMA Kazuo cité par SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 6, p. 123.163 Cité par SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 6, p. 123. Le texte de KURIYAMA figure dans MinZokugaku「「「「「d’AKAMATSU Keisuké 「「「「).
(« « La mise en ordre et le contrôle des institutions de recherche de province » se poursuivent, les
membres de province « sont utilisés, comme aspirés pour recueillir leurs documents », « sont
renversés par de simples rassembleurs de documents » et on peut parler de « sujétion inévitable aux
chercheurs du centre ». »)
SANADA Yukitaka est explicite :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「164
(« [Ces documents] deve[naient] ceux du professeur ».)
MIYAMOTO, exempt de toute malveillance, n’a jamais voulu dire quoi que ce soit qui pût causer du
tort à celui qu’il considéra toute sa vie comme le grand maître de la discipline et préféra se taire et
évoquer un autre motif, tout aussi vrai et légitime selon nous, à sa prise de distance définitive.
Pour schématiser, si l’on s’en tient à l’aspect épistémologique, YANAGITA représente l’école de la
fin du XIXe siècle privilégiant la compilation et l’analyse au fatigant et salissant travail de terrain,
autrement dit l’« intellectuel de cabinet », l’ethnologue compilateur, alors que MIYAMOTO,
l’ethnographe collecteur d’information, s’inscrit à la fois dans la modernité des sciences humaines
expérimentales et dans une tradition plus ancienne qui remonte au MoyenAge et se poursuit jusqu’à
la fin de la période d’Edo, avec les écrivains voyageurs et les junkenshi 住住住 (envoyés du shôgun dans
les provinces) dont le plus illustre est FURUKAWA Koshôken 住 住 住 住 住 * (17261807), à qui
MIYAMOTO Tsunéichi consacra un livre et des chapitres dans d’autres publication. Grande fut aussi
l’influence de l’œuvre de SUGAE Masumi 住 住 住 住 (17541829) (cf. image), écrivain voyageur et
minZokugakusha avant la lettre qui revient régulièrement dans l’œuvre miyamotienne.
164 Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 6, p. 124.
Enfin, le dessein idéologique explicite de YANAGITA ne doit pas être écarté non plus des hypothèses
tentant d’expliquer la prise de distance de MIYAMOTO.
Pourtant, force est d’admettre pragmatiquement que si MIYAMOTO n’avait pas été officiellement
adoubé par le vieux mandarin, il n’aurait probablement jamais réussi à percer dans ce milieu. Sa
« compromission », toutefois, ne se fit pas au prix d’un revirement dans son œuvre qui sut s’en tenir à
son sujet, suscitant peutêtre par là l’estime du vieil intellectuel.
Il est temps à présent d’évoquer la figure la plus importante dans la vie et l’œuvre de MIYAMOTO,
son véritable maître, SHIBUSAWA Keizô.
β. SHIBUSAWA Keizô 、、、、 (18961963)
Nul être n’eut une influence aussi grande que SHIBUSAWA Keizô sur la vie professionnelle et la
pensée de MIYAMOTO Tsunéichi qui écrivit sur lui le plus long de ses ouvrages consacrés à l’étude
d’une personne (485 pages)165, devant SUGAE Masumi et NODA Senkôin. Petit fils de SHIBUSAWA
Eiichi 住住住住(18401931) (le fondateur du capitalisme moderne au Japon), directeur de banque166, homme
d’affaire, un temps Ministre des finances du gouvernement de SHIDEHARA Kijûrô 住住住住住 (18721951)
dans l’immédiat aprèsguerre, chercheur occasionnel et fondateur de l’Achikku myûzeamu (Le musée
des greniers), SHIBUSAWA Keizô connut aussi la gêne sur ses derniers jours, après son licenciement
165 Shibusawa Keizô, Tôkyô, Kôdansha, Nihon minZoku bunka taikei 3, juin 1978, rééd. Dans OM L à paraître.166 Les Daichi ginkô 「「「「, Tôkyô chochiku ginkô 「「「「 et Shibusawa sôko 「「「「.
de la fonction publique. Dans l’opulence, il utilisait son argent pour aider ses amis 167 et procurer du
travail à de jeunes chercheurs qu’il employait dans son musée. Les avis sont unanimes qui saluent sa
prodigalité et son train de vie assez simple et nullement ostentatoire.
Pour MIYAMOTO, SHIBUSAWA fut tout à la fois un sempai 住 住 (aîné travaillant dans la même
branche), un sensei 住住 (professeur), un oyabun 住住 (homme ayant l’âge de votre père et se chargeant de
vous former et de vous conseiller) et un patoron 住 住 住 住 (patron paternaliste), voire une sorte de
« gourou » personnel. Depuis leur rencontre jusqu’à la mort de SHIBUSAWA, celuici ne cessa, non
seulement de former et de conseiller MIYAMOTO Tsunéichi, mais aussi de le diriger, lui donnant des
missions et des « devoirs »168 et de le financer, de le loger, le traitant à la fois comme un disciple, un
enfant et un employé, n’hésitant pas à le morigéner, non sans humour si l’on considère la scène d’un
point de vue extérieur, bien que ce dut être douloureux pour le chercheur. Dans MinZokugaku no tabi
(Le voyage ethnographique), MIYAMOTO Tsunéichi évoque la grande colère du maître et donne des
exemples de son caractère à la fois bienveillant et un peu autoritaire.
En 1953, après être sorti de maladie (la tuberculose), MIYAMOTO se voit proposer par le Ministère
au plan économique une place au Zenkoku ritô shinkô taisaku shingi iinkai 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Comité
délibératif pour des mesures de développement économique des îles éloignées.
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「169
(« Sans refuser complètement, par précaution je réservai ma réponse et lorsque je demandai conseil au
professeur, « Ta santé ne t’est donc pas précieuse ?! » fitil, pris de fureur. Que ce soit avant ou par la
suite, ce fut la seule fois où je me vis admonesté en criant. Puis, je m’entendis dire : « Je t’assigne à
résidence. Je t’interdis de voyager sans mon autorisation, et t’interdis d’accepter un travail de
l’extérieur ». »)
Les autres chercheurs se moquèrent gentiment de lui, le qualifiant de hakoiri musuko 住住住住住170 (fils bien
gardé, comme dans une boite).
167 Certains se montrèrent même ingrats, notamment son ami l’économiste OOUCHI Hyôe 「「「「 (18881980) pour qui il avait créé un poste après qu’OOUCHI s’était retrouvé impliqué dans un scandale. SHIBUSAWA ne s’en plaignit jamais. NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsunieichi no tabio to gakumon, chap. II, 5, p. 62.168 Comme le rapporte le libraire ISHIODORI Kazunori 「「「「, ancien disciple de MIYAMOTO dans une interview avec SATAO Shinsaku 「「「「「 publiée dans Miyamoto Tsuneichi to iu sekai 「「「「「「「「「「「 (Un monde appelé Miyamoto Tsunéichi), Kôbé, Mizunowa shuppan, 2004, Interview 4 du chapitre II, p. 92 : 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Il m’a dit aussi, je crois, qu’il avait des sortes de devoirs que lui donnait SHIBUSAWA Keizô et qu’il devait faire des recherches dans l’immédiat »).169 MinZokugaku no tabi, chap. 9, éd. Kôdansha gakujutsu bunko, p. 101.170 MinZokugaku no tabi, chap. 9, éd. Kôdansha gakujutsu bunko, p. 101.
MIYAMOTO relève même ensuite la leçon que son maître lui donnait dans ses fréquents
emportements ou pour se moquer de lui.
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「171
(« « Je serai ta digue172. Toi, si tu n’avais pas de digue, tu te briserais tout de suite », voilà ce que je me
fis dire jusqu’à sa mort ».)
SHIBUSAWA, pour sa défense, ne fut pas le seul à donner des surnoms à son protégé. D’autres avant
lui l’avaient habitué à cet usage : un professeur de littérature qui l’appelait l’« homme sans freins »
(burêki no nai otoko 住住住住住住住住), un autre le « tonneau non cerclé » (taga no shimaranai oke 住住住住住住住住住) et
un professeur de philosophie qui allait jusqu’à le surnommer « l’hommecaramel » (kyarameru no yô
na otoko 住住住住住住住住住住).
Tous ceux qui ont connu MIYAMOTO Tsunéichi évoquent sa volubilité passionnée. Il pouvait passer
une journée et la nuit entière à parler. A ce propos, il évoque comment son maître manifesta un jour
son agacement à cet égard :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「173
(« Je rentrai de mon premier voyage, et après en avoir fait rapport pendant trois nuits d’affilée, « Tu as
enfin fini ? », me dit le professeur ; je fus alors à la fois déçu, et je me dis que j’avais beaucoup causé.
Cependant, c’était parce qu’il ne m’avait pas interrompu, m’écoutant tout en opinant du chef comme
un marteau. Et je pensai que je devrais parler avec un peu plus de concision ».)
Ce fut SHIBUSAWA qui, en 1935 vraisemblablement, enjoignit MIYAMOTO Tsunéichi de partir
étudier les villages :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「174
(« A l’Achikku, nombreux sont ceux qui font des recherches sur l’Histoire de la pêche, mais
concrètement ce qu’on appelle les villages de pêcheurs, quel genre de chose estce ? Quel genre de
structures ontils ? Quel genre de vie y mèneton ? Ceux qui connaissent concrètement ces choses
171 MinZokugaku no tabi, chap. 9, éd. Kôdansha gakujutsu bunko, p. 101.172 « Revanche de l’Histoire », si l’on veut, l’un des disciples de MIYAMOTO, TAKAMATSU Yoshikichi 「「「「 (professeur à la Sagami joshi daigaku 「「「「「「 (Université pour filles de Sagami) et Directeur du Nihon kankô bukna kenkyûjo) verra en son maître une « digue » des cultures des îles menacées par l’exode rural et l’homogénéisation consumériste. « Bôhatei »「「「「「 , Shima「「「「 (Ile(s)), n°106, recueilli dans Miyamoto Tsuneichi / Dôjidai no shôgen 「「「「「「「「「「「「「「 (Miyamoto Tsunéichi : Témoignages d’époque), Miyamoto Tsuneichi tsuitô bunshû (coll.), 2ème tome (zoku 「), p. 18.173 MinZokugaku no tabi, chap. 9, éd. Kôdansha gakujutsu bunko, p. 101102.174 MinZokugaku no tabi, chap. 8, éd. Kôdansha gakujutsu bunko, p. 92.
sont rares. Vu que tu as grandi au bord de la mer, ne m’écriraistu pas une étude sur la vie quotidienne
concrète des villages de pêcheurs ? »)
Il faut préciser que SHIBUSAWA, avant de s’intéresser à la vie des campagnes, se destinait à la
zoologie, particulièrement aux poissons, d’où son surnom de « Saigyodô 住住住 » (Grotte des poissons de
la fête). Il n’abandonnera pas tout à fait l’étude des poissons puisque, comme nous y reviendrons, il en
étudia les noms (gyomei 住住, ichtyonymes, noms de poissons).
MIYAMOTO suivit le conseil et rentra dans son village pour l’étudier, ainsi que les autres localités de
Suô Ooshima et des îles environnantes. Une fois son travail de terrain accompli, il s’attela à la
rédaction de ce qui allait être son premier livre, publié par l’Achikku myûzeamu, Suô Ooshima wo
chûshin to shitaru umi no seikatsushi住住住住住住住住住住住住住住住住住住(Passage en revue de la vie quotidienne à la mer
autour de Suô Ooshima).
L’instant où SHIBUSAWA prononça les paroles suscitées fut donc capital : il décida de la suite de la
carrière de MIYAMOTO. Ce fut ainsi qu’il commença d’établir des bases sur lesquelles le jeune
homme allait bâtir une carrière de chercheur.
Dans son article consacré à MIYAMOTO et insolemment intitulé « Mon parasite est le premier du
Japon » (« Waga shokkaku ha Nipponichi » 住住住住住住住住住住 )175, SHIBUSAWA place MIYAMOTO parmi
ses trois meilleurs élèves aux côtés de SAKURADA Katsutoku 住住住住 et d’IWAKURA Ichirô 住住住住.
Mais ce fut aussi lui qui lui interdit d’accepter un poste de professeur dans une université de
Mandchourie, empêchant son protégé d’étendre ses investigations à l’étranger176. Il voulait
premièrement que MIYAMOTO finisse préalablement l’étude du Japon avant d’étendre son champ
d’investigation à l’étranger (et ainsi prévenir toute dispersion dans le travail de son disciple à l’étendue
déjà extrêmement large), mais aussi, deuxièmement, éviter à son naïf élève d’être mis en présence
d’une institution coloniale comme l’Université pour la construction du pays en Mandchourie et de
fréquenter des personnes peu recommandables, ce qui aurait pu lui être reproché par la suite177. Car
SHIBUSAWA, considérant froidement la situation, prévoyait la défaite178 et avait réussi à convaincre
MIYAMOTO179 qui n’hésitait pas à évoquer en classe cette perspective ainsi que la période de
175 Republié in SANO Shin’ichi (dir.), Miyamoto Tsuneichi Tabi suru minZokugakusha, p. 78.176 MinZokugaku no tabi, chap. 9, Kôdansha gakujutsu bunko, p. 96. Episode également évoqué dans son Shibusawa Keizô.177 NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsunieichi no tabio to gakumon, chap. III, 3, p. 86.178 NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsunieichi no tabio to gakumon, chap. III, 3, p. 87.179 « Shomin no negai »「「「「「「「(« La requête du petit peuple »), 1955, OM 21, cité par NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsunieichi no tabio to gakumon, chap. III, 5, p. 97.
reconstruction, insistant sur la dignité dans la défaite et l’attitude constructive à avoir, sans
ressentiment180.
Si l’on fait le bilan de la relation entre les deux hommes, elle est très positive. Le grand organisateur a
su tirer du jeune chercheur le maximum, non dans son intérêt ni celui de l’Achikku, mais dans celui du
savoir, d’une façon désintéressée. Un même amour de la science et une relation amicale proche de la
relation pèrefils les lia jusqu’à la fin.
MIYAMOTO Tsunéichi, jusqu’au bout d’une obéissance et d’une loyauté qui pourraient laisser
perplexe si l’on ne connaissait pas la vie des deux hommes, n’entreprit rien à l’étranger du vivant de
son maître et ce ne fut qu’en 1975, à l’âge de 67 ans, et sur sollicitation des jeunes chercheurs de
l’Ecole d’expédition Amukasu181 qu’il accomplit le premier de ses quatre voyages hors du Japon, en
l’occurrence au Kenya et en Tanzanie.
De SHIBUSAWA en tant que chercheur il nous reste cinq épais volumes d’œuvres complètes et
surtout une activité de créateur et d’« organisateur », qui faisait l’admiration de MIYAMOTO. Ainsi
résumetil l’œuvre de son maître à l’occasion d’un bilan, rendu possible par sa disparition, ainsi que
celles de YANAGITA, et d’ORIKUCHI Shinobu :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「182
(« Le professeur SHIBUSAWA instaura plutôt, en tant qu’organisateur, des conditions qui
permettaient la recherche à de nombreux étudiantschercheurs. Pourtant, tout en occupant ses jours en
tant qu’homme d’affaires183, il utilisait son temps libre et versait toute son énergie dans des recherches
sur les objets traditionnels du peuple (les mingu), le nom des poissons ainsi que sur les rouleaux peints
(emakimono). En particulier, grande était la ferveur qu’il dépensait pour l’épanouissement de la
science voisine de la minZokugaku qu’était l’ethnologie. En tant que président de la Société japonaise
d’ethnologie, il se consacra à la coopération au sein des Rencontres des neuf disciplines (Kyû gakkai),
conseilla pour les travaux de groupe et s’employa à la formation d’étudiants dont la vision était aussi
large que le cœur. »)
180 « Shomin no negai », cité par NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsunieichi no tabio to gakumon, chap. III, 3, p. 88 et le témoignage d’un ancien élève, IWAI Hiroshi 「「「, p. 90.181 Amukasu : anagramme japonais (A.M.K.A.S.) d’« Aruku Miru Kiku Amêba Shûdan » (Groupe amiboïde d’Aruku miru kiku (Marcher, regarder, écouter)).182 MinZokugaku he no michi, p. 135.183 Chaque matin, SHIBUSAWA lisait et faisait ses recherches deux heures avant de partir au travail. Il rentrait tard le soir. Il passait ensuite au musée pour y travailler et ne retournait dans ses quartiers que vers les 2 ou 3 heures du matin. SHIBUSAWA Masahidé 「「「「, Chichi Shibusawa Keizô「「「「「「「「(Mon père Shibusawa Keizô), Jitsugyô no Nipponsha, Shôwa XLI (1966).
Que ce soit à la lecture de témoignages le concernant ou de l’œuvre même de SHIBUSAWA, on
s’aperçoit que sa conception de la minZokugaku s’opposait à celle de YANAGITA plus qu’elle ne la
complétait. On peut résumer ces minZokugaku en trois points :
Premièrement, YANAGITA a fait la minZokugaku du cœur (kokoro no minZokugaku 住 住 住 住 住 ) et
SHIBUSAWA celle des choses (mono no minZokugaku 住住住住住). Le vieil intellectuel identitaire partait
de postulats (la mission du Japon, l’âme japonaise supérieure) et orientait ses recherches en tentant
non de le vérifier, mais de le confirmer, alors que SHIBUSAWA l’homme d’affaires pragmatique
partait des objets matériels qu’on lui rapportait et s’interrogeait sur leur raison d’être et ce qu’ils
révélaient de la vie quotidienne sans laisser ses opinions politiques interférer.
Deuxièmement, SHIBUSAWA a été un pionnier de l’interdisciplinarité, favorisant le dialogue
scientifique avec les disciplines voisines que sont l’ethnologie de l’extérieur, l’anthropologie,
l’archéologie, la linguistique, l’étude des religions etc.184 alors que YANAGITA a maintenu sa
minZokugaku dans un dédaigneux isolationnisme scientifique.
Troisièmement, SHIBUSAWA aspirait à une minZokugaku internationale, comprenant à la fois l’étude
du Japon et l’étude de l’étranger185 dont s’occupait déjà l’ethnologie. Mais à toutes fins pédagogiques,
et non idéologiques, l’étude du Japon devait précéder l’étude des autres pays.
SHIBUSAWA rencontra YANAGITA pour la première fois dans un train, et ce de manière fortuite.
YANAGITA (40 ans) était déjà assez célèbre et le jeune SHIBUSAWA (17 ans) lui fit ses salutations
émerveillées186. Par la suite, lorsque l’Achikku commença a faire parler dans le monde de la
minZokugaku, YANAGITA ne cacha pas son léger mépris pour cette structure qu’il taxait
implicitement d’amateurisme.
MIYAMOTO jouait un peu le rôle de « pont », de « relais » (hashiwatashi 住 住 住 187) entre les deux
hommes et leurs institutions respectives. Il était en effet le seul à être membre des deux sans chercher
à attiser les tensions, mais bien plutôt à les concilier. Malgré ses efforts, ils n’y parvint pas et il lui
fallut faire son choix. Comme on le devine, ce fut SHIBUSAWA. Le pragmatisme l’emportait sur
l’idéologie.
A propos de SHIBUSAWA, se pose la question du financement des recherches de MIYAMOTO.
Le financement des recherches de MIYAMOTO Tsunéichi
184 SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 9, p. 190191.185 NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsunieichi no tabio to gakumon, chap. III, 4, p. 95.186 NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsunieichi no tabio to gakumon, chap. II, 5, p. 61.187 Expression de YAMADA Takao 「「「「 , membre de la Kinki minZoku gakkai 「「「「「「 (Société des études en minZokugaku du Kinki), in « Shidô ichinyo »「「「「「「(« L’identique dans la voie la loyauté ») et « An’etsu junro »「「「「「「(« Sincérité sans artifices d’une joie paisible »).
Même si la minZokugaku est loin d’être la science la plus onéreuse, elle requiert comme toute
recherche de terrain des fonds pour le transport, l’hébergement et la nourriture, l’acquisition et le
transport de matériel et d’objets, sans compter le salaire des chercheurs bien entendu. Or
MIYAMOTO, s’il fut loin d’avoir bénéficié des crédits suffisants pour ses recherches, réussit
cependant à les mener bon an mal an. Pour cela il sut varier les financements et surtout prendre sur lui
pour faire « avec les moyens du bord », faisant notamment appel à la générosité des populations
locales. C’est ainsi qu’il fut hébergé par de nombreuses familles qu’il rencontrait lors de ses études de
terrain. Les frais de logement étaient économisés, car sauf climat particulièrement rude, et à défaut
d’un futon chez l’habitant, il savait se contenter du bivouac à la belle étoile. Quid de sa famille ?
MIYAMOTO la laissa à plusieurs reprises à Osaka, puis à Suô, et à cette deuxième époque, elle
s’occupa d’activités agricoles qui assurèrent son autonomie alimentaire. Même dans le pire des cas, les
MIYAMOTO ne mourraient pas de faim.
On sait aussi que l’essentiel des revenus de MIYAMOTO étaient assurés par ses livres. Il écrivait donc
poussé à la fois par le désir de diffuser son savoir et par la nécessité économique. Il ne jugeait pas tous
ses ouvrages de la même valeur, mais nous ignorons le détail de ceux qui trouvaient ou non grâce à ses
yeux. L’anecdote est parfois racontée selon laquelle lors de la remise du « Prix Kon Wajirô » en 1977,
MIYAMOTO reprocha inexplicablement à ceux qui le décoraient d’accorder trop d’importance à ses
œuvres alimentaires, « du caca » selon lui188, sans préciser lesquelles.
En outre la collecte et le transport des objets destinés à constituer un fond d’objets ethnographiques
(sur lesquels nous reviendrons dans la seconde partie) furent assurés bénévolement avec le concours
des habitants (de Kuka notamment).
Du côté des financements extérieurs, le premier à citer est celui de son mentor SHIBUSAWA.
Disposant d’une importante fortune personnelle, il donnait ses directives et une enveloppe à son
protégé qu’il envoyait faire son terrain pour le compte de l’Achikku myûzeamu.
Par la suite, MIYAMOTO fut membre de sociétés savantes publiques. Elles financèrent certaines de
ses recherches.
Enfin, des sociétés privées firent appel à ses talents pour des missions ponctuelles rémunérées. (ex. :
188「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Dans son allocution lors de la réception du Prix Kon Wajirô, MIYAMOTO Tsunéichi eut les mots suivants : que s’il avait écrit beaucoup de phrases, c’était pour manger, et que cellesci étaient quelque chose comme sa crotte ».) « Miyamoto Tsuneichi chosaku mokuroku »「「「「「「「「「「 , (Nihon kankô bunka kenkyûjo 「「「「「「「「「 , 1988), cité dans SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 13, p. 309. Citation originale :「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Moi, pour bouffer, j’ai écrit des livres. C’est comme si vous, Mesdames et Messieurs, vous étiez en train de lécher la crotte qui s’est accumulée dans mon ventre. Dans la mesure du possible, j’aimerais que vous ne lisiez pas ce genre de choses »). Postface de KADZUKI Yôichirô 「 「 「 「 「 à Sora kara no minZokugaku de MIYAMOTO Tsunéichi, 2001, p. 233.
participation comme consultant à une série de documentaires pour la télévision suscitée).
Au final, il semble que MIYAMOTO ait essentiellement vécu de ses livres, les financements qu’il
recevait servant surtout à équilibrer les comptes à l’occasion de ses études de terrain.
2) les confrères et les groupes de recherchesMIYAMOTO, revenu de ses voyages le plus souvent solitaires, au moins jusqu’à la cinquantaine,
fréquentait de nombreux collègues et participait à un nombre surprenant de sociétés savantes.
- a. Les confrères :
Dans MinZokugaku he no michi (La voie vers la minZokugaku), qui fait un peu office de grande
introduction à son œuvre189, MIYAMOTO consacre un souschapitre aux prédécesseurs et confrères :
« Kenkyûsha to sono shuyô chosho » 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 (« Les chercheurs et leurs principales
publications »)190. Il y distingue trentedeux personnes191, dont il se contente de citer les œuvres
principales en listes brèves. Seul YANAGITA Kunio a droit à un traitement de faveur et au lieu des
deux ou trois lignes allouées à ses confrères, voit ses œuvres citées sur trois pages.
189 Ce n’est pas un hasard si cette œuvre fut choisie pour figurer dans le premier tome des Œuvres de MIYAMOTO aux éditions Miraisha (cf. Bibliographie en fin de volume).190 MinZokugaku he no michi, IIIe partie, chapitre I (« Nihon minZokugaku kankei ichiran »「「「「「「「「「「「(« Aperçu en rapport avec la minZokugaku »)) éd. Miraisha p. 143.191 Pour mémoire, voici la liste dans l(e dés)ordre de MIYAMOTO. Nous faisons figurer en gras les noms qui nous apparaissent comme importants : 1. ARUGAKI Saémon 「「「「「「 ; 2. INAMI Fuyû 「「「「 ; 3. Iwakura Ichirô 「「「「 ; 4. ORIKUCHI Shinobu 桧桧桧桧 ; 5. KODERA ?Yûkichi ? 「「「「 ; 6. OOMACHI Atsuzô 「「「「「 ; 7. GOTÔ Kôkichi 「「「「 ; 8. KON Wajirô 桧桧桧桧 ; 9. SAKURADA Katsutoku 「「「「 ; 10. SASAKI Kizen 「「「「「 ; 11. SAWADA Shirôsaku 「「「「「 ; 12. SEKI Keigo 桧桧桧 ; 13. SEGAWA Kiyoko 「「「「 ; 14. TAKAGI Toshio 「「「「 ; 15. TAKAHASHI Buntarô 「「「「「 ; 16. TAKEUCHI Toshimi 「「「「 ; 17. DEGUCHI Yonékichi 「「「「 ; 18. NAKAYAMA Tarô 「「「「 ; 19. NISHITSUNO’I Masayoshi 「「「「「 ; 20. NODA Tayoko 「「「「「 ; 21. HASHIRUA Yasuo 「「「「 ; 22. HAYAKAWA Kôtarô 桧桧桧桧桧 ; 23. HORI Ichirô 「「「 ; 24. MINAKATA Kumagusu 桧桧桧桧 ; 25. MIYANAGA Masamori 「「「「 ; 26. MIYAMOTO Seisuké 「「「「 ; 27. MATSUMURA Takéo 「「「「 ; 28. MOTOYAMA Keisen 「「「「 ; 29. YAMAMOTO Shô 「「「 ; 30. YAMAGUCHI Asatarô 「「「「「 ; 31. YANAGITA Kunio 桧桧桧桧 ; 32. WAKAMORI Tarô 「「「「「. Dans les souschapitres suivants, MIYAMOTO fera la liste des revues et des publications collectives.
Le nom de MINAKATA Kumagusu 宮 宮 宮 宮 (18671941)192 est heureusement cité. On attribue à
YANAGITA la création de la minZokugaku à partir des kokugaku 住 住 (études nationales) et des
ethnologies occidentales. Mais on oublie le rôle de précurseur que joua MINAKATA de huit ans son
aîné. MINAKATA avait commencé par étudier la biologie et avait fait des études en Angleterre et aux
EtatsUnis. Puis il avait étudié l’allemand, la botanique et la zoologie. Employé au British Museum, il
rédige de nombreux essais en anglais et en japonais. De retour au Japon, il étudie en même temps les
myxomycètes (sortes de moisissures) et ce qui allait devenir la minZokugaku193. Ses œuvres (par
exemple Jûnishi kô「「「「「「(Pensées sur les douze signes chinois), Minakata kanwa「「「「「「Conversations
familières de Minakata) furent assez lues de son vivant et marquèrent YANAGITA tout comme
SHIBUSAWA qui créa même en 1947 la Minakata sosaeti 「「「「「「「「「「 (Société Minakata) dont il fut le
président et qui organisa en 1951 la première exposition consacrée à MINAKATA.
En l’état actuel des recherches, on ignore si MIYAMOTO l’a rencontré, et toujours estil que son
influence est tangible, bien que probablement livresque, ne seraitce que grâce à SHIBUSAWA.
Rencontre manquée, qui sait ? Et c’est dommage, car que de points communs entre le jeune chercheur
et le vieux défricheur, plus qu’avec le pontifiant YANAGITA et l’autoritaire SHIBUSAWA. Trop
semblables peutêtre… Qui sait si MIYAMOTO en aurait été aussi stimulé qu’il le fut par les deux
personnalités suscitées, probablement plus fortes. Peutêtre avaitil justement besoin de ces hommes
forts pour lui fournir un cadre, des règles, quitte à les transgresser dans la maturité (interdiction du
voyage à l’étranger notamment).
α. ORIKUCHI Shinobu 、、、、194 :
(18871953) Cet auteur, qui lui non plus n’a guère fait l’objet d’études en langue française, s’est
intéressé à l’étude des contes tout autant qu’à celle de la langue ellemême et de la littérature
classique, dans le droit fil des kokugakusha 「「「 (spécialistes des études nationales).
MIYAMOTO divise son œuvre en six parties :
1/ les transmissions périodiques (shûki denshô 住 住 住 住 ) : évènements saisonniers cérémoniels (nenchû
gyôji 住住住住) ;
192 Pour plus de précisions, nous renvoyons à TSURUMI Kazuko 「「「「 , Minakata Kumagusu, Chikyû shikô no hikakugaku「「「「「「「「「「「「「「「 (Minakata Kumagusu : Comparatisme des tendances du globe), Tôkyô, Kôdansha gakujutsu bunko, 1981, rééd. 2004, 318 p..193 Il noua même de cordiales relations avec SUN Yatsen 「「「 (vrai nom : SŪN Wén 「「) (18661925) alors en exil au Japon. Ils correspondaient en anglais.NAKASE Hisaharu 「「「「 & HASEGAWA Kôzô 「「「「「, Minakata Kumagusu arubamu「「「「「「「「「「(Album Minakata Kumagusu), Tôkyô, Yasaka shobô, 2004, 200 p.. Voir en particulier les p. 6869.194 Qu’on veillera à ne pas confondre avec HORIGUCHI Daigaku 「「「「 (18921981) (poète, spécialiste de littérature française et traducteur), comme l’avait fait un jour une interprète à cause de la ressemblance phonétique des deux noms de famille.
2/ les transmissions d’évènements cérémoniels de la vie (gyôji denshô 住住住住) : cérémonie de majorité,
mariage et funérailles (kankonsôsai 住住住住) ;
3/ les transmissions de mots (gengo denshô 住住住住) : chants (kayô 住住), incantations (tonaegoto 住住住住), récits
(katarimono 住住住) ;
4/ les transmissions de comportement (kôdô denshô 住 住 住 住 ) : actes dus au hasard, comportements de
réaction (gûzenteki.handôteki kôi 住住住住住住住住住) ;
5/ les transmissions plastiques (zôkei denshô 住 住 住 住 ) : qui concernent l’architecture et les objets
subordonnées (teshita mono 住住住) etc. ;
6/ les transmissions artistiques (geijutsu denshô 住住住住) : musique, danse (buyô 住住).195
MIYAMOTO ne manque jamais de le citer parmi les auteurs qu’il estime importants, pourtant, il est
un de ceux qu’il commente le moins. Peutêtre n’atil simplement rien à rajouter aux recherches sur la
foi populaire et les contes dans lesquelles son contemporain s’est illustré, domaines et approche plus
abstraits que ceux que traitait MIYAMOTO, davantage liés à la vie matérielle et sociale. Lorsqu’il
arrivait à MIYAMOTO de parler de religion196, ce n’était jamais pour se livrer à des analyses
anthropologiques, mais davantage pour décrire le phénomène dans sa matérialité (Histoire du culte,
manifestations matérielles, objets du culte, étymologie des termes utilisés etc.).
Les recherches d’ORIKUCHI sur la mythologie197 sont aujourd’hui encore estimées par des
ethnologues et anthropologues de renom comme TANIGAWA Ken’ichi qui étudia aussi l’œuvre de
YANAGITA, notamment dans le cadre de ses recherches sur l’Autre monde198.
Quant à son œuvre de poète, elle fascine toujours au point qu’un poète contemporain, YOSHIMASU
Gôzô 住住住住 (né en 1939), organisa même une série de conférences199 pour présenter sa pensée.
β. HIMEDA Tadayoshi 、、、、 :
(Né en 1928) La collaboration avec le jeune documentariste nécessite une réflexion particulière. Nous
en parlerons donc dans la partie consacrée à MIYAMOTO Tsunéichi et l’image.
γ. AMINO Yoshihiko 、、、、 :
195 MinZokugaku he no michi, p. 57.196 Et, à l’échelle de l’œuvre de MIYAMOTO, un thème secondaire représente tout de même plusieurs centaines de pages. 197 Par exemple dans Kodai kenkyû 「「「「「「 (Recherches sur l’Antiquité).198 TANIGAWA Ken’ichi 「 「 「 「 , Tokoyoron 「 「 「 「 「 (De l’Autre monde), Tôkyô, Kôdansha gakujutsu bunko, 1ère éd. 1989, 286 p..199 YOSHIMASU Gôzô fit d’ailleurs deux interventions à l’Université Jean Moulin Lyon III.
(19282004) Encore inédit en français, l’historien ayant réalisé et porté presque seul la rénovation de
l’Histoire était une personnalité de premier plan qui comprit très vite que MIYAMOTO Tsunéichi
n’était pas un folkloriste comme les autres et que son parcours non académique n’entravait en rien sa
crédibilité de chercheur. Il fut particulièrement sensible à sa manière sincère de présenter ses
recherches, à la transparence avec laquelle elles étaient conduites et à ses illuminations scientifiques
tardives sur l’origine des Japonais, telles qu’elles figurent dans son œuvre inachevée : Nihon bunka no
keisei et qui seront présentées en détail dans la deuxième partie de cette étude.
Mais reprenons depuis le début. AMINO Yoshihiko part d’un constat : les historiens ne font l’Histoire
que des forts, c’est à dire les guerriers, les nobles de Cour et les dignitaires religieux. La masse
restante des Japonais n’a jamais fait l’objet d’études historiques spécifiques. Devant l’énormité de la
tâche, car c’est avec lui que tout commence, il décide de cibler son domaine de recherches : ce sera la
ville.
Les deux hommes se rencontrèrent au Nihon jômin bunka kenkyûsho (Centre de recherches sur les
cultures populaires du Japon)200 aprèsguerre, mais leurs échanges n’avaient rien à voir avec le contenu
de leurs recherches et AMINO, de vingtetun ans le cadet de MIYAMOTO, ne chercha pas à s’y
intéresser à ce momentlà, malgré les bons échos qu’il en avait par des collègues communs201. Sa
découverte de l’univers intellectuel miyamotien fut donc entièrement livresque, comme il l’écrit lui
même, non sans regret202. Mais une fois entré dans cette œuvre, AMINO n’en ressortira plus. Il fut
particulièrement influencé par l’importance que MIYAMOTO accordait aux mingu (objets
ethnographiques populaires traditionnels)203 sur lesquels nous reviendrons plus en détail dans la
seconde partie et intégra l’étude des mingu à son Histoire, confirmant ainsi l’existence d’un pont entre
les deux disciplines.
MIYAMOTO, de son côté, lisait les publications de l’historien et le cita à quelques reprises dans ses
oeuvres avec un grand respect.
200 Nihon jômin bunka kenkyûsho 「「「「「「「「「 : ancien Achikku myûzeamu 「「「「「「「「「「「 (Musée des greniers) fondé par SHIBUSAWA Keizô.201 AMINO Yoshihiko, « Shitadzumi no sekai ni sosogareta me »「「「「「「「「「「「「「「(« Un regard jeté sur un monde subalterne »), in Asahi shimbun, Tôkyô, 3 février 1981, éd. du soir, repris dans Miyamoto Tsuneichi – Dôjidai no shôgen, mai 1981, rééd. Matsuno shoten, jan. 2004 et dans SANO Shin’ichi (dir.), Miyamoto Tsuneichi : Tabi suru minZokugakusha, Tôkyô, 2005, p. 28.202 AMINO Yoshihiko, « Shitadzumi no sekai ni sosogareta me », p. 28.203「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「(« TANIGAWA : SHIBUSAWA, MIYAMOTO et AMINO dont je parle estimaient les mingu (objets ethnographiques populaires) et ce genre d’« objets » et les étudiaient par ailleurs, mais YANAGITA et ORIKUCHI, sans se préoccuper d’une quelconque façon des mingu, traitaient alors de l’anima, de l’âme etc., de ce que l’œil ne peut voir et des mots. ») TANIGAWA Ken’ichi s’entretenant avec SANO Shin’ichi, in SANO Shin’ichi (dir.), Miyamoto Tsuneichi / Tabi suru minZokugakusha, p. 69.
Ce ne sera pas sans satisfaction qu’AMINO verra MIYAMOTO s’intéresser à la campagne et la traiter
en partie en historien. A elles deux, leurs œuvres se complètent admirablement et offrent un panorama
quasiment exhaustif de l’Histoire japonaise, qui plus est presque contemporain.
Survivant vingtans à MIYAMOTO, AMINO aura le temps d’écrire un livre204 consacré au chef
d’œuvre de MIYAMOTO, Wasurerareta Nihonjin205 (dont le chapitre sur le « Tosa Genji » 住住住住住住(« Le
Genji206 de Tosa ») lui avait fait une forte impression). Il lui avait déjà consacré un chapitre de son
ouvrage Chûsei saikô207 (Repenser le MoyenAge) résumant sans ambiguïté la place essentielle que
l’œuvre de MIYAMOTO occupa dans son choix de carrière :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「208
(« Concernant mes théories méthodologiques en Histoire, si je n’avais pas rencontré M. MIYAMOTO,
je n’aurais absolument pas pu les bâtir. »)
- b. Les groupes de recherche et de réflexion et autres sociétés savantes.
Il est difficile de faire le compte de toutes les sociétés savantes dont MIYAMOTO fut membre209. Leur
grand nombre laisse penser qu’il ne pouvait nécessairement pas assister à toutes leurs réunions.
Certaines semblent cependant se dégager des autres : celles où MIYAMOTO se signala, voire
s’illustra, lorsqu’il ne fut pas carrément leur fondateur. Nous y reviendrons par la suite, mais la
carrière de MIYAMOTO peut être divisée en trois activités : le terrain, la rédaction, et la participation
à des sociétés ayant pour but de faire avancer les choses. C’est en effet ce qui peut gêner ou
enthousiasmer chez lui : sa participation, en tant qu’enquêteur sur place (observation participante) ou
en tant que membre d’une société savante, à des activités ayant une incidence volontaire sur le milieu
étudié. Lui même l’écrit ainsi :
204 AMINO Yoshihiko, « Wasurerareta Nihonjin » wo yomu 「「「「「「「「「「「「「 (Lire Les Japonais oubliés), Iwanami shobô 「「「「, Tôkyô, 2003, 229 p..205 Ouvrage sur lequel nous reviendrons en détail plus loin.206 Genji fait bien sûr référence au héros éponyme de MurasakiShikibu dans son roman Genji monogatari 「「「「「「 (Le dit du Genji), publié aux puf dans la traduction de René SIEFFERT. Dans ce contexte, ce surnom signie « séducteur », « Don juan ».207 Chûsei saikô 「 「 「 「 「 「 (Repenser le MoyenAge), Tôkyô, 1ère éd. en volume, Kôdansha gakujutsu bunko, 2000, rééd. 2004. MIYAMOTO est traité au quatrième et dernier chapitre, p. 224259.208 Cité par SANO Shin’ichi dans un entretien avec TANIGAWA Ken’ichi, in SANO Shin’ichi (dir.), Miyamoto Tsuneichi / Tabi suru minZokugakusha, p. 69. 209 Nous en citons la plupart au fur et à mesure dans notre chronologie bibliographique en fin de volume dans les annexes..
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「210
(« Si l’on marche parmi les paysans, qu’on vit avec eux, on en vient à utiliser des méthodes différentes
de celles des études de terrain que réalisent les savants. Et, on ne laisse, d’une part, de se dire qu’on va
être leur porteparole et, d’autre part, qu’on va prêter l’oreille à leurs propos. »)
Nous reviendrons précisément sur cette question dans le chapitre suivant.
Il serait fastidieux et de peu d’intérêt de traiter en détail de chacune des sociétés211. Aussi avonsnous
choisi quelques exemples qui nous ont paru manifestement plus importants.
α Les associations fondées par MIYAMOTO :
La Kôshô bungaku no kai 桧桧桧桧桧桧 (Société de littérature orale) que fonde MIYAMOTO rencontre un
petit succès local. MIYAMOTO y publie presque seul et avec des moyens de fortunes sa revue Kôshô
bungaku (Littérature orale), expression qui sera reprise par YANAGITA et ensuite par toute la
minZokugaku.
On citera aussi le Deku no bô kurabu 宮 宮 宮 宮 宮 宮 宮 宮 (Club des poupées de bois et, par extension, des
nigauds) (1963), la Société de découverte du Japon (Nihon hakken no kai 宮宮宮宮宮宮) (même année) et la
Société d’étude des objets populaires traditionnels du Japon (Nihon mingu gakkai 宮宮宮宮宮宮) (1975).
Par ailleurs, rappelons qu'avec l’« Association des montreurs de singes de Suô » (Suô sarumawashi
no kai 住住住住住住住住) et l’Ondekoza 宮宮宮宮 [宮宮宮] 宮, toujours actif de nos jours, il redonne vie à deux activités,
l’une disparue (les montreurs de singes) et l’autre sur le point de l’être (les concerts de tambours
traditionnels).
Avec l’aide de deux autres chercheurs (ASANOYAMASHINA Yoshimasa 住住住住住住 et TAKEDA Akira
住住住 de la Tôsho shakai kenkyûkai 住住住住住住住 (Société de recherches sur la société des îles grandes et
petites)), il fonde enfin la Zenkoku ritô shinkô kyôgikai 宮宮宮宮宮宮宮宮宮 (Commission de concertation pour
le développement des îles éloignées dans tout le pays) dont il est le chef de bureau bénévole (bien
qu’on lui ait proposé un salaire)212.
Enfin, nous ne saurions passer sous silence la création en 1980, sur la base du bénévolat, de la Tôwa
chô kyôdo daigaku 宮宮宮宮宮宮宮 (Université du terroir du district de Tôwa) destinée à l’édification du grand
public de province, et ce à Suô Ooshima, l’île natale de MIYAMOTO. Celuici résume ainsi les buts
de cet établissement :
210 MinZokugaku no tabi, chap. 12, p. 154. 211 Pour trouver une mention presque exhaustive de ces sociétés, nous renvoyons à la chronologie biographique figurant en annexe.212 SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 12, p. 298.
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「[「「「「]「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「[「「「「]「213
(« [L’Université du terroir était] l’occasion et l’établissement où, en vivant dans le terroir (kyôdo), en
apprenant du terroir, et en étudiant là en même temps, on aurait des idées profondes et un champ de
vision élargi, et l’on étudierait comment devrait être à l’avenir le terroir, ce que nous devrions faire, [et
c’était] quelque chose dont le but était de rechercher les formes que devrait avoir le terroir de demain,
et de tenter de les réaliser ».)
Fermée un an après la mort de son créateur, elle rouvrira ses portes en 2003 (cf. annexes) et continue
son activité de nos jours (en 2007).
β Les groupements des maîtres :
La Minkan denshô no kai 桧 桧 桧 桧 桧 桧 de YANAGITA Kunio à ses débuts ne comptait que quatorze
membres (dont notamment OKA Masao, HASHIURA Yasuo et SAKURADA Katsutoku), mais elle
grandit très vite pour prendre des proportions et une influence importantes. Très active, elle organise
cours et conférences. Son organe est Minkan denshô, qui sert de tremplin à de nombreux disciples de
YANAGITA pour faire connaître leurs travaux, mais aussi de tribune idéologique patriotique pour
YANAGITA luimême, où il peut affirmer sous une pluie d’éloges que le peuple japonais est
ethniquement homogène et est investi d’une mission unique etc.. D’abord de format journal, la revue
passe en 1943 à un format plus petit, de type magazine qui en permet la conservation et revoit sa
politique pour plus de sérieux.
213 SANO Shin’ichi, FUJIMOTO Kiyohiko 「 「 「 「 , USU’I Takumi 「 「 「 , KO’IZUMI Bon 「 「 「 et TATEMATSU Wahei 「「「「, Miyamoto Tsuneichi no messêji : Suô Ooshima kyôdo daigaku kôgiroku「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (Le message de Miyamoto Tsunéichi : Cours de l’Université du terroir de Suô Ooshima), Kôbé, Mizunowa shuppan, 2007, 116 p., texte de NIIYAMA Norio 「「「「 en annexe « Kyôdo daigaku funsenki »「「「「「「「「「(« Chronique du courageux combat de l’Université du terroir ») , p. 104, et plus particulièrement p. 105.
L’Achikku myûzeamu 宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮214 (Musée des greniers) renommé pendant la guerre le Nihon jômin
bunka kenkyûsho 住住住住住住住住住 (Institut de recherches sur les cultures populaires du Japon) à cause de
pressions de l’administration et des militaires pour supprimer ce nom d’origine anglaise (Attic
Museum) : fondé par SHIBUSAWA en 1921 dans une aile de sa maison et pour son seul plaisir, il
commença réellement à servir de lieu d’étude à partir de 1925 avec un projet de recherches sur les
vieux jouets. Il continua d’être un lieu d’études où le riche homme d’affaires et sponsor accueillait et
guidait de jeunes chercheurs (FUJIKI Yoshihisamaro 住住住住住 ; HAYAKAWA Kôtarô 住住住住住), le plus jeune
n’ayant que dixhuit ans, chercheurs de tous horizons (puisqu’on trouvait même parmi eux un jeune
Aïnou, CHIRI Mashiho 住住住住住 (19091961) qui devait plus tard faire parler de lui par l’excellence de
son travail sur la langue de ses ancêtres) (cf. photo suivante. MIYAMOTO est au premier rang, au
centre). Les recherches qui suivirent furent consacrées aux villages de pêcheurs, d’où le conseil de
SHIBUSAWA lorsqu’il proposa à MIYAMOTO de travailler pour lui. MIYAMOTO intégra le musée
en octobre 1939 et en resta membre jusqu’à la fin 1943.
Les objets recueillis au cours des études de terrain étaient stockés, classés, ainsi que les documents
écrits recueillis ou rédigés par les ethnographes. Enfin, le musée faisait aussi office de petite maison 214 Dans les tous premiers temps, le musée s’appelait « Atikku myûzeamu sosaeti » 「「「「「「「「「「「「「「「「 (Société du Musée des greniers). SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 9, p. 184.
d’édition qui publiait au fur et à mesure brochures et livres, fruits de ses activités. C’est par ce biais
que furent publiés les cinq premiers livres215 de MIYAMOTO tirés à 300 exemplaires et qui ne se
vendirent quasiment pas216. Quelques uns furent distribués à d’autres chercheurs (SEKI Keigo par
exemple), le reste stocké. MIYAMOTO reconnaît volontiers que tous les textes publiés par le musée
n’étaient pas tous de la même valeur217, que certains n’étaient pas achevés, mais c’était cette activité
sans contrainte qui permettait une recherche plus libre qu’ailleurs. Du reste, il donne ensuite une liste
des ouvrages les plus réussis.
A partir de 1932, le musée édite ses revues, Dorumen 住住住住住住 (Dolmen) et Shima 住住住住 (Iles). C’était trois
ans avant que ne soit lancée la revue des disciples de YANAGITA, Minkan denshô 住住住住住住, à l’occasion
du soixantième anniversaire du maître, revue qui connaîtra une longue carrière. Dorumen n’aura pas
cette chance et ne durera pas plus de quatre ans.
Ces associations des deux maîtres de MIYAMOTO ne sauraient faire oublier la multitude de sociétés
savantes qui sont créées avant, pendant et après la guerre, prenant les formes et les dimensions les plus
diverses.
γ Les sociétés associatives de recherche :
Ces sociétés de recherche, sans doute les plus nombreuses, peuvent s’inscrire soit dans un programme
officiel, soit dans le cadre d’un projet local universitaire ou simplement associatif. Dans certains cas,
la frontière est floue entre association locale de chercheurs et amateurisme bien intentionné
(ethnographes dilettantes).
Parmi elles, citons par exemple le Comité du Ministère de l’agriculture et des forêts pour la
sauvegarde des documents sur l’eau (Nôrinshô suisan shiryô hozon iinkai 住住住住住住住住住住住住), le Groupe de
recherches synthétiques sur les relations humaines (Ningen kankei sôgô kenkyûdan 住 住 住 住 住 住 住 住 住 ) de
l’Université de Nagoya 住住住住住 , la Commission d’études de terrain du Comité pour la conservation des
biens culturels (Bunkazai hogo iinkai Chôsa iin 住住住住住住住住住住住…
Mais de toutes les sociétés, la plus puissante était sans conteste la Tokunô kyôkai 住住住住 (Association
d’agronomie) (19331945) de YASUOKA Masahiro*. Forte en membres et en argent, c’était un
important réseau de solidarité et surtout un vecteur d’informations qui répertoriait tous les
propriétaires terriens pour les faire participer à l’effort de guerre avec le maximum de productivité.
Dissoute en 1945, elle est remplacée par la Shinjichi kyôkai 「「「「「 (Association pour une nouvelle
autonomie) qui œuvre à la reconstruction des campagnes (où elle organise des conférences
215 Suô Ooshima wo chûshin to shitaru umi no minZokushi (1936), Kawachikoku Takihata Sakon Kumata okina kyûjidan (1937), Izumo Yatabagun Katakuura minZoku bunsho (1942), Yoshino Nishioku minZoku saihôroku (1942) et Yakushima minZokushi (1943). 216 SANADA Yukitaka, Miyamoto Tuneichi no densetsu, chap. 1, p. 1213.217 MinZokugaku he no michi, [chap. II], 4, p. 109.
d’agronomie patriotiques) et à l’approvisionnement des villes en denrées alimentaires de base. Ces
deux sociétés ont fourni à MIYAMOTO les noms et coordonnées de nombreux propriétaires terriens et
chefs de village qui sont devenus ses informateurs privilégiés et les relais nécessaires pour annoncer et
concourir à l’organisation de ses conférences d’agronomie dans l’immédiat après guerre.
δ Les sociétés savantes concourant aussi à un but commercial :
Sous cette appellation barbare, nous réunissons tous les groupes, associations ou sociétés
commerciales pratiquant la recherche afin de servir les intérêts financiers de groupes ou
d’administrations, qu’ils en en dépendent ou qu’ils les aient comme clients. Ce rôle, qui peut alors se
rapprocher de l’expertise privée (et l’on peut supposer que le fait d’en être membre supposait une
petite rémunération218), n’est pas nécessairement incompatible avec l’exigence scientifique. Parmi eux,
citons par exemple le Laboratoire de recherches sur les villages agraires (Nôson kenkyûshitsu 住住住住住),
la Société d’études de terrain du crédit de la sylviculture (Ringyô kin’yû chôsakai 住住住住住住住), ou encore
la Société d’études de terrain du crédit sylvain (Ringyô kin’yû chôsakai 住住住住住住住).
ε Bilan : les rapports des sociétés savantes entre elles :
C’est un petit monde où, même si l’on ne s’est pas rencontré, on se connaît. Les savants forment grâce
à elles des réseaux qui s’entrecroisent et s’échangent informations, publications et chercheurs. Très
politisées dans les années 1933 à 1946, au point qu’aucune ne peut survivre sans faire la preuve (par le
verbe tout au moins) de son dévouement au régime, ces sociétés ne sont guère différentes dans leur
fonctionnement concret de celles d’aujourd’hui, l’informatique en moins, bien sûr. Le mandarinat s’y
pratique le plus souvent, avec un maître fondateur qui dicte la ligne idéologique, méthodologique et
épistémologique, des administrateurs et des chercheurs, organisés en un modèle pyramidal aussi
hiérarchisé qu’une entreprise ou que l’armée. En dehors des structures dépendant des universités, les
diplômes n’y sont pas exigés, même s’ils jouent un rôle dans la hiérarchie et la crédibilité de la société
savante face aux autres sociétés. C’est aussi ce qui fait que de nombreux minZokugakusha de cette
époque sont, encore aujourd’hui, méprisés par les chercheurs universitaires.
Bref, c’est dans cette période d’effervescence intellectuelle, où une science nouvelle se formait et
s’affirmait, que MIYAMOTO va évoluer, tour à tour homme de terrain exhaustif et auteur prolifique,
mais exigeant.
218 A l’inverse de l’association qui comporte peu d’employés rémunérés, voire aucun, et demande plutôt à ses membres une cotisation, même modique.
II (Chapitre II) : Le travail de MIYAMOTO
Tout travail ethnologique suppose plusieurs phases, comme nous l’avons annoncé dans
l’introduction : une phase ethnographique de travail de terrain, de prise de notes, et de rédaction, et
éventuellement une phase ethnologique d’analyse plus poussée et conceptuelle. Après avoir présenté
la méthode et les principes qui la guidaient (A), nous tenterons de cerner les intentions de fond de
MIYAMOTO (B) en rapport avec son sujet d’études, lequel fera l’objet de la deuxième partie de ce
travail.
A/ Le travail de terrain et le travail de rédaction
La vie de MIYAMOTO fut toute entière consacrée au travail de terrain (1) ainsi qu’à la rédaction de
ses articles et de ses livres. A la différence de ses maîtres YANAGITA et SHIBUSAWA qui ne firent
ce travail de terrain que dans leur jeunesse, MIYAMOTO y consacra sa vie entière, observant par lui
même les changements rapides que connut le Japon après la guerre. La rédaction (2) fut quasiment
concomitante à cette activité ethnographique de base.
1) le travail de terrain (firudo.wâku)Le travail de terrain suppose un certain « attirail » (a) et se fonde sur des principes et une méthode
(b).
– a. La tenue et le matériel
Afin de mieux comprendre l’apport de MIYAMOTO au travail de terrain, nous allons tenter une
comparaison de sa tenue avec celle de son prédécesseur YANAGITA (α). Dans un deuxième temps
nous parlerons de l’œuvre photographique de MIYAMOTO (β).
α. La tenue de MIYAMOTO Tsunéichi comparée à celle de YANAGITA Kunio
En 1978, MIYAMOTO se décrit ainsi à 28 ans (1935) :
、、、、、、、、「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「219
219 MinZokugaku no tabi, chap. 9, p. 104 de l’éd. Kôdansha gakujutsu bunko.
(« Avec mon blouson noir, je portais des rangers, un chapeau sportif bleu marine à bord tout autour et
un sac à dos. A mon sac était ficelé un parapluie à l’occidentale. Cette allure évoquait celle des
apothicaires ambulants de Toyama, aussi s’y méprenaiton. »)
En 1960, il donnait une définition plus précise de lui en 1940 (33 ans). La encore, son interlocuteur le
prend pour un apothicaire de Toyama. Voici comment il décrit sa « bimbôkusai shitaku »住住住住住住住住住
(tenue qui sentait la pauvreté) :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「220
(« Je portais mon blouson en synthétique, un pantalon en velours côtelé, avec des jambières, des
espadrilles, un chapeau de feutre noir et un sac à dos sale, aux lanières duquel j’avais suspendu un
parapluie à l’occidentale. Assurément, c’était une mise d’apothicaire, mais pour un apothicaire, mes
vêtements étaient un peu trop fatigués. Si je continuais à marcher encore deux mois environ, mes
espadrilles allaient se déchirer. C’est dans ce genre de tenue qui empestait la pauvreté que j’étais à
mon aise »).
En 1978, il décrit le jeune (33 ans) YANAGITA Kunio de 1908 :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「221
(« Le maître portait un hakama (jupeculotte traditionnelle) Sendaihira222 à blason et, dans cet
équipage, avec ses socquettes (tabi) blanches, il passa le col de Nakayama et entra dans Shiiba. Le
maire NAKASE qui était allé l’accueillir jusqu’au sommet du col s’étonna de cette tenue du maître,
alors qu’il était courant que, comme tenue de voyage, un fonctionnaire portât des guêtres sur un habit
occidental. »)
L’année suivante, il évoque à nouveau le jeune YANAGITA en citant cette fois textuellement les
paroles de NAKASE :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「223
220 Wasurerareta Nihonjin, chap. [13] (« Moji wo motsu denshôsha (ni) » 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 (« Les transmetteurs de traditions (II) »)), p. 284 de l’éd. Iwanami bunko.221 Minzokugaku no tabi, chap. 10, p. 111112.222 Type de hakama haut de gamme.223 « Yanagita Kunio no tabi » 「 「 「 「 「 「 「 「 (« Les voyages de YANAGITA Kunio »), essai extrait de l’ouvrage collectif sous la direction de BOKUDA Shigeru 「 「 「 : Hyôden Yanagita Kunio 「 「 「 「 「 「 「 「 (Yanagita Kunio, un biographie critique), Nihon shoseki 「「 「「 , juill. 1979, repris dans l’ouvrage de SANO Shin’ichi Miyamoto Tsuneichi Tabi suru minzokugakusha (cf. bibliographie), 2005, p. 93.
(« A cette époque, il n’y avait presque pas de bureaucrate du centre à venir visiter la montagne. Mais,
ayant reçu de la préfecture un télégramme nous annonçant la venue d’un conseiller du Bureau de
législation, les gens du village s’étonnèrent. Jusque là, lorsqu’un petit fonctionnaire du département
arrivait, il était fréquent qu’il portât des
jambières sur un habit occidental et des sandales de paille. Dans quel genre de tenue le conseiller
viendraitil ? : la question se posa, mais quoi qu’il en fût, il fut décidé qu’on couperait les herbes qui
bordaient le chemin et que des employés subalternes et toute personne intéressée iraient à sa rencontre
jusqu’en haut du col de Nakayama à l’entrée du village, en haori (vêtement traditionnel de dessus
« habillé ») et hakama.
Lorsqu’ils virent la personne qui, parti d’en bas, venait de gravir le col et attendait là, c’était
un jeune homme de qualité (kikôshi), qui pourtant portait un hakama Sendaihira à blason, avec des
socquettes blanches : ce n’était pas une tenue de voyage. Nous en étions complètement stupéfaits. »)
Puis MIYAMOTO ajoute, en ses propres termes, mais toujours d’après témoignage :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「224
(« Généralement, il était flanqué de porteur(s) de bagages et une ou deux personnes
l’accompagnaient : ce n’était pas un voyageur ordinaire ».)
224 SANO (2005), p. 94.
On voit bien à quel point MIYAMOTO Tsunéichi se distingue de son prédécesseur par la modestie de
sa mise (due en partie à sa pauvreté réelle)225, ce qui ne l’empêchait pas, bien sûr, de porter le costume
une fois rentré de voyage, lorsqu’il pratiquait son métier d’enseignant ou de conférencier. SANO
Shin’ichi résume la comparaison en parlant de voyage en « socquettes blanches » (shirotabi 住住住) pour
YANAGITA et en « espadrilles de chantier » (jikatabi 住住住住) pour MIYAMOTO226.
Plus important est le matériel photographique, ce qui nous amènera par voie de conséquence à évoquer
les relations de MIYAMOTO avec la vidéo.
β. Le matériel – MIYAMOTO Tsunéichi et la photographie – MIYAMOTO Tsunéichi et la vidéo
MIYAMOTO fut, pour les besoins de ses études de terrain, photographe occasionnel (au sens de non
professionnel) mais, s’il entretint des relations professionnelles avec le réalisateur HIMEDA
Tadayoshi, il ne fut pas lui même réalisateur.
L’appareil photo, les carnets. Le matériel de MIYAMOTO Tsunéichi est visible au Bunka kôryû sentâ qui se charge de conserver les
documents relatifs à son œuvre.
225 SANO Shin’inchi a pu consulter ses livrets de dépôt et confirme la pauvreté de celui qui disait ne pas avoir eu (suffisamment) à manger avant cinquante ans. (SANO Shin’ichi, Miyamoto Tsuneichi no manazashi「「「「「「「「「「「 (Le regard de Miyamoto Tsunéichi), Kôbé, Mizunowa shuppan, 2003, 207 p., chap. I, 4, p. 38.)226 SANO Shin’ichi, Miyamoto Tsuneichi no manazashi, chap. II, 4, p. 85.
C’est avec un appareil Olympus, modèle Pen S half size, et avec un reflex Canon à objectif
monoculaire (cf. photo) que MIYAMOTO Tsunéichi prit toutes ses photographies, que le même centre
conserve et met en grande partie à disposition sur Internet grâce à son site des plus complets227. La
plupart de ces photographies ont servi a illustrer la monumentale édition du Journal de MIYAMOTO
Tsunéichi (2005). Elles couvrent sans interruption une période qui s’étend de 1945 à 1981 (année de la
mort de l’ethnographe). De plus,elles représentent un témoignage historique irremplaçable sur tous les
thèmes qui ont occupé MIYAMOTO Tsunéichi (habitat, métiers, objets, transports, jeux, foi populaire,
paysage agricole etc.), et si de son vivant elles furent loin d’être toutes publiées, leur auteur ne doutait
pas qu’elles deviendraient un jour de précieuses archives.
Du point de vue esthétique, aucune recherche ne semble avoir guidé l’ethnographe, ni pour ce qui est
de l’angle ou du cadrage, ni pour ce qui est de l’éclairage ou de la recherche de l’émotion ou du
pittoresque. MIYAMOTO Tsunéichi prenait autant de clichés que lui permettait son budget, tout au
long de ses études de terrain, sans faire poser ses « modèles », les photographiant souvent à leur insu
pendant leurs occupation du moment228. Cette attitude contraste fortement avec une certaine tendance
du photojournalisme (de l’époque tout du moins) recherchant justement le côté « photogénique » des
scènes, ce à quoi MIYAMOTO Tsunéichi était plutôt indifférent, voire réticent. Dans son travail de
terrain, il ne se voyait pas comme un créateur, encore moins comme un artiste, et ne se serait pas
permis de rechercher un « point de vue » : c’eût été par trop s’impliquer et courir le risque d’une une
vision trop subjective. En fait, il chercha simplement et uniquement à rendre compte de ce qu’il avait
immédiatement sous les yeux. Ainsi écritil :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「229
(« Je n’ai fait que prendre ce qu’on ne doit pas oublier. Mais si elle prend trente mille clichés, on
devrait comprendre ce qu’une personne a vu de la nature et de la culture, et ce qu’elle a cherché à
ressentir. »)
Si de la beauté se dégage de ces photos, elle vient de leur sujet brut, et donc certainement pas d’une
quelconque intention de leur auteur de mettre quoi que ce soit en valeur. La minZokugaku n’a aucune
finalité esthétique, ce qui ne l’empêche pas d’étudier l’évolution des conceptions esthétiques elles
mêmes, ou d’utiliser des objets d’Art à des fins ethnologiques, comme les rouleaux peints (emakimono
住住住) pour y dénicher les éléments populaires qu’ils recèlent (Emakimono ni miru minZokugaku).
227 « Miyamoto Tsuneichi dêtabêsu » 「「「「「「「「「「「「(« Banque de données MIYAMOTO Tsunéichi »), cf. Annexes.228 SANO Shin’ichi parle de « photos datées » (hidzuke ga aru shashin 「 「 「 「 「 「 「 ) non pas au sens péjoratif, mais pour dire qu’elles représentent un moment historique précis de la vie des gens.SANO Shin’ichi, Miyamoto Tsuneichi no manazashi, chap. II, (3), p. 7879.229 D’après une postface citée par SATAO Shinsaku, op. cit., p. 200.
ITÔ Kôji, photographe qui participa au voyage en Afrique aux cotés de MIYAMOTO, et qui fut
employé à classer les nombreuses photos prises par MIYAMOTO, dispose d’un recul qui lui permet à
la fois de les inventorier, de les situer dans le temps et de décrire les conditions dans lesquelles elles
ont été prises. Ainsi remarquetil une tendance à prendre les photos d’assez loin et à photographier les
gens de dos230 de même qu’il observe une importante différence entre les clichés pris avant la guerre,
et ceux pris après. Ceux d’avantguerre sont plus souvent lisibles. Ils représentent les vieillards, les
villages etc. alors qu’après la guerre apparaissent des clichés souvent pris à bord d’un train en marche
et de ce fait flous et inexploitables231. Les premiers, ainsi que ceux pris aprèsguerre, mais de la même
manière, étaient réalisés en sachant qu’ils pouvaient éventuellement être publiés, alors que les seconds
ne devaient servir que d’aide mémoire, de document de travail et n’étaient pas destinés du tout à la
publication.
MIYAMOTO ne nous a laissé qu’un seul texte (et très court qui plus est) présentant ses réflexions sur
sa manière de faire de la photographie ethnographique. Alors qu’on aurait pu s’attendre à ce qu’il
figure dans une de ses œuvres majeures – son ouvrage introductif (MinZokugaku he no michi), sa
biographie (MinZokugaku no tabi) ou son essai théorique (Mingugaku ne teishô) – c’est dans la
postface du premier tome de Watashi no Nihon chizu, Tenryûgawa ni sotte232, qu’il le fait. Si à
première vue ce choix peut sembler étrange, il est en réalité tout à fait explicable : en effet, la série
230 ITÔ Kôji, interviewé par SATAO Shinsaku, in Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, chap. 5, p. 207.231 SANO Shin’ichi remarque d’ailleurs une augmentation croissante de la vitesse des moyens de transports desquels étaient prises les photographies : d’abord bateau dans les années 194554, puis train (195564), voiture (196574), enfin avion (197581).SANO Shin’ichi, Miyamoto Tsuneichi no manazashi, chap. II, (3), p. 79.232 Tôkyô, Dôyûkan 「「「, 1967. L’ouvrage est à l’heure actuelle indisponible, en attente d’une réédition dans les Œuvres.
Watashi no Nihon chizu (cf. photo) est à l’époque une entreprise unique dans la minZokugaku et qui
aujourd’hui encore n’a pas été répétée avec autant de brio. Après l’établissement de sa propre carte, il
s’agissait de combiner à chaque page le texte et la photographie dans des ouvrages de format maniable
et ne visant pas nécessairement la facilité ni le pittoresque. MIYAMOTO dit s’être inspiré des
rouleaux peints (emakimono) où le texte côtoyait l’image sans qu’ils soient toujours synchrones233.
SANO Shin’ichi remarque d’ailleurs que, de façon générale, MIYAMOTO prenait beaucoup moins de
clichés d’évènements traditionnellement photographiés par les ethnographes de son temps, à savoir les
matsuri 住住 (fêtes populaires religieuses) ou les danses en costume, mais préférait au contraire saisir des
instants fugaces de la vie quotidienne, les « petits riens » qui nous apparaissent aujourd’hui si
pittoresques234. Conscient ou non de la portée de son travail photographique, il faisait simplement
entrer la photographie du quotidien de plainpied dans le domaine des sciences humaines japonaises et
élargissait le champ d’investigation de l’ethnologie de soi.
Dans cette entreprise éditoriale, MIYAMOTO travaillait en collaboration avec de jeunes photographes
(comme par exemple SUTÔ Isawo 住 住 住 ) et lui aussi prenait des photographies. Les photographies
étaient prises avant la rédaction du texte et sans références à lui. MIYAMOTO triait le tout à son
retour et choisissait souverainement, cherchant des correspondances avec le texte en train d’être
rédigé.
Tout autre fut la façon de procéder pour les textes aujourd'hui réunis sous le titre Sora kara no
minZokugaku (L’ethnographie depuis le ciel). MIYAMOTO part d’une photo prise par lui ou par un
autre et en fait le commentaire. L’explication du contexte déborde bien souvent et ce qui n’est pas
montré prend autant d’importance que ce qui nous est donné à voir. L’ouvrage comporte un certain
nombre de photographies aériennes. La minZokugaku, science du minime, du détail, prend ici de la
distance et montre une ampleur nouvelle, à michemin de la géographie et de l’économie.
Les clichés publiés, ne seraitce que dans les deux œuvres que nous venons de citer constituent
aujourd’hui un fond conséquent de documents historiques sur les régions rurales du Japon.
L’entreprise de Watashi no Nihon chizu devait au départ couvrir un grand nombre de zones
géographiques japonaises235, mais elle prit fin avec le tome 15236 consacré à Iki et Tsushima, île
« éloignée » proche de la Corée.
Pour conclure, d’après SANO Shin’ichi, il ne fait aucun doute que :
233 Watashi no Nihon chizu, t. I : Tenryûgawa ni sotte, Tôkyô, Dôyûkan, 1967, 245 p., Postface, p. 242.234 SANO Shin’ichi 「「「「 , Miyamoto Tsuneichi no manazashi「「「「「「「「「「「 (Le regard de MIYAMOTO Tsunéichi), Kôbe, Mizunowa shuppan, 2003, 207 p., chap. I, 8, p. 51.235 Voir la bibliographie finale pour le détail du contenu de chaque tome.236 L’obi (bandeau promotionnel) du quinzième et dernier volume précisait encore que les volumes 1 à 15 constituaient la « première période » (daiikki 「「「), une seconde étant donc à venir.
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「237「「「「
(« les photos de MIYAMOTO Tsunéichi [représentent] un patrimoine intellectuel national qui permet
de comprendre comment le Japon a changé de visage en passant par la période de haute
croissance ».)
MIYAMOTO, conscient à la fois de l’importance de la révolution qui s’opère avec le cinéma et la
télévision, et de l’urgence de préserver ses objets d’études de la disparition, accueillit très tôt avec
enthousiasme les travaux des documentaristes, bien qu’il ne le fût jamais luimême.
MIYAMOTO Tsunéichi et la vidéo : Au cours d’une étude de terrain de la Kyû gakkai rengô, MIYAMOTO rencontre celui qui allait
devenir son disciple vidéaste, HIMEDA Tadayoshi 桧桧桧桧 (né en 1928) ou plutôt estce celuici qui se
présente à lui après avoir été enthousiasmé par la lecture d’un article de MIYAMOTO consacré aux
pirates de la mer intérieure de Séto. C’est alors son premier travail en tant que cameraman, il a vingt
six ans. Ils se retrouveront lorsque MIYAMOTO contribuera comme directeur (kanshû) à une série de
documentaires sur le Japon, « Nihon no shijô » 「 「 「 「 「 「 「 238 (« La poésie du Japon »). Après sa
collaboration auprès de MIYAMOTO, qui n’hésitait pas à critiquer durement son travail bien qu’il
n’ait jamais manié de caméra, HIMEDA, qui se désigne luimême comme « le plus vieux et le plus
négligent des disciples de MIYAMOTO Tsunéichi »239, continuera son œuvre de son côté, tentant de
préserver lui aussi de l’oubli, dans l’urgence, et par la vidéo, des coutumes ou des métiers anciens en
train de disparaître. Parfois même, la vidéo est l’occasion pour les anciens de renouer une dernière fois
avec une activité qu’ils avaient abandonnée pour prendre leur retraite (c’est le cas, par exemple, de la
fabrication des vêtements à partir d’écorce de tilleul240). Parfois, elle permet à un groupe de faire
revivre au delà du projet de vidéo une activité perdue (comme la fabrication du charbon de bois selon
les méthodes traditionnelles241). Au total, centcinquante vidéos ethnographiques seront tournées,
d’une durée moyenne d’une demiheure, puis diffusées régulièrement et vendues aux bibliothèques par
237 SANO Shin’ichi, lors d’une conférence en 2002, à Tôwachô, cité par SATAO Shinsaku, in Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, p. 44.238 Documentaire hebdomadaire dont il n’avait probablement pas choisi le titre. En revanche, la citation en exergue au début de chaque numéro est bien de lui : 「「「「「「「 (« La nature est triste,「「「「「「「「「「「「「「(Mais si l’homme y met la main) 「「「「「「「「「 (Elle se réchauffe.) 「「「「「「「「「「「「「「「(A la recherche de cette chaleur,) 「「「「「「「「「(Je pars voir à pieds. »)239「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「, in SATAO Shinsaku, Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, chap. 4, p. 159.240 HIMEDA Tadayoshi, Moniwa no shinadaori 「「「「「「「「「(Le tissage du tilleul à Moniwa), vidéo n°85, 1991, 31 min., Minzoku bunka eizô kenkyûjo. Shinada 「「「 est un mot dialectal qui signifie shinanoki 「「「「 [「「「], tilia cordata, un tilleul à feuilles cordiformes.241 HIMEDA Tadayoshi, Moniwa no sumiyaki 「「「「「「「「 (La fabrication du charbon à Moniwa), vidéo n°69, 1989, 32 min., Minzoku bunka eizô kenkyûjo.
le Minzoku bunka eizô kenkyûjo 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Centre de recherches sur la documentation visuelle
ethnographicoculturelle)* fondé en 1961 par HIMEDA et sis actuellement à Kawasaki242.
Ces remarques matérielles préliminaires étant faites, il est temps à présent de s’interroger sur la
méthode mise en œuvre sur le terrain.
– b. La méthode d’investigation
MIYAMOTO a consacré à la présentation de la discipline deux livres majeurs évoquant par endroits la
question du travail de terrain : MinZokugaku he no michi (1955, version complète : 1968) et
Mingugaku no teishô (1979). Le premier est un ouvrage global qui contient même un historique de la
discipline alors que le second est consacré comme son nom l’indique aux mingu 「「 (objets populaires
faits main) sur lesquels nous reviendrons dans la deuxième partie, et où les exemples concrets
abondent (ex. : matériel d’élevage des vers à soie, outils agricoles).
Dans le premier, MIYAMOTO va très loin et affirme que :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「243
(« Plutôt que de dire que la formation de la minZokugaku est dans l’objet traité, 住 ’ ai le sentiment
profond qu’elle réside au sein même de la façon de le traiter. »)
Cette affirmation peut sembler étrange s’agissant d’une discipline qui se définit d’ordinaire davantage
par ses thèmes que par sa méthode, mais il n’est pas interdit d’y voir ici une autre particularité de la
minZokugaku miyamotienne. En effet, les thèmes traités par MIYAMOTO ressortissent autant du
folklore tel que nous le connaissons notamment en France (coutumes, fêtes populaires etc.) que de
l’Histoire, Histoire économique, Histoire des techniques, de la géographie, de la sociologie des
groupes, de la psychologie ou encore de l’architecture. Le lien est donc aussi bien dans la forme que
dans le fond (l’étude en général des gens ordinaires).
Avant de présenter en détail la méthode en question, il importe d’évoquer deux moments clefs dans
l’apprentissage de MIYAMOTO : les dernières recommandations de son père, Zenjûrô, avant le départ
de son fils de la maison en 1923, et les préceptes de SHIBUSAWA.
Les derniers conseils paternels :
242 Le centre a même réalisé un documentaire sur l’œuvre de son fondateur : Haruka naru kirokusha he no michi – Himeda Tadayoshi to Eizô minZokugaku 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 (La route vers un documentariste éloigné : HIMEDA Tadayoshi et l’ethnographie du folklore en images), Tôkyô, Kinokuniya shoten, 2007, DVD, 3150 ¥. 243 MinZokugaku he no michi, p. 118.
MIYAMOTO évoque à plusieurs reprises cette scène qui eut une influence déterminante selon lui sur
sa méthode, mais c’est essentiellement à travers deux textes qu’il le fait avec le plus de précisions : en
1943 (il à 36 ans) dans Kakyô no oshie, un ouvrage en grande partie autobiographique consacré aux
particularités de l’éducation rurale, et en 1978 (trois ans avant sa mort, il a 71 ans) dans son
autobiographie MinZokugaku no tabi. Bien qu’il s’agisse de conseils de bon sens d’un père inquiet à
son fils, il nous paraît nécessaire de les citer, ne serait qu’en raison de l’importance que celuici leur
accorda. (Pour plus de commodité, nous avons souligné les conseils dont le fond ne diffère pas d’une
version à l’autre).
Dans le premier de ces textes, il énumère les cinq préceptes suivants244 :
(« I Je n’ai pas moimême assez d’argent, alors je ne peux pas te faire étudier comme je l’aurais pensé.
Aussi je te laisse faire selon ta volonté jusqu’à trente ans. Moi aussi je suis d’humeur de te chasser de
la maison. Toutefois, quand tu auras atteint trente ans, songe que tu as des parents. De plus, en cas
d’embarras, en cas de maladie, tu pourras toujours rentrer chez eux. Nous t’attendrons toujours.
II L’alcool et le tabac, n’y touche pas avant trente ans. Passé trente ans, fais à ta guise !
III L’argent, en gagner, c’est facile. C’est l’utiliser qui est difficile.
IV Ménage ta santé, et en même temps ménage les autres.
V Fais ce que tu estimes être juste. »)
Dans MinZokugaku no tabi, voici quels sont alors les préceptes. La liste est plus longue, les phrases
plus fournies245 :
(« 1. Lorsque tu prendras le train, regarde par la fenêtre : les rizières et les champs sontils plantés ? La
croissance estelle bonne ? mauvaise ? Les maisons du village sontelles grandes ou petites ? Leur
toiture de tuiles ou de chaume ? Il s’agit de bien observer ce genre de choses. Quand tu arrives dans
une gare, fais attention aux montées et descentes des gens, et porte ton attention sur le genre de
vêtements qu’ils portent. De plus, là où on pose les bagages à la gare, regarde bien quels genres de
244 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「Kakyô no oshie, chap. 8, éd. Iwanami bunko, p. 117118.245 Le texte original étant un peu long, nous le faisons figurer cidessous. 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 MinZokugaku no tabi, chap. 3, éd. Kôdansha gakujutsu bunko p. 3638.
bagages y sont posés. De cette façon, tu sauras bien si cette région est riche ou pauvre et si l’on y
travaille bien ou pas.
2. Que ce soit un village, une ville, un endroit que tu visites pour la première fois, ne manque pas de
monter au sommet d’un lieu élevé et tu en sauras l’orientation géographique ; vois [alors] ce qui attire
ton regard. S’il t’arrive, depuis un sommet, d’observer un village en contrebas, regarde d’abord le bois
du temple, le bâtiment luimême et ce qui frappe le regard, regarde comment sont les maisons, les
rizières et les champs, regarde préalablement les montagnes environnantes et ensuite, s’il y a sur la
montagne des choses remarquables, il faut absolument y aller voir de plus près. Si tu regardes d’un
lieu élevé, il ne t’arrivera quasiment pas de perdre ton chemin.
3. Si tu as de l’argent, il est bon de goûter aux spécialités et à la cuisine locale. C’est [ainsi] que tu
connaîtras le niveau de vie de cette région.
4. Si tu as du temps devant toi, il s’agira, dans la mesure du possible, d’essayer de marcher. Tu en
apprendras diverses choses.
5. Il n’est pas si difficile de gagner ce qu’on appelle de l’argent. Cependant, c’est l’utiliser qui est
difficile. Cela seulement, fais en sorte de ne pas l’oublier.
6. Je ne peux te faire étudier comme je l’aurais pensé. Aussi, je ne te donne pas de consigne. Fais à ta
guise. Toutefois, prends soin de ta santé. Jusqu’à trente ans, j’ai l’intention de [toujours] t’expulser de
la maison. Cependant, passé trente ans, rappelletoi que tu as des parents.
7. Mais si tu tombes malade, ou s’il a quelque chose que tu ne peux pas résoudre par toimême, rentre
au village : tes parents t’attendrons toujours.
8. Désormais et à l’avenir, ce ne sera plus une époque où l’enfant prend soin de ses parents. Ce sera un
temps où ce seront les parents qui exerceront leur piété parentale envers l’enfant. Si l’on ne fait pas
ainsi, le monde ne donnera rien de bon.
9. Fais ce que tu estimes être bien, et tes parents ne te puniront pas en disant que tu as échoué.
10. Fais en sorte de voir ce que les autres n’ont pas su voir. Parmi ces choses, il doit toujours y en
avoir d’importantes. Rien ne disparaît. Il s’agit de suivre son chemin avec fermeté, la voie qu’on s’est
soimême choisie. »)
Les conseils 1, 2, 3, 4, 8 et 10 sont nouveaux et on remarque que le conseil concernant la sobriété a
disparu. Les conseils de bon sens prennent moins d’importance (en terme de lignes et de numéro) que
ce qui apparaît comme des conseils d’étude de terrain ethnographique. C’est à se demander, comme
l’insinue SANADA Yukitaka246, si MIYAMOTO n’a pas rédigé les nouveaux conseils luimême.
Cependant ce serait faire trop bon marché de l’honnêteté foncière de MIYAMOTO : peutêtre s’estil
246 SANADA Yukitaka 「 「 「 「 「 「 「 , Miyamoto Tsuneichi no densetsu 「 「 「 「 「 「 「 「 「 (La légende de MIYAMOTO Tsunéichi), Kyôto, Aunsha, chap. 1, p. 10.
borné ici à une reformulation ? Quoi qu’il en soit, ces mots sonnent de bien insolite façon dans la
bouche de ce père distant et colérique.
Les conseils de SHIBUSAWA (dont on peut penser avec quasi certitude qu’ils sont bien sortis de la
bouche de SHIBUSAWA) ne sont pas à négliger non plus.
Les conseils de SHIBUSAWA
En 1935, lorsque SHIBUSAWA refuse de laisser partir son protégé en Mandchourie, il assortit son
refus d’une petite explication dépassant le simple énoncé des motifs du refus.
En effet, d’après ce que rapporte MIYAMOTO, SHIBUSAWA s’exprima ainsi :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「――「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「247
(« Comme tu n’es allé qu’à l’école normale, même si tu allais en Mandchourie, les conditions ne
seraient pas bonnes. Jusqu’à ce que tu ailles à l’université làbas, je t’ai fait monter à la capitale parce
que si tu arpentes à pieds et observe le Japon dans son ensemble, je me demande s’il y n’aura pas des
résultats et si en plus ça ne te servira pas personnellement. Seulement, je ne veux pas que tu deviennes
un savant. Des savants, il y en a énormément. Mais pour que de vrais savants émergent, il faut de bons
matériaux (shiryô) scientifiques. Ces documents – en particulier en minZokugaku – sont rares. Je veux
que toi, tu deviennes ce déterreur. Ce genre d’activité est pénible à souhait et peu gratifiant. Toutefois,
toi, tu es celui qui pourra le supporter. »)
Ce texte comporte deux points essentiels : la marche comme moyen de déplacement, indissociable de
l’observation, et la recherche inlassable de matériaux, de documents ethnographiques (shiryô).
SHIBUSAWA les dit rares, pauvres (toboshii). Il entend ici que rares sont les matériaux qui
permettent d’établir les faits passés avec exactitude. En d’autres termes, les documents datables,
essentiellement écrits, sont peu nombreux. MIYAMOTO élargira la notion de documents
ethnographiques, reprenant là une intuition de SHIBUSAWA luimême. En effet, ce dernier n’avaitil
pas créé l’Achikku qui regorgeait de matériaux non écrits et ne s’intéressaitil pas notamment aux
outils de pêche, ou aux demisandales248, étude dont le sérieux et la profondeur enthousiasmèrent
MIYAMOTO249 ?
Mais étudier la méthode de MIYAMOTO, c’est aussi se demander en quoi cette méthode lui est
spécifique.
247 MinZokugaku no tabi, chap. 9, p. 97.248 Les demisandales (ashinaka 「「), n’allaient pas jusqu’au talon, afin de faciliter, paraîtil, la course.249 MinZokugaku no tabi, chap. 8, p. 86.
- Description de la méthode.
Avant guerre, MIYAMOTO laissait sa fantaisie le guider dans le choix de ses destinations250, mais
aprèsguerre il effectua des enquêtes à la demande des nombreuses institutions dont il était membre.
Lorsqu’il était enseignant, ce furent les localités de la proche région qui pour des raisons pratiques
eurent sa préférence, mais plus il avançait en âge, et plus il allait loin. A chaque fois, la marche était
son principal moyen de locomotion. Pour financer une partie de ses frais, il donnait des conférences et
le lieu de conférence était comme un centre, un point de chute à partir duquel il partait, à pied, visiter
les localités suivantes251.
On a calculé que MIYAMOTO avait parcouru à pied, à raison de 40 km. par jour en moyenne252, 160
000 km., soit quatre fois la circonférence de la terre253, ce qui en fait le plus grand marcheur connu
de l’Histoire du Japon254, et peutêtre même du monde. Son mérite est d’autant plus grand qu’il
n’était pas spécialement sportif, avait des problèmes de poumons et fut à plusieurs reprises
extrêmement malade. Arrivé à pieds ou en train local, MIYAMOTO effectuait un séjour bref (de un
jour à une semaine par village)255 et reprenait sa route, toujours à pieds, visitant ainsi dans le détail des
zones culturelles complètes de façon quasiexhaustive.
SHIBUSAWA commente ainsi l’activité de son disciple :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「256
(« Les voyages de MIYAMOTO-kun n’étaient pas communs, ni par leur étendue, ni par leur
programme, ni par leur tracé. Pour les trois mille et quelques villages qu’il [a visité], il utilisa
aussi le train, mais comme la plupart du temps il les parcourut à pieds, j’ai l’impression, pour
250 Watashi no Nihon chizu, t. I : Tenryûgawa ni sotte, Tôkyô, Dôyûkan, 1967, 245 p., Postface, p. 241.251 Watashi no Nihon chizu, t. I : Tenryûgawa ni sotte, p. 241.252 NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsunieichi no tabio to gakumon, chap. IV, 1, p. 105.253 SANO Shin’ichi, Tabi suru kyojin / Miyamoto Tsuneichi to Shibusawa Keizô, chap. 1, p. 8.254 MIYAMOTO est parfois comparé au grand moine voyageur Ippen Shônin 「 「 「 「 (Le Vénérable Ippen) (12391289), moine de formation Jôdoshû 「「「 (l’Ecole de la Terre pure), fondateur de l’Ecole Jishû 「「 et grand voyageur. Ou à MATSUO Bashô 「「「「 (16441694), le poète voyageur. Cf. par exemple NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsunieichi no tabio to gakumon, chap. IV, 2, p. 107 et 109.255 Les séjours brefs pouvaient aussi s’enchaîner et les absences de MIYAMOTO du domicile familial se prolonger. Dans Kakyô no oshie (1943), chap. 8, éd. Iwanami p. 101., il raconte comment il retrouve un fils qui a grandi et qui ne le reconnaît pas.256 « Waga shokkaku ha Nippon ichi »「「「「「「「「「「(« Mon piqueassiette est le premier du Japon »), rééd. intégrale in SANO Shin’ichi (dir.), Miyamoto Tsuneichi tabi suru minZokugakusha, 2005, p. 78, cf. p. 80.
parler de façon un peu exagérée, qu’il arpenta tout le Japon à pied, aimanté au sol
(betabeta) ».)
Cette façon de se déplacer à vitesse humaine lui vient non seulement des conseils paternels cités plus
haut et de ceux de SHIBUSAWA Keizô257, mais aussi et surtout d’un désir rationalisé de ne rien
perdre de ce que le voyage peut offrir. Il n’est donc pas étonnant que l’œuvre miyamotienne fasse la
part belle aux routes et aux déplacements (donc aux cartes), au lieu d’avoir une vision fragmentée de
lieux mis successivement en lumière. Qui dit routes, dit déplacements de personnes et de biens, de
marchandises et de matières premières, mais aussi mouvements de populations : migrations
économiques, politiques, fuite d’une catastrophe (guerre, infertilité de la terre etc.).
MIYAMOTO choisissait la marche de préférence à tout autre moyen de transport, mais cela ne veut
pas dire qu’il les répudiait. Il prenait aussi souvent le train, local de préférence, plus lent et s’arrêtant
plus fréquemment, rendant possible la prise de photographies et de notes. Il prit même quelques fois
l’avion, ce qui donna lieu à des articles sur la minZokugaku pratiquée du ciel258, en liens avec la
cartographie et les flux de matières premières, les voies d’eaux, les routes etc.. Durant son séjour en
Afrique, il monta même comme passager sur une vieille moto Kawasaki 90 cm³ qu’il surnommait
pikipiki 住 住 住 住 , pilotée par ITÔ Kôji259. MIYAMOTO ne critiquait pas les moyens de transports
modernes, plus rapides, seulement il les trouvait souvent inappropriés à son travail de terrain, et fort
coûteux (rappelons que malgré l’aide de SHIBUSAWA, ses recherches étaient financées pour un
montant fort peu élevé). Il lui arriva même d’écrire que :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「260
(Dans le cas où l’on fait une étude de terrain sur le même lieu durant plusieurs jours, je ne veux pas
qu’on utilise uniquement la voiture. Il s’agit de marcher et d’observer. »)
Pressentaitil qu’avec leur généralisation, ce sont d’autres rapports au temps, à l’espace, au voyage et
aux « gens » qui sont induits ? (Tendance partagée dans la plupart des pays du monde). MIYAMOTO
fut aussi le pionnier des recherches sur le tourisme et le voyage. Ses recherches sur l’évolution
historique des manières de voyager, de la durée des séjours et des motifs du voyage donnèrent lieu à
de multiples ouvrages, dont sa série « Tabi no minZoku to rekishi » (« Ethnographie et Histoire des
257「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Vu que ton corps n’est pas robuste, il serait bon que tu rentres au bout d’une vingtaine de jours [que nous prendrions] comme unité, tu te reposerais un mois et ensuite, tu te remettrais en marche ».) Cité par NAGAHAMA Isao, in Hôkô no manazashi, chap. IV, 1, p. 103.258 Articles réunis dans Sora kara no minZokugaku, éd. Iwanami gendai bunko.259 ITÔ Kôji 「「「「, « Miyamotosensei to aruita yonjûyokkakan »「「「「「「「「「「「「「「「(« Quarantequatre jours à marcher avec le professeur Miyamoto »), in Miyamoto Tsuneichi, Afurika to Ajia wo aruku, p. 5859.260 Mingugaku no teishô, 1979, 1999, chap. V, p. 249 éd. Miraisha.
voyages ») avec des volumes notamment sur les auberges261 ou encore la spécificité des voyages des
gens du peuple262.
L’originalité de MIYAMOTO Tsunéichi par rapport aux autres ethnographes japonais de son temps,
tient aussi à son rapport aux cartes. Se déplaçant essentiellement à pieds, il était forcé d’emporter avec
lui des cartes des régions qu’il traversait. Mais il ne s’en tenait pas là : il vérifiait l’exactitude des
cartes en question et établissait les siennes propres, ces cartes qui figurent par exemple et notamment
dans sa série en 15 volumes Watashi no Nihon chizu dont nous avons parlé plus haut à propos de la
riche et irremplaçable documentation iconographique qu’elle procure. L’établissement de ces cartes
allait parfois de pair avec une recherche sur l’étymologie, ou du moins la présence des toponymes
dans les rares sources écrites qui pouvaient lui être présentées. Mais, comme l’écrit NAKAHIRA
Ryûjirô263, les toponymes ne sontils pas les plus vieux mots de la langue japonaise qui nous soient
parvenus, les plus vieilles archives ?
S’il était le seul de son temps à travailler ainsi avec des cartes de façon aussi systématique, il
s’inscrivait en revanche dans le droit fil des écrivains voyageurs et des géographes du passé, à
commencer par FURUKAWA Koshôken (17261807) et SUGAE Masumi (17541829) (du auxquels
il consacra, rappelonsle, deux ouvrages).
Le séjour chez l’habitant.
Au cours de ses voyages, au budget modique – il les appelle ses « voyages de mendiant » (kojiki ryokô
「「「「)264 – MIYAMOTO réussit à trouver l’hospitalité auprès de mille familles265. Bien que ce fût dans
une minorité de cas, lui arrivait à de séjourner chez des notables locaux (propriétaires terriens (jinushi
「「), chefs de village (shôya 「「))266. Chacun y gagnait : le notable en prestige local, et l’ethnographe en
informations. En effet, cet informateur privilégié (que SATAO Shinsaku appelle la personneclé
(kîpâson 「「「「「「)267) disposait souvent d’archives familiales, écrites bien entendu, base non négligeable
pour des récits assez détaillés et constituait une bonne « antenne » (antena 「「「「)268 pour des excursions
261 Nihon no yado, 1er tome de Tabi no minZoku to rekishi, 1965, rééd. Tôkyô, Yasaka shobô, 1987, 2006. 262 Shomin no tabi, 4ème tome de Tabi no minZoku to rekishi, 1970, rééd. Tôkyô, Yasaka shobô, 1987, 2006.263 « Shin.chizu to chimei (I) – Chimei ha kuni no rirekicho » 「 「 「 「 「 「 「 「 「 I 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 (« Nouveaux toponymes et cartes (I) – Les toponymes sont le curriculum vitae du Japon »), in Chizu Journal 「「「「「「「「「(Journal des cartes), 1995, n°107, p. 4.264 On trouvera un exemple de budget dans MinZokugaku he no michi, OM 1, Avantpropos, p. 23.265 SANO Shin’ichi, Tabi suru kyojin / Miyamoto Tsuneichi to Shibusawa Keizô, chap. 1, p. 8.266 Source : USU’I Takumi, s’entretenant avec SATAO Shinsaku, in Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, p. 96.267 In Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, p. 57.268 In Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, p. 57.
dans les environs. Bien que dans la plupart des cas MIYAMOTO trouvât ces interlocuteurs privilégiés
au cours de ses enquêtes sur le terrain, il semble qu’à une certaine époque (à partir de 1945 et pendant
quelques années) il en ait obtenu les noms avant même de partir, grâce à l’aide de tierces personnes.
Un collègue de la Section agriculture auprès de la Communauté urbaine d’Osaka (Oosakafu nômuka
「「「「「「 ), ANDÔ Senzô 「「「「 , ancien directeur de l’école Matsumoto d’agronomie du département de
Nagano 「「「「「「「「 qui était membre de la puissante Tokunô kyôkai 「「「「* (Association d’agronomie),
organisation implantée sur tout le territoire, aurait fourni à MIYAMOTO des noms d’agronomes et
agriculteurs modèles locaux sur toute la région (d’Osaka), qui le recevaient le dimanche lors de ses
déplacements sur le terrain269.
Bien sûr, malgré l’hospitalité, il arrivait à l’ethnographe de coucher à la belle étoile. Et il devait faire
face à une méfiance croissante à mesure que les études ethnographiques intérieures se multipliaient,
non sans certains abus parfois que dénonce d’ailleurs MIYAMOTO. Ainsi par exemple à Iriomotejima
「「「, dans le département d’Okinawa :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「270
(« Quoi ? Une étude ? Des docteurs à la noix (qui ne sont pas docteurs), il nous en arrive chaque année
des dizaines. »)
Et MIYAMOTO commente ainsi en 1972 :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「271
(« Concernant les « études de terrain », il est fréquent qu’elles agissent non pas dans l’intérêt des
populations locales, mais au contraire qu’elles renforcent un peu le pouvoir de la métropole, et de
surcroît ceux qui utilisent la bonne volonté des autochtones pour les piller sont étonnamment
nombreux. »)
Il déplore ainsi le comportement de confrères qui par leur attitude méprisante et l’envie d’aller vite,
nuisent à l’image de la profession et à la déontologie qui s’impose.
Mais pour de nombreux confrères et collègues, MIYAMOTO était par son activité plus qu’un simple
ethnographe folkloriste.
MIYAMOTO Tsunéichi, archétype du sekenshi
Dans sa postface explicative272 à Shio no michi, TAMURA Zenjirô explique comment son maître
MIYAMOTO Tsunéichi représente pour lui, de même que pour certains vieillards rencontrés au cours
269 MinZokugaku no tabi, chap. 11, p. 125.270 Cité par SATAO Shinsaku, in Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, p. 155.271 « Chôsachi higai » 「「「「「「「(« Des dommages sur le terrain d’étude »), 1972, in Tabi ni manabu 「「「「「「「(Etudier le voyage), OM 31.272 « Kaisetsu » 「「「「, éd. Kôdansha, 1985, rééd. 2004, p. 206 à 220.
d’un des voyages du maître273, l’archétype du sekenshi et, à cette occasion, définit ce terme de la
façon suivante :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「274
(« “Sekenshi” est un mot qu’on entend souvent dans l’Ouest du Japon, en particulier dans les environs
du pays du maître, qui se trouve dans le département de Yamaguchi. On l’emploie avec une nuance du
genre : personne qui, ayant largement voyagé, non seulement possède une grande expérience, et
connaît bien les choses du monde, mais a aussi de la perspicacité, constitue en cas de besoin un bon
interlocuteur à qui demander conseil, et rend service aux personnes de son entourage ».)
Pour dire les choses autrement, le sekenshi possède, selon cette définition, cinq attributs essentiels :
1° le goût du travail de terrain (voyage) ;
2° la connaissance (expérience) des choses et des hommes ;
3° la clairvoyance (perspicacité) pour orienter son observation et ensuite sa réflexion vers des axes
pertinents ;
4° la sagesse (conseil) qui fait de lui un transmetteur (denshôsha), un maître ;
5° l’altruisme (service).
Ces qualités ne sont pas sans rappeler l’image traditionnelle du philosophe voyageur présente dans de
nombreuses civilisations, des aristotéliciens aux confucianistes.
Ce qui fait aussi un bon sekenshi, et à plus forte raison un bon ethnographe, c’est la façon de conduire
un entretien, le but étant d’obtenir le maximum d’informations sincères. Là encore, MIYAMOTO
possède la juste manière, en sachant mettre les gens à l’aise :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「……「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「275
(« Le professeur MIYAMOTO était un travailleur de terrain exceptionnel. [Ce qui suit] concerne, dit
on, la fois où il était allé faire une étude de terrain à Tobishima qui est située au large de Sakata, dans
273 Anecdote rapportée par MURASAKI Shûji 「 「 「 「 dans Miyamoto Tsuneichi – Dôjidai no kigen, 1981, tome I, p. 450452 : « Shônen no yume wo wasureruna » 「「「「「「「「「「「 (« N’oublie pas tes rêves de jeune homme »).274 Op. cit. p. 207208.275 Op. cit. p. 212213.
le département de Yamagata. Lorsqu’il repartait, ayant effectué un séjour de plusieurs jours et réalisé
son étude de terrain, il paraît que la personne de cette île qui le raccompagnait au port lui dit :
« Professeur, alors que vous aviez dit que vous veniez pour une étude de terrain, vous n’avez pas
réalisé la plus petite étude ; estce ça ira tout de même ?
– Moi, les choses à voir, je les ai vues, les choses à entendre, je les ai entendues et je suis content de
rentrer [après] avoir pu faire une bonne étude de terrain, ça faisait longtemps… », fitil en souriant,
mais il semble qu’il s’agissait d’une étude du genre à ne pas être ressentie comme telle par ses
interlocuteurs.
A cette époque, ce devait être le cas, mais du matin jusqu’à tard dans la soirée, faisant en sorte d’y
accorder toute l’importance requise, même pendant les repas, il écoutait, prenait des notes très précises
et, d’ailleurs, comme il ne donnait pas l’impression à ses interlocuteurs de les examiner ou de pouvoir
le faire, c’était quelque chose qui confinait justement au prodige surnaturel. Il m’arriva plusieurs fois
d’avoir l’honneur qu’il me prît avec lui pour ses voyages d’études, me laissant écouter à ses côtés les
histoires [des personnes qu’il faisait parler], mais si, au départ, elles duraient bien trente minutes, ils
finissaient par parler extrêmement naturellement, sans qu’on pût dire que l’interlocuteur parlait ou
répondait parce qu’il était questionné, et les histoires se poursuivaient sans temps mort, juste
ponctuées de hochements de tête ».)
L’entretien est une des étapes essentielles de l’étude de terrain qui sans cela se résumerait à la simple
observation. Or, contrairement à l’historien et à l’archéologue, l’ethnographe travaille au contact de
personnes vivantes, tout comme le journaliste. Il convient donc de s’interroger sur la question de
l’entretien.
Le type d’entretien :
Dans leur ouvrage consacré à ce problème, Alain BLANCHET et Anne GOTMAN (1992)276
soulignent l’importance de l’enquête par entretiens de la façon suivante :
« L’enquête par entretiens est (…) particulièrement pertinente lorsque l’on veut analyser le sens que
les acteurs donnent à leurs pratiques, aux événements dont ils ont pu être les témoins actifs ; lorsque
l’on veut mettre en évidence les systèmes de valeur et les repères normatifs à partir desquels ils
s’orientent et se déterminent. Elle aura pour spécificité de rapporter les idées à l’expérience du sujet.
Elle donne accès à des idées incarnées, et non pas préfabriquées, à ce qui constitue les idées en
croyance et qui, pour cette raison, sera doté d’une certaine stabilité »277.
276 L’enquête et ses méthodes : l’entretien, Paris, Nathan Université, 1992, rééd. 2001 coll. 128 sociologie n°19, 125 p..277 L’enquête et ses méthodes : l’entretien, chap. 1er, p. 27.
Ils dressent également une typologie des entretiens et des méthodes d’analyse qu suivent le travail de
terrain. Tous les entretiens découlent d’une démarche plus ou moins participative, certains ayant
même lieu au sein de l’observation participante.
A cet égard, si MIYAMOTO ne participait pas forcément aux travaux des champs aux côtés des
personnes qu’il interrogeait, le fait qu’il était luimême descendant de paysans l’aidait non seulement à
comprendre de quoi ils parlaient, et à se faire comprendre d’eux, utilisant le même langage, voire le
même dialecte, mais aussi à les mettre en confiance, suscitant la confidence. Il ne chercha jamais à se
faire passer pour ce qu’il n’était pas, à se faire plus ou moins influent qu’il n’était, n’ayant du reste pas
de raison de mentir pour attirer la confiance des personnes qu’il interrogeait278.
On remarquera que les questions soulevées par la réflexion sur l’entretien se posent tout aussi bien à
l’ethnographe qu’au journaliste. La principale différence entre les deux types d’entretiens tient à la
différence entre les deux disciplines elles mêmes, soit, comme nous l’avons dit dans notre
introduction, à la durée de l’enquête et à l’absence ou non d’« événement »279.
Pour résumer, BLANCHET et GOTMAN distinguent trois types d’enquêtes : l’enquête sur les
représentations, l’enquête sur les pratiques, et l’enquête sur les représentations et les pratiques.
L’enquête peut être couplée avec un questionnaire, que l’ethnographe suivra plus ou moins fidèlement.
On sait que MIYAMOTO n’avait pas recours au questionnaire. Il préférait les longues conversations.
Il faut ensuite définir l’échantillon représentatif de l’enquête280, et décider si l’on recourra ou non à un
informateur privilégié281. MIYAMOTO, comme on l’a vu, travaillait plus particulièrement avec les
vieillards282, dépositaires des traditions et du savoir rural, ce qui ne l’empêchait pas de s’entretenir
avec toute personne intéressée bien évidemment, et, ainsi que nous l’avons dit plus haut,
particulièrement les notables dépositaires de notes écrites, voire d’archives professionnelles (komonjo
住住住). Les auteurs suscités accordent une importance particulière au lieu de l’entretien283 (un bureau,
celui de l’ethnographe, un café, le domicile de l’interviewé, son lieu de travail etc.), à la présence ou
non d’autres personnes (parents, collègues, voisins, badauds etc.) qui ont une influence certaine
presque quantifiable sur l’attitude de l’interviewé et la véracité de ses réponses : ainsi un interviewé
278 Contrairement par exemple à Jeanne FAVRETSAADA qui se fit passer pour une ensorceleuse pour qu’on la laissât assister à des séances de sorcellerie et de désenvoûtement.279 Sur la question de l’événement appréhendé par les sciences sociales, cf. :A. BENSA et E. FASSIN, « Les sciences sociales face à l’événement », Terrain, 38, 2002. 280 L’enquête et ses méthodes : l’entretien, chap. 2, p. 53.281 L’enquête et ses méthodes : l’entretien, chap. 2, p. 58.282 MIYAMOTO n’avait d’ailleurs rien contre la jeunesse, à qui il destina trois de ses livres et à qui il consacra notamment Mura no wakamonotachi「「「「「「「「 (Les jeunes des villages), Tôkyô, Ie no hikari kyôkai, 2004, 225 p..283 L’enquête et ses méthodes : l’entretien, chap. 3, p. 69.
patron recevant l’enquêteur dans son bureau auratil plus d’assurance, voire de condescendance,
qu’un ouvrier répondant dans la cour de l’usine qui l’emploie ou qu’un employé « convoqué » au
centre de recherche de l’ethnographe pour y participer à une expérience. De même, un père de famille
n’auratil pas la même attitude et ne feratil pas les mêmes réponses s’il est interrogé seul chez lui ou
en présence de sa famille. La présence de tierces personnes peut à la fois pousser l’interviewé à
travestir la vérité afin de se valoriser, et à la fois permettre qu’une des tierces personnes rectifie une
information de bonne foi, ou pour taquiner l’interviewé.
La croyance en de réels ou supposés pouvoirs de l’ethnographe peut aussi jouer: estil indépendant
comme il le prétend, ou la structure publique qui l’emploie n’atelle pas son mot à dire et dans ce cas
il n’est pas loin de l’espion qui vient s’enquérir de qui a été un bon citoyen et de qui ne l’a pas été ?
Au contraire, ce lien à une institution peut aussi être une garantie de qualité, d’objectivité. Et peutêtre
l’enquêteur, en expliquant auprès des autorités centrales ce qui ne va pas dans les campagnes, aiderat
il à ce que les revendications locales soient davantage prises en compte : en gros permettratil de faire
bouger les choses ? Ainsi la neutralité absolue de l’ethnographe peutelle ne pas être souhaitée. Une
étude savante qui ne donnerait lieu qu’à des publications dans des revues savantes ne changerait rien à
la situation, or certains interviewés veulent justement que les choses changent. Pour savoir s’il peut
faire confiance et répondre à l’enquêteur, l’interviewé a donc besoin de garanties préalables.
(Garantie que l’enquêteur interviendra, n’interviendra pas, sera seul, sera accompagné, qu’il respectera
l’anonymat ou qu’il citera nommément son informateur…), la réponse à l’une de ces questions, ou, de
façon encore plus incertaine, la façon qu’aura l’ethnographe de se présenter auprès des interviewés
potentiels, sera déterminante ! D’autant qu’un rien peut tout gâcher et priver l’ethnographe de
précieuses informations. Ainsi pour la personnemême de l’ethnographe : ses vêtements (baroudeur
« terreux », « crotté » ou monsieur de la ville en costume aux chaussures cirées ?), sa façon de parler
(qui en impose, ou est « sans façons ») son appartenance ethnique ou religieuse affichée ou supposée,
son sexe (importance des interdits religieux, du jeu implicite de séduction/répulsion, identification :
« vous êtes mère, vous me comprenez »), son âge (celui d’un père de famille, d’un jeune homme
inexpérimenté, donc attachant (effet « prise sous l’aile » de l’informateur) ou agaçant selon
l’informateur (syndrome du « blanc bec »), celui d’un vieux (trop vieux) savant à qui il est impossible,
par exemple, de pénétrer un groupe de jeunes gens, mais qui peut facilement se faire admettre dans un
groupe de personnes âgées, son équipe (et les questions précédentes s’appliquent alors à chacun des
membres de l’équipe, sans compter les interrogations sur la hiérarchie, les relations personnelles – qui
est avec qui – et le budget d’une telle « mission expéditionnaire chez nous »), son matériel (un
outillage perfectionné peut impressionner, effrayer, susciter la convoitise)… Bref : tout peut influer
sur la réussite de ce type d’enquête. Un ethnographe considéré comme du même groupe géographique,
ethnique ou religieux sera parfois traité, tantôt avec une confiance particulière (« Tu nous comprends,
tu es un gars du coin284 »), tantôt avec une méfiance particulière (« Il est vendu au pouvoir central, il a
trahi la cause du village »). Dans le cas d’un ethnographe considéré comme totalement extérieur, c’est
le même genre d’attitude qui survient : il est étranger, donc neutre, voire bienveillant (« effet Casques
bleusMédecins sans frontières ») ou au contraire, « il est étranger, donc forcément différent de nous ;
il ne peut nous comprendre et au final, son activité nous dépossèdera de nos traditions, de nos biens,
de nos terres ; il insufflera des idées subversives »…
Une fois l’entretien décidé, comment se dérouleratil ? L’enquêteur liratil ses questions ? Si oui,
dans quel style serontelles rédigées ? Un jargon scientifique mal ou pas compris du tout engendrera
des malentendus, voire un malaise ne débouchant que sur du silence ou des réponses évasives, voire
absurdes. L’enquêteur improviseratil toutes ses questions ? Prendratil des notes pendant l’entretien
ou après ? Si c’est pendant, laisseratil un assistant le faire pour lui afin d’être plus libre dans la
conduite de l’entretien ? La présence de l’assistant peut encore compliquer les choses : l’interviewé
pourra se sentir mal à l’aise devant ce personnage le plus souvent plus jeune, voire d’un autre sexe.
Jusqu’en 1955, MIYAMOTO voyagea presque toujours seul et effectua seul ses enquêtes285. Il semble
que lorsque par la suite il travailla en équipe, il se chargeait des entretiens seul le plus souvent (prenant
luimême ses notes – cf. image) et laissait les jeunes chercheurs qui l’accompagnaient s’occuper des
mesures (arpentage etc.), de la prise de photographies, de vidéos etc. Il ne relate à notre connaissance
aucun incident concernant un assistant.
284 Certains en ont joué, tel par exemple Nicolas RENAHY, parti enquêter dans un village de sa région natale sur les équipes de football non professionnelles. Les gars du coin, enquête sur une jeunesse rurale, Paris, La découverte, 2005, 285 p..285 Watashi no Nihon chizu, t. I : Tenryûgawa ni sotte, Tôkyô, Dôyûkan, 1967, 245 p., p. 241.
Qui mène le jeu lors de l’entretien ? Un enquêteur qui à tout moment remet son informateur sur les
rails pour éviter de perdre son temps en discours hors sujet ou l’interviewé qui s’adresse à son
enquêteur tout ouï, ce dernier se contentant d’opiner de temps en temps ?
Si l’enquêteur intervient, il dispose de trois techniques :
« – la contradiction, qui est une intervention s’opposant au point de vue développé précédemment par
l’interviewé ;
– la consigne ou question externe, qui est une intervention directrice introduisant un thème nouveau ;
– la relance, sorte de paraphrase plus ou moins déductive et plus ou moins fidèle, qui est une question
subordonnées, s’inscrivant dans la thématique développée par l’interviewé »286.
En outre, l’intervention de l’enquêteur, quelle qu’elle soit, peut aussi bien relancer le dialogue,
l’animer joyeusement, que perturber l’interviewé (lui faisant « perdre le fil » de ce qu’il disait), ou
même l’offenser, volontairement ou non (le plus souvent involontairement bien sûr), que ce soit à
cause d’un malentendu attaché au vocabulaire ou d’une insistance sur un détail qui peut être gênant
pour l’interviewé, et sur lequel celuici aurait préféré ne pas s’appesantir, cette insistance étant vécue
comme une indélicatesse, voire une provocation.
MIYAMOTO ne signale aucun incident de cette nature survenu durant un entretien.
Nous supposons que dans la mesure où ses interlocuteurs se laissaient interroger, ils étaient plutôt en
confiance et de bonne composition, d’autant plus que MIYAMOTO ne cherchait probablement jamais
à mettre qui ce fût mal à l’aise. Il était conscient d’avoir à faire à des personnes souvent taciturnes.
286 L’enquête et ses méthodes : l’entretien, chap. 3, p. 80.
Certes, comme l’explique NAGAHAMA Isao287, les Japonais se ménagent particulièrement dans un
dialogue (aun no kokyû 住住住住住), et ne cherchent pas forcément à résoudre les problèmes d’impossibilité
à s’exprimer qui pourraient se poser. MIYAMOTO explique le côté taciturne de certains paysans de la
manière suivante :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
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(« A l’origine, ceux qui avaient beaucoup de mots pour raconter et transmettre n’étaient pas rares dans
les villages. Les personnes du genre à parler pendant deux jours, pendant trois jours, sans tarir
d’histoires n’étaient pas rares au sein des villages, mais tous les autres habitants n’étaient pas comme
ça. Globalement, comparé au débordement (hanran) actuel de mots, je pense qu’on peut dire que ce
n’était pas à cause du nombre de choses. Mais alors, pourquoi les mots étaientils si peu nombreux ?
Ce à quoi on peut tout de suite penser, c’est au fait qu’au Japon, le système productif basé
principalement sur l’agriculture et la pêche a longtemps perduré. Si l’on fait de la Nature son
interlocuteur, entre les deux, il n’y a pratiquement pas lieu d’utiliser des mots. [Alors que] pour les
activités de commerce et de services qui font des hommes leurs interlocuteurs, c’est tout à fait
différent. Mais il y avait là un monde où dès lors qu’on estimait qu’on n’allait pas faire usage de sa
bouche, alors ça allait [effectivement] même si on n’ouvrait pas la bouche. Et il n’arrivait pas qu’on
refusât de reconnaître l’existence à quelqu’un au prétexte qu’il était taciturne. L’important, c’était
d’agir, aussi, du moment que votre conduite était admirable, même si vous vous taisiez, les gens vous
reconnaissaient et estimaient par là votre valeur. »)
En outre, les conditions de l’entretien dépendent de plusieurs facteurs qui ne sont pas toujours tous
prévisibles : météo qui fait qu’une fête en plein air est annulée au dernier moment, une dispute qui
survient pendant l’entretien qui doit être déplacé, reporté voire annulé, protestations de l’entourage,
pressions professionnelles pour répondre dans un certain sens aux questions, voire refus de
l’interviewé luimême de répondre aux questions pour telle ou telle raison (malentendu, peur des
représailles, absence d’intérêt, de temps etc.), antipathie unilatérale ou réciproque d’un ou des
participants à l’entretien, manque de confiance, décès, hospitalisation, déménagement ou simple
absence de l’interviewé avant ou pendant l’étude de terrain etc.
MIYAMOTO évoque relativement peu ce genre de questions, toutefois on trouve quelques questions
de principe dans MinZokugaku he no michi (1955) qui fait un peu office d’introduction à son œuvre et
287 NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsunieichi no tabio to gakumon, chap. IV, 3, p. 115.
dans MinZokugaku no tabi (1978), ouvrages qui fourmillent de définitions et d’exemples. Il raconte
par exemple dans ce dernier288 que les personnes ayant connu l’éducation d’avant Meiji ont une façon
différente de s’exprimer, davantage marquée par le contenu émotionnel et les inflexions de la voix, et
s’expriment généralement en dialecte, différents éléments rendant assez difficiles le travail de
réécriture de l’ethnographe. Les gens d’après Meiji, en revanche, et en grande partie influencés par la
langue standard écrite, ont un vocabulaire différent, moins émotionnel et surtout plus « explicatif » et
« prosaïque », et moins on est âgé, plus cette façon de parler s’affirme.
MIYAMOTO pratiquait l’entretien sur place (et non dans son bureau), c’est à dire sur le lieu de
travail de l’intéressé, puis, une fois l’interviewé en confiance, l’entretien se poursuivait chez ce dernier
jusqu’à une heure indue. MIYAMOTO, très loquace, savait aussi écouter et fournissait une oreille
attentive, ce à quoi les interviewés n’étaient pas toujours habitués.
Le cadre géographique des recherches de MIYAMOTO Tsunéichi
Nous venons d’évoquer la technique de l’entretien, mais il reste à délimiter son cadre. Quel fut le
domaine géographique étudié par MIYAMOTO ?
A part les essais consacrés à ses quatre voyages à l’étranger (et celui sur son voyage en Afrique est
plus un reportage qu’un essai), la minZokugaku de MIYAMOTO Tsunéichi a pour cadre le Japon.
Cela paraît évident, mais de quel Japon parleton ? Celui du diplomate japonais ? si oui, à quelle
époque ? car on sait que le Japon a connu un temps où sa domination impérialiste s’exerçait sur
d’assez vastes espaces (Mandchourie etc.) ? S’agitil du Japon reconnu par les grandes puissances
étrangères ? du Japon tel que se le figure le paysan moyen de Suô Ooshima ? MIYAMOTO Tsunéichi
s’exprime clairement sur ce point chaque fois que l’occasion se présente.
Il s’agit du Japon tel qu’il est officiellement reconnu aujourd’hui, mais auquel s’ajoutent certains des
territoires annexés par son voisin la Russie (les territoires du Nord). Cela ne veut pas dire qu’il prétend
que toutes les parties du Japon ont toujours été japonaises et ethniquement uniformes, loin de là.
Qu’il traite par exemple d’une île (autre que les grandes îles Honshû, Kyûshû ou Shikoku), il en
raconte l’Histoire, même si celleci peut heurter le discours officiel, énonce les particularités qui la
distinguent des grandes îles principales suscitées et propose sa conclusion. Ainsi pour l’archipel des
Ryûkyû, MIYAMOTO Tsunéichi n’hésite pas à écrire qu’il s’agissait d’un royaume à part de l’empire
japonais, ayant fait double allégeance, à la fois à l’empire chinois et au Japon. Il reconnaît ses
particularités (langue, culture etc.) et le rôle actif des autorités japonaises dans sa japonisation forcée.
288 MinZokugaku no tabi, chap. 10, p. 108109 éd. Kôdansha gakujutsu bunko.
Ce genre de démarche est encore plus développé s’agissant de Tsushima 住住, île tampon entre la Corée
et le Japon, où il réalisa plusieurs voyages d’études et sur laquelle il fit de nombreux travaux289.
A cet égard, l’ouvrage290 (1979) qu’il consacra à l’analyse du journal épistolaire de voyage d’Isabella
Lucy BIRD*291 porte une remarque intéressante concernant l’importance des toponymes et leur
reconnaissance par les puissances étrangères, en l’occurrence les EtatsUnis. Il part de la constatation
suivante : BIRD utilise des noms anglais pour désigner des îles japonaises : Perry Island, Webster
Island etc. Cela évoque à l’auteur la mention d’Ogasawarashima 住 住 住 住 par le Commodore PERRY
(17941858) sous le nom de « Bunan Island ». Or « Bunan » est une déformation du nom originel de
l’île, Bunintô 住住住 (aujourd’hui lu « Mujintô »), « l’Ile peu (ou pas) peuplée292 », qui fut abandonné
pour le patronyme de son découvreur, le général OGASAWARA Sadayori 住 住住 住住 (dates inconnues,
XVIème s.). Et MIYAMOTO Tsunéichi d’émettre l’hypothèse selon laquelle si PERRY n’avait pas noté
ainsi le nom de l’île dans son journal de bord, peutêtre la communauté internationale auraitelle eu
plus de mal à reconnaître qu’elle était sous souveraineté japonaise293.
Enfin, il évoque de façon brève la question des deux territoires du nord, les îles Kunashiri(tô) 住住住 et
Etorofu(tô) 住住住, affirmant qu’elles sont toutes deux aïnoues (donc japonaises294) et que leur nom, écrit
en sinogrammes, a été reconnu par tous les pays. « Il ne s’agit pas, ditil, d’un nom donné par les
Russes » (住住住住住住住住住住住住住住住住住住 )295. S’il ne fait guère de doutes que Kunashiri vient de l’aïnou, pour
Etorofu, on n’en est pas absolument sûr. MIYAMOTO Tsunéichi finit par conclure que : « lorsqu’on
décide de dire que c’est un nom qu’ont donné les Aïnous de Hokkaidô, on évolue vers le problème du
droit de propriété territoriale, et on finira par dire clairement qu’il s’agit d’une terre japonaise (Nihon
289 Comme par exemple Tsushima gyogyôshi 「「「「「「「(Histoire de la pêche professionnelle à Tsushima), 1983, OM18, 383 p..290 Le recueil des ses conférences prononcées de 1974 à 1979 au Nihon kankô bunka kenkyûsho 「「「「「「「「 「 (Institut de recherches sur la culture du tourisme japonais) qu’il dirigeait, sur « L’Histoire des voyageurs » (Tabibitotachi no rekishi 「「「「「「「), publié en trois tomes : 1. NODA Senkôin 「「「「「「「 ; 2. SUGAE Masumi 「「「「「「 ; 3. FURUKAWA Koshôken / Isabella BIRD 「「「「「「「「「「「「「「「「 , publiés à Tôkyô chez Miraisha 「 「 「 en 1984. La deuxième partie du dernier tome a fait l’objet d’une republication posthume en un volume sous le titre Isabera Bâdo no « Nihon okuchi kikô » wo yomu 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (Lire Unbeaten Tracks in Japan d’Isabella Bird), Tôkyô, Heibonsha, 1re éd. 2002, rééd. 2004, 285 p.. Nos références renvoient à cette dernière édition.291 Isabella Lucy Bird, Unbeaten Tracks in Japan (1880), San Francisco, Traveller’s Classics, 2000, 349 p.. (inédit en français).292 La lecture ancienne (« bunin ») suggère, selon le Kôjien 「「「「「 (dictionnaire unilingue japonais), le sens de « peu peuplé », alors que la lecture actuelle (« mujin ») signifie « non peuplé ».293 Isabera Bâdo no « Nihon okuchi kikô » wo yomu, p. 20.294 Tant les Aïnous (Áynu / 「「「), ethnie autochtone du Japon, que les Wajin 「「 / 「「 (ethnie majoritaire de l’archipel ayant produit les « Japonais » que l’on connaît) se définissent comme japonais, puisqu’habitants de l’archipel depuis la préhistoire.295 Isabera Bâdo no « Nihon okuchi kikô » wo yomu, p. 21.
no mono) » (住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 )296. A coup sûr, jamais BIRD
ne se serait doutée que son récit d’aventures donnerait lieu à un début de réflexion sur les « territoires
du nord ».
On aura donc compris que le Japon de MIYAMOTO est un territoire à la fois complexe et
explicitement délimité (dans l’espace, mais aussi à chaque fois, dans le temps).
Il est tentant d’essayer d’imaginer ce qu’aurait pu être l’œuvre de MIYAMOTO si SHIBUSAWA
l’avait laissé partir en Mandchourie, et s’il avait pu faire plus tôt des séjours à l’étranger. Peutêtre
auraitil été un ethnographe de l’Afrique et de l’Asie mais, en se dispersant ainsi, n’auraitil pas perdu
en qualité ? Pour le Japon, il avait déjà beaucoup à découvrir et à transmettre. Cela ne nous empêchera
pas de revenir dans notre seconde partie sur le séjour en Afrique, événement unique dans la vie de
MIYAMOTO.
La tentation du japonologue français
La tentation du japonologue non ethnologue serait de croire, impressionné par l’ampleur de l’œuvre
miyamotienne, à une supériorité numérique et qualitative de la minZokugaku interne au Japon sur
l’ethnographie de son propre pays réalisée par les Français. Or une petite recherche permet de dissiper
tout sentiment d’infériorité, les Français ayant été dès le dixhuitième siècle jusqu’à aujourd’hui des
férus d’observation et de classification des arts, coutumes et traditions populaires297. La principale
différence, selon nous, tient plutôt à la diffusion des publications. En France, elles restent très peu
longtemps en magasin, pour celles qui peuvent intéresser le grand public, les autres étant cantonnées à
un réseau de diffusion par souscription, dans les universités, leurs bibliothèques et les centres de
recherche. En France, un rayon ethnographie de la taille de ceux que l’on trouve dans les librairies
japonaises, avec des ouvrages savants en grand nombre, est chose impensable de nos jours. On
imagine mal le rayon ethnologie française afficher une pancarte portant le nom, voire la photographie
d’Arnold Van GENNEP en grand, comme c’est le cas pour MIYAMOTO ou YANAGITA298, et
encore moins son Folklore français en livre de poche ; il le mériterait pourtant, et ne serait pas le seul.
On pourrait donc tenter des parallèles entre MIYAMOTO et nos auteurs nationaux. Considérant le
strict point de vue quantitatif et la diversité des thèmes d’étude, pour un MIYAMOTO (ou un 296 Isabera Bâdo no « Nihon okuchi kikô » wo yomu, p. 21.297 Il n’est que de lire le manuel de Michel VALIERE (2002) pour s’en convaincre. Michel VALIERE, Ethnographie de la France, Paris, Armand Colin Cursus, 2002, 214 p.. Cet ouvrage fait donc œuvre utile en ce qu’il permet de renverser une idée préconçue, un malentendu profond à propos de l’ethnographie et du folklore français, terme ambivalent s’il en est dans la langue d’aujourd’hui. (Nous renvoyons à l’introduction pour un rappel des définitions de ces deux termes.)298 La découverte d’une discipline comme l’ethnologie au hasard d’une déambulation dans une librairie est chose possible au Japon. Les couvertures des livres de MIYAMOTO, notamment celles des éditions Kawade shobô et Yasaka shobô, jouent aussi un rôle pour faire connaître MIYAMOTO auprès du grand public.
YANAGITA, un MINAKATA), il faudrait plusieurs auteurs français. Ainsi pourraiton avancer pêle
mêle, toutes époques confondues, et à titre d’exemples, les noms d’Arnold Van GENNEP (son œuvre
fut une des plus complètes), Théodore HERSART de LA VILLEMARQUE (18151895)299 (chants
populaires), Hippolyte FORTOUL300 (poésies populaires), mais aussi de Jeanne FAVRETSAADA301
(sorcellerie dans les campagnes), Nicolas RENAHY302 (vie des ouvriers de la campagne), Marie
Louise TENEZE303 (littérature orale et conteurs), E. SOUFFRIN (peuplement et historique d’une île
lointaine)… Et nous pourrions citer encore de nombreux noms, un pour chaque domaine auquel s’est
intéressé MIYAMOTO.
Une fois réunis les matériaux ethnographiques, il ne reste plus qu’à passer au travail de rédaction.
2) le travail de rédactionMIYAMOTO a beaucoup écrit. Comme nous l’avons dit, il est difficile d’évaluer le nombre de
livres qu’il a écrit, mais on peut les estimer à deuxcents. Les Œuvres (actuellement 50 volumes), dont
la publication commença du vivantmème de MIYAMOTO, prévoient environ cent volumes. On
pourrait croire que cette prolixité avait pour conséquence un certain relâchement dans l’écriture. Il
n’en est rien. MIYAMOTO, s’il écrivait vite et longtemps, revoyait fréquemment sa copie et d’une
édition de ses livres à l’autre, d’importants changements pouvaient être effectués.
-a. Le style de MIYAMOTO Tsunéichi :
Ce qui impressionne à la première lecture du style de MIYAMOTO Tsunéichi, c’est sa clarté et sa
simplicité. Il ne cherche jamais à en imposer par un jargon savant, et lorsqu’il utilise des termes qui
sortent du vocabulaire courant, il les définit toujours au début, généralement à la deuxième phrase.
Pourquoi la deuxième phrase ? Sans doute, d’après nous, pour susciter notre réflexion dans le contexte
(car MIYAMOTO Tsunéichi fait toujours confiance à l’intelligence du lecteur). La première phrase
interroge, et la seconde permet de vérifier si l’on avait estimé juste.
Comme souvent dans la langue japonaise, les entretiens rapportés sont un mélange de style direct et
de style semidirect (sans guillemets). Les interventions, les questions de MIYAMOTO Tsunéichi sont
peu retranscrites, et le tout donne l’impression d’un long monologue, étalé parfois jusqu’à former un
299 Théodore HERSART de LA VILLEMARQUE, BarzazBreiz, Paris, 1939.300 Hippolyte FORTOUL, Recueil général de poésies populaires de la France.301 Jeanne FAVRETSAADA, Les mots, la mort, les sorts, Gallimard Folio/Essais, Paris, 1994.302 Nicolas RENAHY, Les gars du coin, enquête sur une jeunesse rurale, Paris, La découverte, 2005, 285 p..303 MarieLouise TENEZE, Nanette Lévesque, conteuse et chanteuse du pays des sources de la Loire : la collecte de Victor Smith 18711876, Paris, Gallimard, 2000.
chapitre entier à la première ou à la troisième personne du singulier. Le plus célèbre exemple en est
Wasurerareta Nihonjin (1960) avec le récit du vieux KAJITA Tomigorô 「「「「「304 qui commence par un
long tiret : « – » après une courte conversation avec MIYAMOTO Tsunéichi.
On sait que MIYAMOTO Tsunéichi prenait des notes pendant et juste après ses entretiens, pour
conserver « à chaud » le style et les informations de ses interlocuteurs. Les tournures dialectales sont
donc légions, et il est parfois difficile de les décrypter, même pour un lecteur japonais, MIYAMOTO
Tsunéichi ne fournissant pas de traduction pour des formes grammaticales qui étaient parfaitement
compréhensibles à l’époque. En revanche, pour les noms communs, il fournit très souvent une
traduction en japonais, ce qui donne lieu à une explication étymologique et ethnographico
historique305.
Si une version électronique de l’œuvre miyamotienne existait, il serait intéressant de faire une
analyse hypertextuelle de son vocabulaire. Sans avoir de chiffres, il nous apparaît que certains termes
spécifiques reviennent plus que d’autres dans sa prose.
Ainsi parmi les termes récurrents trouveton wakaru 「「「 (comprendre, savoir [mot japonais]) et
non rikai suru 「「「「 (comprendre [mot d’origine chinoise]) ; hensen 「「 (mutation, transformation).
Dans son commentaire de Nihon no mura et d’Umi wo hiraita hitobito306, MATSUYAMA Iwao 「「「
insiste sur trois termes : tôtoi 「「「「 [「「] (respectable), shitashimu 「「「「 [「「「] (se familiariser avec) et yûki 「
「 (bravoure) qui apparaissent de façon notable dans ces deux essais et permettent de voir où
MIYAMOTO Tsunéichi a porté son attention. Que les trois termes aient à voir avec l’humain, que ce
soit un jugement moral (tôtoi), un acte (shitashimu) ou un trait de caractère (yûki) n’est pas sans
signification. MIYAMOTO comme nous le verrons tout au long de cette étude, attachait en effet une
importance particulière à la fois à une certaine morale (assez confucéenne) et aux émotions. De même,
il s’attacha autant à la description de phénomènes sociaux de groupe (les yoriai 「 「 「 「 , réunions
solennelles de village, les cérémonies agraires comme le taue 「「「 (repiquage) etc.) qu’aux parcours
individuels les plus atypiques (le Genji de Tosa, FURUKAWA Koshôken ou SUGAE Masumi).
Mais ce foisonnement d’informations au sein de l’œuvre ne fut pas incompatible avec la reprise
d’informations d’une œuvre à l’autre.
304 Wasurerareta Nihonjin, éd. Iwanami bunko, p ? 171 : « Kajita Tomigorô okina » 「「「「「「「「 (« Le vieux KAJITA Tomigorô »).305 Un exemple parmi des milliers : la différence entre kugai 「「「 [「「「「「] (relation de couple officielle) et shingai 「「「「 [「「「「「] (1/ relation de couple secrète ; 「ko 「 [du Hokuriku 「「 au Yamakage 「「] 2/enfant naturel) et la présentation des différents noms pour désigner un enfant naturel, ex. hotta 「「「 [「「 ?] en Akita, Aomori, Shizuoka et Aichi, matsuborigo 「「「「「 [「「「「 ?] en Okayama, dans l’Ouest, à Kyûshû et Shikoku etc. (Onna no minzokushi, « Onna no sôzoku » 「「「「「「 (« La succession des femmes ») (1969), éd. Iwanami gendai bunko, 2004, p. 173).306 Ed. Chikuma bunko, 2005, p. 274 et s.
- b. La réutilisation d’informations :
MIYAMOTO ne fut jamais paresseux. Il écrivit des centaines de textes, et cela ne le dérangeait
pas, sembletil, de revenir, pour les besoins d’un texte nouveau, sur quelque chose dont il avait déjà
traité dans un texte précédent. La réutilisation de thèmes et d’informations par MIYAMOTO
Tsunéichi est donc fréquente avec une variété de reformulations et, au besoin, une tonalité différente,
car MIYAMOTO Tsunéichi ne se contentait pas de recopier ce qu’il avait déjà écrit mais réécrivait en
respectant la tonalité générale de son texte. Le même fait n’était donc pas traité de la même manière
selon que le texte devait être publié en volume ou s’il s’agissait d’un article isolé. La quantité de
détails donnés, la tonalité du texte (qui peut être détachée ou au contraire d’une subjectivité assumée)
et le vocabulaire diffèrent. Citons trois exemples :
Ex. :
1. Les denshôsha :
a. SAKON Kumata okina 「「「「「, dans Kawachi no kuni Takihata SAKON Kumata okina kyûji
dan 「「「「「「「「「「「「「「「1937, qui réapparaît dans Wasurerareta Nihonjin307, etc.308.
b. TANAKA Umesada 「 「 「 「 dans Wasurerareta Nihonjin309 et Sonri wo iku (Aller dans les
villages)310.
2. L’éducation de sa mère : qui apparaît notamment dans « Haha no omoide » 「「「「「「「 et « Haha no
ki » 「「「「「 (les deux repris dans Onna no minZokushi311) et Kakyô no oshie (L’enseignement du
village natal)312. Il y parle du journal de sa mère, écrit quasientièrement en hiragana313 et
détruit dans un incendie avant transcription.
307 Wasurerareta Nihonjin, chap. XI (Sekenshi (ni) 「「「「「「), p. 238 & s. éd. Iwanami bunko.308 On trouve de simples références à SAKON Kumata dans Minzokugaku he no michi, chap. IV, 20, p. 260, OM 1 et dans Minzokugaku no tabi, chap. 8, p. 92 éd. Kôdansha gakujutsu bunko.309 Wasurerareta Nihonjin, chap. XII (Moji wo motsu denshôsha (ichi) 「「「「「「「「「「「), p. 261 & s. éd. Iwanami bunko.310 Sonri wo iku, chap. V, (9), p. 175178, OM 25.311 Onna no minZokushi, p. 300 et 305.312 Kakyô no oshie, chap. 7 p. 81.313 Les kana 「「 sont les caractères phonétiques japonais correspondant à des mores (intermédiaire entre le phonème et la syllabe). La langue japonaise est écrite dans un mélange de kanji (idéogrammes d’origine chinoise) et de kana (qui comprennent les hiragana 「 「 「 「 [ 「 「 「 ], de forme ronde et les katakana 「 「 「 「 [ 「 「 「 ], plus anguleux, employés dans des cas différents). La mère de MIYAMOTO n’ayant pas eu l’occasion d’aller à l’école, se contenta de suivre de l’extérieur (par la fenêtre) les cours d’école maternelle et primaire des enfants qu’elle gardait pour gagner sa vie. Son fils n’apprit qu’elle savait lire et écrire (les kana) que tardivement. Ils échangèrent quelques lettres et c’est lui qui l’incita à écrire son journal.
Dans le premier cas, nous passons d’un ouvrage de description d’entretiens à usage professionnel à
un livre destiné à un public plus vaste sans pour autant renier l’objectivité ethnographique. Seulement
SAKON n’est plus le sujet unique de livre mais un cas parmi d’autres, et son récit de vie à la première
personne voisine avec des descriptions d’institutions (Ière partie, cf. encadré) et la description de
rencontres avec des personnages locaux de transmetteurs (denshôsha 「「「). Dans le second exemple, le
cas de TANAKA est traité en détail (vingtetune pages et demi) dans Wasurerareta Nihonjin (1960)
avec des anecdotes et remarques qui viennent apporter des digressions au récit, mais très brièvement
(deux pages et quelques lignes) dans Sonri wo iku (éd. défin. 1977). Le troisième exemple remplit une
fonction différente selon l’œuvre dans laquelle il a été inséré : illustrer le système de la garde des
enfants ; souligner le problème de l’illettrisme des jeunes filles de la campagne avantguerre ; donner,
enfin, un exemple d’amour maternel avec le récit de leur échange de lettres. Et dans chaque cas
l’évocation de la destruction du journal vient conclure l’histoire en montrant la fragilité des documents
ethnographiques et l’impérieuse nécessité de les dupliquer pour en assurer la transmission.
MIYAMOTO avait conscience que son lectorat était émietté et que tous ses lecteurs n’avaient pas
accès à l’ensemble de ses textes. Nombre de ceuxci étaient en effet publiés dans des revues à tirage
parfois confidentiel ou à circuit de diffusion quasilimité à des professionnels. La parution en volume
ne touchait pas le même public selon l’éditeur et selon la collection. Ainsi par exemple dans sa trilogie
destinée à la jeunesse : Nihon no mura (1948), Furusato no seikatsu (1950) et Umi wo hiraita hitobito
(1955), il recourt au style « poli » (réservé normalement à l’oral ou la correspondance) et limite le
nombre d’idéogrammes qu’il utilise afin d’être mieux compris. Toutefois il semble bien vite oublier à
qui il s’adresse et peu de changements sont à noter au niveau de son style même. On sait que les trois
livres eurent un petit succès de librairie, mais on peut se demander qui les acheta : les enfants, ou les
parents ? Qu’on nous permette de retenir la seconde hypothèse. Ces ouvrages sont passionnants pour
un lectorat adulte, mais ne sontils pas d’un profond ennui pour des enfants en quête d’aventure ou des
adolescents peu intéressés par les descriptions des objets du passé qui doivent leur paraître bien
arides ?
Cependant, il reste vrai que MIYAMOTO vise des publics différents dans ses ouvrages et au cours
de ses activités : conférences auprès d’agriculteurs, essais spécialisés, livres de grande diffusion,
ouvrages de vulgarisation destinés à la jeunesse. C’est le fond qui va déterminer la forme, que nous
détaillerons dans la partie qui va suivre.
Enfin, qu’on nous permette une dernière hypothèse, plus psychologique et littéraire : la réutilisation
d’informations par MIYAMOTO pourrait très bien être un moyen parmi d’autres d’insister sur des
points qu’il estime importants en marquant la mémoire du lecteur. Il poserait ainsi des jalons qui
seraient, pour certains, des informations clés et pour d’autres des « épisodes » incontournables de sa
biographie, ou mieux, de sa propre légende qu’il aurait ainsi cherché à créer de son vivant, un peu à la
manière des contes bouddhiques repris sous différentes formes, avec des variantes…
La présentation et l’ordre des chapitre :
Les ouvrages de MIYAMOTO Tsunéichi ne sont certes pas construits selon un plan « à la
française », élaboré préalablement à la rédaction, et en deux ou trois parties, pourtant, ils ne sont pas
qu’une simple succession de chapitres sans liens les uns avec les autres. MIYAMOTO Tsunéichi
procède à un classement par thèmes et sous thèmes (Wasurerareta Nihonjin), ou département (Toshi
no matsuri to minzoku (OM27)). Les nombres qui reviennent le plus, statistiquement, sont le sept
(chapitres) et le deux (parties). On peut émettre l’hypothèse que MIYAMOTO Tsunéichi eut peutêtre
été intéressé par l’habitude des juristes français à raisonner selon une logique binaire et à produire une
arborescence binaire symétrique dans la structure de leurs textes. On trouve aussi beaucoup de livres
sans grandes parties, constitués d’une douzaine de chapitres indépendants (ex. : Kakyô no oshié ou
Emakimono ni miru Nihon shomin seikatsushi, 13 chapitres).
Par ailleurs, dans un ouvrage comme Wasurerareta Nihonjin, sorte de florilège de la science
miyamotienne, on trouve des chapitres narratifs, d’autres qui présentent un entretien. L’image illustre
le texte, accompagnée par une carte élaborée par MIYAMOTO luimême. Les chapitres narratifs ne
sont pas tous consacrés au même genre de sujet : certains sont plus folkloriques, d’autres historiques,
certains sont autobiographiques et laissent la place au « je », les autres pas et leur ton est plus détaché.
Un exemple de plan de livre : La structure de Wasurerareta Nihonjin 住住住住住住住住住住 (Les Japonais
oubliés)314 :
Aucune introduction, 13 chapitres et une conclusion :
[Ière Partie : Organisations du groupe]
[1] Tsushima nite 住住住住 (A Tsushima)
[2] Mura no yoriai 住住住住住住 (Les assemblées de village)
[3] Nagura dangi 住住住住 (Leçons de Nagura)
[5] Onna no sekai 住住住住 (Le monde des femmes)
[IIème Partie Chapitres autobiographiques]
[4] Kodomo wo sagasu 住住住住住住 (A la recherche de l’enfant)
[9] Watashi no sofu 住住住住 (Mon grand père)
[IIIème Partie : Entretiens divers]
314 La numérotation est de nous et vise à révéler la structure implicite de l’œuvre.
[6] Tosa Genji 住住住住 (Le Genji315 de Tosa) : personnage qui réapparaît dans d’autres ouvrages
[7] Tosaderagawa yawa 住住住住住住 (Histoires nocturnes de la rivière Tosadera)
[8] Kajita Tomigorô okina 住住住住住住 (Le vieux KAJITA Tomigorô)
[10] Sekenshi (ichi) 住住住 (住) (Les maîtres du monde (I)) : 6 sousparties
[11] Sekenshi (ni) 住住住 (住) (Les maîtres du monde (II)) : en particulier SAKON Kumata 住住住住, p. 238 &
s., personnage qui réapparaît dans Kawachi no kuni Takihata Sakon Kumata okina kyûjidan (OM37).
[IVème Partie : Les transmetteurs de traditions lettrés]
[12] Moji wo motsu denshôsha (ichi) 住住住住住住住住 (住) (Les transmetteurs de traditions qui savent lire et
écrire (I)) : en particulier TANAKA Umesada ( ?) 住住住住 qui réapparaît dans Sonri wo aruku (OM25).
[13] Moji wo motsu denshôsha (ni) 住住住住住住住住 (住) (Les transmetteurs de traditions qui savent lire et écrire
(II)) : en particulier TAKAKI Seiichi 住住住住
Conclusion (Atogaki 住住住住)
On remarquera que : 1° cette œuvre est structurée. Les chapitres ne sont pas mis à la suite les uns des
autres sans logique ; 2° la structure de cette œuvre est caractéristique de la façon qu’ont les Japonais
de classer les thèmes de réflexion. En effet, MIYAMOTO part de la description de phénomènes de
groupe et d’instances collectives avant de nous parler d’individus isolés : de lui d’abord, puis des
transmetteurs. Le livre aurait donc pu être divisé en deux parties apparentes : le groupe ; l’individu.
Les travaux de MIYAMOTO, pour rigoureux et honnêtes qu’ils soient, n’en suscitèrent pas moins
des critiques dans le monde des sciences humaines japonaises.
La critique du manque de théorisation :
Les détracteurs de MIYAMOTO relèvent toujours le même point : le manque de théorisation. Or,
cette critique ne saurait être qu’hors sujet, dans la mesure MIYAMOTO ne s’est jamais considéré
comme un anthropologue, mais plutôt comme l’ethnographe de la ruralité, réunissant des matériaux
que les autres après lui seront libres d’analyser comme bon leur semble. A cet égard, USU’I Takumi
fait la réflexion suivante :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「(「「) 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
315 Ce surnom de « Genji » renvoie ici au héros du Genji monogatari 「「「「「「 (Le dit du Genji), célèbre roman de Murasaki Shikibu 「「「 (milieu de l’époque de Heian), personnage de (prince) séducteur et sentimental.
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「316
(« La science est un travail qui consiste à recueillir des objets concrets (gushô), pour ensuite
théoriser et en faire quelque chose d’abstrait, ou bien à revérifier des hypothèses rendues abstraites.
Dans le cas de M. MIYAMOTO, il a reçu des critiques selon lesquelles sa théorisation était
insuffisante. Mais moi, je pense que c’est différent. Que ce sont les recherches en minZoku qui
semblent hâter la théorisation, non ? D’abord, on se consacre entièrement à la prise de notes en
entretien. Les chercheurs universitaires aussi, ces dix dernières années317, introduisent pas mal de
procédés d’études de terrain ethnographique sous la forme de « travail de terrain ». […] Utiliser des
mots comme abstraction ou théorisation comme des atouts déterminants est mesquin (kyôryô).
Critiquer une personne qui travaille dans une situation où les moyens sont différents est un peu
erroné, non ? Certes, les résultats du travail de terrain énorme de M. MIYAMOTO au sein du
[Comité pour le] Développement des îles éloignées sont aussi liés à la politisation sous certains
aspects, mais si l’on dit que c’est à cause de cela, et qu’on demande s’il a eu ou non des résultats,
n’estce pas parce qu’on utilise des critères différents ? »)
L’accusation étant hors sujet, elle n’est pas de nature à entamer, selon nous, les mérites de l’œuvre
miyamotienne.
Maintenant, avant d’en venir à la présentation du fond de l’œuvre, on peut se demander quel a été le
but de MIYAMOTO, car on ne saurait, selon nous, tout réduire à sa formation et ses influences, pour
importantes qu’elles furent.
B/ Les raisons de fond qui guidèrent MIYAMOTO
Chaque œuvre de MIYAMOTO semble répondre à une motivation intellectuelle particulière.
Toutefois, cela ne nous empêche pas de rechercher, à travers des exemples concrets, quelques
constantes qu’il s’agit de présenter ici, avant d’en venir véritablement au fond.
Le « vœu prédictif » de SHIBUSAWA » :En pleine guerre, MIYAMOTO passe mettre de l’ordre dans les collections du musée avant d’aller
rejoindre femme et enfants à Osaka. Il va donc faire ses adieux à son patron qui s’exprime en
substance (ainsi MIYAMOTO résume) :
316 Interrogé par SATAO Shinsaku, in Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, 5ème entretien, p. 100.317 L’entretien fut réalisé en 2002.
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「318
(« Tu marches et tu vois la situation des populations rurales. Cela aussi, tu le prends sous l’angle de la
minZokugaku, tu connais même bien les publications qui ont trait au folklore et tu es celui qui a la
meilleure compréhension des objets traditionnels populaires (mingu). Ce que j’estime qu’il te faut faire
est ceci : quoi qu’il advienne par la suite, préserve ta vie ; je veux que tu vives jusqu’après la fin de la
guerre. Avec la défaite, de grands désordres risquent certainement de se produire. A ce moment,
j’ignore ce que deviendront les cultures et l’ordre qui avaient été conservés jusqu’à aujourd’hui. Mais
si tu es en forme [à ce momentlà] tu pourras devenir un « canal » (paipu) reliant l’aprèsguerre à ce
que tu as vu et entendu avantguerre ».)
Dès lors, tout prend sens dans les grandes lignes : MIYAMOTO sera un passeur, voire même le
sauveur d’un monde en voie de disparition, un historien de l’urgence.
MIYAMOTO ajoute :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「319
(« Je sus [ainsi] (pour la première fois) que c’était cela que le professeur attendait de moi depuis ces
quatre dernières années. Traiter de la vie quotidienne des gens qui vivent dans la vraie vie, et pas dans
les livres, et savoir concrètement ce que sont les Japonais jouera nécessairement un rôle dans
l’orientation du Japon d’aprèsguerre, enfin c’est un devoir urgent que de former ce genre de personne,
ne seraitce qu’une seul, pensaitil. Pourtant, il le réclamait de nous avec une froideur extrême. »)
A la lecture de ces lignes, on voit bien le lien entre le passé et la formation de la génération suivante.
A aucun moment, la minZokugaku ne s’est vue comme une science pure sans incidence sur le monde.
Il s’agit pour SHIBUSAWA et MIYAMOTO d’accompagner un changement inévitable et d’essayer
de transmettre ce qui aura pu être sauvegardé en urgence.
Dans Minshu no chie wo tazunete (En interrogeant la sagesse populaire) (1962)320, MIYAMOTO
écrit :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
(« Mes voyages ne sont pas quelque chose que j’ai réalisé uniquement pour me faire plaisir. A mesure
que le monde avance et que les vieillards vont vers la mort, ce sont les anciennes traditions qui vont
318 MinZokugaku no tabi, chap. 10, p. 121.319 MinZokugaku no tabi, chap. 10, p. 121.320 OM 26.
disparaître. Une fois qu’elles auront disparu, on dira : « Qu’estce que ça peut bien être, ça ? » et on
aura beau scruter, il sera déjà trop tard. Il y a lieu alors de procéder dans la mesure du possible à de
nombreux entretiens avec les anciens : voilà ce que je me suis vu conseiller par les professeurs
YANAGITA Kunio et SHIBUSAWA Keizô et tels étaient les voyages que j’entrepris. »)
Et réapparaît alors la question de l’identité des Japonais…
Déjà YANAGITA liait la formation de la minZokugaku à la politique (cf. plus haut) et en faisait
l’indispensable accessoire de l’éducation future des consciences à la solidarité locale, puis nationale, et
cherchait l’amélioration des conditions économiques d’existence des classes pauvres321.
Mais MIYAMOTO a des motifs supplémentaires d’accomplir la tâche titanesque qu’il s’est fixé,
comme nous le verrons dans la seconde partie (chapitre IV)
1) Extrait de la postface de MIYAMOTO Tsunéichi à son Furusato no seikatsu
Cette postface contient quelques éléments qui résument assez bien la démarche de MIYAMOTO et sa
vision de la discipline en train de se constituer.
322(« J’aimerais, dans la mesure du possible, essayer de mettre en lumière de quoi sont composés les
villages où nous vivons (et/) ou nos villages d’origine. Mais, des choses d’autrefois (de ces villages), il
ne nous reste pas grand chose par écrit, aussi ne pouvonsnous rien savoir à l’aide de ces seules traces
écrites. De plus, si l’on se contente de déterrer des villages abandonnés, comme le fait l’archéologie,
aucune résolution du problème ne pointe non plus à l’horizon. En fin de compte, vu qu’aujourd’hui il
reste effectivement, assurément, des vieilles choses parmi ce qui nous a été transmis oralement et
parmi les usages actuels des villages, il nous faut bien examiner celui où nous vivons, observer aussi
ceux des environs et les comparer.
321 « Une discipline académique est requise, qui nous fournira davantage de réponses utiles à des questions concrètes telles que : comment les gens d’une certaine région peuventils s’unir d’une manière plus harmonieuse, ou comment pouvonsnous minimiser le nombre de gens qui sont malheureux ou dont le comportement est indésirable pour la société ? » YANAGITA Kunio, Teihon, Bekkan 3, « Kokyô nanajûnen » 「 「 「 「 「 「 「 (« Soixantedix ans de village natal »), p. 333, cité par KAWADA Minoru, op. cit., chap. 5, p. 111.322 Texte original : 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
En même temps, il faut lire les écrits qui se rapportent à cela. Toutefois, ce qui est plus important,
c’est de marcher et de regarder. Si l’on ne marche pas et qu’on ne regarde pas, aucune sensation réelle
n’est à attendre. Les sensations réelles (jikkan) jouent un grand rôle dans l’examen des choses. Ce
genre de science qui examine l’Histoire de la vie quotidienne des populations ordinaires ( ippan
heimin) s’appelle la « minZokugaku du Japon », mais tant celui qui fonda cette discipline, le professeur
YANAGITA Kunio, que celui qui reçut son enseignement et travaille actuellement sur la littérature
nationale, le docteur323 ORIKUCHI Shinobu, sont en même temps de grands voyageurs. En outre, de
nombreuses personnes qui participent à des recherches de ce genre ont toutes étudié les voyages [de
jadis], ou encore les manifestations de la vraie vie dans les villages et approfondi ces recherches et ces
réflexions. Là survient la comparaison grâce aux sensations réelles.
De plus, sur ce genre d’enquêtes et de recherches, beaucoup de livres sortent, mais c’est quelque chose
sur quoi j’aimerais encore écrire, à l’occasion.
Comme la minZokugaku – contrairement à [cette attitude] qui, comme l’Histoire ordinaire, se base
pour ses investigations sur les traces écrites – cherche à observer les choses anciennes qui existent au
sein de la vie de tous les jours, même si l’on fait assez attention, les omissions sont, de fait, assez
nombreuses. De surcroît, il est assez difficile de fixer la frontière entre ce qui est récent et ce qui est
ancien. Cependant, nous désirons connaître l’Histoire exacte de la vie quotidienne de nos ancêtres.
J’aimerais que de nombreuses personnes – au moins une – prennent part à cette science.
Bref, ce livre fut écrit grâce aux bons soins de personnes assez nombreuses : c’est moi qui ai pris le
stylo pour écrire ces phrases, mais au cours de mon voyage, j’ai fait l’objet d’attentions, et ceux qui
ont bien voulu m’apprendre par ailleurs les choses les plus diverses sont en vérité fort nombreux.
Même si ça fait peu, ils dépassent les mille. J’ai également appris grâce à de nombreuses lectures.
(…) »)
Ce texte expose quelques uns des axes de recherche de MIYAMOTO. Il cherche ainsi à étudier la
structure (« de quoi [ils] sont composés ») des villages actuels tout autant que celle des villages du
passé (« villages d’origine »). Ensuite, par l’étude des éléments légués par le passé (les matériaux –
shiryô – que nous évoquions plus haut) et l’observation directe et participante, il s’agit de parvenir à
une compréhension permettant le comparatisme. Cette compréhension ne peut venir que si l’on fait
appel aux « sensations réelles ». Elles sont l’atout de l’ethnographe, par rapport à l’archéologue ou à
l’historien. Cette empathie est donc nécessaire et ne saurait se limiter à la subjectivité personnelle du
travailleur de terrain. Histoire et empirisme vont donc de pair, afin de saisir ce triple but de la
minZokugaku : qui étaient nos pères ? Que nous ontils légué ? Et qui sommesnous ?
Mais un autre exemple peut être fourni avec Kakyô no oshie.
323 Docteur en lettres.
2) Les deux buts de Kakyô no oshieKakyô no oshie, comme l’indique son titre, traite de l’éducation de l’enfant au sein de la famille rurale,
et ce à partir de la propre expérience de MIYAMOTO. Le rôle de l’expérience vécue, à une époque où
le futur ethnographe ne se savait pas observateur, est assez particulier et rare, sans être tout à fait
unique (qu’on songe par exemple à Pascal DIBIE ou Nicolas RENAHY).
Parmi les buts revendiqués par MIYAMOTO, on lit ceci :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「324
(« Pour ce qui est du premier, j’ai cherché à éclaircir ceci : comment les traditions (denshô) de vieille
date nous ontelles été léguées, et de quelle façon les choses nouvelles (/ innovations / nouveautés)
sontelles introduites ? J’ai par ailleurs aussi cherché à mettre en lumière les relations de la position
[sociale] – considérant [la question de] l’éducation et de la discipline domestiques par rapport aux
grands parents, aux parents, leurs femmes et enfants – avec les covillageois. Ensuite, j’ai aussi
cherché à voir avec quels genre de buts et de quelle manière la vie quotidienne dans les villages avait
été organiquement constituée. »)
MIYAMOTO énonce ici, outre le sujet de son livre (les questions de l’éducation et de la discipline
domestiques), les axes qui l’ont guidés (et qui ne sont pas propres, selon nous, au seul Kakyô no
oshie) : la question de la transmission (denshô) des traditions, celle de la naissance (sui generis ou
importée) de nouvelles pratiques coutumières, en d’autres termes les mutations (hensen) que nous
évoquions plus haut, enfin la question de l’organisation institutionnelle de la société rurale,
organisation au cœur de ces constants processus de mutation.
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「
(« Quant à l’autre [but], j’ai cherché à voir, en dehors de l’instruction à l’école populaire, et alors
même qu’on insistait [alors] sur ce qui relève des recherches sur le terroir (kyôdo) ou de l’éducation
rurale (kyôdo kyôiku) (rares étant [en ces matières] les retours sur le passé jusqu’à maintenant), quelle
place et quelle superficie occupait, dans la vie quotidienne des villages, l’éducation pour devenir de
bons membres de la famille et de bons villageois. »)
Le dernier objectif peut sembler anecdotique (et peutêtre l’estil vraiment), mais il est représentatif
d’une époque où la morale était encore présente au sein des sciences humaines au même titre que
l’idéologie : il s’agit de comprendre comment l’éducation peut concourir à la vertu et à l’harmonie (le
wa 住 si important pour les Japonais325), pour ensuite l’encourager (même si ce n’est pas dit
324 Introduction, p. 11 éd. Iwanami
explicitement dans ces lignes). En MIYAMOTO, il faut le reconnaître, se cache aussi un moraliste qui
s’ignore.
Suit une petite explication :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「326
(« Je me disais en substance que ce qui avait un sens c’était plutôt, dans la mesure du possible, de
traiter en détail et exhaustivement d’un seul village. Les choses ici rapportées sont manifestement
toutes différentes les unes des autres, en fonction des régions, ou de ce qui diffère de mon cas
personnel, mais je me demande [aussi] si les idées et les aspirations de mon grand père concernant les
femmes et les enfants [ne] sont [pas] communes [à tous]. Ce sont [précisément] ces choses communes
qui viennent nous montrer les différences d’expression suivant l’environnement ou les traditions. »
Ce court extrait montre de manière peutêtre un peu confuse la dichotomie au fond de la
minZokugaku miyamotienne et, peutêtre même par extension, au sein même de la pensée japonaise,
entre le différent et le même. MIYAMOTO veut étudier un seul village, le sien, car il lui semble
particulier, unique. Il est conscient des différences entre les régions, et, à plus forte raison, entre
l’Ouest et l’Est, vieille différence culturelle que MIYAMOTO ne cessera de traiter dans ses livres
comme pour l’exorciser.
Dans un deuxième temps, MIYAMOTO prend conscience des similitudes entre les valeurs morales
de son grandpère et celles des gens des autres régions. Le Japon, divisé par les faits culturels, se
trouve unifié par les valeurs morales des gens de la campagne. Et les Nihonjinron (études sur la
japonité) devraient montrer qu’à la base, la structure de la pensée des Japonais par rapport au reste du
monde est inversée, tout comme l’est la structure grammaticale de la langue, avec le verbe à la fin. En
Occident (tout du moins), nous partons du général pour aller au particulier, alors que les Japonais font
l’inverse. D’où le petit nombre de mots de la langue française, langue exceptionnellement
universaliste et universelle, avec laquelle la combinaison de noms génériques et d’adjectifs permet de
tout dire avec une liberté rare. En Japonais, chaque changement infime dans la forme ou l’usage d’un
objet ou d’un fait oblige à trouver un nouveau nom pour le désigner, de préférence à un nom plus
générique qualifié par un adjectif.327. Ce ne sont donc pas des synonymes, car le propre du synonyme
325 L’ethnie aujourd’hui majoritaire au Japon est l’ethnie des Wajin 「「, que ces derniers écrivent avec l’idéogramme signifiant « harmonie », délaissant le caractère utilisé par les Chinois de l’Antiquité, Wō 「, un peu péjoratif (il signifiait : « petits hommes au dos rond ») (Kanjigen). 326 op. cit. p1112.327 Ainsi n’existe pas de mot pour dire par exemple « eau », « riz », « temps », « frère » ou « couteau », mais une multitude de mots à l’usage strictement défini Ainsi la mizu 「 (eau froide) se transforme en oyu 「「 (eau chaude) à partir d’une température indéterminée et devient uôtâ 「「「「「 dès lors qu’elle est minérale. Nul ne peut dire avec certitude ce que devient la uôtâ portée à ébullition, sans doute de l’oyu. De même, le riz sur pied est l’ine 「, récolté et sec, du (o)kome (「)「 ; cuit, blanc et dans un bol, du
est de pouvoir remplacer un autre terme, ce qui ne veut pourtant pas dire que les synonymes n’existent
pas dans la langue japonaise. Ce fait de langue rend ainsi difficile la réflexion philosophique, chaque
concept étant renvoyé à sa langue d’origine comme intraduisible et propre à la culture d’origine,
malgré des tentatives de traduction qui ont tendance à s’effacer derrière le phénomène actuel de
transcription phonétique du terme conceptuel étranger328.
C’est selon nous cette tendance à tout voir comme différent sans percevoir l’universalité du genre
humain qui en grande partie a conduit le Japon au racisme à l’époque du jeune MIYAMOTO.
L’irréductible différence entre « les Japonais » et les autres – les Japonais se trouvant du coup
paradoxalement unifiés – a été le leitmotiv de YANAGITA dans sa justification du rôle central du
Japon en Asie, avec la minZokugaku comme fondement scientifique. Heureusement, MIYAMOTO est
venu apporter un peu de mesure et de bon sens en remettant la minZokugaku à sa place, qui est celle
d’une science, et non d’une idéologie, sans se sentir obligé de répondre à toutes les questions qu’en
intellectuel, il était amené à se poser.
La dichotomie entre nous et autrui, ressemblance et différence est universelle et l’ethnographie
comme l’ethnologie sont des sciences d’une totale honnêteté, puisqu’elles assument parfaitement ce
passage constant du différent au semblable, et réciproquement.
En France, l’ethnologie était censé être, au départ, la science de l’altérité par excellence, pourtant
elle trouve aujourd’hui ses plus fertiles terrains d’étude dans le pays même de l’ethnographe. Peur de
faire du colonialisme malgré soi ? D’être taxé de raciste en classant ? De chercher à maintenir les
populations étudiées dans un état artificiel de « sauvagerie » exotique ? Manque de moyens ou passion
pour son pays (même si le mot « patriotisme » est devenu rare, voire « tabou » ces dernières années) ?
On ne saura jamais. Inversement, au Japon, la minZokugaku a précédé (de très peu) les grandes
réalisations ethnologiques à l’étranger, assez en retard sur l’Europe, les pays arabes, et la Chine (mais
en avance institutionnelle sur cette dernière), peuples qui ont vu fleurir les récits et les analyses
d’écrivains voyageurs. Il semble bien qu’à chaque fois dans le monde l’ethnologie de l’autre soit allée
de pair avec les facilités matérielles qu’offrait pour le ressortissant ethnographe d’un pays colonisateur
gohan 「 「 , enfin blanc mais sur assiette, et éventuellement recouvert de sauce, du raisu 「 「 「 . Le problème se pose des grains de riz cuit sur assiette tombés par terre ou tombés d’un bol, vers une assiette (et réciproquement) : deviennentils du gohan (ennoblis au passage par le go 「 [ 「 ] honorifique) – dans le premier cas, fiction toute juridique dans l’esprit qui suppose qu’ils soient tombés d’un bol imaginaire – ou restentils du raisu ? Personne n’est d’accord et les débats sont plus vifs depuis l’apparition du raisu. Dernier exemple, le temps sera toki 「 lorsque conceptualisé, jikan 「「 lorsqu’exprimant la durée et taimu 「 「 「 (par ailleurs le même mot que pour exprimer le « thym ») lorsque complet (furu 「「) ou partiel (pâto 「「「), ou le mitemps (hâfu 「「「).328 Cela n’est pas dû à l’usage de l’écriture idéographique, puisque le chinois est (avec l’anglais) une des langues où les traductions de termes étrangers sont les plus nombreuses et les plus inventives (il n’est qu’à voir le vocabulaire de l’informatique, alors qu’en japonais 80 % du vocabulaire informatique est constitué de transcriptions phonétiques de mots anglais).
l’état du pays colonisé. Le Japon n’échappe pas à la règle et ce n’est pas YANAGITA qui viendrait
nous contredire.
MIYAMOTO a prouvé dans son œuvre qu’il n’avait aucune sympathie particulière pour la
colonisation en général329 par ses choix de voyages à l’étranger. Il choisit ainsi le Kenya et la
Tanzanie, parce qu’il voulait visiter des pays libres et en paix330.
On pourrait enfin citer d’autres intentions qui guidèrent MIYAMOTO, notamment celle longtemps
affichée de faire l’Histoire et la description des populations japonaises sans écriture.
Et l’on terminera cette première partie sur cette définition programme de la minZokugaku.
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「――「「「「「――「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
(« On peut dire que la « minZokugaku » est ce qui cherche à étudier les traces (kiroku) des
répétitions – la vie quotidienne coutumière – des mots et des actes qui étaient les moyens de
transmission (denshô) de la culture utilisés au sein de sociétés populaires qui autrefois n’avaient
pas d’écriture ; et, se basant ladessus, les sources des prototypes culturels, les types de cultures et
le(ur)s fonctions (kinô), mais, vu que les sociétés [japonaises] sans écriture sont aujourd’hui déjà
disparues, c’est une science qui étudie les cultures conservées par l’usage au sein de sociétés
possédant des traditions de société sans écriture ».)
Pour synthétiser, la minZokugaku s’intéresse à la recherche ethnographique (parfois même
archéologique) des traces (ou enregistrements) (recherche matérielle), aux origines historiques des
prototypes culturels (recherche d’Histoire ethnologique) et à la classification des cultures par types
(typologie ethnographique) et fonctions (typologie fonctionnelle ethnologique), mais elle peut
également partir de la fin et étudier les sociétés actuelles, héritières d’une société jadis sans écriture
(ethnographie et ethnologie du folklore contemporain).
Cette définitionprogramme de 1955 n’est pas fausse, mais MIYAMOTO ira beaucoup plus loin. Il
sera le premier à le faire et aujourd’hui encore semble n’avoir pas trouvé de successeur à sa mesure.
329 Au contraire, il adhère même à la proposition du critique et essayiste OOYA Sôichi 「「「「 (19001970) consistant à autoriser l’immigration de populations latinoaméricaines dans les îles en voie de dépeuplement (du fait du déficit des naissances et du dépeuplement). Nihonjin wo kangaeru, deuxième entretien, p. 22.330「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「(« Ce qui m’attira le plus, sentimentalement, vers l’Afrique orientale, seraitce le fait qu’il n’y avait pas eu là de si grande guerre que cela, qu’il y avait eu relativement peu de domination exercée ou subie par la force armée ou la puissance économique ; [aussi] quelles pouvaient êtres, dans ce genre de société, le type de relations humaines, et celles entre les humains et la terre ? » « Higashi Afurika wo aruku » 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 (« Marcher à travers l’Afrique orientale »), in Miyamoto Tsuneichi, Afurika to Ajia wo aruku, p. 3.
Deuxième partie. Voyage au cœur de
l’œuvre miyamotienne : d’une réflexion
sur le folklore, l’histoire et le patrimoine
à la naissance d’une nouvelle nihonjinron
L’œuvre de MIYAMOTO n’étant pas théorique ni doctrinale, il peut paraître relativement difficile
d’en fournir un résumé ou d’en exprimer l’esprit. Elle semble n’avoir pas de centre, et ne manque
cependant pas de cohérence. Essentiellement descriptive, elle cherche à apporter une explication
rationnelle aux phénomènes qu’elle décrit sans renier l’aspect émotionnel inhérent à la rencontre de
l’ethnographe avec ses sujets d’étude. En fait, il s’agit davantage d’une expérience humaine globale,
complète, que d’un simple recensement mécanique d’informations. L’ethnographe, en cherchant la
raison d’être des faits et des choses, va aussi interroger le cœur des hommes qu’il étudie. Le voyage
fait sens à plusieurs niveaux : il est d’abord le passage obligé d’un travail de terrain mené
scientifiquement, ou tout du moins rigoureusement. Il est ensuite un voyage initiatique : en allant
toujours plus loin dans le Japon profond ou, pour reprendre un mot de MIYAMOTO, dans les îles
éloignées (ritô), l’ethnographe avance en profondeur dans sa connaissance du peuple en question, en
l’occurrence le sien, et dans sa connaissance de luimême. Cela n’est pas nouveau : dès Pausanias il en
est question et il n’est qu’à lire le Journal d’ethnographe de Bronislaw MALINOWSKI pour avoir un
exemple plus proche de nous. Seulement, chez MIYAMOTO, l’aspect personnel s’inscrit dans l’œuvre
même et sert à l’illustrer. Dans Wasurerareta Nihonjin (Les Japonais oubliés) qui fait un peu office de
vitrine ou d’échantillon de l’œuvre miyamotienne avec ses chapitres représentatifs des diverses
facettes du travail de leur auteur, deux chapitres (sur treize) concernent sa vie personnelle : l’un
évoquant la fugue de son fils cadet, et l’autre la figure de son grand père, modèle à suivre pour toute
éducation traditionnelle. Ce rapport de 2/13 pourrait être étendu sans trop d’erreur à l’ensemble de
l’œuvre, avec des ouvrages comme Kakyô no oshie (L’enseignement du foyer) qui découlent
entièrement de l’expérience de vie personnelle de MIYAMOTO.
De là, partent de grands axes de recherche, des thèmes et quelques concepts.
Parmi les axes de recherche, citons les mouvements de populations, l’Histoire des activités
économiques et des voies de communication, l’étude de la chaîne alimentaire de la graine au plat,
l’Histoire des voyages, l’éducation, l’origine des Japonais et de leur culture…
Pour les sujets d’étude, ils sont innombrables. Donnons quelques exemples : Oshirasama cité plus
haut, la fabrication des jarres, des sandales, des maisons, des vêtements, les différents bateaux et filets
de pêche, les paroles de chansons folkloriques, les loisirs populaires (artistes ambulants), l’étude de tel
ou tel groupe social etc.
Enfin, pour ce qui est des concepts, ils ne sont pas toujours explicitement formulés, mais nous
pourrions parler de ceux de patrimoine, d’Histoire, de peuple, de petit peuple, de sekenshi*, de
transmission…
Il nous apparaît que la voie tracée par l’œuvre miyamotienne semble chronologiquement se diriger
vers son aboutissement théorique. A partir d’une réflexion sur la ruralité, le folklore et l’identité (I),
MIYAMOTO en arrive à poser, notamment (mais pas seulement) par le recours à l’Histoire, les bases
d’un renouveau de l’étude de la japonité (Nihonjinron) : d’où viennent donc les Japonais et leur(s)
culture(s) ? (II)
I (Chapitre III) : Ruralité, folklore et identité
L’œuvre de MIYAMOTO, comme nous l’avons dit, couvre tous les domaines possibles et imaginables
au sein de la minZokugaku, de la vie quotidienne dans les campagnes, leurs coutumes et leur
« folklore » (au sens courant d’aujourd’hui), en passant par les techniques agricoles, l’économie des
villages, l’Histoire du commerce du sel, de la pêche, l’archéologie, jusqu’aux Nihonjinron. Seule la
ville n’a pas été traitée, sauf dans Toshi no matsuri to minzoku 「「「「「「「 (Fêtes traditionnelles et folklore
urbains), qui demeure une exception, et dans quelques courts articles331.
Deux axes, selon nous, parcourent la plus grande partie de l’œuvre miyamotienne : ruralité (A) et
patrimoine (B). C’est le lien entre ces axes qui constitue la problématique d’une œuvre tout entière
consacrée à une recherche constante de l’identité japonaise. MIYAMOTO en effet, s’il ne prétendit
pas avoir compris ou défini l’identité japonaise, reconnut cependant s’être toujours efforcé de
rechercher des traits particuliers au sein des cultures pouvant s’observer sur l’archipel du Japon. Il est
intéressant à cet égard de souligner qu’il n’existe pas en japonais de mot pour traduire le français
« identité »332, les termes dokujisei 住住住 , kosei 住住 , jibunrashisa 住住住住住 ne recouvrant qu’une partie du
champ sémantique du mot français, et sans sa force émotionnelle. On trouve bien le mot aidentitî 住住住住住
住住住住 venu de l’anglais, mais il tend à prendre une connotation « identitaire », entachée d’extrémisme
politique, aussi n’estil n’est pas accepté par la majorité des Japonais. SANO Shin’ichi l’emploie
331 Dont certains par exemple figurent dans Sora kara no minZokugaku (L’ethnographie du folklore vue du ciel), recueil posthume rappelonsle.332 Pour le sens précis que nous donnons à ce mot, nous renvoyons à l’introduction.
cependant dans le sens où nous l’entendons en français en émettant l’hypothèse que l’intérêt actuel
pour l’œuvre de MIYAMOTO s’inscrit dans une tentative visant à redonner le sens de l’identité à la
jeune génération en danger de se perdre à cause du nouveau système de valeurs utraconsumériste :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「333
(« (…) dans l’avalanche de ces circonstances, une tendance à chercher à retrouver d’une certaine façon
une identité –pour dire les choses avec un mot difficile – est enfin apparue chez certaines personnes de
cœur, me sembletil. C’était cela, je pense, la plus grande raison qui a fait qu’on a porté le regard sur
un certain MIYAMOTO Tsunéichi. »)
MIYAMOTO ne nomme cependant pas la chose en ces termes trop récents mais parle plutôt par
périphrases et par questions : Qu’estce qu’être Japonais ? Qu’estce qui fait la particularité des
Japonais ? Quand se sontils sentis Japonais ? etc.
A/ La ruralité remise à sa juste place et son importance
La première question qu’on est en droit de se poser est, tout simplement : Pourquoi la ruralité ? Il n’est
pas besoin de revenir en détail sur les origines rurales de MIYAMOTO (par contraste avec les origines
aristocratiques de YANAGITA) ni sur la direction scientifique de ses travaux par SHIBUSAWA.
Supposons plutôt que MIYAMOTO avait choisi librement et souverainement ses thèmes de
recherches. Pour lui, la ruralité n’est pas un choix restrictif, elle est l’ouverture sur une globalité : le
Japon des petites gens, qui constituait de son temps l’essentiel de la population, malgré la mutation
accélérée, du vivantmême de MIYAMOTO, de la structure de la société japonaise. Dans le contexte
d’avant la Seconde guerre mondiale, le Japon était un pays essentiellement rural et c’est la ville qui
était l’exception, tout comme les guerriers (bushi) étaient l’exception (numérique) au plan social avant
Meiji. En effet, MIYAMOTO dénombre, au Bakumatsu 「「 (la fin du shôgunat), sur une population de
33 millions d’habitants au Japon, 30 millions de paysans (91%), 1,5 millions de bushi (4,5%), 1,2
millions de citadins (3,6%), 300 000 pêcheurs et autres (0,9%)334. Dans MinZokugaku he no michi, il
écrit :
333 SANO Shin’ichi 「 「 「 「 , Miyamoto Tsuneichi no manazashi 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 (Le regard de Miyamoto Tsunéichi), Kôbé, Mizunowa shuppan, 207 p., Chapitre I, 1, p. 2728.334 Nihonjin wo kangaeru, troisième entretien, p. 42. Voir aussi notre Introduction, I, A/, p. 14.
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「335
(« La culture japonaise est apparue sur la base d’une accumulation de transmissions folkloriques de
l’ethnie (ou des ethnies) du Japon, et il ne s’agit pas de quelque chose réalisé simplement par le
développement de la culture des classes supérieures. A Nara, Kyôto ou encore Edo, il y eut une
floraison culturelle remarquable grâce aux temples shintô et bouddhiques, à la noblesse de Cour et aux
guerriers. Cependant le Japon dans son ensemble ne menait pas cette vielà : ça n’était qu’une façon
tout à fait minoritaire de vivre. »)
Aujourd’hui encore ce sont les bushi qui sont les plus médiatisés, le « samouraï »336 étant le
personnage principal du cinéma en costume, des documentaires avec reconstitutions, des bandes
dessinées et des romans populaires, le paysan étant réduit au rôle de figurant ou de personnage mineur.
Une autre raison pour étudier les populations de la campagne est le rôle indispensable que les paysans
jouent en tant que « nourriciers » du peuple, et ce quelle que soit l’époque. Même pauvres et
exploités, ils assurent ainsi une fonction symbolique qui, aujourd’hui encore, permet la valorisation de
la profession d’agriculteur, au Japon tout comme en France337. Cette importance de la survie s’exprime
aussi dans les rites agraires et dans la religion populaire, d’où une interconnection des thèmes de
recherches338.
YANAGITA déjà, et ce dans la première période de son œuvre, traitant en particulier de politique
agricole, soulignait le rôle essentiel de l’agriculture dans la structure passée, présente et, sinon à venir,
du moins à souhaiter, de l’économie. Pour qu’un pays montagneux à faible superficie cultivable
comme le Japon puisse survivre face aux nations occidentales en limitant autant que faire se peut sa
dépendance alimentaire, il faut assurer les bases d’une agriculture prospère, c’est à dire à haute
productivité (technologie et formation des agriculteurs) et viable pour le cultivateur (ce qui suppose
l’émancipation des fermiers du joug féodal des propriétaires terriens). Agriculture à grande échelle et
petites exploitations (qu’il faut aider à s’organiser en coopératives et syndicats, que ce soit au niveau
local, départemental – encore à créer à cette époque – ou national), doivent se compléter, à l’image des
335 MinZokugaku he no michi, Ière partie, chap. VIII, p. 50 éd. Miraisha, OM 1.336 Notons qu’en japonais contemporain, le terme de samurai 「 「 「 「 , écrit en katakana, tend, sous l’influence de l’anglais, à être utilisé dans les media de masse parallèlement à bushi 「「 , comme un synonyme, renvoyant plus à un idéal chevaleresque (voire à l’image d’un cowboy solitaire) qu’à son sens d’origine (guerrier serviteur en bas de l’échelle hiérarchique de la classe des guerriers) venant du verbe saburafu 「「「「 [「「], « servir », qui a donné samurau 「「「「 [「「] et sa nominalisation samurai 「「「「 [「]. 337 Surtout depuis ces cinq dernières années avec la fin de la surproduction agricole et des prix trop bas payés aux producteurs. Sur le rôle nourricier comme élément valorisant de la profession, cf.DIBIE Pascal, Le village retrouvé : Essai d’ethnologie de l’intérieur, sl., Editions de l’Aube, 1979, 1995, rééd. 2005, 257p..338 MinZokugaku he no michi, Ière partie, chap. XII, p. 71, OM 1.
trois secteurs d’activité (primaire, secondaire et tertiaire). Contrairement aux physiocrates,
YANAGITA ne préconise pas la primauté du secteur primaire sur les autres, et face aux
conservateurs339, il proclame la nécessité de déféodaliser l’agriculture et d’en limiter les effectifs
surabondants (nous sommes dans les années 19001910) par un exode agricole limité dans le temps,
favorisé par la création d’une économie locale ou départementale (secteur secondaire de
transformation des matières premières agricoles et tertiaire pour écouler la production locale sur
place), évitant au maximum les intermédiaires qui réalisaient au passage un fort bénéfice. Enfin, face
aux tenants de l’industrialisation et du commerce comme seule voie340, il rappelle, à défaut d’être
autosuffisant, la nécessité de limiter la dépendance alimentaire du pays. Mais l’économie n’était pas le
seul horizon du fondateur de la minZokugaku. Il souligne aussi l’aspect psychologique, ethnologique
et symbolique de l’agriculture en ces termes :
« Une nation consiste en une terre et son peuple. (…) Afin de créer un lien entre la terre et le peuple, il
est nécessaire pour le peuple de rester sur sa terre. Vivre de façon permanente sur la terre est un
facteur [essentiel] pour faire une nation (…) Et c’est l’agriculture qui fait que le peuple reste sur sa
terre (…) c’est l’agriculture qui lie la terre à son peuple. La proportion de population flottante
augmentera conformément au déclin de l’agriculture. L’agriculture est l’ancre d’une nation »341.
MIYAMOTO reçut donc cet enseignement dont il admirait la cohérence et la rationalité, mais avec
lequel il devait cependant prendre ses distances sur certains points (les relations avec le monde
politique notamment).
Dans le sillage de YANAGITA, l’œuvre de MIYAMOTO dépasse la ruralité et s’intéresse au petit
peuple dans son ensemble (petits métiers, petits employés (ex. employés d’auberges)), et utilise sa
méthode d’« hyper proximité culturelle » (MIYAMOTO mettant à profit son capital social de fils
d’agriculteurs) pour le décrire avec une acuité et une précision encore jamais vues. Dire que
MIYAMOTO s’intéresse à la ruralité ne veut donc pas dire qu’il n’étudie que les paysans (hyakushô 住
住) car il traite de toutes les classes de la société rurale : artisans, commerçants, guerriers, religieux, et
même les « hors castes » : comédiens, prostituées, Aïnous et parias (hinin 住住 et eta 住住) et il insiste sur le
fait qu’il n’existe pas « une haute classe et uns basse classe » (jôsô 住住 et kasô 住住), mais « une haute
classe et une classe de base », kisô 住住, cette dernière étant majoritaire (95% de la population face à 5%
339 On trouve parmi eux, au premier plan, YOKO’I Tokiyoshi 「 「 「 「 (18601927), professeur au Département d’agriculture de l’Université impériale de Tôkyô, et SAKÔ Tsuneaki 「「「「 (18611909), haut fonctionnaire au Ministère de l’agriculture et du commerce.340 C’est le cas notamment d’ITÔ Hirobumi 「「「「 (18411909), homme politique de premier plan sous Meiji, de KANEKO Kentarô 「「「「「 (18531942), ancien ministre de l’agriculture et du commerce, de SAKATANI Yoshirô 「「「「 (18631941), haut fonctionnaire au Ministère des Finances et de KANA’I Noburu 「「「 (18751933), professeur de Droit à l’Université impériale de Tôkyô. 341 Teihon, vol. 28, « Nôgyô seisakugaku »「「「「「「「, p. 302, cité par KAWADA Minoru, Yanagita Kunio no shisô shiteki kenkyû「「「「「「「「「「「「, chap. 1, p. 38 de l’éd. Kegan Paul.
de guerriers et de nobles) et ses souscatégories n’étant pas imperméables, au contraire, chacun
pouvant monter ou descendre dans la hiérarchie sociale au cours de sa vie dans la « classe de base »342.
SANO Shin’ichi parle343 à ce propos de « mots en minuscules » (komoji kotoba 住住住住住) pour distinguer
le discours de MIYAMOTO de celui de la plupart des autres chercheurs et des hommes politiques, fort
avides quant à eux de « mots en majuscules » (oomoji kotoba 住 住 住 住 住 ). Lorsqu’on parle de « petites
gens » (et cela sans intention de les minorer), les mots doivent eux aussi rester modestes.
Quels sont, du reste, exactement les mots de MIYMOTO ? NAGAHAMA Isao relève344 que
curieusement, MIYAMOTO n’utilise presque pas le terme « jômin 宮宮 » (peuple ordinaire) inventé par
son maître SHIBUSAWA Keizô (MIYAMOTO l’attribue par erreur à YANAGITA dans « Son
kyôdôtai »345). Il apparaît seulement dans le titre de trois de ses livres (ce qui est infime au regard de sa
production) et à l’intérieur, on en relève uniquement dix occurrences. Plus tard, dans Minkanreki
(1942), on en trouve encore quatre occurrences : c’est le nombre le plus élevé dans l’œuvre en
volumes de MIYAMOTO. Les mots jimmin 住 住 (le peuple ; le peuple dominé), shomin 住 住 (le petit
peuple, les gens ordinaires) et taishû 住住 (le peuple, les gens ordinaires, la foule) sont également utilisés
de temps en temps. Mais les termes les plus employés sont hitobito 住住 (les gens) et minshû 住住 (1/ le
peuple, la nation ; 2/ le petit peuple, les masses). L’anthropologue TANIGAWA Ken’ichi explique
cette faible utilisation du mot jômin par le côté « abstrait » (nous dirions « conceptuel ») qu’il
véhicule346. Shomin, pour SHIBUSAWA, est un terme condescendant347, et c’est pour cela qu’il a
inventé jômin, exempt d’une telle connotation à cette époque. Ce terme suscita ensuite une controverse
qui dura un peu trop longtemps au goût de MIYAMOTO, ce qui expliquerait, d’après NAGAHAMA,
son manque d’empressement à l’utiliser d’autant plus qu’il était allergique à toutes les formes de
modes. Mais, plus encore, sembletil, c’est son peu d’intérêt pour la réflexion théorique sur les mots
qui explique que cet homme de terrain préféra employer un terme plus ancien et moins abstrait,
laissant ces controverses et le soin de leur conclusion, aux « intellectuels de cabinet ».
A propos de ruralité, il pourrait être intéressant de tenter, sinon un véritable parallèle avec la Chine, du
moins une comparaison. En effet, la Chine moderne est partie elle aussi de la ruralité.
342 Nihonjin wo kangaeru, troisième entretien, p. 41.343 Dans sa leçon inaugurale à l’occasion de la réouverture de la Suô Ooshima kyôdo daigaku (Université du terroir de Suô Ooshima) le 30 janvier 2003. Le texte a été publié dans Miyamoto Tsuneichi no messêji – Suô Ooshima kyôdo daigaku kôgiroku「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「(Le message de MIYAMOTO Tsunéichi : Cours de l’Université du terroir de Suô Ooshima), Kôbé, Mizunowa shuppan, 2007, 116 p., chap. I, p. 12.344 Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsuneichi no tabi to gakumon, chap. 6, II, p. 161.345 « Sonkyôdôtai » 「「「「「「(« Communauté villageoise »), 1950 in OM 13.346 Cité dans Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsuneichi no tabi to gakumon, chap. 6, II, p. 159.347 NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi : Miyamoto Tsuneichi no tabi to gakumon, chap. 6, II, p. 164.
Dès l’Antiquité, la situation et le statut de la paysannerie japonaise étaient en effet très différents de
ceux de la paysannerie chinoise. Les royaumes chinois, qui pratiquaient la mobilisation générale et
envoyaient à la guerre leurs populations paysannes « esclaves » (car attachées à leur terre348), rendaient
de ce fait impossible la culture des terres, donc l’approvisionnement en nourriture des troupes et du
reste du pays qui connaissait de ravageuses famines, et ce jusqu’à l’empire des Míng 住 (13681644).
MIYAMOTO note qu’avant de tomber (en 220), le royaume des Hàn postérieurs 住 住 comptait 50
millions de sujets. A la scission du royaume entre Wèi 住 (220265) (futur Jìn 住), Wú 住 (222280) et Shŭ
住 (221263), il ne comptait plus que 7 millions d’habitants, et sous les Wèi, elle tombe à 4 400 000349.
Comme le dit MIYAMOTO, « c’est impensable au Japon ».
Au Japon, à l’origine, les seigneurs ne possédaient pas de terre. Par la suite, ils en vinrent à posséder
des terres – mais pas les serfs qui y vivaient – terres sur lesquelles ils prélevaient un impôt en céréales.
Aussi les paysans (sauf exception) ne faisaientils pas la guerre. Le pays ne connut donc pas de
famines spécifiquement liées à la guerre350, à quoi s’ajoute un système de stockage en greniers (kura 住
/ 住) très efficace. Le rôle nourricier des paysans au Japon était donc dès l’Antiquité (voire Avant) jugé
suffisamment important pour qu’on estimât qu’il ne devait pas être entravé par la guerre. Cette
division fonctionnelle des classes sociales devait perdurer jusqu’à Meiji, époque où fut instaurée la
conscription sur le modèle occidental. Notons en outre que, d’une part, certains paysans possédaient
leur propre terre et que l’on vit même dans la plupart des villages des familles de propriétaires terriens
aisés de la classe de paysans, les gônô 住住, qui fournissaient le plus souvent des chefs de villages et que,
d’autre part, il était possible d’acquérir, dès l’Antiquité, des terres par défrichage volontaire des terres
sans maître. C’est ce que l’on appelle les shiden 「
住「「
住, ou watakushida 「「「「
住「
住 en langue ancienne (champs
appropriés ou champs privatifs)351. Pour MIYAMOTO, cet élément historique est fondamental pour
comprendre la psychologie des kaitakusha 住住住 (les défricheurs)352, au sens figuré. Par ailleurs, notons
aussi que les guerriers ayant déserté après la déroute de leur chef lors d’une des guerres civiles qui
ensanglantèrent le pays jusqu’à l’époque d’Edo, le plus souvent des samurai (serviteurs guerriers, ou
guerriers en bas de la hiérarchie), et qu’on appelait les ochiudo 住住 , ou ochûdo, pouvaient choisir de
348 Phénomène du 「「 fēngjiàn (fuko en japonais). Les seigneurs chinois, hóu 「, possédaient des terres avec les familles qui s’y trouvaient et pouvaient en disposer, c’est à dire les emmener à la guerre ou non selon leur bon plaisir.Nihon bunka no keisei, chap. X (conférence du 3 juillet 1980), p. 202 éd. Chikuma gakugei bunko.349 Nihon bunka no keisei, chap. X (conférence du 3 juillet 1980), p. 203 éd. Chikuma gakugei bunko.350 Nihon bunka no keisei, chap. X (conférence du 3 juillet 1980), p. 202 éd. Chikuma gakugei bunko.351 Nihon bunka no keisei, chap. XI (conférence du 4 septembre 1980), p. 222223 éd. Chikuma gakugei bunko.352 Parmi les nombreux textes consacrés par MIYAMOTO à la question des kaitakusha, citons son livre : Minami no shima wo kaitaku shita hitobito (Ceux qui défrichèrent les îles du Sud), s.d., rééd. Kawade shobô shinsha, 2006.
quitter leur état et de devenir paysans, renonçant à leur privilèges353 mais sûrs de rester en vie et
d’échapper à la misère354. D’après les investigations de MIYAMOTO à Suô, de nombreuses familles
de l’île étaient en partie d’ascendance ochiudo (à l’époque de Muromachi 住13361573住)355. Le fait que
ces guerriers n’aient pas été poursuivis parce qu’il intégraient la classe des paysans, la seconde dans la
hiérarchie des classes selon le néoconfucianisme japonais, est, nous dit MIYAMOTO, unique au
monde. La fonction nourricière de cette classe était donc déjà jugée presque comme l’égale de la
fonction guerrière.
Revenons à notre comparaison. En Chine, aujourd’hui, la ruralité n’est pas encore un archaïsme. Ce
pays reste très agricole et était presque autosuffisant en matière alimentaire jusqu’à une date récente.
Toutefois la situation change avec l’augmentation massive de la consommation de viande depuis
quelques années. Le Japon, de son côté, fait chaque année un pas de plus dans la direction d’une
dépendance alimentaire majeure, abandonnant ses terres cultivées à la ville, au secteur tertiaire et à la
forêt, avec des régions qui redeviennent sauvages, comme les collines de Suô Ooshima (cf.
introduction). Si la Chine, surtout depuis la Révolution culturelle, a développé toute une imagerie
représentant la paysannerie réelle, supposée ou idéale, au Japon la représentation de la ruralité est
beaucoup moins présente. Aujourd’hui, l’image qu’en montrent les documentaires est celle de
vieillards sans continuateurs, d’activités sur le point de disparaître dans l’indifférence des pouvoirs
publics centraux (malgré les initiatives de certaines municipalités : exemptions des impôts locaux
pendant un an pour les nouveaux exploitants par exemple) et le désintérêt du grand public en général,
assez mal informé (croyance fataliste que rien n’est possible à cause du « manque de place »).
Par rapport à la Chine, la paysannerie japonaise reste un minuscule groupe humain, qui, sans être
riche, vit néanmoins hors de la misère, faute de concurrence : son petit nombre permet une meilleure
répartition des richesses. Dans la Chine d’aujourd’hui, la misère des campagnes et l’exode rural pour
causes strictement économiques et alimentaires sont des faits établis. La tendance actuelle à importer
toujours plus de produits alimentaires à cause d’une agriculture en déclin et insuffisante pour nourrir la
population se heurte à la sensible question de la sécurité alimentaire aux répercutions aussi bien
sanitaires que politiques et symboliques. En effet, outre la multiplication des scandales impliquant des
produits importés de Chine et impropres à la consommation, se dessine l’image d’un pays incapable
353 Parmi les privilèges de guerriers, outre celui du port d’armes et de certains vêtements (et certaines coiffures), et l’usage de certains objets (tatami, grand futon etc.), il y avait le droit de tuer tout membre des classes inférieures pour un point d’honneur. Certains samurai aimaient assez tester le tranchant de leur sabre sur d’innocents passants (pratique appelée « tsujigiri 「「「 »). Cela fut interdit au début de l’époque d’Edo [16031867].354 Nihon bunka no keisei, chap. XI (conférence du 4 septembre 1980), p. 247 éd. Chikuma gakugei bunko.355 Nihon bunka no keisei, chap. XI (conférence du 4 septembre 1980), p. 248 éd. Chikuma gakugei bunko.
d’opérer la fonction la plus fondamentale qui soit : nourrir sa population avec les produits de son sol.
MIYAMOTO l’avait pressenti et cherchait déjà à mobiliser les agriculteurs afin qu’ils trouvent un
compromis entre un revenu décent, une production suffisante et leur mission nécessaire au pays, afin
d’éviter à tout pris qu’ils quittent la terre, ce qui n’a hélas pas manqué de se produire. Nous y
reviendrons dans le chapitre suivant.
L’une de nos études de terrains nous a entraîné à la lisière356 de deux localités, Yudamachi 住住 住 et
Sawauchimura 住住住357 à la recherche des descendants des matagi 住住住 [住住], les chasseurs pêcheurs des
montagnes décrits par MIYAMOTO notamment dans Yama ni ikiru hitobito (1964). La première est
un village d’onsen 住 住 (sources thermales) dont toute l’économie tourne autour de cette activité. En
l’absence de touristes, la fréquentation des habitants du village voisin suffit à la survie de Yudamachi.
Les agriculteurs de Sawauchimura ne fréquentent pas nécessairement les bains par seul plaisir
balnéaire, n’étant en général pas équipés de salles de bains chez eux. Ils l’ont promis aux habitants de
Yudamachi qui, en échange, pratiquent des tarifs extrêmement bas et achètent les produits de leurs
voisins de Sawauchimura. Si jamais les prix des thermes de Yudamachi venaient à augmenter de
façon déraisonnable, les habitants de Sawauchimura cesseraient d’aller s’y baigner et s’équiperaient
en salles de bain. De même, si ceux de Yudamachi cessaient immédiatement de leur acheter leurs
fruits et légumes, ceux de Sawauchimura pourraient toujours vivre en autarcie avec leurs cultures
vivrières jusqu’à ce qu’ils aient trouvé de nouveaux débouchés, ce qui n’est pas si difficile dans un
pays en sousproduction permanente. Nous avons là un exemple de société où l’harmonie entre deux
communautés, nécessaire à la survie de l’une et au confort de l’autre, ne peut exister que si les deux
s’abstiennent de se nuire par égoïsme. C’est le genre d’exemple que MIYAMOTO aurait pu fournir
afin de montrer la cohérence des organisations traditionnelles, mais aussi leur fragile équilibre
dépendant de plusieurs facteurs, au nombre desquels, et au premier plan, la baisse de la natalité,
l’exode rural et la perte du sens d’appartenance locale.
Harmonie ? Complémentarité ? Qu’estce qui fonde l’identité et serait au cœur de l’œuvre de
MIYAMOTO ? L’identité japonaise telle que la dégage MIYAMOTO repose selon nous sur deux axes
que la ruralité exprime pleinement, tout autant sinon davantage que les classes urbaines (élites,
marchands et artisans), à savoir un « axe moteur » d’évolution (les mutations, hensen) et un « axe
ralentisseur », facteur de cohésion identitaire (les traditions, shûkan), aussi importants l’un que l’autre
et dont l’équilibre est requis par leur complémentarité. Les axes peuvent par ailleurs s’incarner dans
des personnes : l’axe moteur dans les kaitakusha 住住住 (défricheurs) ou les sekenshi (maîtres de l’espace)
356 Au sens propre, puisque nous logions au Sasowkan 「「「「, une ancienne école primaire transformée en camp de vacances, et située à équidistance des deux localités et fréquentée par des familles des deux communautés.357 Pour un aperçu ethnographique vu de l’intérieur, cf. TAKAHASHI Kihei, Sawauchimura monogatari「「「「「「「(Récits de Sawauchimura), Morioka, Iwate nippôsha, 1998, 107 p..
et l’axe ralentisseur dans les denshôsha (transmetteurs) ou les religieux. Les premiers expérimentent et
cherchent l’efficacité, les seconds conservent et transmettent le sens.
Dans cette perspective, le cœur de la pensée de MIYAMOTO pourrait être résumé comme étant
l’articulation entre le folklore et l’identité. Toute identité suppose un terroir358 (kyôdo) dans lequel
s’inscrivent les transmetteurs et les défricheurs. Le terroir peut être habité ou intériorisé. L’exil et
l’errance peuvent tout à fait nourrir une représentation mentale du terroir, du village natal (le furusato
住住住住 [住住] ou kokyô 住住 si cher à la sensibilité de MIYAMOTO et de nombreux Japonais). Ce terroir
fournit Histoire, patrimoine (notamment les « produits du cru »359) et valeurs (qui, dans un sens,
intègrent une forme de patrimoine immatériel, notion que nous préciserons un peu plus loin). Il peut
être tentant, lorsqu’on quitte le terroir, de l’idéaliser. S’opère alors ce que nous appellerions une
cristallisation identitaire autour du lieu d’origine. L’exemple concret des émigrés de Suô partis à
Hawai mais revenus assez vite, et auxquels l’île a consacré un musée, peut être avancé, de même que
le cas individuel du propre père de MIYAMOTO.
Tout dans l’œuvre miyamotienne entre dans ce schéma binaire. Ainsi, par exemple, son étude du
commerce du sel (Shio no michi (19791981)) montretelle à la fois les mouvements incessants des
marchands et transporteurs à travers le pays, et avec eux ceux des biens et des connaissances, mais
également, compte tenu de la longue durée sur laquelle s’étale ce commerce, l’établissement de routes
durables ainsi que les coutumes de voyage et modes d’alimentation qu’il entraîne, sans compter la
sédentarisation des producteurs de sel, qui, à l’origine, étaient des pêcheurs. En effet, MIYAMOTO a
montré que la fabrication du sel est une activité hautement sédentarisante360, à l’inverse de la pêche,
qui contraint à de fréquents déménagements, ou à des voyages toujours plus lointains361.
Cette pensée est donc tout à fait à la base d’un « folklore » au sens savant du terme, à savoir une étude
de faits présents étayée par une connaissance du passé dans son aspect dynamique, et non pas un
358 L’UNESCO définit ainsi le terroir (2005) : « Un terroir est un espace géographique délimité, défini à partir d’une communauté humaine qui a construit au cours de son Histoire un ensemble de traits culturels distinctifs, de savoirs, et de pratiques fondés sur un système d’interactions entre le milieu naturel et les facteurs humains. Les savoirfaire mis en jeu révèlent une originalité, confèrent une typicité et permettent une reconnaissance pour les produits ou services originaires de cet espace, donc pour les hommes qui y vivent. Les terroirs sont des espaces vivants et innovants qui ne peuvent être assimilés à la seule tradition. »359 Sur la question particulière des « terroirs du saké », voir la thèse de doctorat de Nicolas BAUMERT (Paris IV, Université Waseda) qui souligne par ailleurs la polysémie du substantif français rendu selon le contexte par trois termes japonais : kyôdo 「「 (aspect identitaire), nôsanchi 「「「 (aspect productif), et chihô 「 「 (aspect géographique). Pour traduire le mot dans toute sa polysémie, la langue japonaise utilise aujourd’hui le mot teroâru 「「「「「 (transcription phonétique « à la japonaise » du mot français). Nous rappelons que nous travaillons ici d’abord à partir du concept japonais de kyôdo, et ensuite en considérant le terme français « terroir ».360 Nihon bunka no keisei, t. II, annexe, p. 272 éd. Chikuma gakugei bunko.361 Nihon bunka no keisei, t. II, annexe, p. 262 éd. Chikuma gakugei bunko.
« folklore » dans le sens moderne courant, à savoir une compilation des coutumes et vêtements du
XIXème siècle muséïfiés, ou pire, « fossilisés », dans ce qui nous apparaît comme une survivance
désuète sur laquelle nous portons un regard attendri mais condescendant.
L’identité suppose ensuite la conscience d’être unique, donc différent des autres. Il n’y a pas
d’identités nationales exactement semblables, et au sein de chaque identité nationale (dans la mesure
où celleci existe), chaque individu a sa propre construction identitaire. Pour MIYAMOTO, sans
autonomie, donc sans identité, il n’y a pas de minZokugaku. Dans un entretien avec ses disciples362
(HIMEDA et al.), il s’exprime ainsi :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「363
(« Lorsque les gens des sociétés locales auront perdu leur autonomie (jishusei), [la minZoku] ne
constituera plus l’objet de nos recherches. »)
MIYAMOTO n’était pas encore parvenu à une mise en forme complète de la question de l’identité,
pourtant ce sont des phrases comme celleci qui montrent, selon nous le rôle de précurseur de
MIYAMOTO dans l’étude anthropologique de l’identité, que problématiseront et développeront
ensuite de nombreux chercheurs dans tous les pays (Claude LEVYSTRAUSS, ou CHŎNG
Yŏnghai364 par exemple).
Comme nous l’avons dit plus haut, AMINO Yoshihiko entreprendra la révision de l’Histoire d’avant
Meiji365, qui était bien nécessaire, en redonnant aux petites gens (des villes essentiellement) la place
importante qu’elles méritent, trop longtemps éclipsées par la seule noblesse de Cour et d’épée. Et ce
fut un conseil de MIYAMOTO qui s’avéra décisif :
「「「「「「「「「「「「「「「「「
(« Que se passeraitil si l’on observait le Japon depuis les îles éloignées ? »)
En effet, pour commencer à étudier un autre objet, il faut d’abord commencer par adopter
physiquement et intellectuellement un autre point de vue.
Cette évolution de l’Histoire n’est pas sans rappeler celle opérée en France par l’Ecole des Annales
avec des auteurs comme Georges DUBY et plus tard Jacques LE GOFF, Pierre NORA, Philippe
ARIES ou Michel VOVELLE. MIYAMOTO ne prétendait sûrement pas être historien, mais il
362 Toyomatsu saijiki 「「「「「「「(Etude des fêtes religieuses de Toyomatsu), 1974.363 Cité par SATAO Shinsaku dans une interview de HIMEDA Tadayoshi publiée dans son ouvrage suscité Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, p. 162.364 Collectif, CHŎNG Yŏnghai (JUNG Yeonghae) 「 「「 [「「「] et UENO Chidzuko 「「「「「, Datsu aidentitî 「「「「「「「「「「「 (L’Identité mise à nu), Tôkyô, Keisô shobô 「「「「, 2005, 334 p. ;365 Ce qui donnera le titre de son plus célèbre ouvrage : Nihon no rekishi wo yominaosu「「「「「「「「「「「「「(Relecture de l’Histoire du Japon), Tôkyô ; Chikuma bungei bunko, 1995, rééd. 2005, 2007.
recourait cependant à l’Histoire dans la plupart de ses travaux, non systématiquement mais avec un
sérieux qui n’avait rien à envier aux spécialistes, ainsi que nous le verrons dans le chapitre suivant.
Nous venons de voir que pour établir une identité, il faut au moins trois éléments : une population
ayant un sentiment d’appartenance, des transmetteurs et un terroir (un territoire). Dernier élément
indispensable : un patrimoine, que pourront tenter de créer ou modifier les défricheurs.
B/ La naissance de la notion de patrimoine au Japon
Ce que nous entendons ici par « patrimoine » revêt plusieurs sens. On distingue d’une part le
patrimoine individuel, qui, selon sa définition juridique, est l’ensemble des biens que possède une
personne (de son vêtement au plus minime de ses ustensiles). Ce qui fait que tout homme a un
patrimoine, même le plus pauvre. D’autre part, on doit considérer aussi la notion plus récente de
patrimoine collectif, soit l’ensemble des biens d’une collectivité. Lorsque certains de ces biens ont
une valeur marchande, esthétique, symbolique et/ou culturelle, on aura à faire à un patrimoine
historique. Et si ce patrimoine est en partie lié à l’Histoire et s’il est en même temps investi d’une
charge émotionnelle et symbolique particulière, identitaire voire communautaire, il peut alors dans
certains cas prétendre au titre de « lieu de mémoire366 ». Le Dôme de la paix d’Hiroshima en est le
meilleur exemple. Ces qualifications peuvent venir de l’appareil étatique ou administratif (les
« monuments historiques » à la française depuis MERIMEE au XIXème siècle) ou n’être qu’une
qualification spontanée et changeante de la part de la population locale. De plus, le patrimoine ne se
limite pas aux biens matériels. Il peut être aussi constitué par des biens immatériels comme la
musique, la danse ou la langue, par exemple.
Il semble que la notion de patrimoine (isan 住住) soit apparue un peu plus tard au Japon qu’en Europe, et
que ce soit sous l’influence de cette même Europe que les Japonais purent prendre pleinement
conscience de son importance. Il n’est pas impossible, en effet, que ceuxci, mus par un « désir
mimétique » (tel qu’il fut théorisé en son temps par René GIRARD367), aient considéré d’un œil neuf,
moins blasé et plus fier, leur art, notamment leurs estampes, à mesure que les collectionneurs
européens les acquéraient : car rien n’est plus désirable que ce qui est désiré par un autre.
Jusqu’à l’époque de Meiji, il n’y avait pas de musée au Japon. Les objets d’art et d’artisanat étaient
conservés dans des collections privées, dont celle de la famille impériale. Seuls les invités des
366 Pour une revue complète de la question en France, on se reportera à l’ouvrage de référence : Pierre NORA, Les lieux de mémoire, Paris, Quarto, Gallimard, 1997, 3 tomes, 4751 p. au total.367 René GIRARD, Mensonge romantique et vérité romanesque, Paris, Grasset,1961 ; La violence et le sacré, Paris, Grasset, 1972.
collectionneurs étaient autorisés à voir les pièces en question. Par ailleurs, cette portion du patrimoine
du collectionneur (patrimoine culturel et matériel), n’était composé que d’objets d’Art ou d’artisanat
de haute qualité et de prix élevé.
MIYAMOTO estime que la culture (bunka), et par conséquent le patrimoine (car l’un ne va pas sans
l’autre), doivent être dotés de significations élargies (comme c’est le cas en français, où le terme
« culture » est extrêmement polysémique, à la différence de l’allemand où Kultur désigne la haute
culture, les Arts et Lettres). Face à une culture (des pratiques et des objets) en voie de disparition sous
les yeux de l’ethnographe, il faut certes tenter de la décrire, d’en faire l’inventaire et de la conserver,
mais il s’agit aussi d’en « patrimonialiser la représentation », et pour cela prendre conscience que le
patrimoine populaire a sa place, sinon dans les musées des BeauxArts, du moins dans les musées
historiques et les musées ethnographiques, à l’instar des objets exotiques venant de l’étranger. Il ne
s’agit pas pour autant de rendre « artistique » ce qui ne l’est pas et n’a jamais prétendu l’être, mais de
faire accéder à la dignité de « sujet d’étude » tout ce qui a concerné de près la vie de la population,
afin de mieux la comprendre. En un mot, il faut donner droit de cité aux pratiques et aux objets
courants.
MIYAMOYO, élève de SHIBUSAWA, avait reçu de lui la méthode permettant d’étudier les objets
ethnographiques, et de YANAGITA l’esprit de synthèse pour réfléchir sur la culture. De ces deux
pôles, le matériel et l’immatériel, il saura tirer la notion de patrimoine et en présenter des fleurons
auxquels, à l’époque, les Japonais n’auraient jamais songé.
Cela débouchera sur la création à la fois d’une classification et de la terminologie qui s’y rapporte.
Distinguons donc pour commencer le patrimoine immatériel (1) et le patrimoine matériel (2).
1) Patrimoine immatériel)
- La distinction de YANAGITA :
Dans son ouvrage théorique de base Kyôdoseikatsu no kenkyûhô, YANAGITA Kunio divisait le
champ d’investigation de l’ethnographie en trois domaines :
« 1. La culture matérielle (yûkei bunka 住住住住), ce qui se voit à l’œil nu (me ni mieru mono 住住住住住住住) ;
2. les arts du langage (gengo geijutsu 住住住住 ), ce qui est transmis de la bouche à l’oreille (kuchi kara
mimi he tsutaerareru mono 住住住住住住住住住住住住) ;
3. les phénomènes psychoémotionnels (shin’i genshô 住住住住), ce qui fait qu’on peut se comprendre « de
cœur à cœur » (ishin denshin no sekai 住住住住住住住) » 368
368 Mingugaku no teishô, p 78, d’après YANAGITA Kunio, Kyôdo seikatsu no kenkyûhô「「「「「「「「「「(Méthodes de recherches sur la vie quotidienne du terroir), 1935.
Ces trois domaines constituent en fait deux « champs » au sens de MIYAMOTO : le premier est celui
de la « culture matérielle » seule et le second celui de la « culture immatérielle » comprenant les deux
autres domaines, à savoir les « arts du langage » et les « phénomènes psychoémotionnels ». Les « arts
du langage » se divisent en huit catégories : la fabrication des mots nouveaux, les nouvelles
expressions, les proverbes, les « mystères » (notion non explicitée, peutêtre la façon de concevoir
l’indicible), les prières, le langage des enfants, les paroles des chansons et les traditions orales, contes
et légendes anciens, alors que les « phénomènes psychoémotionnels » ne comprennent que trois
catégories : la connaissance (ce à quoi on peut faire référence sous le nom de sagesse, par exemple la
distinction du bien et du mal, la compréhension des causes et des effets de phénomènes variés), les
aptitudes de la vie quotidienne (« comment mener sa vie », une « façon de vivre en utilisant sa
connaissance en parallèle avec un but implicitement reconnu ») et le sens de la vie (« les réponses à la
question : « pour quoi vit un être humain ? », le « but ultime de la vie »)369.
Une culture ne saurait se perpétuer naturellement puisque par définition la culture est le contraire de la
nature. Elle a besoin de ce que MIYAMOTO appelle des denshôsha 「「「 (transmetteurs, passeurs).
– Transmetteurs lettrés et transmetteurs analphabètes :
Dans Wasurerareta Nihonjin, MIYAMOTO distingue (selon le plan que nous avons présenté dans la
première partie) les transmetteurs lettrés et les transmetteurs analphabètes. Les deux sont les garants
du patrimoine immatériel du village. Les premiers peuvent laisser une trace presque inaltérable, alors
que les seconds pourront dans le meilleur des cas transmettre une partie de leur savoir de bouche à
oreille avec les risques de déperdition et de transformation inhérents à l’oralité.
L’intérêt d’étudier les transmetteurs lettrés, comme le font les historiens, est d’accéder à une
information fixe, mais qui a pu aussi être vecteur de transmission et non simple constatation de
transmission après coup. C’est l’écriture qui permet la plus grande transmission possible avec la plus
petite déperdition d’information, car il est toujours possible de recourir au texte, et ce beaucoup plus
simplement qu’avec n’importe quel autre mode de transmission. De plus, transmettre par écrit ne se
limite pas à la transmission interne. Ces érudits de village servaient aussi de vecteurs pour introduire
des bribes de cultures extérieures au village, voire au Japonmême.
Comme exemple de transmetteur lettré, MIYAMOTO présente TANAKA Uméharu 住 住 住 住 370 (1867
1940), ancien camarade des poètes MASAOKA Shiki 住 住 住 住 (18671902) et NAITÔ Meisetsu 住 住 住 住
369 YANAGITA Kunio, Kyôdo seikatsu no kenkyûhô, cité par KAWADA Minoru, Yanagita Kunio no shisô shiteki kenkyû, chap. 5, p. 123.370 Wasurerareta Nihonjin, chap. 12 « Moji wo motu denshôsha » 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 (« Les transmetteurs lettrés »), éd. Iwanami p. 260 à 281.
(18471926) à la revue Hotogisu 住住住住住住住 (Le coucou), et auteur d’un lexique aujourd’hui introuvable de
termes agricoles employés dans le district d’Ôchi du département de Shimané : le Ryûryû shinku 住住住住住住
(Mille et un maux), et de contribution à des revues de recherches locales. Autre exemple cité par
MIYAMOTO : TAKAGI Seiichi 住住住住 371 (18871955), auteur notamment d’un posthume Iwaki Kita
Kabeya no hanashi 住住住住住住住住住 (Histoires de KitaKabéya (la Vallée aux esprits) en Iwaki). Bien sûr,
transmettre par l’écrit n’empêche nullement d’être par ailleurs un authentique conteur : on sait que
TANAKA pouvait passer des nuits entières à raconter des histoires à ses covillageois372.
Quant aux transmetteurs illettrés, ou plus largement ayant choisi de ne pas consigner leur savoir par
écrit (pensant peutêtre que personne ne pourrait s’intéresser à des « anecdotes »), il est certes plus
difficile de les (re)trouver. En outre, recueillir leurs histoires prend plus de temps, l’ethnographe ne
pouvant se reporter à aucun document écrit qui lui servirait de base de travail ou d’aidemémoire.
Certains de ceux que MIYAMOTO a identifié comme des transmetteurs de tout premier plan, comme
le « Tosa Genji » par exemple, n’ont jamais été ni des conteurs, ni des enseignants, ni des sortes de
griots. C’est au fil des entretiens avec les habitants d’un territoire étudié qu’ils se sont distingués des
autres par la richesse de leur discours et leur personnalité sortant de l’ordinaire.
Pour MIYAMOTO, il s’agit de sauvegarder ce patrimoine oral avant qu’il ne disparaisse
irrémédiablement. En conséquence, il faut que l’ethnographe en personne se rende sur les lieux, de
préférence ceux justement où il pense que la transmission ne peut être assurée, ou qu’elle est limitée à
un trop petit nombre de personnes. Il ne faut pas laisser moisir les archives, les papiers de famille dans
des greniers, d’où la collecte (en parallèle des récits oraux) des komonjo (archives privées) écrits. On a
vu plus haut que c’est par là que MIYAMOTO avait d’ailleurs commencé, répondant à l’appel lancé
par YANAGITA.
- La présentation des étymologies et des dialectes ( hôgen 「「 ) :
la sauvegarde du patrimoine oral suppose aussi concomitamment celle du patrimoine dialectal, qu’il
repose ou non sur l’écrit. Il ne s’agit pas seulement de faire le lexique des expressions dialectales de
telle ou telle zone géographique concernant telle ou telle pratique (l’agriculture et la pêche
notamment), mais aussi de transcrire l’oralité dialectale dans ses phrases et ses discours. C’est là
qu’interviennent à la fois le récit de vie (raifu hisutorî 「 「 「 「 「 「 「 「 「 ) et la transcription des chants
populaires (min’yô 「 「 ), futurs matériaux pour l’ethnologue (ORIKUCHI Shinobu en est un bon
exemple) ou le linguiste (voire l’ethnolinguiste).
371 Wasurerareta Nihonjin, chap. 12 « Moji wo motu denshôsha », éd. Iwanami p. 282 à 303.372 Wasurerareta Nihonjin, chap. 12 « Moji wo motu denshôsha », éd. Iwanami p. 266.
Dans son ouvrage introductif MinZokugaku he no michi, une réflexion sur les dialectes amène
MIYAMOTO à poser la question de l’ancien et du nouveau dans la ruralité :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「373
(« Selon la théorie des aires dialectales, lorsque des mots nouveaux apparaissent dans la métropole
[litt. au centre], ils se répandent comme des rides sur l’eau en effaçant les mots anciens, et si des
choses nouvelles apparaissent, elles se répandent en effaçant les choses d’avant. Par conséquent, on dit
qu’on observe des choses anciennes aux marges du pays. Que ce genre de phénomène ait lieu est un
fait, toutefois il peut arriver aussi que par la culture, prenant comme matrice ce qui était fait autrefois,
des pratiques (gyôji) nouvelles s’agrègent en composé, progressivement. Et les cas ne sont pas rares de
choses anciennes qui demeurent dans des endroits proches du centre. »)
Le folklore, ou en tout cas le champ d’investigation de la minZokugaku, n’est donc pas un simple
reflet du passé, mais le résultat de mutations (hensen) et de confrontations culturelles permanentes et
variées selon les régions. MIYAMOTO ne croit pas à une immuabilité des coutumes, au contraire.
C’est parce qu’elles sont muables qu’elles sont aussi mortelles. Et, selon MIYAMOTO, toutes ne
méritent pas de mourir.
Le récit de vie est peutêtre un des genres les plus appréciés du travail de MIYAMOTO, bien que
dans Wasurerareta Nihonjin, qui en représente la quintessence sous une forme quasiment littéraire, il
n’occupe pas la totalité de l’ouvrage. L’exemple le plus célèbre est le récit du Tosa Genji (le Genji de
Tosa) (cité dans notre première partie) qui fut adapté en monologue théâtral374 (cf. photo) dont le
succès fut immédiat et s’avéra constant. Ce « personnage » (à tous les sens du terme) intéressait à la
fois pour ce qu’il nous apprenait de son cadre de vie, des époques qu’il avait traversées et aussi pour
luimême (l’histoire de sa vie privée étant racontée avec franchise et sans voiles, mais toujours avec
une grande modestie).
373 MinZokugaku he no michi, OM 1, chap. I, 11, p. 64.374 Il est interprété par l’acteur SAKAMOTO Nagatoshi 「「「「.
On pourra toujours s’interroger sur la représentativité de tel ou tel individu interrogé et étudié. Mais on
citera ici Nicolas RENAHY (à propos de son étude portant sur les jeunes ouvriers et chômeurs d’un
village de Bourgogne) :
« Bien sûr, ce type d’enquête se verra toujours reprocher sa faible « représentativité » par les tenants
d’une sociologie purement quantitative. Or nous considérons que c’est parce que l’auteur entre à fond
dans la singularité de la trajectoire de ses copains, qu’il « fouille » scrupuleusement cette singularité,
qu’il peut arriver à des conclusions très générales, parfaitement valides sur le plan scientifique. »375
MIYAMOTO, passa beaucoup de temps avec les anciens, c’est un fait. Longues étaient leurs histoires,
libre leur parole, et riche leur expérience. Aussi MIYAMOTO ne cachaitil pas l’intérêt et le grand
respect qu’il portait aux personnes âgées. L’ethnologue, de façon générale, doit cependant éviter de se
laisser aller à la nostalgie ou à l’idéalisation d’une période ou d’une catégorie d’individus. On pourrait
citer Pascal DIBIE parlant ici de la campagne française :
« L’ethnologue a la manie de vouloir découvrir par qui et comment se transmet le « savoir ». Il dit
qu’aujourd’hui, tout est fini, que ce n’est plus comme jadis où chaque fonction, chaque personne
avaient une place et un sens, dans un univers donné, etc. Bref, il assure qu’il n’y a plus de traditions et
il se déguise en historien pour montrer ce qui existait avant la civilisation, la culture et je ne sais quoi
encore. (…) L’ethnologue veut toujours s’en rapporter aux vieux mais il oublie que toute vieillesse
sécrète par nature un sentiment de décadence du temps, de corruption du monde, de dérèglement
des saisons. Et cela, d’autant plus qu’aujourd’hui le prestige de l’ancêtre régresse. Celui-ci n’est plus
comme dans l’ancien temps obéi, écouté, vénéré comme un patriarche. Et voilà que subitement, au
seuil des années quatre-vingt, alors qu’il n’est plus perçu ni considéré par ses enfants et ses petits-
enfants comme un puits de sagesse et d’expérience, les ethnologues le redécouvrent, boivent ce qu’il
dit comme paroles d’Evangile et le font devenir Livre. Je ne nie pas que ses propos, ses discussions,
ses blagues, sa malice sont des trésors de philosophie sauvage, mais ce que je constate, c’est que
l’ethnologue, lorsqu’il fait la monographie d’un village, parle toujours du village d’autrefois avec une
facilité déconcertante. Ce qui m’amène à me demander si celui qui a pour tâche de raconter, de
témoigner n’oublie pas parfois de vivre dans son temps. »376
Heureusement, MIYAMOTO saura toujours se ressaisir (n’en déplaise à ses détracteurs de mauvaise
foi) et son étude de la jeunesse rurale (cf. plus bas Chap. IV, B/) apportera dès 1963 le contrepoint
nécessaire qui pouvait partiellement faire défaut à son œuvre jusque là.
375 Nicolas RENAHY, Les gars du coin : enquête sur une jeunesse rurale, Paris, Edition La Découverte, Textes à l’appui, 2005, rééd. 2007, préface p. 11.376 Pascal DIBIE, Le village retrouvé : Essai d’ethnologie de l’intérieur, sl., Editions de l’Aube, 1995, rééd. 2005, 257 p., « Les voyous de la terre », p. 30.
Sauvegarder l’oralité ne se limite pas aux récits individuels. Il peut aussi s’agir de récits destinés à
tous, même si d’inévitables variantes viennent révéler la personnalité du conteur ou certains traits
propres à la communauté à laquelle il appartient. L’Analyse des contes populaires, leur transcription et
la recension des variantes révèlent ainsi les points de divergence et de convergence des cultures
villageoises. Là encore, les noms de YANAGITA Kunio, ORIKUCHI Shinobu (ici en photo avec
YANAGITA) et SEKI Keigo 住住住 viennent les premiers. Leur approche, légèrement différente, peut
être grossièrement résumée ainsi : YANAGITA s’est intéressé à l’aspect national du conte,
recherchant les points communs « japonais » aux contes des différentes régions, alors qu’ORIKUCHI
a mis l’accent sur leur potentialité littéraire brute, inspiratrice des écrivains classiques, tandis que
SEKI en faisait une analyse plus anthropologique, mythologique, attentive aux symboles.
MIYAMOTO peu intéressé par les symboles ou le monde de l’imaginaire, aborde quant à lui l’analyse
des contes sous l’angle historicoethnographique et cherche à y voir des manières de vivres anciennes,
ou à y déceler des influences extérieures et des filiations de thèmes, tentant ainsi d’établir une sorte de
« traçabilité thématique ». Dans ses conférences, il renvoie le plus souvent, pour l’analyse
mythologique, aux travaux d’OOBAYASHI Taryô 住 住 住 住 , par exemple pour son analyse des
représentations de dragon377.
Les modes de vie : MIYAMOTO, très attentif aux différents modes de vie et cultures des groupes de
l’archipel, y consacra une série d’ouvrages thématiques fort instructifs : Nihon minshûshi (Histoire du
peuple au Japon), comportant sept volumes sur : le défrichage des terres, les populations de la
montagne, celles du bord de mer (ama et pêcheurs), la formation des villages, celle des villes,
l’Histoire les métiers et celle… de la patate douce (kansho 住住). Il faut ici souligner la différence entre
pratique et usage (us). La pratique est « ce qui est fait par une ou plusieurs personnes », alors que
l’usage est « ce qui se fait suffisamment généralement ou systématiquement pour présenter un
caractère de norme sociale ». Lorsqu’une pratique est unique et présente un avantage, comparé aux
usages existants, elle peut être appelée à être reproduite par imitation spontanée ou réclamée et devenir
377 Nihon bunka no keisei, t. II, chap. IX (conférence du 5 juin 1980), questions, p. 178 éd. Chikuma gakugei bunko.
un nouvel usage. Son premier auteur sera lors considéré comme un « défricheur » (kaitakusha). Et si
l’usage antérieur en vient à péricliter, voire à disparaître, nous serons en présence d’un phénomène de
hensen.
Les us et coutumes (shûkan 桧桧, kanshû 桧桧, narawashi 桧桧桧桧 [桧桧桧], shikitari 桧桧桧桧 [桧桧桧]), qui s’inscrivent
dans les modes de vie, sont présents dans chaque ouvrage de MIYAMOTO, et notamment dans
Minkanreki et Furusato no seikatsu. Cette omniprésence ne doit cependant pas nous amener à croire
qu’il s’agirait du thème unique traité dans l’œuvre. Au contraire, les coutumes ne sont pas vraiment un
thème, mais une sorte de moyen « horizontal » permettant d’appréhender l’un des aspects du thème
spécifiquement étudié. Ainsi par exemple les coutumes agraires, que nous pourrions diviser en
usages agraires (semailles, récoltes etc.) et usages agrorituels (chants et prières à l’occasion du taue 「
「 「 , le repiquage ritualisé du riz), méritent d’être décrites davantage pour ce qu’elles révèlent de
l’organisation sociale et culturelle – hiérarchie sociale (propriétaire, parents et voisins, ouvrier(e)s
agricoles, travailleurs saisonniers, apprenti(e)s), hiérarchie des ages, rôles différents selon les genres
(sexes), appartenance ou non au groupe « village » de longue date ou non, reconnaissance de ce statut
etc. – plutôt que par simple souci du détail visuel. Le laconisme conceptuel de MIYAMOTO à ce
momentlà ne doit pas nous faire penser qu’il s’en tiendrait à une simple description pittoresque de
l’aspect des choses. A nous de lire entre les lignes et de comprendre tout le sens qui demeure dans le
texte et que révèlent sa structure et les rapprochements et explications qui y figurent. Et là encore nous
rappelons la méthode miyamotienne consistant à décrire, préciser l’origine du mot représentant le
phénomène, son histoire (pour autant qu’on puisse la reconstituer), ses origines probables, et enfin les
comparaisons avec des phénomènes similaires pouvant être observés ou ayant été observés dans le
passé et dans un autre espace géographique.
Afin de maintenir ces pratiques et ces usages, les transmetteurs (individus isolés) sont nécessaires,
mais pas suffisants. C’est là qu’interviennent les institutions.
Les institutions rurales : MIYAMOTO est la premier à reconnaître dans toute société humaine,
notamment celle qu’il étudie (la sienne en l’occurrence), une tendance, sans doute même un besoin, et
parfois une fatalité, consistant à se rassembler et s’organiser de façon plus ou moins institutionnalisée.
Ainsi étudietil les associations de prévoyance et d’entraide (tanomoshikô 住住住住住 [住住住住]), les réunions
et conseils de village (yoriai 住住住住), les groupes de jeunes institutionnalisés (wakamonogumi 住住住住)…
Au premier chapitre de Wasurerareta Nihonjin qui commence par un récit à la première personne,
MIYAMOTO décrit ses efforts pour se faire admettre dans un de ces yoriai de village. Il en décrit la
durée – plusieurs jours – jusqu’à ce qu’on parvienne à l’unanimité, et la façon de participer des
villageois. Cette instance délibérative, sorte de démocratie directe à la japonaise, présente les
caractéristiques que nous avons pu observer à de nombreuses reprises lors des innombrables réunions
(souvent nocturnes) que produit la vie en société au Japon : à savoir que le consensus requis pour
maintenir l’harmonie s’obtient davantage par l’« usure », c’est à dire la fatigue, l’exténuation, voire le
sommeil des participants (ou plutôt des « personnes présentes »), plutôt qu’en les convainquant par
une argumentation rationnelle, une rhétorique huilée ou un charisme mobilisateur. Lors d’un yoriai, on
n’est pas à l’agora, on est assis tous ensemble autour du feu et on partage au besoin une collation. Il
fait nuit, certains rentrent du travail, fourbus… Il faut être présent. Vous pouvez dormir, vous
contenter de grommeler « je suis d’accord avec ce qui vient d’être dit » quand vient votre tour de
parole et vous (r)endormir. Au final et dans les faits, si tout le monde peut être amené à prendre la
parole, ce sont toujours les mêmes qui font les questions et les réponses nécessaires à l’avancement
d’un projet qui a tout l’air d’être décidé d’avance par les mêmes personnes entreprenantes (souvent les
plus riches ou les plus engagées), projet qu’il s’agit de faire avaliser par les autres villageois en leur
faisant prendre part, ne seraitce que pour la forme, au processus d’entérinement.
L’une des nombreuses fonctions des yoriai est l’organisation d’évènements annuels, les nenchû gyôji 住
住 住住*, que MIYAMOTO décrit dans la plupart de ses livres. Parmi ce vaste ensemble, on pourra se
reporter à Minkanreki (Les calendriers populaires) qui offre un large répertoire des fêtes religieuses et
agraires.
La foi populaire revient dans plusieurs des ouvrages de MIYAMOTO, le plus souvent parmi
d’autres thèmes, mais il arrive qu’à l’occasion d’articles, il en fasse son sujet principal. C’est le cas
notamment de son étude (faisant suite à celle effectuée par YANAGITA378) des différentes formes
prises dans le NordEst du pays par le culte d’Oshirasama 住住住住 (le Seigneur Oshira), divinité (shintô)
de l’agriculture et de l’élevage des vers à soie, aussi connue sous le nom d’Oshimmesama 住住住住住 ou
encore d’Oshirabotoke 住住住住 (bouddha Oshira) lorsque le bouddhisme tenta de se le réapproprier. Ce
thème de recherche réapparaîtra dans plusieurs œuvres379 sous la forme d’exemple. Notons toutefois
que MIYAMOTO ne s’intéresse guère au contenu religieux ou dogmatique, mais préfère porter son
regard sur l’aspect visuel du phénomène (motifs représentés, forme des hokora 住 (petites chapelles
autels), des statuettes représentant le kami etc.). Les pèlerinages, tout comme les fêtes de village
(matsuri) l’ont intéressé comme phénomène de groupe, mais aussi et surtout par ce qu’elles révélaient
à côté : aspects économiques, liens avec les pratiques agraires etc.
378 Après qu’il eut achevé terminé Toono monogatari 「「「「「「 . Ce thème d’études mobilise à l’époque presque une dizaine de chercheurs dans des zones géographiques différentes que MIYAMOTO citera dans MinZokugaku he no michi, chap. IV, 12, p. 216, OM 1 .379 MinZokugaku he no michi, chap. IV, 12, p. 216, OM 1. Dans Mingugaku no teishô (1979), il ne sert que d’illustration à un passage concernant les tissus : chap. I, p. 42.
Les métiers ; les techniques agricoles ont aussi occupé MIYAMOTO. Dans la mesure du possible,
il tâcha de les étudier au plus près, et en maniant luimême les outils qu’il prenait soin de répertorier
de façon exhaustive (cf. gravure), avant de les récupérer pour son musée, lorsque dans la deuxième
moitié de sa vie il reprit en l’élargissant, le projet de SHIBUSAWA. L’idée du Musée des greniers
donna ainsi naissance au musée ethnographique du terroir de Kuka. Là encore, les recherches
s’attachaient à retracer l’Histoire économique de la pratique en question et s’étendaient à toute la
région, voire davantage. Ainsi son étude des forges l’entraînatelle à faire l’historique des métaux au
Japon et de leur approvisionnement380.
Cet intérêt constant porté aux routes et aux mouvements de biens et de personnes ne pouvait
qu’amener MIYAMOTO à l’étude des voyages. MIYAMOTO, on l’ignore même au Japon, est le
fondateur de l’étude ethnologique des voyages touristiques et, à ce titre, le fondateur du Nihon kankô
bunka kenkyûjo 住住住住住住住住住 (Institut de recherches sur les cultures du tourisme). Plus généralement, il
s’intéresse à tout type de déplacement, individuel ou collectif, sur le court terme ou le long terme, pour
motifs économiques, politiques, alimentaires, de sécurité, religieux ou d’agrément, d’où son étude des
routes (ce sur quoi nous allons encore revenir un peu plus loin) et son recours systématique à la
cartographie (cf. 1ère partie). L’étude du voyage est triple : c’est celle des conditions de voyage, celle
du type de lieux parcourus et enfin du voyageur dans sa subjectivité (ce que celuici a pensé, ressenti,
et comment le voyage l’a transformé). Là, les figures des écrivains voyageurs auxquels s’est intéressé
MIYAMOTO, NODA Senkôin et FURUKAWA Kôshôken (17261807) annoncent les précurseurs
SUGAE Masumi (17921829) et MINAKATA Kumagusu (18671941). Ce sont les sources
historiques essentielles de MIYAMOTO dans ce champ d’investigation. On peut y ajouter l’essayiste
anglaise et aventurière Isabella Lucy BIRD (18311904) à laquelle il consacra pour moitié un livre,
380 Nihon bunka no keisei, t. II, VIème conférence (25 janvier 1980), « Nôgu toshite no tetsu »「「「「「「「「「(« Le fer comme outil agricole »), p. 20 à 39 éd. Chikuma gakugei bunko.
ainsi que, dans une certaine mesure, le zoologue américain Edward Sylvester MORSE (18381925),
tous deux ayant voyagé ou séjourné au Japon.
A côté de ces « monographies » personnelles de voyageurs (nous n’y incluons pas son essai
biographique sur SHIBUSAWA Keizô qui tient une place particulière dans son œuvre) figurent des
essais sur les voyageurs anonymes, certains illettrés, qui effectuaient des voyages que l’on peut ranger
dans deux grandes catégories : les voyages d’agrément et les voyages à motifs économiques.
Soulignons déjà que l’un autant que l’autre pouvait faire du voyageur un sekenshi* (un maître de
l’espace).
1. Les voyages d’agrément sont étudiés notamment dans la série Tabi no minZoku to rekishi
(Ethnographie du folklore et Histoire du voyage), particulièrement dans les tomes 1 Nihon no yado
(Les auberges du Japon) et 4 Shomin no tabi (Les voyages du petit peuple). Il faut noter qu’avant
MIYAMOTO, on étudiait la vie des voyageurs ou les temples auxquels menaient les routes de
pèlerinage, ou les vêtements des voyageurs de l’époque d’Edo, mais pas le phénomène du voyage
d’agrément dans sa globalité et dans une perspective synthétique.
2. Les dekasegi (déplacement à finalité économique) et hôkô (apprentissage) sont traités notamment
dans Kakyô no oshie381 et Onna no minZokushi382. La présentation des rôles différents attribués aux
hommes et aux femmes préfigure en un sens les études de genres (gender studies américaines) (cf.
chapitre IV, B).
Enfin, on citera le cas particulier de sa découverte d’un chemin des lépreux (kattai michi 住住住住[住住]住) et
sa rencontre avec l’un d’eux, mentionnée dans Yama ni ikiru hitobito383 (1964), exemple rarissime de
chemin établi pour des raisons sanitaires.
Parmi les voyages de MIYAMOTO, on ne saurait passer sous silence les quatre voyages qu’il
effectua à l’étranger, non parce qu’ils lui donnèrent l’occasion de réunir des matériaux exceptionnels
lui permettant d’écrire des œuvres majeures, mais pour l’importance subjective qu’ils eurent :
1. 1975 (18 juillet30 août : 44 jours) : voyage en Afrique orientale (Tanzanie et Kenya)384 ;
2. 1977 (1320 septembre : 8 jours) : voyage à Chejudo 「「「 [住住住]385 (Corée)386 ;
381 Kakyô no oshie, chap. 2 « Jochû hôkô »「「「「「「(« L’apprentissage des bonnes »), p. 22 et s..382 Onna no minYokushi, « Iede »「「「「(« Quitter la maison »), p. 178.383 Yama ni ikiru hitobito (Les gens qui vivent dans la montagne), chap. II, 17 éd. en volume séparé Miraishakan.384 « Higashi Afurika wo aruku » 「「「「「「「「「「 (« Marcher en Afrique orientale »), in Aruku miru kiku 「「「「「「「「「, numéro de janvier Shôwa LI (1976), s.l., Nihon kankô bunka kenkyûshokan 「「「「「「「「「「.385 Chejudo : lu en japonais Saishûtô 「「「「「「「 ou Chejudo 「「「「「.386 « Shimpan Kaijin monogatari » 「「「「「「「「「「「「 (« Nouvelle version d’Histoires des gens de la mer »), in Ama : Nakamura Yoshinobu shashinshû 「「「「「「「「「「「「 (Plongeusespêcheuses de perles : recueil de photographies de Nakamura Yoshinobu), s.l., Marin keikakukan 「「「「「「, décembre Shôwa LIII (1978).
3. 1979 (1020 septembre : 11 jours) : voyage à Taiwan387 ;
4. 1980 (1424 septembre : 11 jours) : voyage en Chine populaire388
Trois voyages en Asie, et un en Afrique. On peut s’étonner que MIYAMOTO n’ait pas été tenté
d’aller visiter la Russie, l’Europe ou le continent américain. Peutêtre choisitil d’aller à la rencontre
de sociétés plus proches de la ruralité traditionnelle, ce qui s’inscrit dans la logique de ses recherches.
MIYAMOTO choisit d’abord le Kenya car il souhaitait visiter un pays d’Afrique en paix et qui avait
subi moins d’occupation coloniale que les autres. Là, il découvrit une société vivant plus simplement
que la société japonaise de son temps, mais lui rappelant celle de son enfance. Le Kenya et la Tanzanie
lui apparurent moralement idéalisés, sortes d’image renversée du Japon moderne et censée lui faire
honte de ce qu’il était devenu en perdant ses valeurs traditionnelles et le goût des choses simples.
L’article racontant son périple appartient au domaine du journalisme plus qu’à celui de l’ethnographie.
Le problème de la langue peut avoir joué, MIYAMOTO ne parlant pas l’anglais.
Le voyage à Chejudô visait, quant à lui, un point bien précis : l’origine des ama (pêcheuses
plongeuses) tout comme celui effectué en Chine populaire avait pour thème les bateaux.
Celui qu’il réalisa à Taiwan fut peutêtre le plus intéressant et le plus productif. En effet,
MIYAMOTO, échappant à ses guides officiels, parcourut la campagne et les villages de pêcheurs à la
recherche des ethnies minoritaires et en dressa l’inventaire et l’état. Il fut ainsi un des premiers
ethnographes japonais à le faire à cette époque, même si l’on sait par ailleurs que l’ethnographie
taiwanaise trouve son origine et son inspiration dans le travail des ethnographes japonais.
MIYAMOTO luimême nous révèle que :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「389
(« Ce sont des personnes inattendues qui émergent des endroits inattendus. Par exemple, c’est un
savant comme INÔ Yoshinori qui apparut à Toono dans le département d’Iwaté. Cet homme se rendit
à Taiwan dans son adolescence et il fut le premier Japonais à y effectuer une étude de terrain sur les
387 « Taiwan kikô » 「「「「「「 (« Journal de voyage à Taiwan »), in Aruku miru kiku, numéro de juin Shôwa LV (1980). « Taiwan no Takasagozoku » 「「「「「「「「 (« Les Ethnies des hauteurs ensablées (Gāoshāzú) de Taiwan »), 1ère éd. in Getsurei kôkai kenkyûkai 「「「「「「「「「(Mensuel de l’ouverture des réunions de recherches), s.l., Nihon kankô bunka kenkyûsho 「「「「「「「「「 , 17 novembre Shôwa LIV (1979) republié in Nihon kankô bunka kenkyûsho Kenkyû kiyô 「「「「「「「「「「「「「「「「 (Annales de recherches de l’Institut de recherches sur les cultures du tourisme japonais), n°6 (décembre Shôwa LX (1985)), s.l.. Ce texte est le texte d’une communication (approuvé par Miyamoto), plutôt qu’un article à proprement parler.388 « Chûgoku no fune » 「「「「「「 (« Les bateaux chinois »), in Aruku miru kiku : Miyamoto Tsuneichi tsuitôgô (Numéro de commémoration de Miyamoto Tsuneichi), s.l., août Shôwa LVI (1981). Ce texte est la transcription, d’après enregistrement, d’une communication de Miyamoto.389 Izabera.Bâdo no « Nihon okuchi kikô » wo yomu (Lire Unbeaten tracks in Japan d’Isabella Bird), 1977, p. 200.
aborigènes. Il nous en reste [seulement] une « Taiwan bunkashi (Histoire des cultures de Taiwan) »,
mais c’est un livre absolument excellent ».)
Comme nous l’écrivions cidessus, l’étude du voyage et des mouvements de personnes occupe une
place majeure dans l’œuvre de MIYAMOTO. Mais l’étude des routes dont nous parlions plus haut et
l’utilisation nécessaire des cartes qui s’y rapportent, ne suffisent pas à fournir une analyse complète du
monde rural. Pour cela, il faut étudier également la topographie dans son ensemble, c’est à dire non
seulement les routes, mais aussi les rizières et les champs, les bois, les zones habitées et les ouvrages
d’art390. L’étude des éléments séparés les uns des autres ne saurait donc dispenser d’une étude plus
large, en contexte, qui seule permet de comprendre le comment et le pourquoi de la présence de telle
culture, telle route, ou telle forme de rizière. Ainsi en estil des quelques pages consacrées aux
« Champs de Kumejima391 défrichés à la gâche »392, admirable exemple à la fois concis393 et complet,
touchant tous les aspects du problème, des cultures à la forme des champs, en passant par les outils
dont un dessin est d’ailleurs reproduit.
MIYAMOTO, nous venons de le voir, a donc une approche tout autant macroscopique que
microscopique, s’intéressant à la fois aux territoires à l’échelle départementale, nationale et
internationale, et à l’études des gens à l’échelon local du village, de la famille, et enfin de l’individu.
Il pourrait être intéressant, pour terminer cette présentation des thèmes de recherche du patrimoine
immatériel, d’évoquer un de ceux généralement considérés comme « mineurs » : les loisirs et les
spectacles. L’étude des pauses ludiques est en effet pour MIYAMOTO aussi importante que celle des
pauses religieuses ou rituelles dans la vie quotidienne et révèle le Japonais rural sous un autre angle.
Sans doute avaitil l’intention de montrer que la vie à la campagne, pour pénible qu’elle soit, comporte
aussi ses petites joies et ses moments de détente. Cette étude se trouve donc dans le prolongement de
celle des voyages de loisir.
Il est surprenant mais significatif de voir à quel point l’ethnographe s’est engagé afin de faire revivre
dans le département de Yamaguchi une activité disparue : le dressage de singes de spectacles394. Les
spectacles de singes parfois diffusés à la télévision aujourd’hui sont, dans une large mesure, visibles
grâce aux efforts de MIYAMOTO. Il entra en effet en contact avec les derniers dresseurs de singes
390 Cf. notamment Sora kara no minZokugaku.391 Kumejima est une île de l’archipel des Ryûkyû, département d’Okinawa, et qui fut pendant des siècles une plaque tournante des échanges commerciaux et culturels avec la Chine.392 « Hera de hiraita Kumejima no taha »「「「「「「「「「「「「「「, in Sora kara no minZokugaku, p. 3.393 C’était aussi sembletil une des contraintes de la revue dans laquelle l’article fut d’abord publié, Tsubasa no ôkoku「「「「「「(Le royaume ailé), revu d’une compagnie aérienne.394 Pour plus de détails, voir par exemple SATAO Shinsaku, Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, chap. 6, « Kirimusubu otokotachi – Sarumawashi fukkatsu he moetsukiru » 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Des hommes en lutte – qui brûlent de faire revivre le dressage de singes »), p. 270274 et interview 13 p286 et s..
(pour la plupart des burakumins comme les MURAZAKI 住住 dont certains engagés dans la lutte contre
les discriminations395) et leurs descendants puis parvint à convaincre ces derniers ainsi que certains
jeunes intéressés à se lancer dans cette activité à la fois technique et de spectacle. Parallèlement,
MIYAMOTO observait les processus de transmission mais aussi de récupération du savoir. Au cours
de son étude, il fut même un moment tenté par l’éthologie. Après avoir remarqué que les singes étaient
la première espèce animale à avoir été domestiquée au Japon396, il arrive à la conclusion suivante :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
(« Jusqu’à présent, on pensait que la « culture » (bunka) n’existait que chez l’Homme. Cependant, il
existe une culture dans la société des singes. »)
En effet, ajoutetil, on a pu apprendre aux singes à courir à la manière des humains, ce qui jusqu’ici
leur était impossible.
住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「397
(« Ca n’est alors pas quelque chose d’inné, n’estce pas ? C’est ce qui est acquis qui constitue la
culture.
Ensuite, ce qu’on appelle la culture (bunka), serait quelque chose née dans le fait de posséder une
conscience commune (kyôtsû ishiki), posséder la même conscience que l’autre. En découvrant cela, et
en pratiquant des séances d’entrainement, on en arrive à leur faire mener une vie davantage semblable
à celle des humains. A ce propos, voyezvous, il y a une admirable « culture » dans la « société des
singes ». C’est juste qu’ils n’ont ni langue (ou mots : kotoba), ni écriture, d’accord. Il paraît qu’on
commence à le comprendre. Et en leur faisant faire ce genre de choses [=les entrainements], ne vaton
pas leur permettre de développer (litt. « se voir donner » ataerareru) ce que j’appelle la culture sous
une quelconque forme ? »)
Bref, MIYAMOTO voit là un bel exemple d’évolutionnisme, qui plus est suscité et accéléré par
l’Homme. Il préconise ensuite l’enseignement du langage humain le plus simple, espérant que les
singes finiront par l’utiliser verbalement. Nul doute qu’il eut été enchanté d’apprendre qu’on parvient
aujourd’hui à enseigner la langue des signes aux singes qui l’utilisent entre eux, même sans qu’un
humain soit présent.
395 SATAO Shinsaku, Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, interview 13, p. 288.396 Nihon bunka no keisei, t. II, chap. VIII, questions, p. 137 éd. Chikuma gakugei bunko.397 Nihon bunka no keisei, t. II, chap. VIII, questions, p. 138 éd. Chikuma gakugei bunko.
Tout comme pour les singes et leur dressage, les tambours de Kodô 住住 et d’Ondekoza 住住住住 (fondé à
Sadogashima 住住住 ), ensembles toujours en activité dont les membres se renouvellent régulièrement
par cooptation, occupèrent une partie du temps de MIYAMOTO. Le concert de tambour n’est pas
qu’un spectacle au Japon. Il est aussi le produit d’une tradition religieuse dont certaines des dernières
manifestations peuvent être observées aujourd’hui lors du Onmatsuri 住住住 (Auguste fête religieuse) de
Nara, une fête shintobouddhique se déroulant le 17 décembre sur deux jours en continu, avec
notamment des tambours monumentaux montés sur estrade. Par ailleurs, des tambours accompagnent
généralement les palanquins shintobouddhiques (omikoshi 住住住[住住住住住住住] ou shin’yo 住住) lors des fêtes
religieuses.
Quel sens peuton attribuer à cette étude des coutumes ? YANAGITA Kunio, comme nous l’avons vu
plus haut, partait d’un projet politique que la minZokugaku devait étayer. L’ethnographe, de
l’extérieur, réunissait des matériaux pour illustrer une construction intellectuelle de type ethnologique
mais à visées politiques. Pour MIYAMOTO, contrairement à YANAGITA, le projet ethnographique,
partant de la base et réalisé par un fils du peuple, n’a pas pour finalité de gérer par le haut, mais de
décrire les structures par le bas, même si les deux auteurs valorisent l’un et l’autre la connaissance. Il
s’agit de décrire et comprendre le sens des coutumes et des pratiques, ainsi que leur permanence, leur
disparition ou leur réintroduction (réactivation) s’il y a lieu. Jusqu’où la coutume doitelle être
conservée, si tant est qu’elle doive l’être ? Rappelons incidemment que le Droit français définit la
coutume comme une règle de Droit non écrite acceptée comme telle par les membres de la
communauté ou elle s’applique. En cela, elle se distingue de l’habitude qui n’a pas le caractère de
généralité, ni celui de règle de Droit. La coutume, à ce titre, peut être modifiée, sinon par vote
démocratique, du moins par consensus populaire. Sa finalité est le plus souvent concrète, rarement
idéologique, ce qui ne veut pas dire qu’elle ne puisse pas s’appliquer à des choses qui relèvent du
domaine de la religion ou des rites. Dès lors que la coutume cesse d’être utile ou même de faire sens
(perte de la « raison d’être ») pour telle ou telle raison, on peut en proposer la modification ou la
suppression (il peut aussi s’agir d’un changement tacite de pratiques à l’échelon individuel ou
collectif), à moins tout simplement qu’elle ne tombe en désuétude : c’est le phénomène de la caducité.
Or toute chose caduque que l’on cherche à conserver « à toute force » est soit un archaïsme (si on
l’utilise), soit un objet de musée (si on ne l’utilise plus). La minZokugaku court donc à tout moment le
risque de la « muséification », et l’étude historique qu’elle réclame participe dans une certaine mesure
de ce risque tendant à devenir ellemême de l’Histoire.
Elle devrait donc, comme le faisait MIYAMOTO, à l’esprit universellement ouvert et curieux,
s’inspirer de la sociologie ou même du journalisme qui nous donnent à voir et à comprendre avec
peu de temps de retard l’impermanence des modes de vie, de production et de consommation, en
particulier depuis la fin de la seconde Guerre Mondiale, avec principalement d’une part le passage de
la productionconsommation à la simple consommation (et à l’ultraconsommation depuis les années
1980), et d’autre part, la tertiairisation du travail (d’où l’abandon de l’agriculture au Japon).
Toute la difficulté consiste à concilier les deux forces opposées, la force de conservation, et la force de
changement.
Et l’étude des pratiques ne pouvant en minZokugaku se passer de celle du patrimoine matériel des
populations étudiées, il convient à présent de circonscrire plus précisément ce domaine.
2) Patrimoine matérielLa distinction qu’opère le Droit français entre biens immeubles (tous les biens attachés au sol) et biens
meubles (tous les autres biens)398 pourrait ici être reprise. Nous nous limiterons dans notre étude à un
certain type de bien meuble restrictivement défini par MIYAMOTO, les mingu (a), puis nous
évoquerons les biens immeubles (b).
- a. Les mingu
On ne saurait comprendre l’œuvre, la pensée et l’action de MIYAMOTO sans passer par une
présentation de son travail sur les mingu.
MIYAMOTO a consacré un ouvrage entier, de grande importance selon nous, à la question des
mingu : Mingugaku no teishô 住住住住住住住住399 (Propositions pour l’étude des objets populaires courants). Il y
définit les mingu et en énumère les critères. Enfin, il évoque la question de leur prélèvement et de leur
stockage.
Définition et critères
Les mingu 「「 s’inscrivent dans ce que les minZokugakusha appellent la « culture matérielle populaire »
yûkei minzoku bunka 「「「「「「 et font partie des yûkei minZoku shiryô 「「「「「「 (documents ethnographiques
concernant le peuple), par opposition à la culture immatérielle, en l’occurrence la transmission orale,
les us et coutumes (shûkan 「「, fûshû 「「), les contes (minwa 「「) et chants populaires (min’yô 「「). Notons
que les termes yûkei minZoku shiryô et yûkei minZoku bunka ont été consacrés dans l’usage officiel
sur décision du Ministère de la culture (Bunkachô 「「「)400.
398 Les biens immeubles sont toutes les choses attachées au sol, comme les bâtiments, les puits, les ponts, mais aussi les arbres et les carrières. Les biens meubles, à l’inverse, sont donc tous les autres biens (y compris les animaux, toujours pour le Droit, mais avec bien sûr quelques conditions particulières qui trouvent leur origine dans l’éthique).399 Mingugaku no teishô, Tôkyô, Miraisha, 1ère éd. 1979, rééd. 1999, 255 p..400 Mingugaku no teishô, p. 64.
Déjà nous avons vu plus haut que YANAGITA divisait les champs de recherche en yûkei minZoku
shiryô en trois grands groupes :
1. La culture matérielle ;
2. les arts du langage ;
3. les phénomènes psychoémotionnels
La culture matérielle, qui nous intéresse ici, était divisée en dixneuf catégories : l’habitat,
l’habillement, la nourriture, la méthode de collecte des données de la vie quotidienne, les transports, le
travail, le village, les associations (groupes du village), la famille et la parenté, le mariage, la
naissance, la malchance, les funérailles, les évènements annuels, les fêtes religieuses, la divination et
la sorcellerie, les danses, les concours et les jeux et jouets des enfants401.
Et MIYAMOTO de préciser que le terme de yûkei minZoku shiryô (document 402 ethnographique
matériel) a été remplacé dans la Loi sur la protection des biens culturels par l’expression yûkei
minZoku bunkazai 住 住 住 住 住 住 住 (matériau culturel403 ethnographique populaire). Ce changement
terminologique n’est pas anodin. On peut en effet émettre l’idée qu’il s’inscrit dans un processus plus
vaste dont MIYAMOTO a été en grande partie à l’origine : la construction et la reconnaissance de la
notion de patrimoine au Japon, sur lesquelles quoi nous reviendrons plus loin. Mais avant cela,
examinons ce que MIYAMOTO entend exactement par mingu.
Le terroir et les mingu : définition et critères
Dans Mingugaku no teishô, MIYAMOTO reprend une définition de YANAGITA qui figure dans
Kokushi to minZokugaku 「「「「「「「「 (Histoire du pays et ethnologie du folklore). Synthétisant deux pages
de son maître sans rien perdre de l’essentiel, en y ajoutant de surcroît une grande clarté, il la résule
admirablement ainsi :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「404
(« En d’autres termes, il [YANAGITA] nous dit que la « recherche sur le terroir » (kyôdo kenkyû) ne
consiste pas à faire simplement des recherches sur le terroir, mais que c’est faire des recherches sur
certaines choses qui sont le terroir qui constitue la recherche sur le terroir. Je me demande si ces mots
ne pourraient pas s’appliquer tels quels aux recherches sur les mingu. Autrement dit, je me demande si
401 YANAGITA Kunio, Kyôdo seikatsu no kenkyûhô「「「「「「「「「「 (Méthodes de recherches sur la vie quotidienne du terroir), 1935, cité par KAWADA Minoru, Yangita Kunio no shisô shiteki kenkyû, chap. 5, p. 122.402 Nous soulignons.403 Nous soulignons.404 Mingugaku no teishô, I, p. 10.
la recherche sur les mingu ne consiste pas non seulement à faire des recherches sur les mingu, mais
plutôt à faire des recherches sur des choses (mono) par l’intermédiaire (wo tooshite) des mingu. Il
s’agit pour ces « choses » de mettre en lumière tantôt la culture, tantôt les techniques, et on peut dire
que connaître les mingu individuellement est un moyen. »)
Ces « choses » peuvent donc être des notions qui dépassent les mingu euxmêmes. Après cette
définition, il précise ainsi sa pensée :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「405
« Bref, je pense que les questions fondamentales des recherches sur les mingu ne s’arrêtent pas à des
recherches sur la forme des mingu, et qu’il y a du sens à poursuivre jusqu’à des recherches non
seulement sur les biens et les techniques de la vie quotidienne, mais aussi sur la vie des mingu (mingu
no seitaiteki na kenkyû). Ces recherches ont en même temps de profonds liens avec les recherches sur
les modes de vie humains. »)
Et il fait part des principaux doutes qui se sont élevés dans le monde savant :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「406
(« Ces derniers temps, je me vois souvent demander par des personnes de mon entourage dans quel but
je fais des recherches sur les mingu. « Il ne s’agit pas de revendiquer [la reconnaissance d’]une
quelconque valeur artistique des mingu, seulement, on aura beau essayer de recenser les matériaux, la
forme, les modes d’utilisation des mingu etc., ce ne sera qu’accumulation de connaissances sur ce
point et les mingu continueront à devenir [peu à peu] des objets du passé. Si on les maniait en tant
qu’outils, on trouverait même encore de nos jours des choses en rapport (tsunagari), mais quand on
chercherait à observer les mingu au sein du concept délimité de « mingu », cela n’aurait pas tant de
valeur que ça, non ? ». Ou encore : « Y atil une telle nécessité à séparer [ainsi] la recherche sur les
mingu du reste de la minZokugaku ? Cette recherche peutelle s’établir comme une science à part
entière ? ». Voilà le genre de voix que j’entends aussi. Ces doutes, tels quels, sont, je pense, quelque
chose qui possède un contenu important qui mérite qu’on s’y arrête. »)
Et MIYAMOTO conclut donc logiquement que la mingugaku 住住住 , la science des mingu, fait partie
intégrante de la minZokugaku et doit aussi faire l’objet d’études et de publications, ce qui est encore (à
son époque) chose rare407.
405 Mingugaku no teishô, I, p. 11.406 Mingugaku no teishô, I, p. 11.407 Mingugaku no teishô, I, p. 11.
Mais pour cela, il est nécessaire d’avoir une méthode, laquelle ne saurait être exactement la même que
celle de l’archéologie408, science qui se rapproche pourtant le plus de la mingugaku, ne seraitce que
parce que les mingu peuvent tout à fait être contemporains et ne sont pas nécessairement enterrés. Le
comparatisme des documents (écrits ou dessinés), entre autres peut aussi nous aider à déterminer des
dates et des changements409.
Voyons à présent comment MIYAMOTO définit un mingu.
a. Définition : d’après MIYAMOTO (mais il est difficile de le vérifier), le mot mingu fut créé par
SHIBUSAWA Keizô* en 1934 ou 1935410. Il s’agissait de l’abréviation de « minshû no nichijô
seikatsuyôgu 住 住 住 住 住 住 住 住 住 » (ustensiles pour la vie pratique quotidienne du peuple). Ce terme a
pratiquement remplacé minzokuhin 住住住 (objet populaire) et dozokuhin 住住住 (produit du terroir). On
pourrait le définir dans un premier temps comme un objet (populaire) courant, un objet de la vie de
tous les jours. Cette définition pourrait sembler trop vaste si elle n’était complétée de conditions qui
ont varié au fur et à mesure que la recherche et la réflexion de MIYAMOTO et de ses contemporains
s’affinaient.
b. Critères : Suivant l’enseignement de SHIBUSAWA, MIYAMOTO en recense d’abord trois411 :
1/ une fabrication à la main ;
2/ la non utilisation par la noblesse ;
3/ un objet mobilier déplaçable par une personne.
De ces premiers critères, il découle donc que les objets immeubles (maisons, greniers à grains, puits,
appareils divers attachés au sol etc.) ne sont pas des mingu ; qu’un mingu, dès lors qu’il est utilisé par
la noblesse, perd sa qualification de mingu. Enfin, un objet mobilier non déplaçable par une personne
(ex. : les cuves à sauce de soja du musée de Kuka) ne serait donc pas un mingu.
Ces critères seront redéfinis p. 76 de Mingugaku no teishô, reprenant ce que MIYAMOTO avait écrit
dans Mingu shiron ichi 住 住 住 住 住 住 住 (Essais sur les objets populaires traditionnels, I). Les critères sont
désormais au nombre de sept :
1. Les mingu représentent une partie des yûkei minZoku shiryô (documents ethnographiques
concernant le peuple) ;
2. Les mingu sont fabriqués à la main ;
408 Mingugaku no teishô, I, p. 13.409 Mingugaku no teishô, I, p. 14.410 Source : Miyamoto Tsuneichi, Mingugaku no teishô, p.44. Le mot fait sa première apparition dans le premier numéro de juillet Shôwa X (1935) d’Achikku mansurî 「「「「「「「「「「「 (Greniers, le mensuel).411 Mingugaku no teishô, p. 75.
3. Seuls les objets utilisés par le peuple sont des mingu (les objets utilisés par la noblesse sont donc
exclus) ;
4. Ces objets ne sont pas fabriqués par des maîtres artisans mais par les travailleurs en fonction de leur
besoin ;
5. Les mingu sont actionnés par la main de l’homme ;
6. Les mingu sont fabriqués avec des matériaux simples (bois, animaux, pierre, minéraux) et non avec
des produits chimiques ;
7. Dans le cas d’un façonnage complexe, ceux qui assurent la finition doivent être des amateurs
(shirôto 住住) ou des semiprofessionnels (hankurôto 住住住).
Il faut aussi faire la différence entre les mingu et les kottôhin 住住住 (curiosités, vieilleries) qui au départ
ont une prétention esthétique et un « pedigree » d’ancienneté, entre mingu et kôgeihin 住住住 (objet de
maître) et bijutsuhin 住 住 住 (objet esthétique, objet d’Art) qui tous deux supposent une maîtrise
particulière qui n’est pas à la portée du travailleur et ne supposent pas nécessairement d’usage
pratique, contrairement au mingu qui n’est conçu que dans une fonction utilitaire.
Ainsi, cette définition exclut aussi, par exemple, tous les objets de fabrication industrielle, même si
leur utilisation suit une tradition (décorations shintô du Nouvel An en plastique, par exemple) ou
même s’ils sont majoritairement utilisés par le peuple (le seau en plastique, le rasoir jetable etc.). Ceci
implique donc qu’avec la raréfaction et, à terme, la disparition de l’artisanat traditionnel et populaire,
les mingu sont voués à disparaître par voie de conséquence, ou en tout cas à suivre le chemin de la
muséification dans une certaine idée d’un « folklore » à jamais figé. Si MIYAMOTO était vivant
aujourd’hui, poseraitil des conditions aussi strictes à la qualification de mingu ? Quand bien même ce
serait le cas, rien n’interdit de penser qu’il pourrait aussi s’intéresser à tous ces objets de fabrication
industrielle et d’usage de masse qui nous sont devenus indispensables. Il aurait peutêtre trouvé de
l’intérêt aux travaux de JeanClaude KAUFMANN et des sociologues du quotidien (sur l’usage de la
machine à laver, par exemple) ou aux descriptions que fait Nigel BARLEY de l’usage des véhicules
en Afrique et en Indonésie.
Sans aller jusqu’à la reconnaissance des objets industriels comme mingu, qu’en estil des objets dont la
fabrication a demandé un ou plusieurs éléments produits industriellement ? Ainsi quid par exemple de
l’artisan qui croit fabriquer des objets dans le respect de la tradition, s’il emploie un pinceau fabriqué
en série ou une peinture achetée dans un magasin de bricolage ? Et quid des objets fabriqués par des
artisans professionnels, désormais seuls à disposer de l’outillage et de la connaissance des techniques,
même simples, nécessaires à la fabrication des mingu ? Et qu’en seraitil des poteries de style
populaire traditionnel faites au tour électrique ?
En étant plus critique, on pourrait se demander si pour fabriquer des mingu, il ne faut pas alors se vêtir
à l’ancienne, à la façon des paysans de jadis et s’il n’est pas interdit de fabriquer un mingu d’une autre
région, ou de le fabriquer en ville (même dans le respect des techniques traditionnelles). Même
reproduits à l’identique et par des moyens soit modernes, soit d’époque, les objets reconstitués par des
équipes de chercheurs, à seule fin pédagogique ou de recherche, ne seraient donc pas des mingu.
On l’aura compris, les critères choisis par MIYAMOTO sont extrêmement limitatifs et condamnent la
qualification de mingu ainsi définie à disparaître comme son auteur dans les années 80 pour finir par
n’être qu’un terme historique.
Les mingu étant définis, qu’en faire ? N’étant plus utilisés ni produits, fautil les laisser moisir dans les
greniers ou aux mains des seuls brocanteurs dans le meilleur des cas ? SHIBUSAWA avait choisi de
les recueillir pour les classer, les décrire, les analyser, les conserver et les montrer, avec la création de
l’Achikku myûzeamu (le Musée des greniers) (cf. photo).
MIYAMOTO s’y associera et ira plus loin, élargissant le choix de mingu qu’avait réalisé son maître et
en créant lui aussi un musée sur son île, Suô Ooshima, à Kuka 住住, le Kuka rekishi minzoku shiryôkan 住
住住住住住住住住 (Conservatoire de l’Histoire et du folklore de Kuka), avec l’aide active des habitants de la
ville. En effet, ce musée est un des rares au monde à posséder une collection de plus de vingt cuves
(oooke 住住) en bois servant à la fabrication de la sauce de soja412 en parfait état de conservation. Ces
cuves furent toutes transportées par les habitants de Kuka, souvent avec des moyens de fortune. Le
Centre, fondé en 1976, voué à l’étude et à la conservation des mingu et des outils, réunit 15 000 objets
412 La production de sauce de soja fut longtemps une des spécialités de l’île et la sauce de Suô était réputée dans la proche région.
rassemblés par MIYAMOTO à partir de 1972. Il se situe en outre en face d’un ishiburo 住住住 (bain de
pierre) datant de 1186 (le plus vieux de la région), dans le Hachiman shôgai gakushû no mura 住住住住住住住住住
(Village de la formation continue de Hachiman) qui fut construit derrière, dans le cadre d’un projet
municipal récent de sensibilisation de la jeunesse au patrimoine local.
Ce musée existe toujours et, probablement selon la volonté de son créateur, ni sa personne, ni son
œuvre n’y sont mis en vedette. Seuls une petite photo à l’entrée et un bref texte d’accompagnement
témoignent de son rôle dans la création du musée, sans en donner aucunement l’exacte mesure.
Voici une « carte de document ethnographique » telle que MIYAMOTO en remplissait pour chaque
objet qu’il recueillait. On remarque parmi les rubriques à remplir les « périodes de fabrication et de
vente », qui montrent que MIYAMOTO accordait une attention particulière aux saisons agricoles
s’inscrivant dans un calendrier, donc, par voie de conséquence, à certains des objets produits pour
cette occasion. Est aussi à noter la distinction entre le lieu de production, le lieu de réception et le lieu
de découverte de l’objet en question. A ce propos, MIYAMOTO fut l’un des premiers, à présenter les
routes commerciales intérieures au Japon, et notamment « les routes du sel » (shio no michi 住住住), qui
donneront matière à des essais et des conférences, textes réunis dans l’ouvrage de ce nom. Le
commerce du sel suivait en effet ses propres voies, pas toujours les plus aménagées (cf. photo ci
contre prise par MIYAMOTO), et permettait au passage les échanges commerciaux, culturels,
humains et linguistiques les plus divers : c’était, en somme, une sorte de « route(s) de la soie » en
miniature.
Après la définition et la description physique des mingu, il reste à en déterminer le classement afin
d’une part de faciliter leur étude (notamment leur comparaison) et leur stockage, et d’autre part de
retrouver facilement ce que l’on cherche.
住住住住住住住 Carte de document ethnographique413
住 住 住 住
Numéro de
classement
住住住住住住住 Carte de document ethnographique414
住住住住 Numéro
de réception
1818
n°302
住 住
Appellation
住住住 Nom de
la région住 住
住
住 住
Lieu…
de
découverte
d’enquête
France 住
département
de… (/Pays)
住
district
de…
Lyon 住
ville
de…
Perrache
住
quartier
de…
住
village
de…
住住 Usage, emploi
住 住 住
Lieu de
réception
住
département
de…
住
district
de…
住
ville
de…
住
quartier
de…
住
village
de…
住住住住住住住 Périodes de
fabrication et de
vente
住 住 住 住 Type
d’acquisition
住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住
Collecte ; excavation ; don ; échange ;
fabriqué exprès
住住住住住 Configuration ; particularités 住 住 住 住 Date
d’acquisition
住住 1971 住
Année
3 住
Mois
6 住
Jour
住 住 住 住 N°
Pellicule n°
住 住 住
Jour de la
prise de
vue
住 住 Qualité
des
matériaux
住住住住住住 Accessoires ; étui
413 D’après Mingugaku no teishô, 1979, p. 234.414 D’après Mingugaku no teishô, 1979, p. 234.
住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 Remarques (état de
conservation etc.)
[dessin de l’objet selon plusieurs types de vue :
vue de dessus, de face, de côté…]
Musashino bijutsu daigaku 「「「「「「「 (Université des BeauxArts de Musashino)
La classification des mingu au regard des rouleaux peints (emakimono 、、、).
MIYAMOTO est le premier à reconnaître la difficulté qu’il y a à fournir un classement des mingu et,
de façon plus large, des objets que la minZokugaku se fixera d’étudier. Il s’attache tout d’abord à
observer les classifications existantes proposées par ses contemporains, concernant les objets qui
apparaissent dans les anciens rouleaux peints, l’idéal étant de parvenir par la suite à des concepts
unifiés415.
Il commence donc par présenter la classification du peintre TAMURA Deigyû 住住住住 établie en Shôwa
XXXI (1956). Elle compte quinze catégories :
1. l’habitat (jûkyo 住住) ;
2. l’habillement (ifuku 住住) ;
3. l’alimentation (shokuji 住住) ;
4. les meubles, installations et techniques (chôdo 住住, shisetsu 住住, gijutsu 住住) ;
5. l’acquisition de matériaux (sic), les professions (shiryô shutoku 住住住住, seigyô 住住) ;
6. les transports de personnes et de biens (kôtsû 住住, umpan 住住) ;
7. le commerce et les bien commercialisés (kôeki 住住, kôekihin 住住住) ;
8. les silhouettes, les mouvements (les gestes) et les travaux (yôshi 住住, dôsa 住住 (shigusa 住住住 [住住]), rôdô 住
住) ;
9. la vie, le rang et la maladie (jinsei, 住住, mibun, 住住, yamai 住) ;
10. la mort et les enterrements (shi 住, maisô 住住) ;
11. la vie quotidienne des enfants (jidô seikatsu 住住住住) ;
12. les loisirs, les jeux et les relations [amoureuses et sexuelles] (goraku 住住, yûgi 住住, kôsai 住住) ;
13. les évènements périodiques du calendrier lunaire (nenchû gyôji 住住住住) ;
14. les esprits et les bouddhas, les fêtes religieuses et la foi (shimbutsu 住住, matsuri 住住, shinkô 住住) ;
15. les animaux, les végétaux et la nature (dôbutsu 住住, shokubutu 住住, shizen 住住)416.
415 Mingugaku no teishô, p. 160.416 Mingugaku no teishô, p. 162.
Ce qui saute immédiatement aux yeux du lecteur de cette liste hétéroclite, c’est son apparente absence
de « rigueur scientifique », du moins au regard des critères qui la définissent habituellement en Europe
et, peutêtre, plus particulièrement en France. Autre trait marquant : le manque de hiérarchisation de
l’information. Les Japonais sont, en effet, de façon générale peu enclins à hiérarchiser l’information et
ont tendance à faire de longues listes quasi exhaustives qui noient quelque fois le lecteur sous les
informations inutiles (dans l’immédiat) et le troublent plus qu’elles ne l’éclairent. Etrange aussi que
dans cet inventaire à la Prévert les objets (par ex. : les meubles) soient mélangés avec des actes (les
techniques), la vie (terme flou s’il en est – mais au sens plutôt philosophique au regard des
sinogrammes avec lesquels on écrit le mot) avec le rang (notion sociologique et historique) et la
maladie (notion médicale autant qu’ethnologique et anthropologique), les animaux et végétaux (deux
notions définissables avec exactitude) avec la nature (notion plus vague) et que les enfants soient mis à
part (pourquoi pas les vieillards, ou les moines, ou les femmes ?).
A titre de comparaison, et sans autre prétention que celle de mettre en relief les différences
structurelles des deux approches, qu’on nous permette de présenter à notre tour ce que pourrait être un
essai de classification des sujets ethnographiques (parmi lesquels les mingu). (On pourra aussi se
reporter à la classification du folkloriste français Paul SEBILLOT (1843 –1918), dont on trouvera en
annexe un exemple détaillé) :
I Sujets et objets
A/ Etres vivants
1) humains
a. Une catégorie d’âge ou de genre particulièrement représentée
b. Les autres catégories (moins représentées)
2) nonhumains
a. Animaux et végétaux
b. Minéraux
B/ Objets
1) biens immeubles
a. Bâtiments profanes
b. Bâtiments religieux ou à fonction temporairement religieuse
2) biens meubles : les mingu
II Evènements
A/ Vie profane
1) les métiers
2) la vie quotidienne publique et privée
a. Evènements qui se répètent dans l’année
b. Evènements uniques dans l’année
B/ Vie religieuse
1) fêtes religieuses
2) activités liturgiques
Ici, on le voit bien, l’information est hiérarchisée en catégories et sous catégories, à la manière des
poupées gigognes. Ce qui peut apparaître comme le legs d’une longue tradition scolastique et juridique
nationale (on se rappelle en effet que la distinction entre biens meubles et biens immeubles nous vient
directement du Droit).
MIYAMOTO, très conscient des problèmes que posait sa classification initiale (sans toutefois le
formuler explicitement) eut bientôt recours à une seconde liste, figurant dans le MinZoku shiryô chôsa
shûshû no tebiki 住住住住住住住住住住住住住住 (Guide pour la collecte de matériaux ethnographiques lors d’une étude
de terrain) du Comité de rédaction du Ministère de la culture (Bunkachô 住住住) (s.d.) ; et comportant
cette fois onze catégories. La voici :
I. Les vêtements, la nourriture et l’habitat (i 住, shoku 住, jû 住)
1. Les vêtements ;
2. La nourriture ;
3. L’habitat ;
II. La production et les métiers (seisan 住住, seigyô 住住)
1. L’agriculture (nôkô 住住) ;
2. Les bucherons (yamakikori 住住) ;
3. La pêche (gyorô 住住) ;
4. La chasse (shuryô 住住) ;
5. L’élevage des vers à soie (yôsan 住住) ;
6. L’élevage (chikusan 住住) ;
7. La teinturerie et le tissage (senshoku 住住) ;
8. Les arts et métiers manuels (shukô 住住) ;
9. Les autres métiers (shoshoku 住住) ;
III. Les transports de personnes et de biens et les communications (kôtsû 住住, un’yu 住住, tsûshin 住住)
IV. Le commerce (kôeki 住住)
V. La vie quotidienne en société (shakai seikatsu 住住住住)
VI. La foi (shinkô 住住)
VII. Les connaissances populaires (minZoku chishiki 住住住住)
VIII. Les arts populaires du spectacle, les loisirs et les jeux (minZoku geinô 住住住住, goraku 住住, yûgi 住住)
IX. La vie humaine (hito no isshô 住住住住)
X. Les évènements périodiques du calendrier lunaire (nenchû gyôji 住住住住) ;
XI. La transmission orale (kôtô denshô 住住住住)417.
Comme on le voit, les catégories et les souscatégories sont plus cohérentes et l’on pourrait encore les
réunir en groupes plus vastes : les objets ; les métiers ; l’immatériel (la foi, la transmission orale etc.).
Pas encore totalement satisfait, MIYAMOTO fournit alors sa classification des mingu (et non plus des
thèmes ethnographiques qui apparaissent dans les rouleaux peints) qui comporte maintenant vingt
catégories, à la japonaise :
1. Les outils de la pêche et de la chasse (gyoryô yôgu 住住住住) ;
2. Les outils de l’élevage (chikusan yôgu 住住住住) ;
3. Les outils de l’élevage des vers à soie (yôsan yôgu 住住住住) ;
4. Les outils de l’agriculture (nôkô yôgu 住住住住) ;
5. Les outils de la transformation des céréales et du traitement des aliments (dakkoku chôsei 住 住 住 住 ,
shokuryô kakô yôgu 住住住住住住) ;
6. Les ustensiles de cuisson (niyakimushi yôgu 住住住住住) ;
7. Les ustensiles de la préparation et de la présentation des aliments (shokuryô chôri 住住住住, shokuyôgu 住
住住) ;
8. Les récipients et emballages (yôki 住住, hôsô yôgu 住住住住) ;
9. Les transports et les outils de communication (umpan 住住, kôtsû yôgu 住住住住) ;
10. Les éléments mobiles de la maison (jûyôgu 住住住) ;
11. Les ustensiles pour s’éclairer et se chauffer (tomoshibi 住住, dambô yôgu 住住住住) ;
12. L’habillement (chakuyôgu 住住住) ;
13. Les produits de beauté (yôshi yôgu 住住住住) ;
14. Les outils du filage et du tissage (bôshokuhenyôgu 住住住住住) ;
15. Les outils pour couper et trancher (kiritatsu yôgu 住住住住) ;
16. Les outils pour fabriquer (kakô yôgu 住住住住) ;
417 Mingugaku no teishô, p. 163164.
17. Les outils de mesure (keisoku yôgu 住住住住) ;
18. Les instruments de transmission de la volonté [=les inscriptions écrites ou dessinées aussi bien que
les tambours ou les signaux de fumée] (ishi dentatsu yôgu 住住住住住住) ;
19. Les jouets, les jeux et les ustensiles de divertissement (omocha 住住, yûgi 住住, goraku yôgu 住住住住) ;
20. Les ustensiles de la foi et de la magie (shinkô 住住, jujutsu yôgu 住住住住)418.
Dans cette liste, on pourrait distinguer trois grands groupes selon les étapes du processus économique :
1. Les outils de la production ;
2. Les outils du traitement et les transports ;
3. Les outils de la consommation (les produits finis).
Avec en annexe la question des étranges « instruments de transmission de la volonté ». Il convient de
ne pas confondre ce concept avec celui de la « volonté des objets », qui semble être propre à
MIYAMOTO. Les « instruments de transmission de la volonté » se rapprochent le plus souvent de la
simple transmission d’un message au moyen d’un texte écrit ou dessiné : simple dessin ou narration
dessinée à la manière d’une bande dessinée (c’est le cas des rouleaux peints). Le signal auditif
(tambour, cor de chasse) ou visuel (signaux de fumée, voire messages de fumée des Indiens
d’Amérique), est toutefois également pris en compte.
Dans un autre ouvrage, postérieur, Emakimono ni miru Nihon shomin seikatsushi (La vie quotidienne
passée en revue d’après ce que l’on observe dans les rouleaux peints) (1981)419, MIYAMOTO donne
dans sa table des matières treize catégories pour classer les motifs qui ornent les rouleaux peints :
1. Les joyeux Japonais (yôki na Nihonjin 住住住住住住) ;
2. La vie (jinsei 住住) ;
3. L’agriculture (nôkô 住住) ;
4. Les humains et les animaux (ningen to dôbutsu 住住住住住) ;
5. La vie au bord de la mer (umi no seikatsu 住住住住) ;
6. Les maîtres artisans et leurs outils (kôshô to mingu 住住住住住) ;
7. Le voyage et le commerce (tabi to kôeki 住住住住) ;
8. La vie quotidienne des guerriers (bushi no seikatsu 住住住住住) ;
9. L’habitat (jûkyo 住住) ;
10. Le feu et la vie quotidienne (hi to seikatsu 住住住住) ;
418 Mingugaku no teishô, p. 168 et s..419 Emakimono ni miru Nihon shomin seikatsushi 「「「「「「「「「「「「「「「 , Tôkyô, Chûô kôron shinsha, 1ère éd. 1981, rééd. 2003 ; 225 p..
11. L’habillement (iseikatsu 住住住) ;
12. L’alimentation et la vie quotidienne (inshoku to seikatsu 住住住住住) ;
13. La foi et la vie quotidienne (shinkô to seikatsu 住住住住住).
Aucun ordre particulier ne semble régir cette liste. Peutêtre s’agissaitil au contraire de mélanger les
thèmes le plus possible pour permettre une lecture distrayante, à moins que les catégories n’aient été
que les titres des chapitres et non une proposition de classification.
La question de la datation et de l’Histoire des mingu
Si la minZokugaku est parfois appelée par certains une « Histoire sans périodes » (« nendai no nai
rekishigaku » 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 420), cela n’empêche pas les mingu d’avoir une Histoire globalement
reconstituable. MIYAMOTO écrit :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「421
(« Les mingu sont nombreux dont on peut mettre en lumière les périodes. Même si l’origine n’est pas
claire, il est fréquent que l’époque de leur diffusion et les chemins qu’elle a empruntés soient
établis. »)
Les mingu, en retrouvant une Histoire, retrouvent aussi une raison d’être et gagnent une certaine
légitimité à être étudiés, alors que les savants japonais les avaient plutôt dédaignés jusque là (nous
reviendrons plus loin sur le rôle de l’Histoire dans l’œuvre miyamotienne).
Le patrimoine populaire étant loin de se limiter aux seuls mingu, abordons maintenant la question des
biens « immeubles » et de l’architecture.
- b. Les biens immeubles et l’architecture
En 1968, MIYAMOTO rédige la première des deux parties de Nihonjin no sumai (L’habitat des
Japonais) (posth., 2007). Il souhaitait faire de cet ouvrage inachevé422 un volume de Nihon minshûshi
(Histoire du peuple du Japon)423, très justement soustitré « Ikiru ba no katachi to sono hensen 「「「「「「「「「
「「「「「「 (« Formes des lieux de vie et leurs mutations ») qui s’est arrêté au septième volume. C’est dire
l’importance qu’il accordait à l’architecture comme partie du patrimoine et révélateur des modes de
vie de ses concepteurs, bâtisseurs et utilisateurs (ainsi que de leurs transformations).
420 Mingugaku no teishô, p. 96.421 Mingugaku no teishô, p. 96.422 On soulignera le soin avec lequel TAMURA Zenjirô s’est chargé de cette première édition complète, richement illustrée de dessins de MIYAMOTO et de photographies en majeure partie de YUEKAWAJIMA Chûji 「「「「「. Nihonjin no sumai, Tôkyô, Nôbunkyô 「「「, 2007, 162 p..423 Cf. la bibliographie pour le détail des volumes de cette œuvre.
Cet ouvrage (orné de nombreuses photographies d’archives), est aujourd’hui encore un des seuls à
recenser des styles architecturaux populaires à présent presque entièrement disparus et témoigne d’une
diversité régionale elle aussi en voie d’extinction dans l’indifférence générale. Pour MIYAMOTO,
l’étude de l’habitat, là encore, ne consiste pas seulement à recenser et à décrire : il cherche aussi à
comprendre la raison d’être des choses, donc l’utilisation qui était faite des habitations, ainsi que les
méthodes de transmission des techniques pratiquées par les artisans à l’origine des constructions
étudiées.
Parmi les nombreuses questions qu’il soulève, on pourrait citer celle de la différence entre les
immeubles laïcs et les immeubles à fonction religieuse (temples, hokora 住), ainsi que celle des habitats
destinés à telle ou telle population (grandes fermes à plusieurs bâtiments ou habitat provisoire des
populations nomades Sanka). Par suite, il est conduit à s’intéresser aux différences architecturales en
fonction de la région, de l’origine ou de la classe sociale présente.
Prenons l’exemple des tateana jûkyo 宮 宮 宮 宮 (habitations à fondations souterraines) des populations
appelées Tsuchigumo 住住住住 [住住住] (cf. plus bas chap. IV, A/, 2), b.). MIYAMOTO a retrouvé de vieux
rouleaux illustrés (cf. gravure et photo424) ainsi que des textes décrivant ces maisons dont le toit très
pentu partait du sol alors que le fond était creusé dans la terre, les fenêtres donnant au niveau du sol, le
tout sans pilier. Bien que rectangulaire, ce type de construction ne pouvait donc posséder que deux
424 Il s’agit d’une reconstitution à partir des ruines de Toro 「 「 「 「 dans le département de Shizuoka. (Photo Shizuoka kyôiku iinkai).
façades, triangulaires de surcroît sur lesquelles étaient peints des motifs semblables à des cibles de tir à
l’arc, et dont on ignore la fonction : simple décoration, repère visuel afin de rendre l’habitation visible
de loin, ou rôle de talisman ? Bref, à voir la maison et son habitant hirsute représentés sur la gravure,
on comprend pourquoi ces populations ont été surnommées « tsuchigumo » (araignées de terres) et
leur habitation « tateana jûkyo » (littéralement « habitations en trou vertical »), surtout quand on sait
que la moitié des gens qui les surnommaient ainsi habitaient au contraire des maisons au plancher
surélevé par rapport au sol, dites yukazumai 住 住 住 住 (habitation à plancher), particularité héritée des
maisons des îles du sud asiatique (Indonésie notamment, cf. 1ère photo) et présente également au
Vietnam (cf. 2ème photo).
Plus encore que l’opposition que l’on peut faire entre tateana jûkyo (peu répandue et disparue depuis
plusieurs siècles à l’époque de MIYAMOTO) et yukazumai, c’est celle entre yukazumai et domazumai
住住住住住 (habitation au sol en terre battue) qui intéresse MIYAMOTO comme préambule indispensable à
son étude de l’habitat japonais traditionnel. Il part d’une remarque : les temples et les demeures de la
famille impériale (miya 住 [住住]*) tout comme celles de la noblesse sont tous de construction yukazumai.
Seraitce parce que l’on considère que ce type de construction doit être réservé aux personnes d’un
rang supérieur ? Non, répondil, car on ne peut ignorer que de prestigieux temples comme le Hôryûji
住住住 (Temple de la tradition de la Loi [bouddhique]) (construit en 607), le Yakushiji 住住住 (Temple du
guérisseur) (construit en 730), le Tôdaiji 住住住 (Grand temple oriental) (fondé en 745) et le Tôshôdaiji
住住住住 (Temple du dortoir de moines des Táng) (bâti en 759) sont de type domazumai. Les statues du
bouddha y figurent sur une estrade (shumidan 住住住) posée sur le sol. Les deux types de construction ont
coexisté à égalité pendant des siècles et la tendance distinctive semble être plus géographique qu’autre
chose. Dans le sud c’est le yukazumai qui domine (comme c’est le cas dans les pays chauds et humides
dont il est originaire), alors que dans le nord, c’est le domazumai. Il existait même autrefois dans la
région de l’actuel département de Kumamoto 住住住 des maisons d’un type mixte qui mélangeait les deux
styles et dont MIYAMOTO put voir un exemplaire en 1946425. Cette demeure était celle d’un gôshi 住住,
ou guerrier paysan (proche de nos chevaliers paysans que le Lac de Paladru a rendus célèbres),
425 Nihonjin no sumai, Ière partie, chap. I, p. 1213.
personnage de rang intermédiaire entre le paysan ( 住住 hyakushô) et le guerrier (住住 bushi). On trouve
effectivement des maisons possédant deux ailes, l’une réservée à l’habitation (pièce avec des nattes, le
zashiki 住住), le plus souvent surélevée et appelée moya 住住 [住住] (maison mère) et une réservée aux travaux
domestique (cuisine et atelier) appelée kamaya 住住住 [住住] (maison au four). Le domazumai étant plus
pratique pour l’artisanat et les travaux divers de la ferme, il est normal que les demeures des nobles de
Cour en soient souvent dépourvues. MIYAMOTO rappelle aussi que le mot niwa 住 住 , qui signifie
aujourd’hui « jardin » [ 住 ] désignait aussi autrefois l’espace du doma utilisé effectivement pour un
travail manuel. Ainsi les maisons des nobles étaientelles dépourvues de « niwa », bien qu’elles
fussent agrémentées de jardins. Bref, la distinction entre domazumai et yukazumai ne trouve donc pas
sa source dans l’idéologie, mais dans la façon concrète d’utiliser les pièces, d’où très vite le mélange
des deux styles, avec domination (en termes de superficie) du yukazumai. Aujourd’hui, le domazumai
tel qu’il était autrefois n’existe plus, cependant ne pourraiton pas en trouver une survivance
symbolique dans le genkan 住住 (l’entrée), si petit soitil, des maisons et appartements contemporains ?
En effet, il est surbaissé par rapport au niveau du sol du reste de l’habitat) et on a souvent fait
remarquer qu’il marque l’entredeux qui sépare symboliquement le monde de l’intérieur (uchi 住住 [住]),
propre et confortable (où l’on se déchausse) et l’extérieur (soto 住住 [住]), salissant, où l’on conserve ses
chaussures. Il ne faut pas oublier non plus que de nombreuses fermes ne possédaient pas d’écurie et
que le cheval demeurait dans la maison aux côtés des humains dans une pièce semiouverte de type
domazumai. En règle générale, la maison wajin, par opposition à la maison tsuchigumo (donc la tate
ana jûkyo) ou aïnou (sol en terre, vaste genkan qui sert de sas thermique, murs épais et petites
fenêtres), est une maison très ouverte sur l’extérieur, « ouverte aux quatre vents » ou le toit est soutenu
par des piliers et des poutres sans que les murs jouent un grand rôle. Ils peuvent d’ailleurs être de
superficie fort réduite, laissant de grandes surfaces aux cloisons mobiles.
MIYAMOTO remarque que l’habitat est ce qui change le plus lentement dans une culture426, et force
est de lui donner raison. En effet, bien que les matériaux nouveaux succèdent aux anciens (pour des
raisons autant pratiques – rapidité, résistance – qu’économiques) et que la technologie permette des
aménagements de confort, ils mettent incontestablement plus de temps à être adoptés que la majeure
partie des autres changements (alimentaires, musicaux et vestimentaires par exemple). De plus,
certains éléments demeurent, alors même que leur raison d’être a disparu, ainsi du genkan surbaissé ou
des grandes fenêtres coulissantes n’assurant aucune isolation thermique. MIYAMOTO, de son vivant,
a assisté à la transformation architecturale majeure au Japon depuis l’introduction du yukazumai : le
passage d’une maison ouverte (kaihôteki 住住住) laissant passer les courants d’air, à une maison fermée
(heisateki 住住住) dont la température est régulée par la climatisation (l’électricité). Et cette fermeture se
traduit aussi par la disparition de l’espace de sociabilité intermédiaire entre l’intérieur et l’extérieur :
426 Nihon bunka no keisei, t. I, chap. III, (3), p. 189 éd. Soshiete (conférence du 5 octobre 1979).
l’engawa 住住 (sorte de véranda ou de plateforme en coursive qui suit un mur long donnant sur le jardin.
Cf. photo de MIYAMOTO). L’ethnographe raconte que grâce à cet espace transitoire, il a pu entrer en
contact avec de nombreuses personnes en s’immisçant dans les conversations qui s’y tenaient427.
La disparition progressive des tatami 住 (dont la généralisation au peuple est tardive (Meiji)428) n’est, à
notre sens, peutêtre pas d’une importance aussi grande429 : les Japonais continuent de s’asseoir par
terre, que ce soit sur des tatami, des nattes mobiles (komo 住, mi 住 ou mushiro 住) ou un tapis (en fibre
végétales, goza 住住 [住住] ou à l’occidentale, jûtan 住住, kâpetto 住住住住住), et c’est bien là, pour MIYAMOTO,
la donnée essentielle concernant le rapport des Japonais à l’habitat430. Ce qui demeure aussi et surtout,
c’est le rapport à la température : le chaud est combattu par tous les moyens (moyen ancien : les
courants d’air et l’ombre ; moyens modernes : la climatisation) alors que le froid, dont on valorise
ceux qui le supportent stoïquement, n’est pas traité de manière globale (le chauffage au sol existe
depuis l’Antiquité en Chine et il commence tout juste à être adopté par la bourgeoisie japonaise). Par
ailleurs, les escaliers et les paliers des immeubles, systématiquement extérieurs, montrent la
conception japonaise de l’intérieur et de l’extérieur. En France, ce qui compte, c’est la résolution d’un
problème (le froid), et tous les moyens sont bons. Le pallier est donc intérieur à la maison, ce qui
permet d’isoler du froid et du chaud extérieurs et des intempéries. Au Japon, seul l’appartement est
« l’intérieur », et le pallier comme l’escalier sont des éléments certes indispensables, mais qui, bien
qu’il s’agisse de parties communes, constituent « l’extérieur », aussi ne se soucieton guère d’en
427 Nihonjin no sumai, Ière partie, (9) « Kieteyuku engawa » 「 「 「 「 「 「 「 「 「 (« L’engawa en train de disparaître »), p. 32.428 Auparavant, les tatami, tout comme les tuiles (kawara 「), étaient réservés à la noblesse, le peuple devant de contenter des mi, mushiro et komo. L’empereur Meiji, rappelonsle, abolit les privilèges et décréta l’égalité entre tous les sujets de l’Empire. Nihonjin no sumai, Ière partie, (4) « Kawara yane no shutsugen »「「「「「「「「(« Apparition des toitures en tuiles »), p. 21 et (7) « Suwaru shûkan to tatami »「「「「「「「「「(« Façons coutumières de s’asseoir et tatami »), p. 28.429 Pour MIYAMOTO, avec la disparition de l’irori 「「「 [「「「] (foyer central du salon), disparaissaient des formes de sociabilités intergénérationnelles : assis autour du feu, tous âges confondus, on écoutait les histoires des plus âgés. La télévision, sans avoir pris la place géographique de l’irori, a attiré à elle l’attention des membres de la famille et les conversations ont moins de suivi. 430 Nihonjin no sumai, Ière partie, (7) « Suwaru shûkan to tatami », p. 27.
soigner l’aspect (cages d’escalier en béton ou en fer rajoutées au bâti), le confort, parfois même la
sécurité. C’est ainsi que les portes des appartements, en métal, laissent passer l’air froid qui bat les
balcons japonais et que les murs sont toujours aussi fins et non isolés.
Sans même avoir accédé au confort occidental, les Japonais ont d’euxmêmes renoncé à un certain
« confort social », voire à une certaine chaleur humaine, que MIYAMOTO résume ainsi :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
(« L’habitatmême est fermé et il n’y a pas [plus] cette ouverture du genre de celle des maisons
d’agriculteurs [d’autrefois]. De plus, cela commence à fermer le cœur de ceux qui y grandissent ».)
MIYAMOTO va plus loin et émet l’hypothèse que le phénomène des enfants inadaptés dans les
écoles, qui se retirent dans leurs pensées (hikkomi shian no kodomo 住住住住住住住住住), serait dû à deux causes :
d’une part le déracinement régional de leurs parents (le père salaryman ayant quitté sa campagne pour
travailler dans le tertiaire dans la grande ville), d’où leur manque de repères et un déficit d’autochtonie
et d’autre part le fait d’habiter dans des HLM (danchi 住住431) (cf. photo de MIYAMOTO) qui cumulent
les handicaps (surconcentration humaine, absence des éléments traditionnels de la maison favorisant la
sociabilié : engawa, irori ; absence de confort dans un espace réduit)432. Même s’il s’efforce de ne pas
être trop pessimiste, MIYAMOTO ne peut s’empêcher de considérer que ces « villes dortoirs »
(beddotaun 住住住住住住) que constituent les banlieues japonaises en train de se construire à toute allure dans
les années soixante433 n’augurent pas grand chose de bon, et notamment que la proximité de toutes ces
familles ne crée par forcément de cohésion sociale, ni de « désir de vivre ensemble ».
431 Notons que les danchi japonais bénéficient d’un confort bien moindre que celui de nos HLM français pour les raison que nous avons cité plus haut, les pire inconvénients étant les paliers extérieurs, l’absence d’isolation thermique, de volets et de chauffage. 432 Nihonjin no sumai, Ière partie, (11) « Sengo shakai to danchi »「「「「「「「「「(« La société d’aprèsguerre et les HLM »), p. 38.433 Rappelons que ce texte, écrit en 1968, est étonnamment visionnaire. Peutêtre MIYAMOTO estil le seul auteur à ne pas participer à la ferveur collective pour les nouveaux habitats d’aprèsguerre pour des raisons sociologiques (et non pas nationalistes).
En bref, le patrimoine matériel qui nous renvoie à la culture (donc à l’Histoire), ne saurait par
conséquent être absent des éléments constitutifs de la construction identitaire.
II (Chapitre IV) : La naissance d’une nouvelle Nihonjinron : celle de la contextualisation
Dans le premier chapitre de MinZokugaku he no michi (dont nous avons dit qu’il servait, en quelque
sorte, d’introduction à toute son œuvre), MIYAMOTO propose une nouvelle définition,
particulièrement éclairante quant à sa démarche, de la minZokugaku434 :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「435
(« La « minZokugaku » est [I, 1°] l’enregistrement de la répétition des paroles et des actes (la vie
quotidienne coutumière) qui étaient les moyens de transmission de cultures produites au sein de
sociétés autrefois sans écriture et [2°], se basant làdessus, [elle est également] ce qui cherche à étudier
les sources des formes primitives, les types de cultures et les fonctions ; cependant, les sociétés sans
écritures étant à présent en train de disparaître, on peut dire que c’est [II aussi] la science qui étudie les
cultures qui ont été conservées jusqu’à maintenant par les coutumes (shûkan) au sein de sociétés ayant
des traditions (dentô) de sociétés sans écritures ».)
Cette définition est intéressante à plus d’un titre. D’abord, elle est double, ensuite, elle se dédouble
dans son premier objet. Une définition « à la française » dans sa présentation pourrait se formuler ainsi
en synthétisant celle de MIYAMOTO : c’est une ethnographie (« enregistrement ») et une ethnologie
historique des origines avec analyse des types et fonctions et, dans un deuxième temps chronologique
tout autant qu’épistémologique, une recherche sur les cultures présentes en tant qu’elles reprennent ces
éléments passés des sociétés sans écriture.
On peut voir dans cette définition un reliquat évolutionniste (de la non écriture à l’écriture) propre à
l’ethnologie traditionnelle quoique dénué du moindre aspect péjoratif ou de sentiment de supériorité.
Tout au contraire pourraiton noter parfois chez MIYAMOTO une tendance à surestimer (voire
idéaliser) la culture antérieure (celle des sociétés sans écriture).
L’Histoire est donc présente au sein même de la minZokugaku, comme composante essentielle, et il
n’est pas une œuvre où MIYAMOTO n’en fasse plus ou moins usage (A), jusqu’à ce qu’elle soit enfin
434 Pour plus de clarté, nous introduisons une numérotation.435 MinZokugaku he no michi, chap. I « Nihon minZokugaku no mokuteki to hôhô »「「「「「「「「「「「「「(« Buts et méthodes de la minZokugaku japonaise »), OM 1, p. 15.
portée à son point de plus optimale utilisation dans son livre ultime (à tous les sens du terme) : Nihon
bunka no keisei (La Formation des cultures du Japon). De cet ouvrage naîtra un renouveau dans les
Nihonjinron 住 住 住 住 (études sur la « japonité ») de plus en plus reconnu dans le milieu des
minZokugakusha autant que dans celui des Nihonjinron, et qui témoigne aussi de l’intérêt de
MIYAMOTO pour les groupes humains divers qui composent la société japonaise (B).
A/ Les origines du peuple japonais et l’Histoire au sein de la minZokugaku
1) l’Histoire, une composante à part entière de la minZokugaku
Rôle de l’Histoire comme lien décisif pour donner de la cohérence à l’ensemble ; L’Histoire fait
partie intégrante de la minZokugaku et en constitue même la colonne vertébrale. En effet, c’est
l’Histoire qui permet la recherche des points de départ des phénomènes que l’ethnographe observe,
même si elle n’y parvient pas toujours. C’est elle qui est en mesure de dire si le discours explicatif que
peuvent être amenés à produire les sujets étudiés (le cas échéant sur sollicitation de l’ethnographe)
reflète la réalité ou n’est qu’une reconstruction volontairement mensongère ou involontairement
erronée, faute de support de transmission ou suite à un malentendu voire à un manque d’information.
Souvent, le minZokugakusha se trouve être de fait le substitut sans rival de l’historien, plus occupé par
les champs « traditionnels » de sa discipline, à l’exception bien sûr de l’Ecole d’AMINO. Ainsi
l’Histoire du sel, celle de la patate douce ou celle des montreurs de singe estelle le fait du seul
MIYAMOTO. Ses continuateurs ont poursuivi son travail avec l’étude de l’Histoire dans ses
« marges », toujours pour appuyer leurs recherches sur des phénomènes bien présents.
On est en droit de voir un grand progrès dans cette contextualisation historicogéographique des
identités japonaises (car elles sont diverses et mouvantes). MIYAMOTO avait lui aussi lu The
Chrysanthemum and the Sword (Le Chrysanthème et le sabre) de Ruth BENEDICT et en admirait
certains points, toutefois il sentait bien les limites de l’ouvrage, dues en partie au contexte de sa
réalisation (ouvrage de commande en période de guerre auprès d’une anthropologue ne connaissant
pas le japonais et dans l’impossibilité de se rendre sur place). Cet ouvrage a en effet tendance à parler
de Japonais homogènes et atemporels, au caractère immuable et à la solidarité indéfectible. Comme le
souligne l’anthropologue Jennifer ROBERTSON :
« In most recent years, the Japanese social critic and philisopher Tamotsu Aoki (1990) has suggested
that The Crysanthemum and the Sword “helped invent a new tradition for postwar Japan” (see also
Doak 1996). Benedict’s homogenizing and timeless portrait of “the Japanese” added momentum to the
growing interest in “ethnic nationalism” in Japan, evident in the hundreds of ethnocentric nihonjinron –
treatises on Japaneseness – published since the postwar period. »436
(« Ces dernières années, le critique social et philosophe japonais AOKI Tamotsu (1990) suggéra que
Le Chrysanthème et le sabre « avait aidé à inventer une nouvelle tradition pour le Japon d’après
guerre » (cf. aussi Doak 1996). Le portrait homogène et atemporel que fait BENEDICT « des
Japonais » apporta un élan à l’intérêt grandissant au Japon pour le « nationalisme ethnique »,
manifeste dans les centaines de Nihonjinron – traités de la japonité – ethnocentriques publiés depuis
la période de l’aprèsguerre »)437
Rappelons que MIYAMOTO, mort en 1981, avait pu voir depuis les années 1970 la naissance d’une
Nihonjinron qui « relevait la tête », encouragée par la réussite économique internationale des groupes
industriels japonais. C’est l’époque où les néonationalistes commençaient à parler d’un « Japon qui
peut dire nom » (ISHIHARA Shintarô).
ROBERTSON poursuit :
« despite criticisms of Benedict’s failure to discriminate among historical developments and “differing
institutionel contexts of data” (Benedict and Nagai 1953:408), Japanese culture critics were especially
interested in her attempt to portray the whole or total structure (zentai kôzô) of Japanese – a goal
which, Benett and Nagai note, had been “common enough in certain branches of Japanese
humanitistic studies” (1953:406). In short, Benedict’s bricolage – her totalizing ensemble of fragments
– reinforced and was reinforced by similar efforts on the part of her Japanese counterparts, for whom
the widest and thickest line of difference has been drawn between a unique Japan and the rest of the
world (basically, “the West”) as if both entitie were internally coherent ».438
(« malgré les critiques de l’échec de BENEDICT à discerner entre les développements historiques et
« différents contextes institutionnels de données » (Benedict et Nagai 1953 : 408), les critiques de la
culture japonaise étaient particulièrement intéressés par sa tentative de portraiturer la structure
complète ou totale (zentai kôzô) des Japonais – un but qui, ainsi que le notent BENETT et NAGA’I,
436 Le texte continue ainsi : "As I have argued elsezhere (Robertson 1997, 1998), the obsession today in Japan with cultural distinction mirrors a similar obsession with internationalization; in fact, the two obsessions can be understood as enantiomorphic: that is, the same impulse the other way around”. (op. cit., p. 7) (« Ainsi que nous l’avons soulevé ailleurs (Robertson 1997, 1998), l’obsession aujourd’hui au Japon de la distinction culturelle reflète une obsession similaire de l’internationalisation : en fait, ces deux obsessions peuvent être entendues comme énantiomorphiques, c’est à dire relevant d’une même impulsion des deux côtés ».)437 ROBERTSON Jennifer (dir.), A Companion to the Anthropology of Japan, Oxford, Blackzell Publishing, 2005, 501 p., “Putting and Keeping Japan in Anthropology” (« Mettre et garder le Japon dans l’anthropologie »), p. 7.438 ROBERTSON Jennifer (dir.), A Companion to the Anthropology of Japan, p. 7.
avait été suffisamment commun dans certaines branches des études japonaises en sciences humaines
(1953 : 406). En bref, le bricolage de BENEDICT – son ensemble totalisant de fragments – renforça et
fut renforcé par des efforts similaires de la part de ses homologues japonais, pour qui la ligne de
différence la plus large et épaisse a été tracée entre un Japon unique et le reste du monde (en gros,
« l’Occident ») comme si les deux entités étaient intrinsèquement cohérentes ».)
Cet extrait montre bien que la généralisation visant « les Japonais » intemporels s’est poursuivie après
BENEDICT aussi bien à l’étranger qu’au Japon, au sein de « certaines branches des études japonaises
en sciences humaines ». Pour MIYAMOTO, pas plus le Japon (et surtout pas les Japonais) que le reste
du monde ne sont uniformes, ni dans l’espace, ni dans le temps. Plutôt que de raisonner en termes de
pays et de nations, il préfère les unités plus petites, souvent mobiles, et s’intéresse aux populations qui
les composent, où qu’elles soient, même si elles trouvent leur origine à l’étranger comme nous le
verrons plus loin. Pour lui, un des meilleurs moyens de connaître ces mouvements et ces
transformations géographiques humaines est d’étudier l’Histoire des toponymes.
L’Histoire des toponymes et leur étymologie. Comme nous le disions plus haut (1ère partie, chap.
1er), MIYAMOTO reçut de YANAGITA un enseignement touchant l’étymologie des toponymes439.
Après MIYAMOTO, des auteurs comme son continuateur TANIGAWA Ken’ichi440 ou le cartographe
et topographe NAKAHIRA Ryûjirô reprendront ses recherches sur les toponymes et leur étymologie
et confirmeront nombre des hypothèses avancées par MIYAMOTO, notamment la primauté du
phonétique sur l’idéographique dans l’étymologie du toponyme, les ateji* étant les plus nombreux.
Ceuxci masquent en effet, et souvent à dessein, une étymologie coréenne « dérangeante », notamment
lorsqu’elle concerne des lieux proches de la Cour impériale441. Or quel meilleur moyen de supprimer
ces mots que de les écrire en ateji, dont le sens fait oublier l’origine ? A moins, tout simplement, de les
supprimer par des fusions (gappei 住住) de communes, comme c’est le cas actuellement.
Les étymologies de noms d’objets ou d’évènement sont aussi l’occasion de soins systématiques dès la
première occurrence du nom en question, qu’il s’agisse d’un objet tangible, d’une pratique, d’un art ou
d’un concept. Voici quelques exemples d’étymologies présentées par MIYAMOTO. Prenons pour
commencer le cas du mot « hata 住住 » : MIYAMOTO le distingue tout d’abord de hatake 住, les deux
kanji étant considérés à tort comme interchangeables et de même lecture dans le langage courant à
cause de leur sens aujourd’hui identique. C’est un mot très ancien dont la présence est attestés dans
439 L’ouvrage de YANAGITA, Chimei no kenkyû 「 「 「 「 「 「 「 (Recherches toponymiques) (Shôwa X (1935)), fait figure de classique, avec des textes dont le plus ancien date de 1926.440 Notamment dans son recueil d’essais MinZoku.chimei soshite Nihon 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 (Folklore, toponymes et Japon), Tôkyô, Dôseisha, 1989, rééd. 1999, 254 p.. 441 Une théorie, à notre sens plus que vraisemblable, explique que Nara 「 「 (l’ancienne capitale du Japon) est écrit avec des ateji (un nom de plante, na (du chinois nài) et « bien », ra (du chinois liáng)) et vient en réalité du coréen nara 「「 (pays), ce qui fait davantage sens, Nara étant une ville d’importance symbolique majeure.
plusieurs écrits de l’Antiquité. Comme aujourd’hui, le mot désigne des champs (住) qui ne sont pas des
rizières (ta 住 ou suiden 住住), mais distincts des hatake en cela qu’ils étaient compatibles avec la culture
sur brûlis (yakibata 住住), car moins fertiles. Ils deviendront ensuite des champs fixes, jôbata 住住 [住住],
alors que les yakibata continueront de ne pas l’être. Au départ, hata coexistait avec des termes comme
sashi 住住 et sasu 住住 dans l’est et koba 住住 dans l’ouest442. Il fut ensuite donné comme nom à une famille
(un clan) coréenne venue du continent, les QÍN 住, d’origine chinoise, qui succédaient aux Zhōu 住. Le
roi QÍN Yungthong 住住住[住住住], surnommé Yudzuki no Kimi 住住住 (Sire du croissant de lune), fut le premier
à s’établir en Corée et à faire le voyage au Japon pour rencontrer l’empereur Ôjin 住 住 住 住 (première
moitié du Vème siècle). Ses descendants qui vinrent s’installer au Japon furent renommés « HATA »,
(outre parce que la prononciation de leur nom d’origine est difficile à reproduire par une bouche
japonaise), parce qu’il amenaient avec eux des techniques agricoles performantes et modernes.
C’étaient bien des shidôsha 住住住 (des guides formateurs). On suppose que la culture des vers à dont ils
furent les initiateurs au Japon, ainsi que de précieux vêtements dont ils firent cadeau à l’empereur – ce
qui fut de leur part fort inspiré car l’empereur se montra des plus généreux en retour443 – furent à
l’origine du fait qu’on appela le métier à tisser « hata » 住 444. Par la suite, les HATA, très féconds,
fournirent de nombreux notables au Japon et on ne compte plus les toponymes qui comportent la
racine « hata »445.
Comme on peut le constater, même si les idéogrammes chinois sont différents pour écrire 1/ le champ,
2/ un nom de famille et 3/ le métier à tisser, il s’agit bien d’une même racine. Et l’étude d’un simple
mot nous aura fait voyager de la Cour impériale aux champs brûlés en passant par la Chine pour finir
par étudier l’Histoire de l’élevage des vers à soie.
Parallèlement à ces traces involontaires, les transmetteurs lettrés, notamment les écrivains voyageurs
que nous évoquions plus haut, ont laissé des écrits et parfois même des dessins qui fournissent de
précieux renseignements à l’ethnographehistorien. Lorsque les écrits émanent des religieux, il
peuvent évoquer non seulement les cérémonies et événements qui rythment la vie quotidienne, mais
aussi les instruments du culte ou encore les comportement du peuple qu’il s’agit d’instruire (façon de
s’asseoir, processions etc.). L’étude des rouleaux peints (emakimono 住住住)446 en est un bon exemple. (cf.
gravure représentant des moines et des laïcs devant des hashira taimatsu 住住住 (flambeaux en colonne)).
Le minZokugakusha, s’il n’est pas (uniquement) historien, n’hésite cependant pas à consulter ce genre
de documents.
442 Nihon bunka no keisei, tome I, IV (conférence du 2 novembre 1979), (2), p. 234.443 Et ordonna qu’on répande cette activité dans son pays. Nihon bunka no keisei, tome I, IV (conférence du 2 novembre 1979), (2), p. 232 éd. Soshiete.444 Nihon bunka no keisei, tome I, IV (conférence du 2 novembre 1979), (2), p. 233 éd. Soshiete.445 Nihon bunka no keisei, tome I, IV (conférence du 2 novembre 1979), (2), p. 242 éd. Soshiete.446 Emakimono ni miru Nihon shomin seikatsushi, 1980.
Enfin, il est un point à noter dans la méthodologie historique de MIYAMOTO, c’est la prudence et la
défiance envers les théories reçues :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「447
(« Les ‘théories reçues’ sont des superstitions, et non de réelles théories scientifiques. Si elle se laisse
ficeler avec des théories admises, la science va stagner ».)
La participation à des colloques ou symposiums était d’ailleurs pour lui un bon moyen de confronter
rationnellement théorie et recherche de la plus grande probabilité, voire de la vérité.
Ces considérations sur l’Histoire nous amènent à présent, et tout naturellement à nous interroger sur
les choix de MIYAMOTO en la matière. En effet, plutôt que de prétendre fournir une Histoire de la
Nation japonaise (si tant est que ce concept soit la réalité), MIYAMOTO s’attache à chercher quels
processus historiques sont à l’œuvre dans l’apparition, la transformation et la disparition des différents
groupes humains qui composent la société japonaise, et plus principalement ceux n’appartenant pas à
la noblesse urbaine ou à la noblesse de Cour.
2) l’Histoire du peuple japonais et des groupes qui le constituent) :
Comme nous l’avons dit précédemment, Nihon bunka no keisei (La formation des cultures du Japon)
constitue le pivot de la réflexion historique de MIYAMOTO. Avant de se pencher sur le fond de cette
étude qui tient, pour des raisons biographiques, une place à part dans son œuvre, revenons d’abord sur
sa genèse. En 1979 et 1980, MIYAMOTO prononça au Nihon kankô bunka kenkyûjo 「 「 「 「 「 「 「 「 「
(Institut de recherches sur les cultures du tourisme au Japon) une série de conférences déterminantes
qui représentent à la fois un tournant dans sa pensée et une innovation majeure apportée à la discipline.
Reprenant le contenu de ces conférences, il prépare alors un monumental essai prévu en vingt volumes
(à raison d’un volume par an448), essai qu’il veut offrir au monde comme son grand œuvre449, et le
point culminant de ses recherches. Il s’agit ni plus ni moins que de plonger au sources du peuple
447 Nihon bunka no keisei, t. II, chap. IX (conférence du 5 juin 1980), questions, p. 186 éd. Chikuma gakugei bunko.
japonais, à la recherche tout autant de son identité que de ses racines. Malheureusement, la maladie
vient frapper MIYAMOTO une dernière fois. Sans se décourager, il emporte son manuscrit avec lui à
l’hôpital. La mort le surprend alors qu’il vient de terminer une ébauche du livre. Devant l’importance
du texte, l’éditeur Soshiete (maison d’édition éphémère) demande à YONEYAMA Yoshinao 「 「 「 「
(19302006), un disciple spécialiste d’anthropologie culturelle, de se charger de le mettre en forme
pour le publier, TAMURA Zenjirô assurant la postface. YONEYAMA se borne à terminer les phrases
incomplètes mais ne touche pas à la structure ni ne coupe ou rajoute quoi que ce soit au texte. Celuici
fait donc suite aux conférences avec lesquelles il forme une sorte de tout foisonnant mais
étonnamment cohérent, la transcription des conférences d’après enregistrement fournissant la matière
des deux premiers volumes et l’essai constituant le troisième dit ikô 「 「 (brouillon posthume). La
dernière conférence, que MIYAMOTO n’aura pas eu le temps de donner au Nihon kankô bunka
kenkyûjo, devait porter sur les travailleurs de la mer, pêcheurs et autres ama. YONEYAMA Yoshinao
retrouve alors les enregistrement d’une conférence donnée par MIYAMOTO en 1977 à l’université
d’Ehimé ayant justement pour thème le monde de la mer, et plus précisément « Seto naikai bunka no
keifu » 「「「「「「「「「「「 (« Les filiations de la culture de la Mer intérieure de Seto »). YONEYAMA la
transcrit donc, et lorsque MIYAMOTO évoque un point qui mérite développement, la question des
ama (ou kaijin), YONEYAMA retrouve un passage d’un texte de MIYAMOTO, « Ama monogatari »
「「「「「「「「「450 (« Récits des gens de la mer ») qui vient préciser les choses. Le livre est publié assez vite,
en 1981, l’année même de la mort de MIYAMOTO. En 1984, Chikuma shobô sort dans sa collection
de poche Bungei bunko une édition revue et corrigée du livre par TAMURA Zenjirô et KADZUKI
Yôichirô. C’est aujourd’hui encore l’édition de référence pour les conférences (tomes 1 et 2). Quant à
l’essai, il a été réédité à part dans une version presque identique à la précédente, avec de légères
précisions, chez Kôdansha gakujutsu bunko (référence actuelle pour le tome 3). Malheureusement, les
éditions Soshiete ont fait faillite très vite et l’édition Chikuma de Nihon bunka no keisei, épuisée, n’a
pas été rééditée.451
448 Nihonjin wo kangaeru, deuxième entretien, p. 27. L’enquête de terrain aurait porté sur cent lieux, explorés chacun en cinq jours, soit au total 2000 jours de travail terrain.449「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 ……「 (« Et quand j’aurai fini, devenant comme une mue de cigale, je mourrai… ») Nihonjin wo kangaeru, deuxième entretien, p. 27.450 Ce texte aujourd’hui introuvable figura d’abord dans un ouvrage de photographies de NAKAMURA Yoshinobu 「「「「 , Nihon no ama「「「「「「「(Les pêcheuses plongeuses du Japon), puis fut republié en volume séparé sous le titre d’Ama「「「「(Marin kikaku hakkô 「「「「「「「, 1978).451 Les deux éditions étant quasiment impossibles à trouver, même chez les meilleurs bouquinistes de la capitale (aucun exemplaire dans tout Kanda 「 「 en 2007), il faut se tourner soit vers les sites de ventes sur Internet, soit vers les bibliothèques pour en obtenir un exemplaire. Seul le tome 3 est donc aujourd’hui disponible à la vente. Toutefois, nous supposons qu’il n’est pas impossible que Miraisha, l’éditeur des Œuvres de MIYAMOTO Tsunéichi, en rachète les droits pour publier l’ouvrage dans lesdites Œuvres, ce qui sauverait les conférences de l’oubli et les porterait à la connaissance du public d’aujourd’hui.
Le propos de Nihon bunka no keisei est le suivant : il s’agit, à partir d’une rénovation de la
minZokugaku par l’incorporation des travaux des disciplines connexes que sont l’archéologie,
l’Histoire, l’ethnologie extérieure et l’Histoire de la langue, de remonter aux sources du peuple
japonais pour mieux en comprendre la psychologie et les cultures, car on doit en parler au pluriel en
français, même si la langue japonaise ignore presque le nombre. Outre le contenu du livre, c’est
d’ailleurs l’ancien titre du projet qui nous donne une clé pour aller dans le sens du pluriel que nous
proposons : Higashi to nishi no kataru Nihon no rekishi 住住住住住住住住住住住住住 (L’Histoire du Japon racontée par
l’Est et l’Ouest)452.
Quant à la structure même de l’ouvrage, malgré l’inachèvement du projet initial, elle n’en est pas
moins fort révélatrice de la pensée de MIYAMOTO dans la dernière partie de sa vie. L’essai
comprend trois chapitres. Ils évoquent : « les gens qui habitaient l’archipel du Japon » (Nihon rettô ni
sunda hitobito 住住住住住住住住住住住), « le caractère océanique qui s’observe dans les cultures du Japon » (Nihon
bunka ni miru kaiyôteki seikaku 住住住住住住住住住住住 住) et « les origines et le développement du travail des
champs au Japon » (Nihon ni okeru hatasaku no kigen to hatten 住住住住住住住住住住住住住住 ). Ces trois chapitres
révèlent toute la diversité de l’approche de la minZokugaku selon MIYAMOTO : géohistorique dans
le premier, historicopsychologique de groupe dans le second et agrohistorique dans le troisième. Les
trois sont intimement liés et pourraient être présentés dans n’importe quel ordre sans grand
changement pour le propos.
Nous parlerons tout d’abord de l’Histoire des céréales (a), qui fait le lien avec ce que nous évoquions
dans le chapitre précédent (l’Histoire et l’identité), puis nous évoquerons le volet humain de sa
présentation (b).
- a. Les origines des céréales et des autres aliments
Avant tout, rappelons que YANAGITA considérait que la naissance la culture japonaise suivait de
près l’introduction de la riziculture sur l’archipel. Il était suivi en cela par l’anthropologue culturel
ISHIDA Eiichirô 「「「「「 (19031968) qui datait de l’époque de Yayoi 「「「「 (v. 2300 ou –2400 à –1700)
la naissance de la culture japonaise453.
MIYAMOTO choisit dans son essai de partir à la recherche des céréales préhistoriques et antiques, à
l’aides des découvertes les plus récentes de l’archéologie et de l’archéoagronomie de son temps dont
452 Nihon bunka no keisei, éd. Soshiete, t. III, Postface de TAMURA Zenjirô, p. 207.453 Nihon bunka no keisei, t. II, VII (conférence du 7 mars 1980), (1), p. 46 éd. Chikuma gakugei bunko.
il opère la synthèse, entreprise inédite à cette époque454. En effet, si des traces de céréales, voire des
graines entières peuvent se retrouver en assez grande quantité dans des vestiges de ce qui pouvait être
des silos à grains ou des greniers, on en constate aussi la présence dans les ruines de maisons elle
mêmes, dans les murs en torchis (shikkui 住住) lequel est constitué de paille et de terre, et dans le chaume
des toits. Ce dernier peut en effet être de paille (warabuki 住住住) ou de pâturin (kayabuki 住住住). De même,
le riz servait aussi parfois à colmater les fissures dans les briques des murs455.
La datation au carbone 14 des fragments en question permet de retracer la route des personnes qui les
ont cultivés et d’esquisser, grâce aux céréales, une Histoire des déplacements humains.
MIYAMOTO rejoint sur un point son prédécesseurs YANGITA et son contemporain ISHIDA : les
céréales, sont liées non seulement aux déplacements, mais aussi à la culture sous tous ses aspects.
Etudier la nourriture, c’est une clé pour étudier l’homme. Ainsi expliquetil que la plupart Japonais
ont la « mémoire courte » : Ils ne savent plus ce que mangeaient leurs ancêtres et croient que, de tout
temps, on a mangé du riz. Or les recherches de MIYAMOTO montrent clairement que si la riziculture
a été accompagnée d’une nouvelle culture (=civilisation), cela ne veut pas dire que toute la population
s’est mise à manger du riz à tous les repas. Longtemps, le riz fut réservé aux plus riches, ou tout au
moins aux membres d’une classe privilégiée. Le peuple consommait, à titre d’aliment de base, d’autres
céréales comme l’awa 住住 [住] (qui permettait deux récoltes par an) ou le hie 住住 [住] (toutes deux des
sortes de millet), des tubercules (patate douce de type yamaimo 住住住住 [住住], nagaimo 住住住住 [住住] etc., du
konnyaku 住住住住住 [住住] sous forme de gélatine), des aubergines (nasu 住住 [住住]) etc.… ou même du blé
(komugi 住住住 [ 住住 ]), sous forme de nouilles. MIYAMOTO fournit quelques chiffres456 : au Japon, en
1903, on cultivait 240 000 ha d’awa sur 2 500 000 à 3 000 000 d’ha de terres cultivées au plus, soit
près de 10 %, ce qui est un assez gros chiffre. Pendant la guerre, le gouvernement encourage
autoritairement la production de Satsuma imo 住住住住住 [住住住] (sorte de patate douce), et malgré les efforts
des agriculteurs, on n’atteint que les 170 000 ha pour finir en 1946 par 120 000 ha. En 1978, le hie
représente 100 000 ha. Ces chiffres montrent la baisse constante de la surface occupée par les céréales
autres que le riz ou le blé et la rapidité avec laquelle des siècles de traditions agricoles peuvent être
effacés pour des raisons d’opportunité.
Ainsi, aux chercheurs qui s’étonnaient de l’introduction de telle plante à tel endroit, par exemple l’ito
bashô 住住住住住住 [住住住] (le bananier à fils) d’Okinawa à Takarajima, MIYAMOTO, allant dans le sens de
454 Notamment les recherches de SASAKI Takaaki 「「「「「 (sur les champs), d’ONO Takeo 「「「「 (sur l’origine de l’agriculture), de YAMAGUCHI Sadao 「 「 「 「 et SASAKI Gen’ichirô 「 「 「 「 「 「 (sur la géograhie) ou encore YAMAGUCHI Ya’ichirô 「「「「「 (sur les cultures sur brûlis dans le nordest) ; cf. Nihon bunka no keisei, t. 3, chap. III, 1, p. 108.455 Nihon bunka no keisei, t. I, conférence du 6 juillet 1979, (2) p. 37 éd. Soshiete.456 Nihon bunka no keisei, t. II, VII (conférence du 7 mars 1980), (1) « Konsai shokubutsu to zakkoku to Nihon bunka » 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 (« Tubercules et céréales autres que le riz et le blé, et culture japonaise »), p. 60.
NAKAO Sasuke 住 住 住 住 et de sa théorie des « cultures ( 住 civilisations) des forêts de grands arbres à
feuillage persistant » (shôyô jurin bunka 住住住住住住), explique ce que l’adage juridique résume avec une
admirable concision457 : « l’accessoire suit le principal ». Ce qui signifie que la production de biens
nécessaires à la riziculture (ou la facilitant) suit généralement cette dernière lorsqu’elle est introduite
ailleurs. Dans notre exemple, l’itobashô, avec ses fibres extrêmement résistantes, permet la
fabrication de vêtements de travail que l’on peut porter longtemps sans craindre de les abîmer. Le fait
d’amener l’accessoire concomitamment avec le principal est ce que MIYAMOTO appelle un setto 住住
住458 (un ensemble, un tout en un) ou une kombi 住住住459 (une combinaison indivisible). Les personnes qui
apportent (les introducteurs) la technique de base (le principal) ne sauraient se passer de ce qui
l’accompagne (l’accessoire) d’une part parce qu’ils y sont « culturellement » habitués, d’autre part
parce que la pratique accessoire a sa « raison d’être ». D’autres exemples pourraient être donnés,
notamment les techniques de fabrications d’alcools accompagnant l’arrivée de certaines variétés de
céréales. Ainsi en estil du tambachan (orthographe incertaine) venu d’Inde (Sikkim) avec le kôji 住住住
[住] (riz malté) et donnant, avec très peu de modifications, le tsubuzake 住住 (« alcool de grains ») puis,
par suite, le kayuzake 住住 (« alcool en gruau ») qui se fabrique avec du Shikokubie (cf. plus haut), du blé
et/ou du soja460.
Parallèlement à l’apport volontaire des accessoires par l’homme, MIYAMOTO tient aussi à attirer
l’attention sur les plantes plus ou moins parasites qui vivent nécessairement à proximité des céréales.
Il les désigne sous le terme de zassô 住住 (qui dans le langage courant désigne une « mauvaise herbe »
mais prend ici un sens plus restreint) et il les distingue justement des « vraies » mauvaises herbes,
yasô 住住 , qui poussent qu’il y ait des céréales ou non, de préférence dans une plaine (d’où leur nom,
« herbes de plaine »). C’est ainsi, par exemple, le cas du hakobe 住住住 [ 住住 ] (plante de la famille des
œillets) qui ne pousse que dans les champs de céréales461.
Cette culture alimentaire a donné à certaines régions des identités très fortes qui se sont beaucoup
estompées depuis la fin de la seconde Guerre mondiale avec l’uniformisation des pratiques
alimentaires, due en partie à la multiplication des chaînes de distribution proposant les mêmes produits
et la hausse du niveau de vie, permettant de remplacer l’aliment de base par du riz, meilleur au goût.
Au départ, un écart était même fortement marqué entre la konsai nôgyô 住住住住 (agriculture des tubercules
457 Certes dans un autre contexte, mais la concordance ici est totale !458 Nihon bunka no keisei, t. II, VIII (conférence du 3 avril 1980), (2) « Nôkô no okeru minami to kita ‘bunka no fukugô’ » 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 (« Le ‘complexe (/composé) culturel’ sudnord dans l’agriculture »), p. 109.459 Nihon bunka no keisei, t. II, VIII (conférence du 3 avril 1980), (2), p. 113.460 Nihon bunka no keisei, t. II, VIII (conférence du 3 avril 1980), (2), p. 110111.461 Nihon bunka no keisei, t. II, VIII (conférence du 3 avril 1980), (2), p. 116.
et des bananes) au Sud et la shushi nôgyô 住 住 住 住 (agriculture des grain(e)s) à l’Ouest462. D’après
MIYAMOTO, et contrairement cette foisci à NAKAO Sasuke, la culture des grains ne serait pas
venue par la route de la soie, mais par le nord, la Sibérie, avec l’introduction du seigle en
Mandchourie, puis au nord de la péninsule coréenne (à Puyŏ 「「 [ 住 住 ], capitale du Paikch’é)463. Il en
serait allé de même, à peu de choses près, pour le blé464 et le chanvre465.
Il est intéressant de noter qu’il existe en japonais un terme regroupant toutes les céréales, à l’exception
des deux ingrédients principaux de la cuisine en Asie orientale et au Japon en particulier : le riz et le
blé (avec lequel on fabrique les nouilles) : zakkoku 住住, qui signifie « céréales diverses Notons que le
mot date de l’époque prémoderne (kinsei 住住, soit AzuchiMomoyama [15681600])466.
MIYAMOTO en profite pour battre en brèche un préjugé fermement ancré, celui la prétendue
infériorité culturelle des Aïnous dans la préhistoire. On les croit essentiellement chasseurs. C’est faux :
ils étaient chasseurs, certes, mais essentiellement agriculteurs et cultivaient l’awa, le hie et même le
sarrasin (ce dernier dès l’époque de la culture Satsumon467). L’awa était révéré comme un dieu et le
hie comme une déesse. Par ailleurs, des fouilles contemporaines de l’ethnographe ont mis à jour du
Morokoshi kibi 住住住住住住 [住住] (sorte de sorgho ou de millet) à Nemuro 住住, Hokkaidô, dans des ruines de
l’époque Jômon468. La thèse selon laquelle toutes les céréales seraient venues du sud uniquement ne
tient donc plus. Il y a bien sûr aussi une introduction d’awa par le sud selon deux origines : 1/ par
Taiwan et le royaume des Ryûkyû, 2/ par la Corée, depuis la Chine469. Mais il faut désormais ajouter la
route du nord.
MIYAMOTO note qu’en arrivant à Hokkaidô pour y faire une conférence, il observe chez les
habitants une sorte de complexe, du fait de leur résidence dans un territoire depuis longtemps
462 Nihon bunka no keisei, t. II, VIII (conférence du 3 avril 1980), (2), p. 113 et s..463 Nihon bunka no keisei, t. II, VIII (conférence du 3 avril 1980), (2), p. 114.464 Nihon bunka no keisei, t. II, VIII (conférence du 3 avril 1980), (2), p. 116.465 Nihon bunka no keisei, t. II, VIII (conférence du 3 avril 1980), (2), p. 117. MIYAMOTO estime que le chanvre a commencé à être cultivé au Japon dès l’époque Jômon* alors que le blé est arrivé plus tardivement.466 Seisen Nihon minZoku jiten 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 (Dictionnaire raisonné du folklore du Japon), Tôkyô, Yoshikawa kôbunkan, 2006, 692 p., article « Zakkoku », p. 225.467 La culture Satsumon (Satsumon bunka 「「「「) : culture qui se développa à Hokkaidô chez les Aïnous après Jômon parallèlement à la culture wajin des époques de Nara et Heian et qui précède la culture aïnoue prémoderne (kinsei ainu bunka 「「「「「「「). Nihon bunka no keisei, t. II, chap. VIII, (2), p. 125 éd. Chikuma gakujutsu bunko.468 Nihon bunka no keisei, t. II, VII (conférence du 7 mars 1980), (2) « Kita no bunka beruto »「「「「「「「「「(« Ceinture culturelle du Nord »), p. 70.469 Nihon bunka no keisei, t. II, VII (conférence du 7 mars 1980), (1) « Konsai shokubutsu to zakkoku to Nihon bunka », p. 65.
considéré comme « en retard » sur le reste du pays. Il les détrompe par l’explication cidessus, et
constate avec joie que le complexe disparaît. La honte s’est changée en fierté470.
L’ethnographe est loin de ne s’intéresser qu’au Japon, à la Chine et la Corée. Son voyage au Kenya et
en Tanzanie, qui n’avait pas donné lieu, à l’époque, à un écrit d’érudition mais à un simple
« reportage », lui permet dans ses conférences de faire la remarque suivante : on cultive le Shikokubie
住住住住住 [住住住] (le hie de Shikoku) sur le Mont Appo près d’Arroucha en Tanzanie. Le lieu d’origine du
Shikokubie est bien l’Afrique et c’est une des céréales les plus transplantées et répandues du monde471.
Se pose donc la question de la route empruntée pour en permettre l’implantation au Japon. Le
Shikokubie (ou en tout cas le millet) part d’Afrique orientale. De là, il est introduit en Inde 2000 ans
avant J.C. Le début de l’agriculture des céréales en Afrique remonte encore plus loin.
Toujours à la recherche de l’origine des choses, MIYAMOTO va même enfin jusqu’à s’interroger sur
l’origine du mot awa. L’hypothèse d’une racine commune avec le mot indonésien dawa avait de quoi
séduire, mais elle est réfutée par OOBAYASHI Taryô 住住住住. En effet, autrefois, awa s’écrivait aha 住住 et
se prononçait « apa 住 住 ». Plus rien de commun alors avec dawa. MIYAMOTO ne trouvera hélas
jamais la réponse à cette question.
Etudier cette culture alimentaire et ses origines amène, comme on le voit, à s’interroger tout
naturellement sur ceux qui sont à l’origine de son introduction et de sa production.
- b L’aspect humain
Par une multitude de faisceaux d’exemples, MIYAMOTO trace peu à peu un portrait des Japonais, ou
plus précisément des habitants de ce qui est l’actuel archipel du Japon, en remontant progressivement
dans le temps, qu’il s’agisse des ancêtres des Japonais de façon générale ou de catégories de
populations spécifiques comme les sanka ou les ama, par exemple.
L’Histoire des peuples et les mouvements de population. Parler de Japonais est déjà ambigu.
Qu’entendon en effet par là ? Les habitants actuels de l’archipel ? Doiton y inclure ceux qui l’ont
quitté, les expatriés ? Par le passé, les choses se compliquent encore : tous les habitants de l’archipel
du Japon tel qu’il est officiellement reconnu par l’ONU peuventils être considérés comme
véritablement Japonais ? Les Ainous du XIXème siècle, par exemple, étaientils Japonais ? Oui et non.
Oui, d’après eux, sans être Wajin 住住472, l’ethnie dominante de l’archipel. Non, pour les Wajin pour qui
470 Nihon bunka no keisei, t. II, VIII (conférence du 3 avril 1980), questions, p. 136 éd. Chikuma gakugei bunko.471 Nihon bunka no keisei, t. II, VII (conférence du 7 mars 1980), (1) « Konsai shokubutsu to zakkoku to Nihon bunka », p. 58. 472 Rappelons que Wajin signifie par les caractères chinois « gens harmonieux », Wa, l’harmonie, désignant le premier royaumeEtat du Japon, nommé Yamato (écrit avec les caractères de « grande
l’ethnie wajin est la seule à mériter le nom de Japonais. Reste à déterminer les conditions de
l’appartenance à l’ethnie wajin… Car celleci telle qu’elle est constituée aujourd’hui est déjà le fruit
de métissages dont l’origine n’est pas encore complètement établie scientifiquement. YANAGITA
tenait ferme à l’idée selon laquelle les Japonais viendraient du Nord. MIYAMOTO pensait qu’ils
venaient du nord et du sud. Aujourd’hui, les recherches les plus récentes tendent à montrer une
multitude de flux venant de tous côtés et étalées sur plusieurs périodes. Sans rentrer dans des questions
morphologiques ou physiologiques que nous ne saurions traiter avec la compétence requise473, nous
nous bornerons à relever par exemple que certains traits culturels des Japonais se retrouvent dans la
culture inuit (la valorisation de la résistance physique au froid, réputé « bon pour la santé », l’habitude
de « la moquerie » (à l’égard des personnes présentes) voire de l’ijime 住住住 [住住] (persécution d’un bouc
émissaire). Certains mots étrangement similaires comme okayu 住住住 [住住] (gruau de riz) et kayok etc.),
alors que d’autres (l’habitat notamment) rappellent les peuples du sud (mélanopolynésiens pour ce
qui est de l’habitat474). Les recherches menées actuellement par Fabienne MIZOKUCHI 住 住 de
l’Université de Rikkyô soulèvent toutes ces questions475.
Les Tsuchigumo, les Ezo, Emishi… Le premier mot à ouvrir l’essai posthume de MIYAMOTO est
Ebisu 住住住 [住], mot polysémique qui désigne de façon péjorative différents peuples ayant la principale
harmonie » 「 「 mais mot d’origine japonaise signifiant d’après le Daigenkai 「 「 「 「 「 d’OOTSUKI Fumihiko « porte de la montagne » yama 「「 [「] to 「 [「]). MIYAMOTO interprète le –to 「 de Yamato comme relié à tokoro 「「「 [「] (lieu) (Nihon bunka no keisei, t. I, chap. I, (3) « Seifuku ôchô to saishi ôchô »「「「「「「「「「「「 (Cour conquérante et Cour officiante »), p. 55 éd. Soshiete (conférence du 6 juillet 1979). 「Parallèlement, le nom des habitants, Wajin, vient du mot homophone 「「 Wajin, du chinois Wōrén ou Wēirén (gens de Wō ou de Wēi), pays dont le nom signifie « petits hommes au dos courbe ». L’emplacement du Yamato est encore discuté aujourd’hui. Une école le situe autour de Nara dans le Kansai ou Kinki, une autre au Nord de Kyûshû (des fouilles récentes y ont fait apparaître de nombreux vestiges de bâtiments assez évolués d’influence continentale), une troisième en Corée. Certains chercheurs l’assimilent au Yamataikoku 「 「 「 「 , d’autres non qui voient dans ce dernier un autre pays.473 Ainsi par exemple MIYAMOTO relevaitil un étrange point commun entre les actuels Japonais et les Péruviens : la présence très fréquente de tâches bleues aux fesses (oshiri no aoi aza 「「「「「
「
「「
「). Cf. Nihon bunka no keisei, t. I, chap. I, (1), p. 30 éd. Soshiete (conférence du 6 juillet 1979).474 Le Japon est un des rares pays du monde à avoir un habitat a priori inadapté à son climat et aux contraintes environnementales : fenêtres trop grandes très rarement pourvues de volets dans un pays aux étés chauds, absence de chauffage central dans un pays aux hivers rigoureux (à de rares exceptions près à Hokkaidô et dans le Tôhoku), fenêtres à flanc de mur non protégées des traînées de pluie, murs fins, escaliers extérieurs et absence d’isolation thermique, ce qu’aggrave l’utilisation de fenêtres coulissantes qui ne sont pas du tout isolantes. Ainsi, la consommation d’électricité allouée à la régulation de la température (climatiseur l’été, chauffage électrique l’hiver) estelle la plus élevée du monde. La maison traditionnelle japonaise, venue du sud, était adaptée à l’été, mais pas du tout à l’hiver. L’habitat actuel (apâto (appartement économique), manshon (appartement de standing) et maison individuelle) semble n’être adapté ni à l’un, ni à l’autre. Cf. aussi le chapitre précédent, B/ 2).475 Pour l’aspect comparatif des langues, on se repportera avec profit aux ouvrages d’OONO Susumu 「「「 comme Nihongo no keitô「「「「「「「「(La filiation du japonais) ou Nihongo no kigen「「「「「「「「(Les origines du japonais), Tôkyô, Iwanami shinsho, Shôwa XXXII (1957), rééd. Shôwa XLIX (1974)
caractéristique commune d’avoir résidé dans le Nord de l’archipel en zone rurale. Il relie le nom
d’Ebisu à Ezo 住 住 [ 住 住 ] et Emishi 住 住 住 [ 住 住 ], qui s’écrivent de façon identique en sinogrammes mais
différemment en caractères japonais. Dès cet incipit, MIYAMOTO fait un intéressant rapprochement :
Emishi fut aussi le nom personnel476 d’un certain SOGA no Emishi 住住住住 :
「「「「「「「「「「、、、、、
「「 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「、、、、、、、、、、
「「「「「 「、、、、、、、、、
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「「「「「「「「「「「「「「「「「「
(« SOGA no Emishi, chef du clan des SOGA à Asuka dans le Yamato, possédait une grande
puissance ; en l’an 645 de notre ère, il fut attaqué par le Prince de NAKANOOE et NAKATOMI no
Katamari et se suicida dans sa résidence, mais jusque là il possédait la plus grande puissance du
Yamato. Pourquoi diable cet homme était il prénommé Emishi ? »)
MIYAMOTO fait ensuite une seconde découverte tout aussi troublante :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「、、、、、、、
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「、、、、、、、、、
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「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
(« Dans la famille des SOGA, il y a une autre personne nommée Emishi. C’est SOGA Toyura no
Emishi et chez lui, Emishi s’écrit « 住 住 » (Homme poilu). Parmi ceux qui écrivent leur nom avec
« Homme poilu », on trouve SAEKI no ImaEmishi. Cet homme accomplit des prouesses à l’occasion
de la construction de la capitale de Heian477 On trouve également ONO no Emishi parmi ceux qui
laissèrent une épitaphe. Tous étaient des gens à position élevée et le fait de s’appeler Emishi (écrit Ezo
ou Homme poilu) n’était nullement une appellation méprisante. Je me demande si au début ce n’était
pas plutôt des gens qui étaient regardés avec un sentiment de crainte révérencielle. N’étaitce pas qu’à
l’origine les habitants de ce territoire étaient très poilus ? Et n’étaitce pas non plus que les personnes
du genre à avoir une épaisse pilosité étaient vigoureux, forts, craints et respectés par un grand nombre
de gens, et jouissaient de leur confiance ? »)
476 Le « prénom » des Japonais, en fait un « postnom ».477 La Capitale de Heian (Heiankyô) désigne Kyôto. Elle succède à Heijôkyô (la Capitale de la cité paisible), Nara.
Ces Emishi sont donc à distinguer des peuples venus ensuite sur l’archipel, par l’Ouest, depuis la
Corée. MIYAMOTO s’interroge sur ceux que l’on appellera les Wajin 住住 (cf. plus haut et note). Avec
les précautions d’usage, il formule l’hypothèse, bien étayée par la recherche archéologique, que les
Wajin (cf. gravure478), future ethnie dominante de l’archipel du Japon, descendraient d’habitants du
pays de Yuè 住 (dans la Chine actuelle) – dont un frère jumeau, au Sud comme son nom l’indique, Yuè
nán 住 住 , allait devenir le Vietnam479 – ayant fui la guerre avec le royaume de Wú 住 480. Toutefois,
MIYAMOTO tient à préciser que les Wajin d’il y a deuxmille ans ne sont pas les Wajin de son temps,
ni même ceux de l’époque d’Edo. MIYAMOTO montre très bien d’ailleurs les incessants flux de
personnes, et même les diasporas qui ont traversé le Japon, y sont arrivés ou en sont partis.
C’est dans le Sud de la péninsule coréenne, cependant, que les Wajin ont développé leurs
caractéristiques culturelles : poterie raffinée, tatouages élaborés etc.. Avec ces Wajin, c’est rien de
moins que la riziculture, et tout ce qu’elle véhicule de techniques, de modes de travail et donc de vie,
qui pénétrai(en)t dans l’archipel. Au départ, le « pays » (« kuni 住 ») wajin comprenait le Sud de
l’actuelle Corée, mais très vite il s’étendit au Nord de l’île de Kyûshû. C’était une sorte de colonie de
478 La gravure représente un serviteur Wajin.479 Nihon bunka no keisei, t. I, chap. I, (2), p. 39 éd. Soshiete (conférence du 6 juillet 1979).480 Nihon bunka no keisei, t. I, chap. II, (5), p. 118 éd. Soshiete (conférence du 7 septembre 1979).
peuplement dans une zone vraisemblablement plus (pas ?) ou peu peuplée. L’ensemble, dont le détroit
de Corée coupait à la fois ce « pays » en deux et en formait le centre symbolique, était culturellement
et linguistiquement homogène481. Les déplacements d’une moitié à l’autre et vers les îles de Tsushima
住住 et Chejudô 住住住 s’effectuaient sur des sortes de radeaux évolués (ikadabune 住住) dont quelques rares
exemplaires y ont été retrouvés, ce qui est d’autant plus surprenant que les radeaux, par nature, ne
laissent pas de traces une fois que les cordes qui les liaient ont été détruites. En outre, les radeaux,
faciles à construire et entièrement recyclables (matériaux de construction ou le plus souvent bois pour
se chauffer), permettaient de transporter des bêtes, car ils étaient souvent assez larges482. Le voyage
d’étude de MIYAMOTO à Chejudô et surtout en Chine lui donnera l’occasion d’observer des formes
contemporaines de ces radeaux.
Lorsqu’on étudie la question des Wajin, on ne peut faire l’impasse sur celle du Yamato et du Yamatai.
Pour Miyamoto, il semble très probable que le Yamato et le Yamatai aient constitué le même
royaume483. Les sinogrammes utilisés pour écrire Yamatai 住住住 sont des ateji (des caractères utilisés
pour transcrire phonétiquement un mot) et ceux utilisés pour écrire Yamato sont l’idéogramme de Wa
住 pour l’ancienne orthographe et deux idéogrammes pour la nouvelle 住住 signifiant comme nous l’avons
dit plus haut « Grande harmonie ». Lorsqu’on écrit le mot en alphabet latin ou en caractères japonais
(kana), la ressemblance est évidente : Yamatai 住住住住 semble être une déformation purement phonétique
de Yamato 住住住 . Les opinions des spécialistes sont encore divisées aujourd’hui sur ces questions. Si
Yamato et Yamatai semblent être la même chose, les pays de Wa et de Yamato étaient bien deux
entités distinctes484. Plus précisément, leurs racines sont les mêmes, mais les Wajin seraient à l’origine
des Yuèrén (gens de Yuè) de petite taille, d’où leur sobriquet « Wēirén 住住 » (« petits hommes au dos
courbe »)485.
Au cours de son exposé, MIYAMOTO en vient aussi à traiter la question des kiba minzoku 住 住 住 住
(ethnies cavalières)486 encore discutée aujourd’hui487. Contrairement à ce qu’en disent certains auteurs,
ils sont bien venus au Japon (à l’époque de l’empereur Sujin 住 住 住 住 – milieu du IVème siècle488),
481 Nihon bunka no keisei, t. I, chap. I, (2), p. 42 éd. Soshiete (conférence du 6 juillet 1979).482 Nihon bunka no keisei, t. II, annexe : « Seto naikai bunka no keifu »「「「「「「「「「「「 (« La lignée de la culture de la Mer intérieure de Seto »), p. 262263 éd. Chikuma gakugei bunko.483 Nihon bunka no keisei, t. I, chap. II, (5), p. 126 éd. Soshiete (conférence du 7 septembre 1979).484 Nihon bunka no keisei, t. I, chap. II, (5), p. 129 éd. Soshiete (conférence du 7 septembre 1979).485 Nihon bunka no keisei, t. I, chap. III, (1), p. 154155 éd. Soshiete (conférence du 5 octobre 1979).486 Pour un aperçu synthétique de la question, cf. EGAMI Namio 「「「「 , Kiba minzoku kokka : Nihon kodaishi he no apurôchi「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (L’Etat des ethnies cavalières : Approche tendant à une Histoire antique du Japon), Tôkyô, Chûkô shinsho, n°147, Shôwa XLII (1967), plusieurs fois rééd..487 En France, Philippe PELLETIER (Japon – Crise d’une autre modernité, Paris, Belin, Coll. Asie plurielle, 2003, 208 p., p. 13 et s.) y souscrit sans toutefois en exagérer l’importance, tout comme MIYAMOTO.488 Nihon bunka no keisei, t. I, chap. III, (3), p. 189 éd. Soshiete (conférence du 5 octobre 1979).
seulement leur nombre était très faible : entre un millier489 et une dizaine de milliers d’hommes490. Cela
expliquerait la faible présence du cheval dans la culture japonaise et la quasiabsence de chevaux de
grande taille jusqu’aux échanges avec les Européens. Apparus au Nord de la Chine à l’époque des Qín
住, époque où l’on commence à bâtir la Grande muraille, ils gagnent rapidement en puissance. Wŭdì 住住
(141, 156 ~ 87) (empereur de l’époque des Hàn antérieurs) décide d’envoyer à leur poursuite des
« alliés » des Chinois nonHàn, les Xiōngnú 住住 (Funnu ou Kyôdo en japonais), préalablement soumis.
Ces Xiōngnú seraient selon MIYAMOTO les ancêtres des Finlandais491. Ce qui fera la différence entre
les cavaliers et leurs poursuivants, ce sont les chevaux, des purssans arabes, que ne possèdent pas
encore les peuples du nord comme les Xiōngnú, les Qīang 住 ou les Dĭ 住.
Quelles qu’aient été leurs intentions (la fuite ou la conquête) visàvis de l’archipel, ils étaient obligés
de faire appel aux Wajin pour franchir la mer, ne possédant pas d’embarcations suffisamment grandes
et solides pour leur expédition ni une grande expertise des voyages en mer. Peu nombreux mais bien
équipés (armes et armures), ils se déplacèrent vers le Nord. MIYAMOTO compare d’ailleurs leur
efficacité à celle de PIZARRO (v. 14751541) parvenu à écraser l’empire inca avec très peu
d’hommes en comparaison, grâce en grande partie à son armement et à l’usage de leurs chevaux, plus
grands et résistants que ceux de leurs adversaires. C’est ainsi que ces cavaliers arrivés par la Corée
écrasent violemment les populations de Honshû de type Jômonjin (Aïnous, Hayatos, Tsuchigumos),
permettant de fait de faciliter, sinon une unification dans l’archipel, du moins l’homogénéisation
culturelle. Alors que ces populations autochtones avaient un habitat de type tateana jûkyo*
(habitation à fondations surbaissées), les hommes du continent habitaient des maisons construites de
plainpied (domazumai*)492. Ils apportent avec eux de nouveaux objets et pratiques du continent, mais
c’est surtout après leur installation que d’autres immigrés viendront s’installer sur l’archipel, mais
cette foisce, ce seront des artisans et des commerçants.
Revenons à présent aux Aïnous dont nous parlions plus haut : MIYAMOTO remet leur culture
agricole à la place qu’elle devrait occuper et leur suppose des origines qui expliqueraient leur avance
dans ce domaine à cette époque ancienne. S’appuyant sur le Wèizhì 住住住住 (Notes sur les Wèi) (IIIème s.)
de CHÉN Shòu 住住 (233297)493, chapitre sur les peuples du Nord, et sur le JiùTángshū 住住住住住 (Ancien
livre des Táng ou Livre des anciens Táng) (945) de LIÚ Xū 住住 (887946), il découvre un « pays », ou
plutôt une ethnie, de culture élaborée, les Sùshèn 住住, située à l’est de la Mandchourie.
489 Nihon bunka no keisei, t. I, chap. III, (3), p. 189 éd. Soshiete (conférence du 5 octobre 1979).490 Nihon bunka no keisei, t. I, chap. III, (3), p. 187 éd. Soshiete (conférence du 5 octobre 1979).491 MIYAMOTO émet l’hypothèse que le Fun de Funnu aurait donné Fin (Finlandais), celuici ayant une racine altaïque. Nihon bunka no keisei, t. II, IX, (2), p. 154 éd. Chikuma gakugei bunko (conférence du 5 juin 1980).492 Cf. chap. 3, B/, 2), b.493 Ce livre revient fréquemment, cité comme source majeure, dans les livres de MIYAMOTO, et en particulier dans Nihon bunka no keisei.
住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
住住住住住住住住住住住住住住住494
(« On dit qu’à l’est également on trouvait un pays possédant le même genre de culture. J’ai beau y
réfléchir, je ne peux que penser à Karafuto (=Sakhaline)495 et Hokkaidô. Ainsi, n’estil pas
[vraisemblable] qu’apparaissait déjà à cette époque, celle des cours du Sud et du Nord des Wèijìn
(Wèijìn nánbĕizhāo) [220589] suivant l’époque des Hàn [202 à 220], au SudEst de la Sibérie
(Enkaishû), ce qu’on appellerait une immense zone culturelle à l’agriculture stabilisée (antei nôkô
bunka chitai) ».)
Quelle est la raison d’un tel phénomène ? Elle tient à la présence d’animaux que l’on peut pêcher et
chasser (notamment des rennes, d’où toute la culture (ou le folklore) qui s’y rapporte). De plus, la
situation géographique rendait les échanges plus pratiques en hiver grâce aux déplacements en
traîneau. Pour résumer, on peut dire que MIYAMOTO relie ainsi la culture aïnoue à celle du continent
et lui donne un prestige qu’elle n’avait jamais eue jusqu’alors au Japon. Il est conscient qu’une telle
prise de position n’ira pas sans poser de nouvelles questions496 et qu’elle suppose aussi, par
conséquent, une nouvelle réflexion sur toute la période Jômon497. De la même façon, avec son étude de
l’origine des céréales, il avait mis en lumière la route du Nord partant de Sibérie, par laquelle céréales,
pratiques et populations avaient pu pénétrer dans l’archipel.
Le mythe du peuple unique écorné. Nous pourrions encore fournir de nombreux exemples, mais on
perçoit déjà que par cette étude, MIYAMOTO écorne ainsi le mythe officiel d’une origine unique du
peuple japonais, qu’elle vienne du Nord ou du Sud. En réalité, les afflux de populations proviendraient
donc de multiples points, parfois au même moment, parfois à des époques différentes. Et
MIYAMOTO le dit aussi :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「498
(« Ces gens n’ont pas constitué des mouvement de foule pour ensuite traverser la mer ; je pense qu’il
faudrait considérer qu’ils sont arrivés petit à petit, à des occasions renouvelées ».)
Et MIYAMOTO de conclure que sans ces immigrés, le pays serait resté dans un état de sous
développement fermé (« mikai no katachi 住住住住住住 »).
494 Nihon bunka no keisei, t. II, chap. VII, (2) « Kita no bunka beruto », p. 73 éd. Chikuma gakugei bunko (conférence du 7 mars 1980).495 Un des territoires du Nord annexés par la Russie pendant la Seconde Guerre mondiale. Karafuto est le nom japonais de Sakhaline.496 Nihon bunka no keisei, t. II, chap. VIII, (2), p. 123 éd. Chikuma gakujutsu bunko (conférence du 3 avril 1980).497 L’ethnologie miyamotienne rejoint ici la façon de procéder d’André LEROIGOURHAN, considérant comme nécessaire l’étude couplée de la préhistoire et de l’ethnologie.498 Nihon bunka no keisei, t. I, chap. V, (1), p. 261 éd. Soshiete (conférence du 5 octobre 1979).
Lorsqu’on sait que les manuels scolaires officiels d’aujourd’hui commencent en guise d’introduction
par une longue présentation des mythes shintô de création figurant dans le Kojiki (Chronique des faits
anciens) (une chronique historicomythologique « officielle » destinée à légitimer la lignée impériale
par une ascendance « kamique »), on comprend que le positionnement de MIYAMOTO garde
aujourd’hui encore toute sa force et son originalité.
Cette Histoire du Japon et de ses populations disparues ne pouvait que révéler des correspondances
avec des groupes humains du Japon contemporain, (même si ces groupes étaient sur le point de
disparaître, en tant que groupes, lorsque MIYAMOTO les étudia) ; c’est donc à eux qu’il convient
maintenant de s’intéresser.
B/ L’étude des groupes au présent
L’étude de l’Histoire des groupes était le préalable nécessaire à l’étude de ces mêmes groupes au
présent. Ce fut d’ailleurs un des plus beaux pans du travail de sauvetage ethnographique réalisé par
MIYAMOTO : les matagi 「「「 (cf. gravure), les sanka 「「「, les voyageurs, les Aïnous, les burakumin 「「「
etc. ont ainsi trouvé un fervent défenseur de leur culture, et, ce qui est encore plus remarquable, il ont
été traités avec une parfaite égalité par l’ethnographe.
Nul avant MIYAMOTO, à notre connaissance, n’avait fourni une étude spécifique et globale des
matagi et des sanka fondée sur un travail de terrain systématique. Aujourd’hui, les efforts de
MIYAMOTO paraissent couronnés de succès, car à présent plusieurs chercheurs reprennent cette
étude et les descendants de ces populations utilisent parfois même ses ouvrages pour retrouver une
information perdue.
L’étude des matagi, ces populations de chasseurs (kariudo 「 「 ) pêcheurs (en rivière) du nord de
Honshû (région du Tôhoku, en particulier dans l’actuel département d’Iwate) et de Hokkaidô, permet
de soulever plusieurs questions, à commencer par celle de l’origine de leur nom. MIYAMOTO retient
l’hypothèse selon laquelle matagi désignerait au tout début la « fourche d’un arbre » [「「] utilisée dans
plusieurs objets servant à la chasse499 par ces populations, aussi à l’aise dans la plaine que dans la
montagne et / ou la forêt. Il pourrait être intéressant de relever ici quelques autres exemples
d’étymologie de noms de groupes humains ou de « pays » découvertes, soutenues ou confirmées par
MIYAMOTO (on se souvient qu’il interprétait le –to de Yamato comme apparenté à tokoro (lieu)). On
s’interrogera ensuite sur leurs origines et les processus qui ont entraîné, sinon la disparition de leur
culture, du moins son affaiblissement500, en les comparant au groupe humain suivant.
Dans Yama ni ikiru hitobito (1964), MIYAMOTO nous présente une deuxième communauté liée à la
précédente, les sanka, aujourd’hui disparus en tant que groupe (mais qui n’en ont pas moins eu une
descendance). Au départ subdivision des matagi dont ils se séparèrent pour se consacrer aux travaux
d’artisanat (fabrication d’outils et d’ustensiles), les sanka, vivaient et travaillaient dans la montagne
« à l’écart de la civilisation », alors que les matagi tendaient à s’établir dans les plaines (ce que nous
avons personnellement pu constater lors de notre étude de terrain en Iwaté). De ce fait, ils sont bientôt
considérés comme des hinin 「「 (nonhumains), ce qui en fait les camarades d’infortune des burakumin
「「「 (populations des hameaux), c’est à dire la classe sociale la plus basse, sorte de classe « paria » ou
499 Yama ni ikiru hitobito, chap. IV, p. 46.500 Pour une étude récente sur les Matagi, voir notamment : NOZOE Kenji 「「「「, Matagi wo nariwai ni shita hitotachi 「「「「「
「「「「
「「「「「「「「「, Tôkyô, Shakai hyôronsha 「「「「「, 2006, 246 p..
« hors classe ». Avec l’introduction de l’industrie, ils perdent le monopole de fait de la fabrication de
certains objets et, de fait, leur « raison d’être » autant que leur prestige d’artisan. Aussi c’est pourquoi
ils descendent alors de leur montagne pour chercher du travail en ville où le préjugé populaire les
précède. En 1926, lors d’une de ses études de terrain portant sur les sanka, MIYAMOTO en trouve
une communauté à Osaka dans de grands quartiers ou ghettos (shûraku 「「) miséreux (ils se lavent dans
le fleuve sans avoir forcément de savon, certains mendient). En 1935, il retourne dans un autre quartier
sanka, toujours en bordure d’un fleuve (le Yamatogawa 「 「 「 ), et y constate une amélioration des
conditions d’hygiène et d’habillement : plus rien ne distingue visuellement ces populations du reste de
la population de la région.
La culture des sanka, liée d’abord à l’artisanat de montagne, est ensuite une culture de chasseurs
(restes de leurs souvenirs d’anciens matagi). Là encore, l’étymologie du nom n’est pas absolument
certaine. Au regard des sinogrammes, Sanka 住住 signifie « demeure en trou dans la montagne ». Or cela
ne rappelletil pas étrangement les tateana jûkyo (habitations en trou vertical ou habitation à sol
creusé dans la terre) vues plus haut ? MIYAMOTO émet une hypothèse alternative, d’une origine plus
simple : Sanka s’écrirait avec les idéogrammes signifiant maison –ka 住 de la montagne san 住 .
« Sanka » estil donc un mot réalisé à partir de caractères chinois idéographiques, ou au contraire un
mot purement indigène sur lequel on aurait plaqué ces caractères en en altérant de fait le sens original
(et dans ce cas, quel seraitil) ? Malheureusement, rien ne permet encore de trancher cette question.
Aujourd’hui501 (en 2008), personne ne prétend plus être « sanka » (alors qu’on peut encore trouver des
gens évoquant avec simplicité leurs ancêtres matagi et leur pratique de la chasse « moderne »), aussi le
terme estil tombé en désuétude. Estce à dire que les Sanka sont tous morts ? Qu’on nous permette de
nuancer une telle hypothèse. Certes, il n’existe plus de villages de montagne exclusivement composés
d’artisans fabriquant des ustensiles et les grands regroupements de sans abris ont été disloqués et leurs
membres disséminés502. Quelques uns de leurs descendants ont pu intégrer la société et entrer dans le
monde du travail, certains constituant un prolétariat plus ou moins qualifié, d’autres une main d’œuvre
pour les marchands des villes. Mais le flou persiste dans l’ensemble, personne n’osant aujourd’hui
avouer des origines sanka, ce serait assimilé par l’homme de la rue aux burakumin (pourtant
pratiquant à l’origine des métiers différents) et deviendrait source potentielle de discriminations
professionnelles. Aucun chiffre fiable ne saurait donc être avancé. Cet exemple présenté par
MIYAMOTO montre à la fois un cas de déplacement de population pour cause économique, une
501 Pour une étude actuelle de la situation des Sanka, voir notamment : YAGIRI Tomeo 「「「「 , Sanka minZokugaku「「「「「「「「(Ethnographie des Sanka), Tôkyô, Sakuhinsha 「「「, 2003, 302 p..502 Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas des regroupements de sans logis dans les parcs publics de Tôkyô ou le centre ville de Nagoya, notamment. Toutefois, on ne doit pas confondre tous ces individus avec les sanka. La plupart des sanslogis sont des individus isolés (le plus souvent des chômeurs victimes de restructurations et abandonnés par leur famille) réunis (géographiquement) de fait, et non une communauté préexistante (cas des sanka).
ethnonécrologie (le récit de la mort de la culture d’une ethnie), enfin une mutation (hensen) qui
ramène à un équilibre permettant à la communauté de survivre.
Conscient des conditions difficiles dans lesquelles vivent les populations en grande précarité,
MIYAMOTO commence à accumuler des matériaux sur cette question, et il se trouve fin prêt pour
répondre à l’offre qu’un éditeur vient un jour lui proposer.
Le Nihon zankoku monogatari (Contes cruels du Japon) est une entreprise éditoriale sans précédent
à laquelle MIYAMOTO participe de 1959 à 1961 : la direction de la rédaction collective d’un ouvrage
historique sur la cruauté au Japon. Difficile de dire si l’éditeur avait en tête de réaliser un « coup »
éditorial, toujours estil que l’ouvrage, malgré son épaisseur (cinq gros volumes), connaît un succès
durable et lance (malgré ses auteurs sembletil, ou en tout cas malgré MIYAMOTO, c’est certain) la
mode des œuvres ou la cruauté est le thème central. Les titres de livres et de films contenant le mot
« zankoku 「「 » (cruauté) se multiplient en effet dès cette époque, OOSHIMA Nagisa 「「「 (né en 1932)
reprenant pratiquement le titre de l’ouvrage de MIYAMOTO pour son film.
Le livre est extrêmement critiqué aujourd’hui pour son manque de rigueur scientifique : très peu de
références sont en effet données et on ne sait pas qui a écrit quoi parmi les rédacteurs. Les raccourcis
historiques sont nombreux et la mise en contexte insuffisante. D’une part, il faut bien reconnaître
qu’on ignore les conditions dans lesquellles s’est déroulée la rédaction de l’ouvrage et la part prise par
chacun ainsi, par conséquent, que le rôle exact de MIYAMOTO ; d’autre part, il demeure que cet
ouvrage collectif continue d’exercer un certain attrait, peutêtre dû d’abord à son titre qui accroche le
regard, évoquant un recueil de nouvelles à la manière du Konjaku monogatarishû 住住住住住住住 (Recueil
d’histoires qui sont maintenant du passé) ou de l’Uji shûi monogatari 住住住住住住住住 (Supplément aux contes
d’Uji) pour citer les deux plus célèbres (qui d’ailleurs se font suite). L’ambition de MIYAMOTO était
néanmoins à l’opposé d’une description complaisante du sadisme. Il s’agissait au contraire et, avant
tout, de présenter des exemples de groupes sociaux « oubliés » par l’Histoire, notamment les
burakumins503 (cf. plus haut).
Enfin, malgré ses faiblesses indéniables, cet ouvrage continue d’être le seul consacré à la question
d’une manière globale.
Parmi les types de personnages étudiés dans le Nihon zankoku monogatari, les femmes sont assez
représentées : prostituées, bien évidemment, mais aussi ouvrières du textile, des mines, employées ou
tout simplement jeunes épouses.
L’étude des femmes. A la suite de YANAGITA (Imo no chikara 住住住住住 (Le pouvoir de la sœur),
Mainichi no kotoba 住 住 住 住 住 住 住 (Les mots de tous les jours), Kon’in no hanashi 住 住 住 住 住 住 (Histoires
503 Pour une étude récente des Burakumin, voir : KITA Sadakichi 「「「「 , Hisabetsu buraku toha nani ka ?「「「「「「「「「「「(Qu’estce que les « Hameaux discriminés » ?), Tôkyô, Kawade shobô shinsha, 2008, 262 p..
conjugales) etc.), MIYAMOTO apparaît aujourd’hui, sinon comme un pionnier, du moins comme un
précurseur des études féministes. NAGAHAMA Isao lui reproche de ne pas leur avoir consacré
suffisamment de pages504. MIYAMOTO luimême le regrette505. Cependant, si au regard de l’œuvre
prise dans sa globalité les essais réunis à titre posthume dans Onna no minZokushi (2001) peuvent
paraître marginaux, ils sont néanmoins de la plus haute importance historique, sociologique et
ethnographique. MIYAMOTO y évoque la place sociale de la femme dans le village et la famille, les
manifestations féminines de la foi populaire, la question de la mobilité économique (dekasegi 住住住) et
de l’apprentissage (hôkô 住住), le mariage, bien sûr, les rapports bellefillebellemère et la question de la
maltraitance non seulement des brus, mais aussi des bellesmères. Enfin, il donne des exemples de
trajectoires individuelles (notamment un cas d’ostracisme d’une jeune femme chassée du village pour
manque d’hygiène dans son restaurant familial) et finit par l’évocation de sa propre mère.
Dans ses textes sur les femmes, MIYAMOTO pratique tantôt la classification thématique (les
servantes d’auberges, les apprenties), tantôt la classification régionale (dans l’Est, dans l’Ouest, dans
les Ryûkyû etc.) et pour chaque cas, la classification qui n’a pas été retenue sert alors de sous
classification. Lorsqu’il s’agit de définir des tendances régionales, MIYAMOTO détermine des
ensembles régionaux culturellement cohérents (dont il n’est pas l’inventeur, mais dont il questionne et
vérifie la pertinence) : essentiellement le Kantô, le Kansai, les Ryûkyû, Tsushima, la zone particulière
de la mer intérieure de Seto, Hokkaidô. La plus grande division en ensembles qu’il reprend est
traditionnelle : d’un côté l’ouest, marqué par une plus grande égalité hommesfemmes, avec même des
éléments matriarcaux, et de l’autre l’est, plus machiste, marqué par la culture des guerriers. Dans
l’ouest, la femme disposait de son autonomie patrimoniale et gérait même souvent l’argent du foyer
alors que dans l’est, le mari était le mandataire imposé de ses biens (d’où le phénomène des économies
cachées de la femme, hesokuri(gane) 住住住住(住住) [住住住(住)]). Dans l’ouest, il était fréquent que le mari allât
vivre dans la famille de sa femme (phénomène du mukoiri 住住住) alors que dans l’est c’était l’inverse
(yomeiri 住 住 住 ). De même, dans l’ouest, la société paysanne autorisait des licences en matière de
relations amoureuses impensables dans le Kantô (à l’Est) où les relations sexuelles n’étaient
véritablement concevables que dans le cas du mariage ou de la prostitution. Ainsi, par exemple, la Fête
d’Atago (Atagosai ou Atago matsuri 住住住506) (près de Kyôto), sorte de fête des amours (libres) (rankô
jiyû no hi 住住住住住住) où toutes les relations amoureuses étaient permises entre jeunes gens célibataires sans
que la population y trouvât à redire507. Citons encore ce club de jeunes de Himejima 住住 dont le local
504 NAGAHAMA Isao, Hôkô no manazashi / Miyamoto Tsuneichi no tabi to gakumon, chap. VI, 7, p. 184188.505 Shomin no hakken (1960), « Hajime ni »「「「「「「(Avant propos), p. 3 éd. Kôdansha gakujutsu bunko.506 On notera que les sinogrammes utilisés pour transcrire ce toponyme (qui probablement à l’origine avait une autre étymplogie) signifient en japonais : « l’amour (ai 「) à sa guise (hoshii mama 「) » !507 Nihonjin wo kangaeru, deuxième entretien, p. 28.
possédait un futon géant (de 12 jô (nattes) de surface) dans lequel les membres dormaient tous
ensemble, garçons et filles, également nus…
Enfin, nous ne saurions clore cette présentation du travail de MIYAMOTO sur les femmes sans
présenter un exemple un peu plus détaillé.
Les deux souches des ama 桧 桧 . Parmi les femmes, il est une catégorie socioprofessionnelle qui a
retenu tout particulièrement l’attention de notre auteur. Il s’agit des ama, les pêcheuses plongeuses. Au
départ, le mot japonais ama 「「 est unisexe et s’écrit avec les idéogrammes des gens de la mer, kaijin ama
「「
ou parfois, mais bien plus rarement dans certains textes anciens, avec le caractère chinois dàn ama
「 qui
désignait une population du littoral des provinces du Fújiàn 「「「 et du Guăngdōng 「「「 , habitant des
bateaux et pratiquant la pêche, victime de discrimination jusqu’à son installation à terre. En outre, on
distingue entre les ama hommes que l’on écrit kaishi ama
「「 (hommes de la mer) et les ama femmes, ama
「「
(femmes de la mer). On n’est pas sûr de l’origine du mot, mais MIYAMOTO, avec raison nous
sembletil, lui donne comme sens original « la mer » 「 qui se dit aujourd’hui umi 「「. Par la suite, vers
la fin du Moyen Age, le mot prend le sens de « pêcheur », puis de pêcheurs plongeurs des deux sexes.
Aujourd’hui, les ama sont exclusivement des femmes. Certains Japonais savent qu’autrefois,
jusqu’avant la Seconde guerre mondiale, les ama, hommes comme femmes, plongeaient vêtus d’un
simple fundoshi 「「「「 [「] (sorte de pagne en tissu) appelé spécifiquement heko 「「, d’où l’apparition de
toute une imagerie érotique pseudoethnographique ou pseudoartistique, représentant ces femmes
dénudées en Vénus des mers chasseresses… A l’époque où MIYAMOTO les observe, les temps ont
déjà changé et les ama portent des combinaisons de plongée avec masque et tuba. Notons enfin que
MIYAMOTO se demande si le mot « ama » n’a pas constitué la racine de toponymes en ama, comme
Amakusa 「「 (écrit « herbes (kusa) du ciel (ama, aujourd’hui ame) »). Difficile d’avancer que le ciel et
la mer ont la même racine, mais le rapprochement méritait d’être fait. Le Wamyô ruijushô 「「「「「「「
(Compendium des noms Wa selon leur famille) (934), un des premiers, sinon le premier dictionnaire
japonais de mots écrits en sinogrammes, relève de nombreux toponymes comprenant « ama »508,
essentiellement dans la partie ouest du pays, exactement là où étaient pêchés les ormeaux (awabi 「「「
[「]), par exemple : Amagô 「「 (dans le département de Hiroshima), Amagô 「「「 sur Awaji (Hyôgo),
Amagô 「「「 (en Chiba, Fukuoka, Oki, Kyôtofu), Amatagô 「「「 (à Tôkyô), Ooshiamagô 「「「 (en Kyôto
fu), Amambegô 「「「 (Fukui) etc..
Les ama, hommes comme femmes, ne jouaient pas qu’un rôle culinaire. Certes, les produits qu’ils ou
elles rapportaient étaient nombreux et appréciés pour leur goût : algues diverses, poissons, mollusques
508 Miyamoto Tsuneichi, Afurika to Ajia wo aruku, « Chejudo wo aruku : Shimpan Ama monogatari »「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「(« Marcher à Chejudo : Histoires d’ama, nouvelle édition »), p. 132.
et crustacés (voire même baleines). Ils tiraient aussi une importance supplémentaire du fait que
certains de ces produits pouvaient servir d’intermédiaire dans les échanges, ce qui arrivait encore
jusqu’au dixneuvième siècle, la monnaie n’ayant pas toujours été frappée en quantité suffisante pour
permettre tous les types de transactions en usage à la campagne. Ces intermédiaires étaient appelés
tawaramono 住住住住住 [住住] (« choses du sac »).
Ainsi, l’ormeau séché (hoshiawabi 住住住住住 [住住住]), le concombre de mer (vidé, bouilli et séché) (iriko 住住住
[ 住 住 / 住 住 住 ]509 ou l’aileron de requin (fuka no hire 住 住 住 住 住 [ 住 住 住 ]), essentiellement, furentils des
intermédiaires fongibles des échanges commerciaux remplaçant l’argent, non fongible. Pour
« pêcher » le concombre de mer (namako 住住住 [住住]) et les autres produits de la mer, il faut soulever les
rochers du fond marin avant de harponner. Seuls les professionnels comme les ama avaient la
connaissance et la technique nécessaires à ce travail dangereux (nécessité de retenir sa respiration
longtemps et de remonter vers la surface avec les bras chargés).
Le Livre des Wèi (Dans L’Histoire des Trois royaumes) (IIIème siècle) mentionne la présence d’ama à
Tsushima et à Iki 住住 et le HòuHànshū 住住住住住 (Livre des Hàn postérieurs) de FÀN Yè 住住 (398445) va
lui aussi dans ce sens, situant les ama parmi les Wajin510. Enfin, on en trouvait encore sur l’île
coréenne de Chejudo où MIYAMOTO, nous l’avons dit, réalisa une étude de terrain sur ce thème. Par
ses recherches, MIYAMOTO découvre deux souches d’ama. Une souche ancienne, nomade et mixte
(les hommes et les femmes vivent ensemble sur le bateau, y travaillent et plongent. Et une souche plus
récente, d’origine continentale (asiatique), introduisant la riziculture et pratiquant la division sexuelle
du travail : les hommes à la pêche et les femmes aux champs (dangyo jokô 住住住住)511.
Partout où les ama, à l’origine nomades, vivant sur des bateaux (ebune 住住) pour passer plus rapidement
d’une zone de bonne pêche à une autre, s’installent à terre, ils conservent à leurs maisons certaines
caractéristiques de leurs bateaux d’origine : notamment une forme rectangulaire et non carrée ainsi que
des volets s’ouvrant à la verticale (shitomido 住住) et non pas volets coulissants à l’horizontale (hikido 住住
住)512. Ces caractéristiques ont perduré sur plusieurs générations et il reste encore aujourd’hui quelques
maisons de ce type dans les départements de Hiroshima et Yamaguchi notamment, même si à partir de
l’époque d’Edo, de nombreuses familles d’origine ama sont passé à un habitat de type paysan. Ces
reliquats d’une origine alliés à des changements inévitables dus au climat, à la sédentarisation et aux
évolutions technologiques et de mode sont, nous apprend MIYAMOTO un trait caractéristique de la
culture propre à la Mer intérieure de Séto513.509 MIYAMOTO orthographie le mot avec les sinogrammes suivants :
ir iko
「「「, peutêtre de façon fautive.510 Miyamoto Tsuneichi, Afurika to Ajia wo aruku, « Chejudo wo aruku : Shimpan Ama monogatari », p. 137.511 Nihon bunka no keisei, t. II, annexe, p. 266 éd. Chikuma gakugei bunko.512 Nihon bunka no keisei, t. II, annexe, p. 273274 éd. Chikuma gakugei bunko.513 Nihon bunka no keisei, t. II, annexe, p. 274 éd. Chikuma gakugei bunko.
MIYAMOTO constate aussi, de son temps, l’apparition d’un tourisme du pittoresque littoral
notamment à Tôjimbô 住住住 (département de Fukui) et Onjuku 住住 (département de Chiba) présentant les
rares ama restantes au Japon comme d’exotiques survivances du passé. Ces ama devenaient donc,
qu’elles le veuillent ou non, des kankô ama 住住住住 (ama touristiques)514. Il observe le même phénomène à
Chejudo515. Ainsi découvreton comment on passe d’une classe sociale aventureuse et porteuse
d’innovation (ce que permettaient notamment ses fréquents déplacements à finalité économique) à une
profession se fixant à une tradition, qui finit par perdre sa « raison d’être » (à cause de la concurrence
de la pêche industrielle, intensive et massive) pour devenir un archaïsme « muséifié », quasiment
l’attraction d’un parc à thème.
En bref, pour MIYAMOTO, le rôle économique, alimentaire et historique joué par les ama est bien
plus important que ce que les sciences humaines de l’époque ont bien voulu admettre et mériterait sans
doute que lui soit consacré un volume. Ce volume, MIYAMOTO n’aura pas le temps de l’écrire, mais
la réunion de tous ses articles sur le sujet pourrait en tenir aisément lieu. De plus, travailler sur le
monde des ama, et sur le monde des « travailleurs de la mer » plus généralement, aura permis à
MIYAMOTO, parallèlement à ses études concernant les populations des montagnes, donc des
populations culturellement les plus « à la marge » de « la culture japonaise », de s’apercevoir de
leur rôle historique :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「516
(« Jusqu’à présent, on considérait l’Histoire du strict point de vue du continent517. Cependant,
l’influence de la mer étant extrêmement grande, ne devrionsnous pas nous y intéresser davantage et
revoir l’Histoire du Japon depuis la mer ? En outre, si l’on prétend observer la Mer intérieure de Séto,
je pense qu’on devrait tourner son regard vers la haute mer. »)
Ce changement de point de vue épistémologique tant en Histoire qu’en ethnologie constitue pour nous,
mais aussi pour des auteurs japonais (notamment SASAKI Takaaki518) un des apports majeurs de
MIYAMOTO à sa discipline, la minZokugaku, ainsi qu’à l’ensemble des sciences humaines de
manière générale. L’étude de la mer ne saurait se passer d’une étude des relations d’échanges avec
l’étranger, ce qui, dans le cas de la minZokugaku traditionnelle depuis YANAGITA, n’avait pas été
514 Miyamoto Tsuneichi, Afurika to Ajia wo aruku, « Chejudo wo aruku : Shimpan Ama monogatari », p. 190.515 Miyamoto Tsuneichi, Afurika to Ajia wo aruku, « Chejudo wo aruku : Shimpan Ama monogatari », p. 191.516 Nihon bunka no keisei, annexe, p. 274275 éd. Chikuma gakugei bunko.517 Le « continent » désigne aussi bien le continent eurasiatique (Chine et Corée surtout) que l’île de Honshû, la plus grande du Japon.518 Nihon bunka no keisei, postface, p. 278 & s. éd. Chikuma gakugei bunko.
appuyé. C’est là précisément ce que fit MIYAMOTO dans la dernière partie de sa vie de chercheur,
consacrée presqu’entièrement à cette question de flux internationaux (d’où les voyages à l’étranger,
enfin entrepris après un longue période de manque de confiance en lui à ce niveau, due à l’influence
de SHIBUSAWA).
Pour conclure, nous aimerions revenir à la question des femmes et à celle de la transmission (qui avait,
elle, mobilisé l’énergie du jeune MIYAMOTO) en relevant que dans Nihon wo omou, MIYAMOTO
insiste sur le fait que, statistiquement, les denshôsha sont le plus souvent des femmes, et là encore
NAGAHAMA Isao déplore que MIYAMOTO n’ait justement pas présenté de denshôsha* féminin.
Un exemple de « transmetteuse », il faut le reconnaître, eut certainement fait bonne figure dans la
dernière partie de Wasurerareta Nihonjin.
Ceci étant, tout transmetteur suppose nécessairement un interlocuteur qui reçoit la transmission, et
parmi ces récipiendaires, ce sont les jeunes qui en ont le plus besoin, même s’ils ne sont pas forcément
investis du devoir de la recevoir.
La jeunesse apparaît donc logiquement elle aussi au sein des œuvres les plus diverses, et MIYAMOTO
lui a également consacré un ouvrage spécifique, longtemps introuvable (on parlait même d’« ouvrage
mythique ») : Mura no wakamonotachi (Les jeunes du village) (1963). Dans ce livre, il évoque aussi
bien la situation de baisse de moral chronique de la jeunesse rurale (un constat similaire que fait
aujourd’hui Nicolas RENAHY en France à propos des jeunes ouvriers et chômeurs de la campagne)
ou encore la place des femmes. Parti étudier la jeunesse avec enthousiasme, MIYAMOTO prend vite
conscience de la réalité préoccupante de l’exode rural brutal et du déficit des naissances entamé dans
les années soixante. Ainsi le nombre de jeunes ruraux ayant fait des études secondaires avant de
devenir agriculteurs passetil de 450 000 en 1952 à 130 000 en 1961519. La jeunesse de la campagne,
de retour de la guerre avec des projets pleins la tête déchante très vite devant la difficulté de la tâche,
les dures conditions de travail et le faible niveau de vie comparés à ceux de la ville ou tout paraît plus
facile et plus attrayant. Comme dirait Nicolas RENAHY520, il assiste à « un mouvement de
dévalorisation du « capital d’autochtonie »521 » chez les jeunes agriculteurs, c’est à dire à une perte
progressive de leur patrimoine rural comme moyen de vivre sa vie et composante identitaire. Selon
l’analyse renahyste, que nous transposons à la situation qui nous intéresse, en restant au pays, les
jeunes agriculteurs seraient paradoxalement « déracinés » chez eux (terminologie de Pierre
519 Mura no wakamonotachi, chap. I, 7 p. 40 et postface, p. 221.520 Nicolas RENAHY, Les gars du coin : enquête sur une jeunesse rurale, Paris, Edition La Découverte, Textes à l’appui, 2005, rééd. 2007, II, p. 108.521 « Notion introduite par M. BOZON et J.C. CHAMBOREDON à partir de l’étude la chasse populaire : « L’organisation sociale de la chasse en France et la signification de la pratique », Ethnologie française, XI, p. 6588, 1980 » (Note de N. RENAHY).
BOURDIEU et Abdelmalek SAYAD)522, du fait même qu’ils ne se sentent plus « chez eux »,
justement, mais déplacés.
MIYAMOTO aura beau multiplier les conférence d’agronomie et prodiguer tous ses conseils aux
jeunes exploitants et ouvriers agricoles, il ne parviendra pas à les retenir sur leurs terres. Ce sera pour
lui l’occasion d’observer les limites de son métier et de son rôle. Dès lors, ne pouvant enrayer un
phénomène qui s’inscrit plus généralement dans une tendance mondiale, il devra se contenter de
l’observer, de le décrire et tenter de l’analyser. YANAGITA en son temps l’avait prédit et s’était
efforcé d’y apporter des solutions (cf. plus haut chap. III, A/), mais sans succès lui aussi, faute de
représentant politique partageant ses idées.
Mura no wakamonotachi est, avec Mura no hôkai523 (L’effondrement des villages) (19661971),
l’ouvrage que se doivent de lire tous ceux qui accusent MIYAMOTO d’avoir une image idéalisée de la
vie traditionnelle à la campagne. En 219 pages y sont concentrées toutes les souffrances de la jeunesse,
qui n’ont rien à envier à celles du Nihon zankoku monogatari. Des témoignages de jeunes y sont
fournis et commentés avec finesse, précision et compassion.
Que ce soit le désespoir du fils aîné d’une famille nombreuse obligé de reprendre la direction de
l’exploitation familiale alors que ses frères et sœurs ont librement pu choisir leur orientation
professionnelle et quitter le village pour la ville524, ou le désarroi d’une jeune fille brimée elle aussi
dans ses aspirations pour les mêmes raisons, c’est le même constat qui est fait : le jeune n’accepte plus
les règles traditionnelles, excessivement contraignantes, qui restreignent sa liberté de choix, et ne se
sent pas lié au village au point qu’il doive nécessairement y travailler et y résider. L’intégration dans le
lieu d’origine n’étant plus assortie d’avantages jugés valorisants (argent, reconnaissance sociale de ses
pairs), le jeune rural, peutêtre aussi sous l’influence des images qui lui parviennent de l’extérieur,
cherche à redéfinir son autochtonie en passant d’une autochtonie d’origine, subie, à une autochtonie de
résidence et professionnelle, choisie. Son identité est assumée comme une construction à laquelle il
participe consciemment et non comme un simple héritage qu’on ne peut refuser sans se couper à la
fois de l’histoire et du patrimoine symbolique de la famille.
Il cite aussi le cas d’un jeune homme menaçant de quitter le village si ses parents ne lui achetaient pas
de moto525. S’engage alors tout un débat qui ne tarde par à dépasser le cadre familial et prend une
dimension communale. La question se situe plus au niveau de la relation de la moto au village que de
la conduite du jeune homme en tant que pilote. La moto renvoie une image différente aux villageois et
522 Nicolas RENAHY, Les gars du coin : enquête sur une jeunesse rurale, Paris, Edition La Découverte, Textes à l’appui, 2005, rééd. 2007, introduction p. 23.523 Mura no hôkai, OM 12, 1972, 2002.524 Mura no wakamonotachi, chap. I, 6, p. 3436.525 Mura no hôkai, chap. I, 5, p. 49, OM 12.
au jeune homme. Pour le jeune homme, c’est un loisir de détente véhiculant une image sportive et
moderne, mais aussi un moyen de s’évader temporairement du village, géographiquement et
symboliquement, d’oublier pour un temps que le village n’a « pas d’avenir ». Ou plutôt, c’est la seule
« soupape » lui permettant de décompresser et d’ainsi supporter une vie qu’il n’a pas choisie. Pour les
villageois, au contraire, dont un certain nombre n’a jamais vu « en vrai » une telle machine (mais
seulement en photo ou à la télévision) la moto représente une source potentielle de nuisance sonore, et
plus encore ce qui est vécu comme la possibilité de transgresser l’une des valeurs traditionnelles du
métier de paysan : l’assiduité au travail. L’héritier ne risquetil pas en effet de passer plus de temps
sur sa moto que de raison ? Par ailleurs, dans des cas similaires, pour la sécurité de tous (des habitants,
des pilotes et des conducteurs), il faut souvent réaménager la route, qui n’est pas faite pour des engins
rapides, et la majorité s’oppose fermement à ce genre de dépense, sans en voir les retombées positives
à long terme (faciliter l’accès et le transit de camions de transport de marchandises, permettant ainsi
un développement du commerce). Face à cette réticence (qui n’est pas sans raisons) à se moderniser,
comment s’étonner que « personne ne vienne » évaluer la situation du village ?
OOYA Sôichi évoque, lors d’un entretien avec MIYAMOTO526, un mouvement populaire de jeunes
qui avait pour slogan « Yobai wo yamete ôtobai 住住住住住住住住住住住住 » (« On arrête d’aller retrouver les filles la
nuit en cachette, en échange d’une moto »). Derrière le côté comique et euphonique (rime en « bai »),
ce sont plusieurs problèmes qui sont sousjacents. La moto n’est pas souhaitée seulement pour elle
même. Elle est à la fois instrument de libération (nous l’avons dit plus haut), objet d’échange (« nous
arrêtons d’aller voir nos copines la nuit en échange d’une moto ») et indemnité compensatoire (du
préjudice consistant à ne plus avoir de plaisir amoureux). Pour comprendre cela, revenons un instant
sur la notion de « yobai 住住住 » (aller retrouver sa copine en secret, la nuit). En effet, (en dehors de la
société des guerriers, beaucoup plus stricte sur ces choseslà en dehors des relations « licites ou
tolérées » : mariage, prostitution et amours homosexuelles entre gens de la classe des guerriers) il était
de coutume de fermer les yeux sur les visites nocturnes et secrètes des jeunes gens à leur dulcinée dans
la mesure où ils respectaient en retour certaines précautions de discrétion. L’absence d’éclairage
électrique (qui faisait qu’on se couchait plus tôt) et de sécurité dans les maison explique qu’en
déployant un certain savoir faire, on arrivait bien souvent à ses fins. Ainsi, notamment – qu’on nous
pardonne ce détail trivial – le jeune homme urinaitil sur la rainure de la cloison mobile (shôji 住住) pour
la lubrifier afin d’éviter un crissement intempestif, ou encore déroulaitil sa ceinture (kakuobi 住住) et
s’en servait dans le couloir comme d’un tapis amortissant les éventuels grincements527 qui n’eussent
pas manqué de réveiller le père. Les jeunes filles qui expérimentaient des relations successives
distinguaient parfois leurs prétendants par la couleur des chaussettes qu’elles leur offraient. Le galant
526 Nihonjin wo kangaeru, deuxième entretien, p. 28.527 Nihonjin wo kangaeru, deuxième entretien, p. 28.
aux chaussettes azur (kon no kabi 住 住 住 住 ) était sûr d’être jalousé… Bref, le yobai permettait
d’expérimenter en secret des relations amoureuses avant le mariage, et évitait ainsi les unions
manquées. Cela explique que la plupart des personnes de la génération âgée à l’époque de
MIYAMOTO avaient fait des mariages d’amour (ren’ai kekkon 住 住 住 住 ) (avec une personne qu’elles
connaissaient déjà avant et avec laquelle elles avaient des affinités)528 plutôt que des mariages arrangés
(miai kekkon 住住住住住) ou un mariage librement choisi, mais avec une personne qu’elles ne connaissaient
pas suffisamment bien. Comme nous l’avons dit, avec l’électricité et le renforcement de la sécurité des
maisons, ce genre d’expéditions nocturnes disparut, et avec lui une forme de moment privilégié de la
sociabilité amoureuse préconjugale.
Par ailleurs, tout comme aujourd’hui en France, les femmes furent statistiquement plus nombreuses à
quitter leur village que les hommes d’où une masculinisation de la profession d’agriculteur et un
célibat prolongé, voire permanent, et non désiré, dès les années 1970, ce qui venait encore accroître le
désarroi d’une jeunesse rurale désormais bien solitaire529.
Mais la ville n’est pas toujours le monde à la vie facile rêvé par ces jeunes gens, et en particulier les
jeunes filles, dont bon nombre échouent dans le milieu du divertissement, hôtesses ou serveuses de bar
pour celles ayant le plus de chance. MIYAMOTO put ainsi observer de son vivant un retour dans la
région d’origine de ces déçus de l’exode rural. Nous disons bien « dans la région », et non « au
village » :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「530
(« Toutefois, ils ne rentrent pas directement dans le quartier de leur village natal. Ils vont dans une
ville ou un quartier des environs. Chose intéressante, tous les six mois, un an, ils se rapprochent un peu
plus de leur village natal. Malgré cela, ils ne rentrent pas au villagemême. Quand estce que cela a
commencé ? Si l’on parle du village natal, y atil eu nostalgie ? besoin de se rassurer ? C’est dans cet
état d’esprit qu’ils ont involontairement engagé leur marche [du retour], mais ce disant, une fois partis,
ils ne devaient pas revenir facilement. »)
Comment expliquer ce retour graduel vers le centre d’où ils sont partis ? MIYAMOTO nous dit
pourquoi, selon lui, ils reviennent, mais il n’explique pas pourquoi ce retour n’est pas direct. Le retour
s’explique par la « mélancolie du pays natal », kyôshû 住住, ou la « nostalgie du pays natal », kaikyô 住住531,
528 Exemple d’Arikawa 「「, dans l’Ouest, archipel des Cinq îles (Gotô rettô 「「「「). Nihonjin wo kangaeru, deuxième entretien, p. 29.529 Il arriva même à MIYAMOTO, une fois entré dans une relation de confiance avec de jeunes agriculteurs d’une île éloignée, de se voir demander s’il ne connaîtrait pas des jeunes filles disponibles, étant un homme de la ville.530 Nihonjin wo kangaeru, troisième entretien, p. 4748.531 Plus prosaïquement, on pourrait parler de « mal du pays » (hômushikku 「「「「「「).
deux notions voisines particulièrement évoquées en littérature et dans les Nihonjinron. Mais quant à
cette réticence à un retour direct au lieu d’origine, on peut s’interroger. Ne s’agiraitil pas d’une lutte
de ces jeunes avec euxmêmes, tiraillés entre d’une part le besoin de revoir leur village et leur famille
(à cause de leur mélancolie), de se « ressourcer », et d’autre part la honte d’avoir « échoué » (ou en
tout cas d’avoir vécu leur expérience comme un échec) tout en devant subir le regard de ceux qui sont
restés ainsi que les réflexions culpabilisantes des parents : « Je te l’avais dit, mais tu n’as pas voulu
m’écouter. Il faut toujours que tu en fasses à ta tête » ?
Quoi qu’il en soit, MIYAMOTO voit dans la souffrance des jeunes ruraux de son époque un
phénomène collectif qui dépasse les trajectoires individuelles :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「532
(« Les jeunes ont une fixation [dans l’espace local] faible, pourtant ils sont d’une sensibilité des plus
extrêmes aux mouvements des temps, et l’on peut dire que la souffrance angoissée (kumon) des jeunes
est en même temps celle du village. »)
L’ethnographe comprend et soutient ces jeunes prêts à quitter leur village natal à la recherche d’un
« mieux vivre » ailleurs, où ils seraient davantage « à leur place ». Il estime qu’il faut parfois savoir
leur accorder une certaine marge de manœuvre – un « quant à soi », comme dirait Nicolas RENAHY –
et tolérer certaines pratiques festives qui pourraient un peu embarrasser les adultes 533. C’est le prix à
payer pour les retenir. Et peutêtre les générations de leurs grandsparents et les précédentes en ont
elles bénéficié davantage, grâce aux coutumes que leurs petits enfants n’ont pas connu, et qui
accordait aux jeunes de cette époque une marge de liberté tolérée car inscrite dans un schéma précis,
accepté de tous, délimité et encadré (fêtes traditionnelles, groupes formalisés et officiels de jeunes,
yobai etc.).
Mura no wakamonotachi, bien qu’il commence par un message d’espoir qui a tout l’air d’un vœu
pieux, est le livre du doute. L’ethnographe en vient à se demander si l’ordre rural si longtemps en
vigueur au Japon, une fois menacé de l’extérieur par la ville dévorante et attirante en même temps, ne
s’avérera pas, au final, incapable de résister et n’aura, de ce fait, plus lieu d’être. MIYAMOTO ne peut
se résoudre à l’accepter et clôt l’ouvrage en renouvelant son espoir de voir les choses s’améliorer
grâce à l’énergie de la jeunesse. Il est trop tard, pourtant, dans l’esprit du lecteur attentif. L’équilibre a
été rompu et le hensen l’a temporairement emporté jusqu’à la création de nouvelles coutumes de vie.
L’interprétation miyamotienne, et japonaise en général, est que toute rupture d’un équilibre entraîne
une souffrance (probable résurgence du bouddhisme). La logique de la « table rase » est tout à fait à
l’opposé de ce que MIYAMOTO considère comme le bien, le bon et le juste.
532 Mura no wakamonotachi, chap. I, 7, p. 42.533 Mura no hôkai, chap. I, 5, p. 50, OM 12.
Pour finir, il reprendra la question de l’échec des politiques économiques agricoles et de l’exode rural
dans les articles formant Mura no hôkai qui s’adressent avant tout aux jeunes agriculteurs qu’il
interpelle et appelle « shokun 住住 (Messieurs, jeunes gens) ». Et la conclusion du livre ne feindra plus
l’optimisme :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「534
(« Quoi qu’il en soit, l’agriculture et les villages ruraux dont je rêvais ne sont pas nés. (…) Au final,
on peut prévoir que n’ayant pu sortir d’une agriculture assujettie, les villages ruraux euxmêmes
devraient perdre complètement leur fonction (de corps) communautaire (kyôdôtai) ».)
Mais les villages ne perdent pas seulement « leur fonction de corps communautaire », ils perdent aussi,
comme on l’a vu, leur population, ce qui est très préoccupant dans les petites îles dont certaines se
retrouvent peuplées d’une poignée de personnes âgées voire complètement inhabitées (ainsi à
Okikamurojima 住住住住 – ville voisine de Suô Ooshima – où il n’y a qu’un seul jeune, de 35 ans, et où la
moyenne d’âge de la population est de 70 ans). MIYAMOTO envisage plusieurs expérimentations à
tenter, certaines avec le soutien de l’Etat. Il souscrit par exemple à la proposition de l’essayiste OOYA
Sôichi 住住住住 (19001970) consistant à donner leur indépendance à ces îles, qui deviendraient alors des
microEtats, sur le modèle européen (Monaco, San Marino, Lichtenstein etc.)535 et pourraient attirer
des migrants par une gestion originale de leurs ressources ou leur fiscalité. Mais cette proposition
suscite le rejet des populations autochtones, craignant alors une invasion (armée) japonaise536.
Pourtant, OOYA et MIYAMOTO estiment au contraire que cela contribuerait durablement à instaurer
la paix dans la région, surtout si la Corée faisait de même avec Chejudo537. Peutêtre les deux auteurs
oubliaientils l’aspect géopolitique fondamental que représente la possession d’eaux territoriales, que
les îles qu’elles entourent soient peuplées ou non : simples zones de pêche exclusives, mais aussi
forages pétroliers, voire installation de batteries de missiles pointées vers la Corée du Nord…
La capacité d’anticipation de MIYAMOTO, que les événements n’ont pas démentie, lui vient de la
qualité de ses observations et d’une logique pleine de bon sens. Toutefois, cette objectivité, souvent
pessimiste, entre en contradiction avec ses aspirations profondes et son désir d’empêcher un plus
grand mal, désir qui trouve nécessairement son point d’application dans l’enseignement et à travers la
grande question de l’éducation.
C’est dès l’enfance que l’éducation doit se faire. MIYAMOTO émet de sérieuses réserves
concernant l’éducation laxiste qu’il voit se mettre en place après la guerre dans un pays en adoration
534 Mura no hôkai, Atogaki 「「「「 (Postface), OM 12, p. 333.535 Nihonjin wo kangaeru, deuxième entretien (« "Yobai" koso saikô no kekkon kyôiku » 「 「「「「 「「「「「≪ ≫「「「「「), p. 24.536 Nihonjin wo kangaeru, deuxième entretien, p. 25.537 Nihonjin wo kangaeru, deuxième entretien, p. 26.
devant ses enfants, moins nombreux et plus gâtés qu’autrefois. Rappelons qu’il connut l’éducation
traditionnelle (à laquelle il consacra Kakyô no oshie (1943)) que lui prodiguèrent un grandpère
affectueux et savant qu’il respectait profondément (détenteur d’un capital de connaissances
professionnelles, mais aussi folkloriques et d’une compétence en kendô, ce qui en faisait une sorte de
membre de l’« élite paysanne ») et un père qu’il respectait tout autant mais craignait (possédant, lui,
une expérience de voyageur et d’expatrié tout aussi valorisante, bien que n’ayant pas rapporté l’argent
escompté et ayant été vécue par l’intéressé comme un échec). Ce qu’il faut, c’est certes transmettre
aux enfants des informations, mais c’est aussi leur expliquer le pourquoi de la façon de fonctionner de
la société, tout en leur inculquant par la discipline538 le respect des aînés sans pour autant éliminer les
affrontements (tôsô 住住) et les luttes (tatakai 住住住住 [住住]) intrafamiliaux. Il ne s’agit pas de laisser les
enfants vitupérer contre leurs parents qui essaieraient de crier plus fort, mais de permettre un échange
d’idées auxquelles on ne renoncerait pas par simple faiblesse. Le culte de l’enfant roi, gâté dès son
plus jeune âge, est pour MIYAMOTO une catastrophe autant morale qu’intellectuelle, car elle
dispense l’enfant d’avoir à former un raisonnement argumenté pour obtenir ce qu’il veut. Il n’a qu’à
exiger, et sa mère le satisfera ou tentera de l’apaiser en l’amadouant, le père (rarement présent au
foyer) ayant le plus souvent renoncé à son rôle d’autorité de référence au profit d’une fonction
purement économique, du moins dans les villes.
Pour MIYAMOTO, la famille est la clé de tout. Elle est même la clef de voûte de l’organisation
économique du pays. Cette théorie de MIYAMOTO, unique, explique que le fait pour les grandes
entreprises de recourir pour des commandes ponctuelles à la soustraitance auprès de PME prend sa
source directement dans l’organisation des exploitations agricoles autour d’une famille539, avant d’être
un groupement d’étrangers. Le Japon, du fait de sa géographie et de son Histoire (les surfaces
cultivables sont étroites et morcelées) a vu apparaître peu de grandes exploitations agricoles. Rien de
comparable avec ce qui se voit aux EtatsUnis ou en Europe. Cette structure familiale des petites
exploitations agricoles fut ensuite naturellement adaptée aux secteurs secondaire et tertiaire des
marchands. C’est un cas unique parmi les pays développés, remarque MIYAMOTO540, et cela
constitue un trait important de l’identité professionnelle des Japonais. Parmi ses caractéristiques,
notons que cette forme d’organisation permet de juguler tout mouvement de grève efficace et
d’empêcher un syndicalisme puissant, car il suffit à l’entreprise cliente de taille supérieure de menacer
son soustraitant de ne plus faire appel à lui pour exercer une pression suffisante lui permettant
d’obtenir des tarifs plus bas. MIYAMOTO n’aura pas eu le temps de voir le problème grave posé à la
538 MIYAMOTO indique qu’il n’a jamais été frappé au visage, mais qu’il a reçu quelques fessées qui lui ont été profitables. Nihon bunka no keisei, t. II, chap. VIII, questions, p. 140 éd. Chikuma gakugei bunko (conférence du 3 avril 1980).539 Nihon bunka no keisei, t. II, annexe, p. 245 éd. Chikuma gakugei bunko.540 Nihon bunka no keisei, t. II, annexe, p. 244 éd. Chikuma gakugei bunko.
sécurité de l’emploi des travailleurs aussi bien au Japon qu’en France : les délocalisations industrielles
et agricoles…
Nous parlions de l’éducation des enfants mais nous ne saurions terminer cette étude sans évoquer la
question, qui nous semble liée, de la morale de la minZokugaku (ou en tout cas de la morale que
tente de fournir la minZokugaku) : Comme MIYAMOTO vient de l’avouer dans les phrases qui
précèdent, il a(vait) un rêve, et c’est cet idéal qui le poussait à pratiquer une science active et
impliquée dans la vie de la société rurale. SANO Shin’ichi dit bien que les dernières années de
MYAMOTO furent consacrées à son activité de pédagogue social (shakai kyôikusha 住 住 住 住 住 )541.
MIYAMOTO va donc aussi loin que le pragmatique YANAGITA qui avait compris que pour que le
peuple soit psychologiquement stable542, respecte la loi et soit productif, il lui faut une morale que seul
le shintô du lieu d’origine cautionne543. La peur de mal faire lorsqu’on est épié par l’ujigami (la
divinité tutélaire) qui nous connaît nous et toute notre famille depuis la nuit des temps est plus efficace
que la morale des causes et des effets du bouddhisme, plus intellectuelle et renvoyant à la
responsabilité de chacun dans son karma544. La différence à ce niveau entre MIYAMOTO et son
maître est le champ d’action choisi par chacun pour œuvrer : les essais d’agropolitique pour
YANAGITA (qui finit par abandonner ce domaine) et la formation des populations rurales pour
MIYAMOTO. Et sans aller jusqu’à dire que la fin justifie les moyens, on peut tout de même
remarquer la passion avec laquelle MIYAMOTO instruisait ses auditeurs, allant parfois jusqu’à les
bousculer (verbalement) sans doute pour les pousser à (ré)agir545, car l’heure était à l’action urgente (et
l’est toujours, d’autant plus que la situation semble s’être aggravée, économiquement et
démographiquement) :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
(« Si c’est comme ça, ce village va finir par s’effondrer ! »)
disaitil parfois dans ses emportements contre les villageois défaitistes qu’il rencontrait lors de ses
conférences ou de ses études et qui le sollicitaient comme un dernier espoir pour les sauver de la pente
qui les menait tout droit à la faillite et à la reconversion dans un autre secteur d’activité. Il ne supporte
pas le fatalisme de ceux qui se plaignent sans avoir tout tenté pour changer les choses :
541 SANO Shin’ichi, Miyamoto Tsuneichi no manazashi, chap. I, 4, p. 39.542 Et évite ainsi d’attenter à ses jours par simple « mal être », problème qui n’a jamais été aussi grave qu’actuellement.543 KAWADA Minoru 「「「, Yanagita Kunio no shisôteki kenkyû, Tôkyô, 1997.544 C’est d’ailleurs parce que cette dernière était d’ailleurs tellement angoissante pour les Japonais qu’une doctrine comme celle du Jôdoshû 「「「 et plus encore du Jôdoshinshû 「「「「, l’amidisme, a pu se développer, d’après laquelle il suffit de s’en remettre au bodhisattva Amitabha par la récitation d’une phrase transcrite du sanscrit (nembutsu 「「), pour être sauvé et aller au « paradis de l’Ouest ».545 SANO Shin’ichi, Miyamoto Tsuneichi no manazashi, chap. I, 9, p. 55.
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「546
(« Savoir se résoudre [à la fatalité] en début d’année est également important, mais élaborer un projet
d’entreprise, se préparer en début d’année à ce projet pour l’année civile et faire son examen
rétrospectif d’année en année et se jurer de surmonter les difficultés du projet ne devientil pas plus
important ? »)
Il faut aussi savoir demander de l’aide aux bonnes personnes :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「547
(« Dans le cas où ce projet ne concerne pas seulement son propre groupe, ne peuventils pas demander
la participation et l’assistance de camarades de l’extérieur et faire circuler les informations dans les
deux sens ? »)
Il s’agit donc de réhabiliter ou de créer, le cas échéant, une solidarité, une entraide (sôgo fujo 住住住住 )
seule à même de venir à bout des difficultés qui paraissent insurmontable. Les groupes voisins sont
donc à privilégier dans ce mouvement que nous pourrions appeler un « élargissement
d’autochtonie ». Et il donne un exemple de réussite avec les îles au large d’Onomichi 住 住 dont les
groupes sont parvenus à s’entendre pour créer ensemble un projet agricole intégrant plusieurs
communes et tournant autour de l’exploitation de la mandarine548.
Pour parvenir à réactiver l’autochtonie, on peut avec profit s’appuyer sur des structures et institutions
existantes ou disparues mais à réhabiliter, ou bien en créer de toute pièce. A titre d’exemple, les
anciennes maisons des jeunes (wakamono yado 住 住 住 ) qui peuvent servir à renforcer des solidarités
générationnelles et organiser les rites de passage autour de réunions à la fois ritualisées et festives. En
cas de problème quelconque, la maison en question peut aussi servir de refuge à un jeune membre du
groupe ou d’un groupe ami549.
L’idéal d’édification auquel doit aboutir la discipline – et auquel concourt l’activité d’enseignant et
de conférencier de MIYAMOTO, notamment avec la Kyôdo daigaku (Université du terroir) – semble
résider dans un dépassement de la rationalité qui, archétypique de la « pensée japonaise » (catégorie
culturellement construite, nous en sommes conscient), chercherait les fondements d’une psychologie
collective (émotionnelle) reposant sur des codes culturels hérités d’une Histoire commune. Et là
encore, le but est moral.
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「550
546 Mura no hôkai, chap. I, (2,1), p. 24, OM 12.547 Mura no hôkai, chap. I, (2,1), p. 25, OM 12.548 Mura no hôkai, chap. I, (2,2), p. 26, OM 12.549 Mura no hôkai, chap. I, (2), p. 28, OM 12.
(« Nous aimerions découvrir une psychologie commune de ce genre qui nous convienne et, suivant
cette psychologie, essayer de construire un « lieu de vie (yo no naka) » qui irait de l’avant, voilà ce
que je pense ».)
Car c’est la compréhension de ces mécanismes psychologiques sociaux qui, pour MIYAMOTO,
permettrait d’accompagner une recherche plus générale du sens des choses qui nous entourent, dans
une quête d’amélioration morale collective. Ainsi, nous dit MIYAMOTO :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「551
(« L’excellence des Japonais est notre excellence. Il faut que mon excellence soit celle de la
psychologie de la vie quotidienne qui nous entoure. Si l’on observe notre entourage à partir de cette
prise de conscience, il n’y a rien d’anodin dans une maison, un vêtement ou même, à plus forte raison,
une pâture (esa ichiwan). Fournir une objectivité à ces choses et chercher à mettre en lumière la vie
psychologique passée du petit peuple japonais, voilà ce qu’est la minZokugaku du Japon. »)
Ce texte a le mérite de parler à la fois « des Japonais » (aspect identitaire et représentation de soi), de
leur « excellence » (aspect moral et idéal), de leur « vie quotidienne » (aspect ethnographique), et de
leur environnement matériel (les mingu), mais aussi d’énoncer deux des disciplines mises à disposition
de l’ethnologue dans sa démarche explicative : l’Histoire et la psychologie sociale. Cela rejoint
complètement les Nihonjinron, la contextualisation poussée en plus (cf. plus haut).
Connaître les choses et les hommes, ce qui nous concerne, mais aussi les autres. Connaître son village,
mais aussi connaître le village voisin, la ville voisine, la région voisine, etc., jusqu’au pays lointain,
voilà qui permet à la fois de se respecter, et de respecter les autres :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「552
(« Pour nous, la chose la plus importante réside d’abord dans la nécessité de connaître l’Homme. Si
l’Homme ignore l’Homme, le « respect humain » disparaît. Plus important encore, en comprenant
l’autre, on doit [pouvoir] se connaître « soimême ». Lorsqu’on comprend ce que l’on appelle « soi
550 « Sado no seinen ni nozomu »「「「「「「「「「「(« Espérer dans les jeunes gens de Sado »), in « Seikatsu wo yoku suru tame no doryoku »「「「「「「「「「「「「「「(« Efforts afin d’améliorer la vie quotidienne), in Mura no Hôkai, OM 12, p. 16.551 « Nihon minZokugaku no hanashi »「「「「「「「「「 , in Dôshi dôkô 「「「「「「 , 8ème vol., n°4, Shôwa XIV (1939), cité dans Minyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 9, p. 216. Attention toutefois à ne pas surévaluer l’importance de ce court texte de 1939 que MIYAMOTO a jugé bon de ne pas republier. Mais derrière son lyrisme patriotique peutêtre un peu « daté » se révèle la sensibilité de l’homme de lettre tout autant que du moraliste.552 « Sado no seinen ni nozomu », in « Seikatsu wo yoku suru tame no doryoku », in Mura no Hôkai, OM 12, p. 14.
même », se fait jour un sentiment d’amour propre (jibun wo daiji ni suru). Quant au « respect
humain », il faut qu’il s’agisse en même temps d’un respect de soi ».)
C’est sur ces mots que nous clôturerons cette présentation de l’œuvre de MIYAMOTO Tsunéichi, qui
rappellent que l’ethnographie du folklore, à l’origine étude du microcosme, est aussi, sinon une
philosophie, du moins une sagesse en quête permanente de sens et à la recherche d’une morale,
premier pas vers une conscience humaniste de l’universel.
Conclusion : « Un monde nommé MIYAMOTO
Tsunéichi »553
On l’aura compris, de la nation de YANAGITA au peuple de MIYAMOTO (pour reprendre
l’expression de KOMINO Shunsuké 住住住住 554), c’est un regard nouveau qui pénètre dans l’univers des
sciences humaines au Japon (I). Il sera suivi peu de temps après par AMINO qui opèrera une
révolution comparable en Histoire. SANO Shin’ichi avait raison de qualifier MIYOMOTO de
« géant »555, car ce qu’il a réalisé était proprement surhumain, à la fois en termes de travail de terrain
(les longues marches…) et de rédaction (les deuxcents volumes). Ses continuateurs font vivre
aujourd’hui la science qu’il contribua à élargir (II).
I De l’étude du folklore à l’appel pour un réveil des consciences
MIYAMOTO était parti, rappelonsle, recueillir des témoignages de personnes âgées dans les
villages ruraux de son île. Il en est venu rapidement à questionner le « folklore » et, à partir de cette
étude, à rayonner géographiquement et épistémologiquement afin de trouver un point de vue
globalisant, un « système », mais assez peu conceptuel, historique autant qu’ethnographique,
permettant de poser les questions les plus à même de cerner ce que d’autres après lui appelleront
« l’identité japonaise ».
Nous avons par ailleurs essayé de montrer que les intentions qui le guidaient plus ou moins
consciemment dans son œuvre n’étaient pas dépourvues de visées morales, voire édifiantes. Peuton
alors aller jusqu’à dire que MIYAMOTO était aussi un moraliste ? La lecture des écrits tardifs, par
exemple de ses journaux de voyage, peut laisser entrevoir (mais entrevoir seulement) un tournant dans
son approche, plus marquée ici par l’aspect international et le comparatisme. Pourtant le passage des
553 Nous reprenons ici le titre du l’ouvrage de SATAO Shinsaku 「「「「「, 2004.554 Cité par NAGAHAMA Isao 「「「, Hôkô no manazashi – Miyamoto Tsuneichi no tabi to gakumon「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (Regard d’errance – Les yoyages et la science de Miyamoto Tsunéichi), Tôkyô, Akashi shobô, 1995, 249 p., préface p. 14. 555 Dans ses deux ouvrages : Tabi suru kyojin : Miyamoto Tsuneichi to Shibusawa Keizô「「「「「「「「「「「「「「「「「(Des géants qui voyageaient : Miyamoto Tsunéichi et Shibusawa Keizô), Tôkyô, NHK shuppan, 2001, rééd. 2002 ; et Tabi suru kyojin Miyamoto Tsuneichi : Nippon no kioku 「「「「「「「「「「 「「「「「「 「「「(Miyamoto Tsunéichi, le géant qui voyageait : souvenirs du Japon), Kôbé, Mizunowa shuppan, 2006, 265 p..
frontières (ekkyô 「「) n’a pas effacé les frontières. L’autre reste autre, mais cet autre est plus proche
qu’avant. L’œuvre miyamotienne nous apprend que les frontières sont mobiles, qu’elles suivent les
peuples qui les créent, les déplacent et les suppriment au fil de l’Histoire et des évolutions
géophysiques tout autant que culturelles. Les constructions identitaires et les discours qu’elles
produisent sont autant éclairés de l’intérieur (par leurs concepteurs) que de l’extérieur (par leurs
commentateurs). On peut noter que ce comparatisme n’est pas sans provoquer des chocs, voire un
certain désenchantement (passager dans le cas de MIYAMOTO). Sans sombrer le moins du monde
dans l’amertume et la raillerie quelquefois perceptible chez l’auteur de Tristes tropiques,
MIYAMOTO prend néanmoins conscience que quelque chose s’est passé dans son pays depuis la fin
de la guerre, un processus qui était en marche auparavant, mais que la guerre et la reconstruction ont
hâté : le passage d’une société d’autoproducteurs à une société d’économie tertiaire fondée sur
l’hyperconsommation de masse. Avec la perte de la terre, les Japonais perdaient leurs coutumes et
une grande part de leur système de valeurs qui donnait sens au shintô, lequel cautionnait la morale
(MIYAMOTO est d’accord avec YANAGITA sur ce point). En d’autres termes, les Japonais sont dans
un processus d’« amoralisation » matérialiste. Il est trop tard pour MIYAMOTO : il n’aura pas le
temps de formuler ce qu’il n’aura fait que pressentir de façon encore floue. Ses découvertes et
l’embryon de synthèse entrepris par son dernier essai (Nihon bunka no keisei) devront attendre
d’hypothétiques continuateurs. Conscient de l’immensité de la tâche qu’il s’était fixée, et – c’est peut
être plus admirable encore – conscient du fait qu’elle ne pourrait pas être menée à bien par lui seul,
MIYAMOTO s’était, dès la seconde moitié de sa vie, attaché à former des « continuateurs » plutôt que
des disciples. Des esprits libres à qui il apprenait à privilégier l’expérimentation et l’expérience
directe, dans la mesure du possible bien entendu, plutôt que les livres des autres. Cette formation se fit
d’abord dans un cadre non institutionnel au cours des recherches de terrain menées en équipe, puis à
l’Université des beaux arts de Musashino dans le cadre de son cours d’ethnologie. La fondation de
l’Université du terroir (Kyôdo daigaku 「「「「) sera le pont jeté vers l’avenir par MIYAMOTO puisqu’il
décèdera après seulement huit séances de cours magistraux.
Nous avons aussi vu que les pseudopolémiques touchant à l’aspect méthodologique de son œuvre
ou à son prétendu engagement politique du côté des impérialistes relevaient soit d’attaques
personnelles, soit de critiques qui étaient disqualifiées puisqu’elles mettaient en cause MIYAMOTO
en tant qu’anthropologue, ce qu’il n’était ni ne prétendait être. La seule critique qui puisse être
retenue, encore qu’elle dépende de la conception que chacun se fait d’un savant de façon générale,
concerne l’engagement de MIYAMOTO en faveur des populations rurales qu’il étudiait.
L’engagement supposetil nécessairement un manque de neutralité, voire un aveuglement quant aux
réalités à observer ? Pas nécessairement selon nous. MIYAMOTO n’a jamais cherché à traverstir les
faits, et les a présentés avec la même sincérité que ses impressions ou ses souhaits. Du reste, malgré
son activitée engagée, il était luimême bien conscient des limites de son action en tant qu’individu.
Par ses activités de conférencier (et de formateur en agronomie et en entreprenariat rural) tout
autant que d’auteur (pour des revues spécialisées ou pour des articles touchant le grand public), le
message qu’il cherchait à transmettre était clair et simple : observer les choses et les gens avec
attention, du plus proche au plus éloigné, chercher à les comprendre et se faire son opinion par soi
même, afin d’agir dans son intérêt, mais aussi celui de la communauté, en connaissant et respectant les
prédécesseurs.
MIYAMOTO était ainsi un précurseur de la lutte contre la désertification, mais il était aussi un
pionnier de la conscience écologique, connaissant parfaitement les écosystèmes et cherchant à les
préserver. Aujourd’hui, de nombreux scientifiques, procédant des « sciences dures » autant que des
sciences humaines n’hésitent pas à s’engager pour des causes auxquelles leurs recherches les ont
sensibilisés ou leur ont donné les informations nécessaires pour faire des choix plus éclairés dans le
domaine de la vie sociale et politique. Dans le cas de MIYAMOTO, c’est ce que Pascal DIBIE appelle
l’« ethnologie d’intervention »556, discipline qu’il pratique d’ailleurs luimême.
II La relève et la postérité
A/ MIYAMOTO et la relève
1) MIYAMOTO pédagogueMIYAMOTO, tout comme les philosophes grecs, enseignait par le dialogue. Un de ses disciples, le
minZokugakusha et poète KANDA Mikio 「「「「「 raconte que :
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「557
(« Ce professeur n’avait pas du tout une attitude du genre : « Je vais enseigner, je vais vous
apprendre » ; c’était une personne qui nous instruisait tout en nous faisant une sorte de conversation
ordinaire ».)
D’ailleurs, il appelait ses disciples les « jeunes camarades » (wakai nakamatachi 住住住住住住)558.
556 Pascal DIBIE, « Le retour à soi », Postface à la réédition de Le village retrouvé (Paris, Bernard Grasset, 1979) en poche chez L’aube, s.l., 1995 (réimp. 2005), p. 252.557 In SATO Shinsaku, Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, 3ème entretien, p. 8687.558 Propos de MORIMOTO Takashi 「「「, professeur à la Suisan daigakkô 「「「「「 (Université des produits halieutiques), in SATAO Shinsaku, op. cit., p. 3031.
「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「559
(« « Ecris d’abord ce que tu as vu et entendu ! », disaitil souvent ».)
C’était en effet son mot d’ordre. Il défendait aussi à ses disciples les solutions de facilité comme les
expressions toutes faites empruntées à la « littérature grise »560 ou à leurs professeurs. Enfin, en toute
circonstance il leur recommandait d’écrire avec leurs mots561 et la plus grande honnêteté (toujours
nommer son informateur562, sauf refus de sa part), quitte à avouer leur incompréhension des
phénomènes et objets observés.
Nombreux sont aujourd’hui les minZokugakusha à assumer cet héritage. Citons les auteurs qui
nous apparaissent comme les plus marquants.
2) Les continuateurs de MIYAMOTO
S’il ne fut pas son élève, TANIGAWA Ken’ichi 宮宮宮宮 (né en 1921) n’en reçut pas moins la forte
influence de MIYAMOTO avec qui il eut même la chance de s’entretenir. Son œuvre, certes moins
monumentale, comporte cependant de nombreux et forts volumes qui n’ont rien à envier à ceux de
SUGAE Masumi ou SHIBUSAWA Keizô. Comme ORIKUCHI Shinobu dont il peut évoquer plus ou
moins la manière, cet auteur est autant essayiste qu’ethnologue – voire anthropologue, et s’intéresse
davantage à l’abstraction que son maître. Il est connu pour avoir offert la première étude globale sur la
notion traditionnelle d’« autre monde » (tokoyo 住住)563 au Japon. Ses sujets d’études sont notamment la
mythologie et les femmes. En simplifiant à l’excès, on pourrait dire qu’il s’agit d’un mélange moderne
de MIYAMOTO et d’ORIKUCHI.
559 In SATO Shinsaku, Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, 3ème entretien, p. 87.560 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« N’utilise pas les mots des gens que tu as entendu dire bureaucratiquement : « On dit ceci et cela » ! »), cité par SUZUKI Yûji 「「「「 (Chef de la section de recherche du Nihon ritô sentâ 「「「「「「「「 (Centre des Iles éloignées), in SATAO Shinsaku, op cit., 10ème
entretien, p. 236.561 「「「「「「「「「「「「「「「「「(« Parlez avec vos propres mots ! »), cité par SUZUKI Yûji in SATAO, Miyamoto Tsuniechi to iu sekai, p. 236.562 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (« Le professeur, lorsqu’il voyait qu’on avait écrit « l’informateur » (washa) se mettait en colère : « Qu’estce que c’est que ça ?! C’est irrespectueux ! » »), cité par SUTÔ Mamoru in SATAO Shinsaku, Miyamoto Tsuneichi to iu sekai, p. 230.563 Tokoyoron – Nihonjin no tamashii no yukue 「「「「「「「「「「「「「「「「「 (De l’autre monde – Là où vont les âmes des Japonais), Tôkyô, Heibonsha, 1983, rééd. Kôdansha gakujutsu bunko, 1989, 286 p..
Plus proches des thèmes de MIYAMOTO mais moins « hommes de terrain » que lui, FUKUDA
Ajio 宮宮宮宮宮 (né en 1941) (image de gauche) et MIYATA Noboru 宮宮宮564 (19362000) (image de droite)
dominent la minZokugaku actuelle par un nombre impressionnant de publications rédigées ou dirigées
et couvrant tous les aspects de la discipline, dans l’esprit universaliste de MIYAMOTO. Le premier a
notamment participé à la rédaction d’un dictionnaire de minZokugaku de référence565.
KOJIMA Takao 宮 宮 宮 宮 (né en 1955), moins connu, faisait pourtant partie d’une des dernières
promotions de MIYAMOTO à l’Université des BeauxArts de Musashino et fut membre du Nihon
kankô bunka kenkyûjô* où il cotoya le maître. Il travaille actuellement sur le monde des villages de
pêcheurs et notamment sur les formes populaires de vénération du kamitortue (représenté par des
statues ou des peintures) ou sur la pratique de la pêche à la baleine.
Difficile d’innover après MIYAMOTO. Pourtant, si l’on reste fidèle à son esprit, plutôt qu’à sa
lettre, le message est clair : c’est à partir des phénomènes observables ici et maintenant qu’il faut
travailler. Une fois le phénomène choisi, on l’observe et on pourra ensuite le décrire, l’analyser et en
faire l’historique. La minZokugaku miyamotienne, en ce sens, est, comme toute science, source
inépuisable de sujets d’étude.
564 Le spécialiste français de YANAGITA Kunio, Frédéric LESIGNE, fut luimême élève de MIYATA Noboru.565 FUKUDA Ajio 「「「「「, KANDA Yoriko 「「「「「, SHINTANI Takanori 「「「「, NAKAGOMI Mutsuko 「「「「, YUKAWA Yôji 「 「 「 「 et WATANABE Yoshio 「 「 「 「 (dir.), Seisen Nippon minZoku jiten 「 「 「 「 「 「 「 「 (Dictionnaire raisonné d’ethnographie du folklore du Japon), Tôkyô, Yoshikawa kôbunkan, 2006, 692 p.
B/ L’avenir de la « miyamotologie »
Pour terminer, la question qui se pose ici est de savoir si la minZokugaku miyamotienne et la
« miyamotologie » (miyamotogaku 住 住 住 ) sont la même chose. En fait, même si elles se recoupent
nécessairement, elles ne coïncident cependant pas exactement. Au sens strict, la miyamotologie est
l’étude exclusive de la vie et de l’œuvre de MIYAMOTO. Il y a donc des études miyamotiennes
comme il y a des études « yanagitiennes » ou « orikuchiques ».
Les études sur ou d’après MIYAMOTO (la miyamotologie donc) connaissent actuellement un
véritable « boom ». Quel intérêt trouveton à étudier cet auteur aujourd’hui ? La difficile frontière
entre identité et nationalisme pourrait éventuellement se poser un jour, avec, qui sait ?, le problème
d’une éventuelle récupération par des nationalistes en quête d’éléments fédérateurs nationaux,
susceptibles de privilégier seulement ce qui les arrange. Pourtant, MIYAMOTO fut la preuve vivante
que l’on peut être un « conservateur » modéré sans pour autant être ni fasciste, ni rétrograde, et s’en
tenir aux faits dans ses livres.
Par ailleurs, si de telles études permettent de remettre les œuvres dans leur contexte, ce qui est
toujours nécessaire, elles courent aussi le risque du fétichisme, ou tout au moins celui de tomber assez
rapidement en désuétude. Comme nous le faisait remarquer un employé du Kôryû bunka sentâ de Suô
Ooshima alors que nous nous sentions obligé de prendre une mine recueillie devant le bureau
pieusement conservé par le centre comme une relique : « au lieu de regarder MIYAMOTO, vous
feriez mieux d’essayer de comprendre ce qu’il a cherché à nous dire ».
Bref, il y a désormais un avant et un après MIYAMOTO Tsunéichi. Grace à lui, les sciences
humaines japonaises ont pu faire un pas de plus dans la modernité. Non seulement il a fait entrer
l’ethnographie du folklore parmi les sciences au sein des institutions en poursuivant l’œuvre de son
maître YANAGITA, mais il a également ouvert la voie à une nouvelle génération de chercheurs, peut
être moins innovante (encore que l’avenir puisse nous apporter une heureuse contradiction), mais
profitant de l’expérience des deux maîtres et de leur méthode.
MIYAMOTO avait vu juste dans ses pronostics sur la disparition accélérée des coutumes rurales et
des institutions traditionnelles, sur l’industrialisation etc.. Malgré son pessimisme, il restait
profondément humaniste, modeste et généreux et il aurait pu faire sienne cette phrase de Pascal
DIBIE : « n'oubliez jamais que nous sommes tous des êtres futurs du folklore et que notre tâche
primordiale est de témoigner de notre époque »566.
Les études sur MIYAMOTO (« Miyamotogaku 住住住 ») qui fleurissent aujourd’hui témoignent d’un
champ de recherche en expansion, et ceux qui se réclament de lui sont de plus en plus nombreux. Nous
566 « Le retour à soi », Postface à la réédition de Le village retrouvé en poche, 1995, p. 252.
espérons que l’étude de son œuvre contribuera sinon à une meilleure connaissance de l’identité
japonaise passée, présente et à venir, du moins à un questionnement renouvelé, cette identité étant
protéiforme et évolutive comme toutes les identités. Ainsi sont donc posées à la fois l’ambition et les
limites de nos propres recherches ; ainsi est défini le « cadre » que nous leur avons voulu donner.
Bibliographie
I Sources primaires
Section I Liste des œuvres de MIYAMOTO
Tsunéichi
La liste suivante reprend l’édition Miraisha 住 住住 (Tôkyô, 1968 – en cours), en 52 tomes, Miyamoto
Tsuneichi Chosakushû 住 住 住 住 住 住 住 , édition qui est loin d’être complète (il manque encore plus d’une
trentaine de volumes) et qui ne dispose d’aucun appareil critique, pas même d’une simple préface. Les
ouvrages y ont été publiés sans souci d’ordre ni chronologique, ni thématique. La « première période »
fait référence aux ouvrages publiés dans ce cadre du vivant de MIYAMOTO, et la deuxième, par
conséquent, aux œuvres publiées après sa mort.
L’astérisque après un numéro indique que ce numéro a été rajouté par nous à des ouvrages publiés par
Miraisha ou par d’autres éditeurs, pour la clarté de la numérotation.
Pour établir cette bibliographie, nous avons eu recours notamment à celle qui figure à la fin
d’Emakimono ni miru Nihon shomin seikatsushi 住住住住住住住住住住住住住住住 (édition de NAKAMURA Jin 住住住),
établie par TAMURA Zenjirô 住住住住住.
Légende :
Der. vol. = dernier volume
Hen. = henshû 住住 : rédaction
Hencho = 住住 : rédaction, compilation
Kan. = kanshû 住住 : direction
Publ. ach. = publication achevée
Publ. inter. = publication interrompue
Shôwa = ère567 Shôwa 住住 : 19261989
O.I = figure dans le tome I des Œuvres de MIYAMOTO Tsunéichi, édition Miraisha.
I Œuvres individuelles (CHOSAKUSHÛ 住住住)
A/ Œuvres en plusieurs volumes (Shirîzu.sô-shorui 「「「「「「「「)
1/ Miyamoto Tsuneichi Chosakushû (Les Œuvres de Miyamoto
Tsunéichi) (édition Miraisha) 5 6 8
Œuvres, 1 è r e période (Sakushû (daiikki) 住住住住住住住)
I Minzokugaku he no michi 住住住住住住 (Le Chemin vers les études folkloriques)
II Nihon no chûô to chihô 住住住住住住住住 (Le Centre et la campagne au Japon)
III Fûdo to bunka 住住住住住 (Climat, culture et civilisation)
IV Nihon no ritô dai 1 shû 住住住住住住住住 (Les Iles japonaises lointaines 1)
V Nihon no ritô dai 2 shû 住住住住住住住住 (Les Iles japonaises lointaines 2)
567 Rappelons qu’au Japon, toutes les ères commencent par un an un : comme par conséquent il n’existe pas d’an zéro, pour calculer l’année grégorienne, il faut additionner l’an de départ de l’ère et le numéro de l’année à l’intérieur de cette ère, et soustraire un.568 Au départ, l’édition Miraisha des Œuvres devait comprendre 53 tomes dont la liste figurait dans certains des volumes parus, comme les tomes 25 et 26. Jusqu’au volume 33, aucun changement ; en revanche, les volumes 34 et 36 à 44 divergent. Des volumes 45 à 50 étaient annoncés, ainsi qu’un troisième volume d’œuvres en annexe. Les volumes annoncés 44, 45, 46, 47 et 48 se sont retrouvés finalement publiés respectivement sous les numéros 38, 34, 34 (deux tomes réunis en un seul), 37 et 36. La séparation entre première et deuxième période se situait après le 25ème tome. Voici, pour mémoire, la liste des volumes présentant des différences avec la liste définitive, d’après celle qui figue au volume 26 : XXXIV Mingugakuronshû 「「「「「 (Recueil de théories sur les objets courants) XXXV [pas de changement] XXXVI Ritôronshû 「「「「 (Recueil de théories sur les îles lointaines) XXXVII Umi to Nihonjin 「「「「「 (Les Japonais et la mer) XXXVIII Mura no wakamonotachi 「「「「「「 (Les jeunes des villages) XXXIX Sanson shakai keizaishi I 「 「 「 「 「 「 「 I (Revue de l’économie des sociétés villageoises I) XL Sanson shakai keizaishi II 「「「「「「「 (Revue de l’économie des sociétés villageoises II) XLI Nihon no yado 「「「「 (Les auberges japonaises) XLII Michi no bunka 「「「「 (Cultures de la route) XLIII Shibusawa Keizô 「「「「 (Shibusawa Keizô) XLIV Suô Ooshima wo chûshin to shitaru umi no seikatsushi [actuel tome 38] XLV Yoshino Nishioku minzoku saihôroku I [actuel tome 34] XLVI Yoshino Nishioku minzoku saihôroku II [actuel tome 34] XLVII Kawachi no kuni – Takihata Sakon Kumata okina kyûjidan [actuel tome 37] XLVIII Echizen Itoshiro minzokushi [actuel tome 36] XLIX Izumo Yakkagun Katakuura minzoku kikigaki 「「「「「「「「「「「「 (Choses entendues dans la baie de Kataku, arrondissement de Yataba, Izumo) L Minzokugaku no tabi 「「「「「 (Voyages d’ethnographie du folklore) (Besshû) 1 [pas de changement] 2 [pas de changement] 3 Tedzukuri no chiiki bunka 「「「「「「「「 (Cultures locales du faitmain).
VI Kakyô no oshie . Aijô ha kodomo to tomo ni 住住住住住住住住住住住住住 (L’Enseignement dans le village /
L’Affection et les enfants)
VII Furusato no seikatsu . Nihon no mura 住住住住住住住住住住住住 (La Vie quotidienne dans les villages /
Les Villages japonais)
VIII Nihon no kodomotachi . Umi wo hiraita hitobito 住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Les Enfants au Japon /
Les Gens qui élargirent l’océan)
IX Minkanreki 住住住 (Le Calendrier populaire)
X Wasurerareta Nihonjin 住住住住住住住住 (Les Japonais oubliés)
XI Chûsei shakai no zanson 住住住住住住住 (Les Restes de la société médiévale)
XII Mura no hôkai 住住住住 (La Désertification des villages)
XIII Minshû no bunka 住住住住住 (Culture(s) populaire(s))
XIV Sanson to kokuyûrin 住住住住住住 (Villages de montagne et forêts domaniales)
XV Nihon wo omou 住住住住住 (Penser le Japon)
XVI Yakushima minzokushi 住住住住住住 (Notes sur le peuple de l’île de Yaku)
XVII Takarajima minzokushi . Mishima no gyoson 住住住住住住住住住住住 (Notes sur le folklore de l’Ile au
trésor / Le Village de pêcheurs de Mishima)
XVIII Tabi to kankô 住住住住 (Voyage et tourisme)
XIX Nôgyô gijutsu to keiei no shiteki sokumen 住住住住住住住住住住住住 (Aspect historique des techniques
agricoles et d’exploitation)
XX Umi no tami 住住住 (Les peuples de la mer)
XXI Shomin no hakken 住住住住住 (A la découverte des petites gens)
XXII Sangyôshi sampen 住住住住住 (Trois essais sur l’Histoire de l’industrie)
XXIII Chûgoku sanchi minzoku saihôroku 住住住住住住住住住住 (Chûgoku : Notes de voyage d’étude
chez le peuple montagnard)
XXIV Shokuseikatsu zakkô 住住住住住 (Diverses réflexions sur la vie alimentaire)
XXV Murazato wo iku 住住住住住 (Aller dans les villages)
Œuvres, 2 èm e période (Sakushû (dainiki) 住住住住住住住)
XXVI Minshû no chié wo tazunete 住住住住住住住住住 (Rendant visite à la sagesse populaire)
XXVII Toshi no matsuri to minzoku 住住住住住住住 (Fêtes traditionnelles urbaines et folklore)
XXVIII Tsushima gyogyôshi 住住住住住 (Histoire de la pêche à Tsushima)
XXIX Chûgoku fudoki 住住住住住 (Les Chroniques des terres du Chûgoku)
XXX Minzoku no furusato 住住住住住住住 (Le village d’origine : un folklore)
XXXI Tabi ni manabu 住住住住住 (Apprendre en voyage)
XXXII Mura no kyûka to sonraku soshiki 1 住住住住住住住住住住 (Les vieilles familles et les institutions
villageoises 1)
XXXIII Mura no kyûka to sonraku soshiki 2 住住住住住住住住住住 (Les vieilles familles et les institutions
villageoises 2)
XXXIV Yoshino NishiOku minzoku saihôroku 住住住住住住住住住 (Notes de voyage d’étude du folklore
dans l’Ouest profond, à Yoshino)
XXXV Ritô no tabi 住住住住 (Voyage aux îles lointaines)
XXXVI Echizen Itoshiro minzokushi . sono ta 住住住住住住住住住住住住 (Notes sur le folklore d’Itoshiro à
Echizen et autres oeuvres)
XXXVII Kawachi koku Takihata Sakon Kumataô kyûjidan 住住住住住住住住住住住住住 (Entretiens sur les
faits du passé avec le vieux SAKON Kumata de Takihata dans la province de Kawachi)
XXXVIII Suô Ooshima wo chûshin to shitaru umi no seikatsushi 住住住住住住住住住住住住住住住住 (Notes sur la
vie quotidienne au bord de la mer de la grande île de Suô)
XXXIX Oosumihantô minzoku saihôroku Izumo Yatsukagun Katakuura minzoku monjo 住住住
住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Ecrits de voyage d’études folkloriques sur la péninsule d’Oosumi / Ecrits
sur le folklore d’Izumo, du district de Yatsuka et de labaie de Kataku)
XL Suô Ooshima minzokushi 住住住住住住住 (Ecrits sur le folklore de la grande île de Suô)
XLI Kyôdo no rekishi 住住住住住 (Histoire du terroir)
XLII Fubo no ki / jiden shô 住住住住 / 住住住 (Chronique de mes parents / Notes autobiographiques)
XLIII Shizen to Nihonjin 住住住住住住 (Les Japonais et la Nature)
XLIV Minshû bunka to zôkei 住住住住住住住 (La culture populaire et la plastique)
XLV Mingugaku shiron 住住住住住 (Essai sur la science des objets courants), août 2005
XLVI Shinnôson he no teigen I 住住住住住住住住 (Propositions pour de nouveaux villages agraires I),
mai 2006
XLVII Shinnôson he no teigen II 住住住住住住住住 (Propositions pour de nouveaux villages agraires II),
juillet 2006
XLVIII Rindô to sanson shakai 住 住 住 住 住 住 住 (Chemins de forêts et société des villages de
montagne), nov. 2006
XLIX Shio no minZoku to seikatsu 住住住住住住住 (Etude ethnographique du sel et vie quotidienne),
2007
L Shibusawa Keizô 住住住住 (SHIBUSAWA Keizô), à paraître en 2008
Œuvres (œuvres en annexe) (Sakushû (besshû) 住住住住住住)
LI* 1 Toroshi Oosakafu Sembokugun Toriishi mura seikatsushi 住住住住住住住住住住住住住住住 (Toroshi,
revue de la vie quotidienne dans le village de Toriishi, canton de Semboku, disctrict d’Osaka)
LII* 2 Minwa to kotowaza 住住住住住住住 (Contes populaires et dictons)
2/ Autres œuvres (Sono ta 宮宮宮)
Miyamoto Tsuneichi shashin . nikki shûsei 住住住住住住住住住住住 (Recueil des photos et du journal intime
de Miyamoto Tsunéichi), 3 vol. sous coffret, Mainichi shimbunkan 住 住 住 住 住 , 2005 : ouvrage
monumental coûteux, richement illustré (60 000 Y569) ;
Nihon minshûshi 住住住住住 (Histoire du peuple japonais), Miraisha
1 Kaitaku no rekishi 住住住住住 (Histoire du défrichage)
2 Yama ni ikiru hitobito 住住住住住住住住 (Les Gens qui vivent dans la montagne)
3 Umi ni ikiru hitobito 住住住住住住住住 (Les Gens qui vivent au bord de la mer)
4 Mura no naritachi 住住住住住住 (La Formation des villages)
5 Machi no naritachi 住住住住住住 (La Formation des villes)
6 Seigyô no rekishi 住住住住住 (Histoire des métiers)
7 Kansho no rekishi 住住住住住 (Histoire de la patate douce)
[Nihonjin no sumai 住住住住住住住 (L’Habitat des Japonais), posthume]
Tabi no minzoku to rekishi 住住住住住住住 (Folklore et Histoire du voyage) (anciennement570 : Tabi no
rekishi kenkyû shirîzu 住住住住住住住住住住 (Série : « Recherches sur l’Histoire du voyage)) (éd. Yasaka
shobô 住住住住)
1 Nihon no yado 住住住住 (Les Auberges du Japon), 1987, rééd. 2006 ;
2 Daimyô no tabi – Honjin wo tazunete (hencho) 住住住住住住住住住住住 (Les Voyages des daimyôs –
Interroger les résidences de fonctionnaires)
3 Tabi no hakken – Nihon bunka wo kangaeru (hencho) 住住住住住住住住住住 住住住 (La Découverte du
voyage – Penser la civilisation japonaise)
569 Soit un peu moins de 600 €.570 Tel que figurant dans la liste établie par TAMURA Zenjirô.
4 Shomin no tabi (hencho) 住住住住 (Les Voyages du petit peuple), 1987, rééd. 2006 ;
5 Ise sangû (hencho) 住住住住 (Le Pèlerinage à Isé), 1971, rééd. 1987, 1991 :
6 Tabi no minzoku – Hakimono to norimono (hencho) 住住住住住住住住住住住住住住 (Folklore du voyage –
Choses chaussées et portées)
7 Umi to Nihonjin (hencho) 住住住住住 (Les Japonais et la mer)
8 Yama no michi (hencho) 住住住 (Les Chemins de montagne), rééd. 2006 ;
9 Kawa no michi (hencho) 住住住 (Les Voies fluviales)
10 Umi no michi 住住住 (Les Voies maritimes)
Tabibito no rekishi 住住住住住 (Histoire de voyageurs), Miraisha571
1 Noda Senkôin 住住住住住 (Noda Senkôin)
2 Sugae Masumi 住住住住 (Sugaé Masumi), 1980, rééd. 2005 ;
3 Furukawa Koshôken . Isabera Bâdo 住住住住住住住住住住住住住住 (Furukawa Koshôken / Isabella Bird), 2ème
partie rééditée sous le titre : Isabera Bâdo no « Nihon ichi kikô » wo yomu 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
(Lire Unbeaten Tracks in Japan d’Isabella Bird), Heibonsha 住住住, 1984 ;
Watashi no Nihon chizu 住住住住住住 (Mes cartes du Japon), Dôyûkan 住住住, Shôwa XLII (1967) – LI
(1976)
1 Tenryûgawa ni sotte 住住住住住住住 (Au bord du Tenryû) ;
2 KamiKôchi fukin 住住住住住 (Les environs de KamiKôchi) ;
3 Shimokita hantô 住住住住 (La presqu’île de Shimokita) ;
4 Setonaikai I Hiroshimawan fukin 住住住住 I 住住住住住 (La mer intérieure de Séto I Les environs de la
bais de Hiroshima) ;
5 Gotô rettô 住住住住 (L’archipel des Cinq Iles) ;
6 Seto naikai II Geiko no umi 住住住住 II 住住住住 (La Mer intérieure de Séto II La Mer des artistes / de
Geiko) ;
7 Sado 住住 (Sado) ;
8 Okinawa 住住 (Okinawa) ;
9 Seto naikai III Suô Ooshima 住住住住 III 住住住住 (La mer intérieure de Séto III / La grande île de
Suô), rééd. Miraisha, 2008 ;
571 * Ancienne édition : Tabibitotachi no rekishi 110 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 「 (Histoire de voyageurs 110), [Amukasu tabi no memo shirîzu] 「「「「「「「「「「「「「「 ([Série de carnets de voyage Amukasu]), Kambunken Amukasu jimukyoku 「「「「「「「「「「, Shôwa 48 – 55 (19731980) ;
10 Musashino . Ôme 住住住住住住 (Musashino / Ômé) , rééd. Miraisha 2008
11 Aso . Kuma 住住住住住 (Aso / Kuma) ;
12 Seto naikai IV Bisan no Seto fukin 住住住住 IV 住住住住住住住(La Mer intérieure de Séto IV Les Environs
de Séto en Bisan) ;
13 Hagi fukin 住住住 (Les Environs de Hagi) ;
14 Kyôto 住住 (Kyôto) ;
15 Iki . Tsushima 住住住住住 (Iki / Tsushima), rééd. Miraisha 2008
B / Œuvres en un volume
* Aijô ha kodomo to tomo ni 住住住住住住住住 (L’Affection et les enfants), Baba shoten 住住住住, Shôwa 23
(1948) (O.VI) ;
* Akitaken KamiKoanimura 住住住住住 (Le Village de KamiKoani, département d’Akita), [Sanson
keizai jittai chôsa hôkoku] 住住住住住住住住住住住住 ([Rapport d’enquête sur la situation économique réelle
des villages de montagne]), Rin’yachô chôsaka 住住住住住住 (Section d’enquête de la Direction
générale des Eaux et Forêts), Shôwa 31 (1956) ;
* Chikuma Nihon bungaku zenshû 53 Miyamoto Tsuneichi 住住住住住住住住住 53 住住住住 (Œuvres complètes
Chikuma de la littérature japonaise, t. 53 : Miyamoto Tsunéichi), Chikuma shobô 住住住住, Tôkyô,
mai 1993 : recueil d’inédits ;
* Chûgoku fudoki 住 住住 住住 (Les chroniques des terres du Chûgoku), Hiroshima nôson jimbun
kyôkai 住住住住住住住住 (Association humaniste des villages ruraux de Hiroshima), Shôwa 33 (1958)
(O.XXIX) ;
* Echizen Itoshiro minzokushi 住住住住住住住住 (Notes sur le folklore d’Itoshiro à Echizen), [Zenkoku
minzokushi sôsho 2] 住 住 住 住 住 住 住 住 住 ([Collection des revues du folklore à l’échelle nationale]),
Sanseidô 住住住, Shôwa 24 (1949) (O.XXXVI) ;
* Emakimono ni miru Nihon shomin seikatsushi 住住住住住住住住住住住住住 (Images de la vie populaire
japonaise telle qu’on l’observe dans les rouleaux illustrés), Chûkô shinsho 住住住住 n°605, 1ère éd.
1981, rééd. 2003 ;
* Furusato no seikatsu 住住住住住住住 (La vie quotidienne dans les villages), Asahi shimbunsha 住住住住住,
Shôwa 25 (1950), rééd. Kôdansha gakujutsu bunko n°761, 1986, réimpr. 2002 (O.VII) : un
des trois ouvrages (avec Nihon no mura et Umi wo hiraita hitobito) destinés à la jeunesse et
résumant l’œuvre de MIYAMOTO ;
* Hiroshimaken Ooasachô 住住住住住住 (Quartier d’Ooasa, département de Hiroshima), [Ringyô
kin’yû kiso chôsa hôkoku] 住住住住住住住住住住住住 ([Rapport d’enquête sur les bases financières de la
sylviculture]), Ringyô kin’yû chôsakai 住 住 住 住 住 住 住 (Société d’enquêtes sur les finances de
l’industrie du bois), Shôwa 30 (1955) ;
*Inochi no yurameki 住住住住住住住 (L’ondoiement de la vie), recueil de poèmes (kashû 住住), Gensô
shinsho 住住住住, rééd. Gendai sôzôsha 住住住住住, 2, jan. Shôwa 56 (1981) ;
* Izumisano ni okeru sangyô no hatten katei no gaiyô 住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Aperçu du processus
de développement de l’industrie à Izumisano), Oosakafu Izumisanoshi 住 住 住 住 住 住 住 (Ville
d’Izumisano, Communauté urbaine d’Osaka), Shôwa 26 (1951) ;
* Izumo Yakkagun Katakuura minzoku kikigaki 住住住住住住住住住住住住 (Choses entendues dans la baie
de Kataku, arrondissement de Yataba, Izumo), [Achikku myûzeamu ihô 22 住住住住住住住住住住住住住 22
(Exposé 22 du Musée des greniers)], Shôwa 12 (1937) ;
* Jinbunkagaku he no michi 住 住 住 住 住 住 住 (Le chemin vers les sciences humaines), Miraisha
henshûbu 住住住住住住, Miraisha, mai 1972, épuisé ;
* Juin 住住 (Ombres d’arbres), 住住住住住 Kôhan shikaban, Shôwa 8 (1933) : recueil de poèmes ;
* Kakyô no oshie 住住住住 (L’enseignement dans le village), [Josei sôsho] 住住住住住住([Bibliothèque des
femmes]), Sansgoku shobô 住 住 住 住 , Shôwa 18 (1943), rééd. Iwanami bunko, n°1642, 1984,
réimpr. 2004 (O.VI) ;
* Kankô jichi to kyôiku 住住住住住住住 (Autonomie des coutumes et éducation), Oosakafu Semboku
gun Toriishi shôgakkô 住住住住住住住住住住住 (Ecole primaire Toriishi ), Shôwa 11 (1936) ;
* Kawachi koku Takihata Sakon Kumataô kyûjidan 住住住住住住住住住住住住住 (Entretiens sur les faits du
passé avec le vieux SAKON Kumata de Takihata dans la province de Kawachi), [Achikku
myûzeamu ihô 23] 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 23 住 ([Exposé 23 du Musée des greniers]), Achikku
myûzeamu, Shôwa 12 (1937) (O.XXXVII) ;
* Marukisensei no tashûkaku ikubyôhô 住住住住住住住住住住住, [Shinnôson sôsho 5] 住住住住住住住住 ([Nouvelle
collection des villages agricoles 5]), Shiinjichi kyôkai 住住住住住 (Association pour une nouvelle
autnomie), Shôwa 23 (1947) ;
* Matsuura bunka keizaishi 住住住住住住住 (Histoire économique de la culture de Matsuura), Taipu
shikahan 住住住住住住, Shôwa 36 (1961) ;
* Minami no shima wo kaitaku shita hitobito 住住住住住住住住住住 (Ceux qui exploitèrent les îles du Sud),
Sarae shobô 住住住住住, fév. 1968, épuisé ;
* Mingugaku no teishô 住住住住住住 (Propositions pour l’étude des objets courants), Miraisha, 1ère éd.
Shôwa 55 (1979), rééd. 1999 ;
* Minkanreki 住住住 (Le calendrier populaire), [Minzoku sensho] 住住住住住住 ([Choix de livres sur le
folklore]), Rokuninsha 住住住, Shôwa 17 (1942), rééd. Kôdansha gakujutsu bunko n°715, 1985,
réimpr. 2003 (O.IX) ;
* Minshû no chié wo tazunete 住住住住住住住住住 (Rendant visite à la sagesse populaire), Miraisha,
Shôwa 38 (1963), (O.XXVI) ;
* Minzokugaku he no michi 住住住住住住 (Le chemin vers les études folkloriques), Iwasaki shoten 住住住
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* Minzoku no furusato 住住住住住住住 (Le village d’origine : un folklore), [Nihon no minzoku 1] 住住住住住住住住
([Folklore japonais 1]), Kawade shobô 住住住住, Shôwa 39 (1964) (O.XXX) ;
* Minzokugaku no tabi 住住住住住 (Le voyage de l’ethnographie du folklore), Bungei shunjûsha 住住住住
住 , Shôwa 53 (1978), rééd. Kôdansha gakujutsu bunko n°1104 (édition annotée et non
illustrée), Tôkyô, 1ère éd. 1993, réimpr. 2004, rééd. Nihon tosho sentâ 住 住 住 住 住 住 住 住 (Centre
japonais du livre) (édition non annotée mais illustrée), Tôkyô, 1ère éd. 2000 ;
* Miyagiken Kurikomamura 住住住住住住, [Sanson keizai jittai chôsa hôkoku] 住住住住住住住住住住住住 ([Rapport
d’enquête sur la situation économique réelle des villages de montagne]), Rin’yachô chôsa
ka 住住住住住住 (Section d’enquête de la Direction générale des Eaux et Forêts), Shôwa 31 (1956) ;
* Miyamoto Tsuneichi, Afurika to Ajia wo aruku 住住住住住住住住住住住住住住住住 (Miyamoto Tsunéichi, marcher
en Afrique et en Asie), Iwanami gendai bunko, Iwanami shoten, Tôkyô, 1ère éd. 2001, rééd.
2003 ;
* Mura no seikatsu to komyunitisukûru 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Vie quotidienne et écoles
communautaires dans les villages), Oosakafu NakaKawachigun Nagayoshimura
shôgakkô PTA 住住住住住住住住住住住住 PTA (Groupe scolaire élémentaire PTA, village de Nagayoshi,
district de NakaKawachi, communauté urbaine d’Osaka), Sôwa 25 (1950) ;
* Mura no shakaika 住住住住住 (Sociologie des villages), Shôwa shoin 住住住住 , Shôwa 24 (1949),
réédité chez Katanaé shoin 住住住住, Shôwa 26 (1951) ;
* Mura no wakamonotachi 住住住住住住 (Les jeunes des villages), [Reinbô.bukkusu] 住住住住住住住住住住 (Livres
arcenciel), Ie no hikari kyôkai 住住住住住 (Association « Lumière des maisons »), Tôkyô, Shôwa
38 (1963), rééd. 2004 ;
* Murazato wo iku 住 住 住 住 住 (Aller dans les villages), [Josei sôsho] 住 住 住 住 住 住 ([Bibliothèque des
femmes]), Sangoku shobô 住住住住, Shôwa 18 (1943) (O.XXV) ;
* Nihon bunka no keisei 住 住 住 住 住 住 住 (Formation de la culture japonaise), 3 tomes, Chikuma
gakugei bunko 住 住 住 住 住 住 住 , Chikuma shobô 住 住 住 住 , Tôkyô, fév. avril 1994 (épuisé), rééd. du
troisième tome (uniquement), juillet 2005, Kôdansha gakujutsu bunko 住 住 住 住 住 住 住 , Tôkyô, 924
YTTC : recueil de transcriptions d’enregistrements de conférences données par Miyamoto
(tomes I et II) et impression d’un texte inachevé (tome III) ;
* Nihon no kodomotachi 住住住住住住 (Les enfants au Japon), [Nihonjin no seikatsu zenshû] 住住住住住住住住住
住住 ([Œuvres complètes sur la vie quotidienne des Japonais]), Iwasaki shoten 住住住住, Shôwa 32
(1957) (O.VIII) ;
* Nihon no mura . Umi wo hiraita hitobito 住住住住住住住住住住 住住住 (Villages du Japon / Les gens qui
ouvrirent la mer), Chikuma shobô 住住住 [住住 ]住住 , 1ère éd. [Chûgakusei zenshû] 住住住住住住住 ([Œuvres
complètes pour les collégiens]), Shôwa 28 (1953) pour Nihon no mura, rééd. Chikuma bunko
n°171, 1995, réimpr. 2004 (O.VII et O.VIII) : deux des trois ouvrages (avec Furusato no
seikatsu) destinés à la jeunesse et résumant l’œuvre de MIYAMOTO ;
* Nihon no mura wo kangaeru 住住住住住住住住住 (Penser le village japonais), Hoshô jitsumu kôshûkai
tekisuto 住住住住住住住住住住住 (Textes des Conférences sur les pratiques d’indemnisation), Shôwa 47
(1972) ;
* Nihon no ritô dai1shû 住 住 住 住 住 住 住 住 (Les îles japonaises lointaines, 1), Miraisha, Shôwa 35
(1960) (O.IV) ;
* Nihon no ritô dai2shû 住 住 住 住 住 住 住 住 (Les îles japonaises lointaines, 2), Miraisha, Shôwa 41
(1966) (O.V) ;
* Nihonjin no keisei 住住住住住住 (La formation des Japonais), 3 tomes, Chikuma gakujutsu bunko 住住住
住住住住, Tôkyô (non réédité) ;
* Okayamaken Enjômura 住住住住住住 (Le village d’Enjô, département d’Okayama), [Kokuyûrin
jimoto riyô jôkyô jittai chôsa hôkoku] 住住住住住住住住住住住住住住住住住 ([Rapport d’enquête sur les conditions
réelles de l’usage local des forêts domaniales]), Rin’yachô chôsaka 住 住住 住住 住 (Département
d’enquêtes de la Direction générale des Eaux et Forêts), Shôwa 28 (1953) ;
* Onna no minzokushi 住住住住住 (Passage en revue du folklore féminin), rééd. Iawanami shoten,
2001 ;
* Ookunitama jinja taiko chôsa hôkokusho 住住住住住住住住住住住住 (Rapport d’enquête sur les tambours
du temple shintô Ookunitama (Ame du grand pays)), Fuchûshi kyôiku iinkai 住 住 住 住 住 住 住 住
(Commission pour l’éducation de la ville de Fuchû), Shôwa 49 (1974) ;
* Oosaka no Mukashibanashi : Yume no shirase 住住住住住住住住住住住 (Contes d’autrefois d’Osaka :
Annonces de rêves), Gensô shinsho 住住住住, 1, 1981 ;
* Oosumihantô minzoku saihôroku 住住住住住住住住住 (Ecrits de voyage d’études folkloriques sur la
péninsule d’Oosumi), [Jômin bunka sôsho 1] 住住住住住住住住 ([Collection « Cultures populaires », 1]),
Keiyûsha 住住住, Shôwa 43 (1968) (O.XXXIX) ;
* Rindô 住住 (Chemins forestiers), [Ringyô kin’yû kiso chôsa hôkoku] 住住住住住住住住住住 住住 ([Rapport
d’enquête sur les bases financières de la sylviculture]), Ringyô kin’yû chôsakai 住 住 住 住 住 住 住
(Société d’enquêtes sur les finances de l’industrie du bois), Shôwa 32 (1957) ;
* Ritô hekichi shinseikatsu undô no kompon mondai 住住住住住住住住住住住住住住 (Problèmes de base du
Mouvement pour une nouvelle vie dans les îles éloignées et les localités reculées), Shin
seikatsu undô kyôkai 住住住住住住住 (Association « Mouvement pour une nouvelle vie »), Shôwa 36
(1961) ;
* Ritô no tabi 住住住住 (Voyage aux îles lointaines), Jimbutsu ôraisha 住住住住住 , Shôwa 39 (1964)
(O.XXXV) ;
* Ritô shinkô jittai chôsa hôkokusho – Ehime . Hiroshima . Yamaguchi – 住住住住住住住住住住住―住住住住住住住住
― (Rapport d’enquête sur les conditions réelles de développement des îles éloignées :
Ehimé, Hiroshima, Yamaguchi), Zenkoku ritô shinkô kyôgikai 住住住住住住住住住 (Conseil consultatif sur
le développement des îles éloignées à l’échelle nationale), Shôwa 35 (1960) ;
* Seigyô no suii 住住住住住 (Evolution des métiers), [Nihon no minzoku 3] 「住住住住住住「([Folklore japonais
3]), Kawade shobô 住住住住, Shôwa 40 (1965) ;
* Seimei no yurameki : cf. Inochi no yurameki ;
* Setonaikai no kenkyû 住住住住住住住 (Recherches sur la mer intérieure de Séto), Miraisha, 1ère éd.
Shôwa 40 (1965), rééd. 2001 : la thèse de MIYAMOTO revue et augmentée pour la
publication en volume ;
* Shibusawa Keizô 住 住 住 住 (Shibusawa Keizô), [Nihon minzoku bunka taikei 3] 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住
([Bibliothèque « Cultures folkloriques du Japon »]), Kôdansha, juin Shôwa 53 (1978) ;
* Shimaneken Nichiharamura 住住 住住 住住 (Le village de Nichihara, département de Shimané),
[Ringyô kin’yû kiso chôsa hôkoku] 住住住住住住住住住住住住 ([Rapport d’enquête sur les bases financières
de la sylviculture]), Ringyô kin’yû chôsakai 住住住住住住住 (Société d’enquêtes sur les finances de
l’industrie du bois), Shôwa 30 (1955) ;
* Shio no michi 住住住 (Les routes du sel), Kôdansha gakujutsu bunko n°677, Tôkyô, 1ère éd.
1985, rééd. 2004 ;
* Shohô Aokiichizoku . Ageura yawa 住住住住住住住住住住住住 (Une famille ici et là : les Aoki / Histoires du
soir de la baie d’Agé), Ooshima mimpôsha 住住住住住 (Société de la Gazette d’Ooshima), Shôwa
30 (1955) ;
* Shoku seikatsu no kôzô 住 住 住 住 住 住 (Structures de la vie alimentaire) : Shibata shobô 住 住 住 住 ,
2100Y ;
* Shomin no hakken 住住住住住 (A la découverte des petites gens), Miraisha, Shôwa 36 (1961),
rééd. Kôdansha gakujutsu bunko 住住住住住住住 n°810, Tôkyô, 1987, réimpr. 2004 (O.XXI) ;
* Shomin no sekai 住 住 住 住 住 (Le monde du petit peuple), [Nihon bunka kenkyû 3] 住 住 住 住 住 住 住 住 住
([Recherches sur les cultures du Japon, 3]), Shinchôsha 住住住, Shôwa 34 (1959) ;
* Sora kara no minzokugaku 住住住住住住住 (L’ethnographie du folklore vue du ciel) (rééd. Iwanami
gendai bunko, Iwanami shoten, Tôkyô, 2001, 2003)
* Suô Ooshima mukashibanashishû 住住住住住住住 (Recueil de contes d’autrefois de Suô ooshima),
Ooshima bunka kenkyû remmei 住住住住住住住住 (Union pour la recherche sur la culture d’Ooshima),
Shôwa 31 (1956) ;
* Suô Ooshima wo chûshin to shitaru umi no seikatsushi 住住住住住住住住住住住住住住住住 (Notes sur la vie
quotidienne au bord de la mer de la grande île de Suô), [Achikku myûzeamu ihô 11] 住住住住住住住住住住
住 住 住 住 11 住 ([Exposé 11 du Musée des greniers]), Achikku myûzeamu, Shôwa 11, 1936
(O.XXXVIII) ;
* Tabi no minzoku 住住住住 (Folklore du voyage), Shakai shisôsha 住住住住住, jan. 1972, épuisé ;
* Toshi no matsuri to minzoku 住住住住住住住 (Fêtes traditionnelles urbaines et folklore), Keiyûsha 住住住,
Shôwa 36 (1961) (O.XXVII) ;
* Umi wo hiraita hitobito 住住住住住住住住住 (Les gens qui défrichèrent l’océan), [Shôgakusei zenshû] 住住住
住住住住 ([Œuvres complètes pour les écoliers]), Chikuma shobô 住住住住, Shôwa 30 (1955) (O.VIII) ;
* Wasurerareta Nihonjin 住住住住住住住住 (Les Japonais oubliés), Miraisha, Shôwa 35 (1960), rééd.
Iwanami bunko, n°1641, 1984 (O.X) ;
* Yakushima minzokushi 住住住住住住 (Notes sur le peuple de l’île de Yaku), [Nihon jômin bunka
kenkyûsho nôto 26] 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 ([Note 26 de l’Institut de recherche sur les cultures
populaires]), Nihon jômin bunka kenkyûsho 住住住住住住住住住 (Institut de recherche sur les cultures
populaires), Shôwa 18 (1943) (O.XVI) ;
* Yoshino NishiOku minzoku saihôroku 住住住住住住住住住 (Notes de voyage d’étude du folklore dans
l’Ouest profond, à Yoshino), [Nihon jômin bunka kenkyûsho nôto 20] 住住住住住住住住住住住住住住住住([Note 20
de l’Institut de recherche sur les cultures populaires]), Nihon jômin bunka kenkyûsho 住住住住住住住住住
(Institut de recherche sur les cultures populaires), Shôwa 17 (1942) (O.XXXIV) ;
II Œuvres ecrites en collaboration, participation à des
œuvres collectives et œuvres dirigées ou supervisées
A/ Œuvres écrites en collaboration et participation à des
œuvres collectives (kyô.hencho-rui 「「「「「)
* Aichiken Naguramura [Ringyô kin’yû kiso chôsa hôkoku] 住住住住住住 <住住住住住住住住住住> (Le village de
Nagura, département d’Aichi [Rapport d’enquête sur les bases financières de l’industrie du
bois]), Ringyô kin’yû chôsakai 住 住 住 住 住 住 住 (Association pour l’enquête sur le financement de
l’industrie du bois), Shôwa 32 (1957) ;
* Chôsa sareru to iu meiwaku 住住住住住住住住住住 (La nuisance d’être enquêté), (avec ANKEI Yûji 住住住住),
Kôbé, Mizunowa shuppan, 2008, 118 p. ;
* Emakimono ni yoru Nihon jômin seikatsu ein 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Index des documents
iconographiques sur rouleaux concernant la vie quotidienne du petit peuple Japonais) (5
vol.), Kadokawa shoten, Shôwa 4043 (19651968) ;
* Hekichi no tabi 住住住住 (Voyage en terres éloignées), Shûdôsha 住住住, Shôwa 35 (1960) ;
* Henkyô wo aruita hitobito [Saera denki raiburarî 14] 住住住住住住住住住 <住住住住住住住住住住住住住> (Ceux qui
arpentèrent les frontières reculées [Biographies Saéra n°14]), Saera shobô 住住住住住, Shôwa 41
(1966), rééd. Kawade shobôsha 住住住住住住, déc. 2005, 1 890 Y, ISBN4309224385
* Higashi Nippon to Nishi Nippon 住住住住住住住 (Japons de l’Est et de l’Ouest) (en collaboration avec
OONO Susumu 住住住 ), Nippon editâsukûru shuppambu 住住住住住住住住住住住住住住 (Section éditoriale de
l’Ecole des éditeurs du Japon), Tôkyô, 1981 (non réédité) ;
* Himejima keizai jittai chôsa hôkoku 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Rapport d’enquête sur les conditions
économiques réelles à Himéjima), Keizai kikakuchô 住 住 住 住 住 (Bureau du Plan économique),
Shôwa 42 (1967) ;
* Jidenshô IX (Ninohashi kaiwai) 住住住 IX住住住住住住住 (Notes autobiographiques IX (Quartier de Ni
nohashi)), Yomiuri shimbunsha 住住住住住, Shôwa 55 (1980) ;
* Keizai jittai chôsa hôkoku [Sado . Akadomarimura] 住住住住住住住住 <住住住住住住> (Rapport d’enquête sur
les conditions économiques réelles [Akadomari, Sado]), Niigataken Akadomarimura 住 住住 住住
(Village d’Akadomari, Département de Niigata), Shôwa 39 (1964) ;
* Kokuyûrin jimoto riyô jôkyô chôsa no sôkatsu bunseki 住住住住住住住住住住住住住住住住 (Analyse globale des
enquêtes sur les conditions d’utilisation locale des forêts domaniales), Rin’yachô (Direction
générale des eaux et forêts), Shôwa 30 (1955) ;
* Kuka no min’yô 住住住住住 (Les chants populaires de Kuka), avec la collaboration du Kukachô
minzoku shiryô hozonkai 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (hen.) (Société de conservation des documents
d’ethnographie du folklore de la commune de Kuka), Kuka, 1979 ;
* Michi no bunka (Shio no michi) 住住住住住住住住住(Culture de la route (Les routes du sel)), Kôdansha,
Shôwa 54 (1979) ;
* Mikkyô 住住 (Le bouddhisme ésotérique), Yûki shobô 住住住住, Shôwa 36 (1961) ;
* Mingu to seikatsu [Seikatsugakuronshû I] 住 住 住 住 住 < 住 住 住 住 住 I> (Les objets usuels et la vie
quotidienne [Recueil de théories sur la vie quotidienne]) (Minguron 住住住 (« Théorie des objets
usuels »)), Domesu shuppan 住住住住住, Shôwa 51 (1976) ;
* Minami no shima wo kaitaku shita hitobito [Saeradenki raiburarî 28] 住住住住住住住住住住住 (Ceux qui
défrichèrent les îles méridionales [Biographies Saéra n°28]), Saera shobô, Shôwa 43
(1968), rééd. Kawade shobô shinsha, Tôkyô, jan. 2006, 1 890 YTTC, ISBN4309224458 ;
* Minshû no seikatsu to bunka 住住住住住住住住 (Vie quotidienne et culture du peuple) (en collaboration
avec YONEYAMA Toshinao 住住住住 ; TAMURA Zenjirô 住住住住住 ; MIYATA Noboru 住住住), Miraisha ;
* Minzokugaku no susume [Nihon no minzoku 11] 住住住住住住住 <住住住住住住住> (Conseils en ethnographie
du folklore [Folklore japonais 11]), Kawade shobô, Shôwa 40 (1965) ;
* Mura no rekishi to kurashi 15 住住住住住住住住住住 (Histoire et vie dans les villages 155), Nôsangyo
ke seikatsu kaizen kenkyûkai 住住住住住住住住住住住 (Groupe de recherche sur l’amélioration de la vie
dans les familles d’agriculteurs, de montagnards et de pêcheurs), Shôwa 50 (1975), 55nen
kanketsu 住住住住住 achevé en Shôwa 55 (1980) ;
* Nihon no ama 住住住住住 (Les pêcheuses de perles japonaises) (Recueil de photographies de
NAKAMURA Yoshinobu 住住住住 < shashinshû 住住住>), Tôkyô ChûNichi shimbunsha 住住住住住住住 ,
Shôwa 37 (1962), rééd. revue, corrigée et augmentée, Marin 住住住, Shôwa 53 (1978) ;
* Nihon no kaiyômin 住住住住住住 (Le Japon, peuple de l’océan) (en collaboration avec KAWAZOE
Noboru 住住住), Miraisha, 1ère éd. Shôwa 49 (1974), rééd. 1989 ;
* Nihon no mingu 2 Nôson 住住住住住住住住住 (Objets courants japonais 2 / Villages ruraux), Keiyûsha 住住
住, Shôwa 40 (1965) ;
* Nihon no minzoku 住住住住住 (Folklore japonais) (articles « Ie » 住住住 (Maison) et « Mura » 住住住住
(Village)), Asahi shimbunsha, Shôwa 49 (1974) ;
* Nihon no minzoku 35 Yamaguchi 住住住住住住住住住住 (Folklore du Japon 35 / Yamaguchi), Daiippôki
住住住住, Shôwa 49 (1974) ;
* Nihon no rekishi . bekkan 2 (Minshû seikatsu yôshiki no hensen) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Histoire
du Japon / Volume annexe 2 (Evolution des formes d’activités du peuple)), Iwanami shobô,
Shôwa 39 (1964) ;
* Nihon zankoku monogatari 住住住住住住 (Contes cruels du Japon), 5 vol., Heibonsha raiburarî 住住住住住
住住住住, Tôkyô, avril août 1995 ;
* Oshirasama zuroku 住 住 住 住 住 住 住 (Recueil de documents iconographiques sur le Seigneur
Oshira), Jômin bunka kenkyûsho 住 住 住 住 住 住 住 (Institut de recherche sur la culture populaire),
Shôwa 18 (1943) ;
* Setonai no hitobito 住住住住住住住 (Les gens de Séto) (Recueil de photographies de NAKAMURA
Yoshinobu 住住住住 < shashinshû 住住住>), Shakai shisôsha 住住住住住, Shôwa 40 (1965) ;
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OKAMOTO Sadamu 住住住 et avec le concours de Kinki Nippon tsûrisuto kabushikigaisha 住住住住住住住
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recherche sur les cultures du tourisme japonais)), Yamaguchiken Ooshimagun Tôwachô 住住
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B/ Œuvres dirigées ou supervisées (henshû . kanshû-rui 「
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(hen.) Fudoki Nihon 住 住 住 住 住 (Description des provinces du Japon) (7 vol.), publ. ach. déc.
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(kan.) Hiroshimakenshi / Minzokuhen 住 住 住 住 住 住 住 住 (Histoire du département de Hiroshima /
Volume « Folklore »), Hiroshimaken 住住住 (Département de Hiroshima), jan. Shôwa 53 (1978) ;
(hen.) Jômin seikatsu shiryô sôsho 住住住住住住住住 (Corpus de documents sur la vie quotidienne du
petit peuple) (24 vol.) publ. ach. oct. Shôwa 48, San’ichi shobô, sept. Shôwa 47 (1972) ;
(kan.) Kôshô bungaku / Kôhan 住 住 住 住 住 住 住 (Littératures orales / Imprimerie), publ. inter. jan.
Shôwa 11 (1936), 12 vol., sept. Shôwa 8 (1933) ;
(kan.) Miharashishi / Minzokuhen 住 住 住 住 住 住 住 住 (Histoire de la ville de Mihara / Volume
« Folklore »), Miharashi 住住住 (Ville de Mihara), sept. Shôwa 54 (1979) ;
(kan.) Minami Sado no gyorô shûzoku 住住住住住住住住 (Coutumes de pêche de MinamiSado (Sado
du sud)), Sadogun Kôgichô 住住住住住住 (Quartier de Kôgi, arrondissement de Sado), mai Shôwa
50 (1975) ;
(kan.) Minzoku bunka sôsho 住住住住住住 (Collection « Culture folklorique ») (4 vol.) : supervision ;
une préface ;
(hen.) Nihon engyô taikei / Tokuron / minzoku 住住住住住住住住住住住住 (Corpus de l’industrie japonaise du
sel / Théories spéciales / Folklore), Nihon sembai kôsha 住住住住住住 (Régie du monopole japonais),
juillet Shôwa 52 (1977) ;
(hen.) Nihon minzoku bunka taikei 住住住住住住住住 (住住住住) (Corpus sur la cluture folklorique du Japon)
(12 vol.)), publ. ach. jan. Shôwa 54 (1979), Kôdansha, fév. Shôwa 52 (1977)
(kan.) Nihon ni ikiru 住 住 住 住 住 住 (Vivre au Japon) (20 vol.), publ. ach. avril Shôwa 52 (1977),
Kokudosha, nov. Shôwa 4952 (197477) (en particulier les vol. 7 & 8 de YAMAZAKI Zen’yû 住
住住住), Kôtokusha 住住住 ;
(kan.) Nihon no meisan jiten 住 住 住 住 住 住 住 (Dictionnaire des spécialités du Japon), Tôyô keizai
shimpôsha 住住住住住住住 (Société de presse économique d’Orient), oct. Shôwa 52 (1977) ;
(hen.) Nihon no mingu 住住住住住 (Les objets courants du Japon) (4 vol.) [Shibusawa Keizô sensei
tsuitô kinen shuppan 住住住住住住住住住住住住 (Publications commémoratives du souvenir du professeur
Shibusawa)] publ. ach. déc. Shôwa 42 (1967), Keiyûsha, nov. Shôwa 39 (1964) ;
(hen.) Nihon no minzoku 住住住住住 (Le folklore japonais) (11 vol.) publ. ach. juin Shôwa 40 (1965),
Kawade shobô, juillet Shôwa 39 (1964) ;
(hen.) Nihon sairei chizu 4 Fuyu . Shinshûhen 住住住住住住住住住住住住住 (Atlas des fêtes religieuses du
Japon 4 / Vol. « L’hiver – le commencement de l’année »), Kokudo chiri kyôkai 住 住 住 住 住 住
(Association de géographie du territoire), mars Shôwa 52 (1977) ;
(hen.) Nihon sairei fudoki 住住住住住住住 (Description des fêtes populaires religieuses du Japon) (3
vol.) publ. ach. fév. Shôwa 38, Keiyûsha, oct. Shôwa 37 (1962) ;
(hen.) Nihon shomin seikatsushiryô shûsei 住住住住住住住住住住 (20 vol.), publ. ach. nov. Shôwa 52
(1977), San’ichi shobô 住住住住, juill. Shôwa 43 (1968) ;
(kan.) Nihon zankoku monogatari 住住 住住 住住 (Contes cruels japonais) (5 vol.), publ. ach. juillet
Shôwa 35, Heibonsha, nov. Shôwa 34 (1959) ;
(kan.) Nihon zankoku monogatari (gendaihen ni kan) 住住住住住住住住住住住住住 (Contes cruels japonais
(Volume contemporain, 2 vol.)) publ. ach. jan. Shôwa 36, Heibonsha, nov. Shôwa 35 (1960) ;
(hen.) Sakurada Katsutoku chosakushû 住住住住住住住 (Œuvres de SAKURADA Katsutoku) (7 vol.),
Meicho shuppan 住住住住, mars Shôwa 55 (1980)
(kan.) Sanson no chiiki bunka hozon ni tsuite I 住住住住住住住住住住住住住 I (De la préservation de la culture
locale des villages de montagne I), Sanson shinkô chôsakai 住住住住住住住 (Société d’études de
terrain sur le développement des villages de montagne), Shôwa 50 (1975) ;
(kan.) Sanson no chiiki bunka hozon ni tsuite II 住住住住住住住住住住住住住 II 住De la préservation de la culture
locale des villages de montagne II住, Zenkoku nôgyô kaizen kyôkai 住住住住住住住住 (Association pour
l’amélioration de l’agriculture à l’échelle nationale), Shôwa 51 (1976) ;
(kan.) Sanson shakai keizaishi sôsho 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Collection de revues d’économie des
sociétés villageoises de montagne) (20 vol., publ. inter.), Kokudosha 住 住 住 , déc. Shôwa 48
(1973) ;
(kan.) Senjafuda 住住住 (Etiquettes votives), Tankôsha 住住住, fév. Shôwa 50 (1975) ;
(hen.) Sugae Masumi yûranki 住住住住住住住 (Les Notes de pérégrination de SUGAE Masumi) (5
vol.) [Tôyô bunko], Heibonsha, nov. Shôwa 40 (1965) ;
(hen.) Sugae Masumi zenshû 住住住住住住 (Œuvres complètes de SUGAE Masumi) (12 vol. & 2 vol.
d’annexes), Miraisha, mars Shôwa 46 (1971) ;
(hen.) Suô Ooshima Tempô nendo nôgyô mondô / Kaeido nenchû gyôji 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
(Les questionnaires agricoles des années Tempô (18301844) / Les évènements annuels de
l’époque Kaei (18481954)), Nihon jômin bunka kenkyûjo 住住住住住住住住住 (Institut de recherche sur la
culture populaire japonaise), juin Shôwa 30, 1955) ;
(hen.) Yamaguchiken Kukachôshi 住住住住住住住 (Revue de Kukachô, en Yamaguchi), Ooshima
gun Kukachô 住住住住住住 (Arrondissement de Kuka, Canton d’Ooshima), mars Shôwa 29 (1954).
Enfin, trois volumes composés exclusivement d’entretiens jusque là introuvables sont parus
séparément aux éditions Kawade shobô, Tôkyô :
Nihonjin wo kangaeru / Rekishi.minZoku.bunka 住住住住住住住住住住住住住住 (Penser les Japonais : Histoire,
folklore et cultures), mars 2006, 2100 Y, ISBN4309224490 ;
Tabi no minZokugaku 住住住住住 (Ethnographie du voyage), août 2006 ;
Natsukashii hanashi / Rekishi to fûdo no minZokugaku 住住住住住住住住住住住住住住住住 (Histoires du bon vieux
temps : Ethnographie du milieu et Histoire), septembre 2007.
Section II Bibliographie d’ouvrages sur
MIYAMOTO Tsunéichi 「「「「「「「「「「
I Ouvrages traitant principalement de MIYAMOTO
Tsunéichi 住住住住住住住住住住住住住
AMINO Yoshihiko 住住住住, « Wasurerareta Nihonjin » wo yomu 住住住住住住住住住住住住住 (Lire Les Japonais
oubliés), Iwanami shobô 住住住住, Tôkyô, 2003, 229 p. ;
Fuchû Bunka shinkô zaidan 住住住住住住住住, Fuchûshi Kyôdo no mori hakubutsukan bukkuretto 9 :
Miyamoto Tsuneichi no mita Fuchû 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Livrets du Musée du bois du
terroir de la ville de Fuchû : Fuchû vu par Miyamoto Tsunéichi), Fuchû, Fuchûshi Kyôdo no
mori hakubutsukan, 127 p. ;
HAMAMURA Atsushi 住住住, « The Retrospective Gaze & the Basis of Nostalgic Feelings » (« Le
Regard rétrospectif et les bases du sentiment de nostalgie »), in Yoseba Annual No.14,
SPECIAL FEATURE: GLOBALIZATION / GENDER / ETHNICITY, Tôkyô, Gendai shokan,
2001 ;
IRISH Jeffrey (trad.), « Chasing Folksongs – Miyamoto Tsuneichi » (« A la chasse aux
chants folkloriques »), Kyoto journal : Perspectives from Asia, KJ 63, New York, 2006 ;
KIMURA Tetsuya 住住住住, Wasurerareta Nihonjin no butai wo tabi suru 住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Voyager
sur la scène des Japonais oubliés), Kawade shobô shinsha 住住住住住 , Tôkyô, 1ère éd. fév. 2006,
1890 Y, ISBN430922444X ;
Kinokuniya shoten 住住住住住住, Miyamoto Tsuneichi 住住住住 (Miyamoto Tsunéichi), Kinokuniya shoten
han, Tôkyô, juin 1999, 26 250 YTTC ;
KOTANI Hômei 住 住 住 住 , « Miyamoto Tsuneichisensei nempyô » 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Chronologie du
professeur Miyamoto Tsunéichi), in revue Kinki minZoku 住 住 住 住 住 住 (Ethnographie des arts et
traditions populaires du Kinki), n°88 et éd. privée Kotanijô kyôdokankan 住住住住住住住 ;
Miyamoto Tsuneichi Tsuitô bunshû henshû iinkai 住住住住住住住住住住住住住 (Comité rédacteur de Mélanges
commémoratifs pour le professeur Miyamoto Tsunéichi, Miyamoto Tsuneichi / Dôjidai no
shôgen 住住住住住住住住住住住 (Témoignages d’une époque aux côtés de Miyamoto Tsunéichi), tome I
(voir à TAMURA pour le tome II), Nihon kankô bunka kenkyûsho , Tôkyô, 1981, rééd. augm.
Heisei 16 (2004) ;
MÔRI Jimpachi 住 住 住 住 , Miyamoto Tsuneichi wo aruku 住 住 住 住 住 住 住 (Marcher avec Miyamoto
Tsunéichi), 2 vol., Shôgakkan, Tôkyô, 1998
NAGAHAMA Isao 住住住 : Hôkô no manazashi / Miyamoto Tsuneichi no tabi to gakumon 住住住住住住住住住
住 住 住 住 住 住 住 住 (Regard d’errance : Les voyages et la science de Miyamoto Tsunéichi), Akashi
shoten 住住住住, Tôkyô, 1995 ;
NAGAHAMA Isao, Nihon minshû no bunka to jitsuzô / Miyamoto Tsuneichi no sekai 住住住住住住住住住住
住 住 住 住 住 住 住 (Culture et image réelle du peuple japonais : le monde de Miyamoto Tsunéichi),
Meiseki shoten, déc. 1995, 2 548 YTTC, ISBN 4750307661 ;
SANADA Yukitaka 住住住 住住住住, Miyamoto Tsuneichi no densetsu 住住住住住住住 (La légende de Miyamoto
Tsunéichi), Aunsha 住住住, Kyôto, 2002 ;
SANO Shin’ichi 住住住住, Miyamoto Tsuneichi ga mita Nihon 住住住住住住住住住 (Le Japon que vit Miyamoto
Tsunéichi), (fascicule broché), NHK Ningen kôza 住住住住住住住 , NHK Shuppan 住住住住住 , Tôkyô, jan.
mars 2000 ;
SANO Shin’ichi, Miyamoto Tsuneichi ga mita Nihon 住住住住住住住住住 (Le Japon que vit Miyamoto
Tsunéichi), (ouvrage en volume cartonné), NHK Shuppan 住住住住住, Tôkyô, 1ère éd. 2001, 4ème éd.
2002 ;
SANO Shin’ichi : Miyamoto Tsuneichi no manazashi 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Le regard de Miyamoto
Tsunéichi), Mizunowa shuppan 住住住住住住, Kôbé, 2003 ;
SANO Shin’ichi, FUJIMOTO Kiyohiko 住住住住, USU’I Takumi 住住住, KOIZUMI Bon 住住住, TATEMATSU
Wahei 住住住住 : Miyamoto Tsuneichi no messêji : Suô Ooshima kyôdo daigaku kôgiroku 住住住住住住住住住
住住住住住住住住住住住住住 (Le message de MIYAMOTO Tsunéichi : Cours de l’Université du terroir de Suô
Ooshima), Kôbé, Mizunowa shuppan, 2007, 116 p., 15OO YHT. ;
SANO Shin’ichi, Miyamoto Tsuneichi no shashin ni yomu ushinawareta Shôwa 住住住住住住住住住住住住住住住住
(L’ère Shôwa disparue lue dans les photos de Miyamoto Tsunéichi), Heibonsha 住住住 , Tôkyô
2004.
SANO Shin’ichi (sekinin henshû 住住住住 (sous la responsabilité de住)), Miyamoto Tsuneichi tabi
suru minzokugakusha 住住住住住住住住住住住 (Miyamoto Tsunéichi, ethnographe folkloriste qui voyageait),
Kawade Michi ne techô KAWADE 住住住住, Kawade shobô shinsha 住住住住住住, Tôkyô, avril 2005, rééd.
juin 2005, 200 p. (en deux ou trois colonnes) ;
SANO Shin’ichi, Tabi suru kyojin / Miyamoto Tsuneichi to Shibusawa Keizô 住住住住住住住住住住住住住住住
(Des géants qui voyageaient : Miyamoto Tsunéichi et Shibusawa Keizô), Bungei shunjûkan
住住住住住, Tôkyô, 1996 ;
SATAO Shinsaku 住 住 住 住 住 : Kaze no hito : Miyamoto Tsuneichi 住 住 住 住 住 住 住 住 (L’homme du vent :
MIYAMOTO Tsunéichi), Kôbé, Mizunowa shuppan, 2008, 196 p. ;
SATAO Shinsaku, Miyamoto Tsuneichi / tabi no genkei 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Miyamoto Tsunéichi /
Paysages d’origine de ses voyages), photos de TANAKA Shinji 住住住住 et ARAKI Hajime 住住住 ,
Mizunowa shuppan 住住住住住住, Kôbé, juillet 2005, 94p. ;
SATAO Shinsaku, Miyamoto Tsuneichi to iu sekai 住住住住住住住住住 (Un monde nommé Miyamoto
Tsunéichi), Mizunowa shuppan, Kôbé, 2004 ;
Suô Ooshima Kyôdo daigaku 住 住 住 住 住 住 住 住 (Université du monde rural de Suô Ooshima),
Miyamoto Tsuneichi nooto Suô Ooshima Kyôdo daigaku kôgiroku 住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Notes de
cours de l’Université du monde rural de Suô Ooshima sur Miyamoto Tsunéichi) (titre
provisoire), Mizunowa shuppan 住住住住住住, Kôbé, à paraître ;
SUTÔ Isawo, Shashin de tsudzuru Miyamoto Tsuneichi 住住住住住住住住住住 (Miyamoto Tsunéichi en
photos), Miraisha, Tôkyô, 2004 ;
TAMURA Zenjirô 住住住住住 (sous la direction de), Miyamoto Tsuneichi tsuitô bunshû/ Dôjidai no
shôgen 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Témoignages d’une époque : Recueil de textes en hommage à
Miyamoto Tsunéichi), tome II (zoku 住 ) (tome I par le Miyamoto Tsuneichisensei tsuitô
bunshû henshû iinkai 住住住住住住住住住住住住住住住 (Comité pour le recueil commémoratif de textes sur le
professeur Miyamoto Tsunéichi)), Matsuno shoten 住住住住住, Shûnan 住住, Heisei 16 (2004) ;
Tôhoku geijutsu kôka daigaku Tôhoku bunka sentâ 住住住住住住住住住住住住住住住住 (Centre culturel du Tôhoku
de l’Université d’Art et technologie du Tôhoku), Kikan Tôhokugaku daiyongô : Miyamoto
Tsuneichi : Eizô to minZoku no hazama 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住(Numéro 4, trimestriel, de la
revue Etudes sur le Tôhoku : Miyamoto Tsunéichi, entre image et folklore), Yamagata,
Kashiwa shobô 住住住, août 2005, 250 p. ;
II Ouvrages traitant incidemment de MIYAMOTO
Tsunéichi 住住住住住住住住住住住住住住住
La revue Mirai 住住住住(Futur), publiée par l’éditeur Miraisha, où l’on trouve parfois des articles
sur MIYAMOTO.
AMINO Yoshihiko 住住住住 , Chûsei saikô / Rettô no chiiki to shakai 住住住住住住住住住住住住住 (Repenser le
Moyen Age : Régions et sociétés de l’archipel), Kôdansha gakujutsu bunko, Tôkyô, 1ère éd.
2000, rééd. 2004 ;
Collectif (MORIMOTO Takashi 住住住 & SUDÔ Mamoru 住住住 (dir.), NIIYAMA Shizuo 住住住住 & Suô
Ooshima kyôdo daigaku 住住住住住住住住), Okikamuro Setonaikai no chôgyo no shima 住住住住住住住住住住住住住住住,
rééd. Du n°195 d’Aruku miru kiku 住住住住住住住住住(Marcher, regarder, écouter) de mai 1983, Kôbe,
Mizunowa shuppan, août 2006, 102 p. ;
FUJITA Shôzô 住住住住 , Tenkô 住住 (Revirements), Tôkyô, Heibonsha, 1960, 2ème tome (chû 住 ),
Chapitre « Hoshu shugiteki yokusan riron – Hasegawa Nyozekan . Miyamoto Tsuneichi »住住住住
住 住 住 住 住 住 ― 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (« Théories du soutien au conservatisme – HASEGAWA Jozekan /
MIYAMOTO Tsunéichi ») ;
HIMEDA Tadayoshi 住住住住 , Wasurerareta Nihon no bunka 住住住住住住住住住住 (Les cultures du Japon
oublié), Tôkyô, DVD, Iwanami shoten, Iwanami bukkuretto 住住住住住住住住 n°193, 1ère éd. avril 1991,
rééd. Juin 2006, 63 p. ;
KASORI Takashi 住住住住, 50 cc baiku de shima no onsen Nihon isshû 住住住住住住住住住住住住住住住住 (Le tour du
Japon par les sources chaudes des îles en 50 cm³), Shôgakkan bunko 住住住住住, Shôgakkanhan
住住住 住, août 2005, 650 YHT, ISBN4094111026,
KOMATSU Tsuyoshi 住住住住住, Miyamoto Tsuneichi no ashiato Tsushima . Iki wo meguru 住住住住住住住住住
住 住 住 住 住 住 住 (Sur les traces de Miyamoto Tsunéichi : Autour de Tsushima et Iki), s.l., Komatsu
Tsuyoshi insatsu, Tsushima no kokoro II 住住住住住住 II, mai Heisei XIX (2007), 112 p. ;
SANO Shin’ichi 住住住住, Daiôjô no shima 住住住住住 (L’île de la grande réincarnation), Bungei shunjû,
Tôkyô, mai 2006, 650 YHT ;
SANO Shin’ichi, Watashi no taikenteki nonfikushonjutsu 「「「「「「「「「「「「「「 (Mes techniques pour
le récit de faits vécus), Shûeisha, nov. 2001, 714 YTTC, ISBN 4087201171
SUTÔ Isao 住住住, Yamakoshi mura 住住住住 (Le village de Yamakoshi), Nôsangyoson bunka kyôkai
住住住住住住住住 (Association culturelle des villages agraires, montagnards et de pêcheurs), oct. 2005,
ISBN4540052527, 158 p. : ouvrage illustré de photographies
Yamakoshimura shashinshû seisaku iinkai 住住住住住住住住住住住住 (Comité de réalisation d’un recueil de
photographies du village de Yamakoshi), Furusato Yamakoshi ni ikiru – Mura no zaisan wo
ikasu Miyamoto Tsuneichi no teian 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Vivre dans notre bon vieux village
de Yamakoshi Propositions de Miyamoto Tsunéichi pour faire vivre les biens du village),
Tôkyô, Nôbunkyô 住住住, 2007, 160 p. illustrées.
A noter la publication d’un recueil de calligraphies de MIYAMOTO Junko 住住住住 d’après des citations
de MIYAMOTO Tsunéichi :
NAGAOKA Hidétoshi 住住住住 (dir.), Shisaku suru tabibito Miyamoto Tsuneichi : Meigen shigen
gengoroku 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住(Un voyageur qui pense : Recueil de phrases célèbres, bon mots
et mots choisis de Miyamoto Tsunéichi), Fukuoka, Nagaoka Hidetoshi, 1ère éd. mars 2007, 32
p..
II Sources secondaires et ternaires
I Sources secondaires
A/ Bibliographie sur l’ethnographie du folklore
(minzokugaku 住住住) japonais 住住住住住住住住住
1) Ouvrages de et sur les minzokugaku dans leurs divers
aspects :
a. Auteurs japonais
AERA Mook (Asahi Shimbun Extra Report & Analysis Special Number 32, 1997) /
Minzokugaku ga wakaru 住住住住住住住 (AERA Mook (Rapport extraordinaire et analyse spéciale de
l’Asahi shimbun, n°33, 1997) Comprendre l’ethnographie du folklore), Tôkyô, Asahi
shimbunsha 住住住住住, 1997, rééd. 2003 ;
Collectif (AKIYAMA Takashi 住 住住 住 , KITAMI Toshio 住 住住 住 , MAEMURA Matsuo 住 住住 住 , WAKAO
Shumpei 住住住住, MIYAMOTO Kesao 住住住住住 et WADA Masakuni 住住住住), Zuroku nômin seikatsushi
jiten 住住住住住住住住住住 (Encyclopédie illustrée d’Histoire de la vie quotidienne des populations rurales),
Tôkyô, Kashiwa shobô 住住住, 1991, 278 p. ;
Collectif, MinZoku tambô jiten 住住住住住住, Tôkyô, Yamakawa shuppansha 住住住住住, 1983, rééd. 2002,
465 p. ;
EGAMI Namio, Kiba minzoku kokka 住 住 住 住 住 住 (L’Etat des ethnies cavalières), Tôkyô,
Chûô kôronsha, Shôwa XLII (1967), rééd. Shôwa XLV (1970) ;
(dir.), Kiba minzoku to ha nani ka ? 住住住住住住住住 (Qu’estce que les ethnies cavalières ?), Tôkyô,
Shôwa L (1975), Mainichi shimbunsha, 242 p. ;
FUKUDA Ajio 住住住住住, KANDA Yoriko 住住住住住, SHINTANI Takanori 住住住住, NAKAGOMI Mutsuko 住住住住,
YUKAWA Yôji 住住住住 et WATANABE Yoshio 住住住住 (dir.), Seisen Nippon minZoku jiten 住住住住住住住住
(Dictionnaire raisonné d’ethnographie du folklore du Japon), Tôkyô, Yoshikawa kôbunkan,
2006, 692 p. ;
HIMEDA Tadayoshi 住住住住 (dir.), Haruka naru kirokusha he no michi – Himeda Tadayoshi to
Eizô minZokugaku 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (La route vers un documentariste éloigné : HIMEDA
Tadayoshi et l’ethnographie du folklore en images), Tôkyô, Kinokuniya shoten, 2007, DVD,
3150 ¥
KITA Sadakichi 住住住住, Hisabetsu buraku toha nani ka ? 住住住住住住住住住 (Qu’estce que les « Hameaux
discriminés » ?), Tôkyô, Kawade shobô shinsha, 2008, 262 p. ;
KOMATSU Kazuhiko 住住住住 & SEKI Kazutoshi 住住住, Atarashii minZokugaku he : No no gakumon
no tame no ressun 26 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Vers un nouveau folklore : Leçon 26 pour l’étude
de la science de la campagne), Tôkyô, Serika shobô 住住住住住, 2002, 334 p. ;
MINAKATA Kumagusu 住住住住, Zenshû 住住 (Œuvres complètes), Tôkyô, Heibonsha, 12 vol. + un
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NOZOE Kenji 住住住住, Matagi wo nariwai ni shita hitotachi 住住住住「「「「
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住住住住住, 2006, 246 p. ;
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2002 ;
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SHIBUSAWA Keizô 住住住住, Chosakushû 住住住 (Œuvres), éd. établie par AMINO Yoshihiko 住住住住, 5
tomes, Tôkyô, Heibonsha 住住住, 19921993 ;
SHINTANI Takanori 住住住住, NAMIHIRA Emiko 住住住住住 & YUKAWA Yôji 住住住住, Kurashi no naka no
minzokugaku 住住住住住住住住住 (Ethnographie des arts et traditions populaires au cœur de la vie), t. 1 :
Ichinichi 住住 (La journée), 258 p. ; t. 2 : Ichinen 住住 (L’année), 240 p. ; t. 3 : Isshô 住住 (La vie),
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SUGAE Masumi 住住住住, Minzoku go’i 住住住住 (Vocabulaire du folklore), éd. établie par INE Yûji 住住住,
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Tokoyoron 住住住 (De l’autre monde), Tôkyô, Kôdansha gakujutsu bunko, 1ère éd. 1989, 286 p. ;
YAGIRI Tomeo 住 住 住 住 , Sanka minZokugaku 住 住 住 住 住 住 (Ethnographie des Sanka), Tôkyô,
Sakuhinsha 住住住, 2003, 302 p. ;
YANAGITA Kunio 住 住 住 住 , Yanagita Kunio Zenshû 住 住 住 住 住 住 (Œuvres complètes), 32 volumes,
Tôkyô, Chikuma bunko 住住住住住, Chikuma shobô 住住住住, 19891991 ;
Contes du Japon d’autrefois, traduit du japonais par Geneviève SIEFFERT, Paris, Littérature
d’étranges pays, POF, 1983, 183 p. ;
Les yeux précieux du serpent, trad. Geneviève SIEFFERT, Le Serpent à plumes, Paris,
1999, 193 p. ;
Chimei no kenkyû 住 住 住 住 住 (Recherches sur les toponymes), Tôkyô, Kadokawa bunko,
Kadokawa shoten, Shôwa XLIII (1968), rééd. Shôwa XLIX (1974), 316 p. ;
Tôno monogatari 住住住住(Contes de Tôno) ; traduction anglaise : The Legends of Tôno, traduit et
présenté par Ronald A. MORSE, Tôkyô, The Japan Foundation, 1975, 90 p. ;
« Le Rappel du soleil », dans Cahiers d'études et de documents sur les religions du Japon
IV, Paris Centre d'Etudes sur les Religions et Traditions du Japon, Ecole Pratique des Hautes
Etudes ;
« Le Pouvoir de la sœur (Imō no chikara) », dans Cent ans de pensée au Japon, ALLIOUX
YvesMarie (dir.), tome II, Arles, Philippe Picquier, 1996 ;
b. Auteurs occidentaux
BERTHIERCAILLET L., Fêtes et rites des quatre saisons au Japon, Cergy, POF, 1981 ;
BOUCHY Anne, Shashin gyôja Jitsukaga no shugendô (Le shugendô de Jitsukaga, ascète
de l'abandon du corps), Tôkyô, Kadokawa shoten, 1977, 80 p. ;
Tokuhon ascète du nenbutsu Dans le cadre d'une étude sur les religieux errants de
l'époque d'Edo, Cahiers d'Etudes et de Documents sur les Religions du Japon 5, Paris,
Centre d'Etudes sur les Religions et Traditions du Japon, Ecole Pratique des Hautes Etudes,
Ve Section, 1983, 216 p. ;
Les oracles de Shirataka, ou la sibylle d'Ôsaka. Vie d'une femme spécialiste de la
possession dans le Japon du XXe siècle, Arles, Editions Philippe Picquier, 283 p., 8 plans et
cartes, 23 illustrations, 31 photographies. Prix Alexandra DavidNeel, 1ère éd. 1992, rééd.
1993, nouvelle éd. 2005, texte augmenté, 60 photos et illustrations, 7plans et cartes ; ;
CHAMBERLAIN Basil Hall, Mœurs et coutumes du Japon, Paris, Payot, 1931 ;
COURQUET C., Le chat dans le folklore du Japon, Alfort, Th. Méd. Vét., 1986, 152 p. ;
COYAUD Maurice, De fête en fête (folklore du Japon, haïku, proverbes, itako, sumo,
namazue), Paris, PAF, 2000 ;
EMBREE John, Suye Mura: A Japanese Village, Chicago, University of Chicago Press,
1939 ;
HAGUENAUER Charles, Origines de la civilisation japonaise / Introduction à l’étude de la
Préhistoire du Japon, t. 1, Lille, Imprimerie nationale, Librairie Klingsieck, 1956, 640 p. ;
LEROIGOURHAN André, Pages oubliées sur le Japon, Paris, éd. Jérôme Millon, 2004, 500
p. ;
ROBERTSON Jennifer (dir.), A Companion to the Anthropology of Japan, Oxford, Blackzell
Publishing, 2005, 501 p. ;
ROTERMUND Hartmunt O. (sous la direction de), Religions, croyances et traditions
populaires du Japon, Paris, Maisonneuve et Larose, 1988, 2000, 540 p. ;
2) Sur MINAKATA Kumagusu :
TSURUMI Kazuko 住住住住 , Minakata Kumagusu 住住住住 , Tôkyô, Kôdansha, Kôdansha gakujutsu
bunko, 1ère éd. janvier 1981, rééd. décembre 2004, 318 p..
3) Sur YANAGITA Kunio572 :
BOKUDA Shigeru 住 住 住 , Hyôden Yanagita Kunio 住 住 住 住 住 住 (Yanagita Kunio, une biographie
critique), Tôkyô, Nihon shoseki 住住住住, juill. 1979 ;
KAWADA Minoru 住 住 住 , Yanagita Kunio no shisôteki kenkyû 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Les recherches
idéologiques de Yanagita Kunio), Yoshikawa kôbunkan 住 住 住 住 住 , Tôkyô, 1997 ; traduction
anglaise, The Origin of Ethnography in Japan : Yanagita Kunio and his Time (Les origines de
572 Pour les ouvrages de YANAGITA Kunio, cf. plus haut.
l’ethnographie au Japon : Yanagita Kunio et son temps), traduit par Toshiko KishidaEllis,
London & New York, Kegan Paul International, 1993 ;
MATSUMOTO Mikio 住住住住住, Yanagita Kunio to minZoku no tabi 住住住住住住住住住 (Yanagita Kunio et le
voyage ethnographique), Tôkyô, Yoshikawa kôbunkan 住住住住住, Heisei IV (1992), 254 p. ;
MATSUMOTO Mikio, Yanagita « minZokugaku » he no teiryû 住住住住住住住住住住住 (Le courant de fond
vers la « minZokugaku » de Yanagita), Tôkyô, Seikyûsha 住住住, 1994, 212 p. ;
NAKAMURA Akira 住 住 住 , Yanagita Kunio no shisô 住 住 住 住 住 住 住 (La pensée de Yanagita Kunio),
Tôkyô, Kôdansha gakujutsu bunko, Shôwa LII (1977), 2 vol., 174 et 205 p. ;
OOTSUKA Eiji 住住住住, Gishi toshite no miZokugaku : Yangita Kunio to itan no shisô 住住住住住住住住住住住住住住
住住住住住住 (La minZokugaku en tant qu’Histoire mensongère : YANAGITA Kunio et les pensées
hétérodoxes), Tôkyô, Kwai 住 BOOKS, Kadokawa shoten, 2007, 270 p.
4) Ethnographie et ethnologie de la Chine et de l’Asie
rurales :
a. En langue chinoise
FÈI Xiàotōng 住 住 住 (19102005), (anthropologie historique et sociologie), Wènjí 住 住 住 住 住 住 住
(Œuvres), Bĕijīng, Qúnyán chūbănshè 住住住住住, 1999 ; (par ex. : Peasant Life in China住1939住住住住住住
住住住住 ; 住住住住住住住1943住 ; Earthbound China 1945) ; 住住住住住1945住 ; 住住住住住住住1946住 ; 住住住住住住住1947住 ; 住住住住住住
住1948 住 ; 住 住 住 住 住 住 住 1948 住 ; Toward a Peoples Anthropology 住1981 住 ; Chinese Village Close
up住1983住 ; 住住住住住住住住住住住1983住 ; 住住住住住住住住1985住 ; 住住住住住住住住住住住住1985住 ; 住住住住住住住住住住住1985住 ; Small Towns in
China住1986住 ; 住住住住住住住住住住1986住 ; 住住住住住住住住住住住住1987住 ; 住住住住住住住住住住住住1988住 ; 住住住住住住住住1989住) ;
b. En langues occidentales
MYRDAL Jan, Un village de la Chine populaire, trad. de C.G. BJURNSTRÖM et André
MATTHIEU, Paris, L’Espèce humaine, nrf, Gallimard, éd. orig. 1963, trad. 1964, 419 p. ;
THIREAU Isabelle et WANG Hansheng (dir.), Disputes au village chinois : Formes du juste
et recompositions locales des espaces normatifs, Paris, Editions de la Maison des sciences
des l’homme, 2001, 342 p. ;
B/ Bibliographie d’ouvrages sur l’ethnographie,
l’ethnologie et l’anthropologie 住住住住住住住住住住住住住住住
La présente bibliographie se veut simplement indicative. Pour plus de référence, le lecteur voudra bien
se reporter aux ouvrages spécialisés, et notamment à la bibliographie figurant dans Introduction à
l’ethnologie et à l’anthropologie, de Jean COPANS.
1) Divers ethnographie / ethnologie / anthropologie en
général :
AOKI Eriko 住住住住住 : Sei wo orinasu poetikkusu / Indoneshia.Furôresutô ni okeru shiteki
katari no jinruigaku 住住住住住住住住住住住住 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Une poétique qui tisse la vie /
Anthropologie culturelle des récits poétiques de l’île de Flores, Indonésie), Kyôto, Sekai
shisôsha kyôgakusha 住住住住住住住住, avril 2005, 556 p., 4,410 Y.TTC, ISBN 4790711153 ;
Tedzukuri zakkaten CLOUDY 住住住住住住住住住住住住 (CLOUDY, un grand magasin de produits faitmain),
Tôkyô, Ondorisha 住住住, octobre 2005, 103 p., 住住, 1 365 Y TTC, ISBN 4277430635 ;
AUGE Marc : Pour une anthropologie des mondes contemporains, Paris, Aubier ; 1994, rééd.
Champs Flammarion, 1997, 2003 ;
BENSA A. et FASSIN E., « Les sciences sociales face à l’événement », Terrain, 38, 2002 ;
BERGER Laurent, Les nouvelles ethnologies, Enjeux et perspectives, Paris, Sociologie 128
n°298, Nathan Université 2004, 127 p. ;
BLANCHET Alain et GOTMAN Anne, L’enquête et ses méthodes : l’entretien, Paris, Nathan
Université, 1992, rééd. 2001 coll. 128 sociologie n°19, 125 p..
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LABURTETOLRA Philippe & WARNIER JeanPhilippe, Etnologie, Anthropologie, Paris,
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LAPLANTINE François, La description ethnographique, Paris, Sciences sociales 128 n°119,
Nathan, 1996, rééd. Arman Colin 2005, 128 p. ;
LEVISTRAUSS Claude, Tristes Tropiques, Paris, Terre Humaine Pocket, Plon, 1955, rééd.
2004, 504 p. ;
LEVISTRAUSS Claude (dir.), L’identité (séminaire), Paris, Quadrige, puf, 1971, rééd. 1983,
2000, 340 p.
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MAUSS Marcel, Manuel d’ethnographie, Paris, Petite bibliothèque Payot, 1967, rééd.
2002, 360 p. ;
— Sociologie et anthropologie, Paris, Quadrige, puf, 1ère éd. 1950, rééd. 2003, 475 p. +
annexes et table ;
MERCIER P., Histoire de l’anthropologie, Paris, 1966 ;
MONTANDON George, Traité d’ethnologie culturelle, Paris, Payot, 1934 ;
Pausanias, Description de la Grêce ;
PITTRIVERS Julian : « Un rite de passage dans la société moderne : le voyage aérien », in
Les Rites de passage aujourd’hui, Actes du colloque de Neufchâtel, 1981, sous la dir. De P.
CENTLIVRES et J. HAINARD, Lausanne, L’Age d’Homme, 1986 ;
POIRIER Jean, Ethnologie générale, Paris, Encyclopédie de La Pléiade, Gallimard, 1968 ;
SEGALEN Martine (dir.), Ethnologie : Concepts et aires culturelles, Paris, Armand Colin,
2001, 320 p. ;
SERVIER Jean, L’ethnologie, Paris, Que sais-je, puf, 1986, rééd. 1997, 128 p. ;
VALIERE Michel, Ethnographie de la France, Paris, Armand Colin Cursus, 2002, 214 p. ;
VAN GENNEP Arnold, Les rites de passage, Paris, A. et J. Picard, 2000, 288 p. ;
WEBER Florence, Guide de l’enquête de terrain, Paris, La Découverte, 2003.
2) Sur le folklore :
FORTOUL Hippolyte, Recueil général de poésies populaires de la France ;
GIRAUD (J.), PAMART (P.), RIVERAIN (J.), « Mots dans le vent », Vie Lang. 1970, p. 50,
QUEM. DDL t. 2. ;
HERSART de LA VILLEMARQUE Théodore, BarzazBreiz, Paris, 1939 ;
SEBILLOT Paul, Le folklore de France, Paris, Librairie Orientale et Américaine, 1940, 4 vol. ;
TENEZE MarieLouis, Nanette Lévesque, conteuse et chanteuse du pays des sources de la
Loire : la collecte de Victor Smith 18711876, Paris, Gallimard, 2000 ;
VAN GENNEP Arnold, Manuel de folklore français contemporain, Paris, 1939, rééd. Le
folklore français, Paris, Robert Laffont, Bouquins, 19981999, 4 volumes (trois tomes de
1200, 1140 et 810 p. et un tome bibliographique de 1110 p.) ;
3) Divers
Ruralité en français
CHAMPAGNE Patrick, L'héritage refusé. La crise de la reproduction sociale de la
paysannerie française 19502000, Paris, Seuil, 2002 ;
DIBIE Pascal, Le village retrouvé : Essai d’ethnologie de l’intérieur, s.l., Editions de l’Aube,
1979, 1995, rééd. 2005, 257p. ;
DIBIE Pascal, Le village métamorphosé : révolution dans la France profonde, Paris, Plon,
mars 2006, 405 p. ;
DUBY Georges, L’Économie rurale et la vie des campagnes dans l’Occident médiéval. Essai
de synthèse, perspectives de recherches, 2 vol, Paris, Aubier, 1962, 285 et 368 p. ;
DUBY Georges, Histoire De La France Rurale Tome 1, des Origines à 1340, Paris, Seuil,
Point Histoire, 1997, 714 p. ; Tome 2, L'âge Classique des Paysans de 1340 à 1789, 1997,
658 p. ; Tome 3, De 1789 À 1914, Apogée et Crise de la civilisation paysanne, 1997, 560 p. ;
Tome 4, La Fin de la France paysanne, de 1914 à nos jours, 1997, 667 p. ;
FAVRETSAADA Jeanne, Les mots, la mort, les sorts, Gallimard Folio/Essais, Paris, 1994 ;
RENAHY Nicolas, Les gars du coin : enquête sur une jeunesse rurale, Paris, Editions La
Découverte, Textes à l’appui, 2005, rééd. 2007, 285 p. ;
II Sources ternaires
A/ Ouvrages sur le Japon
- a. Auteurs japonais (et coréens)
Divers
AMINO Yoshihiko 「 「 「 「 , Chûsei saikô 「 「 「 「 「 「 (Repenser le MoyenAge), Tôkyô, 1ère éd. en
volume, Kôdansha gakujutsu bunko, 2000, rééd. 2004 ;
Collectif, CHŎNG Yŏnghai (JUNG Yeonghae) 「 「「 [ 住 住 住 ] et UENO Chidzuko 住 住 住 住 住 , Datsu
aidentitî 住住住住住住住住住 (L’Identité mise à nu), Tôkyô, Keisô shobô 住住住住, 2005, 334 p. ;
Collectif, Daijisen 住住住, Tôkyô, Shôgakukan, 1998, 2864 p. ;
KINDA’ICHI Haruhiko 住住住住住 (dir.), Shinmeikai Nihongo akusento jiten 住住住住住住住住住住住住 (Nouveau
dictionnaire Meikai des intonations du japonais), Tôkyô, Sanseidô, 2002, 931+110 p. ;
KOUAME Nathalie, Pèlerinage et société dans le Japon des Tokugawa : Le pèlerinage de
Shikoku entre 1598 et 1868, Monographie 188, Paris, Ecole française d’ExtrêmeOrient,
2001, 317 p. ;
NAKAHIRA Ryûjirô 住 住 住 住 住 , Honto ni aruku Ooyama kaidô 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (La route d’Ooyama
réellement empruntée à pieds), Tôkyô, Fûjinsha 住住住, 2007, 221 p. ;
NISHIMURA Tooru, Shirarezaru Genji monogatari 住住住住住住住住住 (Le Dit du Genji qu’on ne connaît
pas), Tôkyô, Kôdansha gakujutsu bunko, 2005, 324 p. ;
OONO Susumu 住 住 住 , Nihongo no kigen 住 住 住 住 住 住 (Les origines du japonais), Tôkyô, Iwanami
shinsho, Shôwa XXXII (1957), rééd. Shôwa XLIX (1974) ;
SAKURADA Katsutoku 住住住住 (19031979), Sakurada Katsutoku chosakushû 住住住住住住住 (Œuvres de
SAKURADA Katsutoku) (7 vol.), Tôkyô, Meicho shuppan 住住住住, mars Shôwa 55 (1980) ;
TOYODA Takeshi, A History of PreMeiji Commerce in Japan (Une Histoire du commerce au
Japon d’avant Meiji), Kokusai bunka shinkokai (Japan Cultural Society), Japanese Life and
Culture Series, Tôkyô, 1969, 130 p. ;
Nihonjinron (études sur la japonité)5 7 3 :
KARATANI Kôjin 住住住住, Nihon seishin bunseki 住住住住住住 (Analyse psychologique du Japon), Tôkyô,
Kôdansha gakujutsu bunko, 2007, 291 p. ;
KAWAMOTO Yoshikazu 住住住住 : Wajinbunkaron : Sono kijiku no hakken 住住住住住住住住住住住住住 (Théorie
de la culture des Wajin : La découverte de cet axe), Tôkyô, Ochanomizu shobô 住住住住住住, 1ère éd.
2005, 306 p..
- b. Auteurs non japonais
BERTHIER François, Genèse de la sculpture japonaise, POF, s.l., 1979 ;
Collectif (édité par FUKUI Fumimasa et FUSSMAN, Gérard) : Bouddhisme et cultures
locales / Actes du colloque francojaponais de septembre 1991, Ecole française d’Extrême
Orient, Paris, 1994, 305 p. ;
GIRARD Frédéric, HORIUCHI Annick, MACE Mieko (dir.) : Repenser l’ordre, repenser
l’héritage : Paysage intellectuel du Japon (XVIIè XIX 7è siècles), Paris, Ecole pratique des
Hautes études, Sciences historiques et philologiques II, Hautes études orientales 336,
Extrême Orient 2, Genève, DROZ, 2002, XXIV, 528 p. ;
LABRUNE Laurence, « Fiche de grammaire / Transcrire le japonais », Daruma, numéro 6/7
du printemps 2000, Editions Philippe Piquier, Arles, 2000, p.339356 ;
MACE François, La mort et les funérailles dans le Japon ancien, Paris, Publications
orientalistes de France, 1986 ;
MORETON David C., The History of Charitable Giving Along the Shikoku Pilgrimage Route
(L’Histoire de la charité sur la route du pèlerinage à Shikoku), A Thesis Submitted in Partial
Fulfillment of the Requirement ofr the Degree of Master of Arts in the Faculty of Graduate
Studies, The University of British Columbia, mai 2001 ;
573 Pour des références supplémentaires, voir notre mémoire de DEAMaster « De quelques influences de l’étranger sur l’identité japonaise », Lyon, Unviversité Jean Moulin Lyon III, 2004.
NELSON Andrew Nathaniel, The New Nelson, éd. révisée et mise à jour par John H. HAIG,
Tôkyô, Tuttle, 1997 ;
ORIGAS JeanJacques (dir.), Dictionnaire de littérature japonaise, Paris, PUF/Quadrige, 1ère
éd. 1994, rééd. 2000, 366 p. ;
PARVULESCO MargueriteMarie, Ecriture, lecture et poésie, Paris, P.O.F., 1991, 288 p. ;
PELLETIER Philippe, Géographie historique de la suinsularité au Japon, Paris, Espaces et
milieux, Ed. CNRS, 1998, 391 p. ;
— Japon – Crise d’une autre modernité, Paris, Belin, Coll. Asie plurielle, 2003, 208 p. ;
PERRONY Claude, Les Plantes du Man.yôshû, Paris, Collège de France, Université Paris
7, Maisonneuve et Larose, 1993, 250 p. ;
PIGEOT Jacqueline, Michiyukibun : Politique de l’itinéraire dans la poétique du Japon
ancien, Paris, Editions G. P. Maisonneuve et Larose, 1982, 400 p. ;
PLANISEK Joëlle, Techniques et société au Japon / Histoire sociale de l’enseignement
technique 19451985, I.N.R.P. L’Harmattan, Paris, 1989, 188 p. ;
REISCHAUER Edwin O., Japan, the Story of a Nation (1re éd. Japan, Past and Present
(1946)), New York, Alfred A. Knopf, traduction française (Histoire du Japon et des Japonais)
et mise à jour de Richard Dubreuil, Paris, Seuil, Points Histoire, 2 vol., 1973, rééd. et mise à
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RICHIE Donald, The Honorable Visitors (Les Honorables visiteurs), ICG Muse, Inc., Tuttle,
Tôkyô, 1994, rééd. 2001, 207 p. ;
RIEUX Alain Marc, Savoir et pouvoir dans la modernisation du Japon, Paris, P.U.F., 2001,
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ROCHER Alain, « La fonction heuristique de l'histoire des religions japonaises », Actes du
colloque de Tokyo 2001"La France et l'Asie de l'est". Pub. 2003 ;
ROCHER Alain, Mythe et souveraineté au Japon, P.U.F., Paris, 1997.
SIGANOS André, VIERNE Simon, Montagnes imaginées, montagnes représentées :
Nouveaux discours sur la montagne de l’Europe au Japon, Grenoble, Ellug, Atelier de
l’Imaginaire, juin 2000, 435 p. ;
Documents plus anciens (antérieurs à 1950) :
Les trois auteurs étudiés par MIYAMOTO :
BIRD Isabella Lucy (18311904), Unbeaten tracks in Japan (Le Japon hors des sentiers
battus), 1ère éd. G.P. Putnam’s Sons, New York, 1880, rééd. Travellers’Tales Classics, San
Francisco, 2000, 349 p. ;
Collected Travel Writings (Ecrits de voyages rassemblés), With a new Introduction by Olive
Checkland, Fellow (Overseas), Fukuzawa Memorial Centre, Keio University, Tokyo,
Ganesha Publishing Ltd., 1998 ;
Sur Isabella Bird, on pourra lire la biographie qu’a rédigé Evelyn KAYE, Amazing Traveler
Isabella Bird (Une étonnante voyageuse : Isabella Bird), Blue Panda Publications; 2ème éd.
sept. 1999, 250 p., ISBN: 0962623148. La même essayiste est elle aussi partie sur les
traces de son sujet d’études, et ce au Japon, et en a tiré le sujet d’Adventures in Japan
(Aventures au Japon), Blue Panda Publications, août 2000, 250 p. ISBN: 1929315007 ;
Plus ancien, l’ouvrage de Pat BARR, A Curious Life for a Lady : The story is Isabella Bird,
Traveller Extraordinary (Une drôle de vie pour une dame : L’histoire d’Isabella Bird,
extraordinaire voyageuse), John Murray, Londres, 1970 ;
FURUKAWA Koshôken, Tôyû zakki 住住住住 (Notes éparses de pérégrinations dans l’Est), 住住住住住住住
住住, Tôkyô, Tôyô bunko 27 住住住住住住住, 1964, 305 p. ;
SUGAE Masumi 住住住住 (17541829), Sugae Masumi yûranki 住住住住住住住 (Notes de pérégrination) (5
vol.), Tôkyô, [Tôyô bunko], Heibonsha, nov. Shôwa 40 (1965) ;
Autres auteurs :
MORSE Edward Sylvester, Japan Day by Day, Boston and New York: Houghton Mifflin
Company, 1917, 450 p. ;
SATOW Ernest, sir, Un diplomate au Japon, New York & Tôkyô, IGC Muse, 2000, rééd.
2003 (éd. orig. Londres, Seeeley, Service et co., 1921), 424 p. ;
B/ Divers
BILLETER, JeanFrançois, Contre François Jullien, Paris, Allia, 2006, 122 p ;
BRAUDEL Fernand, (dir.) La Méditerranée. L’espace et les hommes, Paris, Arts et métiers
graphiques, 1977.
— (dir.) La Méditerranée. Les hommes et l’héritage, Paris, Arts et métiers graphiques, 1978
— L’identité de la France, Paris, Arthaud, 3 volumes, 1986 ;
DURAND Gilbert, Structures / Eranos I, Paris, La Table ronde, Contretemps, 2003,
« Dualismes et dramatisation » ;
ERISMANN Guy, Janáček ou la passion de la vérité, Paris, éditions du Seuil, 1979, rééd.
2007, 350 p ;
GAUCHET Marcel, Le désenchantement du monde : une histoire politique de la religion,
Paris, Gallimard, 1985 ;
LYOTARD JeanFrançois, La condition postmoderne, Paris, Editions de Minuit, 1979 ;
LYOTARD JeanFrançois, Le différend, Paris, Editions de Minuit, 1983 ;
NORA Pierre, Les lieux de mémoire, Paris, Quarto, Gallimard, 1997, 3 tomes, 4751 p. au
total ;
RIEUX Alain Marc, Les visiteurs et leurs musées, Paris, La documentation française, 1988,
225 p.
SAID Edward W. : L’orientalisme : L’Orient créé par l’Occident, Paris, Seuil, La couleur des
idées, 2005, 422 p..
VALERY Paul, Cahiers I. , Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1973.
Prononciation du chinois :
On citera par exemple les ouvrages suivants, destinés aux débutants :
BELLASSEN Joël, Méthode d'initiation à la langue et écriture chinoise (tome 1), Paris, La
Compagnie, 1990 ;
— Perfectionnement à la langue et à l'écriture chinoise (tome 2), Paris, La Compagnie,
1991 ;
HOA Monique, C'est du Chinois, 2 vol., Paris, Librairie You Feng, 2001 ;
DESIRAT Michel, Parlez chinois en 40 leçons, Paris, Les Langues pour tous, 2003 ;
MEUWESE Catherine : Ping et Pang Chinois pour débutants, Paris, ellipses, 2001.
Annexes
Annexe I : Textes originaux inédits et traduction
I Textes de MIYAMOTO Tsunéichi : « Byôkan
roku » (« Carnet de maladie »)
1) Texte original
住
住
住
住住住住574
5.14.住(1) 住住住「「「「
住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住「 「
住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
住(2) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
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住(3) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
住(4) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住「
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5.15.住(6) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
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住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
574 1930.
住(7) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
住(8) 住住住住住住住住住住住住住住
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住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
住(11) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
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住(12) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住「 「
住住住
住 (13) 住住住住住住住住住住住「「
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住 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
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5.16. 住(14) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
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住住住住住住住住住住「 「
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住(15) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
住住住住住住住住住住住住住住住
住(16) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住「「
住住住住住住住住住住住
住(17) 住住住住住住住住住住住住住住住住住「「「
住 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
5.17.住(18) 住住住住住住住住住住住住住「「
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住(19) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
住(20) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住「「
住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
住(21) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
住(22) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住「「
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5.18. 住(24) 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
「「「「
住住住住住住住住住住住住住
2) Traduction française
Carnet de maladie
Shôwa V (1930)
14 mai
1. Ayant toujours conscience de ma propre maladie et cherchant à la vaincre, (mais comment ?),
croyant par ailleurs que je ne peux que guérir d’une façon ou d’une autre, pour la première fois je
parviendrai à atteindre ce but.
2. C’est à se demander si mon inquiétude va finir à ma mort.
Vraiment, je ne comprends toujours pas que l’on dise que les hommes sont des êtres qui doivent [tous]
mourir. Pourquoi ? Eh bien parce que je n’ai pas encore fait l’expérience de la mort.
3. Les illusions (gen’ei) des malades sont généralement morbides. Un esprit sain réside dans un corps
sain.
4. Cela fait même déjà cinquante jours que je suis rentré à la maison. Lorsque je réfléchis [au temps
passé] depuis que je suis tombé malade, cela représente en fait cent trente jours. La semaine de
l’équinoxe n’étant pourtant plus qu’à un pas, elle est encore hors de ma portée.
Au regard de sa santé, l’Homme est faible.
5. Les trois frères X…naka sont morts d’une maladie pulmonaire. Il semble qu’ils pensaient qu’ils
mourraient de maladie. Chacun en était arrivé à ce sentiment. Mais, on avait l’impression que quelle
que soit la maladie la confiance dans le traitement la guérirait.
15 mai
6. Hier, ma température est montée jusqu’à 37°. Il aura fallu à peu près une heure pour cela, mais
décidément ça m’a fait battre le cœur.
Je ne laisse d’être étonné par la force de l’attachement à la vie.
Il faut que je terrasse cette maladie à tout prix.
7. La première chose qui compte c’est de se soigner avec courage. Etre mesuré est une grande force
qui affaiblit la maladie.
Quoi que l’on rencontre, la maladie sera vaincue à la fois par le courage de la supporter patiemment et
par les soins.
8. Je vais lire le Manuel d’Epictète.
9. La témérité [ne sert à rien], elle n’aggrave ni n’allège la maladie. Mais jusqu’à un certain point, il
est nécessaire de faire le brave.
10. Il ne faut pas que j’éprouve de la répugnance pour cette maladie. Je dois la regarder en face
patiemment.
Il me faut être celui qui, sans chercher ni à tromper son sentiment de souffrance, ni à se sauver, endure
avec patience. Ainsi pourraije reconstruire un nouvel état d’esprit. Ensuite, il me faudra grâce à cela
quitter ce sentiment de solitude et cette affliction (hammon). En d’autres termes, même si je ne puis
quitter l’affliction même, l’affliction étant ce qu’elle est, il me faudra avoir en moi un monde plus
élevé.
11. Si je cherchais à me sauver de cette affliction, au contraire je me tracasserais. Quel que soit le
monde dans lequel je me trouve, il faut que je le supporte. Je devrais, à l’égard de la souffrance de
mon corps, répandre des larmes, et, toujours pour la même raison, me tourmenter. Mais même si je
souffre, il me faut désormais avoir le courage de m’en sortir.
Il s’agit de demeurer patiemment dans l’affliction.
12. Maladie venue du ciel. Jusqu’à ce qu’elle sorte de moi, je l’endurerai patiemment.
13. Dans le passé que j’ai arpenté à pieds de toutes mes forces, les choses que j’ai faites, elles me sont
trop pitoyables.
Cependant, il ne faut pas que je prenne cela pour un malheur. Ce fut la voie qui m’était échue, aussi
j’ai eu beau batailler, je l’ai attrapée. Il ne faut pas non plus que j’en conçoive du ressentiment, ni que
cette maladie me répugne. Même si je me dis que cette maladie était la [seule] rétribution de tous mes
efforts, il faut que je la reçoive.
Ce que je me suis vu octroyé est à moi.
16 mai
14. J’ai un léger accès de fièvre. Il y a des gens qui vont jusqu’à nier ce genre de choses.
Il est des personnes qui, comme moi, s’effraient d’une simple fièvre.
Si l’on songeait à toutes ces bagatelles avant d’arriver aux choses vraiment importantes (subete daiji
ni itaru mae no saji to omoeba)…
15. Le fait de dire qu’on se divertit est plus difficile que de dire qu’on travaille tant soit peu. Parce
qu’au milieu du divertissement, on ne doit pas oublier le soin de sa santé ni la discipline, disait mon
père.
Et « si l’on se divertit habilement, on se guérit ».
16. Pour les choses du corps, on a beau s’interroger, on ne peut même rien faire tout seul par soi
même. Il faut que je ne compte que sur mon moral (seishin).
17. En toute angoisse et en toute affliction, je me vois cherchant patiemment à (re)trouver une lueur.
Ce Moi (onore) est faible. Mais je ne peux nier qu’il s’agit de moi. Je ne peux fuir de ce moi
(watashi). Le nier reviendrait à me nier moimême. Quoi que je fasse, il me faudra vivre sous cette
forme.
17 mai
18. Ce moisci, mes camarades doivent se réunir à la Société des chemins de fer. Les thèmes que
j’avais soumis sont bien passés et la revue a pu se faire. A quel point SHIGETA atil travaillé à cela ?
19. Ce sont les billets successifs des professeurs MORI et KANEKO, les lettres de mes maîtres, qui
me revigorent le plus.
20. Il m’arrive par moment d’être d’extrêmement bonne humeur. D’autres fois, il m’arrive sans doute
d’être mélancolique. Pourtant, c’est pour moi quelque chose qui ne changera pas (dô ni mo naranai).
21. Je lis la thèse du docteur NISHI, où on trouve : « L’impossible ne passe pas » (« Muri ha
tooranainodearu »).
22. La guerre continue. Mais dans mon combat, il n’y aura de mon vivant aucun chant de la victoire.
23. Il s’est mis subitement à faire bon. Les jours radieux vont se succéder. Mais je sens mon corps
lourd. Echapper à cette lourdeur, plutôt que de rechercher l’ombre des arbres (juin)575, c’est s’habituer
à rester immobile dans cette chaleur.
18 mai
24. J’ai promis de donner au temple syncrétique (jingûji) une lecture sur le Recueil des dixmille
feuilles/générations (Man’yôshû). La question est : jusqu’à quel point y parviendraije effectivement ?
Je m’interromps à cause de l’apparition d’une catarrhe pulmonaire.
575 Juin 「「「「 (Ombrages d’arbres) est le titre d’un recueil de poèmes de jeunesse de MIYAMOTO de style assez maladroit. On le trouve dans Inochi no yurameki 「 「 「 「 「 「 「 「 「 (Le brasillement de la vie), recueil de textes de jeunesse comprenant aussi l’ébauche d’un essai sur Bashô assez intéressant. Osaka, Gendai sôzôsha 「「「「「, Shôwa LVI (1981), 231 p., p.7.
II Jugement de YANAGITA Kunio (18751962) sur
MIYAMOTO Tsunéichi (mars Shôwa XXV (1950) :
MIYAMOTO avait 43 ans)576 :
住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
(« Le dénommé MIYAMOTO Tsunéichi était le voyageur qui, longtemps, et jusqu’à maintenant, a le
plus parcouru le Japon, en tous sens et dans ses moindres recoins, justement dans des terres du genre
où personne n’allait. Peu sont ceux qui, à ce point, ont réfléchi avec attention aux histoires qu’il serait
intéressant pour nous d’écouter, ou que nous voudrions écouter et que, par ailleurs, nous retenons. Il
est difficile de discerner et de classer les sujets (kotogara) que nous voudrions que le peuple japonais
porteur des temps futurs connaisse en priorité, mais pour cela aussi, M. MIYAMOTO, qui est un grand
lecteur, ne s’y est pas trompé et n’a pas fait fausse route. Et s’il a peutêtre avec trop d’ardeur et un
peu vite aligné les mots, ceux qui n’ont pas l’habitude de lire vite, au contraire, y trouveront de
nombreuses choses auxquelles réfléchir et ce devrait même être un plaisir. Quant aux passages qui
vous font vous dire : « Mais oui, ça a du sens ! », pliez le coin de la page, et lorsque vous les relirez, ce
dont vous pourrez vous souvenir plus tard sera assez conséquent. Si vous possédez une bonne carte
géographique, emportezle [=ce livre] avec et, lorsque vous comparerez [ce que vous lisez] avec ce
que vous voyez, la compréhension en sera aisée, et s’accompagnera d’un intérêt toujours
[renouvelé]. »)
III Classification des thèmes ethnographiques du folklore
français par Paul SEBILLOT
Paul SEBILLOT (18431918), folkloriste traditionaliste de premier plan et fondateur des premiers
musées cantonaux consacrés à l’ethnographie de la France, proposait la classification suivante en onze
catégories577 :
I Le ciel : les astres, les météores ;
II La nuit et les esprits de l’air
576 Préface à l’édition Kôdansha gakujutsu bunko de Furusato no seikatsu, 1986, rééd. 2002, p. 1011.577 Cité par Michel VALERE (Ethnographie de la France, Paris, Armand Colin, 2002, 214 p., chap. III, p. 55). La numérotation est de nous.
A/ La nuit,
B/ Les chasses aériennes
C/ Les bruits de l’air ;
III La terre
A/ La terre
B/ Les montagnes
C/ Les forêts
D/ Les rochers et les pierres
E/ Les empreintes merveilleuses
IV Le monde souterrain
A/ Les dessous de la terre
B/ Les grottes
V La mer
A/ La surface et le fond de la mer
B/ Les envahissements de la mer
C/ Les îles et les rochers de la mer
D/ La ceinture du rivage
E/ Les grottes marines
F/ Le bord de l’eau
G/ Les navires légendaires
H/ Observances et vestiges de culte
VI Les eaux douces
A/ Les fontaines, la puissance des fontaines
B/ Les puits
C/ Les rivières
D/ Les eaux dormantes
VII La faune
A/ Les mammifères sauvages
B/ Les mammifères domestiques
C/ Les oiseaux sauvages
D/ Les oiseaux domestiques
E/ Les reptiles
F/ Les insectes
G/ Les poissons
VIII La flore
A/ Les arbres
B/ Les plantes
IX La préhistoire
A/ Les dolmens
B./ Les tumuli
C/ Pierres diverses
D/ Cultes et observances mégalithiques
X Les monuments
A/ Les rites de construction
B/ les monuments antiques
C/ Les églises
D/ Les châteaux
E/ Les villes
XI Le peuple et l’Histoire
A/ Les gens d’Eglise, la noblesse et le Tiersétat
B/ Les guerres
C/ L’Histoire de France dans la tradition populaire
Annexe II : Eléments biographiques (d’après TAMURA Zenjirô578) :
Meiji 宮宮 XL (1907), 1er août : naissance au n°1962, Ooaza Nishigata 住住住住 , commune d’OkiKamuro
Nishigata 住住住住住住, district d’Ooshima 住住住, département de Yamaguchi 住住住, de MIYAMOTO Tsunéichi,
fils aîné de MIYAMOTO Zenjûrô 住住住住住 et de sa femme Machi 住住.
578 MIYAMOTO Tsuneichi database 「「「「「「「「「「 : http://www.towatown.jp/database/, rubrique Chosha jôhô 「「「「, Nempu 「「 (page vérifiée au 31 août 2006).
Meiji XLV (1912) (45 ans), 31 août : naissance de TAMADA Asako 住 住 住 住 住 , la future femme de
MIYAMOTO Tsunéichi, à Hebiana (/Saragi) 住住, commune d’Akitsu 住住住, district de Minami Katsuragi
住住住住, département de Nara 住住住.
Taishô 宮宮 III (1914) (67 ans), avril : entre à l’Ecole élémentaire supérieure ordinaire de Nishigata 住住住住
住住住住住 . Il n’apprécie par beaucoup la lecture, mais en 5ème année, sous l’influence d’un enseignant il se
met à l’aimer.
Taishô V (1916) (89 ans) : attrape une otite moyenne et perd presque l’usage de son oreille gauche. A
partir de cette époque, il part en mer à l’automne pécher la sardine à la seine (un filet de grayage).
Tout en attendant le bateau à la belle étoile, il aime à écouter autour d’une feu de plage le récit des
adultes. On lui raconte beaucoup d’histoires de monstres et fantômes (yôkai 住住) marins, d’âmes, des
légendes etc.
Taishô X (1921) (1314 ans), avril : il commence à utiliser des manuels du collège populaire. Avec
ses capacités aiguës de lecture, il lit divers ouvrages, mais ce qui est dommage, c’est qu’il n’avait à sa
disposition aucun bon livre de littérature.
Juin : change de professeur (professeur M. KANEDA 住住). Ne s’entendant pas avec celuici, il gravit en
octobre (c’est l’automne)579 le Mont Shiro 住住 situé en face de l’école, faisant l’école buissonnière. Le
professeur, pour cette raison, donne sa démission. A partir de novembre, il n’y a plus de professeur
responsable : c’est alors MIYAMOTO qui enseigne et note la classe.
Taishô XI (1922) (1415 ans), 20 mars580 : il termine ses études à l’Ecole élémentaire supérieure
ordinaire de Nishigata. De ses condisciples, il est le seul à rester dans le village. Il participe aux
travaux agricoles dans sa famille.
Août : il assiste à une conférence pour la jeunesse active du district, donnée à Agenoshô 住住住住 et lors
d’un concours d’éloquence, sa prestation lui attire les applaudissement du public. Il est le plus jeune
participant.
Automne : il cesse de suivre des conférences. A cette époque, il commence à composer des waka581,
qu’il envoie notamment à la revue Shinkokumin 住住住住住 (Nouveau peuple).
Taishô XII (1923) (1516 ans), février : il est élu secrétaire de L’association des jeunes. Un secrétaire
de 17 ans était quelque chose d’inédit, même dans un village.
27 mars : mort de sa grandmère d’une hémorragie cérébrale.
Avril : à l’occasion de l’admission de sa sœur aînée dans une école de filles, MIYAMOTO annonce à
son père sa décision de monter à Osaka, et obtient l’autorisation paternelle. Il quitte le village un jour
579 C’est alors la saison la plus favorable de l’année.580 L’année scolaire japonaise suit globalement le rythme des saisons : elle commence au printemps.581 Waka 「「 : poème japonais de type classique en 57577 mores.
de pluie printanière, accompagné par son père jusqu’à la gare d’Oobatake582. A Osaka, il est aidé par
son oncle MIYAMOTO /Otogorô Negorô ( ?) 住住住住住.
Fin mai : entre à l’Ecole des Postes et communications (Teishin kôshûsho 住住住住住)
Taishô XIII (1924) (1617 ans), mai : il sort diplômé de l’Ecole des Postes et communications et
trouve du travail au bureau de Poste de Kôraibashi 住住住.
Juillet : il quitte la maison de son grand père et prend une chambre à Sakuramiya 住住.
Août : déménage à Tsurigané 住住. Son salaire journalier est d’un yen, et son loyer de 10 yen, ses frais
d’éclairage électrique de 50 sen, ses frais de petit déjeuner de 15 sen, de déjeuner de 20 sen et de dîner
de 20 sen. Il lit pendant deux des trois repas, étudie pendant sept heures et dort cinq heures par nuit.
Afin d’économiser sur son budget loyer, il emménage en colocation avec un ami.
Taishô XIV (1925) (1718 ans), été : à vouloir en faire trop, il attrape le béribéri. En novembre, il
rentre une dizaine de jours dans son village pour se reposer.
Taishô XV (1926) (1819 ans), février : il réussit l’examen d’entrée à l’Ecole normale de Tennôji
(Tennôji shihan gakkô 住住住住住住住) où il fait sa rentrée le neuf avril.
Normalement, les étudiants, ayant réussies leurs études au collège (ou équivalent), font leur études à
l’école normale en deux ans, mais à l’époque de MIYAMOTO, le cursus n’était que d’une année.
Août : il lit le Kinkai wakashû 住 住 住 住 住 住 住 (Recueil de poèmes japonais du ministre de Kama583) de
MINAMOTO no Sanétomo (11921219) et brûle de composer lui aussi des tanka 住住 (poèmes courts de
forme classique). Il rédige l’essai « Minamoto no Sanetomo no uta » 住 住 住 住 住 住 住 (« Les poèmes de
MINAMOTO no Sanétomo ») et est reconnu par le professeur KANEKO Sanéhidé 住住住住 et commence
à vouloir devenir écrivain.
23 décembre : il monte à la capitale pour tenter de passer l’examen de professeur des lycées de Tôkyô
(Tôkyô kôshi juken 住住住住住住), y passe le réveillon et rentre à Osaka le 19 janvier.
Shôwa 宮宮 II (1926) (1920 ans) : il échoue à l’examen de professeur des lycées, mais pendant qu’il est
dans la capitale, il rend visite à l’ami de son mentor KANEKO, le critique OOYA Sôichi 住住住住 (1900
1970) chez Shinchôsha584 et, plein de respect pour son esprit aiguisé, en ressent une forte stimulation
et il forme le projet de lire 10 000 pages par mois, ce qu’il réalise en trois ans. C’est à cette époque
qu’il s’intéresse aux films occidentaux et essaie de voir tous les classiques.
582 Oobatake 「「 : petite ville côtière située sur Honshû, en face de Suô Ooshima, aujourd’hui reliée à cette dernière par un pont. 583 « Kin 「 » est l’abréviation de Kamakura 「「, la ville du Bakufu (gouvernement militaire du pays).584 Shinchôsha 「「「 est un des grands éditeurs du pays.
24 mars : il termine ses études à l’Ecole normale de Tennôji et trouve un poste d’instituteur à l’Ecole
primaire Shûsai d’Arimaka, district de Sennan, communauté urbaine d’Osaka (Oosakafu Sennangun
Arimakason Shûsai jinjô shôgakkô 住住住住住住住住住住住住住住住住住).
Août : il fait son service militaire dans le huitième régiment d’infanterie d’Osaka. Là, il se lie avec un
ancien élève, ARIMATSU Sa’ichirô 住住住住住, qui lui fait connaître l’œuvre de Jean Henri FABRE (1823
1915) et le nom de YANAGITA Kunio 住住住住* (18751962).
Septembre : décès de son grand père Ichigorô.
12 septembre : libéré de ses obligations militaires, il reprend son poste à l’Ecole primaire de Shûsai. Il
enseigne aux élèves de 5e année. Un jour sur deux, il leur fait cours en plein air, et le dimanche, il part
généralement en excursion. Les élèves le prennent en affection.
Shôwa III (1928) (2021 ans) : janvier : il fonde la revue Tabi to densetsu 住住住住住住 (Voyage et légendes)
et à partir du huitième numéro, YANAGITA Kunio y publie « Mokushi sekigo » 住住住住住住(« Pensée de
bois, paroles d’airain ») en plusieurs fois. Fortement attiré par ces thèmes, il entre progressivement
dans la recherche en légendes populaires.
Avril : grâce à l’aide de son ami SHIGETA Ken’ichi 住住住住, il passe l’examen d’entrée dans la section
spécialisée de l’Ecole normale de Tennôji, et réussit. Il se spécialise en géographie. Il suit pourtant
particulièrement les cours de philosophie de MORI Shinzô 住 住 住 . Il dévore sans frein les classiques
japonais de l’Antiquité et du MoyenAge.
Juillet : invité, il se rend à la réunion du cercle de tanka « Yakônotama » (« Perle de lumière
nocturne ») (« Yakônotama » tankakai 住住住住住住住住) et y présente des tanka et de petites études.
Shôwa IV (1929) (2122 ans) : 24 mars : il sort diplômé de l’école.
31 mars : il trouve un poste de titulaire à l’Ecole primaire de Tajiri, dans le district de Sennan
(Sennangun Tajiri jinjô shôgakkô 住住住住住住住住住住) ; il a en charge les 5e année.
Shôwa V (1930) (2223 ans) : 1er janvier : il rend visite à Tokushima 住住 à un professeur qu’il apprécie
particulièrement, MATSUMOTO Han’ichirô 住 住 住 住 住 et le 3, rentre à Osaka. Le 4, il est pris d’une
violente fièvre (40°) : atteint de pleurésie, il est au plus mal.
Mars : il quitte enfin le lit.
Avril : face au refus du directeur de l’école de le voir réintégrer ses fonctions, il démissionne et
retourne chez ses parents.
Mai : reprise des accès de fièvre, catarrhe pulmonaire.
Octobre : jusqu’à l’automne, il est dans un état léthargique.
Pendant sa maladie, il compose à nouveau des poèmes et rédige le « Byôkanroku » 住住住住住 (« Notes de
maladie »)585 Les jours où il est d’humeur, il lit une centaine de pages. Une fois remis sur pieds, il
fréquente la bibliothèque du temple et commence à en effectuer le rangement. Il lui faut un mois pour
ranger cinq mille rouleaux d’œuvres bouddhiques.
« Suô Ooshima (ichi) » 住住住住住住住住住(« Suô Ooshima (I) ») est publié dans le numéro de janvier Shôwa V
de Tabi to densetsu. Puis, jusqu’au numéro de janvier Shôwa XI (1936), il fait paraître tous les deux
mois des articles sur les contes et légendes populaires de Suô Ooshima.
Suite à la postface de YANAGITA Kunio du numéro d’avril Shôwa V (1930) de Tabi to densetsu, qui
appelle tout intéressé à lui fournir des contes d’autrefois (avant la fin de novembre), MIYAMOTO
interroge sa grandmère, sa mère et les gens des environs, met en ordre ces souvenirs et rédige deux
cahiers (de format B5586). Il les envoie, mais avec du retard, et ils ne sont pas publiés. Toutefois, il
reçoit une lettre courtoise de YANAGITA, accompagnée de KitaAkumogun kyôdoshikô ichinen
chû gyôjihen住住住住住住住住住住住住住住住住(Recueil des fêtes de l’année selon les relations historiques du terroir du
district de Kita Akumo), Minkanreki shôkô 住住住住住住住(Petites réflexions sur le calendrier populaire) et de
la revue Kyôdo kenkyû 住住住住住住(Recherches sur le terroir). A partir de là, il se met à recueillir activement
les témoignages des personnes âgées et part faire ses collectes aussi dans les villages environnants
Shôwa VI (1931) (2324 ans) : 24 mars : Il démissionne et se repose dans son village.
Shôwa VII (1932) (2425 ans) : 7 mars : recommandé par son ancien professeur M. YONE’I 住住, il va à
Osaka où il se fait engager comme remplaçant dans l’Ecole primaire de KitaIkeda, district de
Semboku (Sembokugun KitaIkeda jinjô shôgakkô 住住住住住住住住住住 住 ) (en janvier de l’année suivante, il
deviendra enseignant titulaire). Son salaire est de 60 yen.
Juin : il déménage au Myôôin 住住住 de KitaIkeda (monastère) où il loue une chambre. Au premier étage
de ce pavillon tranquille, il peut mener une vie paisible. Quand son contrat arrive à expiration, il se
consacre essentiellement à la marche dans les villages d’Ikedatani 住住住. Il visite notamment Shinoda
yama 住住住 en trois jours. Par ailleurs, il commence à cette époque le pèlerinage dans les anciens temples
de Nara 住住 et Kyôto 住住 dont il rêvait depuis quelques temps.
Shôwa VIII (1933) (2526 ans) : 11 août, 4h du matin : décès de son père.
25 septembre : il fonde la revue (polycopiée) Kôshô bungaku 住住住住住住 (Littérature orale) et publie son
premier numéro. Elle durera jusqu’au numéro 12 de mars 1936. De la polycopie à l’impression et à la
distribution, il fera presque tout tout seul.
Décembre : il parcourt les routes de Kyûshû 住住 à pied et au retour, rend visite au professeur MISONÔ
Ôho 住住住住住 à Yamaguchi.
585 Cf. en annexe.586 B5 : format japonais : 257mm×182mm.
Shôwa IX (1934) (2627 ans) : 31 mars : il est engagé comme instituteur à l’Ecole primaire supérieure
de Yôtoku ? , district d’Izumikita (Izumikitagun Yôtoku jinjô shôgakkô 住住住住住住住住住住住住).
Mai : avec KOTANI Hômei, 住住住住 et SUGIURA Hisago 住住住 il inaugure les Entretiens du terroir d’Izumi
(Izumi kyôdo danwakai 住住住住住住住).
21 septembre : l’Ecole primaire de Yôtoku est détruite par un typhon.
Septembre : ORIDO Kenzô 住住住住, YAMAGUCHI Yasuo 住住住住, SUGIURA Hisago 住住住, SUZUKI Tôichi 住
住住住 et MIYAMOTO Tsunéichi fondent à cinq les Réunions du jeudi de Sakai (Sakai mokuyôkai 住住住住).
Ils font de Kôshô bungaku leur moyen d’expression.
21 octobre : chez KOTANI Hômei, il fait la connaissance SAWADA Shirosaku 住住住住住 (18891971)587.
28 octobre : invité par YANAGITA Kunio à venir assister à un cours magistral à l’Université de
Kyôto, il le rencontre au ryokan Ishida de Shimogamo 住 住 et SAWADA Shirosaku, SAKURADA
Katsunori 住住住住 (19031979)588, IWAKURA Ichirô 住住住住 (19041943)589 MIZUKI Naoya ( ?) 住住住住 etc. lui
apprennent beaucoup.
14 novembre : de concert avec SUGIURA Hisago, KOTANI Hômei etc., il inaugure les premières
Rencontres d’Osaka des Arts, techniques et traditions populaires (Oosaka minZoku danwakai 住住住住住住住)
à Hamaderakai 住住住 dans la ville de Sakai. MIYAMOTO est désigné comme secrétaire et publie les
« Danwakai tsûchi » 住 住 住 住 住 住 住 (« Nouvelles des Rencontres ») et le « Danwakai hôkoku » 住 住 住 住 住 住 住
(« Rapport des Rencontres »), distribués en polycopiés. De ce jour, ils décident de fusionner les
Entretiens du terroir d’Izumi et les Rencontres d’Osaka.
Shôwa X (1935) (2728 ans) : 11 février : l’école de Yôtoku étant détruite, il change pour celle de
Toriishi dans le district d’Izumikita (Izumikitagun Toriishi shôgakkô 住住住住住住住住).
14 avril : SHIBUSAWA Keizô 住 住 住 住 * (18961963) vient à Osaka pour participer aux Huitièmes
rencontres d’Osaka. Il y rencontre MIYAMOTO. Cette annéelà, SAKURADA et IWAKURA se
rendent à Tôkyô où ils intègrent l’Achikku myûzeamu 住住住住住住住住住住住 (Le musée des greniers)*.
31 juillet au 6 août : participe au « Stage de minZokugaku du Japon en l’honneur du Soixantième
anniversaire de YANAGITA Kunio » (« Yanagita Kunio kanreki kinen Nihon minZokugaku kôshû
kai » 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住). Le dernier jour, on propose de faire une « Société des traditions populaires »
(« Minkan denshô no kai »住住住住住住住住 ) ; la décision est entérinée. Il séjourne à l’Achikku myûzeamu où
SHIBUSAWA lui conseille de travailler à un volume synthétique sur les villages de pêcheurs.
Septembre : publication de Minkan denshô 住住住住住住(Traditions populaires), la revue organe de la Société
des traditions populaires.
587 Historien, pédiatre et folkloriste, disciple de YANAGITA Kunio.588 Folkloriste, disciple de YANAGITA.589 Folkloriste, spécialiste des contes et membres de l’Achikku myûzeamu.
28 octobre : ouverture des « Conférences en l’honneur du Soixantième anniversaire de YANAGITA
Kunio » (« Yanagita Kunio kanreki kinen kôenkai »住住住住住住住住住住住住住).
20 décembre : il épouse TAMADA Asako 住住住住住.
Shôwa XI (1936) (2829 ans) : 1er février : fondation de la revue Kinki minZoku 住 住 住 住 住 住 (Arts et
techniques populaires et traditions du Kinki).
Cette annéelà, il profite de ses weekends pour se rendre à Kawachi Takihata où il écoute les histoires
du vieux SAKON Kumata 住住住住.
En juin, aoûte et octobre, il réalise des études de terrain dans des villages de montagne de Yoashino
NishiOkuchi 住住住住住.
Juillet : publication à l’Achikku myûzeamu de Suô Ooshima wo chûshin to shitaru umi no seikatsushi
住住住住住住住住住住住住住住住住住住(Notes sur la vie marine autour de Suô Ooshima).
14 août : mort de sa grandmère.
19 septembre au 20 mars XII (1937) : à vingtcinq reprises il anime au Kaitokudô 住住住 d’Osaka les
Réunions périodiques d’études en minZokugaku (Renzoku minZokugaku kôshûkai 住住住住住住住) organisées
par la Société des études folkloriques du Kinki (Kinki minZokukai shusai 住住住住住住住).
Shôwa XII (1937) (2930 ans) : mars : Etude de terrain dans le village d’Itoshiro 住住住, en Echizen 住住.
Mai : il se joint à l’équipe de l’Achikku myûzeamu pour une croisière d’étude des îles de la mer
intérieure de Seto.
Décembre : naissance de son fils aîné Chiharu 住住.
Shôwa XIII (1938) (3031 ans) : il parcourt à pied les villages du Kohoku 住住 dans le département de
Shiga 住住住.
Shôwa XIV (1939) (3132 ans) : février : il fait un crise de stomatite qui l’oblige à garder le lit. MORI
Shinzô, son professeur du temps de l’Ecole normale de Tennôji, lui conseille de partir en
Mandchourie à l’Université de Mandchourie pour la construction du pays (Manshû kenkoku daigaku 住住
住住住住) en qualité d’assistant. Il envoie à son ami intime IWAKURA Ichirô – qui se trouve alors à Tôkyô
– une lettre pour lui demander conseil.
Avril : il reçoit un télégramme de SHIBUSAWA Keizô lui demandant de venir à Tôkyô sans tarder.
Une fois auprès de son mentor, celuici l’enjoint de parcourir à pied tout le pays et d’observer, et le
persuade d’arrêter immédiatement l’enseignement. Il renonce à ses projets et rentre à Osaka.
30 septembre : il reçoit encore un long télégramme de SHIBUSAWA Keizô qui lui demande d’arrêter
l’enseignement et de monter à la capitale. MIYAMOTO se résigne, démissionne et déménage à
Tôkyô.
24 octobre : il entre à l’Achikku myûzeamu, mais laisse femme et enfants à Osaka.
17 novembre au 4 décembre : étude de terrain dans les monts de la région Chûgoku.
Shôwa XV (1940) (3233 ans) : 23 janvier à fin février : étude de terrain au sud de Kyûshû.
Avril : réalise une étude de terrain avec SAKURADA Katsunori sur la côte ouest d’Izu 住住.
Mai : étude de terrain avec le même SAKURADA à Takarajima 住住.
Septembre : il sillonne à pied Izumo 住住 et Yamaguchi 住住 avec SHIBUSAWA.
Novembre : à pied, il visite le nord du mont Budô 住住住 dans le département de Niigata 住住住, puis passe
Ootori 住 住 (département de Yamagata 住 住 住 ) et visite Yamagata, Akita 住 住 , Aomori 住 住 , Iwate 住 住 et
Fukushima 住住. Il étudie principalement Oshirasama 住住住住住 [住住住住] (le Seigneur Oshira)590. A partir de
cette époque, il commence à prendre des photos (6 × 9 cm).
Shôwa XVI (1941) (3334 ans) : janvier : étude de terrain dans son village sur les outils agricoles.
Février : fait de la marche à Ehimé 住住, Kôchi 住住 et Tokushima 住住
Avril : étude de terrain à Numatori 住住 sur l’île d’Awaji 住住住.
Juillet : études de terrain à Kawakura 住住 en Tsugaru 住住 et Kodomari 住住. Ses recherches portent toujours
principalement sur Oshirasama.
Août : il arpente les montages de Mino 住住 et Ômi 住住.
Septembre : enquête de terrain sur les noms de poissons de la mer intérieure de Séto.
Octobre : études de terrain à Ooshirakawa 住住住 (Echigo 住住), Itoshiro (Echizen), Oono 住住 et Ashida 住住.
Décembre : études de terrain à Tosaderagawa 住住住住 , Oosugi 住住 , Iyayama 住住住 . A Oosugi, il étudie la
pêche au cormoran.
Shôwa XVII (1942) (3435 ans) : il prend le lit suite à un ulcère gastrique.
Juin : rentré au village, il travaille pendant deux mois environ comme paysan et fait une étude de
terrain sur les parcelles à Hashirajima 住住.
Septembre : étude de terrain sur les ateliers de soierie à Yura 住住, sur l’île d’Awaji. Avec SHIBUSAWA
Keizô, il réalise des études de terrain à Takinochô 住住住 (Katôgun 住住住, département de Hyôgo 住住住) et
dans le village de NakaTôjô 住 住 住 sur les hameçons, le fil synthétique ou encore la fabrication des
coupes à saké (uki 住住 [住]). Il réalise une autre étude de terrain à Okubumachi 住住住(Nishiku 住住 d’Osaka)
sur les grossistes en fil de soie.
Octobre : études de terrain dans le département de Hyôgo à Miki 住住, ShimoTôjômachi 住住住住, Komeda
mura 住住住 et Hiéshômura 住住住住 (Takagun 住住住) (hameçons etc.).
590 Seigneur Oshira : divinité du Nordest du Japon.
L’Achikku myûzeamu change de nom – en raison des désagréments que lui attire sa consonance
anglaise (« Attic museum ») en pleine guerre mondiale – et devient le « Nihon jômin bunka kenkyû
sho » 住住住住住住住住住住住 (Institut de recherches sur les cultures populaires du Japon).
Shôwa XVIII (1943) (3536 ans) : février : naissance de sa fille Keiko 住 住 . SHIBUSAWA lui dit
d’arrêter ses études de terrain à cause de l’intensification de la guerre. Avec MIYAMOTO Keitarô 住住住住
住 et YOSHIDA Saburô 住 住 住 住 , il range les collections d’objets populaires (mingu 住 住 ) du musée
d’ethnologie de Hôya (Hôya minzoku hakubutsukan 住住住住住住住) (environ entre 8 000 et 12 000 pièces).
1er avril : chef du Nihon jômin bunka kenkyûsho. A la demande de l’Institut d’études impériales
(Teikokugakuin 住住住住 ), il aide à la rédaction d’une Histoire des sciences de la mer au Japon (Nihon
suisan kagakushi 住住住住住住住).
31 décembre : il rentre à Osaka où grâce à son ami IWATA Sadao 住住住住 il devient professeur attaché
(kyôju shokutaku 住住住住) au collège Yama 住住住住 (Tatégun 住住, département de Nara 住住住) où il enseignera
l’Histoire jusqu’en avril Shôwa XX (1945).
Publication de Kakyô no oshie 住住住住住住(L’enseignement du village natal).
Shôwa XIX (1944) (3637 ans) : à peine rentré à Osaka, il inaugure, à l’initiative de TAOKA
Yoshimasa 住 住 住 住 une réunion de bienvenue dans les locaux du Nishinomiya jinja 住 住 住 住 . Il fait tout
d’abord la connaissance du responsable du temple, YOSHII Yoshihidé 住住住住, puis, outre celle d’autres
personnes cultivées de Nishinomiya, celle de UOZUMI Sôgorô 住 住 住 住 住 , de MIZUNO Sei’ichi 住 住 住 住 ,
KOBAYASHI Yukio 住住住住 etc. et, par leur intermédiaire, il peut rencontrer des chercheurs en sciences
humaines de l’Université de Tôkyô (Tôkyô daigaku 住住住住) tels qu’IMANISHI Kinji 住住住住 (19021992)591,
MORI Shikazô 住住住, HIBINO Takéo 住住住住住 ou encore YOSHIDA Mitsukuni 住住住住 (19211991).
Shôwa XX (1945) (3738 ans) : 23 avril : employé par le district d’Osaka (Oosakafu 住住住) et dont il
parcourt à pied les villages à la recherche de mesures à prendre concernant l’offre en légumes frais.
27 décembre : il démissionne.
10 juillet : sa maison à Ootori 住 prend feu suite a bombardement aérien de Sakai 住. Ses meubles, sa
bibliothèque, ses matériaux d’étude, tout est détruit.
15 août : le rescrit impérial proclame la fin de la guerre.
11 septembre : sa femme Asako rentre à Ooshima.
20 octobre au 9 novembre : il emmène avec lui à Hokkaidô des gens revenus à l’agriculture à cause de
pertes dues à la guerre.
591 Anthropologue, spécialiste des modes de vie.
Shôwa XXI (1946) (3839 ans) : janvier : rentre à Ooshima et décide de devenir agriculteur, et entre
les phases d’activité agricole, il voyage, sur demande du Ministère de l’agriculture, des eaux et forêts,
dans les grandes exploitations agricoles pour y étudier les propriétaires terriens.
15 mars : nommé administrateur central de l’Association pour une nouvelle autonomie des sociétés
civiles (Shadan hôjin shinjichi kyôkai 住住住住住住住住住).
Avril : entrée en fonction. En tant que chef du Laboratoire de recherches sur les villages agraires
(Nôson kenkyûshitsu 住住住住住), il parcourt tout le pays à pied, donnant des conférences et prodiguant des
conseils aux exploitants agricoles.
25 août : naissance de son deuxième fils, Michio 住住住, qui meurt le 14 octobre.
Shôwa XXII (1947) (3940 ans) : il profite des périodes de repos entre les travaux agricoles pour aller
marcher dans toutes les régions, principalement le Tôhoku 住住 . Pour payer ses frais de voyage, il fait
des conférences sur les techniques et la gestion agricoles. Il fréquente les cultivateurs modèles
(tokunôka 住住住).
Juillet : il se retire de la Shinjichi kyôkai.
Shôwa XXIII (1948) (4041 ans) : 29 octobre : sollicité par le directeur du Département agriculture du
district d’Osaka (Oosakafu nôchibu 住住住住住住), HIRANO Katsuji 住住住住, il intègre la Section des sociétés
coopératives du Département agriculture (Nôchibu nôgyô kyôdô kumiaika 住住住住住住住住住住 ) et s’attache à
l’émancipation agricole (nôchi kaihô 住住住住), au conseil en matière d’agriculture après défrichement et à
la formation des coopératives agricoles. Toutefois, il est tenu de rentrer périodiquement à Osaka.
Shôwa XXIV (1949) (4142 ans) : juin : à cause d’un abcès des glandes lymphatiques, il tombe dans
un état critique. La pénicilline l’aide à se rétablir.
Octobre : Réintègre le Nihon jômin bunka kenkyûsho.
23 octobre : intégré comme membre chercheur de terrain (chôsain 住住住) du Comité du Ministère de
l’agriculture et des forêts pour la sauvegarde des documents sur l’eau (Nôrinshô suisan shiryô hozon
iinkai 住住住住住住住住住住住住 ), il s’attache à faire des études de terrain dans les villages de pêcheurs de la Mer
intérieure de Séto et à recueillir des documents historiques.
Shôwa XXV (1950) (4243 ans) : il réalise activement ses études de terrain centrées sur la Mer
intérieure et ses recueils de documents historiques.
Juin : inauguration des Tôshô shakai kenkyûkai (Réunions d’études sociales des îles 住 住 住 住 住 住 住 ).
Représentant : TSUJI Muratarô 住住住住 ; secrétaires : YAMASHINA Yoshimasa 住住住住, SONOIKE Tomoki
住住住住, OOMURA Hajimé 住住住, TAKEDA Akira 住住住, FUTAGAMI Hiroshi 住住住. MIYAMOTO est membre
dès les débuts.
Juillet : il participe à l’étude de terrain à Tsushima 住住 menée par la Hachi gakkai rengô 住住住住住 (Union
des huit congrès) dans l’« équipe des ethnies » (minzokuhan 住住住) et réalise une étude de terrain portant
principalement sur l’activité halieutique. Tout en recevant grâce à cette étude commune avec des
personnes spécialisées dans d’autres domaines une grande stimulation, il approfondit sa confiance en
lui quant à ses méthodes de terrain et de recherche.
Shôwa XXVI (1951) (4344 ans) : juillet : Etude de terrain à Tsushima da la Kyû gakkai rengô 住住住住住
(Union des neuf congrès).
Août : étude synthétique de terrain (sôgô chôsa 住住住住) sur les matériaux culturels (bunkazai 住住住) dans le
département de Nara 住住住 et étude de terrain dans le secteur de Tsugeno 住住住.
Automne : étude de terrain auprès de la famille Tokikuni 住住 de Noto 住住.
Shôwa XXVII (1952) (4445 ans) : mars : naissance de son troisième fils, Hikaru 住.
21 mai au 24 juin : étude de terrain sur les techniques de l’archipel des cinq îles (Gotô rettô 住住住住)592 du
département de Nagasaki 住住住. Il dirige la partie consacrée à l’Histoire économique.
Août : étude de terrain de la Kyû gakkai rengô à Noto. Il est dans l’équipe « sociologie ».
Shôwa XXVIII (1953) (4546 ans) : mai : il a une nouvelle crise de tuberculose et est hospitalisé à
l’hôpital Akasaka Maeda 住住住住住住. Il est soigné à la streptomycine.
25 juin : Ouverture de l’Assemblée de protestation nationale des représentants des populations des îles
éloignées (Zenkoku ritô daihyô kekki taikai 住住住住住住住住住住住 ) à laquelle il assiste. Il décide de créer une
Assemblée délibérative nationale pour le développement des îles éloignées (Zenkoku ritô shinkô
kyôgikai 住住住住住住住住住).
22 juillet : adoption de la loi sur le développement des îles éloignées.
3 août : MIYAMOTO est secrétaire général de l’Assemblée délibérative nationale pour le
développement des îles éloignées.
10 décembre : parution de Shima 住 住住 住 (Îles), l’organe de l’Assemblée délibérative nationale pour le
développement des îles éloignées.
Shôwa XXIX (1954) (4647 ans) : mai : nommé secrétaire général de l’Assemblée délibérative pour le
développement des îles éloignées.
Décembre : création de la Société d’études de terrain du crédit de la sylviculture (Ringyô kin’yû
chôsakai 住住住住住住住 ). MIYAMOTO s’y associe comme administrateur et dirige des recherches sur les
études de terrain tout en réalisant pour luimême des études de terrain sur l’état économique des
villages de montagne. La Société sera dissoute en mars Shôwa XLIII (1968).
Dès cette année, et jusqu’en Shôwa XXXIV (1959), SHIBUSAWA Keizô lui fait arrêter ses voyages.
592 Les cinq îles en question sont : Fukué 「「, Naru 「「, Wakamatsu 「「, Nakadoori 「「 et Uku 「「 / Hisaka 「「.
Shôwa XXX (1955) (4748 ans) : décembre : ouverture de la Société de recherche sur les « images de
la vie quotidienne populaire apparaissant dans les rouleaux peints (emakimono 住 住 住 ) ».Elle se tient
jusque vers août XLI (1966), et donne lieu à la publication de cinq volumes chez Kadokawa shoten 住住住
住. MIYAMOTO rédige la plus grande partie du brouillon de plan détaillé.
Publication de Umi wo hiraita hitobito 住住住住住住住住住住 (Ceux qui ouvrirent la mer) et de Minzokugaku he no
michi 住住住住住住住住 (Le chemin vers la minZokugaku), un essai qui mélange autobiographie et Histoire de la
minZokugaku.
Shôwa XXXI (1956) (4849 ans) : juillet : il participe en tant que collaborateur spécial à l’équipe
« anthropologie culturelle et minZokugaku » du Groupe de recherches synthétiques sur les relations
humaines (Ningen kankei sôgô kenkyûdan 住住住住住住住住住) de l’Université de Nagoya 住住住住住 et réalise des
études de terrain à Nagura 住住 dans le département d’Aichi 住住住 et à Sakushima 住住住.
Shôwa XXXII (1957) (4950 ans) : 31 mai : il quitte ses fonctions de secrétaire général de
l’Assemblée délibérative nationale pour le développement des îles éloignées et devient simple
secrétaire organisateur.
Mai : Début de la publication de Fudoki Nihon 住 住 住 住 住 住 住 (Le Japon des Chroniques antiques) (éd.
Heibonsha). Bien que cet ouvrage soit signé OOTÔ Tokihiko 住住住住593, KAMATA Hisako 住住住住 (née en
1939) et MIYAMOTO Tsunéichi, ce dernier s’associa dès le début à l’élaboration du plan de ce projet
et s’investit activement dans sa rédaction.
Novembre : nommé membre de la Commission d’études de terrain du Comité pour la conservation des
biens culturels (Bunkazai hogo iinkai Chôsa iin 住住住住住住住住住住住) et y œuvre jusqu’en mars Shôwa XXXIII
(1958).
Shôwa XXXIII (1958) (5051 ans) : mars : il est engagé comme consultant auprès de l’Assemblée
délibérative nationale pour le développement des îles éloignées.
Juin : engagé comme membre du Comité spécialisé dans les biens culturels du département de
Hiroshima (Hiroshimaken bunkazai senmon iinkai 住住住住住住住住住住住) dont il démissionnera en juillet XLVII
(1972).
Octobre : fondation de la revue Minwa 住住住住 (Contes folkloriques). Il y participe comme rédacteur en
publiant tous les deux mois jusqu’à l’arrêt de la revue au vingtquatrième numéro en XXXIX (1964)
une série d’articles : « Toshiyoritachi » 住住住住住住住 (« Les personnes âgées »).
Shôwa XXXIV (1959) (5152 ans) : juillet : il participe à l’étude de terrain à Sado 住住 de la Kyû gakkai
rengô en s’occupant du Congrès d’ethnologie (Minzoku gakkai 住住住住).
593 Disciple préféré de YANAGITA Kunio.
Atteint d’un ulcère du duodénum, il se voit prescrire un traitement de longue durée par les docteurs
TAZAKI 住住 et MIDORIKAWA 住住 du CHU de cancérologie.
De septembre à la fin de l’année : sous traitement et interdit de sortie, il commence à rédiger une thèse
provisoirement intitulée Seto naikai tôsho no kaihatsu to sono shakai keisei 住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Le
développement des îles de la mer intérieure de Séto et la formation de leur société).
Novembre : la publication de Nihon zankoku monogatari 住住住住住住 (Contes cruels du Japon) débute, sous
la direction de MIYAMOTO, YAMAMOTO Shûgorô 住住住住住 (19031967)594, YAMASHIRO Tomoé 住住住
(née en 1912) et KAJINISHI Kôsoku 住 住 住 住 , toutefois l’enthousiasme avec lequel MIYAMOTO s’y
investit ne le cède en rien à Fudoki Nihon.
Shôwa XXXV (1960) (5253 ans) : publication de Wasurerareta Nihonjin 住住住住住住住住住住 (Les Japonais
oubliés), considéré comme son chef d’œuvre.
Shôwa XXXVI (1961) (5354 ans) : 5 juin : il reçoit le Prix du Club des essayistes (Esseisuto kurabu
shô 住住住住住住住住住住 ) pour Nihon no ritô 住住住住住住住(Les îles japonaises éloignées) (septembre Shôwa XXXV
(1960)).
3 novembre : il reçoit le Prix du Chûgoku pour la culture (Chûgoku bunkashô 住住住住住) (de la Chûgoku
shimbunsha) pour ses succès dans le développement culturel et industriel autour de la mer intérieure
de Séto.
Décembre : il obtient son doctorat auprès de l’Université Tôyô 住住住住 pour sa thèse intitulée Seto naikai
tôsho no kaihatsu to sono shakai keisei – Kaijin no teijû wo chûshin ni 住住住住住住住住住住住住住住住住住―住住住住住住住住住住 (Le
développement des îles de la mer intérieure de Séto et la formation de leur société – Autour de
l’implantation des gens de la mer).
Cette annéelà, il acquiert une maison au 3912 Shinmachi 住住 dans la ville de Fuchû 住住 et quitte la
résidence SHIBUSAWA*.
Shôwa XXXVII (1962) (5455 ans) : janvier : il est nommé maître de cours à la Faculté d’études
halieutiques de l’Université de la mer de Tôkyô (Tôkyô suisan daigaku 住住住住住住) ; il y restera jusqu’en
mars.
Mars : décès de sa mère Machi 住住 à Ooshima.
Avril : il décide de faire venir sa famille à Tôkyô et de vivre avec elle.
8 août : décès de YANAGITA Kunio* à l’âge de 88 ans.
Shôwa XXXVIII (1963) (5556 ans) : juin : lancement de la revue Deku no bô 住住住住住住住595 (Poupée de
bois). Avec des jeunes qui se réunissent à la Société d’études de terrain du crédit sylvain (Ringyô
594 Ecrivain, auteur de littérature populaire de qualité.595 Deku no bô : étymologie : [「「「].
kin’yû chôsakai 住住住住住住住), il fonde le Deku no bô kurabu 住住住住住住住住 (Club des poupées de bois) et publie
Deku no bô mensuellement, tapé à la machine.
Juillet : lancement de la revue Nihon hakken 住 住 住 住 住 住 (Découverte du Japon). De concert avec
HASEGAWA Tatsuo 住住住住住 et TAKEUCHI Minoru 住住住 , il fonde la Société de découverte du Japon
(Nihon hakken no kai 住住住住住住 ) et la revue Nihon hakken mais celleci s’arrête au cinquième numéro.
MIYAMOTO commence la publication d’une série d’articles sur « Les tenants et les aboutissants de la
Restauration » (« Goisshin no atosaki »住住住住住住住住住住) mais elle est interrompue.
Juillet : il est nommé président de la Société d’études sur l’industrie japonaise du sel (Nihon engyô
kenkyûkai 住住住住住住住).
Août : Il participe à l’étude de terrain sur la presqu’île de Shimokita (Shimokitahantô 住住住住) de la Kyû
gakkai rengô au sein de la conférence de minZokugaku.
25 octobre : décès de SHIBUSAWA Keizô, à l’âge de 67 ans.
Shôwa XXXIX (1964) (5657 ans) : avril : il est embauché comme chargé de cours vacataire à
l’Université des BeauxArts de Musashino (Musashino bijutsu daigaku 住住住住住住住).
Août : Nouvelle étude de terrain à Shimokita hantô pour la Kyû gakkai rengô.
Shôwa XL (1965) (5758 ans) : avril : nommé professeur des universités à l’Université des Beaux
Arts de Musashino, il y enseigne la minZokugaku, l’Histoire de la vie quotidienne etc.. Puisque
nombreux sont les étudiants (de cette université comme de l’extérieur) qui viennent le consulter à son
bureau entre ses cours, il crée en avril XLI (1966) les Réunions de recherches sur la culture
quotidienne (Seikatsu bunka kenkyûkai 住住住住住住住 ) et ils conviennent d’un jour pour se réunir chaque
semaine. C’est à cette époque qu’il aborde sérieusement la « culture matérielle » (yûkei bunka 住住住住),
principalement les objets courants traditionnels (mingu).
30 août : publication de Nippon no yado 住住住住住住住住住(Les auberges du Japon). Par ailleurs, il commence à
cette époque la direction de documentaires télévisés, « Nihon no shijô » 住 住 住 住 住 住 住 (« La poésie du
Japon ») (pour Nikkei eigasha 住住住住住). C’est en même temps une réalisation à l’occasion du dixième
anniversaire du Kinki Nihon tsûrisuto . dôkyôtei ryokan remmei 住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Union du tourisme
du Kinki en convention avec la fédération de l’hôtellerie traditionnelle).
Shôwa XLI (1966) (5859 ans) : janvier : fondation du Nihon kankô bunka kenkyûsho 住 住 住 住 住 住 住 住 住
(Institut japonais des cultures du tourisme). Jusqu’à sa mort en janvier Shôwa LVI (1981), il
s’emploiera en tant que directeur à former ses futurs successeurs. Son fils Chiharu prend sa fonction
de secrétaire général très au sérieux.
Shôwa XLII (1967) (5960 ans) : janvier : président de la Commission spécialisée en biens culturels
de la ville de Fuchû, Communauté urbaine de Tôkyô (Tôkyôto Fuchûshi Bunkazai semmon iinkai 住住
住住住住住住住住住住住住) jusqu’en Shôwa LIV (1979).
Mars : lancement de la revue Aruku miru kiku 住住住住住住住住住 (Marcher, regarder, écouter).
Avril : maître de cours à la Faculté des sciences de l’Université de Waseda 住 住 住 住 住 . Jusqu’en XLVI
(1974), il y enseigne la minZokugaku.
Shôwa XLIII (1968) (6061 ans) : décembre : membre du Conseilfondation pour la conservation des
ressources touristiques (Kankô shigen hogo zaidan hyôgi 住住住住住住住住住住).
Shôwa XLV (1970) (6263 ans) : août : collabore à la fondation de l’Ondekoza 住住住住 [住住住] 住596 (groupe
de tambours traditionnels) de Tasuki 住住.
Septembre : il est intronisé membre de l’Assemblée délibérative pour le développement des îles
éloignées (Ritô shinkô shingi 住住住住住住). Il y restera jusqu’en juin LIV (1979).
Shôwa XLVI (1971) (6364 ans) : 29 juin : administrateur de la Société d’études de terrain pour le
développement des villages de montagne (Sanson shinkô chôsakai 住住住住住住住). Il le restera jusqu’au 28
juin Shôwa XLVIII (1973). Cette Société fut créée en Shôwa XL (1965) mais on ignore si
MIYAMOTO en fut l’administrateur dès les débuts.
Octobre : membre du Comité spécialisé dans les biens culturels du département de Yamaguchi
(Yamaguchiken bunkazai semmon iinkai 住住住住住住住住住住住).
Shôwa XLVII (1972) (6465 ans) : avril : maître de cours à la Faculté de Droit et Lettres de
l’Université d’Okayama 住住住住.
Septembre : administrateur du Nihon seikatsu gakkai 住住住住住住 (Congrès sur la vie quotidienne japonaise).
Shôwa XLVIII (1973) (6566 ans) : avril : membre de la Commission du Ministère de l’agriculture et
des forêts pour la réunion de documents permettant l’amélioration de la vie quotidienne (Nôrinshô
seikatsu kaizen shiryô shûshû iinkai 住住住住住住住住住住住住住住 ). Membre du Comité consultatif de la bibliothèque
de biens culturels de la radiodiffusion (Hôsô bunkazai raiburarî shimon iinkai 住住住住住住住住住住住住住住住住).
Mai : Directeur du Nihon bunka kenkyûsho 住住住住住住住 (Institut des cultures japonaises).
Juin : il donne un cours magistral en tant que directeur du Nihon kankô bunka kenkyûsho en plusieurs
cessions : « Tabibitotachi no rekishi » 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (« Histoire des voyageurs »). Conformément au
règlement, il fait son cours une fois par mois.
596 En 1993, le groupe Ondekoza 「「「「 est rené de ses cendres avec de nouveaux membres. Ses disques sont édités au Japon, chez Victor Entertainment 「「「「「「「「「「「「「「, Tôkyô. Pour plus d’informations, voir la discographie sur le site de la compagnie de disques :http://www.jvcmusic.co.jp//Discographylist/A000541.html
Shôwa XLIX (1974) (6667 ans) : octobre : lancement de la première « Communication sur les
recherches sur les objets traditionnels populaires » (« Mingu kenkyû kôza » 住住住住住住住住) organisée Nihon
jômin bunka kenkyûsho. C’est MIYAMOTO qui propose la création d’une Société d’étude des objets
populaires traditionnels japonais (Nihon mingugakkai 住住住住住住 ), proposition adoptée à l’unanimité. Il
devient l’ordonnateur de la Commission préparatoire à la création de la Société d’étude des objets
populaires traditionnels (Mingugakkai setsuritsu jumbi iinkai 住住住住住住住住住住住).
Shôwa L (1975) (6768 ans) : juillet : il participe à l’« Ecole d’expédition AMKAS (Aruku miru kiku
amêba shûdan) du Nihon kankô bunka kenkyûsho » (« Nihon kankô bunka kenkyûsho Amukasu
tanken gakkô »住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 ) et réalise une étude de terrain sur les cultures des ethnies du Kenya
et de Tanzanie. C’est sa première étude de terrain à l’étranger, et il en retire une grande stimulation.
Novembre : Fondation de la Nihon mingu gakkai dont il est nommé ordonnateur (directeur).
Shôwa LII (1977) (6970 ans) : mars : démissionne de l’Université des BeauxArts de Musashino.
Avril : il écoute le témoignage du montreur de singes MURASAKI Shûji 住住住住 de la ville de Hikari 住住
dans le département de Yamaguchi et lui conseille de faire revivre cette activité. L’« Association des
montreurs de singes de Suô » (« Suô sarumawashi no kai » 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 )597 est fondée, autour de
MURASAKI Yoshimasa 住 住 住 住 (19331990), pour contribuer activement à la renaissance de cette
activité.
il devient chercheur membre collaborateur de l’Institut des langues et civilisations
d’Asie et d’Afrique de l’Université des langues de Tôkyô (Tôkyô gaikokugo daigaku Ajia . Afurika
gengo bunka kenkyûsho 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 ) pour des « Recherches de terrain sur l’islamisation et la
modernisation en Asie et en Afrique » (« Ajia . Afurika ni okeru Isuramuka to kindaika ni kan suru
chôsa kenkyû » 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 ) (représentant : MIKI Wataru 住住住 (né en 1925)) (et ce
jusqu’en Shôwa LV (1980)).
Mai : il reçoit le titre de « professeur honoraire » (meiyo kyôju 住住住住) de l’Université des BeauxArts de
Musashino.
Septembre : étude de terrain à Chéjudô 「「「 [住住住 ]598 (Corée). Il y recherche une possible origine des
ama 住住 (pêcheuses plongeuses) japonaises.
Décembre : Il reçoit le Prix KON Wajirô 住住住住 (18811973) (Congrès des études sur la vie quotidienne).
Publication du 25ème tome des Œuvres de MIYAMOTO Tsunéichi (Chosakushû 住住住).
Publication de Minzokugaku no tabi 住 住 住 住 住 住 住 (Le voyage de la minZokugaku), son autobiographie
professionnelle.
597 Site : http://www.suo.co.jp/598 Chejudo : lu en japonais indifféremment Saishûtô 「「「「「「「 ou Chejudo 「「「「「.
Shôwa LIV (1979) (7172 ans) : mars à mai : alors qu’il participe à une étude de terrain du Nihon
kankô bunka kenkyûsho sur la remise en valeur des sources chaudes d’Iizaka 住住住住 , il dépérit à vue
d’œil.
1er avril : il est chargé d’une collaboration de recherche avec le Kokuritsu minzoku hakubutsukan 住住住住住住
住 (Musée national d’ethnologie). Elle durera jusqu’au 31 mars LVII (1982). Du 28 au 31 janvier
Shôwa LV (1980), il participe pendant quatre jours au premier Symposium sur la culture agraire
(Shimpojiumu.nôkô bunka 住住住住住住住住住住住) « Recherches comparées sur les origines des cultures ethniques
du Japon » (« Nihon minzoku bunka no genryû no hikaku kenkyû » 住住住住住住住住住住住住住住住住) et en retire une
grande stimulation.
Juin : devient membre et président suppléant du Comité spécial pour des mesures de développement
des îles éloignées de l’Assemblée délibérante territoriale (Kokudo shingikai Ritô shinkô taisaku
tokubetsu iinkai 住住住住住住住住住住住住住住住住).
6 juillet… : après l’« Histoire des voyageurs » qu’il exposait lors de son cours magistral en tant que
directeur du kankô bunka kenkyûsho, il passe à l’« Histoire de la formation des cultures du Japon »
(« Nihon bunka keiseishi »住住住住住住住住住).
Septembre : étude de terrain à Taiwan.
Publication de Mingugaku no teishô 住住住住住住住住(Propositions pour l’étude des objets populaires courants),
essai majeur sur les mingu.
Shôwa LV (1980) (7273 ans) : 25 mars : fondation de l’Université du terroir de l’arrondissement de
Tôwa (Tôwachô kyôdo daigaku 住住住住住住住 ). Elle a pour vocation d’organiser des réunions d’études à
destination des jeunes de Tôwachô, d’où son nom. Le cours inaugural et le premier cours magistral
ont lieu ce jourlà. Il s’agissait à la fois pour MIYAMOTO de donner un cours sur l’« Histoire du
terroir » (« Kyôdo no rekishi »住住住住住住住) et de recueillir les témoignages et les voix de nombreux amis et
connaissances. L’Histoire du terroir s’arrêta au bout de huit séances.
Octobre : à l’invitation du Kinki Nihon tsûrisuto, il effectue un voyage en Chine qui l’épuise.
22 novembre : Rapport provisoire d’étude de terrain d’urgence en zone destinée à être inondée pour la
construction du barrage de Yashiro 住住 (district d’Ootori 住住住 , département de Yamaguchi 住住住). Cette
étude de terrain d’urgence durera de Shôwa LV (1980) à LVI (1981). MIYAMOTO menait les
recherches en tant que chef, mais il s’arrêta après avoir présenté le rapport provisoire et passé encore
une journée sur le terrain.
23 décembre : hospitalisé à l’Hôpital métropolitain de Fuchû (Toritsu Fuchû byôin 住住住住住住 ). Voulant
passer le nouvel An chez lui, il rentre pour le réveillon.
Shôwa LVI (1981) (73 ans) : 4 janvier : il est réhospitalisé à l’Hôpital métropolitain de Fuchû.
30 janvier : il décède tôt dans la matinée d’un cancer de l’estomac.
Annexe III : L’Université du terroir de Suô Ooshima
En 1980, un an avant sa mort, MIYAMOTO fonda la Tôwachô Kyôdo daigaku 住住住住住住住 (l’Université
du terroir du District de Tôwa), qui dispensait des cours magistraux à tous pour un prix modique. Ce
genre d’institution fait un peu penser aux « universités populaires » ou à « l’Université tous âge » au
sein de l’Université Lyon III.
Le public est majoritairement composé d’habitants de l’île, majoritairement des actifs et des retraités,
non du fait du manque d’intérêt de la jeunesse de Suô, mais plutôt à cause de la dénatalité et de
l’exode rural qui frappent très durement cette île. Les inscrits sont une centaine. Les cours ont lieu en
soirée, de 19 à 21 heures, sauf le dimanche où ils sont donnés dans l’aprèsmidi. L’inscription coûte
6000 ¥ par an ou 500 ¥ par cours pour les non inscrits.
En 1980 et 1981 sont donnés vingtquatre séances ordinaires et cinq cours magistraux (dont huit par
MIYAMOTO luimême), puis l’université ferme ses portes en novembre. Grâce aux efforts de la
population locale et des chercheurs, l’université est réouverte en 2003 sous le nom de Suô Ooshima
Kyôdo daigaku 住住住住住住住住 (Université du terroir de Suô Ooshima). Les tarifs sont à peine modifiés : 4000
¥ l’inscription annuelle et 1000 ¥ le cours pour les non inscrits. En juin 2007, elle avait déjà dispensé
38 cours magistraux.
Les cours donnés par MIYAMOTO figurent retranscrits dans le tome 41 de ses Œuvres sous
le titre Kyôdo no rekishi住住住住住住住(Histoire du terroir) et cinq des cours donnés à la réouverture
de l’université (par SANO Shin’ichi 住住住住 , FUJIMOTO Kiyohiko 住住住住 , USU’I Takumi 住住住 ,
KO’IZUMI Bon 住住住 et TATEMATSU Wahei 住住住住) ont été publiés sous le titre, Miyamoto
Tsuneichi no messêji : Suô Ooshima kyôdo daigaku kôgi-roku 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Le
message de Miyamoto Tsunéichi : Cours de l’Université du terroir de Suô Ooshima)599,
ouvrage qui nous a servi à établir la liste suivante.
I Cours600 donnés du vivant de MIYAMOTO
599 Kôbé, Mizunowa shuppan, 2007, 116 p.. Nous indiquons les cours en question par une astérisque.600 SANO Shin’ichi, FUJIMOTO Kiyohiko 「 「 「 「 , USU’I Takumi 「 「 「 , KOIZUMI Bon 「 「 「 , TATEMATSU Wahei 「「「「 : Miyamoto Tsuneichi no messêji : Suô Ooshima kyôdo daigaku kôgiroku 「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「「 (Le message de MIYAMOTO Tsunéichi : Cours de l’Université du terroir de Suô Ooshima), Kôbé, Mizunowa shuppan, 2007, 116 p., documents annexes, p. 110.
Année601 1980
1. 25 mars : Tôwachô kyôdoshi 住住住住住住 (Histoire du terroir du District de Tôwa) (1), par MIYAMOTO
Tsunéichi (Président de l’Université) ;
2. 25 mars : Tôwachô kyôdoshi (2), par MIYAMOTO Tsunéichi ;
3. 27 mars : Tôwachô kyôdoshi (3), par MIYAMOTO Tsunéichi ;
4. 7 avril : Nôgyô ni tsuite 住住住住住住 (De l’activité agricole) (1), par YONEYASU Akira 住住住 (Professeur à
la Tôkyô nôgyô daigaku 住住住住住住 (Université d’agronomie de Tôkyô)) ;
5. 8 avril : Nôgyô ni tsuite (2), par YONEYASU Akira ;
6. 27 juin : Tôwachô kyôdoshi (4), par MIYAMOTO Tsunéichi ;
7. 28 juin : Tôwachô kyôdoshi (5), par MIYAMOTO Tsunéichi ;
8. 6 juillet : Sesô dangi 住住住住 (Explication sur les mœurs), par EI Rokusuke 住住住 (Ecrivain de radio
télédiffusion) ;
9. 29 juillet : Tôwachô kyôdoshi (6), par MIYAMOTO Tsunéichi ;
Chônai shisatsu shimpojiumu 住住住住住住住住住住 (Symposium d’inspection infradistrict). 17 août : avec la
participation de MIYAMOTO Tsunéichi, DO’I Yatarô 住住住住住 (professeur honoraire à l’Université de
Yamaguchi 住住住住), YONEYASU Akira, MASUSHIGE Shôichi 住住住住 (maître de conférence à la Tôkyô
nôgyô daigaku) et WADA Norihisa 住住住住 (membre du Nihon kankô bunka kenkyûjo 住住住住住住住住住 (Institut
de recherches sur les cultures du tourisme japonais) ;
10. 18 août : Nôgyô ni tsuite (3), par YONEYASU Akira ;
11. 19 août : Eiyô no hanashi 住住住住住住 (Histoires de nutrition), par MASUSHIGE Shôichi ;
12. 18 septembre : Ijô kishô 住住住住 (Anormalités climatiques), par DO’I Yatarô ;
13. 15 octobre : Sarumawashi no kiroku 住住住住住住住 (Notes sur les dresseurs de singes), par MURASAKI
Shûji 住住住住 (chercheur associé au Kyôto daigaku Reichôrui kenkyûjo 住住住住住住住住住住 (Institut de recherche en
primatologie de l’Université de Kyôto)) ;
14. 24 octobre : Gesshô shônin to Meiji ishin 住住住住住住住住住 (Le vénérable Gesshô et la Restauration de
Meiji), par KODAMA Satoshi 住住住 (professeur à l’Université Ryûkoku 住住住住) ;
Première fête de l’université : 23 décembre : avec la participation de la Suô Ooshima Sarumawashi no
kai 住住住住住住住住住住 (Société des montreurs de singes de Suô Ooshima) et le groupe de tambours Ondekoza 住住
住住 ;
15. 1er novembre : Nôgyô ni tsuite (4), par YONEYASU Akira ;
16. 25 novembre : Tôwachô kyôdoshi (7), par MIYAMOTO Tsunéichi ;
601 Rappelons qu’au Japon, l’année scolaire commence en mars ou en avril selon les établissements.
17. 26 novembre : Tôwachô kyôdoshi (8), par MIYAMOTO Tsunéichi ;
18. 30 novembre : Eiyô no hanashi (2), par MASUSHIGE Shôichi ;
19. 19 février : Tôwachô no yakimono no hanashi 住住住住住住住住住 (Histoires de poteries du district de Tôwa)
(1), par KANZAKI Noritaké 住住住住 (membre du Nihon kankô bunka kenkyûjo) ;
20. 20 février : Tôwachô no yakimono no hanashi (2), par KANZAKI Noritaké ;
21. 22 février : Sekiyu jijô to shokuryô mondai – Shomin no tachiba kara 住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Situation du
pétrole et problème des vivres – du point de vue du petit peuple), par YAMAMOTO Jirô 住住住住 (Chef de
l’édition du Yamaguchi du journal du Chûgoku 住住住住住住住住住住) ;
22. 11 mars : Yakibata nôgyô to seikatsu 住住住住住住住住 (L’agriculture sur brûlis et la vie quotidienne), par
HIMEDA Tadayoshi 住住住住 (Directeur du Minzoku eizô kenkyûjo 住住住住住住住 (Institut de recherches en
images ethnographiques)) ;
23. 15 mars : Cours anniversaire de la fondation de la Kyôdo daigaku, par TAKAMATSU住Yoshikichi
住住住住 (professeur à la Sagami joshi daigaku 住住住住住住 (Université pour filles de Sagami)) et MASUSHIGE
Shôichi ;
24. 21 mars : Nôgyô ni tsuite (5), par YONEYASU Akira ;
II Cours donnés après la mort de MIYAMOTO (4
janvier 1981)
Année 1981
1. 4 mai : Daigaku un’ei ni tsuite 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Sur la gestion des universités), par TAKAMATSU
Yoshikichi et et MASUSHIGE Shôichi ;
2. 10 mai : Nôgyô ni tsuite (6), par YONEYASU Akira ;
3. 13 juillet : Nôgyô ni tsuite (7), par YONEYASU Akira ;
4. 28 avril : Tôwachô no yakimono no hanashi (3), par KANZAKI Noritaké ;
Nihon seikatsu gakkai samâ seminâr 住住住住住住住住住住住住住 (Séminaire d’été de la société d’études sur le la vie
quotidienne japonaise), organisé par la Nihon seikatsu gakkai et avec le concours de la Tôwachô
Kyôdo daigaku :
Genchi kôza 住住住住 (cours sur place) : 29 août
Genchi kôza.kôen 住住住住住住住 (cours et conférence sur place) : 30 août :
Seikatsugaku toha nani ka ? 住 住 住 住 住 住 住 (Qu’estce que « l’étude de la vie quotidienne » ?), par
KAWAZOE Noboru 住住住 (critique d’architecture) ;
Shakaigaku no me kara Miyamotosensei no kokyô wo miru 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 , par
MATSUDAIRA Makoto 住住住 (professeur à l’Université Rikkyô 住住住住) ;
Nôgyô to tochi mondai 住住住住住住住, par TAKAMATSU Yoshikichi ;
Genchi kôza.kagai kôza 住住住住住住住住住 (cours sur place et cours hors programme (kagai 住住)) ;
5. 31 août : Chiiki shakai no shokuseikatsu to sangyô 住住住住住住住住住住住 (Vie alimentaire dans les sociétés
locales et inductrie), par MORI Masao 住 住 住 (professeur au Shokuryô gakuin 住 住 住 住 (Académie des
vivres)) ;
Donné en parallèle avec les cours hors programme du Nihon seikatsu gakkai samâ
seminâ ;
Deuxième fête de l’université. 1er novembre : sur le thème « Tomo ni katarô kyôdo no yume wo / Tomo
ni kizukô kyôdo no mirai wo »住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住(« Racontons ensemble le rêve [de l’Université
( ?)] du terroir / Construisons ensemble le futur [de l’Université ( ?)] du terroir »), avec la participation
de SAKAMOTO Nagatoshi 住 住 住 住 (compagnie théâtrale Hikari shiba’i 住 住 住 住 住 ), et les membres de
l’Ondekoza devenu « Kodô 住住 » (groupe de tambours japonais).
[Fermeture de l’Université jusqu’en 2003.]
Année 2003
*Cours magistral spécial. 30 janvier : Miyamoto Tsuneichi no messêji 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Le message de
MIYAMOTO Tsunéichi), par SANO Shin’ichi (essayiste)602 ;
1. 31 mai : Seimei no kyôzon to chiiki I 住住住住住住住住 I (Coexistence des vies, et régions I), (avec projection
de Suô saru mawashi no kiroku 住住住住住住住住住 (Garder trace des montreurs de singe de Suô)), par HIMEDA
Tadayoshi ;
2. 21 juin : Seimei no kyôzon to chiiki II, (avec projection de Neyako – Umikara umareta kazoku 住住住住住住
住住住住住住住 (Neyako : Une famille née de la mer)), par HIMEDA Tadayoshi ;
3. 26 juillet : Miyamoto minZokugaku to ha nani ka ? 住住住住住住住住住 (Qu’estce que l’« ethnographie du
folklore » de MIYAMOTO ?), par TAMURA Zenjirô 住住住住住 (professeur à l’Université des BeauxArts
de Musashino 住住住住住住住) ;
4. 23 août : Kaigyô no susume 住住住住住住 (Conseils pour l’industrie de la mer), par YONEMURA Yôichi 住住
住住 (Administrateur représentant de projet au Chiiki kôryû sentâ 住住住住住住住住 (Centre pour les échanges
régionaux)) ;
602 Miyamoto Tsuneichi no messêji : Suô Ooshima kyôdo daigaku kôgiroku, chap. I, p. 8.
*5. 6 septembre : Bukkyô to iryô – Ikikata ni manabô 住住住住住住住住住住住住 (Bouddhisme et traîtement médical :
Apprenons des manières de vivre)603, par FUJIMOTO Kiyohiko (Professeur à la Bukkyô daigaku 住住住住
(Université du bouddhisme et Moine responsable du Sairenji 住住住 (Temple du Lotus occidental) (de
l’Ecole de la Terre pure)) ;
6. 25 octobre : Genki rôjin no yûtopia 住住住住住住住住住住 (L’utopie des vieillards en bonne santé), par ENAMI
Etsuko 住住住住 (photographe) ;
7. 22 novembre : Monokaki kara mita Suô Ooshima 住住住住住住住住住住住住 (Suô Ooshima vue dans les textes),
par MORIFUKU Miyako 住住住 (écrivain) ;
8. 13 décembre : Gyoson wo « Aruku miru kiku » 住住住住住住住住住住住住 (« Arpenter, regarder et écouter » les
villages de pêcheurs), par MORIMOTO Takashi 住住住 (ancien rédacteur en chef de la revue Aruku miru
kiku住住住住住住住住住) ;
9. 30 janvier : Première réouverture du forum : Ima ni ikasu Miyamotogaku – Suô Ooshima bunka
kôryû sentâ no yakuwari wo kangaeru 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Faire vivre maintenant la
miyamotologie : Penser le rôle du Centre pour les échanges culturels de Suô Ooshima), avec la
participation de :
MASUSHIGE Shôichi (cours introductif), SANO Shin’ichi, MAJIMA Shun’ichi 住 住住 住 (directeur de
l’Institut de recherche TEM), MORIMOTO Takashi, YANA’I Shungaku 住住住住 (député du département
du Yamaguchi et maire de l’ancien district de Tôwa) et NIIYAMA Shizuo 住住住住 (Chef de la section
projet de l’Université du terroir et assurant ici la coordination) ;
10. 28 février : San’ya wo ikasu – Soma no kai 23nen no katsudô wo tooshite 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
(Faire vivre les montagnes et les plaines : A travers 23 ans d’activité de l’Association des bucherons),
par IMAKITA Tetsuya 住住住住 (exploitant forestier) ;
Année 2004
11. 10 avril : Sora kara mita mura no ayumi – Nishi Seto naikai no shimajima wo jirei ni 住住住住住住住住住住住住住住
住住住住住住住住 (L’évolution des villages vue du ciel – Le cas des îles de l’ouest de la Mer intérieure de Seto),
par KADZUKI Yôichirô 住住住住住 (professeur à l’Université de Kanagawa 住住住住住).
*12. 12 juin : « Seto naikai » « Chûgoku sanchi » shuzai to Miyamoto Tsuneichi 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
(MIYAMOTO Tsunéichi et la collecte d’informations sur « La mer intérieure de Seto » et « Les zones
montagneuses du Chûgoku »)604, par USU’I Takumi (professeur à la Hiroshima bunkyô joshi daigaku 住
住住住住住住住 (Université pour filles pour l’enseignement des lettres de Hiroshima) et ancien journaliste au
Chûgoku shimbun 住住住住住住(Journal du Chûgoku)) ;
603 Miyamoto Tsuneichi no messêji : Suô Ooshima kyôdo daigaku kôgiroku, chap. II, p. 22.604 Miyamoto Tsuneichi no messêji : Suô Ooshima kyôdo daigaku kôgiroku, chap. III, p. 40.
13. 31 juillet : Mori kara mita 21 seiki – Yama no kurashi wo tsunagu to iu koto 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
(Le XXIème siècle vu du ciel – Relier les vies montagnardes), par SHIBUSAWA Shûichi / Hisakazu 住住住
住 (Directeur administratif de la NPO Hôjin Jumoku . kankyô nettowâku kyôkai NPO 住住住住住住住住住住住住住住住
(l’Association NPO des réseaux du boir et de l’environnement)) ;
14. 28 août : Shokubutsu kara mita Suô Ooshima 住住住住住住住住住住 (Suô Ooshima vue par les plantes), par
MINAMI Atsushi 住住 (Président de la Yamaguchiken shokubutsu gakkai (Société départementale du
Yamaguchi de botanique)) ;
15. 11 septembre : Ushinawareta Shôwa – Miyamoto Tsuneichi no shashin wo yomu 住住住住住住住住住住住住住住住住住
(L’ère Shôwa perdue – Une lecture des photographies de MIYAMOTO Tsunéichi), par SANO
Shin’ichi ;
16. 25 septembre : Ikiru chikara wo hagukumu tame ni – MinZokugaku de sodaterareta watashi no
bijutsu kyôiku 住住住住住住住住住住住住住 住住住住住住 住住住住住住 住 (Pour développer une force de vivre – Mon éducation
artistique, à moi qui fus élevé à la minZokugaku), par HAYAMA Noboru 住住住 (Directeur du Shikisai
zôkei kenkyûjo 住住住住住住住 (Institut de recherche sur la plastique des couleurs)) ;
17. 23 octobre : Suô Ooshima to Tsushima – Mô hitotsu no Hawai 住住住住住住住住住住住住住住住住 (Suô Ooshima et
Tsushima – Un autre Hawaï), par MIHARA Yoshinori 住 住 住 住 (professeur à l’Ooshima shôsen kôtô
senmon gakkô 住住住住住住住住住住 (Ecole supérieure spécialisée des navires de commerce d’Ooshima) ;
18. 27 novembre : Uta ha umi wo wataru – Kataritsugitai furusato no minyô 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Les
chants traversent la mer – Chants populaires du village natal qu’on voudrait transmettre), par
EBISUTANI Kazunobu 住住住住 (Directeur de l’Ecole primaire de Morino du district de Suô Ooshima 住住住住
住住住住住住住) ;
19. 18 décembre : Miyamoto Tsuneichi to « Nihon bunka no keisei » 住住住住住住住住住住住住住住 (MIYAMOTO
Tsunéichi et Nihon bunka no keisei (La formation de la culture japonaise)), par SUTÔ Mamoru 住住住
(professeur à l’Université Ryûkoku 住住住住) ;
20. 30 janvier : Tanada to « MinZoku gijutsu » – MIYAMOTO Tsunéichi to aruita Suô Ooshima Kuka
住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Rizières en terrasses et « techniques traditionnelles » – Kuka, sur Suô
Ooshima, arpenté avec MIYAMOTO Tsunéichi), par INNAMI Toshihidé 住 住 住 住 (professeur à
l’Université d’Aichi 住住住住) ;
Année 2005
21. 2 avril : Miyamoto Tsuneichi no jûmanmai no shashin wo yomu 住住住住住住住住住住住住住住 (Lire les cent mille
photographie des Miyamoto Ysunéichi), par ITÔ Kôji 住住住住 (dir. de l’édition critique du Shashin nikki
shûsei 住住住住住住住住住 (Journal et photographies) de MIYAMOTO) ;
22. 28 mai : Chûgoku sanchi to Miymoto Tsuneichi 住住住住住住住住住 (Les zones montagneuses du Chûgoku et
Miyamoto Tsunéichi), par KANDA Mikio 住住住住住 (poète et minZokugakusha) ;
*23. 16 juillet : Koizumi Yakumo to Miyamoto Tsuneichi – Tabibito ga nokoshita mono 住住住住住住住住住住住住住住住住
住 住 (Koizumi Yakumo (Lafcadio Hearn) et Miyamoto Tsunéichi – Ce que nous ont laissé ces
voyageurs), par KOIZUMI Bon (maître de conférence à la Shimaneken joshi tanki daigaku 住住住住住住住住住
(Ecole supérieure pour fille du département de Shimané) et conseiller du Koizumi Yakumo kinenkan 住
住住住住住住 (Memorial de Lafcadio Hearn)) ;
24. 1er octobre : Shashin no satogaeri shien – Têmaten « Miyamoto Tsuneichi no mita Fuchû » no
jitsugen kara 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Aide au retour au village natal par la réalisation d’une
exposition de photographies sur le thème « Fuchû vu par Miyamoto Tsunéichi »), par SATÔ
Tomotaka 住住住住 (conservateur du Kyôdo no mori hakubutsukan 住住住住住住住 (Musée du bois du terroir) de la
ville de Fuchû, communauté urbaine de Tôkyô) ;
25. 29 octobre : Tokara rettô kara mita Miyamoto Tsuneichi – Soshite watashi no ritô kurashi 住住住住住住住住住
住住住住住住住住住住住住住住住 (Miyamoto Tsunéichi vu de l’archipel Tokara et ma vie sur une île éloignée), par
INAGAKI Naotomo 住住住住 (Artisan sur bambou et écrivain) ;
26. 3 décembre : Nagisa no kioku – Miyamoto Tsuneichi Tabi no genkei 住住住住住住住住住住住住住住住住 (Souvenirs du
rivage – Voyages et archétypes miyamotiens), par SATAO Shinsaku (Journaliste au Chûgoku
shimbun 住住住住) ;
27. 28 janvier : Hyakumannin no furusato kaiki 住住住住住住住住住住住住 (Retour au village pour un million de
personnes), par TAKAHASHI Hiroshi 住住住 (chef du bureau du NPO hôjin Furusato kaiki shien sentâ
NPO 住住住住住住住住住住住住住住 (Centre d’aide au retour au village, ONG)) ;
28. 11 mars : Shikoku henro to Miyamoto Tsuneichi ga sodatta Suô Ooshima no henro 住住住住住住住住住住住住住住住住住
住 住 住 住 (Le pèlerinage de Shikoku et celui suscité par Miyamoto Tsunéichi à Suô Ooshima), par
NAKANO Ichi 住住住 (administrateur de la Suô Ooshima Kyôdo daigaku) ;
Année 2006
29. Yorimono no hanashi 住住住住住住住 (Histoires sur ce qui nous arrive), par ISHII Tadashi/Atsushi 住住住
(Directeur du Rekishi shiryôkan 住 住 住 住 住 (Musée historique) de la ville de Koga, département de
Fukuoka et chercheur en objets échoués (hyôchakubutsu 住住住) sur les côtes) ;
30. 13 mai : Miyamoto Tsuneichi to kujira 住 住 住 住 住 住 住 住 (Miyamoto Tsunéichi et les baleines), par
KOMATSU Masayuki 住 住 住 住 (administrateur du Suisan sôgô kenkyû sentâ 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Centre de
recherches synthétiques sur les produits de la mer)) ;
31. 24 juin : Enogawa monogatari – Kawa ryôshi kikigaki 住住住住住住住住住住住 (Histoire de l’Enogawa –
Verbatim des pêcheurs en rivière), par KURODA Akinori 住住住住 (Président de l’Enogawa suikei gyorô
bunka kenkyûkai 住住住住住住住住住住住住 (Société de recherches culturelles sur la pêche en rivière dans l’Eno
gawa)) ;
*32. 5 août : Waga kokoro no tabi 住 住 住 住 住 住 住 (Le voyage de mon cœur), par TATEMATSU Wahei
(écrivain et Administrateur général du NPO hôjin Furusato kaiki shien sentâ) ;
Organisation conjointe avec l’OkiKamuro kaitô 400nen kinen jigyô jikkô iinkai 住住住
住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Comité pour la réalisation d’évènements commémoratifs du quatrecentième
anniversaire de l’ouverture de l’île) ;
33. 19 août : Shokuhin no anzen to anshin 住住住住住住住住 (Confiance et sécurité alimentaire), par HOMMA
Seiichi 住 住 住 住 (professeur à la Tôkyô nôgyô daigaku 住 住 住 住 住 住 (Université d’agronomie de Tôkyô) et
membre du Naikakufu shokuhin anzen iinkai 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Comité ministériel pour la sécurité
alimentaire)) ;
34. 30 septembre : Kisô wo mitsumeru manazashi – Min’eiken no keiken kara 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Le
regard pour observer les couches profondes – A partir de l’expérience du Min’eiken (L’institut de
recherche sur la documentation culturelle visuelle ethnologique)), par AOHARA Satoshi 住 住 住 住 住
(réalisateur de documentaires et ancien membre du personnel du Minzoku bunka eizô kenkyûjo 住住住住住住住
住住 (dit « Min’eiken »)) ;
35. 25 novembre : Shôwa wo ikinuita nikkitachi 住住住住住住住住住住住住 (Les journaux qui ont survécu à Shôwa),
par SHIMA Rieko 住住住住 (écrivain, représentante de la Josei no nikki kara manabu kai 住住住住住住住住住住 (Société
d’étude des journaux intimes féminins) ;
Projet spécial. 30 janvier : Seitan 100nen kinen fôramu / Miyamoto Tsuneichi wo manabu 住住住住住住住住住住住住住
(Forum de commémoration du centenaire de la naissance de Miyamoto : Etudier Miyamoto
Tsunéichi), avec la participation de :
KOMATSU Masayuki (administrateur du Suisan sôgô kenkyû sentâ)) ;
SUZUKI Yûji 住住住住 (professeur à la Nagasaki Uesureyan daigaku 住住住住住住住住住住 (Université
wesleyenne de Nagasaki) ;
NAGAOKA Shûsei 住住住住 (représentant actif de la Miyamoto Tsuneichi wo kataru kai 住住
住住住住住住 (Association pour raconter Miyamoto Tsunéichi)) ;
YANA’I Shûngaku 住住住住 (conseiller du Miyamoto Tsuneichi seitan 100nen kinen jigyô
jikkô iinkai 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Comité pour la rélisation de l’entreprise de la commémoration du
centième anniversaire de MIYAMOTO Tsuneichi)) ;
NIIYAMA Shizuo (administrateur de la NPO Hôjin Suô Ooshima kyôdo daigaku) qui
assurait la coordination.
Organisé en collaboration avec le Miyamoto Tsuneichi seitan 100nen kinen
jigyô jikkô iinkai ;
36. 24 février : Wataobi hashikakekae – Shô no kokoro wo tsutaeru 住住住住住住住住住住住住住住住 (Le remplacement
du pont de Wataobi – Transmettre le cœur des artisans), par EBISAKI Kumehide / Kumetsugu 住住住住住
(ancien chef administrateur du Syndicat du bâtiment traditionnel d’Iwakuni 住住住住住住住住住住) ;
Année 2007
37. 12 mai : Chiiki no ashita no tame ni ase wo nagasu – Supein Nabarashû to Yamaguchiken no
gurîn tsûrizumu kôkan kara 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Suer pour l’avenir des régions, à
partir d’un échange avec la région de la Navarre en Espagne), par ANKEI Yûji 住住住住 (professeur à la
Yamaguchikenritsu daigaku 住住住住住住 (Université départementale du Yamaguchi)) ;
38. 9 juin : Hiroshimaken Toyomatsumura to Miyamoto Tsuneichi 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Le village de
Toyomatsu dans le département de Hiroshima et Miyamoto Tsunéichi), par YAMAZAKI Masaru 住住住
(ancien directeur de diffusion dans le Chûgoku) et MORIOKA Mie 住 住 住 住 (ancien présentateur
d’information du Chûgoku) ;
39. 8 septembre : Hawai ni watatta kaizokutachi – Suô Ooshima no iminshi 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住 (Les
pirates partis pour Hawai, une Histoire de l’émigration de Suô Ooshima), par HORI Masaaki 住 住 住
(ancien chercheur en pharmaceutique, écrivain et chercheur en Histoire de l’émigration) ;
40. [Malgré nos recherches, le titre du cours demeure introuvable] ;
41. 1er décembre : Shibusawa : sono eikyô to keishô 住 住住 住住 住住 住住 住 住住 (Shibusawa Keizô : influence et
postérité), par AMINO Satoru 住住住 (chercheur en ethnographie).
Année 2008
42. 16 février : Seto naikai tôshobu wo motomerareru jinteki shigen no katsuyô 住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住住
(L’exploitation de ressources humaines réclamées par les îles de la Mer intérieure de Séto),
parYAMADA Toshiko 住住住住 住maître de conférence à l’Université Hiji 住住住住住住住住住
Annexe IV : Tableau comparatif des poids et mesures occidentaux et japonais standards anciens (shakkanhô 宮宮宮)
I Longueur (nagasa 「「)
SYSTEME
METRIQUE
SYSTEME JAPONAIS TRADITIONNEL
mètre Shaku605 住 ken 住 ri 住
1 3.3 0.55 0.00025
0.30303 1 0.16667 0.00008
1.81818 6 1 0.00046
3 927.27 12 960 2 160 1
Note :
1 chô 住606 (/住)= 60 ken = 109 mètres
1 sun 住 = 0.1 shaku = 3.03 centimètres
II Masse (omosa 「「 / shitsuryô 「「)
SYSTEME METRIQUE SYSTEME JAPONAIS TRADITIONNEL
kilogramme Gramme kan 住 momme 住 kin 住
1 1 000 0.26667 266.667 1.66666
0.001 1 0.00027 0.26667 0.00167
3.75 3 750 1 1 000 6.25
0.00375 3.75 0.001 1 0.00625
0.6 600 0.016 160 1
Note :
1 momme = 10 bu607 住 = 3.75 grammes
1 bu = 10 ri 住 = 0.375 grammes
III Volume / capacité (taiseki 「「 / yôseki 「「)
SYSTEME METRIQUE SYSTEME JAPONAIS TRADITIONNEL SYSTEME JAPONAIS
MODERNE
litre mètre cube gô 住 shô 住 koku 住 shaku cube 住住住
605 Ne pas confondre shakù 「 [mesure de longueur] et shàku 「 [mesure de capacité] : l’intonation est différente.606 Il existe deux chô 「 strictement homophones et homographes : le premier est une unité de longueur et peut également s’écrire 「 ; le second une unité de superficie et n’a pas d’autre orthographe.607 Ne pas confondre bu 「 [unité de masse] et bu 「 [unité de superficie], strictement homophones.
1 0.001 5.54352 0.55435 0.00554 0.03594
1 000 1 5 543.52 554.352 5.54352 35.937
0.18039 0.00018 1 0.1 0.001 0.00648
1.80386 0.0018 10 1 0.01 0.06483
180.386 0.18039 1 000 100 1 6.48251
27.8265 0.02783 154.261 15.4261 0.15426 1
Note :
1 gô = 10 shaku608 住 = 180.39 centimètres cube
1 to 住 = 10 shô = 18.039 litres
IV Superficie (menseki 「「)
SYSTEME METRIQUE SYSTEME JAPONAIS TRADITIONNEL
mètre carré are hectare tsubo 住 / bu 住609 tan 住 (/住) chô 住610
1 0.01 0.0001 0.3025 0.00101 0.0001
100 1 0.01 30.25 0.10083 0.01008
10 000 100 1 3 025 10.0833 1.00833
3.30579 0.03306 0.00033 1 0.00333 0.00033
991.736 9.91736 0.09917 300 1 0.1
9 917.36 99.1736 0.99174 3 000 10 1
Note :
1 tsubo = 10 gô = 36 shaku carré 住住住 = 3.30579 mètres carré
1 se 住 = 30 tsubo = 0.992 ares
1 tan = 10 se = 991.736 mètres carré.
Annexe V : Index des noms de personnes
AMINO Yoshihiko 「 「 「 「 (19282004) : historien médiéviste de la ville et ancien collègue de
MIYAMOTO.
608 Voir note 10.609 Voir note 12.610 Voir note 11.
ASHIDA Enosuke 住 住 住 住 住 (18731951) : « didacticien », spécialiste de l’enseignement de la langue
nationale, il s’intéressa notamment à la question de la lecture et de l’orthographe. Contemporain de
YANAGITA, il fut aussi le professeur de SHIBUSAWA Keizô, avant d’être celui de MIYAMOTO.
BIRD, Isabella Lucy (18311904) : exploratrice, femme de lettres et féministe anglaise, auteur de
nombreux récits de voyage en Australie, à Hawai, au Colorado, en Chine, au Vietnam, à Singapour et
au Japon (1878) où elle voyage seule. Ses souvenirs épistolaires (Unbeaten Tracks in Japan) (1880)
constituent un des documents historiques favoris de MIYAMOTO, permettant de voir des aspects de
la vie japonaise, disparus depuis, et que les auteurs Japonais de l’époque n’avaient pas cru bon de
signaler (maladies, hygiène, traitement des animaux, éducation des enfants… ).
FURUKAWA Koshôken 住住住住住(17261807) (vrai prénom : Tatsu 住) : au départ médecin spécialisé en
médecine occidentale (ran’i 住住), il est engagé par le Bakufu comme envoyé (junkenshi 住住住) dans les
provinces où il doit observer et consigner la situation économique, sociale, démographique…
HIMEDA Tadayoshi 住 住 住 住 (né en 1928 à Kôbé) : réalisateur de documentaires ethnographiques au
Japon, portant sur les coutumes des Wajin et des Ainous (Iyómante 住 住 住 住 住 住 住 611(« La cérémonie
sacrificielle de l’ours »)). En 1954, il fait la connaissance de MIYAMOTO dont il devient le disciple.
Il réalise, sous son influence, de nombreux documentaires. Son travail est reconnu au Japon et en
France, où le Collège de France l’a invité à intervenir à plusieurs reprises.612
MINAKATA Kumagusu 住 住 住 住 (18671941) : précurseur principal de la minZokugaku*. Après des
études en Amérique, il part pour l’Angleterre (1892) où il trouve une place au British Museum. Il
étudie les microorganismes, les langues étrangères, les coutumes, l’archéologie. Son œuvre est
monumentale.
MIYAMOTO Ichigorô 住住住住住 : grandpère de Tsunéichi, qui lui enseigna la morale des paysans et ses
premiers contes.
MIYAMOTO Otogorô (/ou Négorô ?) 住住住住住 : oncle paternel de MIYAMOTO Tsunéichi, résidant à
Osaka.
MIYAMOTO Zenjûrô 住住住住住 : père de MIYAMOTO Tsunéichi.
MORI Shinzô 住 住 住 : ancien professeur de MIYAMOTO et de SHIBUSAWA Keizô, spécialiste de
philosophie de l’éducation ;
MORSE, Edward Sylvester (18381925) : zoologiste américain venu au Japon en 1877 pour enseigner,
il découvre des kaidzuka (amas de coquillages) à Oomori. Il est le premier à avoir introduit
l’évolutionnisme au Japon. Il a aussi contribué à l’archéologie et à l’anthropologie de ce pays ;
611 Page officielle du film : http://www31.ocn.ne.jp/~minneiken/library/library.html612 Source : Le site du Minzoku bunka eizô kenkyûsho 「「「「「「「「「 (Minneiken 「「「)http://www31.ocn.ne.jp/~minneiken/outline/himeda.html
ORIKUCHI Shinobu 住 住 住 住 (18871953) : spécialiste de littérature japonaise et poète (surtout tanka
(poème court) et chôka (poème long)), il fut aussi un pionnier de la minZokugaku, s’intéressant
particulièrement aux liens entre les contes populaires et la littérature classique. Il définit son champ
d’études comme les « Nouvelles études nationales » (Shinkokugaku 住住住).
SANO Shin’ichi 住 住 住 住 (né en 1947) : essayiste et spécialiste de MIYAMOTO Tsunéichi et de
SHIBUSAWA Keizô* ;
SHIBUSAWA Keizô 住住 住住 (18961963) : petit fils de SHIBUSAWA Eiichi, entrepreneur, un temps
gouverneur de la Banque du Japon, fondateur de l’Achikku myûzeamu* de la science des mingu* et à
la fois « sempai » (aîné) et « sensei » (maître) de MIYAMOTO Tsunéichi qu’il hébergea chez lui
plusieurs années ;
SUGAE Masumi 住 住 住 住 (17541829) (vrai nom : SHIRA’I Hideo 住 住 住 住 ) : écrivain voyageur et
cosmographe (spécialiste de géographie humaine) de la fin de l’époque d’Edo. Auteur d’une œuvre
fournie, notamment d’un Masumi yûranki 住住住住住住住 (Notes d’excursion de Masumi) dont MT a assuré
l’édition de référence.
TAMADA Asako 住住住住住 (née en 1912) : épouse de MIYAMOTO Tsunéichi.
YANAGI Munéyoshi 住住住 (1889住1961) : spécialiste de philosophie religieuse, des mingu* et fondateur
du Nihon mingeikan*.
YANAGITA Kunio 住住住住 (18751962) : d’abord poète avantgardiste de « style nouveau » (shintaishi 住
住住), puis haut fonctionnaire au Ministère de l’agriculture et du commerce, il devient le fondateur de
l’ethnologie japonaise, avec la Minkan denshô no kai 住住住住住住 (Société des transmissions populaires)
(1932), spécialiste des contes et légendes populaires (« l’art littéraire oral », kôshô bungei 住住住住 ). Sa
période d’études sur le terrain fut brève, mais son œuvre est colossale. Elle cherche à mettre le petit
peuple (jômin 住住) à la place importante qui est la sienne.
YASUOKA Masahiro 住住住住 (18981983) : penseur, Diplômé de l’Université impériale de Tôkyô, il était
spécialiste de néoconfucianisme613. Il était actif comme idéologue antimarxiste et membre du
Gakusei shisô mondai iinkai 住住住住住住住住住 (Comité pour les problèmes idéologiques des élèves) mis en
place par le Ministère de l’éducation, alors impérialiste et physiocrate et fut à l’origine de la création
de la Tokunô kyôkai* (Association d’agronomie). Son opposition à toute action terroriste alors
pratiquée par certains groupes d’extrêmedroite et son action idéologique au sein de cette instance lui
valaient d’être soutenu par des hommes riches et/ou puissants du monde de l’entreprise, de la finance,
de la politique, de la haute Administration et de l’armée614… Et c’était une des relations (un ami ?) de
YANAGITA
613 Plus précisément de Yômeigaku 「 「 「 (« Yángmíngologie » : la discipline japonaise analysant la pensée du philosophe chinois WÁNG Yángmíng 「「「 (14721528).614 On sait aussi que MISHIMA Yukio fut un de ses sympathisants.
Annexe VI :Index des toponymes
Bôchô 住住 : abréviation de Suô 住住 et Nagato 住住 ;
Chejudô 「「「 [住住住] (lu en japonais Saishûtô 住住住住住住住 ou Chejudo 住住住住住) : île coréenne située entre la
Corée et le Japon et célèbre pour ses ama* ;
Ooaza Nishigata 住住住住, commune d’OkiKamuro Nishigata 住住住住住住, district d’Ooshima 住住住, département
de Yamaguchi 住住住 : lieu de naissance de MIYAMOTO Tsunéichi.
Oobatake 住住 : petite ville côtière de Honshû, située en face de Suô Ooshima, et reliée à cette dernière
par un pont.
Shitata 住住 (et non « Shimoda ») : village de Suô Ooshima* où réside la famille MIYAMOTO depuis
trois générations au moins ;
Suô Ooshima 住住住住 : île du département de Yamaguchi dont MIYAMOTO était originaire ;
Tsushima 住住 : île du département de Nagasaki située entre le Japon (Kyûshû) et la Corée. Longtemps
elle a dispos » d’un statut de relative autonomie et a été un lieu décisif des échanges commerciaux
avec la Corée et la Chine ;
Annexe VII : Lexique des mots japonais
Les indications entre crochets suivant le mot japonais sont d’ordre étymologique.
Achikku.fôramu 住住住住住住住住住住 (de l’anglais Attic Forum, « Forum des greniers ») : cf. Minzoku bunka eizô
kenkyûjo*
Achikku.myûzeamu 住住住住住住住住住住住 (de l’anglais Attic Museum, « Musée des greniers ») (devenu le Nihon
jômin bunka kenkyûsho 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Institut de recherches sur les cultures populaires du Japon)615
appartenant à l’Université de Kanagawa 住住住住住 ) : musée et institut créé par SHIBUSAWA Keizô* et
s’intéressant à l’étude des mingu* ;
akishi 住住 [住住 dans l’orthographe de MIYAMOTO] : [mot employé dans l’Ouest] ouvrier saisonnier
employé à la moisson du riz ;
ama 住住 : cf. kaijin* ;
ama 住住 : plongeuse pêcheuse de fruits de mer, d’awabi (ormeau) en particulier ;
Amukasu tanken gakkô 住 住 住 住 住 住 住 住 : [Forme japonaise de l’anagramme « A.M.K.A.S. »] Ecole
d’expédition de l’AMKAS (Aruku Miru Kiku Amêba Shûdan 住住住住住住住住住住住住住 : Groupe amiboïde d’Aruku
615 Sur ce changement de nom, voir Miyamoto Tsuneichi, Mingugaku no teishô, Tôkyô, Miraisha, 1ère
éd. 1979, rééd. 1999, p. 243.
miru kiku (Marcher, regarder et écouter)) : société japonaise de recherche ethnographique à l’échelle
nationale et internationale, organisatrice du premier voyage à l’étranger de MIYAMOTO Tsunéichi.
arashiko 住住住住 [住住] : employé (agricole) (du bas de l’échelle) ;
ateji 住住住 : caractères chinois (kanji) utilisés pour transcrire phonétiquement (phonogrammes) des mots
japonais (wago) et non pas pris pour leur sens (idéogrammes). (Ex. : le caractère byô 住 (māo en
chinois) signifiant « chat », lu « neko » et utilisé pour transcrire le mot antique nekoya 住住住 [住住住] (riche
demeure « enracinée » sur les pentes d’une colline) dans les toponymes).
bunka jinruigaku 住住住住住 : anthropologie culturelle ;
chôsa 住住 : étude de terrain, enquête ethnographique ; 住ryokô 住住 : voyage d’étude (ethnographique) ;
denshôsha 住住住 : transmetteurs de patrimoine écrit ou non écrit (oral ou de savoirfaire).
dozokuhin 住住住 : produit du terroir
Ebisu 住住住 [住] : 1/ plus ancienne population connue de la préhistoire du sud ouest616 de Honshû, faisant
partie des Jômonjin*. 2/ Au sens large, désigne les Jômonjin* en général.
Emishi 住 住 住 [ 住 住 ] : 1/ plus ancienne population connue de la préhistoire du nord617 de Honshû et de
Hokkaidô, faisant partie des Jômonjin*. 2/ Au sens large, désigne les Jômonjin* en général ;
Syn. : Ezo 住住 [住住] ;
Ezo 住住 [住住] : cf. Emishi* ;
firudo.nôto 住住住住住住住住 (de l’anglais field notes) : notes de terrain ;
firudo.wâkâ 住住住住住住住住住 (de l’anglais field worker, « travailleur de terrain ») : homme de terrain
firudo.wâku 住住住住住住住住 (de l’anglais field work) : travail de terrain ; cf. chôsa* ;
gyôji 住住 : cf. nenchû gyôji* ;
hata 住 住 : 1/ [ 住 ] champ sec (permettant la culture sur brûlis, yakibata*) ; 2/ [ 住 ] nom japonais de la
famille QÍN ; 3/ [「] métier à tisser ;
Hayato 住住 : population antique faisant partie des Tsuchigumo* et située à Shikoku et dans sa proche
région ;
hensen 住住 : mutation, transformation, passage d’un usage ancien à un usage nouveau ou d’une situation
ancienne à une situation nouvelle ;
hôgen 住住 : dialecte, patois ;
irori 住住住 [住住住] : foyer central de la maison où l’on faisait bouillir l’eau et où l’on faisait un feu pour se
réchauffer, haut lieu de socialisation intergénérationnelle ;
616 Commentaire de MIYAMOTO Chiharu 「「「「 dans Nihon bunka no keisei, t. I, I (conférence du 6 juillet 1979), séance de question, p. 64 éd. Soshiete, 1981.617 Commentaire de MIYAMOTO Chiharu, op. cit., p. 64 éd. Soshiete, 1981.
ishiburo 住住住 : bain de pierre ;
jinruigaku 住住住 : anthropologie. Voir bunka jinruigaku*;
jôbata 住住 [住住] : champ fixe suffisamment fertile pour se passer de la culture sur brûlis ; cf. hata* ;
Jômon jidai 住住住住 : (« époque des motifs cordés », du nom de motifs réalisés en creu avec des cordes sur
des poteries) période de la préhistoire japonaise s’étalant de 12000 ou 13000 avt. J.C. à 2300 ou 2400
avt.J.C. ;
Jômonjin 住住住 : habitants du Japon à l’époque préhistorique de Jômon* ;
kaijin 住住 (lecture de MIYAMOTO, lu autrement ama 住住) : pêcheursplongeurs des deux sexes, vivant
dans des villages dits « nôji* » ;
kaikyô 住住 : nostalgie (mélancolique) du village natal ; cf. kyôshû* ;
kaitakusha 住住住 : 1/ défricheur (au sens propre : personne qui défriche une terre) : 2/ défricheur (au sens
figuré), inventeur, précurseur, entrepreneur, personne industrieuse ;
kajiya 住住住 : forge ; forgeron ; réparateur d’outils ;
kambun 住 住 : langue de synthèse inventée au Japon dans l’Antiquité. Il s’agit à l’écrit de chinois
classique matiné d’expressions japonaises traduites littéralement en chinois, sur lequel ont été rajoutés
de petits signes diacritiques destinés à la lecture en japonais ancien, c’est à dire les mots mis dans un
autre ordre, celui du japonais, avec restitution des particules et des terminaisons. C’est la seule langue
au monde dans laquelle on ne lit pas les mots dans l’ordre où ils figurent dans la phrase, mais selon
une reconstitution mentale. Cette langue était celle des hommes lettrés, et elle était utilisée aussi bien
dans l’Administration que pour les textes religieux.
kijiya 住住住 : fabricants d’objets en bois au tour ; syn. : kijishi 住住住, rokuroshi 住住住 ;
kura 住 (/住/住) : silo, remise, entrepôt traditionnel où sont stockés par exemple des objets de valeur ;
kyôdo 住住 : terroir (sens identitaire) ;
kyôshû 住住 : mélancolie nostalgique du village natal ; cf. kaikyô* ;
matagi 住住住 [住住住 , étymologie proposée par MIYAMOTO : 住住 (arbre fourchu)] : chasseurs [selon les
méthodes traditionnelles] ; syn. : matogi 住住住, yamadachi 住住, kariudo 住住 ;
mingu 住住 [étym. : mot créé par SHIBUSAWA Keizô* en 1934 ou 1935618, abréviation de « minshû no
nichijô seikatsuyôgu 住住住住住住住住住 » (ustensiles pour la vie pratique quotidienne du peuple). Ce terme a
pratiquement remplacé minzokuhin 住住住 (objet populaire) et dozokuhin 住住住 (produit du terroir)] : objets
(populaires) courants, objets de la vie de tous les jours ; [les mingu font partie de l’ensemble plus vaste
des yûkei minZoku shiryô*]
618 Source : Miyamoto Tsuneichi, Mingugaku no teishô, p.44. Le mot fait sa première apparition dans le premier numéro de juillet Shôwa X (1935) d’Achikku mansurî 「「「「「「「「「「「 (Greniers, le mensuel).
mingugaku 住住住 : étude des mingu*.
min’yô 住住 : chants populaires, folkloriques ;
Minzoku bunka eizô kenkyûjo 住住住住住住住住住 (Centre de recherches sur la documentation visuelle culturo
ethnographique) : centre fondé par HIMEDA Tadayoshi* en 1961 (et situé actuellement à Kawasaki),
visant à la réalisation, la projection, la diffusion et l’étude de documentaires ethnographiques
concernant majoritairement le Japon rural.
minZokugaku 住住住 : étude du folklore ; ethnographie du folklore, des arts et techniques traditionnels et
des coutumes populaires ;
minzokugaku 住住住 : ethnologie ; étude des ethnies ;
miya 住 (étymologiquement miya [「「], « auguste demeure ») : 1/ temple shintô (jinja) ou bouddhique
(otera) ; 2/ demeure appartenant à la famille impériale ;
nenchû gyôji 住住住住 : ensemble des pratiques coutumières présentant des aspects cérémoniels auquelles
on procède annuellement, au rythme des saisons et du calendrier agricole et/ou religieux ;
Nihon jômin bunka kenkyûsho 住住住住住住住住住 : cf. Achikku myûzeamu*
Nihon jankô bunka kenkyûjo 住住住住住住住住住 : Institut de recherches sur les cultures du tourisme, institut
fondé en 1965 par MIYAMOTO Tsunéichi ;
Nihonjinron 住住住住 : étude de la japonité, de l’identité culturelle japonaise ;
nôji 住住 : 1/ village ou hameau de kaijin* et d’ama* ; 2/ pêcheur ;
ochiudo 住住 : guerriers ayant fui à la défaite de leur armée pendant les guerres civiles ;
ochûdo : cf. ochiudo*.
raifu hisutorî 住住住住住住住住 (de l’anglais life history) : récit de vie.
ritô 住住 : île(s) éloignée(s) ;
sanka 住住住 [住住] : populations nomades des montagnes ;
sekenshi 住住住 : (littéralement, « maître du monde profane ») voyageur expérimenté et curieux à l’esprit
ouvert
shikkui 住住 : torchis qui remplit les murs des maisons traditionnelles à structure en bois ;
so 住 [住] [ancien et dialectal] : chanvre ; lin
sobutsu 住住住 [住住] : offrande à la future mariée avec des vœux de bonheur [sur Suô, souvent préparée par
les amies de la jeune femme] ;
soma 住 : 1/ montagne boisée exploitée ; 2/ bûcheron ;
tanomoshi(kô) 住住住住(住) [住住住(住)] [de ta no mu 住住住 (fruits des champs)] : association locale d’entraide
financière ;
tateana jûkyo 住 住 住 住 (« habitation en trou vertical ») : habitations des Tsuchigumo* construites en
dessous du niveau du sol ;
tawaramono 住住住住住 [住住] : étymologiquement « chose du sac », désigne tout objet parallèle à la monnaie
et servant d’intermédiaire dans les échanges économiques. Il s’agissait à l’origine de concombre de
mer grillé (irinamako ou iriko 住住住住住 / 住住住 [住住住]) et d’ormeau séché (hoshiawabi 住住住住住 [住住]), puis vint s’y
ajouter l’aileron de requin (fukanohire 住住住住住 [住住]). Très répandu jusqu’à la fin de l’époque d’Edo dans
les villages des kaijin* et d’ama*.
Teishin kôshûsho 住住住住住 : Ecole des Postes et communications ;
Tokunô kyôkai 「 「 「 「 (Association d’agronomie) : fondée en 1933619 sous l’impulsion du penseur
YASUOKA Masahiro*, puissante association physiocratique et impérialiste active avant guerre et
dissoute en 1945, remplacée par la Shinjichi kyôkai 「「「「「 (Association pour une nouvelle autonomie).
Tsuchigmo 「「「 (« araignée de terre ») : ancien peuple de l’Antiquité japonaise surnommé ainsi pour
vivre dans des habitations creusées dans le sol (tateana jûkyo*). Assimilés aux Wajin* au même titre
que les habitants du Yamato*. Les Hayato* font partie des Tsuchigumo ;
tsujigiri 「「「 : pratique des guerriers consistant à éprouver leur force, leur dextérité, ou simplement le
tranchant de leur arme, en tuant un passant d’une classe inférieure. Officiellement, seul le point
d’honneur autorisait à tuer en dehors des ordres ;
yakibata 「(「)「 : champ (pas nécessairement fixe) cultivé selon la technique du brûlis ; cf. hata*.
yôkai 住住 : monstres et fantômes ;
yobai 住住住 : visite nocturne secrète à sa belle ;
yonige 住住住 : fuite nocturne [pratique consistant à tout abandonner et à prendre la fuite, de nuit, pour
échapper à ses créanciers et/ou à la police]
yûkei minZoku shiryô 住住住住住住 : « matériaux ethnographiques concrets », bien mobiliers et immobiliers
faisant objet de documentation non écrite nécessaire à la minZokugaku*, et, en son sein, à la
mingugaku* (pour les objets mobiliers). Ce terme, plus vaste que mingu*, l’englobe620.
Annexe VIII : Les centres de recherches, bibliothèques, musées et cercles d’étude japonais
619 SANADA Yukitaka, Miyamoto Tsuneichi no densetsu, chap. 10n p. 227.620 Cf. Miyamoto Tsuneichi, Mingugaku no teishô, Tôkyô, Miraisha, 1ère éd. 1979, rééd. 1999, 255 p., p. 64.
Section I : Les centres de recherche,
bibliothèques et musées
Tous les sites ont été vérifiés au 1er septembre 2008.
I Les institutions directement liées au sujet :
I-A/ Les deux centres consacrés à l’œuvre de MIYAMOTO :
Suô Ooshima bunka kôkyû sentâ 住住住住住住住住住住住住 (Centre des relations culturelles de Suô Ooshima) :
Centre voué à l’étude et à la conservation des documents écrits de et concernant MIYAMOTO
Tsunéichi, avec un kura* contenant sa bibliothèque personnelle (accessible aux chercheurs) ;
Adresse : 住7422512 住住住住住住住住住住住住住 41711
Tel. : (0820) 782514
Adresse Internet : [email protected]oshima.lg.jp
Site Internet : http://www.towatown.jp/koryucenter/koryu.html
Tarifs : de 120 à 300 Y.
Kuka rekishi minzoku shiryôkan 住住住住住住住住住 (Conservatoire de l’Histoire et du folklore de Kuka) :
Centre (fondé en 1976) voué à l’étude et à la conservation des mingu, réunissant 15 000 objets
rassemblés par MIYAMOTO à partir de 1972. Il se situe en outre en face d’un ishiburo 住住住 (bain de
pierre) datant de 1186, dans le Hachiman shôgai gakushû no mura 住住住住住住住住住 (Village de la formation
continue de Hachiman), commune de Kuka.
Adresse : 住住住住住住住住住住住住住
Tel. : 0820721875
Fax : 0820722655
Page Internet :
http://www.town.kuka.yamaguchi.jp/shougaigakushuu/shougaigakushuu.asp
Tarifs : 200 à 400Y.
I-B/ Les universités où est étudiée la minzokugaku
Suô Ooshima kyôdo daigaku 住住住住住住住住 (Université du terroir de Suô Ooshima), spécialisée dans les
études miyamotiennes :
Adresse Internet : [email protected]
Site Internet :
http://www.h3.dion.ne.jp/~kamuro/miyamoto.htm
Nihon bunka kenkyûsho (ou kenkyûjo) 住住住住住住住住住 (Institut de recherches sur les cultures populaires du
Japon), département de minzokugaku de l’Université de Kanagawa 住住住住住 (ancien Achikku myûzeamu 住住
住住住住住住住住住) spécialisé dans l’études des mingu et l’œuvre de SHIBUSAWA Keizô :
Adresse : 住2218686 住住住住住住住住住住 3271 住住住住住
Tel. : 0454815661 (ligne intérieure 4358住
Fax : 0454134151
Site Internet : http://jominken.kanagawau.ac.jp/
II Autres institutions
II-A/ Institutions situées à Suô Ooshima
Ooshima rekishi minzoku shiryôkan 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Conservatoire de l’Histoire et du folklore
d’Ooshima) : institution fondée en 1983 et réunissant des pièces ayant trait aux quatre domaines
suivants : le monde marin ; l’éducation ; la production du sel ; les mingu.
Adresse : 住住住住住住住住住住住住住住住 1648
Tel. : 0820742200
Adresse Internet :
Site :
Tarifs : de 30 à 100Y.
Nihon Hawai imin shiryôkan 住住住住住住住住住住 (Musée de l’émigration japonaise à Hawai) :
Adresse : 住7422103 住住住住住住住住住住住住住住住住 2144 住住
Tel. : 0820744082
Adresse Internet :
Site : http://www.town.oshima.yamaguchi.jp/hawaii/
Tarifs : 160 à 400Y.
II-B/ Institutions situées en dehors de Suô Ooshima
Shima minZoku shiryôkan 住住住住住住住 (Conservatoire de documentation ethnographique de Shima),
fondé par MIYAMOTO en 1980 avec l’aide du Nihon kankô bunka lenkyûjo*.
Adresse : 住5170501 住住住住住住住住住住住 40581
Tel. : 0599431711
Kokuritsu minzokugaku hakubutsukan 住 住 住 住 住 住 住 住 (Musée national d’ethnologie) (abrégé en
« Mimpaku 住 住 住 住 ») à Osaka : musée qui réunit des objets « ethniques » du monde entier. Le Japon
occupe environ un cinquième des collections.
Adresse : 住5658511 住住住住住住住住住住住住 101
Tel. : 0668762151
Adresse Internet :
Site : http://www.minpaku.ac.jp/
Tarifs : 90 à 420 Y.
Minzoku bunka eizô kenkyûsho 住 住 住 住 住 住 住 住 住 (Institut de recherches sur les images de la culture
ethnologique) : institut fondé en 1961 et dirigé par HIMEDA Tadayoshi 住 住 住 住 *, disciple de
MIYAMOTO, et qui a permis la réalisation de 150 films ethnographiques sur le Japon. Il organise
également des conférences, dont l’Achikku fôramu 住住住住住住住住住 (Forum des greniers)621.
Adresse : 住2150027住住住住住住住住住住住住住 85住1住住住住住住住住 1住103
Tel. : 0449866461
Fax : 0449866462
Adresse Internet : [email protected]
Site : http://www31.ocn.ne.jp/~minneiken/index.html
Miyajima (chôritsu) rekishi minZoku shiryôkan 住 住 ( 住 住 ) 住 住 住 住 住 住 住 (Conservatoire (municipal) de
l’Histoire et du folklore de Miyajima) : musée fondé en 1974, situé dans une ancienne riche demeure
de marchands de l’époque d’Edo et réunissant une importante collection de mingu.
Adresse : 住7390533 住住住住住住住住住 57
Tel. : (0829) 442019
Fax: (0829) 440631
621 Par référence à l’Achikku myûzeamu 「「「「「「「「「「「 (Musée des greniers), fondé par SHIBUSAWA Keizô*, et dont MIYAMOTO Tsunéichi était membre.
Adresse Internet:
Site :
(en japonais : )
http://www.hiroshimacdas.or.jp/miyajima/kanko_to/minzoku/minzoku1.htm
(en anglais :)
http://www.hiroshimacdas.or.jp/miyajima/english/kanko_to/minzoku/minzoku1.htm
Nihon mingeikan 住住住住住 / Japan Folk Crafts Museum (Musée des arts populaires du Japon) : situé à
Tôkyô, ce musée fondé par YANAGI Munéyoshi 住住住* (1889住1961) et ouvert en 1936 compte plus de
17 000 pièces.
Adresse : 住1530041 住住住住住住 住住 4 住住 3 住 33 住
Tel : 0334674527
Fax : 0334674537
Adresse Internet :
Site (en japonais et en anglais) :
http://www.mingeikan.or.jp/
Tarifs : de 150 à 1000 Y.
Section II : Les cercles d’études 「「「「
« Miyamoto Tsuneichi sensei no hon wo yomu kai »宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮 (« Société de lecture des livres du
professeur Miyamoto Tsunéichi »), président : TAKADA Yoshitarô 住住住住住.
Adresse : 住7422921 住住住住住住住住住住住住住住 19711
Tel. / fax : 0820 78 0358
« Miyamoto Tsuneichi.Aruku miru kiku no kai »宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮 宮宮宮 (« Société Miyamoto Tsunéichi
d’Aruku miru kiku (Marcher, regarder, écouter) »), représentant : FUJIKAWA Masahiro 住住住住.
Adresse : 住7310135 住住住住住住住住住 3382
Tel. : 082 239 1819 ; fax : 082 239 2142
« MinZokugakusha Miyamoto Tsuneichi no ashiato wo meguru kai » 宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮(« Société qui
marche sur les traces de l’ethnographe Miyamoto Tsunéichi »), représentant : KOMATSU
Tsuyoshi 住住住住住.
Adresse : 住8170032 住住住住住住住住住住住 52814
Tel. / fax : 0920 52 5383
« Miyamoto Tsuneichi wo kataru kai » 宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮 (« Société pour raconter Miyamoto Tsunéichi »),
représentant et responsable : NAGAOKA Hidetoshi 住住住住.
Adresse : 住8191642 住住住住住住住住住住住 1409
Tel. / fax : 0923265336
Annexe IX : Sites Internet plus ou moins en rapport avec MIYAMOTO Tsunéichi et/ou les minZokugaku
Ces sites ont été vérifiés au 1er septembre 2008.
I Sur MIYAMOTO Tsunéichi et Suô Ooshima
Miyamoto Tsuneichi dêtabêsu 宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮 (Banque de données Miyamoto Tsunéichi) : le site de
référence contenant la grande majorité des photographies prises par MIYAMOTO Tsunéichi, deux
biographies, des cartes et un bibliographie sélective :
http://www.towatown.jp/database/
Suô Ooshima-chô kôshiki hômupêji 宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮 (Site officiel des communes de Suô Ooshima) :
http://www.town.suo-oshima.lg.jp/
Suô Ooshima-chô kankô kyôkai 宮 宮 宮 宮 宮 宮 宮 宮 宮 (Association de tourisme des communes de Suô
Ooshima) :
http://www.suo-oshima-kanko.net/
II Sur l’ethnographie
A/ En japonais
1) sites général istes
Nihon minzoku gakkai 宮宮宮宮宮宮 / The Folklore Society of Japan (la Société du folklore japonais) :
http://wwwsoc.nii.ac.jp/fsj/index.html
et notamment sa page de liens :
http://wwwsoc.nii.ac.jp/fsj/index.html
Nihon mingu gakkai 宮宮宮宮宮宮 / The Society of MINGU of Japan (La société d’étude des objets
courants traditionnels) :
http://wwwsoc.nii.ac.jp/nmg/
« Bunka jinruigaku » « Minzokugaku kenkyû » dêtabêsu 宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮 宮宮宮宮宮宮 宮宮宮宮 (Banque de
données d’« Anthropologie culturelle » et de « Recherches ethnologiques ») de la Nihon bunka
jinruigakkai 「「「「「「「「 (Société d’anthropologie culturelle du Japon) :
http://www.jasca.org/database/jjca/index.html
2) sites consacrés à une personne en particulier
- a. Sur YANAGITA Kunio* :
YANAGITA Kunio Matsuoka-ke kenshô-kai (fondation) 宮 宮 宮 宮 宮 宮 宮 宮 宮 宮 宮 宮 宮 宮 宮 宮 宮 宮 宮 宮 (Société en
l’honneur de YANAGITA Kunio et de la Maison MATSUOKA) :
Adresse : 「「「「「「「「「「「
TEL 0790-22-1000
http://www.town.fukusaki.hyogo.jp/sight-seeing/04/index.html
Yanagita Kunio no kai 宮宮宮宮宮宮 (Société YANAGITA Kunio) :
http://homepage1.nifty.com/yanagita/
Yanagita Kunio no tabi 宮宮宮宮宮宮 (Les voyages de YANAGITA Kunio) :
http://www.bungaku.pref.hyogo.jp/kikaku/yanagida/index2.html
- b. Sur SHIBUSAWA Keizô* et sa famille :
Sur le site de Hokkaidô daigaku sôgô hakubutsukan 宮宮宮宮宮宮宮宮宮宮 / The Hokkaido University
Museum (Musée général de l’Université de Hokkaidô)622, un article de KARITA Tamotsu 住 住 住
(Yokohamashi rekishi hakubutsukan 住 住 住 住 住 住 住 住 623) sur SHIBUSAWA Keizô* et le fond SUZUKI,
« Shibusawa keizô to Hoku-dai Suzuki Jun korekushon »「「「「「「「「「「 「「「「「「「「(« SHIBUSAWA Keizô et la
collection SUZUKI Jun de Hoku-dai (l’Université de Hokkaidô) ») :
http://www.museum.hokudai.ac.jp/newsletter/07/news07-02.html
Shibusawa Eiichi kinen zaidan 宮宮宮宮宮宮宮宮 / Shibusawa Ei’ichi Memorial Foundation (Fondation
à la mémoire de SHIBUSAWA Eiichi) : fondation consacrée au grand père de SHIBUSAWA Keizô*,
SHIBUSAWA Eiichi (1840-1931), entrepreneur et homme politique.
http://www.shibusawa.or.jp/
622 Site officiel : http://www.museum.hokudai.ac.jp/623 Cf. plus bas.
La page de Tokyo Cinema on the web consacrée à SHIBUSAWA Keizô* : « Shibusawa firumu »
「「「「「「「「(« Les films de SHIBUSAWA ») :
http://tokyocinema.net/shibusawa-film.htm
L’exposition consacrée à l’Achikku myûzeamu par le Yokohama-shi rekishi hakubutsukan 「「「「「「
「「 (Musée d’Histoire de la ville de Yokohama)624 : « Kurashi wo atsumeru / Kurashi wo saguru / Attic
Museum Yane-ura no hakubutsukan / Jitsugyôka Shibusawa Keizô ga sodateta tami no gakumon » 「住住
住住住住住住住住住住住住 / Attic Museum住住住住住住住住 / 住住住住住住住住住住住「「
住住住住住(« Réunir la vie / Chercher la vie : Le Musée des
greniers / La science du peuple qu’a formée SHIBUSAWA Keizô ») :
http://www.rekihaku.city.yokohama.jp/special/special50.html
Une intervention en anglais (KUSUMOTO Wakako) :
http://www.shibusawa.or.jp/english/center/pdf/Keizo.pdf
- c. Sur MINAKATA Kumagusu :
Le Minakata Kumagusu hakubutsukan 宮宮宮宮宮宮宮 (Musée MINAKATA Kumagusu) :
http://www.minakatakumagusu-kinenkan.jp/
Une page bien documentée sur MINAKATA :
http://kajipon.sakura.ne.jp/kt/haka-topic32.html
MINAKATA Kumagusu Archives 宮宮宮宮宮宮宮
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MINAKATA Kumagusu shiryô kenkyû-kai 宮宮宮宮宮宮宮宮宮 (Société de recherches sur les documents de
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- d. Sur ORIKUCHI Shinobu :
Oeuvres d'ORIKUCHI en ligne :
http://www.aozora.gr.jp/index_pages/person933.html
Un site sur lui :
http://uraaozora.jpn.org/orikuchi.html
B/ En langue occidentale
624 Site officiel : http://www.rekihaku.city.yokohama.jp/
Le Folklore japonais ; Nihon no tomodachi : nihon.fr.st. Tout sur le Japon :
http://spip5.free.fr/pages/folklore/folklore.htm
Etnographiques (revue en ligne de sciences humaines et sociales) :
http://www.ethnographiques.org/
et en particulier ses pages de liens commentés (auxquelles nous renvoyons) :
http://www.ethnographiques.org/Liens.html
http://www.ethnographiques.org/Enseignement-Recherche.html
Encyclopedia Mythhica’s Japanese Section :
http://www.pantheon.org/areas/mythology/asia/japanese/articles.html
La faune du Japon :
http://japanfan.free.fr/faune.html