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HCE33 Introduction aux sciences politiques et à la vie politique Rapport : La place du gaz de schiste au sein de la politique environnementale Mohamed LAHJIBI Janvier 2014

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HCE33

Introduction aux sciences politiques et à la vie politique

Rapport :

La place du gaz de schiste

au sein de la politique environnementale

Mohamed LAHJIBI

Janvier 2014

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Table des matières Introduction ............................................................................................................................................. 3

I Gaz de schiste : entre innovation et impacts non contrôlés ........................................................... 4

I.1 Description du gaz de schiste .................................................................................................. 4

I.2 Impacts environnementaux .................................................................................................... 4

I.3 Législation française actuelle .................................................................................................. 5

I.4 Législation européenne ........................................................................................................... 7

II Polémiques autour du gaz de schiste .............................................................................................. 8

II.1 L’exemple des Etats-Unis......................................................................................................... 8

II.2 Différentes écoles de pensée .................................................................................................. 9

a) Point de vue de l’Etat .............................................................................................................. 9

b) Point de vue de l’opposition .................................................................................................. 10

c) Point de vue de l’opinion publique ....................................................................................... 10

d) Point de vue des scientifiques ............................................................................................... 11

III L’avenir du gaz de schiste en France ............................................................................................. 13

III.1 Une fronde qui prend de l’ampleur ....................................................................................... 13

a) Remise en question de la constitutionnalité de la loi Jacob ................................................. 13

b) Limites du principe de prévention......................................................................................... 14

c) La relance du débat au Parlement ........................................................................................ 15

III.2 Les points clés du débat ........................................................................................................ 15

a) Des ressources à évaluer ....................................................................................................... 15

b) Implication des collectivités et populations locales .............................................................. 16

c) Enjeux économiques ............................................................................................................. 16

III.3 Dans le reste de l’Europe ....................................................................................................... 16

a) Développement de la filière .................................................................................................. 16

b) Vers un alignement avec nos voisins européens ? ................................................................ 18

Conclusion ............................................................................................................................................. 19

Bibliographie.......................................................................................................................................... 20

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Introduction

Les enjeux environnementaux actuels revêtent une telle importance qu’il est devenu

difficile de passer outre cette thématique. Du fait du réchauffement de la planète qui s’est

accentué au cours des dernières décennies, la mise en place de politiques

environnementales effectives visant à réduire de manière significative les émissions de gaz à

effet de serre est devenue le cheval de bataille de nombre de gouvernements. Les énergies

renouvelables telles que l’éolien, le solaire ou encore l’hydrolien s'imposent de plus en plus

comme des alternatives crédibles aux énergies fossiles.

Depuis quelques années, l’accent a été mis sur de nouveaux types de procédés qui

permettent de réduire considérablement l’impact environnemental de l’exploitation des

énergies, renouvelables ou non.

Néanmoins, leur part reste relativement infime au vu des mastodontes que représentent le

gaz et le pétrole dans l’échiquier énergétique mondial.

La raréfaction des énergies fossiles pousse les professionnels du secteur à investir en masse

afin de trouver de nouvelles techniques permettant d’améliorer l’extraction de gaz et de

pétrole.

Depuis le début des années 2000 et l’avènement du gaz de schiste, de nombreuses

recherches ont été menées afin d’améliorer de manière substantielle son exploitation et de

réduire son impact sur l’environnement. Néanmoins, le procédé d’extraction du gaz de

schiste qui repose principalement sur la fracturation hydraulique des roches pose

énormément de problèmes quant aux conséquences néfastes que son exploitation induirait.

Le sujet mobilise aussi bien industriels, politiques que l’opinion publique. La politique

environnementale de la France est assez ferme et ne laisse que peu d’espoir à un éventuel

alignement sur ses voisins européens ou encore Outre Atlantique tant qu’une solution plus

écologique ne sera pas trouvée.

Cependant, nous pouvons nous poser la question de la viabilité d’une telle posture dans

un contexte énergétique toujours plus morose où les envolées successives des prix de gaz et

de pétrole mettent à mal le portefeuille de nombre d’entreprises et de particuliers.

La France pourra-t-elle se priver indéfiniment d’une manne énergétique qui lui permettrait

d’être, à terme, autosuffisante en gaz naturel ? Rien n’est moins sûr.

Dans ce rapport, nous analyserons les interactions entre sphères politique, économique

et environnementale et tâcherons d’expliciter les raisons des controverses liées au gaz de

schiste en France. Enfin, nous essaierons d’esquisser ce qu’il pourrait advenir de cette

énergie à terme en France.

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I Gaz de schiste : entre innovation et impacts non contrôlés

I.1 Description du gaz de schiste

Avant d’aborder les éventuels impacts environnementaux qui découlent de l’exploitation

de ce type de gaz, il est nécessaire de décrire assez clairement quelles en sont les propriétés

et quelles sont les méthodes utilisées pour l’extraire.

Le gaz de schiste est un gaz naturel retenu à grande profondeur dans des roches marneuses

ou argileuses comme les schistes, riches en matière organique. Il n’est pas retenu sous une

couche imperméable comme c’est le cas pour les gisements dits « conventionnels » de gaz et

de pétrole. Au contraire, il est emprisonné dans la roche elle-même.

Pour l’en extraire, il est primordial d’opérer une fracturation de cette roche, obtenue par

injection d’eau sous pression, mélangée à quelques additifs. On appelle communément cette

opération la fracturation hydraulique ou « fracking » pour les anglo-saxons. Et c’est

justement cette manière d’extraire le gaz des schistes qui pose le plus de problèmes. En

effet, avant la mise en production du puits, un grand nombre de micro-fractures (de l’ordre

du millimètre) sont provoquées dans la roche contenant le gaz. Cette multitude de

fissurations artificielles rend la roche plus poreuse et permet au gaz ou à l’huile de schiste de

se déplacer jusqu’au puits afin d’être récupéré en surface.

Figure 1 : Comparaison entre modes d'extraction de gaz

Afin d’exploiter au mieux un gisement, il faut en moyenne injecter entre 10 000 et 15 000

m^3 d’eau par puits ainsi que nombre de produits chimiques et de micro billes de la taille de

grains de sable.

I.2 Impacts environnementaux

En dépit de son ingéniosité et de son aspect innovant par rapport aux autres modes

d’extraction de gaz conventionnels, le gaz de schiste a un coût environnemental certain qui

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l’empêche à l’heure actuelle de se démocratiser au sein des pays susceptibles d’en extraire

en masse. On reproche notamment au procédé de fracturation hydraulique de contaminer

durablement les nappes phréatiques par l’intermédiaire de produits chimiques qui sont,

pour la plupart, toxiques voire cancérigènes. Les conséquences d’un point de vue sanitaire

sont néfastes avec une pollution de l’eau potable que la population a l’habitude de

consommer.

De plus, la gigantesque quantité d’eau nécessaire pour exploiter un puits pose problème

dans la mesure où seule une partie de l’eau est récupérée, polluée par les additifs des fluides

de fracturation. A l’heure actuelle, il est toujours très difficile de retraiter les eaux usées qui

remontent à la surface.

Par ailleurs, bien que cette énergie ait un bilan énergétique moins négatif que le charbon

par exemple, le gaz de schiste n’en demeure pas moins un type d’énergie fossile qui induit

beaucoup de rejets de gaz à effet de serre (fuites de méthane, appareils de forage qui

nécessite un apport conséquent de carburant). Enfin, les risques sismiques sont également à

prendre en considération. Ces séismes seraient principalement dus à l’injection d’eau au

cours du processus d’hydrofracturation.

I.3 Législation française actuelle

L’exploitation de gaz de schiste en France, au contraire de nombreux pays au monde, est

réglementée par la loi. Le procédé de fracturation hydraulique est tout bonnement interdit

en France depuis la parution au Journal Officiel de la loi du 13 juillet 2011, dite « loi Jacob »

du nom du président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale à l’initiative du projet de loi.

Extrait :

«LOI n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l'exploration et l'exploitation des

mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les

permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique »

Cette loi est composée de quatre articles qui en définissent les contours.

Article 1 :

« En application de la Charte de l'environnement de 2004 et du principe d'action préventive

et de correction prévu à l'article L. 110-1 du code de l'environnement, l'exploration et

l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de

fracturation hydraulique de la roche sont interdites sur le territoire national. »

Article 2 :

« Il est créé une Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques

d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux. Elle a notamment pour

objet d'évaluer les risques environnementaux liés aux techniques de fracturation

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hydraulique ou aux techniques alternatives. Elle émet un avis public sur les conditions de

mise en œuvre des expérimentations, réalisées à seules fins de recherche scientifique sous

contrôle public, prévues à l'article 4. […] Sa composition, ses missions et ses modalités de

fonctionnement sont précisées par décret en Conseil d'Etat.

Article 3 :

« I. ― Dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi, les

titulaires de permis exclusifs de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux

remettent à l'autorité administrative qui a délivré les permis un rapport précisant les

techniques employées ou envisagées dans le cadre de leurs activités de recherches.

L'autorité administrative rend ce rapport public.

II. ― Si les titulaires des permis n'ont pas remis le rapport prescrit au I ou si le rapport

mentionne le recours, effectif ou éventuel, à des forages suivis de fracturation hydraulique

de la roche, les permis exclusifs de recherches concernés sont abrogés.

III. ― Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, l'autorité

administrative publie au Journal officiel la liste des permis exclusifs de recherches abrogés.

IV. ― Le fait de procéder à un forage suivi de fracturation hydraulique de la roche sans

l'avoir déclaré à l'autorité administrative dans le rapport prévu au I est puni d'un an

d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende. »

Article 4 :

« Le Gouvernement remet annuellement un rapport au Parlement sur l'évolution des

techniques d'exploration et d'exploitation et la connaissance du sous-sol français, européen

et international en matière d'hydrocarbures liquides ou gazeux, sur les conditions de mise en

œuvre d'expérimentations réalisées à seules fins de recherche scientifique sous contrôle

public, sur les travaux de la Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation

créée par l'article 2, sur la conformité du cadre législatif et réglementaire à la Charte de

l'environnement de 2004 dans le domaine minier et sur les adaptations législatives ou

réglementaires envisagées au regard des éléments communiqués dans ce rapport.

La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat. »

Les quatre articles établissent un cadre assez strict quant à l’exploitation de gaz de schiste

en France et l’utilisation du « fracking ». Il est à l’heure actuelle interdit de mettre en œuvre

cette méthode sans s’exposer à des poursuites pénales allant de la simple amende à

l’emprisonnement. Les recherches scientifiques sur le terrain sont suspendues et ne feront

l’objet d’aucun assouplissement à moins qu’une nouvelle méthode d’extraction moins

coûteuse pour l’environnement ne voie le jour.

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I.4 Législation européenne

Au niveau européen, il n’existe pas de loi interdisant formellement l’utilisation de la

fracturation hydraulique comme procédé majeur afin d’extraire le gaz de schiste. Ainsi, en

novembre 2012, un amendement proposant d’interdire la fracturation hydraulique dans

l’Union européenne avait été rejeté par le Parlement européen. Cependant, depuis le 9

octobre 2013, le corps parlementaire de l’UE exige à l’avenir que tout projet d’exploration et

d’extraction de gaz de schiste fasse obligatoirement l’objet d’une étude d’impact sur

l’environnement. Cette mesure n’a pas empêché nombre d’Etats européens d’entreprendre

l’élaboration de forages exploratoires par fracturation hydraulique. A titre d’exemple, nous

pouvons citer le Royaume-Uni, la Pologne, la Roumanie, la Hongrie ou encore la Lituanie. A

contrario, certains Etats restent réfractaires à l’idée d’accentuer les recherches et les

expérimentations concernant le gaz de schiste. La France en fait partie au même titre que la

Bulgarie.

Enfin, une partie non négligeable des Euro 27 reste indécise quant à l’exploitation en masse

et poursuit les recherches et expérimentations afin de cerner au mieux les risques et les

potentiels dangers environnementaux que le fracking induirait.

Cette cacophonie ambiante qui règne au sein de l’UE n’est pas prête de se dissiper tant les

politiques environnementales des pays membres s’opposent et que la bataille entre

écologistes et pourfendeurs du « shale gas » fait rage.

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II Polémiques autour du gaz de schiste

De prime abord, l’exploitation de gaz de schiste, au vu de la description précédente

pourrait paraitre comme totalement incontrôlable et son avenir voué à l’échec en France

ainsi qu’en Europe. Néanmoins, de nombreux avis divergent et s’opposent à ce qui leur

apparait comme un obscurantisme scientifique ainsi que des manœuvres politiques n’ayant

point pour but la sauvegarde de la planète mais plutôt la pérennité électorale des décideurs.

II.1 L’exemple des Etats-Unis

Avant d’étudier les raisons qui poussent la France à interdire la technique de fracturation

hydraulique, il parait intéressant d’analyser les résultats de l’exploitation poussée de gaz de

schiste dans un pays comme les Etats-Unis qui aujourd’hui fait figure de leader du marché et

s’érige en tant que fervent défenseur du «shale gas».

Devant faire face à une envolée des prix du pétrole et du gaz, les américains ont entrepris

une vaste campagne de financement de la recherche sur les techniques d’extraction de gaz

dits « non conventionnels » qui leur permettrait de diminuer durablement leur dépendance

énergétique envers les producteurs classiques. De leurs investigations sont nées diverses

méthodes dont une principale, le fracking qui, à l’orée du XXème siècle, s’est révélée être la

plus efficace avec des rendements très importants.

Selon l’Energy Information Administration (EIA), la production de gaz de schiste américaine

est actuellement de 7 850 milliards de pieds cube, ce qui représente un tiers de sa

production totale de gaz.

Figure 2 : Taux de dépendance énergétique des USA

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Les Etats-Unis de par leur volonté d’en finir avec leur dépendance énergétique ont mis au

point une technique qui leur permet de tirer profit au maximum des ressources présentes

dans leur sol. Ils ont développé une industrie qui est aujourd’hui prospère et génère

directement ou indirectement quelques 500 000 emplois par an dans le secteur. Par ailleurs,

l’afflux du gaz de schiste depuis une dizaine d’années a fait chuter les prix du gaz

conventionnel. En effet, la Russie, premier exportateur mondial de gaz conventionnel, n’est

plus en mesure de faire grimper démesurément le prix du gaz et est donc soumise à la

concurrence nord-américaine.

Bien sûr le tableau de marche des Etats-Unis n’est pas sans encombre, notamment du point

de vue des écologistes qui militent pour un ralentissement de la course toujours plus

effrénée à l’exploitation des ressources minières. Les récents constats avérés de pollution de

nappes phréatiques et de petits séismes font qu’il est difficile de fermer les yeux sur les

impacts environnementaux de la fracturation hydraulique.

Néanmoins, le secteur est tellement florissant, les opportunités tellement grandes en

termes d’emplois, d’autosuffisance et d’indépendance énergétique qu’il est quasiment

impossible pour les américains de faire machine arrière et d’abandonner l’extraction de gaz

de schiste. Les recherches sont menées en parallèle de l’exploitation commerciale.

Les aspects macro-économiques et les enjeux géostratégiques l’emportent sur les

considérations environnementales.

II.2 Différentes écoles de pensée

a) Point de vue de l’Etat

L’Etat français s’évertue à dédaigner le gaz de schiste et ne veut pas entendre parler d’un

quelconque débat. La question semble sensible du fait de l’importance des lobbys

écologistes et du conservatisme de l’opinion populaire (majoritairement des populations

locales concernées par l’exploitation). L’actuelle majorité socialiste poursuit le travail qui

avait été entamé par les différents gouvernements Fillon, à savoir, un total refus des

expérimentations et une recherche au point mort. Les risques environnementaux sont, selon

eux, beaucoup trop grands pour pouvoir entrevoir une solution viable à long terme. Les

engagements écologiques de la France au cours des derniers grenelles de l’environnement

ne sont pas en adéquation avec une poursuite des recherches sur la fracturation

hydraulique.

Depuis sa prise de fonction en mai 2012, François Hollande a toujours été clair sur le

sujet : "Tant que je suis président, il n'y aura pas d'exploration de gaz de schiste" (14/07/13).

Bien que nous ayons pu assister à quelques soubresauts du gouvernement sur la question,

notamment lorsqu’Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, avait déclaré le

9 juillet 2013 qu’il serait intéressant de créer une « compagnie publique nationale » qui

serait chargée d’exploiter le gaz non conventionnel et d’assurer la transition énergétique, la

ligne directrice a toujours été la même. La connivence avec le parti Europe Ecologie Les Verts

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(EELV) qui s’est avéré être un soutien de poids lors des dernières élections présidentielles et

législatives impose au gouvernement Ayrault une certaine retenue lors des prises de

décisions à caractère environnemental afin de ne pas désappointer l’allié d’hier qui ne serait

pas bon de se mettre à dos en prévision des prochaines échéances électorales. La mouvance

écologiste incarnée par ses deux représentants au gouvernement est aujourd’hui l’un des

seuls soutiens sur lequel François Hollande, dont la cote de popularité a atteint un seuil

historiquement bas pour un président de la Vème République, peut encore compter.

b) Point de vue de l’opposition

Du côté de l’opposition, avec comme fer de lance l’UMP, on adopte une position de plus

en plus libérale et en porte-à-faux avec la loi du 13 juillet 2011 votée sous la présidence

Sarkozy. En effet, toujours dans une logique d’amélioration de la compétitivité des

entreprises françaises et de stimulation de l’économie, la Boite à idées (BAI) de l’UMP

recommande la reprise de l’exploration du gaz de schiste.

Ce club de réflexion qui rassemble la majorité des cadors du parti (Alain Juppé, Bruno Le

Maire, Xavier Bertrand, Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse, Éric Woerth notamment)

demande, dans un de ses rapports, « l’abrogation de la loi Jacob » et « la reprise de

l’exploration de la fracturation hydraulique ». Ce changement de cap pourrait paraitre

surprenant mais, selon eux, «compte tenu des progrès techniques réalisés et du recul dont

on dispose aujourd’hui, la prudence qui était légitime en 2011 ne l’est plus ». Il est important

que la France en sache davantage sur son potentiel du point de vue des réserves et de leur

localisation. En effet, les éventuels avantages qui pourraient découler de l’exploitation de

gaz de schiste pourraient être nombreux avec l’emploi en figure de proue. La possibilité de

créer une nouvelle industrie avec des milliers d’emplois à pourvoir devrait inciter le

gouvernement à être moins réticent à l’idée de lancer une vaste campagne de recherche et

de forages pour sonder les capacités du bassin parisien qui, selon les estimations de l’EIA,

serait le plus prolifique d’Europe.

Ainsi, la BAI formule plusieurs recommandations, à savoir, une reprise de l’exploration sous

l’égide d’un organisme public, une réforme du code minier et enfin un développement de la

recherche sur les techniques d’extraction.

c) Point de vue de l’opinion publique

La sphère politique parait être en totale effervescence quant au débat sur le gaz de

schiste, mais qu’en est-il de l’opinion publique ? Pour se faire une idée de l’avis de la

population sur le sujet, analysons un sondage réalisé par l’institut IFOP en septembre 2012.

Tout d’abord, les français sont au fait de l’actualité concernant les hydrocarbures non-

conventionnels avec 84 % des sondés qui disent avoir déjà entendu parler du sujet et 44%

qui savent exactement de quoi il s’agit. Les polémiques qui ont entouré la possible

exploitation de l’hydrocarbure non conventionnel ont attiré l’attention des personnes

sondées et nourri leur curiosité.

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Parmi les 44% qui disent maitriser le sujet et ses enjeux, 74% se prononcent contre

l’exploitation du gaz de schiste. Selon eux, les principaux écueils sont une consommation de

quantités d’eau beaucoup trop importante, une pollution des nappes phréatiques et enfin

une technique de fracturation qui n’en est qu’à ses balbutiements et dont les scientifiques

n’ont pas une maitrise suffisante.

En outre, par le biais de ce sondage, les français expriment une certaine défiance envers

les grands groupes miniers qui selon eux ne seraient que des « apprentis sorciers » et pour

qui seul le profit prévaudrait. Au contraire des Etats-Unis où les personnes morales ou

physiques sont propriétaires des sols, l’Etat français jouit d’une totale possession des

ressources du sous-sol. De ce fait, les acteurs locaux concernés ne voient aucun avantage

économique à accueillir des compagnies qui exploiteraient leur sol à souhait. Ils affirment

que ces grands consortiums ne seraient nullement prêts à réinvestir une partie des profits

générés afin de financer les recherches sur les énergies renouvelables.

Néanmoins, au contraire du gouvernement qui y est farouchement opposé, 48 % des sondés

sont favorables à des forages de recherche scientifique à but expérimental dans le but

d’améliorer les procédés d’extraction, de mettre au point une technique avec un faible coût

environnemental.

Enfin, un certain clivage politique apparait à propos de ces forages expérimentaux. Les

sympathisants de droite sont plus enclins à ouvrir la porte aux recherches tandis que les

sondés proche de la gauche y sont opposés. Là encore, la polémique qui oppose

gouvernement et opposition joue un grand rôle dans la manière qu’ont les gens d’aborder le

sujet.

d) Point de vue des scientifiques

Après avoir analysé la position de l’Etat français, de l’opposition et de l’opinion publique,

il serait intéressant d’entendre l’avis des seuls et uniques connaisseurs du sujet, à même

d’établir des liens entre exploitation et risques pour l’environnement, les scientifiques.

A ce sujet et dans le but de tenir compte des éventuels progrès qui ont été enregistrés dans

le domaine, on s’attardera sur un rapport de l’Académie des Sciences qui a été rendu

publique le 21 novembre 2013.

Le comité de prospective en énergie (CPE) de l’institution a travaillé avec la collaboration

d’experts du domaine ainsi que des documents et réflexions déjà élaborés en France et à

l’étranger. S’appuyant sur l’état des connaissances sur les risques principaux associés à

l’extraction des gaz de roche-mère, notamment la pollution des nappes phréatiques, les

nuisances sur l’occupation des sols, les prélèvements sur la ressource en eau, l’effet de serre

induit et la sismicité induite, le CPE établit quelques recommandations quant à la possible

démocratisation du gaz non conventionnel.

Tout d’abord, les risques environnementaux inhérents à cette exploitation ne sont isolés et

se retrouvent également lors de l’exploitation d’autres types de ressources moins

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controversées (pétrole, gaz conventionnels, géothermie). L’étape d’exploration parait être

l’étape essentielle dans le processus d’implantation d’un puits de gaz de schiste. Si cette

étape est menée selon des règles précises et contrôlées, l’impact environnemental ne sera

pas significatif. Par conséquent, le comité insiste sur la nécessité d’investir dans des

programmes de recherche scientifique et technologique pour en connaitre davantage et être

à même de cerner les retombées éventuelles.

Voici un extrait du rapport qui synthétise les recommandations du Comité :

« 1. Lancer un effort de recherche, impliquant aussi bien les laboratoires universitaires que

ceux des grands organismes, sur toutes les questions scientifiques posées par l’exploration

et l’exploitation des gaz de schiste.

2. Préparer l’exploration en utilisant les connaissances géologiques, géophysiques et

géochimiques déjà acquises ou archivées et solliciter les géologues pour travailler à une

évaluation des réserves.

3. Réaliser des études et des expériences visant à évaluer et réduire l’impact

environnemental d’une éventuelle exploitation.

4. Mettre en place une autorité scientifique, indépendante et pluridisciplinaire de suivi des

actions engagées pour l’évaluation des ressources et des méthodes d’exploitation.

5. Traiter des problèmes de gestion des eaux, qui est un aspect majeur de l’exploitation des

gaz de schiste.

6. Prévoir un suivi environnemental (monitoring) avant, pendant et après l’exploitation.

7. Travailler sur les méthodes qui pourraient remplacer la fracturation hydraulique mais

aussi sur les procédés permettant d’améliorer celle-ci.

8. Traiter des problèmes d’étanchéité à long terme des forages d’exploitation en initiant un

programme de recherche qui devrait conduire à l’élaboration d’une réglementation adaptée.

9. Procéder à des tests en vraie grandeur dans des conditions respectant la décision en

vigueur, c’est-à-dire sans fracturation hydraulique, dans des zones déjà fracturées de vieux

bassins charbonniers, pour mieux évaluer la ressource et maximiser le rendement de son

exploitation.

A travers ce rapport, le constat en la matière est assez clair. La communauté scientifique

prône une certaine mise en relief des procédés d’extraction et une dédiabolisation du gaz de

schiste. Sans un effort de recherche conséquent, la France ne pourra jamais connaitre son

potentiel gazier qui règne sous son sol. Cela passe par l’établissement d’une réglementation

rigoureuse mais qui permettra d’établir un cadre propice à la recherche et aux progrès en la

matière.

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III L’avenir du gaz de schiste en France

L’un des principaux obstacles au développement du «shale gas » en France est l’impact

environnemental. La mouvance écologiste et les populations locales concernées par les

gisements rejettent en bloc l’idée de lancer une industrie en la matière. Cependant, dans le

contexte international du débat sur la transition énergétique, il parait primordial d’étudier

toutes les possibilités qui permettraient de compenser l’intermittence des nouvelles sources

d’énergies renouvelables.

III.1 Une fronde qui prend de l’ampleur

a) Remise en question de la constitutionnalité de la loi Jacob

Les mœurs évoluent peu à peu. De tabou, le sujet est devenu aujourd’hui une source de

débat qui ne fait que s’enrichir au gré des progrès et des possibilités qu’offre ce gaz tant

controversé.

En ce sens, la loi du 13 juillet 2011 continue de susciter de multiples dissensions. Très

récemment, une compagnie texane, Schuepbach, spécialisée dans l’extraction

d’hydrocarbures de schiste a saisi le conseil constitutionnel afin d’étudier la validité de ladite

loi (selon la procédure de Question Prioritaire de Constitutionnalité) et ainsi permettre une

exploitation légale des permis d’exploration de Nant (Aveyron) et Villeneuve-de-Berg

(Ardèche) qu’elle s’était vue attribuer. Selon la société américaine, cette loi constitue une

application trop rigoureuse du principe de précaution auquel les gouvernements actuel et

précédent n’ont eu de cesse de faire appel. Elle estime également que cette loi est

discriminatoire car elle interdit la fracturation pour l’activité pétro-gazière mais l’autorise

pour la géothermie.

Le 11 octobre 2013, la société s’est vue opposer une fin de non-recevoir de la part des

« Sages » qui ont validé la loi et ne sont revenus sur aucun des articles. La fracturation

hydraulique demeure donc toujours prohibée en France en vertu de la loi Jacob.

Néanmoins, ce recours a le mérite de soulever de nombreuses interrogations. Tout

d’abord, la non-légifération concernant la géothermie. Le principe même de cette technique

repose sur la réalisation de forage à grande profondeur et l’injection d’eau sous pression

pour fracturer la roche. L’eau utilisée se réchauffe et on recueille donc l’énergie thermique

en surface afin de la convertir éventuellement en électricité. Par conséquent, cette

technique minière se rapproche de la fracturation hydraulique, à ceci près qu’elle n’utilise

pas de produits chimiques ainsi que de grandes quantités de sable. Cependant, d’un point de

vue juridique, la loi Jacob comporte effectivement une faille géothermique.

Les techniques sont assez similaires et pourtant la fracturation hydraulique est réprimée

tandis que la « stimulation géothermique » n’est nullement remise en question. Le principe

constitutionnel d’égalité semble être violé dans la mesure où les sociétés pétrolières sont

traitées différemment des sociétés de géothermie. D’après les spécialistes du droit, cette

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fragilité juridique ne pourrait être occultée à long terme et il est fort à parier que cette

interdiction s’étendra à la géothermie ou bien que la loi sera modifiée.

Une question se pose alors : pourquoi le Conseil Constitutionnel valide-t-il cette loi ?

Le principe de prévention est avancé afin de justifier cette validation.

Défini par la loi Barnier de 1995, il implique" la mise en œuvre de règles et d'actions pour

anticiper toute atteinte à l'environnement en cas de risques avérés". Du fait de risques

environnementaux avérés (notamment aux Etats-Unis), la constitutionnalité de la loi est

justifiée d’après les Sages. Néanmoins, cette position très frileuse à l’égard des gaz et huiles

de schiste parait être exagérée dans la mesure où les risques, bien qu’étant effectivement

réels, ne justifient en rien un tel refus et une telle défiance envers de quelconques

expérimentations et explorations marginales.

Le récent projet de réforme du code minier, qui n’a pas été modifié depuis 1810, doit

permettre d’établir un cadre plus rigoureux et réglementaire quant à l’exploration et

l’exploitation des ressources de notre sol en France. Une réforme est attendue courant

2014. Elle permettra de prendre davantage en compte l’impact écologique des activités

minières et accroitra la transparence auprès des citoyens.

b) Limites du principe de prévention

Jusqu’où doit-on pousser le principe de prévention ? Il s’agit là d’une question très

intéressante dans la mesure où le champ d’application dudit principe est très vaste. Certes,

des impacts ont pu être constatés aux Etats-Unis avec une industrie poussée à son

paroxysme, mais qu’en serait-il si l’on décidait en France d’encadrer beaucoup plus les

forages et limiter l’exploitation à des régions où les risques seraient minimes ?

Les principaux griefs de l’hydrofracturation sont le recours massif aux ressources en eau et

l’utilisation d’additifs chimiques qui seraient susceptibles de polluer durablement les nappes

phréatiques. Cependant, il est bon de souligner que l’utilisation d’eau est largement

encadrée, notamment avec les articles 6 & 8 du décret du juin 2006 qui obligent à déclarer

toute incidence des travaux sur les ressources en eau. Par ailleurs, pour les installations les

plus performantes, il est possible de recycler de 60 à 80% de l’eau utilisée par le procédé.

En ce qui concerne les additifs chimiques, ils sont injectés dans le sol à une profondeur allant

de 2000 à 3000 mètres tandis que les nappes phréatiques se trouvent entre 200 et 300

mètres de profondeur. Les risques sont effectivement réels du fait de la possibilité de

fissuration du puits vertical au cours du temps. Toutefois, l’évolution des procédés et

l’arrivée sur le marché de grandes compagnies, appelées Majors, ont considérablement

réduit ce risque de contamination qui était principalement dû aux premières

expérimentations des petites sociétés du genre.

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c) La relance du débat au Parlement

Le débat a été fortement relancé depuis le mois de juin 2013 et la publication du rapport

Bataille et Lenoir, respectivement député PS et sénateur UMP, sur « Les techniques

alternatives à la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des

hydrocarbures non conventionnels ». Ce rapport a été déposé auprès du Parlement français

afin de faire la lumière sur les huiles et gaz de schiste. Se voulant totalement objectif et

mené en étroite collaboration avec des scientifiques émérites et connaisseurs du sujet, ce

rapport illustre l’état des recherches en France et apporte des pistes intéressantes à propos

des méthodes d’extraction actuelles, des possibles alternatives à la fracturation hydraulique

et des impacts aussi bien environnementaux qu’économiques.

A travers ce rapport, l’on se rend compte que la question des hydrocarbures de schiste

n’est pas assez étudiée en France. Il existe des technologies disponibles qui permettraient

d’en maitriser l’extraction en diminuant significativement le nombre et l’ampleur des

opérations de fracturation hydraulique. Ce rapport met en exergue le potentiel de cette

énergie ainsi que la nécessité d’entreprendre des séries d’explorations afin de sonder le

potentiel gargantuesque que prédisent les américains de l’EIA.

A la lueur des conclusions de ce rapport, l’on se rend compte que le débat au sein du

Parlement n’est pas prêt d’être abandonné en dépit d’une position extrêmement ferme du

gouvernement socialiste.

III.2 Les points clés du débat

a) Des ressources à évaluer

La question de l’évaluation des ressources reste à ce jour sans réponse. Alors que le débat

sur l’opportunité d’exploitation de gaz de schiste en France fait rage, une inconnue et non

des moindres persiste : l’état réel des réserves. L’EIA, qui se base sur des données

géologiques des sols et non des explorations, estime le potentiel français à hauteur de 3870

milliards de m^3. Néanmoins, cette estimation n’est pas certaine. En effet, au Royaume-Uni

ou encore en Pologne, les prévisions se sont révélées être très peu en corrélation avec les

explorations des sols. Par exemple, en Pologne, l’EIA tablait sur 4200 milliards mètres cubes

de ressources techniquement récupérables tandis que le Polish Geological Institute les a

évaluées à 700 milliards de mètres cubes.

Les estimations dont on dispose à l’heure actuelle sont lacunaires et imprécises, elles ne

permettent pas de se faire une idée exacte des enjeux réels. Afin qu’un débat riche puisse

s’établir, il est nécessaire de connaitre réellement l’état des ressources et cela passe par une

vaste campagne d’explorations. Le débat ne ferait que gagner en objectivité dans la mesure

où si ces estimations s’avèrent être très faibles par rapport à celles de l’EIA, l’exploitation

pourrait être sérieusement remise en question aux vues des faibles retombées économiques

éventuelles et des impacts environnementaux potentiels.

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16

b) Implication des collectivités et populations locales

En outre, il parait important d’impliquer davantage les autorités et les populations locales

directement concernées par l’établissement de puits et gisements de gaz non

conventionnels. Leur reconnaitre une capacité d’influence sur la prise de décision facilite la

tenue d’un débat rationnel et sain. En effet, comme nous avons pu le voir dans la partie

précédente, l’opinion publique joue un rôle très important dans le processus de décision.

Malgré la prépondérance des députés dans le processus de légifération, le simple fait de

disposer d’une base populaire solide permet à n’importe quelle loi de passer plus

simplement et d’obtenir plus aisément le consensus général. Une certaine transparence

dans le débat est de rigueur afin de rendre les populations et les collectivités locales plus

actives et plus concernées.

c) Enjeux économiques

L’aspect économique est également crucial. La France est engagée dans une « transition

énergétique » comme aime si bien le rappeler François Hollande. Mais cette transition

pourra-t-elle se faire efficacement sans l’apport d’énergies alternatives qui pourraient

compenser le manque à gagner induit par l’intermittence des énergies renouvelables ? Par

ailleurs, pourquoi s’interdire l’exploitation d’une ressource qui permettrait à la France de

diminuer drastiquement sa dépendance gazière envers la Russie et autres leaders

incontestés du marché ? La possibilité d’accroitre la compétitivité des entreprises françaises,

notamment en termes de dépenses énergétiques, dans un contexte économique des plus

moroses ne suffit-elle pas à mettre le pied à l’étrier au gouvernement ?

Telles sont les questions qu’il convient de se poser dans un débat aussi fermé et singulier en

Europe. Les retombées économiques pourraient être immenses et résoudre nombre de

problèmes comme la dépendance énergétique. A ce propos, le gouvernement socialiste n’a

pas retenu l’une des recommandations de Louis Gallois, dans son rapport sur le choc de

compétitivité en France (05/11/2012), où le Commissaire à l’investissement plaide

clairement pour une reprise de la recherche sur les techniques d'exploitation des gaz de

schiste. La fermeté de François Hollande n’en demeure pas moins surprenante dans un

contexte économique difficile où toutes les possibilités devraient être étudiées afin d’éviter

un enlisement de la crise.

III.3 Dans le reste de l’Europe

a) Développement de la filière

La France ainsi que la Bulgarie sont les seuls pays à avoir interdit la technique

d’hydrofracturation en Europe. Les recherches sont beaucoup moins avancées par

comparaison avec nos voisins européens qui, peu à peu, prennent conscience des enjeux

autour de la question.

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La Pologne fait figure de pionnière en Europe en la matière. Au contraire de nombreux

pays où seule l’exploration des sols est en cours (Royaume-Uni, Danemark, Roumanie), la

Pologne a décidé d’exploiter « à titre expérimental » le gaz de schiste et une

commercialisation est prévue pour 2015. L’envie d’en finir avec la dépendance gazière

envers la Russie (près de 90% des importations de gaz sont russes) a fini par convaincre

Varsovie de la nécessité d’investir en masse dans le gaz de schiste. De nombreux permis

d’exploration ont été attribués à des grandes entreprises du secteur (Total, Exxon Mobil,

etc.). Au vu des résultats probants avec notamment l'entreprise San Leon qui affirme que ses

essais de fracturation hydraulique ont permis un débit régulier de gaz et ont «dépassé ses

espérances», l’optimisme est clairement de rigueur avec un secteur qui risque de connaitre

un fort essor dans les années à venir.

En outre, de nombreux pays européens se dotent d’outils juridiques adaptés afin de

répondre de la manière la plus efficiente qu’il soit aux questions sur le gaz de schiste.

En ce qui concerne les perspectives d’exploitation, le Royaume-Uni par l’intermédiaire de

David Cameron a annoncé un assouplissement des dispositions fiscales liées à l’exploitation

de gaz non conventionnel, avec une fiscalité à hauteur de 30% par comparaison avec les 62%

pour les autres hydrocarbures. De plus, et ce dès 2014, le Ministère de l’Energie et du

Changement climatique disposera d’un service spécialement dédié au gaz non-

conventionnel (Office for Unconventionnal Gas). Il s’agit là de signes forts qui sont envoyés

et révélateurs d’une réelle volonté d’approfondir les recherches liés aux méthodes

d’extraction.

L’Allemagne, véritable chantre des énergies renouvelables au sein du vieux continent, a

récemment pris conscience du besoin d’obtenir de plus amples informations sur ses

éventuelles réserves en hydrocarbures de schiste. La transition énergétique entamée outre

Rhin, avec notamment la volonté de sortie du nucléaire d’ici 2022, commence à peser sur

l’économie et l’environnement. La manne nucléaire n’étant plus la bienvenue, le pays a

accru la production de ses 130 centrales au charbon. Cela s’est traduit par une augmentation

des émissions de CO2 de 4% au cours des deux dernières années. Par ailleurs, près de 2

milliards d’euros par an seraient nécessaires afin d’assurer cette sortie du nucléaire, ce qui a

un impact significatif sur la facture énergétique des allemands. Dans cette optique, le gaz de

schiste s’impose comme un moyen pour diminuer ce coût énergétique et faciliter la

transition énergétique. Néanmoins, la récente coalition entre conservateurs et socio-

démocrates a mis un frein au développement du gaz de schiste en Allemagne avec un

moratoire qui réduit les possibilités d’utilisation de la fracturation hydraulique pour extraire

le gaz de schiste.

La posture des pays européens vis-à-vis du gaz de schiste est à l’heure actuelle assez

prudente. Mise à part la Pologne et le Royaume-Uni, la majeure partie des pays de l’UE

explore ses sols dans le but d’évaluer ses réserves en gaz non conventionnel. Cela permet

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d’établir un débat plus serein basé sur des données fiables et exploitables. La

commercialisation n’étant pas encore à l’ordre du jour.

b) Vers un alignement avec nos voisins européens ?

La France semble être relativement isolée en Europe concernant la question du gaz de

schiste. Son refus total d’expérimentation conjugué à son inflexibilité quant à la tenue d’un

débat sain et serein font qu’il est à l’heure actuelle très difficile de se prononcer sur un

éventuel alignement avec les autres pays membres de l’Union Européenne.

Aussi hésitant et non fédérateur que soit François Hollande, la problématique des

hydrocarbures non-conventionnels semble tenir à cœur au président de la République. A de

nombreuses reprises, le gouvernement a opposé une fin de non-recevoir à la réouverture du

dossier du gaz de schiste en France. Il se dit même « prêt à déposer à tout moment un texte

qui maintiendra cette interdiction de la fracturation hydraulique », dixit Philippe Martin,

Ministre de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie. Lorsque l’on connait la

majorité dont dispose le PS à l’Assemblée Nationale, il parait compliqué d’imaginer un

retournement de situation.

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Conclusion

La posture actuelle de la France vis-à-vis du gaz de schiste est relativement claire : refus

en bloc de toute exploitation ou exploration du sol à des fins expérimentales ou

commerciales. Cette fermeté est motivée par les impacts environnementaux inhérents à

l’exploitation d’hydrocarbures non-conventionnels. Leur empreinte environnementale

demeure beaucoup trop importante par comparaison avec les hydrocarbures

conventionnels. N’étant pas encore assez sûr, le procédé de fracturation hydraulique qui

permet l’extraction la plus efficace, est interdit par la loi et le restera tant que les risques

minimes ne seront pas démontrés.

Cependant, l’évolution des technologies et les estimations des réserves gazières en

France par l’EIA ont relancé un débat qui était jusque-là tué dans l’œuf par le gouvernement.

La maitrise du processus de fracturation hydraulique est désormais moins incertaine avec de

nouvelles technologies qui permettent de réduire le nombre et l’ampleur des opérations. En

ce sens, de nombreux pays européens ont emboité le pas des Etats-Unis et ont lancé de

vastes campagnes d’exploration des ressources de leur sous-sol qui permettraient de mieux

cerner leur patrimoine géologique. Economiquement parlant, les opportunités liées à

l’exploitation de gaz de schiste, notamment en termes d’emplois générés et de dépendance

énergétique, ont fini par convaincre les Etats les plus sceptiques de la nécessité d’investir

dans le gaz de schiste. Le succès des Etats-Unis n’y est pas étranger.

Bien qu’elle possède toutes les compétences scientifiques, techniques et industrielles afin

d’installer une filière prospère, la France refuse toujours de laisser entreprises et chercheurs

travailler à une amélioration significative des procédés d’extraction.

L’évolution du marché de l’énergie, notamment avec l’abandon progressif des énergies

fossiles au profit des énergies renouvelables, rend la position de la France difficilement

tenable. La transition énergétique devrait inciter la France à investir dans les secteurs

pouvant l’aider à pallier à l’intermittence des nouvelles énergies dites « propres ». Au lieu de

cela, la France s’appuie quasi exclusivement sur l’énergie atomique avec des centrales

nucléaires à foisons. Par ailleurs, la compétitivité de toute une industrie est mise à mal par

une loi qui tend à devenir obsolète au vu des progrès enregistrés au cours des dernières

années. En s’interdisant le débat sur le gaz de schiste, la France ne fait qu’accumuler du

retard sur la question.

A long terme, cette posture sera difficilement viable et la France devra s’aligner sur ses

voisins européens qui auront ouvert un débat, pris de l’avance et mis au point des

techniques fiables rendant plus sûre l’exploitation des hydrocarbures non-conventionnels.

Ce changement de cap n’aura probablement pas lieu sous le mandat de François Hollande

mais qui sait, en 2017, la posture de la France ne sera peut-être plus la même.

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Bibliographie

Afin de rédiger ce rapport, je me suis appuyé sur différentes sources d’information. La

toile regorgeant de sites partisans et donc, pas forcément objectifs, j’ai particulièrement mis

l’accent sur des sources neutres tels des journaux d’information, des rapports d’institutions

indépendantes. Les sources auront toujours été contrôlées afin d’en savoir plus la fiabilité

des chiffres avancés.

Loi Jacob (13/07/11) disponible sur le site legifrance.gouv, service public de la diffusion du

droit :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000024361355&categorieL

ien=id

Rapport sur « Les techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l’exploration et

l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels » par M. Jean-Claude LENOIR, sénateur

UMP, et M. Christian BATAILLE, député PS (05/06/13) :

http://www.assemblee-nationale.fr/14/cr-

oecst/rapport_detape_fracturation_hydraulique2013_06.pdf

Rapport sur la question « la révolution du gaz de schiste en Europe aura-t-elle lieu »

de l’Institut Thomas More (Octobre 2013).

Il s’agit d’un think tank d'opinion, européen et indépendant basé à Bruxelles et Paris. Il

diffuse auprès des décideurs politiques et économiques et des médias internationaux des

rapports, des recommandations et des études réalisés par des spécialistes

http://upload.ouestfrance.fr/ouest-france.fr/pdf/ThomasMore1310.pdf

Rapport de l’Académie des Sciences, 15/11/13 :

http://www.academie-sciences.fr/activite/rapport/avis151113.pdf

Articles tirés de journaux d’information :

Quelques clés pour comprendre le débat (12/11/12) :

http://www.energystream-solucom.fr/2012/11/gaz-de-schiste-quelques-cles-pour-

comprendre-le-debat/

Parlement européen sur le gaz de schiste (09/10/13) :

http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/10/09/le-parlement-europeen-renforce-l-

encadrement-du-gaz-de-schiste_3492789_3244.html

Avis de la BAI (10/10/13) :

http://www.liberation.fr/terre/2013/10/10/la-boite-a-idees-de-l-ump-pour-la-reprise-de-l-

exploration-du-gaz-de-schiste_938591

Validation de la loi Jacob par le Conseil Constitutionnel (11/10/13) :

http://www.liberation.fr/terre/2013/10/11/le-conseil-constitutionnel-se-prononce-sur-l-

interdiction-des-gaz-de-schiste_938555