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MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - SOMMAIRE

Sommaire

Mondialisation et développement durableQuelles instances de régulation ?

12 FICHES POUR COMPRENDRE, ANTICIPER, DEBATTRE

Fiche 1.A.La mondialisation inégale

Fiche 1.B.Représentations et courants de pensée

Fiche 2.A.Le concept de développement durable

Fiche 2.B.Les indicateurs du développement durable

Fiche 3.A.Les instruments des politiques nationales de l’environnement

Fiche 3.B.Les instruments d’une politique internationale de l’environnement

Fiche 4.AActeurs et institutions du développement durable

Fiche 4.B.Instruments de régulation et jeu des acteurs. Le cas du climat

Fiche 5.A. Commerce international et environnement. Des relations contradictoires ?

Fiche 5.B. L’OMC et l’environnement

Fiche 6.A.Coopération pour le développement durable. L’enjeu financier Nord-Sud

Fiche 6.B.Régulation des investissements et développement durable

Lexique et siglesBibliographie

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Fiche 1.A.

La mondialisation inégale

La mondialisation est un processus complexe qui touche non seulement la productionet les échanges de biens et services, mais également la culture et les processus de déci-sion dans tous les domaines, notamment dans celui de l’environnement. Partie la plusvisible de l’iceberg, la mondialisation de l’économie interagit étroitement avec lamondialisation des problèmes d’environnement et de développement.

1. LA MONDIALISATION DE L’ECONOMIE

A. Les flux commerciaux, moteurs de la croissance

Nouveaux échanges. L’une des caractéristiques dela globalisation de l’économie est l’augmentationrapide et croissante du commerce international depuisla Seconde Guerre mondiale. Les échanges de mar-chandises en valeur augmentent plus rapidement quela production et le revenu mondiaux (somme des pro-duits intérieurs bruts).

La part des services (transports, assurances, télécom-munications, tourisme, droits d’auteur) dans le commercemondial est en nette progression. Elle représente aujour-d’hui un cinquième des échanges. La part des produitsmanufacturés augmente aussi, au détriment des produitsde base destinés à la transformation industrielle : elle estpassée de 56 % en 1982 à 73 % en 1992.

Prédominance du Nord. Les pays développés réa-lisent plus des trois quarts du commerce mondial. Les

importations de biens de consommation courante enprovenance des pays en développement (PED) aug-mentent à un rythme modéré. En douze ans, leur partest passée de 19,7 à 26,9 % (et de 11,4 à 13,9 % pourl’ensemble de l’industrie). Néanmoins, la participationdes PED dans le commerce mondial s’accélère depuis ledébut des années 90. Ce phénomène récent sembleencore marginal, mais certains experts pensent qu’ildevrait s’amplifier à l’avenir. Cela vaut tout particuliè-rement pour les économies émergentes (pays asia-tiques et latino-américains), dont la croissance écono-mique a été très rapide dans les dix dernières années.Ces économies dynamiques voient aussi augmenterleurs importations, et constituent des marchés de plusen plus porteurs.

Impact sur l’environnement. Ce développementsans précédent du commerce international a un doubleimpact sur l’environnement (cf. fiche 4.A.). Première-ment, il pousse à la spécialisation et à l’intensificationdes processus productifs, contribuant ainsi à la dégra-dation des milieux naturels. Deuxièmement, il accroît lavisibilité de certains problèmes environnementaux etrenforce leur dimension internationale. Cette évolu-tion appelle une régulation internationale de l’envi-ronnement dans certains domaines spécifiques (inter-diction de commercialiser des produits dangereux oudes espèces menacées, par exemple).

B. L’explosion des flux financiers et des investissementsà l’étranger

Déréglementation. La globalisation est aussi mar-quée par l’accélération des flux financiers et le déve-loppement des investissements directs à l’étranger(IDE). Ce mouvement est en partie dû à la déréglemen-tation financière généralisée au cours des années 80,elle-même favorisée par les innovations technolo-giques qui permettent une diffusion de l’informationet des transferts quasi-immédiats. Partout, les activitésboursières et bancaires internes ainsi que les mouve-ments externes de capitaux ont été libéralisés.

Reprise du commerce et de la production au niveau mondialLe commerce et le PIB ont tous deux chuté à la fin des années 2 avant d'amorcer une reprise en 1932. Après la guerre, l'un et l'autre ont connu un redressement exponentiel, la progression du commerce étant le plus souvent plus rapide que le PIB. 1950 = 100 Commerce et PIB : échelle logarithmique

1929-1932 38 48 60 70 80 90 1995

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50 Création du GATT

Création de l'OMC

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Commerce des marchandises

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lexique.

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Entre 1980 et 1988, les flux financiers sur le mar-ché des changes ont été multipliés par 8,5 dans lespays de l’Organisation de coopération et de dévelop-pement économiques (OCDE), les flux d’investisse-ment direct à l’étranger par 3,5 et les flux commer-ciaux et le produit intérieur brut (PIB) mondial par1,9. L’IDE a ainsi augmenté trois fois plus vite que leséchanges commerciaux au cours des années 80. Lasomme des flux annuels d’investissement enregistrésentre 1980 et 1989 a atteint 870 milliards, contre 290milliards pendant la décennie précédente. L’impor-tance des services (finance et distribution) est main-tenant équivalente à celle des investissements indus-triels.

Pays industriels. Les Etats-Unis ont vu leur partdans les investissements à l’étranger diminuer, mais ilssont devenus le principal pays d’accueil de l’IDE. LesPays-Bas, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont conso-lidé leur présence dans le monde. Le Japon et laFrance ont réalisé une percée significative. Historique-ment, les pays en développement ont peu participé à

ce mouvement, les flux étant concentrés entrepays industrialisés. La tendance s’est toutefois

inversée à la fin des années 80 : la part des pays endéveloppement dans l’IDE a fortement progressé, pas-sant de 15 % en 1989 à 42 % en 1993. Les flux d’in-vestissement en direction des PED sont néanmoinsmarqués par une forte concentration géographique(Asie du Sud-Est principalement) et par une forte vola-tilité, dont la crise financière asiatique constituel’exemple le plus récent et le plus spectaculaire.

Prime à la non-réglementation. La fluiditéfinancière permet aux entreprises de créer ou detransférer facilement des unités de production là oùles charges salariales et fiscales ou les normes environ-nementales sont les moins contraignantes. Les paysémergents pourraient ainsi être tentés d’édicter desnormes sociales et environnementales aussi faiblesque possible afin d’attirer les délocalisations. Cettehypothèse reste cependant à vérifier. Il est certain, enrevanche, que le gel du renforcement des normessociales et environnementales et surtout la faiblessedes contrôles et sanctions constituent des facteursd’attrait de capitaux provenant d’entreprises peuscrupuleuses.

C. L’incontournable puissance des multinationales

Les phénomènes décrits ci-dessus ont été suscités,accompagnés ou encouragés par les entreprises trans-nationales. Elles-mêmes se sont développées parallèle-ment à ce mouvement de mondialisation et ont su entirer d’importants bénéfices.

Les échanges sous contrôle. Centrées sur quatresecteurs clés (automobile, pétrole, haute-technologieet banque), originaires avant tout des pays industria-lisés mais disposant d’un important réseau de filiales àl’étranger, y compris dans les PED, les firmes transna-tionales assurent presque l’intégralité des échangesmarchands mondiaux.

Elles réalisent également 70 % des investissementsdirects à l’étranger, qui jouent un rôle moteur dansleur expansion. Les transnationales apportent un outilde gestion, un savoir-faire technologique et l’accèsaux marchés internationaux mais peuvent compter enéchange sur le développement des marchés locaux.Elles bénéficient aussi d’une main-d’œuvre générale-ment meilleur marché.

Pouvoir de négociation. Cet ensemble de carac-téristiques confère aux firmes transnationales unpoids considérable dans toute négociation avec lesEtats, au Nord comme au Sud. Elles ont par consé-quent les moyens d’influencer la conduite des poli-tiques publiques, notamment environnementales.Cela explique la participation active des entreprisestransnationales aux grandes négociations internatio-nales sur l’environnement et le développement et auxdiscussions relatives aux codes de bonne conduitevolontaires préparés précisément à leur intention.

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Des budgets comparables ou supérieurs à ceux des Etats

General motors automobile

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Danemark 159

Ford automobile 137

Afrique du Sud 131

Exxon pétrole 110

Grèce 102

Toyota automobile 91

Israël 81

Mobil pétrole 67

Pakistan 55

Algérie 46Nestlé

Multiproduits 40

Nigeria 30

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Sénégal 5

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2. LE DEVELOPPEMENT TOUJOURS DANS L’IMPASSE

A. L’élargissement du fossé Nord/Sud

Développement inégal. L’enrichissement globalenregistré dans les dernières décennies ne profite paségalement à tous. Si l’intégration des économies déve-loppées se poursuit et s’accélère, la marginalisation desplus fragiles s’accentue : elles ne disposent ni des struc-tures de production, ni des structures financières, ni desstructures d’information désormais capitales dans l’éco-nomie globalisée. L’Asie du Sud-Est est la seule régionen développement qui s’est révélée capable, au débutdes années 90, de s’insérer dans la nouvelle donnemondiale. Entre 1965 et 1990, la part des « quatre dra-gons » (Corée du Sud, Hong-Kong, Taïwan et Singa-pour) dans les exportations totales de produits manu-facturés des pays en développement est passée de13,5 % à plus de 60 %. Cependant, la crise financièrequi a affecté l’ensemble de la région à la fin des années90 remet en question la capacité de ces économies àassimiler réellement des flux financiers aussi intenses.Par ailleurs, la quasi-totalité du continent africain, unegrande partie de l’Amérique latine et plusieurs paysd’Europe de l’Est et du Centre ne profitent que peu,voire pas du tout, des bénéfices de la mondialisation, etvoient chaque jour leur handicap s’accentuer.

B. Le poids de la dette

Un boulet trentenaire. Les laissés-pour-compte dela mondialisation économique sont souvent aussi lespays les plus lourdement endettés. Cette dette a étécontractée dans les années 70, couverte alors par unedemande de matières premières qui poussait les coursà la hausse et assortie à de faibles taux d’intérêt liés àla crise pétrolière de 1973. Le remboursement de ladette, entièrement libellée en devises fortes, est tou-jours d’actualité, alors que les prix des matières pre-

mières sont au plus bas. La réorientation de lademande vers des produits transformés a pour consé-quence que toute augmentation du volume des expor-tations de matières premières fait baisser leur cours. Leservice de la dette mobilise dès lors l’essentiel des béné-fices tirés de l’exportation.

L’impasse budgétaire. Les programmes de rem-boursement de la dette réduisent encore les fonds dis-ponibles pour l’éducation, les structures sanitaires etsociales ou l’environnement. L’Afrique subsaharienneconsacre ainsi chaque année quatre fois le montant desbudgets de santé et d’éducation au service de la dette,sans pour autant éliminer ses arriérés. La manque deliquidités a conduit près de la moitié des pays les plus

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40Service de la dette en % des exportations totales

Asie du Sud

Moyen-Orient et Afrique du Nord

Asie du Sud-Est

Amérique latine et Caraïbes

Afrique subsaharienneEurope et Asie centrale

1980 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994

Poids de la dette dans le commerce extérieur

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Répartition des revenusPopulation mondiale (par ordre décroissant de revenu)

Chaque tranche représente 1/5 de la population mondiale

Les 20 % les plus riches se partagent 80 % du revenu mondial

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Les 20 % les plus pauvres se partagent 1,4 % du revenu mondial

Disparités économiques et de revenu dans le monde 1990.

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gravement endettés à suivre des plans d’ajustementstructurel en échange de la garantie bancaire du Fondsmonétaire international (FMI).

3. DES PROBLEMES MONDIAUX D’ENVIRONNEMENTAUX

Dans ce cadre d’enrichissement global mais inégal,les disparités de développement pèsent sur l’état del’environnement. L’interdépendance entre les écono-mies se traduit aussi dans le domaine de l’environne-ment, par une propagation des conséquences desdégradations du local au mondial. L’ampleur et ladiversification des problèmes d’environnement expli-quent la mobilisation de l’opinion publique et des poli-tiques tant au niveau national qu’à l’échelle internatio-nale. La recherche de solutions durables et multilaté-rales dépend néanmoins beaucoup de l’étendue, de lanature et de la politisation des problèmes.

A. Disparités économiques et conflits internationaux

Pas si local que ça. L’impact de certaines dégrada-tions de l’environnement est avant tout local. Ces dom-mages mobilisent peu les forces politiques et les res-sources financières multilatérales, même lorsqu’ils sontconsidérés comme majeurs. La lutte contre ces pro-blèmes d’environnement est en grande partie financéepar l’aide bilatérale au développement. Un véritablechangement d’état d’esprit s’impose pour prendre encompte toutes les implications de phénomènes qui,

locaux par nature, peuvent cependant avoir des consé-quences internationales majeures et appeler un effortglobal.

La désertificationLa désertification est avant tout liée à la surex-ploitation des terres par l’homme. Environ 1,2milliard d’hectares de terres arables ont été perdusau cours des 45 dernières années, soit une superfi-cie supérieure à l’Inde et à la Chine réunies. Environ700 millions de personnes habitent dans des zonesarides ou semi-arides les plus menacées par ladésertification. La Convention internationale sur ladésertification de juin 1994 a souligné les implica-

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Dégradation des sols d'origine anthropique (1945-90)

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tions mondiales de ce problème en termes depauvreté et de flux migratoires.

L’eau, vie et conflits L’accès à l’eau potable est un enjeu local sur tousles continents, particulièrement dans les pays endéveloppement, où plus d’un milliard et demi depersonnes en sont privées. On estime que plusde 5 millions de personnes décèdent chaqueannée des suites de maladies transmises par uneeau non potable, dont environ 4 millions d’en-fants. Dans les PED, plus de 80 % des maladies etplus d’un tiers des décès seraient dus à l’inges-tion d’une eau contaminée. L’eau est égalementun enjeu géopolitique international. La luttepour l’accès à l’eau ou la pollution de coursd’eau frontalier sont source de nombreuxconflits entre Etats, surtout dans les régions oùla ressource est rare. On peut citer à cet égardles tensions entre la Syrie et la Turquie sur lamaîtrise des eaux de l’Euphrate, celles entrel’Egypte et le Soudan sur les eaux du Nil, etc. La question de l’eau a fait l’objet d’une confé-rence internationale en 1997. Tous les partici-pants sont tombés d’accord pour reconnaître lagravité et la nature internationale des pro-blèmes. Mais les efforts de règlement de la com-munauté internationale restent bien faibles...

B. Patrimoine mondial ou souveraineté nationale

Compromis impossible ? La coopération interna-tionale en matière d’environnement, que l’impact

immédiat des dégradations soit local ou interna-tional, se heurte souvent au principe de souverai-

neté des Etats sur les ressources naturelles qu’ils abri-tent. La préservation des forêts tropicales, par exemple,était un thème majeur de préoccupation en 1992, juste

avant la Conférence de Rio sur l’environnement et ledéveloppement. Conscients de la valeur des forêts tro-picales, notamment en termes de réservoir de biodiver-sitét, les pays développés voulaient les classer commebien commun mondial. Mais les PED détenteurs de res-sources forestières s’y sont fermement opposés, rappe-lant le principe de souveraineté exclusive de l’Etat surl’utilisation de ses propres ressources.

Nécessité économique. A l’heure actuelle, et malgréles nombreuses tentatives d’élaboration d’une conventioninternationale sur la préservation des forêts, aucun accord

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Régression des forêts tropicales (moyenne de 1980 - 1990)

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multilatéral n’a vu le jour... Pourtant, les consé-quences environnementales de la déforestationdépassent largement l‘échelon local. En détruisant lesespaces forestiers pour vendre du bois ou implanterd’autres activités dont la rentabilité est plus immédiate etplus visible (agriculture, urbanisation, etc.), certains Etatschoisissent délibérément de détruire de manière irréver-sible certains écosystèmes très riches. Cette consommationdes ressources naturelles correspond parfois à une straté-gie de développement, mais également souvent à lanécessité d’affecter toujours plus de terres à l’agriculturevivrière et/ou aux besoins en bois de feu d’une populationcroissante.

La déforestation En 1980, la forêt tropicale (humide et sèche)couvrait 310,8 millions d’hectares en Asie, 923millions en Amérique latine et Caraïbes et 650,3millions en Afrique subsaharienne. Au cours des années 80, la déforestation aatteint près de 17 millions d'hectares par an. Lesforêts d’Amérique latine sont les plus touchéesen termes de superficie (8,3 millions d’hectarespar an), mais c’est en Asie que le taux de défo-restation est le plus fort.

C. Régulation mondiale : le poids de la médiatisation

Problèmes d’environnement : les chouchous…Certains problèmes d’environnement présentant unpotentiel de nuisance mondiale sont très médiatisés ettrès politisés. La majorité des conventions, traités et

programmes de travail internationaux les plusrécents en matière d’environnement leur est consa-

crée. Les changements climatiques et plus générale-ment la pollution de l’atmosphère mobilisent des res-sources considérables (cf. fiche 4.B.). De même, la préser-vation et la gestion de la biodiversité sont devenues unenjeu politique mondial. Non seulement les ressourcesbiologiques constituent un réservoir de matières pre-mières considérable pour la recherche médicale, maisleur maîtrise est aussi au centre d’enjeux financiers colos-saux pour les puissantes firmes multinationales de lapharmacie et des biotechnologies.

La couche d’ozone et les CFC Les chlorofluorocarbones (CFC) sont des gaz misau point à la fin des années 20 et destinés à ser-vir de réfrigérants ou de solvants. Largementrépandus dans les réfrigérateurs et les climati-seurs, ainsi que dans les extincteurs sous formede halons, ils présentent l’inconvénient dedétruire la couche d’ozone stratosphérique. Ilssont tenus pour les principaux responsables du« trou » dans la couche d’ozone stratosphériqueobservé à hauteur de l’Antarctique, qui rendl’atmosphère beaucoup plus perméable auxrayonnements ultraviolets.

… et les mal-aimés. Tous les problèmes d’environ-nement appellent un traitement à la fois local et inter-national. La résolution des problèmes globaux, quinécessite une profonde inflexion des modes de déve-loppement, est certes fondamentale pour l’avenir de laplanète. Les médias et les groupes de pression jouentd’ailleurs largement sur la peur du futur pour mobiliserl’opinion publique autour de ces questions. Mais le trai-tement politique et médiatique de l’environnementlaisse peu de place aux problèmes environnementauxlocaux, qui ont pourtant des incidences intolérables auquotidien pour des millions d’individus, devenant parlà même de portée internationale. La hiérarchie desquestions d’environnement inscrite sur l’agenda inter-national reflète les rapports de force économiques, l’in-fluence des différentes représentations sociales et lesouci de transmission d’un capital écologique aux géné-rations futures, mais fait passer au second plan l’ur-gence immédiate d’équité entre populations riches etpopulations pauvres.

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Fiche 1.B.

Représentations et courants de pensée

La relation que l’homme entretient avec la nature évolue avec les valeurs de la sociétéet le système de production économique. En Occident, on est passé de l’idée que l’en-vironnement est au service de l’homme à l’idée qu’il possède une valeur intrinsèque.Au-delà de l’affrontement idéologique entre les écologistes radicaux et les ultralibé-raux, le grand défi actuel de la recherche est de déterminer la valeur économiquetotale des biens d’environnement.

1. DU NORD AU SUD : DIFFERENTES REPRESENTATIONS DE L’ENVIRONNEMENT

A. Quatre grandes dimensions

Un construit social. Chaque société s’est façon-née dans son imaginaire collectif une représentationpropre des ressources naturelles. Cette image définitnon seulement les relations que les individus et lasociété ont avec la nature, mais aussi les relationssociales liées à son usage. La représentation globale del’environnement recouvre quatre grandes dimensions.

Une dimension temporelle. Selon le temps deréférence, l’environnement peut être conçu comme unmoment harmonieux et mythique, comme une desdimensions d’un avenir incertain dépendant de l'acti-vité humaine ou comme la consécration d’un rêvepassé, d’un véritable « jardin d'Eden ». Ces différentesreprésentations temporelles sont fondamentales dansle processus politique et économique de prise de déci-sion, soit au niveau des gouvernements, soit au niveaude la société et des individus. La notion de temps s’estelle-même élargie avec la complexification des savoirset des problèmes écologiques. Au temps de la viehumaine est venu se superposer celui de l'histoire, puiscelui de la vie géologique. Selon le temps de référence,les décisions politiques ne sont pas les mêmes.

Une lecture de l’espace. Il s’agit en effet dedéterminer quel espace est soumis à la loi de l’hommeet quel espace reste sous la loi de la nature. Il s’agitaussi de fixer la limite de la responsabilité de chaqueindividu ou de chaque communauté. Quand une pollu-tion voyage, cesse-t-elle d’être une nuisance ? Le senti-ment renforcé de l’appartenance à une même planètetend à repousser toujours plus loin ces frontières spa-tiales et à rendre toutes les communautés humainescollectivement responsables de l’état de la planète.

Une dimension sociétale. Elle désigne la prioritédonnée soit aux intérêts individuels, soit aux intérêts

collectifs dans la gestion de l’environnement. L’articu-lation entre les deux pôles varie selon chaque société.Elle détermine comment le temps et l’espace sontappréhendés. Enfin, le conflit entre ces intérêts s’ex-prime au niveau international à travers des revendica-tions nationales concernant la protection de ressourcessituées sur des territoires étrangers, ou au moment defixer des normes globales de gestion de l’environne-ment.

La valeur des espèces totémiques Les organisations non gouvernementales (ONG)anglo-saxonnes de conservation de l’environne-ment ont su fédérer un véritable mouvementmédiatique autour de la sauvegarde de cer-taines espèces animales disposant d’un impor-tant capital-sympathie auprès du grand public.Ces animaux sont devenus emblématiques pourles sociétés du Nord et leur sauvegarde, unepriorité, quelle que soit la réalité de la menacequ’ils encourent. Les dauphins sont peut-être lameilleure illustration d’une construction socié-tale d’un bien environnemental : des campagnespermanentes organisées par les ONG de plu-sieurs pays développés servent à les protégercontre les filets dérivants, contre la pollution,contre la pêche industrielle, etc. Les campagnesde très grande envergure peuvent mêmeconduire les pouvoirs publics à recourir à desmesures contraignantes, comme on l’a vu auxEtats-Unis avec l’embargo décrété sur le thonmexicain. Pourtant, les dauphins sont loin d’êtrel’espèce la plus menacée d’extinction à l’échelledu globe...

Des normes d’intervention. Elles départagentce qui est acceptable de ce qui ne l’est pas. Elles peu-vent être fondées soit sur l’observation des règles dela nature (autolimitation des prélèvements, respectdes périodes de reproduction, etc.), soit sur la sou-mission aux besoins contingents d’une société (encombustibles, en matières premières, etc.).

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De l’universalité des normes sanitaires La protection de l’environnement se justifiesouvent par le respect de normes sanitairesgarantissant à tout être humain une certainesécurité : l’accès à une eau potable, une alimenta-tion saine, un air respirable, etc. Tous les êtreshumains ont a priori les mêmes besoins et doiventse préserver des mêmes dangers. Mais peut-onexiger de tous les pays le respect des mêmesnormes ? L’expression « un environnement sainminimal » n’a pas forcément la même significa-tion pour les autorités de Bombay que pour cellesde Mexico, de Dakar ou de Paris.

L’environnement apparaît ainsi comme une imageconstruite à partir de la combinaison de ces différentesreprésentations, variable dans l’espace et dans le temps.L’état des mentalités à un moment donné est donc lereflet des images véhiculées par une société. Dans la dif-fusion de ces images et leur transformation, deux typesd’acteurs jouent un rôle incontournable : le système édu-catif et les médias.

B. Représentations, priorités et conflits Nord/Sud

Le Sud : priorité à la lutte contre la pauvreté. Lesdiverses représentations que les sociétés se font de l’en-vironnement et les priorités qu’elles se donnent s’expri-ment notamment à travers les négociations environne-mentales multilatérales. A l’occasion des nombreusesrencontres internationales, la conscience de la portéemondiale des problèmes environnementaux s’est diffu-sée. Néanmoins, nombre de pays en développement(PED) continuent de penser que l’environnement estavant tout un problème dont la responsabilité incombeaux pays du Nord. Les PED sont certes convaincus de ladégradation globale de la planète, mais s’inquiètent devoir les moyens techniques et financiers concentrés auNord et craignent de voir leurs propres problèmes d’en-vironnement (désertification, accès à l’eau potable, etc.)et surtout de développement (sécurité alimentaire,santé, etc.) négligés au profit des problèmes globaux pri-vilégiés par le Nord. Pour les PED, la lutte contre la dégra-dation de l’environnement passe avant tout par la luttecontre la pauvreté.

Préférence globale et préférence localeNombre d’espèces animales les plus directementmenacées de disparition ont été recensées. Bienqu’elles soient situées dans les PED, certaines fontl’objet d’une sensibilité particulière de la part despopulations des pays riches. Les conventions inter-nationales destinées à les conserver les désignentcomme « patrimoine commun de l’humanité ».Mais ce consensus apparent cache d’importantesdifficultés d’application des programmes de sau-vegarde dans les pays les plus pauvres. Les pro-grammes de préservation peuvent être très coû-teux, entraîner un manque à gagner pour lespopulations traditionnellement utilisatrices de cesespèces et exercer parfois des effets négatifs sur

l’agriculture locale. Ainsi, la création de parcsnaturels et la protection de certaines espèces ontparfois suscité la grogne des agriculteurs avoisi-nants, qui voyaient leurs maigres cultures piéti-nées par les animaux protégés. Pour ces popula-tions, la protection de l’environnement apparaîtcomme une contrainte supplémentaire. En l’ab-sence de compensation, il est peu probable qu’ilsjouent le jeu de la conservation.

Le Nord : un modèle de développement incon-tournable et dangereux. Les problèmes environne-mentaux actuels semblent liés au modèle de développe-ment industriel qui a fait la richesse du Nord. De nom-breux experts s’accordent désormais à reconnaître seslimites écologiques, et mettent en garde contre lamenace qu’entraînerait une généralisation de ce modèlede développement à l’ensemble du globe. Pour prendreun seul exemple, la croissance économique de la Chinepourrait dans un avenir proche permettre à l’ensemblede la population chinoise d’accéder aux moyens de trans-ports modernes : l’accroissement du parc automobile chi-nois serait alors tel que les efforts de lutte contre l’effetde serret menés par les pays du Nord seraient réduits ànéant.

Quel mécanisme financier ? Les pays du Sud sontdonc régulièrement invités à adopter une stratégie dedéveloppement durable. Mais cette démarche auraitpour eux un coût supérieur à leurs ressources financières,limitées et presque entièrement consacrées à l’objectif decroissance économique à court terme. En 1992, lors de laConférence de Rio, l’affirmation du couple environne-ment-développement avait paru enclencher une réorien-tation de la coopération vers l’environnement et déga-ger les moyens d’une politique de développementdurable. Mais les dernières conférences mondiales surl’environnement ont porté un rude coup à cet espoir enrévélant que l’incompatibilité entre les attentes respec-tives du Nord et du Sud et le fossé entre les financementsdisponibles et l’objectif de développement durable necessent de se creuser. Ceci explique que, dans un contextede rareté des ressources financières, nombre de paysnouvellement industrialisés donnent la priorité au sec-teur social davantage qu’à la protection de l’environne-ment.

2. REPRESENTATIONS ET ECOLES DE PENSEE

A l’instar des sociétés humaines, les différents cou-rants scientifiques dans le domaine de l’environnementprivilégient ce qui correspond à leur représentation desrapports entre l’homme et la nature. Deux grandes disci-plines, l’écologie et l’économie, se sont longtemps oppo-sées dans ce domaine. Certaines approches issues de cesécoles de pensée exercent encore leur influence du côtédes ultralibéraux comme du côté des écologistes conser-vationnistes. Néanmoins, au cours de la seconde moitiédu XXe siècle, au fur et à mesure que les problèmes d’en-vironnement devenaient incontournables, une synergieentre ces deux disciplines s’est opérée : on a vu appa-

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raître de multiples courants de pensée, chacun orga-nisant à sa manière la conciliation des objectifs éco-logiques et économiques.

A. Les approches conservationnistes

Des positions idéologiques… Très présent dans lespays anglo-saxons, le courant conservationniste ras-semble surtout des populations urbaines en mal denature et est porté par des chercheurs en sciences de lanature (biologie, zoologie, écologie...). Les partisans decette approche très idéologique sont essentiellement desnostalgiques d’un monde où la nature serait inviolée etinviolable. Ils expriment généralement un refus de lasphère économique, qui se manifeste par une violentecritique des institutions économiques. Les structures quiles représentent sont les ONG anglo-saxonnes de conser-vation de la nature (World Conservation Movement,Earth First, etc.). Deux approches de ce courant se distin-guent particulièrement par la structuration de leur pen-sée : les défenseurs d’une Terre vivante, Gaïa, et le cou-rant dit de la Deep Ecology.

… très critiquables. D’un point de vue éthique,dans leurs versions extrêmes, ces conceptions sont trèscritiquables, car elles se bornent à rechercher l’équitéenvers les non-humains (la nature est préservée pourelle-même et non pas pour satisfaire les besoins desgénérations actuelles ou futures). D’un point de vue plusgénéral, elles peuvent être considérées comme particu-lièrement réductrices car seuls les critères écologiquesrégissent les relations entre l’environnement et lasociété, toute considération économique et sociale étantécartée.

L’hypothèse Gaïa : la nature maître del’homme Pour James Lovelock, fondateur de cette théorie,la Terre est un immense organisme vivant, capablede réactions d’adaptation dépassant l’action del’homme. La nature prime donc sur l’homme quine constitue qu’une infime partie du « systèmeGaïa ». Selon cette hypothèse, le système pourrait s’auto-réguler, c’est-à-dire assurer sa propre reproduc-tion, en faisant même disparaître l’homme en casde menace pour sa survie. Certains libéraux sou-tiennent que si l’on suit cette hypothèse, Gaïa serégulant toute seule, il est inutile de mener unepolitique active en faveur de l’environnement.Cette approche a été beaucoup critiquée, moinssur l’idée d’autorégulation que pour sa référenceéthique aux religions panthéistes. Son méritenéanmoins est d’avoir introduit l’idée que la Terreconstituait un système unique et cohérent.

La Deep Ecology : le droit des espèces nonhumainesCette approche affirme la primauté de la naturesur l’homme et débouche sur des positionsextrêmement préservationnistes. Elle a été

popularisée par Aldo Leopold aux Etats-Unis etpar certains mouvements alternatifs anglo-saxons, notamment en Allemagne. Elle récuse toute participation de l’homme(l’économie humaine) aux lois gouvernant lessystèmes naturels. De ce principe découle le res-pect des droits des espèces non humaines, quisera obtenu en stoppant toute domination de lanature par l’homme. L’exploitation de la natureest considérée comme tout aussi condamnableque l’exploitation de l’être humain.

B. Les approches à priorité économique

La qualité de l’environnement a une valeur. L’éco-nomie (étymologiquement « administration de la mai-son » en grec) s’est structurée indépendamment de l’éco-logie (« science de la maison »). Héritière d’une penséemécaniste, elle donne la priorité à la satisfaction et l’amé-lioration des activités humaines. Cet a priori l’a conduite,au XVIIIe siècle, à nier toute valeur aux ressources natu-relles, posées comme illimitées.

Pourtant, l’acte économique a nécessairement unedimension écologique puisqu’il utilise, transforme,échange et dégrade des ressources naturelles. De fait, lacroissance économique des XIXe et XXe siècles a consomméassez de ressources naturelles pour que se pose la questionde leur rareté. La qualité de l’environnement est doncdevenue assimilable à un bien rare, qui prend de la valeur.Cette nouvelle donne a confronté les sciences écono-miques à deux problèmes majeurs (cf. fiche 3.A.) :

n Il n’existe pas de marché de l’environnement ; autre-ment dit, il n’existe pas de prix de marché pour les biens etservices environnementaux. Or, selon la théorie écono-mique, c’est le prix qui, en agissant comme un signal,révèle la rareté des biens (plus le prix d’un bien est élevé,plus la situation de pénurie est aggravée).

n Les marchés de biens et services ne reflètent pas cor-rectement la rareté des ressources employées pour les pro-duire.

Gérer l’environnement par le marché. Aucours du XXe siècle, certains économistes ont doncforgé des théories visant à donner une valeur écono-mique aux biens et services environnementaux et àrétablir le fonctionnement « normal » du marché (cf.encadrés page suivante). Mais, en reprenant à leurcompte les principes qui président à la théorie écono-mique néoclassiquet, ces approches ont, de fait, exclutoute régulation en faveur de l’environnement : lanature se soumet aux lois de l’économie, dont larigueur est identique à celle de la mécanique ration-nelle. Le marché est érigé non pas seulement en régu-lateur économique, mais également en régulateurécologique. Cette approche « économicistet » a long-temps prévalu dans les instances de régulation éco-nomique nationales et internationales et influenceencore de nombreuses organisations d’inspirationtrès libérale (Organisation de coopération et de déve-loppement économiques, Fonds monétaire interna-tional, Banque mondiale...).

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Théorie de l’internalisationt d’ArthurPigou Arthur Pigou propose dans les années 20 de cor-riger les effets hors marché qu’entraînent la pro-duction et la consommation de certains biens,notamment environnementaux, par l’intermé-diaire d’instruments économiques comme les taxeset les subventions. Les taxes représentent une compensation verséepar les responsables de rejets polluants, comme leseaux industrielles usées contenant des substancesnocives pour l’environnement, dont le traitementgénère des coûts. Les subventions servent à rému-nérer les « agréments environnementaux », jus-qu’alors non payés par ceux qui en profitent. Les modèles économiques permettent par exempled’établir le montant optimal d’une taxe à appli-quer à un agent polluant l’atmosphère, la sommeprélevée par l’autorité publique étant destinée àêtre réinvestie dans des mesures de dépollution del’air.

Théorie des droits de propriété de RonaldCoase Dans les années 60, Ronald Coase critique le carac-tère optimal de la taxe définie par Pigou et suggèreune solution moins interventionniste, laissant uneplace plus grande au libre jeu de la concurrence.Partant du constat que les biens d’environnement(air, eau, etc.) sont généralement non appropriés, ilélabore sa théorie des droits de propriétés : lorsqueles droits de propriété sont bien définis, l’intérêtéconomique incite pollueurs et victimes à négocierjusqu’à ce que survienne une entente spontanéesur le niveau de pollution acceptable.L’exemple le plus simple est une pollution de l’eaupar une entreprise A au détriment d’une entrepriseB : si A détient les droits de propriété sur l’usage dela rivière, c’est B qui doit payer A pour qu’elleconsente à réduire ses effluents. B aura intérêt à lefaire tant que ce montant sera inférieur au coût dudommage qu’elle subit du fait de la pollution. Aaura intérêt à accepter le paiement de B tant quele bénéfice ainsi perçu sera supérieur aux coûts cor-respondant à la mise en place d’un procédé dedépollution. Si B détient les droits de propriété surla rivière, c’est A qui doit payer B pour pouvoir uti-liser celle-ci. Pour ce faire, A doit comparer le coûtde ce paiement induit et le coût qu’elle devrait sup-porter pour mettre en place un procédé de dépol-lution. B comparera le gain provenant du paiementde A et le coût induit par la pollution de A. Dansles deux cas, un accord sera trouvé.

3. LES NOUVELLES APPROCHES ECONOMIQUES DEL’ENVIRONNEMENT

A partir des années 70, lorsque l’environnement estdevenu un sujet de préoccupation internationale, denouvelles écoles de pensée cherchant à intégrer écono-mie et environnement ont émergé. Sont présentés ici

les approches théoriques et les programmes derecherche qui ont particulièrement nourri le débat

scientifique et politique contemporain.

A. Théorie de l’état stationnaire

La limite absolue de la croissance. Certains éco-nomistes du XVIIIe siècle évoquaient une contrainteéconomique absolue à la croissance : l’accroissement dela population conjugué à la limitation des terres dispo-nibles devait conduire inéluctablement, sous l’effet duprocessus d’accumulation du capital, à un état station-naire.

Dans les années 60, reprenant cette notion de limiteabsolue (démographique et énergétique, cette fois), ungroupe de scientifique affirmait que seul le ralentisse-ment, voire l’arrêt, de la croissance économique pour-rait permettre de maintenir durablement l’activitéhumaine. Il s’agissait moins alors de se soumettre à unefin inéluctable que de penser le ralentissement commeun objectif en soi. Ce courant acquit une audienceconsidérable, qui culmina en 1970 au moment de lapublication du rapport du Club de Rome intitulé Halteà la croissance.

Interventionnisme. Pour stopper la croissance,certaines mesures très interventionnistes sont propo-sées, qui s’opposent aux théories ultralibérales domi-nantes. L’objectif est de créer des institutions puis-santes de surveillance de l’état de l’environnement qui,en cas de menace, appliqueraient le principe de pré-cautiont, en vertu duquel une activité économique doitêtre stoppée en cas d’incertitudet et de risque environ-nemental. Le capital naturel pourrait ainsi être pré-servé d’une génération à une autre.

Alors que certains partisans de cette approchedéfendent l’idée d’un état stationnaire, d’autresoptent davantage pour une décroissance des écono-mies des pays riches. Les premiers sont particulièrementsujets à la critique, leur approche négligeant totale-ment les besoins actuels de l’humanité et imposant deschoix peu démocratiques. Le choix de l’état station-naire serait en effet particulièrement injuste pour lespays en voie de développement, obligés eux aussi destopper leur croissance alors que leur responsabilitédans la crise environnementale est marginale.

B. Théorie de la valeur économique totalet

Les limites de l’utilitarismet. Traditionnellement,les méthodes destinées à donner une valeur à l’envi-ronnement consistent à en estimer les dommages par lebiais d’une méthode d’évaluation monétaire des effetsphysiques. Cette méthode consiste à observer les modi-fications physiques de l’état des milieux naturels puis àrépercuter la perte qu’elles entraînent en termes deproduction de biens et services : par exemple, les éco-nomistes calculent le coût de la baisse de rendementdes cultures liée à une baisse des éléments nutritifsdans les sols due à l’érosion. Cette approche apparaîtcependant extrêmement réductrice car très utilitariste.

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Ainsi, la coupe de massifs forestiers pour le commercedu bois entraîne non seulement un coût direct lié à laperte des produits forestiers non ligneux, mais égale-ment une perte d’agrément pour les promeneurs, quipeut représenter une valeur dans certaines régions,ainsi qu’un coût écologique lié à la perte de biodiversi-tét, aux modifications climatiques et à l’érosion des sols,etc.

Les recherches sur la valeur économique totale.C’est à partir de ce constat que certains économistes ontcherché à conceptualiser les différentes composantes dela valeur des biens environnementaux. Ainsi, pour la pre-mière fois, une théorie de la valeur économique totalepermet d’envisager un calcul plus exhaustif et plusproche des différentes représentations de l’environne-ment par les sociétés humaines, en ne tenant pas uni-quement compte de l’utilisation directement observablede la nature.

Néanmoins, cette approche est critiquée pour lesméthodes de calcul qu’elle préconise. Dans la plupartdes cas, on a recours à la méthode des valeurs révéléespar consentement à payer ou à recevoir, qui consiste àdemander aux individus ce qu’ils seraient prêts à payerpour préserver un bien environnemental ou ce qu’ilsseraient prêts à recevoir pour subir un dommage. Selonses détracteurs, cette méthode ne donne qu’uneapproximation de la valeur intrinsèque de la nature etne permet pas de prendre en compte les cycles biolo-giques dépassant les cycles économiques. La valeur éco-nomique totale représente néanmoins une avancée parrapport aux méthodes économiques traditionnelles ettrouve par conséquent des champs de recherche et d’ap-plication toujours plus vastes depuis quelques années.

L’évaluation de la valeur économiquetotale Parmi les avantages fournis par la nature, on peutdistinguer ceux qui sont destinés à des utilisationsidentifiées (valeur d’usage) de ceux dont l’utilisationn’est pas identifiée (valeur de non-usage). La valeurd’usage actuelle regroupe la valeur des biens ou ser-vices marchands directement fournis par la nature(produits forestiers, espèces animales et végétales,qualité de l’eau, etc.) et les valeurs des services indi-rects, comme l’activité touristique liée à l’esthétiqued’un site naturel. La valeur d’option tient compte del’incertitude et de l’irréversibilité de certainesoptions de développement : de nouveaux besoinspourront s’exprimer à l’avenir, dont la satisfactiondépend de la préservation actuelle de l’environne-ment. La valeur de non-usage regroupe la valeur

Commentdéterminerla valeur del’air pur ?

Valeurd’usage actuel

Valeurd’usage différé(valeur

d’option)

Valeurde legs

Valeurd’existence

Valeur denon-usage

Valeur économique totale

F. L

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Valeurd’usage

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d’existence, qui exprime le désir d’un grouped’individus non directement concernés derésoudre un problème environnemental (exem-ple : souci de populations des zones tempérées deconserver certaines espèces tropicales), et la valeurde legs, qui exprime la satisfaction que peuvent res-sentir certaines personnes à transmettre un capitalnaturel aux générations futures.

C. L’économie écologique

Trois principes. De la critique de l’approche « toutmarché » et des avancées théoriques récentes est issuun courant original, qui se conçoit à l’heure actuelledavantage comme un programme de travail quecomme un corpus théorique formalisé. Il appelle à unrapprochement entre sciences du vivant et sciencessociales, et par conséquent, forme un nouveau champd’étude interdisciplinaire des interrelations entre sys-tèmes socio-économiques et écosystèmes.

Selon ce courant, l’économie et la croissance ne doi-vent pas être considérées comme linéaires mais sou-mises à des contraintes qui s’appuient sur trois prin-cipes fondamentaux :

1 Les capacités d’assimilation de la nature sont limi-tées et le système économique doit en tenir comptedans ses processus de transformation.

2 Il faut tenir compte des possibilités de substi-tution entre les ressources épuisables et les res-

sources renouvelables.3 Il faut respecter les conditions de renouvellement

des ressources naturelles renouvelables.En s’inspirant largement des théories évolution-

nistes et du concept de coévolutiont, qui mettent l’ac-cent sur le très long terme, ce courant de pensée sedonne pour objectif l’étude de la définition et de lamise en œuvre d’un développement durable.

La coévolution Dérivé de la biologie, ce concept énonce queles processus d’évolution sont fondés sur l’in-teraction étroite et réciproque de plusieursespèces. Au milieu des années 80, Richard Nor-gaard l’a étendu à deux systèmes évolutifs, lesystème socio-économique et le système écolo-gique, qui évoluent par pressions mutuelles.Ainsi, dès les origines, par la chasse puis parl’agriculture, les hommes ont pesé sur lanature qui, en retour, a sélectionné certainesqualités humaines pour les transmettre auxgénérations futures. Les hommes ne sont doncpas uniquement utilisateurs de ressourcesnaturelles, mais également constructeurs et

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25 ans de prise de conscience écologique : quelques grandes étapes

MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - FICHE 2.A. - PAGE - 1

Fiche 2.A.

Le concept de développement durableUne prise de conscience douloureuse s’est opérée à partir des années 60-70 : gravité desproblèmes globaux d’environnement, limites écologiques du mode de développementindustriel, renforcement des inégalités entre riches et pauvres, devoir de préserver lanature pour les générations futures. L’émergence d’une demande sociale en faveur del’environnement a conduit à la définition du concept de développement durable.

1. L’ORIGINE DU CONCEPT

A. De la conservation à l’écodéveloppementt

Une question ancienne. Parallèlement à l’émer-gence de la demande sociale en faveur de l’environne-ment, la communauté scientifique s’est intéressée aux rap-ports entre les activités humaines et le milieu naturel.Cette question, déjà présente dans la philosophie grecque

et romaine, n’a certes rien de nouveau ; mais c’est dans ladeuxième partie du XXe siècle qu’elle a reçu un début deréponse systématique.

La transmission du capital naturel aux générationsfutures est une question qui est apparue avec force dès ledébut du siècle. Dès 1915, la Commission canadienne de laconservation y faisait référence. Jusqu'à une date récente,le terme environnement faisait donc presque exclusive-ment référence à la conservation de la nature.

Catastrophes, signaux d’alarme

70 % des villes côtières méditerranéennes ne sont pas équipées de traitement des eaux usées.

Destruction des puits de pétrole koweïtiens.

Naufrage de l’Exxon Valdez au Canada

Dangers de contamination par les déchets toxiques du Karin B.

Rapport Brundtland.

Explosion du réacteur de Tchernobyl.

Des chercheurs britanniques montrent une baisse de 40 % de l’ozonestratosphérique depuis 1958, suite à la découverte du trou dans la

couche d’ozone par le prix Nobel, Paul Cruzen.

Catastrophe de Bhopal : fuite de méthyle.

Adoption de la Charte mondiale de la Nature.

Fuite de la plate-forme pétrolière Ixtoc dans le Golfe du Mexique.

Publication par l’UICN de la Stratégie mondiale de la conservationRapport Brandt :

Des questions globales exigent des réponses globales.

Naufrage de l’Amoco-Cadiz en Bretagne (France).

Catastrophe de Seveso (Italie) : fuite de Dioxine.

Onze biologistes américains appellent à l’arrêt des manipulations géné-tiques. Deux chercheurs américains accusent les chlorofluorocarbones

(CFC) de nuire à la couche d’ozone.

Rapport Meadows du Club de Rome : The Limits to Growth.

Sommets et organismes

Sommet international de Kyoto sur le Climat.Conférence : Rio, 5 ans après.Convention internationale de lutte contre la désertificationConférence de Rio sur l’environnement et le développement (Cnued) :Déclaration de Rio, Agenda 21, Convention sur la biodiversité, Conven-tion cadre sur les changements climatiques, Commission du développe-ment durable.

Convention de Bamako sur l’interdiction de l’importation en Afrique desubstances dangereuses.

Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers dedéchets dangereux et leur dépôt.

Création du Groupe intergouvernemental d’étude sur les climats (Giec).

Convention de Genève pour la protection de la couche d’ozone.

Convention des Nations unies sur le droit de la mer.

Conférence des Nations unies sur les ressources énergétiques nouvelles etrenouvelables (Nairobi).

Conférence Habitat I (Vancouver).Convention sur le commerce international des espèces de faune et deflore sauvages menacées d’extinction.

Création du Programme des Nations unies pour l’environnement.Conférence de Stockholm sur l’environnement humain.

, 1997 .

, 1994 ., 1992 .

, 1991 .

, 1989 .

, 1988 .

, 1987 .

, 1986 .

, 1985 .

, 1984 .

, 1982 .

, 1981 .

, 1980 .

, 1978 .

, 1976 .

, 1973 .

, 1972 .tLire lafiche

lexique.

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Vers la « durabilitét». Créée en 1948, l’Unioninternationale pour la conservation de la nature(UICN) publie en 1951 L’état de la protection de lanature dans le monde en 1950, rapport considéré parbeaucoup comme précurseur des approches actuelles entermes de réconciliation entre économie et écologie. Plustard, en 1980, l’UICN publie la Stratégie mondiale de laconservation, document centré sur la conservation de lanature mais privilégiant un nouveau message, qui marquel’inflexion des pôles conservationnistes : la préservation dela nature et le développement économique ne sont pasantinomiques.

C’est sur cette analyse des liens étroits qui unissent éco-nomie et environnement que le concept de développe-ment durable s’est fondé. Ainsi, en 1970, le premier rap-port du Club de Rome, Halte à la croissance, avançait l’hy-pothèse de limites écologiques à la croissance écono-mique, entraînant d’âpres débats entre militantsenvironnementalistes partisans de la croissance zéro etpromoteurs de la croissance à tout prix.

Ecodéveloppement. Une première tentative de syn-thèse entre ces deux tendances est recherchée en 1972 àStockholm, lors de la Conférence des Nations unies sur l’en-vironnement humain. On a vu émerger à cette occasion leconcept d’écodéveloppement, formulé entre autres parIgnacy Sachs et Maurice Strong. Ceux-ci mettent en avantun modèle de développement respectueux de l’environne-ment et de la gestion efficace des ressources naturelles, quirendrait le développement économique compatible avecl’équité sociale et la prudence écologique. Ils s’appuient surune approche très volontariste et institutionnelle. Desinterventions dans quatre domaines permettraient d’at-teindre les trois objectifs de développement économique,d’équité sociale et de prudence écologique :

1 Maîtrise de l’utilisation des ressources.2 Emploi de techniques « propres » maîtrisant la pro-

duction de déchets et l’utilisation de polluants.3 Localisation réfléchie des activités économiques.4 Adaptation des modes de consommation aux

contraintes écologiques et sociales, c’est-à-dire choix deprivilégier les besoins plutôt que la demande.

Résistance des ultralibéraux. La conférence deStockholm aboutit à la création du Programme desNations unies pour l’environnement (Pnue), complémentdu Programme des Nations unies pour le développement(Pnud). Malgré les efforts d’Ignacy Sachs et de MauriceStrong, le concept d’écodéveloppement peine à s’imposer.Précurseur du développement durable, il est peut êtreapparu trop tôt, à un moment où l’accent sur les préoccu-pations écologiques et sociales affrontait directement lesapproches ultralibérales. Sa référence explicite à la notionde besoin, différente de la notion de demande chère àl’économie, bousculait fortement la logique du tout mar-ché alors en place.

B. Un concept ambigu, consensuel et universel

1987 : l’année de la durabilité. Le concept d’écodé-veloppement rencontre donc une forte résistance, en par-

ticulier de la part des libéraux, notamment dans lemonde anglophone. Bien qu’il soit quasiment simi-

laire, c’est le concept de durabilité (traduction du motanglais sustainability), apparu plus tardivement, qui s’im-pose progressivement à travers une succession de publica-tions marquantes : le manifeste du parti écologique deGrande-Bretagne, Building a Sustainable Society, de LesterBrown, puis finalement le rapport Notre avenir à tous,plus connu sous l’appellation de rapport Brundtland, dunom du Premier ministre norvégien coordonateur du pro-jet. Résultat de trois années de travail de la Commissionmondiale pour l’environnement et le développement(Cmed), composée de plus de vingt personnalités poli-tiques de premier plan et experts en environnement etdéveloppement du monde entier nommés par leurs gou-vernements, ce rapport est publié en plus de vingt langueset consacre universellement le concept de développementdurable.

Une notion floue… L’intérêt de ce concept ne résidepas dans son aspect novateur, ni même dans sa clarté, puis-qu’on peut en trouver quantité de définitions. A lui seul,le rapport Brundtland en contient six. La plus courante tra-duit un profond souci de consensus : le développementdurable est « un développement qui répond aux besoinsdes générations présentes sans compromettre la capacitédes générations futures de répondre aux leurs. »

Le développement durable apparaît finalementcomme un concept assez vague et englobant qui se limiteà l’énoncé de grands principes. En partie conception idéo-logique, en partie concept scientifique applicable, mais demanière peu rigoureuse et peu cernée, il se veut volontai-rement consensuel. L’objectif est de recevoir l’assentimentd’une grande variété d’acteurs aux intérêts divergents.Paradoxalement, cette faiblesse conceptuelle va expliquerson succès : ses présupposés théoriques restant flous, leconcept de développement durable s’assimile à une rhé-torique qui se prête à diverses interprétations et conservedonc un caractère explicatif adaptable aux situations lesplus diverses.

… qui s’avère un succès. Au fond, la notion est sur-tout remarquable par l’engouement qu’elle a suscité,signe d’une prise de conscience des limites du mode dedéveloppement actuel. Progressivement, le développe-ment durable devient au cours des années 90 un principefondamental dans la définition de la plupart des poli-tiques publiques, tant au niveau national qu’international.En 1992, à Rio de Janeiro, la deuxième conférence desNations unies sur l’environnement et le développement(Cnued), également appelée Sommet de la Terre, s’achevapar la création d’une Commission du développementdurable (CDD). Les grandes organisations économiquesinternationales se réfèrent à ce concept, telle l’Organisa-tion mondiale du commerce (OMC), dont le préambule dutexte fondateur cite le développement durable commeobjectif à atteindre.

Petite histoire d’un conceptn 1915 Commission canadienne de la conserva-tion. Chaque génération doit profiter des intérêts

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du capital naturel. Ce capital doit être transmisintact d’une génération à l’autre.

n 1923 Congrès international pour la protec-tion de la nature (Paris). Protection de la nature etutilisation rationnelle de ses ressources.

n 1948 Conférence de l’Unesco (Fontaine-bleau). Création de l’Union internationale pour laconservation de la nature (UICN).

n 1970 Rapport du Club de Rome. Concept decroissance zéro.

n 1973 Centre international de recherche surl’environnement et le développement. Fondé parIgnacy Sachs. Publie en 1980 une synthèse intituléeStratégie de l’écodéveloppement.

n 1976 Manifeste du Parti écologique deGrande-Bretagne. Mentionne pour la première foisexplicitement le concept de durabilité.

n 1981 Lester Brown, fondateur du World-watch Institute, publie Building a SustainableSociety.

n 1983 Création de la Commission mondialepour l’environnement et le développement(Cmed). Présidée par Mme Brundtland, ancienneministre de l’Environnement de Norvège. LaCmed rend son rapport final Our CommonFuture en 1987.

2. LES ENSEIGNEMENTS DU RAPPORT BRUNDTLAND

Pour une croissance qualitative. Le rap-port Brundtland préconise une nouvelleapproche du développement : les problèmesde la pauvreté et du sous-développementne pourront être surmontés sans uneconception nouvelle de la croissance,accordant aux pays en développement(PED) un rôle et des bénéfices plusimportants ; l’équilibre entre crois-sance économique et écosystèmedoit être maintenu, de façon à ceque les ressources naturellespuissent soutenir la croissanceà long terme. Le rapportinsiste donc sur la nécessitéde relancer la croissanceéconomique, en particu-lier dans les PED, ainsique sur ses aspectsqualitatifs. Crois-sance plus éco-nome en consom-mation énergé-tique, répartition

plus équitable de ses bénéfices, satisfaction desbesoins essentiels des PED (besoins énergétiques de

base, logement, approvisionnement en eau, hygiène etsanté), telles sont les stratégies mises en avant.

Défis technologiques. Plusieurs axes stratégiques sec-toriels sont préconisés. Ils concernent l’économie interna-tionale, la population et les ressources humaines, la pro-duction et la sécurité alimentaires, les choix énergétiques,les nouveaux défis industriels, etc. La Cmed recommandepar exemple de stabiliser la croissance démographique,notamment dans les villes du tiers monde où les problèmesd’accès à l’eau potable et de logement sont aigus. Lesbesoins humains devront s’adapter aux limites naturelles.Ainsi, pour répondre à la demande mondiale de moyensde transport sans aggraver l’effet de serret, il faudra déve-lopper des procédés de propulsion qui ne contribuent pasaux changements climatiques. Pour parvenir à préserver lepatrimoine naturel, il faudra privilégier de nouveauxmodes de production agricole et industrielle et de nou-velles formes de production et de consommation d’éner-gie. Les choix technologiques et le contrôle des facteurs derisque représentent une autre ligne de force du projet dedéveloppement durable.

Le besoin de gouvernancet mondiale. Le rapportBrundtland indique les pistes permettant de définir des cri-tères de qualité de la croissance et insiste sur l’idée que lesbiens environnementaux sont nécessaires à la viabilité de lacroissance. Mais quelles sont à l’intérieur de chaque Etat la

capacité et les limites du marché, comme celles desinstitutions et des politiques publiques, à

répondre à ces critères et à garantir la préserva-tion des biens environnementaux ? L’intégration

croissante des économies affaiblit de plus en plus laportée des décisions ou des politiques strictement

nationales. La résolution d’une série de pro-blèmes est renvoyée à l’échelle internationale

et nécessite une coordination ou une harmo-nisation des politiques publiques ou des

comportements d’acteurs privés. Cettecoordination passe par des règles et des

institutions à renforcer ou à construire.En cela, le débat sur le développementdurable révèle le manque de gouver-

nance du processus de mondialisa-tion. C’est là l’un des enseigne-

ments fondamentaux du rapportBrundtland, qui s’ouvre par cesmots : « La Terre est une, le

monde, lui, ne l'est pas. »

3. LE DEVELOPPE-MENT DURABLE :TROIS DIMENSIONS…

Le concept dedéveloppementdurable bous-cule les fron-

MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - FICHE 2.A. - PAGE - 3

Sociétal

ETHNICITÉ

Homme et femme

EQUITE

Inter- générationnelle

jeunes/vieux

Classe

Internationale Nord/Sud

DIMENSION SOCIO-

POLITIQUE

DEMOCRATIE ET DROITS HUMAINS

DESARMEMENT ET PAIX

DEVELOPPEMENT DURABLE

DIMENSION ECONOMIQUE ET

DEVELOPPEMENTALE

DIMENSION ECOLOGIQUE ET

ENVIRONNEMENTALE

Les trois dimensions du développement durable

Vaillancourt

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tières universitaires classiques. Il plaide pour lamultidisciplinarité, pour le rapprochement entrelogiques scientifiques jusqu’alors distinctes, pourl’harmonisation des disciplines écologique et écono-mique. Il offre à ces deux champs de recherche des pos-sibilités de réconciliation. Les trois dimensions du déve-loppement durable expriment bien sa nature interdisci-plinaire.

Une dimension écologique. En insistant sur lanotion de besoins humains, le développement durablepose la question de l’échelle industrielle, c’est-à-diredes besoins que le système économique est chargé desatisfaire. Mais la nature pose des limites à l’industriali-sation, qu’il convient de repérer et respecter. Le but estde gérer et optimiser l’utilisation du capital naturel plu-tôt que de le dilapider.

Une dimension économique. La dimension éco-nomique du développement durable désigne les inci-dences actuelles et futures de l’économie sur l’environ-nement. Elle pose la question du choix, du financementet de l’amélioration des techniques industrielles entermes d’utilisation des ressources naturelles.

Le développement durable concilie ces deux dimen-sions en prenant en considération non seulement laconservation de la nature mais également l’ensembledes relations entre la nature et les actions humaines.Fondée sur la synergie entre homme et environnement,le développement durable favorise les technologies, lessavoirs et les valeurs qui privilégient la longévité. Ildéfend un processus de développement économiquequi tienne compte à long termedes équilibres écologiques fonda-mentaux, supports de la viehumaine, naturelle et végétale.

Une dimension sociale etpolitique. Le développementdurable se caractérise surtout parcette troisième dimension. C’est làsa dimension proprement hu-maine : elle fait du développe-ment un instrument de cohésionsociale et un processus de choixpolitique. Ce choix doit avant toutêtre celui de l’équité, tant entregénérationst qu’entre Etats. Ani-mées par un souci d’équité, lesgénérations actuelles préserve-ront les options de développe-ment des générations à venir etdes différents Etats, du Nord auSud. La réconciliation entre envi-ronnement et économie passe parce double impératif d’équité.

Un projet démocratique.Base de dialogue entre le Nord etle Sud, de réconciliation des diffé-rents modèles de développement,

le développement durable est ainsi un projet depaix. Ses principes reprennent en effet largement

ceux de la démocratie, qui appelle la participationde la population à toutes les étapes des choix poli-tiques et à tous les échelons territoriaux. Les arbitragesdoivent avoir lieu autant que possible au niveau terri-torial le plus petit possible. Le développement durablese posant à chacun en des termes différents et complé-mentaires, ce mode de gouvernance devrait permettrede promouvoir la durabilité sociale des projets. Il s’agitd’une part de préserver les valeurs sociales, les tradi-tions, les institutions, les cultures ou toute autre carac-téristique sociale, d’autre part d’intégrer les groupesmarginaux dans l’espace politique. En définitive, ledéveloppement socio-politique durable élargit et ren-force les responsabilités de chaque acteur et de chaquecollectivité dans le processus de production et de répar-tition des richesses.

En pratique, le succès du concept dépendra engrande partie du respect des droits de l’homme telsqu’ils sont définis dans la Déclaration universelle del’Organisation des Nations unies de 1948 : droit à unenvironnement sain, droit à une alimentation saine etsuffisante, droit à l’éducation, respect des cultureslocales, etc. Tous ces éléments et bien d’autres trouventleur place dans le creuset du développement durable.

4. … ET DEUX VISAGES

En 1997, Olivier Godard emprunte au dessinateurBoring sa représentation de La femme jeune vieillecomme métaphore du développement durable. Sous

La femmejeune vieille.

Dessin deBoring

MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - FICHE 2.A. - PAGE - 4

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les même traits, on dis-tingue deux visages biendifférents : l’un est le por-trait d’une jeune femmecharmante vue de trois-quartsdos, l’autre le profil d’une femme âgée peuséduisante. Le développement durable présente lamême ambivalence : sa première représentation, appe-lée durabilité faible, privilégie plutôt le soutien de lacroissance, alors que la seconde, appelée durabilitéforte, donne la priorité à la préservation de l’environ-nement.

A. La durabilité faible

Préserver la capacité de produire. La durabilitéfaible s’inscrit dans le prolongement de la théorie éco-nomique de la croissance. Il faut, comme l’écrivaitRobert Solow en 1993, « non pas conserver telle outelle ressource, encore moins conserver tous les élé-ments naturels dans un état inaltéré, mais préserver defaçon indéfinie la capacité des sociétés humaines à pro-duire. » L’objectif est de ne pas « manger » son capital,étant entendu que le capital de la société ne se limitepas aux équipements productifs (usines, machines) maiscomprend également tous les actifs qui contribuent àengendrer du bien-être : savoir et compétences (capitalhumain) mais aussi actifs naturels.

L’application de la théorie néoclassiquet ducapital La durabilité faible repose sur une règle derépartition des capitaux entre les générations :la durabilité est assurée si le stock de capital K,composé du capital manufacturé Km, du capitalhumain Kh et du capital naturel Kn, estconstant ou s’accroît de façon à assurer le main-tien ou la croissance du potentiel de bien-êtreau cours du temps. Cette relation peut s’expri-mer ainsi : dK / dt = d(Km + Kh + Kn) > 0. Une ou deux composantes de capital (Km, Kh

ou Kn) peuvent diminuer àcondition que cette baisse

soit compensée par une aug-mentation d’une ou deux autres

composantes de K, de manière àrespecter la condition fondamentale

de croissance de K. Par conséquent lestrois composantes de K sont parfaitement sub-stituables.

La nature n’est pas toujours irremplaçable.Cette conception repose sur l’idée que si certainsactifs naturels sont irremplaçables (sites exception-nels), la plupart n'ont de valeur que par les servicesqu'ils rendent, contributions pour lesquelles ils nesont pas irremplaçables. La non-durabilité ne résidedonc pas dans le fait de consommer des ressourcesnaturelles, comme l'énergie fossile, mais dans le faitque la rente retirée à cette occasion n’est pas réinves-tie. En revanche, si l’on s’efforce de maintenir leniveau du stock de capital total, alors on transmet auxgénérations futures la même capacité à produire desbiens et services, donc du bien-être.

Critiques. La durabilité faible laisse en suspens denombreuses questions :

n Le prix du capital, plus précisément les prix des diffé-rents capitaux : dans quelle mesure reflètent-ils la valeurdes capitaux et dans quelle mesure sont-ils comparables ?

n La confiance totale dans le progrès technique.Permet-il à lui seul de trouver des solutions de substi-tution au capital naturel perdu ?

n La substitution de biens et services naturels pardes biens et services matériels, lorsqu’elle est techni-quement faisable, est-elle toujours envisageable d’unpoint de vue éthique ?

B. La durabilité forte

Trois contraintes… La notion de durabilité fortese fonde sur la même volonté de préservation des

MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - FICHE 2.A. - PAGE - 5

Catalogue desobjets

introuvables : « Notre époque fait

un spectaculaireretour à la nature !Dans cette perspec-

tive, nous proposonsà notre clientèle unegamme variée d’ar-

ticles écologiques,économiques et non

polluants. »

« Machine à ratonlaveur. Mélangez

astucieusementquelque nourriture àvotre linge sale, et leraton laveur habituéà laver ses alimentsnettoiera du même

coup vos effets sanss’en apercevoir ! »

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options de développement pour le futur que ladurabilité faible. Elle impose néanmoins troiscontraintes supplémentaires.

1 L’identification d’un capital naturel critique quine saurait être entamé ni remplacé par du capital pro-ductif ou des produits industriels. Ce capital représenteles conditions naturelles d’existence d’une économiehumaine qu’il convient de préserver.

2 Une exigence de non-décroissance du capital cul-turel qui recouvre trois principes : les ressources natu-relles constituent un capital irremplaçable pour lesgénérations futures ; leur protection relève du principede précautiont (préserver les conditions minimales defonctionnement de la biosphère) ; les êtres naturels etla biosphère ont une valeur propre.

3 L’imposition de flux maximaux de matière etd’énergie utilisables par l’activité économique auniveau planétaire. Ce principe correspond à une limiteabsolue de la taille physique de l’économie humainesur la terre. Il implique une transition vers une écono-mie stationnaire dans son développement physique(matière et énergies mobilisées) et redistributive en

matière de développement entre le Nord et le Sud. La durabilité forte reconnaît l'irréversibilité de

certains dommages environnementaux. Quelle quesoit l’incertitude qui pèse sur les dommages ultimes, ils’agit de prendre en compte à la fois ceux qui résultentde la disparition d'espèces (perte de biodiversitét) et lescontraintes d'échelle pour maintenir les grands équi-libres planétaires (effet de serre). A ceci s'ajoutent lesvaleurs éthiques, l’idée d’une responsabilité envers lesgénérations futures.

… plus ou moins respectées. L’application dechacun de ces principes connaît une fortune diverse. Leprincipe de compenser toute utilisation de ressourcesnaturelles a trouvé des traductions concrètes, commel'obligation pour un forestier de replanter autantd'hectares qu'il en déboise. Le respect d’un seuil limited’exploitation d’une ressource passe par des mesuresplus complexes politiquement et pratiquement. Ainsil’idée que limiter la croissance démographique des paysen développement doit être la priorité de l’agenda dudéveloppement durable est loin de faire l’unanimité.

MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - FICHE 2.A. - PAGE - 6

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MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - FICHE 2.B. - PAGE 1

Fiche 2.B.

Les indicateurs du développement durable

La réflexion sur la durabilitét a fait profondément évoluer les outils de mesure dudéveloppement, lontemps limités à l’observation des taux de croissance économique.La comptabilité publique « verte » élaborée à partir des années 70 a été complétée audébut des années 90 par l’élaboration d’indicateurs du développement durable, dontl’ambition est de rendre compte des dimensions environnementale, mais aussihumaine, sociale et politique du développement.

1. LES LIMITES DES INDICATEURS DE REVENU

La mesure quantitative. Pour établir des compa-raisons internationales, on est souvent tenté deréduire la mesure du développement à celle de lacroissance économique. Celle-ci ne rend compte quede l’évolution d’indicateurs quantitatifs de la richesseéconomique d’une nation, le produit intérieur brut(PIB) et le produit national brut (PNB). Or, si l’évolu-tion de ces agrégats constitue un bon indice du déve-loppement des activités économiques d’un pays, ellene dit rien de la composition et de la distribution durevenu entre les différents groupes sociaux. La crois-sance économique ne donne pas non plus d’indicationquant à la richesse humaine d’un pays, c’est-à-dire laqualité de l’alimentation, des services de santé, du sys-tème scolaire et universitaire, des conditions de sécu-rité, etc. Muets sur les aspects culturels et sociaux, lesindicateurs économiques traditionnels ne prennentpas davantage en compte l’état de l’environnement.Pourtant, un revenu national en forte croissance peutmasquer une consommation effrénée des ressourcesnaturelles et une exploitation humaine insupportable(travail des enfants, par exemple). Les bons résultatsdu taux de croissance occultent alors le danger d’épui-sement des ressources naturelles à court ou moyenterme et le risque que la faiblesse des investissementsen « capital humain » menace l’activité économique.

Mesurer l’immatériel. Le développement dura-ble est un processus complexe qui traduit autant l’ap-titude d’une population à accroître durablement sarichesse que ses modes de pensée et son organisationsociale. Il présente donc à la fois une dimension quan-titative, une dimension qualitative et certainementaussi une dimension immatérielle. En définitive, sicroissance et développement sont liés, le processus dedéveloppement dépasse ce que peut mesurer la crois-sance.

Forts de ce constat, de nombreux programmmesnationaux et internationaux comme ceux animés parla Commission du développement durable (CDD) des

Nations unies ont cherché à élaborer des indicateursintégrant les différentes composantes du développe-ment durable. Mais à l’heure actuelle, il n’existe pasde système harmonisé permettant de comparer àl’échelle internationale une ou plusieurs variablesreprésentatives du développement durable. On peutd’ailleurs douter de l’intérêt de tels indicateurs. OliverGodard met ainsi en garde contre le désir de rémédierà tout prix à coups d’indicateurs à l’inconfort de ladéfinition imprécise et peu rigoureuse du développe-ment durable. Selon lui, le développement durable est« une affaire d’interprétation, de délibération et dejugement par les acteurs sociaux et pas d’impositiontechnocratique de normes et indicateurs supposésrefléter les savoirs d’une science positive. »

Comptabilité verte ou nouveaux outils. Au-delà de ces réserves, la recherche d’indicateurs fiableset harmonisés du développement durable a révélédeux grandes tendances. D’un côté, certains gouver-nements et certaines organisations internationalesont voulu améliorer les systèmes de comptabiliténationale en place de diverses manières, instituantainsi la discipline particulière qu’est la comptabilitéenvironnementale ou verte. Ils se sont dotés d’instru-ments d’évaluation de l’état de l’environnement, soiten améliorant les indicateurs existants, soit en élabo-rant des indicateurs sectoriels. De l’autre côté, l’objec-tif est de mettre aux points des indicateurs adaptés àchaque dimension du développement durable.Nombre d’organisations internationales, de gouver-nements, d’organisations non gouvernementales(ONG) et d’instituts de recherche manifestent une pré-férence pour cette seconde approche.

2. LA COMPTABILITE ENVIRONNEMENTALE

Le système de comptabilité nationale. Lacomptabilité nationale cherche à mettre en perspec-tive des variables représentatives de l’état et de l’évo-lution de l’économie nationale pour donner aux déci-deurs une base de travail. Le système de comptabilité

tLire lafiche

lexique.

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nationale (SCN) est l’ensemble des comptes que lesEtats effectuent périodiquement pour suivre l’évo-lution de leur économie. Ces comptes sont établis partous les Etats sur la même base méthodologique, éta-blie par la Division statistique des Nations unies (Uns-tat), rendant ainsi possible des comparaisons interna-tionales.

La valeur économique des ressources naturelles etleur rôle dans l’activité productive ne sont pas intégrésdans le SCN, en particulier :

n Les dépenses de protection ou de restauration del’environnement (dépenses défensives), comme le coûtdes installations antipollution, sont comptabiliséescomme une production, d’où une situation para-doxale : plus les dégradations sont élevées, plus lesdépenses sont lourdes et plus les comptes publiquesfont apparaître de la création de richesse…

n Les biens et services non marchands ou non com-mercialisés comme le bois de feu ou la protection desbassins versants par les forêts ne sont pas pris encompte.

n Le capital naturel, comme les ressources forestièreset halieutiques, est comptabilisé comme un revenu lors-qu’il est consommé, alors qu’il s’agit de la perte d’un actifproductif.

Influence du concept de durabilité. L’émergencedu concept de développement durable a conduit les gou-vernements à vouloir intégrer la dimension macro-éco-nomique de l’environnement dans le champ de la déci-sion politique, notamment par l’intermédiaire d’unecomptabilité environnementale spécifique, égalementappelée comptabilité verte. Celle-ci peut être définie, entermes généraux, comme la description systématique ausein d’un cadre comptable des interactions entre l’envi-ronnement et l’économie. Bien qu’il n’existe pas demodèle unique de comptabilité environnementale, troisprincipales approches peuvent être distinguées : l’ajuste-ment du SCN pour incorporer les effets environnemen-taux, le développement de comptes satellites hors SCN etles comptes de ressources et du patrimoine naturel.

A. L’ajustement du système de comptabilité nationale

Principe du PIB vert. Cette approche strictementmacro-économique de la comptabilité environnementalea pour objectif d’aménager le SCN en y intégrant plu-sieurs données : le coût des dommages écologiques et dela diminution des stocks de ressources naturelles, lesdépenses de gestion de l’environnement, la valeur desservices environnementaux. Ainsi, en traitant les res-sources naturelles, leur consommation, leur dégradationet leur reconstitution comme autant de consommationsintermédiaires, on peut diminuer le montant de la valeurajoutée par production et, in fine, calculer un PIB corrigédes atteintes à l’environnement, appelé PIB vert.

Première application à l’Indonésie. Cetteméthode a été appliquée pour la première fois à la findes années 80 par le World Resources Institute, qui a éva-lué la disparition des forêts indonésiennes pour l’intégrer

dans un produit intérieur net. Largement médiati-sée, cette démonstration a davantage eu le mérite

d’attirer l’attention des écologistes et des économistessur les défaillances du SCN que celui de développer unindicateur macro-économique représentatif de la durabi-lité de l’économie indonésienne. Le Costa Rica a adoptéplus récemment une démarche similaire, qui a soulevé denombreux débats. Finalement, un consensus a été trouvépour que l’effort de comptabilité environnementaleporte davantage sur l’établissement de comptes permet-tant d’appuyer les prises de décisions sectorielles plutôtque sur le calcul d’un PIB vert.

Critiques. L’ajustement du SCN et le calcul d’un PIBvert présentent certaines lacunes dues avant tout auxcaractéristiques intrinsèques de l’environnement, bienessentiellement non marchand. Les problèmes métho-dologiques pratiques permettant d’intégrer l’environ-nement dans le SCN n’ont, à ce jour, pas été résolus :

n L’introduction de nouveaux agrégats : quels actifsnaturels et quelles dégradations environnementalesintégrer ?

n Le traitement économique et comptable des don-nées environnementales : les dépenses défensives deprotection de l’environnement doivent-elles être trai-tées comme des consommations finales génératrices devaleur ajoutée ou comme des consommations intermé-diaires non créatrices de richesse ?

n L’évaluation physique et monétaire des actifsenvironnementaux : de quelle manière établir le coûtde la disparition d’une espèce vivante encore nonrépertoriée à ce jour ?

En conséquence, la plupart des gouvernements éla-borant une comptabilité environnementale estimentdangereux de rompre la cohérence d’un SCN bien éta-bli sans garantie de résultats fiables et significatifs. Sibien qu’en l’état actuel des connaissances, le PIB vertsemble... incalculable.

B. Les comptes satellites

Compléter le SCN. L’approche en termes decomptes satellites complète l’information écono-

MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - FICHE 2.B. - PAGE 2

Produit intérieur brut et produit intérieur net en Indonésie (1971-1984)

Sour

ce :

Wor

ld R

esou

rces

Inst

itute

Milliards de roupies (valeur 1973)

PIB

PIN

14000

11000

8000

50001971 1973 1975 1977 1979 1981 1983

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mique contenue dans le SCN sans le modifier. Elleest utilisée dans plusieurs pays pour fournir desinformations comptables détaillées sur une activitéparticulière, comme la recherche, l’éducation, lestransports, la protection sociale ou l’environnement.Dans ce dernier domaine, la comptabilité satellite per-met de mettre en perspective les efforts d’un pays enmatière de protection de l’environnement, mais nemodifie aucunement les indicateurs macro-écono-miques classiques (PIB et PNB) et par conséquent n’encorrige pas les défaillances.

Les comptes satellites de l’environnement combi-nent des informations physiques issues des statis-tiques sur l’état de l’environnement et des res-sources naturelles et des informations disponiblesdans le cadre central de comptabilité nationale,comme les dépenses de restauration de l’environne-ment ou les coûts des dommages environnemen-taux. Ces comptes étendent donc la capacité analy-tique du SCN dans des domaines sélectionnés. Ilsrépondent à trois fonctions principales :

n Désagréger le SCN pour en faire ressortir lesaspects environnementaux.

n Evaluer le stock de ressources naturelles et lesservices environnementaux hors marché.

n Evaluer les dommages environnementaux dus àl’activité économique.

L’aval de la Cnued. En l’absence de cadreméthodologique permettant d’ajuster le SCN demanière cohérente, c’est cette approche qui est pri-vilégiée au niveau international. Elle a été préconi-sée lors de la Conférence des Nations unies sur l’en-vironnement (Cnued) et le développement à Rio en1992. Elle a également fait l’objet d’un travailméthodologique de la division statistique de l’Or-ganisation des Nations unies, qui a publié en 1993un manuel sur le système de comptabilité écono-mique et environnementale intégrée, référenceinternationale pour la mise en place d’une compta-bilité verte.

C. Les comptes de ressources et du patrimoine naturel

Une initiative norvégienne. La comptabilitésatellite de l’environnement extrait des donnéesmonétaires du cadre central de comptabilité natio-nale. Or, étant donné la difficulté d’évaluationmonétaire de certains aspects environnementaux,certains pays préconisent de compléter cettedémarche par des informations physiques sur l’étatet l’évolution de l’environnement, structurées ausein d’un cadre comptable. Mais les méthodologiesemployées pour établir une telle approche montrentde larges différences internationales.

Des comptes physiques de l’environnement et deson usage par l’homme ont été imaginés dès 1970par les Norvégiens sous l’appellation de comptes desressources naturelles. Ceux-ci traitent des ressourcesdu système productif exprimées essentiellement enunité physique, et éventuellement en unité moné-

taire. En Norvège, ce type de comptabilité phy-sique sectorielle a porté sur l’énergie, la pollu-

tion de l’air, les forêts...

Un prolongement en France. D’autres pays,comme la France, ont développé une approche voi-sine, physique et monétaire, des ressources naturellescommercialisables et des agents (entreprises, adminis-trations, ménages), ainsi que des éléments naturelssans valeur commerciale, y compris les écosystèmes.Elle est appelée comptabilité du patrimoine naturel,et intègre la comptabilité satellite. Elle constitue l’in-terface entre la comptabilité nationale (monétaire) etla comptabilité physique. Ainsi, aux informationsmonétaires isolées du SCN, on peut faire correspondre

un état physique de l‘environnement. Cette méthodo-logie a porté dès 1986 sur la faune et la flore sau-vages, la forêt, et les eaux continentales.

D. L’utilisation de la comptabilité environnementale

Un intérêt sectoriel. Les utilisations les plus pro-metteuses des comptes de l’environnement se situentmoins au niveau macro-économique, où les usagesconcrets des comptes sont mal définis et où des pro-blèmes méthodologiques importants demeurent,qu’au niveau sectoriel où la demande de tels instru-ments traduit des besoins précis, comme la gestion del’eau ou des forêts.

Trois objectifs. Les différentes appellations de lacomptabilité environnementale (comptes satellites,comptes du patrimoine naturel ou comptes des res-

MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - FICHE 2.B. - PAGE 3

Comptabilité nationale

lDépense d’environne-mentlDommageslServices naturelslCapital naturel

lPréservation de lacohérence du SCN

Comptes satellites del’environnement

lDépense d’environne-mentlDommageslServices naturelslCapital naturellFlux et stock physiquecorrespondants

lComptes annexes auCSN

Comptes de ressourcesnaturelles et comptes du patrimoine naturel.

lEvaluation et compta-bilisation physique (s’il ya lieu monétaires oumulticritères) des com-posantes du patrimoinenaturellMesure des flux phy-siques et monétaires liésà l’exploitation des res-sources naturelleslAnalyse des interdé-pendances agents/patri-moine naturel.

lComptes autonomesreliés au CSN

Type de compteCatégories

environnementalesprises en compte

Particularité

3 grandes catégories de comptes de l’environnement

Sour

ce :

L’E

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95

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sources naturelles) ne traduisent pas de profondesdivergences de principe. Ces trois outils comptablesont la même utilité :

1 Gérer les ressources naturelles et l’environne-ment. L’établissement de ces comptes nécessite uneffort d’intégration et d’organisation de l’informa-tion, de structuration et de mise en cohérence desdonnées sur l’environnement. En dressant l’état desressources et milieux naturels et de leur évolution enfonction des pressions exercées par l’activité humaine,ils permettent d’acquérir une connaissance de l’envi-ronnement, préalable à une gestion efficace.

2 Apporter une aide à la décision. Les comptespermettent d’apprécier les tendances lourdes de l’évo-lution environnementale et les impacts d’activités éco-nomiques sectorielles sur les flux et stocks de res-sources (et vice versa) ; ils apportent ainsi des pointsd’appui aux responsables politiques et contribuent àl’élaboration de politiques de développementdurable.

3 Développer des indicateurs de durabilité. Lescomptes de l’environnement regroupent des informa-tions de base à partir desquelles il est possible d’éla-borer des indicateurs de durabilité comme ceux d’in-tensité d’utilisation forestière.

3. LES INDICATEURS DU DEVELOPPEMENTDURABLE

Nés au début des années 90. Parallèlement àl’approche comptable, le développement d’indica-teurs de durabilité constitue une autre réponse aubesoin d’information environnementale des milieuxpolitiques et économiques et du grand public. Criti-quée dans les années 70 pour son caractère partiel etstatique et délaissée alors au profit des méthodescomptables, cette approche revient avec force depuisle début des années 90, notamment sous l’impulsionde quelques organisations internationales.

Pnud ou OCDE. Deux grandes directions se distin-guent. La première, celle du Programme des Nationsunies pour le développement (Pnud), vise à élaborerun indicateur composite unique rendant compte decertaines dimensions humaines du développement. Ladeuxième, celle de l’Organisation de coopération etde développement économiques (OCDE), constitue uncadre conceptuel pour le développement d’indica-teurs de l’environnement, méthode reprise depuis pard’autres organisations internationales ou gouverne-mentales et adaptée par la Commission du dévelop-pement durable à l’établissement d’indicateurs dudéveloppement durable.

A. Pnud et développement humain

Des données sectorielles… Préoccupé par l’ag-gravation des inégalités économiques et sociales, lePnud a collecté depuis sa création de nombreusesinformations sur les composantes non économiquesdu développement, comme l’éducation ou la santé.

Ces bases de données ont notamment permisd’actualiser plusieurs indicateurs : taux d’alpha-

bétisation des adultes, espérance de vie à la nais-sance, apport calorique journalier en pourcentage desbesoins, etc. Ces indicateurs servent de référenceinternationale et permettent de comparer l’évolutionet le niveau de développement de chaque pays.

… à un indicateur synthétique. Pour intégrerces données sociales en un indicateur national synthé-tique rendant compte des dimensions humaines dudéveloppement dans chaque Etat, le Pnud a élaboréau début des années 90 un indicateur multidimen-sionnel, appelé indicateur du développement humain(IDH). L’IDH est fonction de l’espérance de vie, duniveau d’instruction et du revenu de la populationd’un pays donné. Cet indicateur adapté aux comparai-sons internationales permet de relativiser le niveau dedéveloppement mesuré jusqu’alors par la seule crois-sance économique. La notion de développementhumain s’inspire en effet de la durabilité forte. Elleaffirme notamment la nécessité de préserver et res-taurer l’environnement pour l’avenir afin de légueraux générations futures les mêmes possibilités quecelles offertes aux générations qui les ont précédées.Elle s’inscrit dans la stratégie du Pnud destinée à pro-poser un nouveau modèle de développement, axé surl’homme, considérant la croissance économiquecomme un moyen et non une fin, préservant les pers-pectives offertes aux générations actuelles comme auxgénérations futures et respectant les écosystèmesdont dépend l’existence de tous les êtres vivants.

B. L’OCDE et le modèle pression-état-réponse

Désagréger l’information. La Commission dudéveloppement durable a cherché à établir une ossa-ture conceptuelle cohérente appliquée au développe-ment durable. Elle s’est appuyée pour cela sur le cadreméthodologique élaboré par l’OCDE au début desannées 90, le modèle pression-état-réponse. Il s’agitd’une matrice composée verticalement de différents

MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - FICHE 2.B. - PAGE 4

Activité humaine

Agriculture Industrie Transport Energie Autres

Le modèle pression-état-réponse

Pression Etat Réponses

Sou

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de

1998

Environnement et ressources naturelles Air Eau Terre Ressources Autres

Agents

Administration Ménages Entreprises

International

Information

Réponse sectorielle (décisions-actions)

Pollution

Ressources

Information

Réponses environne- mentales

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éléments du développement durable et horizontale-ment de trois types d’indicateurs :

1 Indicateur de pression. Il décrit les pressionsqu’exercent les activités économiques et humaines surl’environnement. La CDD a élargi ce premier indice eny incorporant des composantes sociales, économiqueset institutionnelles plus représentatives des dimen-sions de la durabilité. Au terme pression, elle substi-tue le terme force motrice (driving force).

2 Indicateur d’état. Il détaille l’état du développe-ment durable, comme la qualité de l’air ou de l’eau,etc.

3 Indicateur de réponse. Il montre comment la col-lectivité réagit pour mettre en œuvre le développe-ment durable, à travers par exemple les dépenses derestauration ou de protection de l’environnement.

Premiers tests. Vingt et un pays répartis sur l’en-semble des continents ont volontairement testé cetteapproche. L’objectif de la CDD est de mettre à disposi-tion des Etats, d’ici à l’an 2000, une liste d’indicateursdu développement durable dans un cadre harmoniséau niveau international. Une liste a d’ores et déjà étédressée, qui regroupait fin 1997 134 indicateurssociaux, économiques, écologiques et institutionnels,chacun d’entre eux disposant d’une note méthodolo-gique précise dans le cadre du modèle force motrice-état-réponse. Ces indicateurs répondent en outre auxprincipes énoncés dans les différents chapitres del’Agenda 21t, document établi lors de la conférence deRio, qui fixe les objectifs à atteindre pour faire dudéveloppement durable une réalité pour le XXIe siècle.La logique est de désagréger le plus possible l’infor-mation pour déterminer où il est possible d’agir en

fonction d’objectifs politiques. Ces indicateurs consti-tuent ainsi un outil d’aide à la construction des poli-tiques publiques, dans la mesure où les décideurs peu-vent y puiser l’information dont ils ont besoin.

Les approches thématiques… Une approchesensiblement différente, que la Banque mondialequalifie de thématique, vise à réduire le nombre d’in-dicateurs en fonction des grands enjeux des politiquesd’environnement. Par exemple, l’USAID (agencepublique américaine en charge de l’aide au dévelop-pement) a compilé une série d’indicateurs pour déter-miner si les objectifs des programmes de développe-ment qu’elle soutient sont atteints. Le Canada a misau point une série très agrégée liée au Plan vert. Lespays scandinaves et les Pays-Bas ont développé desindicateurs destinés à être inclus dans un rapportannuel au ministère de l’Environnement ou présentésofficiellement devant le Parlement.

La Banque mondiale présente également sespropres indicateurs thématiques annuels du dévelop-pement dans le monde. Regroupés au sein d’une basede données commune, ils permettent d’effectuer descomparaisons internationales (150 pays sont couverts).Cinq champs thématiques sont listés (population, envi-ronnement, économie, Etats et marchés, liens globaux),présentant chacun une sous-section thématique quicompile plusieurs indicateurs. La rubrique environne-ment comprend ainsi neuf entrées thématiques (utilisa-tion de la terre et déforestation, aires protégées et bio-diversitét, urbanisation, pollution de l’air, etc.) et unequarantaine d’indicateurs (densité de populationrurale, aires protégées nationales, population urbaineen pourcentage de la population totale, etc.).

MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - FICHE 2.B. - PAGE 5

Source : Pnud, Rapport sur le développement humain 1996

PNB ou IDH : classement variable

PAYS CLASSEMENTSELON L’IDH

CLASSEMENT SELON LE PIB

INDICATEUR DUDEVELOPEMENT

HUMAIN, IDH

PIB PAR HABITANT

(PPA)

ESPERANCE DEVIE A LA NAIS-

SANCE (ANNEES)

TAUX D’ALPHA-BETISATION DES

ADULTES (%)

TAUX DE SCOLA-RISATION TOUSNIVEAUX (%)

Canada 1 7 0.951 20 950 77.5 99 100

Pays-Bas 4 22 0.938 17 340 77.5 99 89

Espagne 10 31 0.933 13 660 77.7 98 87

Suisse 15 4 0.926 22 720 78.1 99 75

Costa Rica 31 54 0.884 5 680 76.4 94.5 68

Malaisie 53 44 0.826 8 360 70.9 82.2 61

Estonie 68 83 0.749 3 610 69.2 99 78

Oman 82 37 0.716 10 420 69.8 35 60

Arménie 93 124 0.680 2040 72.8 98.8 78

Egypte 106 76 0.611 3 800 63.9 49.8 69

Gabon 120 74 0.557 3 861 53.7 60.3 47

Lesotho 130 151 0.464 980 60.8 69.5 55

Tanzanie 144 170 0.364 630 52.1 65.5 34

Sénégal 153 130 0.331 1 710 49.5 31.4 31

Gambie 162 143 0.292 1 190 45.2 36.6 34

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… complètent le modèle de la CDD. Ces dif-férentes initiatives d’élaboration d’indicateurs thé-matiques apparaissent complémentaires à la tenta-tive d’établissement d’un cadre international cohérentpilotée par la CDD. Les utilisateurs et les offreurs d’in-formation sur le développement durable cherchentchacun des solutions adaptées à des zones géogra-

phiques, culturelles et économiques différentes. Ilest donc normal que la variété des indicateurs

reflète les différentes représentations nationales del’environnement. De la même façon, les politiquesd’environnement évoluent également dans le temps enfonction des demandes sociales, modifiant par la mêmeles besoins d’information des décideurs.

MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - FICHE 2.B. - PAGE 6

Indicateurs du développement durable mis au point par la CDD

CHAPITRE DE L’AGENDA 21

INDICATEURS DE FORCESMOTRICES

INDICATEURS D’ETAT

INDICATEURS DE REPONSE

Chapitre 36 : Promouvoir l’éducation, la sen-sibilisation du public et la for-mation

Taux de changement de lapopulation scolarisée- Ratio d’inscription à l’écoleprimaire (brut et net)- Ratio d’inscription à l’écolesecondaire (brut et net)- Taux d’alphabétisation desadultes

Accès des enfants au cinquièmegrade de l’école primaire- Espérance de scolarisation- Différence de ratios d’inscrip-tion à l’école entre les garçonset les filles- Femmes pour cent hommesdans le travail à forte maind’œuvre

Part du PIB dépensé dans l’édu-cation

S O C I A L

Chapitre 33 : Ressources et mécanismesfinanciers

- Transfert net de ressources /PNB- Total de l’aide publique audéveloppement donné ou reçuen % du PNB

- Dette / PNB- Service de la dette / exporta-tions

- Dépenses publiques pour laprotection de l’environnementen % du PIB- Montant du financement nou-veau ou additionnel pour ledéveloppement durable

E C O N O M I E

Chapitre 18 : Protection des ressources eneau douce et de leur qualité.

- Diminution annuelle desréserves en eau (eaux de sur-face et nappes phréatiques)- Consommation d’eau parhabitant

- Réserves des nappes phréa-tiques- Concentration de coliformesfécaux dans l’eau potable- Demande biochimique enoxygène dans les cours d’eau

- Couverture du traitement deseaux usées- Densité des réseaux hydrau-liques

E N V I R O N N E M E N T

Chapitre 40 : L’information pour la prise dedécisions

- Principales lignes de télé-phone pour 100 habitants- Accès à l’information

- Programmes de statistiquesnationales sur l’environnement.

I N S T I T U T I O N S

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MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - FICHE 3.A. - PAGE 1

Fiche 3.A.

Les instruments des politiques nationales de l’environnement

Les politiques d’environnement ont pour but d’une part de corriger les défaillances dumarché et d’autre part de résoudre les problèmes liés aux nouveaux enjeux environne-mentaux. Les pouvoirs publics ont traditionnellement le choix entre deux types d’instru-ments : les mesures réglementaires et les mesures économiques incitatives. Plus récem-ment est apparue une troisième génération d’instruments, regroupée sous l’appellationd’approches volontaires. On oppose souvent ces différentes options. Mais le succès d’unepolitique d’environnement dépend largement du dosage entre ces divers outils.

1. L’ENVIRONNEMENT, NOUVEL ENJEU POLITIQUE

A. Défaillances du marché

Le cas des biens communs. La nature même desbiens environnementaux en fait des produits à partdans un système marchand. A l’inverse des biens privés,l’accès à des biens d’environnement et leur consomma-tion ne dépendent pas uniquement des lois de l’offre etde la demande. Cela tient avant tout aux régimes depropriété spécifiques auxquels ils ont soumis : à quiappartiennent l’eau, l’air, la terre, les ressourcesminières, le bois des forêts ?

Lorsque les biens environnementaux appartiennentà tous et que leur consommation ne fait l’objet d’au-cune concurrence entre utilisateurs, ils sont qualifiés debiens publics. L’air en constitue un bon exemple : per-sonne ne peut se l’approprier, et la consommation d’unutilisateur ne gène aucunement la consommation desautres utilisateurs. Mais en pratique, nombre de biensenvironnementaux libres d’accès font l’objet d’uneforte concurrence. Ils sont alors appelés biens com-muns, telles les ressources halieutiques ou forestières.La compétition pour l’exploitation de ces ressourcescommunes se traduit dans de nombreux cas par leur

épuisement : un individu qui récolte du bois dans uneforêt appartenant à la collectivité impose des coûts auxautres utilisateurs de la forêt (moins de bois, augmen-tation des temps de transport pour parvenir à une zoneboisée...) sans qu’il soit possible, dans de nombreusescirconstances, d’exclure cet individu (encore faudrait-ill’identifier auparavant). L’exploitant forestier n’est pasincité par le marché à préserver la forêt puisque sespropres efforts pourraient être anéantis par la surex-ploitation effectuée par d’autres individus. Cette situa-tion conduisant à l’épuisement des ressources natu-relles est qualifiée de tragédie des communaux. Lespolitiques d’environnement visent alors à définir desoutils de gestion des ressources naturelles permettantd’éviter cette tragédie.

Faire payer une nuisance. On parle également dedéfaillance de marché lorsque l’activité d’un acteuréconomique (production, transformation...) affecte lebien-être d’autres individus ou de la collectivité sansque le marché n’intègre le coût de cette nuisance. Lapollution industrielle constitue un bon exemple de cetype de défaillances : une industrie papetière qui pol-lue une rivière peut induire une perte de revenu ou debien-être des utilisateurs de la rivière en aval (pêcheurs,

AccèsOuvert

ContrôléExclusion

Non

Oui

Classification des biens environnementaux selon leur type de consommation et leur type d’accès

Consommation

Non

Biens publics

Biens à péage1

Oui

Biens communs

Biens privés

Rivalité

conjointe en concurrence

Non Oui

1) accès contrôlé par un « péage » : parcs nationaux, forêts sous licences d’exploitation...

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1991

tLire lafiche

lexique.

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baigneurs...) ; or le prix du papier commercialisépar cette industrie ne tient pas compte de cetteperte que l’on qualifie d’externalitét. Dès lors, lespolitiques d’environnement cherchent à rétablir unprix de marché qui reflète non plus uniquement lescoûts privés, mais l’ensemble des coûts supportés par lacollectivité via l’internalisationt des externalités. Les ins-truments spécifiques des politiques d’environnementcomme les taxes sont conçus dans cet objectif d’inter-nalisation.

B. Irréversibilité, incertitudet, équité

Fixer des limites. L’internalisation des externalitésapparaît difficile à mettre en œuvre lorsque l’on consi-dère l’irréversibilité des dommages écologiques décou-lant des activités économiques. Un effet doit être consi-déré comme irréversible soit lorsque sa dissipationdépasse la durée de la gestion économique courante, soitlorsqu’un équilibre détruit ne peut se reconstituer parceque les conditions initiales de sa création ont disparu.Parmi les exemples les plus frappants de dommages irré-versibles, citons l’extinction d’espèces vivantes, l’assèche-ment de la mer d’Aral ou l’avancée de déserts. L’objectifpolitique consiste à fixer des normes permettant de res-pecter la capacité de charge de la planète. Toute actionqui manquerait à ces normes aurait des conséquencesirrémédiables pour l’environnement. Si l’on conçoit assezfacilement les possibilités de mise en œuvre d’une inter-diction d’exploitation et de commercialisation d’espècesmenacées d’extinction (encore que la question ducontrôle des interdictions se pose), les mesures à prendrepour lutter contre la désertification à travers le mondes’avèrent beaucoup plus complexes et difficiles à définir.

Agir au cas où. L’incertitude correspond au manqued’information sur les processus de modification écolo-gique qui découlent de l’activité productive. Elle pose leproblème du fonctionnement d’un marché des res-sources naturelles où la rareté joue le rôle de signal. Undes enjeux des politiques d’environnement est deprendre des décisions dans l’incertitude afin d’éviter que,par ignorance, on laisse disparaître une ressource capi-tale pour l’avenir de l’humanité. Ce dernier point renvoieau principe, introduit par le concept de développementdurable, de préservation des options de développementpour les générations futures ou équité intergénération-nellet. La décision politique d’appliquer des mesuresstrictes de protection de l’environnement peut alorsintervenir en pleine controverse scientifique en vertu duprincipe de précautiont.

2. LES INSTRUMENTS ECONOMIQUES

Leur objectif est d’inciter les individus et les entre-prises à adopter un comportement qui n’affecte pasl’environnement. Ces instruments agissent directementsur les coûts et les prix afin de rétablir les conditionsd’un échange marchand là où elles sont incomplètes ouinexistantes. Ils sont plus ou moins coûteux à mettre enplace.

A. Les taxes et les redevances

Internalisation. Ces instruments, proposés parArthur Pigou (cf. fiche 1.B.), s’appliquent en vertu duprincipe pollueur-payeurt. Ils pénalisent les pratiquesou l’utilisation d’un bien qui ont un effet néfaste pourla collectivité. Ils cherchent à corriger des mécanismesde marché qui ne reflètent pas l’ensemble des coûtssociaux. En d’autres termes, ils permettent d’internali-ser les effets externes.

Taxes ou redevances peuvent intervenir à différentsstades du processus de production polluant :

n Les plus courantes pèsent sur les émissions de pol-lution (air, eau, bruit).

n D’autres sont des redevances d’utilisation cou-vrant le coût des services de collecte et de traitement.

n Les taxes sur les produits concernent les produitspolluants au stade de leur fabrication, de leur consom-mation et de leur élimination. Exemples : taxes sur lesengrais, les pesticides, les piles, écotaxes sur l’énergie.

En dehors du domaine de la pollution, les taxes etles redevances pourraient s’appliquer aux permis depêche ou de chasse, aux droits d’entrée dans lesréserves naturelles, à la taxation des cultures suscep-tibles d’accélérer l’érosion, etc.

Le principe pollueur-payeur et ses limitesLe principe pollueur-payeur (PPP), adopté parl’OCDE en 1972, énonce que « le pollueurdevrait se voir amputer des dépenses relativesaux mesures arrêtées par les pouvoirs publicspour que l’environnement soit dans un étatacceptable. » Ce principe a été largement accepté par les gou-vernements et les organismes d’aide. Très géné-ral, il ne permet pas toujours de choisir lamesure la plus appropriée et la plus rentable.Par exemple, lorsque les émissions sont diffuses,il est difficile d’identifier les pollueurs et decontrôler leurs pratiques. Ainsi, la contamina-tion des eaux par les nitrates peut être large-ment due à l’agriculture dans une région don-née, mais certains agriculteurs en seront davan-tage responsables que d’autres. Cette pollutionpeut aussi avoir des causes complémentaires.Elle peut en outre se manifester plusieursannées après son émission réelle. Il sembleimpossible de repérer le niveau de pollution dechaque exploitation. Par ailleurs, lorsque les pollutions ont un carac-tère transfrontalier, il peut s’avérer nécessaire depayer les pays pollueurs pour qu’ils adoptent debonnes pratiques écologiques. C’est le cas despluies acides, dont les effets sur la diversité bio-logique, l’état de santé des forêts et l’acidifica-tion des lacs s’exercent au-delà des frontières dupays émetteur. De même, la pollution desfleuves pourra avoir des effets néfastes dans unpays situé en aval. Les solutions passent alorsgénéralement par une coopération entre le paysémetteur et le pays victime, qui accepte de

MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - FICHE 3.A. - PAGE 2

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financer une partie des efforts de dépollu-tion. Le principe pollueur-payeur peut ainsise transformer en principe victime-payeur…Source : Banque mondiale, 1992

Pour et contre la taxe. Les taxes et les redevancesont l’avantage d’augmenter les coûts de productiondes pollueurs, qu’elles incitent par conséquent à limiterou arrêter une pratique polluante. Elles se traduisentgénéralement par une hausse des recettes fiscales, saufsi leur montant est élevé au point de décourager com-plètement le contrevenant à recourir à des pratiquespolluantes.

Mais les taxes et les redevances présentent plusieursinconvénients. D’une part, leur montant optimal estdifficile à établir. Il faut en particulier veiller à cequ’elles n’aient pas d’effets négatifs sur la compétiti-vité des entreprises de petite taille. Les nombreux sys-tèmes de taxe en vigueur visent de fait avant tout àtrouver les moyens de financer les mesures de protec-tion de l’environnement et non à corriger l’inadéqua-tion entre les coûts privés et les coûts sociaux des acti-vités économiques. D’autre part, la taxe équivaut sou-vent à une recette fiscale sans réelle contrepartie entermes de politique d’environnement (comme la taxesur l’utilisation des hydrocarbures, qui sert en réalité àcombler le déficit budgétaire).

B. Les subventions

Promouvoir plutôt qu’interdire. Par oppositionaux taxes et aux redevances, les subventions ont pourbut de promouvoir la consommation de produits et deservices qui ne portent pas atteinte à l’environnement :subvention aux combustibles commerciaux utilisés pourle chauffage et la cuisine autres que le bois ou le char-bon de bois, subvention aux énergies renouvelables(éolienne, solaire), subventions aux engrais pourdécourager les pratiques agricoles extensives mena-çantes pour les écosystèmes…

La principale critique formulée contre les subven-tions est qu’elles alourdissent les dépenses publiquestout en créant des possibilités de détournements etd’abus. Dans certains pays, elles contribuent à gaspillerdes ressources fiscales déjà très limitées.

Couplées aux taxes, les subventions s’avèrent par-fois efficaces : le montant des taxes prélevées sur desentreprises polluantes peut être versé aux entreprisesqui choisissent d’investir dans des pratiques écolo-giques. La concurrence entraîne ainsi les premières àréformer leurs pratiques pour les rendre conformes auxnormes environnementales en vigueur.

C. Les marchés de droits à polluer

Privatiser les ressources. Selon Ronald Coase (cf.fiche 1.B.), le problème des externalités résulte d’uneabsence ou d’une mauvaise définition des droits de pro-priété sur les biens et peut être corrigé par la privatisationdes ressources naturelles. Inspiré par ces travaux, JohnDales imagine en 1968 la création d’un marché des droits

d’utilisation, où s’effectuent l’achat et la vente depermis ou de droits à polluer. Ainsi, en établissant des

droits de propriété sur l’usage de l’air, il est possible decréer un marché de la pollution de l’air sur le même prin-cipe que les marchés boursiers : des titres sont émis ets’échangent selon le principe de l’offre et de la demande.

Quota global de droits à polluer. Les droits à pol-luer ont pour objectif de répartir les efforts de lutte contrela pollution entre différents acteurs tout en permettantaux pouvoirs publics de maintenir un seuil global d’émis-sions polluantes. Ce seuil correspond à un nombre fixe dedroits d’émission individuels transférables. L’autoritépublique procède à la répartition de ces droits soit en lesmettant en vente à prix fixe ou aux enchères, soit en lesrépartissant entre les entreprises concernées en fonctionde leur production. Chaque entreprise est donc autoriséeà polluer dans la limite correspondant à la somme desdroits qu’elle détient. Toute pollution supplémentaire serasanctionnée, à moins que l’entreprise n’achète de nou-veaux droits à polluer à une autre entreprise plus« propre », c’est-à-dire qui n’a pas épuisé ses droits à pol-luer. Ainsi, dans une zone donnée, l’augmentation desémissions d’un acteur pourra être compensée par la réduc-tion des émissions d’un autre acteur par l’intermédiairedes échanges marchands de permis.

L’exemple du Clean Air Act américain La réforme de la loi sur l’air (Clean Air Act) en 1990a abouti à la création d’un marché national despermis à émettre du dioxyde de soufre (SO2) sur labase d’un plafond national d’émissions répartientre les centrales thermiques. Instauré en deuxphases, le marché ne concernera les 110 centralesthermiques les plus importantes qu’en l’an 2000.Chaque unité de production se voit allouer gratui-tement un quota de droits d’émission (après 2000,les nouvelles unités devront les acheter) qu’ellespeuvent utiliser, thésauriser ou vendre. Les transactions sont libres. Elles ne nécessitent pasd’autorisation préalable de l’Agence de protectionde l’environnement et peuvent impliquer diffé-rents types de partenaires (entreprises, courtiers,particuliers, ONG). L’Agence enregistre les cessionset les dotations des centrales, et confronte à la finde chaque année les émissions et les permis de cha-cune d’elles.Les sanctions prévues en cas de dépassement sontlourdes : 2500 dollars par tonne de SO2 supplé-mentaire. De plus, l’Agence déduit du quota allouépour la période suivante le montant du dépasse-ment. Pour dynamiser le marché, une vente aux enchèresest organisée chaque année sur 2,8 % du plafondannuel d’émission prélevé sur les dotations des cen-trales. Ce système réduit les coûts de transaction,fournit des informations sur les prix et les quantitéset permet aux nouveaux participants d’acquérirdes crédits d’émission.Extrait de Fiona Mullins, Un marché qui sent le soufre, Cour-

rier de la Planète/Global Chance n°44, pp. 26-27

MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - FICHE 3.A. - PAGE 3

Page 31: Mondialisation et développement durable: quelles …unesdoc.unesco.org/images/0012/001251/125102f.pdf · MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - FICHE 1.A. - PAGE 1 Fiche 1.A

Vers des marchés mondiaux. Les marchés dedroits sont créés de toute pièce par l’autoritépublique qui doit les organiser, les surveiller et déci-der éventuellement de leur fermeture. Elle peut choisird’abaisser le seuil de pollution global au fur et àmesure du progrès technique. On peut même imaginerque des organisations écologistes fassent l’acquisitionde titres pour faire baisser le seuil global d’émission.D’abord créés dans un cadre national, ces marchés sem-blent appelés à orienter la gestion mondiale des pro-blèmes environnementaux.

3. LES MESURES REGLEMENTAIRES

A. Objectifs et typologie

Un système de sanctions. Ces mesures visent àmettre en œuvre les objectifs de qualité environne-mentale définis par les pouvoirs publics. Elles peuventfixer une limite d’émission de polluants aux activitésproductrices ou imposer l’adoption de systèmes de pro-duction non polluants. Le respect de ces règles doit êtresoumis à un contrôle rigoureux pour être efficace. Dessanctions pénales sont infligées aux fraudeurs en cas deviolation de la norme.

Quatre types de normes1 Normes de qualité d’environnement. Elles fixent

des objectifs généraux de qualité à atteindre en fonc-tion des capacités du milieu (exemple : taux maximumde teneur atmosphérique en CO2).

2 Normes d’émission. Elles définissent une quantitémaximale autorisée de rejets polluants à un endroitdonné (exemple : limite d’émission de bruit d’un véhi-cule).

3 Normes de produit. Elles précisent les caractéris-tiques propres du produit (exemple : teneur en plombd’une essence).

4 Normes de procédé. Elles définissent les procédéstechniques de production à employer, les installationsantipollution à installer.

B. Problèmes soulevés

Cinq critiques. L’approche normative est souventcritiquée, notamment par les libéraux qui lui préfèrentles instruments économiques.

n La dimension économique oubliée. Les mesuresréglementaires ne conduisent pas à internaliser lesexternalités dans les processus de production.

n Une fixation arbitraire. Les mesures réglementairessont issues d’un processus de décision politique décon-necté de la recherche d’un optimum économique et deconsidérations scientifiques ; elles résultent souvent d’unaccord tacite entre gouvernement et industriels pollueurs.

n Des mesures non incitatives. Les dégradationsenvironnementales se situent juste au niveau de lanorme : soucieuses avant tout de préserver leur compé-titivité, les entreprises n’engagent aucun effort pourabaisser leur niveau de pollution en dessous du seuilréglementaire.

n Des mesures non progressives. Tous les utili-sateurs sont soumis de la même manière à l’obli-

gation de réduction dans une même proportion.Ainsi, une interdiction de circuler en voiture est pluscoûteuse pour les taxis et les autres métiers de la routeque pour ceux dont l’activité ne passe pas obligatoire-ment par l’utilisation d’une voiture particulière et quipourront emprunter un autre moyen de transport.

n Un risque d’incitation à la fraude. Dans certainesvilles, par exemple, les règles d’utilisation des véhiculessont détournées par des fraudes à l’immatriculation.

Des mesures parfois indispensables. Malgré cesréserves, les mesures réglementaires sont nécessairesdans de nombreux cas notamment en cas d’irréversibi-lité des dommages environnementaux ou lorsque lasanté humaine est menacée (rejet de métaux lourds parexemple). Par ailleurs, leur établissement est souventune condition préalable à la mise en œuvre d’instru-ments économiques (fixation d’un niveau optimald’une taxe en fonction d’une norme reflétant la capa-cité d’auto-épuration du milieu).

4. LA GESTION COLLECTIVE DES BIENS COMMUNS

Normes, marché ou institutions ? La gestion col-lective des biens communs est une pratique trèsancienne. Au Moyen-Age, Thomas d’Aquin professeque chacun doit protéger les biens communs, ceux quine peuvent être gérés et protégés que par la commu-nauté. Au XXe siècle, les débats concernant la gestiondes biens communs d’environnement se focalisent surla question suivante : qui, de l’Etat, du marché ou de lacommunauté est le mieux placé pour gérer ces res-sources communes ? La gestion par l’Etat implique lerecours à des approches normatives, voire à des instru-ments économiques. La conception libérale de la ges-tion des ressources naturelles est plutôt favorable à lacréation de marchés de droits (d’usage ou d’émission)transférables. Quant aux tenants de la gestion commu-nautaire ou collective des ressources, ils optent pourune approche plus institutionnaliste, passant par lamobilisation des institutions géographiquement lesplus proches des ressources à préserver.

Une approche fondée sur la participation.L’école de pensée favorable à la gestion communau-taire est apparue avant tout en réaction aux échecsrépétés des projets de développement conçus sans lescommunautés locales. Elle concerne surtout les pays endéveloppement où de nombreux projets ont étéimplantés sans tenir compte des modes traditionnels etséculaires de gestion des ressources. Cette réflexionissue des milieux du développement a été mise enavant lors de la conférence de Rio sur l’environnementet le développement, où le souci de gestion décentrali-sée des ressources renouvelables était perceptible.

Plus que des instruments très figés, cette approchemultidisciplinaire préconise la gestion des terroirs etdes ressources par les populations, le transfert des res-ponsabilités de l’Etat aux communautés locales, l’évo-

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lution des droits fonciers... La gestion des bienscommuns doit satisfaire à certains principes :

n Les acteurs impliqués doivent pouvoir partici-per eux-mêmes à la définition et à la modification desrègles de gestion.

n La surveillance du respect des règles et des objec-tifs est exercée soit par les utilisateurs eux-mêmes, soitpar un agent qu’ils choisissent.

n Les sanctions sont progressives pour tenir comptedu besoin d’apprentissage. En particulier, l’exclusion dusystème est l’ultime recours.

n Le système doit disposer d’un mécanisme derésolution des conflits, complément naturel du sys-

tème de sanctions.

5. LES APPROCHES VOLONTAIRES

Les approches volontaires sont présentées commeune troisième génération d’instruments de politiqueenvironnementale. Elles consistent pour une entrepriseà mettre en valeur ses performances environnemen-tales. Ces instruments valorisent la négociation, le com-promis et l’auto-organisation des secteurs économiquesavec les pouvoirs publics, et parfois avec les organisa-tions non gouvernementales.

Trois grandes catégories1 Les engagements unilatéraux des entreprises.

L’entreprise fait part de l’instauration d’une autorégle-mentation, c’est-à-dire de son propre programme envi-ronnemental, à ses actionnaires, ses clients, ses salariéset au grand public. Les codes de conduite des entre-prises, comme le programme responsible care de l’Asso-ciation des industries chimiques canadiennes, en sontun exemple : en y adhérant, une entreprise s’engage àadopter un comportement responsable vis-à-vis desdangers écologiques de son activité.

2 Les accords environnementaux négociés. Il s’agitde contrats entre l’autorité publique et l’entreprise,contenant des objectifs écologiques à atteindre (réduc-tion des émissions d’une quantité fixée, par exemple) etun calendrier de réalisation de ces objectifs. En contre-partie de l’engagement de l’entreprise, les pouvoirspublics s’engagent à l’exempter de la législation domes-tique : ils ne contrôlent plus le respect d’une quel-conque législation globale, mais uniquement le respectdes termes du contrat. La multinationale Intel, dont ladevise est « vite ou mort », a passé de tels accords avecl’Agence américaine de protection de l’environnementconcernant des objectifs de réduction des émissions degaz à effet de serret.

3 Les systèmes volontaires publics. Ce sont descahiers des charges élaborés par les pouvoirs publicsauxquels les entreprises peuvent adhérer volontaire-ment en contrepartie d’une accréditation ou d’un éti-quetage spécifique sur les produits qu’elles commercia-lisent. Les cahiers des charges peuvent porter soit sur lesperformances environnementales(objectif de réduction des émissions,par exemple), soit sur la technolo-gie ou sur les procédés de produc-tion employés. Les systèmesd’éco-étiquetage ou écolabelst

font partie de ces mécanismes. Lesagences nationales de normalisa-tion, comme l’Afnor en France, per-mettent également aux entreprises quirépondent à leurs exigences de bénéficierd’une reconnaissance extérieure.

Des avantages… Ces approches présentent denombreux avantages. Elles facilitent l’implication des

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Incitations à la mise en conformité

Permis négociables

Systèmes de dépôt - consignation

Taxes sur les produits

Taxes sur les émissions

Etats-Unis

Suède

Norvège

Canada

Danemark

Australie

Allemagne

France

Suisse

Italie

Japon

Nlle Zelande

Turquie

Utilisation des instruments économiques dans divers pays de l'OCDE (1992)

Nombre de cas

Royaume-Uni

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firmes dans le processus d’élaboration politique,accroissent la motivation des chefs d’entreprise àréaliser des objectifs environnementaux et permet-tent des progrès environnementaux plus rapides. Lesconsommateurs peuvent choisir, lors de leurs achats, desproduits fabriqués par des entreprises faisant volontai-rement preuve d’un effort de protection de l’environ-nement. Les entreprises ayant choisi de faire preuve debonne volonté se voient récompensées par unedemande « verte » croissante. Ces instruments neremettent pas en cause la logique de fonctionnementdu marché, et apparaissent finalement moins lourdspour les pouvoirs publics que certains outils tradition-nels.

… liés à l’efficacité des pouvoirs publics. Lesapproches volontaires sont perçues avec un intérêt

croissant dans l’ensemble des pays de l’OCDE.Néanmoins, leur efficacité dépend en partie de

l’action des pouvoirs publics. Ils doivent s’assurer durespect de la démocratie pendant la négociation, c’est-à-dire veiller à ce que la représentation des acteurs (entre-prises, consommateurs, associations) soit la plus largepossibles, et prendre garde aux stratégies des pollueursdésireux de faire supporter leurs coûts par la société. Parailleurs, les pouvoirs publics doivent rester vigilantsquant aux problème de compétitivité qui peuvent seposer pour les petites et moyennes entreprises, l’ap-proche volontaire représentant un coût fixe qui peutêtre proportionnellement plus élevé pour elles que pourles grandes entreprises. Pour les grandes entreprises, lemarketing vert peut représenter une stratégie commer-ciale agressive que les entreprises plus petites, moinspuissantes financièrement, ne peuvent pas mener.

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MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - FICHE 3.B. - PAGE 1

Fiche 3.B.

Les instruments d’une politique internationale de l’environnement

Le premier outil de promotion mondiale du développement durable est le droit interna-tional, qui organise les relations entre Etats. Des règles de droit international doivent nonseulement établir les principes fondamentaux et les règles de comportement, mais égale-ment créer les cadres de coopération pour que les Etats puissent définir ensemble leursintérêts communs et les politiques sectorielles destinées à les préserver. Ces politiques sontensuite traduites par des droits et obligations et, de plus en plus, par des mesures com-merciales et des instruments économiques inscrits dans des accords multilatéraux. Enfin,des initiatives de régulation privée, tendent à se développer à l’échelon international.

1. LES INSTRUMENTS JURIDIQUES INTERNATIONAUX

A. L’irruption du droit international de l’environnement

Une discipline récente. Le développementdurable est une notion récente qui ne fait l’objet d’untraitement juridique que depuis quelques années.L’émergence du droit international de l’environnementcomme discipline à part entière du droit internationaltraduit une véritable inflexion de la mise en œuvre dela protection de l’environnement à l’échelle du globe.

Les premiers traités. Durant la première moitiédu XXe siècle, les problèmes des communautéshumaines se posaient et se réglaient à l’échelle localeou nationale. Le développement des techniques et lesincidences des activités humaines sur l’environnementétaient trop faibles pour que les dommages provo-qués dans un Etat par ses ressortissants n’interfèrentavec le droit des autres. Les premiers traités interna-tionaux se sont avérés nécessaires lorsque des effetsextraterritoriaux ont commencé à se faire sentir. Ilsont porté dans un premier temps sur l’acceptation depratiques communes, visant soit à préserver les res-sources animales marines ou terrestre, soit à répartiréquitablement l’accès à une ressource commune :convention de 1902 pour la protection des oiseauxutiles à l’agriculture, convention de 1911 sur la pré-servation des espèces de phoques menacées d’extinc-tion, traité de 1909 sur les eaux frontalières entre leCanada et les Etats-Unis.

Du bilatéral… La mondialisation rapide des pro-blèmes environnementaux au cours de la seconde moi-tié du XXe siècle a entraîné la multiplication des traitésinternationaux de protection de l’environnement. Ledroit international de l’environnement s’est développédans deux directions.

D’une part, les règles bilatérales consacrent ledevoir de l’Etat de ne pas causer de dommage à l’envi-ronnement en dehors de son territoire, de coopérer etd’informer les autres Etats sur toute pollution ou toutrisque. Elles ont très nettement marqué la déclarationde Stockholm en matière de pollution transfrontière.Les pratiques bilatérales coutumières se sont progressi-vement intégrées aux dispositifs multilatéraux.

… au multilatéral. D’autre part, l’approche multi-latérale, très ancienne, s’est réellement renforcée entrois étapes successives à partir des années 70. Dans unpremier temps, elle s’est fortement développée pourfaire face aux problèmes sectoriels de protection del’environnement, dont l’effet se faisait particulière-ment ressentir au niveau local : protection de la mer,des eaux continentales et de l’atmosphère, conserva-tion de la flore et de la faune sauvages. Les accordsmultilatéraux sur l’environnement (AME) se sont multi-pliés. A la fin des années 70, la prise de conscience dela nécessité de règles transversales pour les substancesrisquant d’exercer des effets dommageables sur l’envi-ronnement à toutes les étapes de leur vie (production,transport, commercialisation, élimination) a marquéune étape supplémentaire de l’évolution du droit inter-national de l’environnement. Dans ces domaines, on aeu souvent recours à des codes de bonne conduite oudes directives non obligatoires établis avec les branchesindustrielles concernées. La dernière phase est celle del’élaboration d’une véritable législation à caractèrepréventif pour traiter les problèmes globaux comme lasauvegarde de la couche d’ozone, la conservation de labiodiversitét et la lutte contre l’effet de serret. Danschaque secteur ou champ transversal, on assiste à unfoisonnement de traités internationaux.

Des textes à foison. Les juristes s’accordent àaffirmer qu’aucun autre domaine du droit n’a connu,en un quart de siècle, une croissance aussi vertigineuse

tLire lafiche

lexique.

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que le droit de l’environnement. Au plan interna-tional, il existe à l’heure actuelle plus de 900 ins-truments juridiques, traités bilatéraux, multilatérauxou déclarations volontaires portant exclusivement surl’environnement ou possédant quelques dispositionsvisant à sa protection. La quasi-totalité des textes inter-nationaux d’importance majeure fait référence, si cen’est au développement durable, du moins à la protec-tion de l’environnement. Pratiquement tous les nou-veaux accords instaurant des zones de libre-échangementionnent la protection de l’environnement, voireprévoient des règles qui la favorisent.

Le foisonnement des traités

Pollution des mers et océans, milieu marinet ressources marinesn 1946 Convention baleinière internationale,Washington

n 1973 Convention pour la prévention de lapollution par les navires (Marpol)

n 1982 Convention internationale sur le droitde la mer, Montego Bay

n 1966 Convention internationale pour laconservation des thonidés atlantiques (Iccat), Riode Janeiro

n1993 Accord de respect des mesures interna-tionales de conservation et de gestion des res-sources halieutiques par les navires de haute mer,adopté dans le cadre du code de conduite interna-tional pour une pêche responsable de la FAO.

n 1995 Accord sur les stocks de poissons che-vauchant plusieurs catégories de zones mari-times et les grands migrateurs, New York

Eaux continentalesn 1992 Convention sur la protection et l’utili-sation des cours d’eau transfrontières et des lacsinternationaux, Helsinki

n1994 Convention sur la coopération pour laprotection et l’utilisation durable du Danube, Sofia

n 1995 Accord de coopération pour un déve-loppement durable du bassin du Mekong,Chiang Rai

Atmosphèren 1979 Convention sur les pollutions atmo-sphériques transfrontières à longue distance,Genève

n 1985 Convention sur la protection de lacouche d’ozone, Vienne (inclut le protocolede Montréal de 1987 relatif aux substancesqui appauvrissent la couche d’ozone)

n 1992 Convention-cadre sur les change-ments climatiques, Rio de Janeiro (intègre unprotocole sur la réduction des émissions de gazà effet de serre signé à Kyoto en 1997)

Diversité biologiquen 1973 Convention sur le commerce interna-tional des espèces sauvages de faune et deflore menacées d’extinction (Cites), Washing-ton

n 1979 Convention sur les espèces migra-trices appartenant à la faune sauvage, Bonn

n 1983 Engagement international sur les res-sources génétiques des plantes, adopté sousl’égide de la FAO, Rome

n 1992 Convention sur la diversité biolo-gique (CDB), Rio de Janeiro

Protection des sols, des paysages et desécosystèmes menacésn 1959 Traité sur la protection de l’Antarc-tique, Washington

n 1971 Convention sur les marécages d’im-portance internationale notamment l’habitatdes oiseaux aquatiques, Ramsar

n 1994 Convention sur la lutte contre ladésertification, Paris

Substances chimiques n 1985 Code de conduite international sur ladistribution et l’utilisation de pesticides, sousl’égide de la FAO, Rome

n 1998 Convention sur les procédures d'in-formation et de consentement préalables dansle cas de certaines substances chimiques dange-reuses qui font l'objet d’un commerce interna-tional, Rotterdam

Déchetsn 1989 Convention sur le contrôle des mou-vements transfrontières de déchets et leur éli-mination, Bâle

n 1991 Convention sur l’interdiction d’im-portation, sur le contrôle des mouvementstransfrontières et sur la gestion des déchetsdangereux en Afrique, Bamako

n 1992 Accord régional concernant les mou-vements transfrontières de déchets dangereux,Panama

Risques industriels et nucléairesn 1992 Convention sur les effets transfron-tières des accidents industriels, Helsinki

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n 1994 Convention sur la sûreté nu-cléaire, Vienne

B. Vers un droit international du développementdurable ?

Du droit à l’environnement… L’existence d’unchamp spécifique du droit international réservé à l’en-vironnement a été consacrée par la première confé-rence des Nations unies sur l’environnement tenue àStockholm en 1972. Les textes fondamentaux commele plan d’action et la déclaration de Stockholm élabo-rés à cette occasion ont défini des orientationsmajeures. La déclaration constitue la base du droit àl’environnement (droit à un environnement de qua-lité) élevé au rang de droit de l’homme. Elle énonce en26 principes les limites de l’exploitation de l’environ-nement.

Nombre de pays ont émis des réserves sur ce texte.Certains pays en développement (PED), considérant lapollution comme le résultat d’activités industrielles,s’estimaient peu concernés. D’autres craignaient quele financement de la protection de l’environnement sefasse au détriment du développement. Cette situations’est modifiée progressivement, les PED prenant peu àpeu en compte les grands enjeux économiques et poli-tiques de l’environnement. Par ailleurs, dans uncontexte de crise internationale (crise de la dette…) lademande de coopération des pays industrialisésredonnait une certaine capacité de négociation auxPED.

Le droit international de l’environnement s’estdonc de plus en plus ouvert aux questions de dévelop-pement. Ainsi, dès la fin des années 80, l’Union inter-nationale pour la conservation de la nature (UICN) aentrepris d’établir un pacte sur l’environnement et ledéveloppement. Achevé en 1994, il est destiné à servirde base à une codification systématique des règlescoutumières dans le cadre de l’Organisation desNations unies.

… au droit à la durabilité. C’est avec la confé-rence de Rio en 1992 que le développement durable acommencé à s’inscrire presque systématiquement dansles grands textes internationaux. Les 27 principes de ladéclaration de Rio et les 40 chapitres de l’Agenda 21t

peuvent être considérés comme des textes de réfé-rence qui ouvrent la voie à des politiques internatio-nales de développement durable. D’une part, la confé-rence de Rio a consacré les principes proclamés àStockholm et devenus depuis des règles coutumières,en particulier l’obligation d’évaluer les conséquencesd’activités pouvant affecter l’environnement (étudesd’impact) et le principe de la responsabilité pour dom-mage environnemental (régimes permettant aux vic-times de dommages écologiques d’obtenir répara-tion). Mais les textes élaborés à Rio sont allés au-delà.En particulier, ils font référence au principe de précau-tiont, définissent une obligation de notifier aux autresEtats toute situation critique (catastrophe naturelle ouautre situation d’urgence risquant d’exercer soudaine-

ment des effets néfastes sur l’environnement) etde les informer des activités pouvant affecter leur

environnement.

Extrait de la déclaration de Stockholm« Principe 1 : L’homme a un droit fondamental àla liberté, à l’égalité et à des conditions de viesatisfaisantes, dans un environnement dont laqualité lui permet de vivre dans la dignité et lebien-être. Il a le devoir solennel de protéger etaméliorer l’environnement pour les générationsprésentes et futures. »

Extrait de la déclaration de Rio« La Conférence des Nations unies sur l’environ-nement et le développement, (...) réaffirmant ladéclaration de la Conférence des Nations uniessur l’environnement adoptée à Stockholm (...),et cherchant à en assurer le prolongement (...)proclame ce qui suit :Principe 1 : Les êtres humains sont au centre despréoccupations relatives au développementdurable. Ils ont droit à une vie saine et produc-tive en harmonie avec la nature. »

Les retombées de Rio. Cette consolidation, à Rio,de principes très généraux, a plus de poids qu’on nepourrait le penser. En particulier, le principe de précau-tion a été inséré depuis le début de la décennie dans laplupart des traités, qu’ils soient spécifiques aux ques-tions environnementales ou de portée générale. Il estpar exemple inscrit dans le traité de Maastricht surl’Union européenne de 1992 et dans les deux conven-tions signées dans le cadre de la conférence de Rio (surles changements climatiques et sur la diversité biolo-gique). En revanche, il est bizarrement absent d’untraité fondamental de régulation économique interna-tionale, le traité de Marrakech de 1994 instituant l’Or-ganisation mondiale du commerce (OMC).

Sans être obligatoires, les principes qui figurentdans les déclarations de Stockholm et de Rio peuventêtre invoqués par différents acteurs pour exiger que lesdécisions prises par les gouvernements signataires ysoient conformes. Même non traduits directement dansle droit national et international, ils constituent deslignes d’orientation qui, au fil du temps, se consolidentdans les pratiques.

C. Portée et efficacité des instruments juridiques inter-nationaux

Protéger les intérêts communs. Un accord multi-latéral d’environnement crée une autorité publiqueinvestie du rôle de « gouvernement mondial » pourrésoudre un problème environnemental particulier. Ilpermet ainsi l’élaboration d’une politique environne-mentale à l’échelle internationale. En conséquence, ledroit international de l’environnement se conçoitmoins comme l’harmonisation des règles nationalesque comme la mise au point d’instruments appropriésà la protection d’intérêts considérés comme communs à

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l’ensemble de l’humanité. Il s’est progressivementadapté aux différents enjeux environnementaux,dépassant le simple cadre des responsabilités inter-étatiques, via la création de véritables instruments degestion à l’échelle globale, notamment économiques.Néanmoins, malgré sa double progression, quantitativeet qualitative, le droit international de l’environne-ment souffre encore d’importantes difficultés d’appli-cation.

Obstacles.1 Inégalités économiques. L’obstacle majeur à la

mise en œuvre du droit international de l’environne-ment est lié aux disparités économiques entre Etats. Cequi peut n’apparaître qu’une simple formalité adminis-trative pour certains gouvernements peut s’avérerinsurmontable pour les autres. La seule participationaux négociations internationales visant à établir unAME peut parfois poser des problèmes.

2 Cavaliers seuls. Les AME sont des accords volon-taires qui ne s’appliquent qu’aux pays signataires. Cer-tains pays, en refusant de s’y associer, peuvent ainsifaire cavalier seul, c’est-à-dire échapper aux obligationset aux contraintes définies par l’accord et gagner ainsicertains avantages économiques. Les pays non signa-taires de la convention sur les changements climatiquesbénéficieraient ainsi d’un avantage compétitif à courtterme sur les coûts énergétiques, puisque les payssignataires sont tenus de mettre en œuvre des poli-tiques coûteuses de réduction de l’effet de serre.

3 Conflits d’autorité. L’architecture du systèmejuridique international est également source de pro-blèmes. En règle générale, les différents accords envi-ronnementaux, bilatéraux et multilatéraux, sont articu-lés, mais des conflits d’autorité peuvent néanmoins sur-gir en l’absence d’une véritable gouvernancet d’en-semble, d’une sorte d’organisation mondiale del’environnement (cf. fiche 4.A.). Plus largement, l’arti-culation entre les AME et les autres dispositifs juri-diques internationaux, comme les règles commercialesmultilatérales de l’OMC, pose de sérieux problèmes.Rappelons que les textes fondateurs de l’OMC ne fontpas référence au principe de précaution. Le recours àdes instruments commerciaux dans le cadre d’un AMEpeut également entraîner des conflits avec les règles del’OMC (cf. fiche 5.B.).

4 Déclarations d’intentions. Enfin, l’applicationet la consolidation des traités sont rendues difficiles parleur caractère souvent non obligatoire, les Etats empi-lant les déclarations de bonnes intentions. Et lors-qu’elle intègre des dispositions juridiquement contrai-gnantes, la réglementation internationale est souventjugée inefficace du fait de sa rigidité et des multiplesabus et détournements qu’elle subit. Elle est notam-ment sujette à de fortes critiques des libéraux, quivoient en elle une restriction au libre fonctionnementdes marchés. Néanmoins, avec l’intégration croissanted’instruments économiques dans les AME, cette posi-tion a tendance à s’affaiblir. Le bon fonctionnementdes instruments économiques ne peut en effet êtregaranti que par le dispositif juridique qui les encadre,

qu’il s’agisse de taxes, de subventions, d’écolabelsou de permis négociables.

2. L’APPLICATION INTERNATIONALE DE MESURESECONOMIQUES ET COMMERCIALES

Depuis la conférence de Rio, l’application d’instru-ments économiques au niveau international est unetendance lourde des stratégies de protection interna-tionale de l’environnement. Deux orientations se déga-gent : d’une part, le recours dans le cadre d’AME à desinstruments de politique commerciale, d’autre part,l’application dans un cadre négocié à part d’outilscomme les taxes, les subventions ou les marchés dedroit d’émission pour atteindre les objectifs des AME.

A. Les instruments de politique commerciale

Trois objectifs. De nombreux AME prévoient desmesures commerciales. Elles ont essentiellement troisobjectifs :

1 Obtenir l’interdiction totale ou partielle du com-merce de produits issus d’espèces menacées d’extinc-tion, comme les objets en ivoire ou les peaux et four-rures (cas de la convention Cites).

2 Sanctionner ou interdire un transfert internatio-nal de produit polluant ou dangereux (cas de laconvention de Bamako).

3 Informer les pays acheteurs des caractéristiques« écologiques » ou au contraire nuisibles d’un produitéchangé.

Les mesures employées pour atteindre les deux pre-miers objectifs sont variées : interdiction du commerce,quotas et permis d’importation ou d’exportation.Celles concernant le troisième objectif sont plusrécentes : procédures d’information et de consente-ment préalable (sur la dangerosité d’un produitéchangé par exemple), procédures d’éco-étiquetaged’un produit fabriqué selon un cahier des charges préa-lablement négocié au niveau multilatéral.

L’éco-étiquetage en marge des AME. Ce dernierinstrument fait l’objet de nombreux débats, mais aucunAME ne prévoit son application. Pour être applicable, ilfaudrait en effet que les parties prenantes d’un AMEfixent des critères et indicateurs de durabilité que lesentreprises des pays signataires devraient respecterpour pouvoir disposer d’un écolabel sur les produitsqu’elles commercialisent. Or, dans la plupart des cas, lesnégociations achoppent sur la définition des pratiquesdurables. C’est en partie pour cette raison qu’aucuneconvention internationale sur la protection des forêtsn’a pu aboutir jusqu'à présent, malgré des négociationsqui se poursuivent depuis la conférence de Rio. De fait,l’écolabel est un instrument qui se développe actuelle-ment surtout au niveau national ou régional (Unioneuropéenne), posant des problèmes de concurrenceinternationale (cf. fiche 5.A.). Néanmoins, des initia-tives non gouvernementales apparaissent au niveauinternational, par le biais d’alliances originales entregroupes industriels, mouvements écologistes et organi-

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sations sociales, comme celles initiées par le Fondsmondial pour la nature (WWF) pour certifier lagestion durable d’activités économiques sensibles dupoint de vue environnemental.

Des certificats de gestion durablen Un label FSC pour les forêts. Constatantd’une part que la déforestation s’accélère dansles régions tropicales (elle dépasserait 0,8 % par

an) et, d’autre part, que lesmesures prises lors de la

conférence de Rio pourprotéger les forêts ne

sont qu’un ensemble de prin-cipes généraux à caractère

non obligatoire, le WWF aproposé à l’automne 1992 demettre en place un Conseil de

bonne gestion des forêts(Forest Stewardship Council,

FSC). Le FSC a été créé en octobre 1993 par uneassemblée de 130 participants issus de 25 pays,comprenant des représentants d’ONG, depeuples autochtones, de l’industrie et de la dis-tribution dans le secteur forestier. Le Comitédirecteur du FSC a élaboré ensuite une liste deprincipes et critères approuvés par les membresfondateurs, applicables à toutes les forêts, tropi-cales, tempérées ou boréales exploitées pour laproduction de bois. Le FSC accrédite des orga-nismes certificateurs, comme le SGS Forestry pro-gramme, qui utilisent des normes nationalespour évaluer la durabilité des opérations fores-tières individuelles. Ces standards doivent êtreconformes aux principes et critères du FSC, adap-tés au conditions locales et développés locale-ment en consultation avec les parties prenantes.Seuls les organismes accrédités par le FSC sonthabilités à délivrer le certificat permettant auproducteur d’utiliser la marque du FSC sur lesproduits qu’il commercialise. Plus de 5 millionsd’hectares de forêts ont ainsi été certifiés par lesorganismes accrédités par le FSC.

n Un label MSC pour la pêche. En 1995, unrapport de la FAO dressait un bilan alarmant desstocks mondiaux de poissons : près de 70 % desstocks seraient épuisés, surexploités, pleinementexploités ou en cours de restauration après sur-exploitation. Constatant l’échec des mesures degestion en vigueur jusqu’alors, la FAO invitait lacommunauté internationale à adopter un codede conduite pour une pêche responsable. C’estde ce code de conduite qu’entendent s'inspirerle WWF et Unilever pour mettre en place leConseil de bonne gestion des pêcheries (MarineStewardship Council, MSC), organisme qui aurapour mission de définir les critères de gestiondurable applicables aux pêcheries et de désignerles organismes habilités à certifier les pêcheriesrespectant ces critères.

Les normes Iso 14 000. A cette approche, lesEtats et les organisations internationales préfèrent

celle développée par l’Organisation internationalede normalisation (Iso), qui s’est récemment penchée surla définition de normes internationales adaptées auxquestions environnementales, regroupées sous l’appel-lation de série Iso 14 000. Iso 14 000 est une réponse àla pression exercée par une frange de plus en plusimportante de consommateurs qui souhaitent êtreinformés de la qualité écologique des produits, sansavoir à les payer beaucoup plus cher. Cet outil permetaussi aux entreprises de se conformer plus facilementaux législations nationales de protection de l'environ-nement et d'améliorer leur performance environne-mentale. Les normes Iso 14 000 s’appliquent exclusive-ment aux systèmes d'évaluation des procédures etn’imposent aux producteurs aucune performance envi-ronnementale supérieure au minimum légal requis.

Le fonctionnement des normes ISO 14 000Le 2 février 1947, 25 pays créaient un organismeinternational chargé de promouvoir la normali-sation des méthodes et des produits pour facili-ter les échanges. L’Iso est une fédération mon-diale des organismes nationaux de normalisa-tion, qui définit des normes auxquelles souscri-vent volontairement les entreprises afind’obtenir plus facilement l’agrément de leursexportations. Suite à la conférence de Rio, unnouveau comité (TC 207) a été créé au sein del’Iso pour élaborer une série de normes de ges-tion environnementale, la série Iso 14 000. Pourobtenir un certificat Iso 14 000, une entreprisedoit définir ou renforcer sa politique environne-mentale. L'information est transmise à un orga-nisme certificateur agréé par l’Iso, généralementune agence nationale de normalisation. Lesmoyens permettant d'atteindre les objectifsenvironnementaux définis par la politique doi-vent être mis en œuvre, contrôlés puis rectifiéss'ils ne sont pas adéquats. C'est sur la base decette boucle objectifs-moyens-contrôle-rectifica-tion qu'est accordé un certificat. La norme Isos'applique de la même manière à une compa-gnie d'assurance, à un constructeur automobileou à une entreprise forestière.

B. Ecotaxes et échanges de droits de propriété

Interventionnisme ou marché ? Certains AMEproposent des instruments utilisés jusqu’alors exclusive-ment dans un cadre national pour inciter à mieux inter-nalisert les effets externes d’environnement à l’écheloninternational. L’idée d’intégrer dans les AME des ins-truments strictement économiques a particulièrementnourri les débats entre les parties à la convention-cadresur les changements climatiques. Deux propositions sesont affrontées. La première, interventionniste, privilé-giait les écotaxes comme outil d’incitation à la luttecontre l’effet de serre. Elle a été défendue sur la scèneinternationale par l’Union européenne lors des discus-

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sions préparatoires à l’établissement du protocolede Kyoto (cf. fiche 4.B.). La deuxième, défendue enpremier lieu par les Etats-Unis, concerne l’organisa-tion d’un véritable marché des biens d’environnement.C’est cette conception qui a finalement prévalu.

La voie européenne. En octobre 1990, un Conseilconjoint des ministres de l’Environnement et de l’Ener-gie de la Communauté européenne s’est fixé l’objectifde stabiliser en l’an 2000 les émissions européennes deCO2 au niveau de 1990. En 1991, la Commission tradui-sit cette orientation par l’obligation pour chaque Etatmembre de créer une nouvelle taxe mixte sur le car-bone et l‘énergie. On évitait ainsi de fixer des objectifscontraignants de réduction et donc de peser trop lour-dement sur l’activité économique. L’Union européennea estimé raisonnable de soumettre cette mesure àl’adoption d’une taxe comparable dans les autres pays

de l’OCDE et a proposé cette approche du pro-blème climatique lors de la conférence de Rio.

Cette proposition a été rejetée par les autresmembres de l’OCDE en 1995 lors de la conférence deBerlin. Au sein de l’Union même, les lobbies nucléaires,pétroliers et les grands secteurs consommateurs d’éner-gie ont fait campagne pour l’abandon de cette taxe.

Un marché mondial de l’air. C’est finalement lemécanisme international d’échange de droits d’émis-sion qui s’est imposé comme instrument central du pro-tocole de Kyoto, adopté en décembre 1997, et dontl’objectif est une réduction de 5,2 % des émissions degaz à effet de serre des pays développés entre 2008 et2012 par rapport au niveau d’émission de 1990. Néan-moins, les parties prenantes n’ont pu s’entendre surune définition précise des règles présidant à l’échangede permis négociables.

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1. LES ETATS : CONCEPTEURS ET MAITRES D’ŒUVRE

La conférence de Rio, où 178 Etats étaient officiel-lement représentés, souvent par leur chef d’Etat ou degouvernement, a entériné au plus haut niveau la liai-son entre environnement et développement. De fait,elle est apparue comme le signe politique majeur de lavolonté des Etats de placer le XXe siècle sous le signe dudéveloppement durable.

Une application inégale selon les Etats. LesEtats sont les acteurs clé tant des politiques nationalesque des politiques internationales de développementdurable. Ils en sont à la fois les concepteurs et lesmaîtres d’œuvre. En adoptant l’Agenda 21t, les Etatssignataires ont accepté de nombreux engagements,dont l’application varie beaucoup selon les cas. Cettedisparité s’explique en partie par l’inégalité des moyensfinanciers dont ils disposent, par leur niveau de déve-loppement et leurs capacités institutionnelles. Elletémoigne aussi de l’influence de divers groupes depression, industriels, sociaux ou écologistes, qui tententd’imposer leurs vues dans l’élaboration des politiquespubliques. Pour faciliter ce travail de conception poli-tique, il faudrait en confier la charge à une institutionunique, une sorte de super-ministère qui contrôleraitles activités de tous les autres départements gouverne-mentaux.

Arbitrer des conflits d’intérêt. Les débats encours dans de nombreux pays sur diverses questionsd’environnement révèlent l’acuité des divergencesd’intérêt au plan domestique, aussi bien entre les dif-férents ministères qu’entre les intérêts publics et pri-vés. Ces conflits aboutissent souvent à un arbitragesoumis à des pressions multiples et contradictoires, quipeut aller à l’encontre d’intérêts collectifs reconnus. Atitre d’exemple, l’autorisation récente de commercia-liser des produits contenant des organismes généti-quement modifiés (OGM) dans plusieurs pays euro-péens a été donnée contre l’avis d’une majorité decitoyens.

L’impossibilité d’agir seul. Par ailleurs, avec l’in-tégration croissante des économies, les Etats ont deplus en plus de mal à mettre en œuvre de manière uni-latérale des mesures ou des politiques nationales ins-crites dans une stratégie de développement durable. Ledébat sur la biodiversitét illustre cette contradiction : labiodiversité est placée sous la souveraineté des Etats,mais sa protection ne saurait relever exclusivementd’interventions publiques nationales. De même, l’auto-risation de mise en culture à grande échelle d’OGMdans certains pays limite les marges de manœuvre dontdispose chaque Etat pour contrôler les risques liés àcette innovation : l’interdiction de production d’OGMdans un Etat risque de le marginaliser, ses produits pou-vant être concurrencés sur le marché mondial par desbiens contenant des OGM. Là encore, une solutioninternationale permettant de gérer les risques liés àl’utilisation d’OGM est recherchée à travers le proto-cole sur la biosécurité, qui fait actuellement l’objet denégociations dans le cadre de la conférence sur la bio-diversité.

La résolution d’une série de problèmes est ainsi ren-voyée à l’échelle internationale et nécessite une coor-dination ou une harmonisation des politiquespubliques ou des comportements d’acteurs privés.Cette coordination passe non seulement par des règles,mais également par des institutions internationales àrenforcer ou à construire.

2. LES INSTITUTIONS INTERNATIONALES

A. Le développement durable dans le système desNations unies

Du Pnue à la CDD. A la suite de la conférence deStockholm de 1972, l’Assemblée générale des Nationsunies a créé un organe subsidiaire, le Programme desNations unies pour l’environnement (Pnue), chargé depromouvoir des actions en faveur de l’environnementet d’appliquer le plan d’action défini à Stockholm. LePnue est entre autres à l’origine de l’élaboration denombreuses conventions internationales (protection de

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Fiche 4.A

Acteurs et institutions du développementdurable

Si les Etats sont nécessairement au cœur des politiques de développement durable, ilsdoivent aussi compter sur d'autres acteurs. D'abord sur les organisations internatio-nales, dont le rôle s'approfondit avec la mondialisation. Ensuite sur les organisationsnon gouvernementales, à la fois porte-parole des attentes de la société et experts dudéveloppement. Enfin sur les entreprises, qui sont bien souvent les destinatairesultimes des politiques définies.

tLire lafiche

lexique.

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différentes « mers régionales » ou problèmes glo-baux comme le protocole de Montréal sur lacouche d’ozone, la convention de Bâle sur les mou-vements de déchets toxiques...).

Pourtant, malgré l’effort consenti depuis 1972 etson rôle moteur dans l’établissement de la conférencesur la diversité biologique, le Pnue n’a pas réussi à s’im-poser comme organe central de la conférence de Rio.Faisant l'objet de rivalités avec d’autres agences onu-siennes, ce programme a souffert peu à peu d'uneperte de crédibilité. C’est finalement la Commission dudéveloppement durable (CDD), nouvelle instance issuedu remodelage institutionnel de l’Organisation desNations unies (Onu) lors de la conférence de Rio, qui aété chargée de la mise en œuvre de l’Agenda 21.

Compétences partagées. Malgré ce recentrageau sein d’une entité propre, la gouvernancet du déve-loppement durable au sein du système des Nationsunies est compliquée par l’existence de nombreusesagences de l’Onu qui s’intéressent de près ou de loinaux questions d’environnement et de développement(Organisation des Nations unies pour l’alimentation etl’agriculture, Organisation mondiale de la santé, Pro-gramme des Nations unies pour le développement...).S’y ajoutent nombre de programmes et organisationsrégionaux et les secrétariats des conventions interna-tionales sur le changement climatique et sur la déserti-fication. Deux questions fondamentales doivent êtreposées. La première est celle de la coopération entreorganisations onusiennes. La seconde est celle du poidsde cette configuration institutionnelle par rapport auxinstitutions économiques internationales. Plus généra-lement se pose la question de la réorganisation en pro-fondeur de l’architecture institutionnelle du dévelop-pement durable. C’est dans ce sens que plusieurs per-sonnalités politiques ont lancé l’idée d’une superstruc-ture, une Organisation mondiale de l’environnement,sorte de pendant de l’Organisation mondiale du com-merce (OMC).

La Commission du développement durableL’objectif principal de la CDD est d’assurer etd’évaluer la mise en œuvre de l’Agenda 21 enrenforçant la coopération entre les Etats et lesinstitutions dans tous les domaines. La Commis-sion s’est concentrée sur quelques thèmes priori-taires :n Les critères de la durabilitét du développe-ment.n Les ressources et mécanismes financiers.n L’éducation, la science et le transfert de tech-nologies favorables à l’environnement.n Les structures décisionnelles et le rôle des prin-cipaux acteurs en matière d’environnement.La CDD a joué un rôle très important dès sa créa-tion en constituant une base commune de tra-vail entre les pays développés et en développe-ment. La plupart de ces pays se sont dotés d'uneCommission nationale du développementdurable et de stratégies nationales. La CDD a

également permis de créer un forum de discus-sion où les ONG et, de plus en plus, les entre-prises, sont largement présentes. Néanmoins,elle souffre actuellement de deux défauts. D’unepart, elle ne possède pas de réel pouvoir lui per-mettant de faire respecter les engagements dela conférence de Rio. D’autre part, elle est essen-tiellement composée des ministères de l’Envi-ronnement des Etats membres. Pour que la CDDsoit un lieu réel d'élaboration de politiquesinternationales, il faudrait que son agenda detravail porte aussi sur les thèmes économiques etqu’elle puisse mobiliser les ministres de l'Econo-mie et des Finances. En renforçant sa positionsur la politique économique, la CDD pourraitconstituer une base institutionnelle de construc-tion de consensus sur la coordination des poli-tiques et l'harmonisation minimale des normes.

B. Les organisations économiques internationales faceau développement durable

Efforts d’adaptation. Parallèlement aux change-ments en cours au sein du système des Nations unies,les organisations économiques, en premier lieu laBanque mondiale, proposent de faire du développe-ment durable un principe de réorganisation de leursactivités. Mais elles sont peu préparées à faire face à cenouvel enjeu, et ces tentatives de réorientation ontpour l’instant été très critiquées, surtout par les milieuxécologistes, qui qualifient souvent de « saupoudrage »la façon dont ces organisations prennent en compte lesquestions environnementales.

La conversion de l’OCDE. En 1997, à la suite desconclusions rendues par un groupe d'experts, le secré-tariat de l'Organisation de coopération et de dévelop-pement économiques (OCDE) a proposé de faire dudéveloppement durable le principe directeur de ses tra-vaux. L'inflexion proposée par le secrétariat est àprendre au sérieux. Elle ne se réduit pas à un sursautpolitique d'une institution inquiète de son avenir, maistraduit les préoccupations des grandes institutions quiont été les artisans de l'harmonisation des politiqueséconomiques destinée à orienter la mondialisation del’économie. Comme d’autres institutions économiquesmultilatérales, le secrétariat de l’OCDE voit dans ledéveloppement durable le moyen de redonner unelégitimité à son institution et de préparer les négocia-tions économiques de la prochaine génération.

Les timides ouvertures de l’OMC. En 1994, lorsde la signature de l’accord de Marrakech, l’OMC s’estelle aussi dotée d’un organe compétent en matièred’environnement en créant le Comité du commerce etde l’environnement (CCE), alors que le secrétariat duGatt avait toujours négligé ce domaine d’activité.Conçue pour réguler les échanges marchands, l’OMCs’est en effet heurtée à la question de la cohérenceentre les mesures d’application de l’Agenda 21t et lesystème commercial multilatéral. Les politiques envi-

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ronnementales apparaissent de plus en pluscomme une source de différends commerciaux. Defait, si le secrétariat de l’OMC affirme encore quel’Organisation est uniquement chargée de la régula-tion des échanges internationaux, il semble probableque les prochains cycles de négociations commercialesintègreront une série de questions cruciales relatives audéveloppement durable.

C. Une Organisation mondiale de l’environnement ?

Négocier les priorités. Si la conférence de Rio apermis d’identifier le champ général des biens com-munst et du développement durable, c'est aux négocia-teurs des différentes instances internationales querevient la charge de définir et hiérarchiser les priorités.Il n’existe pas de préférence révélée qui permette dechoisir les biens collectifs internationaux qui ferontl’objet d’une action concertée. Ce choix fait l'objetd'une négociation et de procédures de légitimationdans un cadre concurrentiel. La préférence donnée à lanégociation sur le changement climatique par rapportà d’autres questions environnementales en constitueun exemple.

Défaut de gouvernance globale. Les problèmesauxquels font face les Etats dans l’élaboration de leurspolitiques nationales peuvent donc être transposés auplan international, à ceci près que l’on constate undéfaut de gouvernance mondiale du développementdurable. On voit se renforcer la compétence d’organi-sations internationales aux responsabilités très diversesen matière de développement durable. Mais la capacitéde ces institutions à coordonner des dispositifs régle-mentaires et économiques sans cesse plus étendussemble s’affaiblir au fur et à mesure que de nouvellesquestions font l’objet d’un traitement international.

Les composantes du développement durable, entant que biens collectifs internationaux, ne sont doncdéfinies par aucune instance démocratique mondialecomparable à un gouvernement. Pourtant, dansd’autres domaines comme la finance ou le commerce,certains aspects, érigés au rang de biens collectifs mon-diaux, font l’objet d’une gouvernance internationaleindiscutable, bien que critiquée pour son manque dedémocratie. Ce qui a été bâti depuis 40 ans en faveurde la libéralisation des échanges avec la création duGatt puis de l’OMC peut-il être reproduit pour luttercontre la pauvreté et la dégradation des écosystèmes ?

Super Pnue ou dissémination d’experts ? L'éta-blissement de normes environnementales internatio-nales qui permettraient de relever les défis en matièrede gouvernance posés par les règles commercialesinternationales et les pressions concurrentielles suscitede plus en plus d'intérêt. La création d'un organismemultilatéral unique qui s'occuperait des questionsinternationales liées à l'environnement et au dévelop-pement durable pourrait éventuellement permettre deregrouper une partie de ces activités.

Cette proposition est à l’origine d’un vif débat

international depuis quelques années. D’un côté,plusieurs gouvernements plaident pour que le

Pnue joue un rôle efficace de coordination desaccords multilatéraux d’environnement, au moins deceux dont il héberge les secrétariats, et prônent la créa-tion d'une Organisation mondiale de l'environnementdont le Pnue serait l'embryon. Il pourrait aussi jouer unrôle d'appui aux stratégies nationales de développe-ment durable et de coordination des instruments éco-nomiques et financiers. D’un autre côté, certains gou-vernements et organisations comme l’OCDE préconi-sent le renforcement de l’expertise environnementaledans les instances dont l’environnement n’est pas l’ob-jectif central, tout en augmentant les soutiens finan-ciers permettant de maintenir de fortes organisationsenvironnementales comme le Pnue. Celui-ci aurait unrôle d’analyse du fonctionnement des écosystèmes etdes impacts des activités économiques, afin d’élaborerdes normes.

Améliorer les institutions internationalesdu développement durable1 Fournir une autorité scientifique. La mise enœuvre d’instruments du développement durableexige l’existence d’un consensus scientifique. Ilfaut en effet gérer l’incertitude. C’est le sensnotamment de la création du Groupe intergou-vernemental d’experts sur le climat (Giec), com-posé de nombreux scientifiques, sans lequel laconvention-cadre sur les changements clima-tiques n’aurait vraisemblablement pas vu le jour.D’autres accords multilatéraux d’environnement(AME), notamment la convention sur la biodi-versité, pourraient s’inspirer d’une telle procé-dure pour obtenir un consensus large sur lesquestions qui font l’objet de controverses,comme par exemple les risques de disséminationgénétique liés aux OGM.

2 Coordonner l’usage des instruments écono-miques et financiers. L’application des conven-tions environnementales fait de plus en plusappel aux outils fiscaux et économiques. L’effica-cité de ces instruments serait sans doute renfor-cée si les institutions impliquées échangeaientleur expérience. C’était la substance d’une pro-position du Pnue, dont le projet de création d’unpanel intergouvernemental sur l’usage des ins-truments économiques des conventions n’a mal-heureusement pas retenu l’intérêt de la commu-nauté internationale.

3 Intégrer le secteur privé et la société civile.D’importants progrès ont été faits pour associerles ONG et le secteur privé dans le processusinternational de prise de décision. Néanmoins,les ONG signalent encore des lacunes démocra-tiques, par exemple en ce qui concerne lerecours juridique. L’idée de donner un rôle cen-tral à la Cour international de justice via la créa-tion d’une Chambre environnementale n’a pas

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abouti. D’autres propositions concernentl’instauration d’une fonction de médiationinternationale de l’environnement, qui pour-rait permettre aux ONG d’intervenir pour queles Etats appliquent les AME. Enfin, une dernièreproposition concerne la création de réseauxinternationaux de compétence sur un nombrelimité d’enjeux d’importance globale, qui asso-cieraient des représentants de la société civile,du secteur privé et des gouvernements. De telsréseaux transversaux permettraient de contrerl’inertie des institutions.

3. LES ONG, RELAIS DE LA DEMANDE SOCIALE

Les locomotives. Historiquement, la demandesociale d’environnement a été portée par de grandesONG écologistes très médiatiques comme Greenpeace,le Fonds mondial pour la nature (WWF) ou Friends ofthe Earth. Elles ont su faire prendre conscience de lafragilité de l’équilibre des milieux naturels, parfois aumoyen d’actions d’éclat. Plus récemment, elles ontcherché à infléchir les règles du jeu internationalesmises en œuvre par les Etats et les institutions interna-tionales. Ces grandes ONG constituent des groupes depression non négligeables. Le WWF compte ainsi unmillion de membres rien qu’aux Etats-Unis et reven-dique 4,7 millions de membres dans une centaine depays.

Les spécialistes. De nombreuses ONG plus secto-rielles ou locales se sont créées à côté de ces poids-lourds. Elles jouent désormais un rôle déterminant dansla constitution d’une conscience environnementale etdans la gouvernance internationale du développementdurable. Souvent moins médiatiques, certaines d’entreelles ont réalisé un important travail de compréhensionet d’explication des problèmes environnementaux etprennent une part active dans la préparation et le suivides grandes conférences internationales. Par exemple,le Résau action climat (Climate Action Network) suit deprès la mise en œuvre des dispositions du protocole deKyoto sur le changement climatique et fournit des ana-lyses sur les mesures possibles de lutte contre l’effet deserret (mécanismes économiques, financiers…). Plusgénéralement, l’insertion d’une société civile organiséedans la gouvernance internationale témoigne de troisévolutions en profondeur.

La professionnalisation des ONG. Les ONG nes’appuient plus seulement sur leur force de mobilisa-tion internationale mais également sur une capacitéd’analyse, de réflexion et de proposition qui s’est beau-coup accrue après le sommet de Rio. Autrefois impli-quées presque exclusivement sur des programmes deconservation de la nature, elles tendent depuisquelques années à investir les grandes questions poli-tiques et économiques du développement durable.WWF International dispose par exemple d'une unitécommerce et investissements. De nouvelles ONG, sortesde réseaux horizontaux d’expertise, comme Ciel

(Centre for International Environmental Law) etField (Foundation for International Environmental

Law and Development), spécialisées dans ledomaine du droit international de l’environnement,apportent une expertise de haut niveau, par exemplesur l’insertion de règles environnementales dansl’OMC.

La reconnaissance institutionnelle. Le jeu insti-tutionnel international s’est ouvert aux ONG. L’Onu aainsi accordé à plusieurs centaines d’entre elles un sta-tut d’observateurs des débats internationaux. Maisc’est surtout l’ouverture progressive des grandes orga-nisations économiques internationales à la sociétécivile qui est marquante. Afin de renforcer le dialogue,certaines de ces organisations ont même créé des ONGdites d’interface, comme le Centre international ducommerce et du développement durable, présidé parun ancien directeur des programmes de l’Union inter-nationale pour la conservation de la nature (UICN), quicoordonne les échanges d’information entre les ONG etl’OMC.

Des positions plus nuancées. Les positions desONG apparaissent aujourd’hui généralement plus nuan-cées que durant les décennies précédentes. Les ONG sontpassées d'une position strictement contestataire à uneposition pro-active, surtout au sein du système onusienavec lequel elles ont tissé des liens solides depuis la confé-rence de Stockholm. Il s’agit moins de dénoncer et derefuser (la mondialisation, la pollution, etc.) que de pro-poser des solutions acceptables, de rechercher des com-promis et des aménagements, de défendre des principeséthiques dans la résolution des questions internationales.Bien que la plupart des ONG continuent d’affirmer leurhostilité à l'approche libérale défendue par les institu-tions économiques internationales, elles ne sont plusaveugles aux évolutions de fond de la mondialisation.Seules quelques organisations non gouvernementalesplaident radicalement pour la suppression de certainesinstances, par exemple pour le retrait des pays membresde l'OMC. En règle générale, la tendance parmi les ONGécologistes est plus de favoriser la mise en place degarde-fous internationaux que de défendre des straté-gies de repli nationaliste.

Partis verts. Il faut également signaler l’apparitionde formations politiques revendiquant non seulementla défense de l’écologie mais aussi la mise en œuvre depolitiques publiques inspirées des principes de dévelop-pement durable. Créées d’abord dans les pays euro-péens, elles tendent à se développer dans les pays duSud, marquant la diffusion de la conscience des pro-blèmes et de la mobilisation en faveur de l’environne-ment. A l’instar des ONG, la plupart des partis vertssont passés d’une condamnation du système capitalisteà des positions plus réformistes, certains acceptantd’être représentés au sein de gouvernements.

Syndicats. Enfin, les syndicats de travailleurs sontdevenus partie prenante de la traduction de la

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demande sociale d’environnement au niveau poli-tique. Cet apport est important, car il crée un lienavec le monde du travail et de l’entreprise et contri-bue ainsi à la diffusion des principes de développementdurable vers de nouvelles sphères. L’engagement enmars 1992 de la Confédération internationale des syn-dicats libres en faveur d’objectifs de développement etd’environnement est une étape importante de ce mou-vement.

Un poids incontestable. L’ensemble de ces com-posantes de la société civile joue un rôle toujours plusimportant dans la dénonciation des problèmes envi-ronnementaux comme dans leur insertion dans lesagendas nationaux et internationaux. Ce poids estdevenu patent avec leur participation à nombre deconférences des Nations unies. Elles sont égalementdevenues un vecteur essentiel de grands choix d’orien-tation économique internationaux, comme cela a puêtre constaté avec l’échec du projet d’Accord multilaté-ral sur l’investissement (Ami) au début de l’année 1998(cf. fiche 4.C.).

4. LES ENTREPRISES : ENTRE PROFIT ET CITOYENNETE

Des partenaires nécessaires. Les entreprises sontaujourd’hui des partenaires majeurs pour l’ensembledes acteurs gouvernementaux ou non gouvernemen-taux. Un développement durable fondé sur une crois-sance économique équitable et responsable demandeune coopération active des firmes. Aucune politique

environnementale, aucun projet d’équité écono-mique à l’échelle internationale ne pourra réussir

sans leur participation. Ces dernières années,nombre d’entreprises ont d’ailleurs montré leur intérêtpour les questions de développement durable. Desréseaux nationaux et internationaux d’entreprises sesont constitués et ont pris part aux conférences inter-nationales sur l’environnement. Cet engouement s’ex-plique avant tout par la volonté de mener un lobbyingintensif auprès des pouvoirs publics pour préserver desintérêts économiques. Mais si certaines firmes sont fon-damentalement hostiles aux politiques de développe-ment durable, d’autres y voient une possibilité nouvellede croissance.

Deux camps. Une partie des entreprises voientdans les politiques nationales et internationales dedéveloppement durable une entrave à leur liberté d’in-vestir, d’innover et donc de se développer. C’est parti-culièrement vrai dans les secteurs où l’incertitude scien-tifique sur les risques environnementaux de certainesactivités est forte, par exemple les biotechnologies oul’industrie nucléaire. A l’inverse, d’autres entreprisesestiment que l’engouement général pour le dévelop-pement durable est porteur de nouveaux marchés. Endéveloppant des stratégies vertes, elles essaient de seplacer sur des créneaux spécifiques de consommationet générer des avantages compétitifs nécessaires à leurcroissance. C’est dans cette optique qu’elles cherchentà former des alliances avec des ONG, notamment dansle cadre de la mise en œuvre d’accords volontaires (éco-

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20 ans d’écologie citoyenne

Conférence d’ONG Action scientifique

26e Forum du Pacifique Sudcondamne la reprise des essaisnucléaires français.

Forum parallèle des ONG lors dela conférence de Rio : rassemble800 ONG, adoption de la chartede la Terre et de traités des ONG.

Conférence Les racines de l’avenir(Paris) rassemble un millier dereprésentants d’ONG du mondeentier pour préparer la confé-rence de Rio.

Appel de Heidelberg : la scienceest génératrice de progrès.

Conférence internationale deVienne (Ascend 21) : 250 cher-cheurs reconnaissent la pluralitédes technologies et des voies dedéveloppement.

Campagne de Greenpeace contrel’immersion d’une plate forme enMer du Nord.

Grand rassemblement indien àAltarima (Amazonie) contre laconstruction d’un barrage. LaBanque mondiale qui finance leprojet recule.

Première manifestation écolo-giste en Bulgarie : Ecoglanost.

L’ONG américaine ConservationInternational achète 65 000 dol-lars de dette bolivienne contre lagestion de 135 000 ha de forêt.

Campagne de Greenpeace contreles déchets dangereux.

Création du Green Belt Move-ment au Kenya, qui a déjàreplanté plus de 10 millionsd’arbres.

Congrès de la Confédérationinternationale des syndicatslibres : L’environnement et ledéveloppement : un programmesyndical.

Les partis écologistes européensobtiennent 30 députés au Parle-ment européen.

En Allemagne, 20 Grünen entrentau Bundestag.

Campagne Action politique

1995

1992

1991

1989

1987

1983

1977

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labels, codes de conduite). Le WWF et Unilever sesont ainsi associés pour créer le Marine Steward-ship Council, organisme destiné à promouvoir la ges-tion durable des pêcheries par l’écocertificationt.

L’action de la Chambre de commerce interna-tionale. C’est également dans cette optique que laChambre de commerce internationale (CCI) animedepuis 1971 un réseau d’entreprises et participe auxconférences internationales sur l‘environnement.D’autres coalitions d’entreprises ont adopté unedémarche similaire, comme le World Business Councilfor Sustainable Development qui a repris à son compteune partie de la déclaration de Rio et incite sesmembres à la mettre en œuvre. Depuis 1993, la CCI s’estfixé un programme d’action en cinq points :

n La promotion de politiques environnementalescompatibles avec le maintien d’un système commercialmultilatéral et ouvert.

n Le lancement d’une campagne mondiale pour sti-muler l’adhésion des petites et moyennes entreprisesdu monde entier à la charte de la CCI pour l’environne-ment et le développement.

n Le renforcement de l’action traditionnelle de laCCI en faveur de l’autoréglementation professionnelle,notamment par l’établissement de codes de conduitesur les échanges internationaux de déchets toxiques,l’assurance des risques industriels.

n La mise en œuvre à l’intention des entreprises deprogrammes de formation dans le domaine de l’envi-ronnement.

n La promotion d’accords de coopération techniquedans le domaine de l’environnement entre les entreprisesdes pays industriels et des pays en développement.

L’engagement du privé en faveur du déve-loppement durablen 1971 Déclaration de la CCI soulignant que

« la protection de l’environnement sera l’un desdéfis majeurs pour tous les pays dans les der-nières décennies du XXe siècle. »

n 1972 La CCI participe à la conférence deStockholm.

n 1974 La CCI énonce des principes directeurspour la mise en œuvre des engagements de1971.

n 1984 Wicem I : Première conférence industrie- environnement à l’initiative de la CCI et du Pnud.

n 1986 Création du Bureau internationalpour l’environnement à Genève, financé par 25grandes entreprises et proposant une assistancetechnique aux autorités et entreprises des paysdu Sud confrontés à des problèmes de pollution.

n 1987 La CCI participe à la convention sur laprotection de la couche d’ozone (Montréal).

n 1988 La CCI participe à la convention sur lesmouvements transfrontaliers de déchets (Bâle).

n 1991 Wicem II, organisé avec le Pnue à Rot-terdam, en préparation de la conférence de Rio :« La protection de l’environnement dans des condi-tions optimales demande une croissance écono-mique forte qui à son tour pour être durabledépend de la protection de l’environnement. »

n 1992 Constitution du World Business Coun-cil for Sustainable Development : « Réconcilier ledéveloppement de l’entreprise et la protectionde l’environnement. » Publication de la chartede la CCI pour le développement durable.

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1. RISQUES CLIMATIQUES : DE LA CONTROVERSEAU CONSENSUS

A. La mesure du réchauffement

Les constats globaux. Depuis le début de l'èreindustrielle, on assiste à une hausse de la concentrationdes gaz à effet de serret dans l'atmosphère. La teneuren CO2 a crû de 30 % et celle de méthane de 145 %depuis le XVIIe siècle. Des gaz à effet de serre jus-qu'alors absents de l'atmosphère sont apparus, commeles chlorofluorocarbures (CFC), créés par l’homme. Laplupart de ces gaz ont une durée de vie très longue, aumoins deux siècles pour le CO2 notamment. Parallèle-ment, les scientifiques ont constaté une augmentationrapide de la température de la Terre au cours du XXe

siècle (entre 0,3 et 0,6°C). Le niveau moyen des mers aaugmenté de 10 à 25 centimètres.

Les constats régionaux. La tendance au renforce-ment de l'aridité se confirme dans plusieurs régions,notamment au Sahel et en Asie centrale. Les phéno-mènes climatiques extrêmes, comme les sécheresses oules cyclones, semblent s'être renforcés et déplacés versles zones tempérées. Dès lors, la question de l’impactde l’accumulation des gaz à effet de serre et, au-delà,celle de la responsabilité de certaines activitéshumaines dans les évolutions climatiques récentes seposent avec force au monde scientifique.

L’effet de serreL'atmosphère terrestre agit comme un filtre quilaisse passer certains rayons lumineux du soleilet retient suffisamment de chaleur pour assurerà la Terre une température propice à la vie. Cer-tains gaz présents en très faible quantité dans labasse atmosphère ont la capacité d'absorberune partie des rayonnements solaires réfléchispar la Terre, provoquant ce phénomène d’effetde serre : dioxyde de carbone (CO2), méthane(CH4), oxyde nitreux (N2O), etc. Sans l'effet deserre, la température moyenne à la surface du

globe serait de -18°C et non de 15°C comme ellel'est actuellement. C’est donc moins son exis-tence que son intensification qui est inquié-tante.

Recherche internationale. Pour lever les contro-verses, la recherche s'est organisée au plan internatio-nal avec la création en 1988 du Groupe intergouverne-mental d'experts sur l'évolution du climat (Giec). En1996, dans son second rapport, le Giec a arrêté uneposition représentative de la communauté scientifiqueinternationale permettant de lever le scepticisme desmilieux politiques et économiques : la températuremoyenne à la surface de la Terre s’est réchauffée depuisla fin du XIXe siècle, et cette augmentation est liée àl'activité humaine. D’une manière générale, il estdésormais admis que si le rythme d'émission de gaz àeffet de serre se maintient, la température augmenterade 2 à 4°C d'ici à 2100. C'est surtout la rapidité duréchauffement qui est inquiétante : elle pourrait êtreincompatible avec la capacité des écosystèmes et dessociétés humaines à s'adapter à ces nouvelles condi-tions.

B. Des prévisions régionales contrastées

Les plus touchés : l’Afrique et l’Asie du Sud.Les scientifiques restent très prudents lorsqu'il s'agit defaire des prévisions régionales sur le réchauffement cli-matique. Il devrait néanmoins être plus important auxlatitudes élevées, proches des pôles, où il atteindrait ledouble de la moyenne globale ; mais c'est sous les lati-tudes tropicales que ses conséquences seront les plusgraves. Il se traduira en effet par une exagération desconditions climatiques extrêmes (tempêtes, séche-resses, inondations), touchant avant tout les régionsdéjà les plus vulnérables à la sécheresse et aux inonda-tions : Afrique, Asie du Sud, où l'agriculture demeure laprincipale source de revenus pour la population et oùles écosystèmes sont déjà soumis à de fortes pressions.La fonte des glaciers pourrait également menacerl’existence de petits Etats insulaires.

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Fiche 4.B.

Instruments de régulation et jeu des acteursLe cas du climat

La conférence de Kyoto sur les changements climatiques a eu deux résultats majeurs,qui pourraient faire précédent : les Etats développés ont pris des objectifs précis delimitation des émissions polluantes, et la solution libérale a été entérinée commemode de gestion d’un bien d’environnement. Depuis, la concrétisation des engage-ments piétine, et l’on voit les entreprises tenter de prendre de vitesse les Etats en pas-sant des accords volontaires avec des ONG.

tLire lafiche

lexique.

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Modification des écosystèmes. Les change-ments climatiques entraîneraient aussi une modifi-cation de la composition et de la répartition géogra-phique de l'ensemble des écosystèmes. Les zones clima-tiques glisseraient vers les pôles et vers les régions d'al-titude à un rythme trop rapide pour que la végétationet la faune qui lui est associée puissent s'y adapter.Dans l'ensemble, la diversité biologique et végétales’en trouverait diminuée. Néanmoins la productionagricole mondiale pourrait se maintenir au niveauactuel, bien que la situation alimentaire de certainesrégions risque de se dégrader. Les rendements agricolespourraient en effet chuter de 10 à 30 % dans lesrégions soumises à une recrudescence des vagues desécheresse. Les risques de disette et de famine s'accroî-traient dans ces régions.

Crise de l’accès à l’eau. Les précipitations de-vraient augmenter en moyenne, mais selon une répar-tition très inégale dans l'espace et dans le temps.Aujourd'hui, 19 pays souffrent d'un manque d'eau,essentiellement au Moyen-Orient et en Afrique duNord. Leur nombre pourrait doubler d'ici à 2025. EnAsie du Sud-Est, les précipitations renforceraient leseffets parfois dévastateurs de la mousson. Les pro-blèmes d'accès à l'eau potable pourraient se renforcer.L'Organisation mondiale de la santé (OMS) prévoit unerecrudescence de certaines maladies graves comme lafièvre jaune ou le choléra. Une hausse de 3 à 5°Cconduirait le paludisme à s’étendre sur 4 à 17 millionsde kilomètres carrés supplémentaires, menaçant 60 %de la population mondiale, contre 45 % aujourd'hui.

En définitive, les modèles de prévision montrentque les impacts les plus nuisibles des changements cli-matiques se produiront dans les régions du Sud, s’abat-tant sur les populations les plus pauvres, déjà considé-rablement affectées par l’insécurité alimentaire et sani-taire.

C. Causes et responsabilités

Le CO2, premier accusé. La communauté scienti-fique s'accorde à voir dans la hausse de la concentra-tion en CO2 la première cause du renforcement de l'ef-fet de serre. Les deux principales sources de rejets deCO2 d'origine humaine dans l'atmosphère sont la com-bustion des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaznaturel) et la déforestation. Le méthane est ledeuxième gaz incriminé. L'extension de la culture du rizaquatique en Asie et l'augmentation du cheptel desruminants sur l'ensemble des continents sont principa-lement mis en cause. Les rejets des autres gaz à effet deserre sont plus difficiles à estimer.

La responsabilité des pays riches. L’analyse de lacomptabilité des rejets de ces différents gaz a mis enévidence la responsabilité historique écrasante des paysriches dans le renforcement de l'effet de serre. Aujour-d’hui, c’est néanmoins dans les pays en développement(PED) que l’accroissement est le plus fort. La part desPED dans les rejets de CO2 devrait en effet passer de

25 % en 1990 à 37 % en 2020. Sous l'effet de lacroissance démographique et économique, la

demande mondiale d'énergie continuera nécessaire-ment à s'accroître durant au moins la première moitiédu XXIe siècle, même si les techniques les plus efficacesde production et de consommation d'énergie se géné-ralisent.

2. LA LENTEUR DES NEGOCIATIONS INTERNATIONALES

Au débat sur les risques et responsabilités, surlequel la communauté scientifique a trouvé un consen-sus, succède celui sur les solutions à mettre en œuvre.Enjeu d’environnement global, la lutte contre l’effet deserre ne peut être orchestrée qu’au niveau mondial.Elle est d’ailleurs devenue, lors de la conférence de Rio,une question politique internationale majeure. Or l’ap-propriation politique de cette question se traduit parun marchandage planétaire où chaque acteur tente detirer son épingle du jeu, complexifiant d’autant plusl’application de stratégies et d’instruments de régula-tion efficaces.

Chronologie d’une prise de consciencen 1827 J. B. Fourier décrit le phénomène duréchauffement climatique par effet de serre.

n 1873 Création de l’Organisation météorolo-gique internationale, qui deviendra par la suiteOrganisation météorologique mondiale (OMM).

n 1898 Le chimiste suédois S. Arrhénius sug-gère que les émissions de CO2, en renforçantl'effet de serre, pourraient entraîner une haussede la température moyenne de la Terre.

n 1957 Le scientifique américain G. Plassrelance le débat sur la responsabilité del'homme dans le changement climatique. Lesmesures systématiques de CO2 démarrent àHawaï et en Alaska.

n 1967 Les scientifiques S. Manabe et R.Wetherald prédisent un doublement de laconcentration de CO2 d'ici au début du XXIe

siècle et une élévation de la températuremoyenne de l'ordre de 2,5°C.

n 1979 Première conférence mondiale sur leclimat sous l‘égide de l’OMM.

n 1988 Création du Groupe intergouverne-mantal d’experts sur l’évolution du climat (Giec).

n 1990 Premier rapport du Giec qui confirmeque le changement du climat est scientifique-ment fondé. Seconde conférence mondiale surle climat : débouche sur un traité fixant le cadredes négociations entre 137 Etats et la Commu-nauté européenne.

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n 1992 Signature de la convention-cadresur les changements climatiques (CCCC) par154 Etats lors de la conférence de Rio.

n 1995 Première conférence des parties à laCCCC à Berlin sur l’application des engagementspris à Rio. Le Mandat de Berlin précise la res-ponsabilité des nations industrialisées.

n 1996 Deuxième conférence des parties dela CCCC à Genève ; deuxième rapport du GIEC,rédigé par 2000 scientifiques : « Un faisceaud’éléments suggère une influence perceptiblede l’homme sur le climat mondial. »

n 1997 Troisième conférence des parties à laCCCC à Kyoto : adoption d’un protocole en sixpoints esquissant une régulation des émissionsde gaz à effet de serre au niveau international.

n 1998 Quatrième conférence des parties à laCCCC à Buenos Aires : report des questionsimportantes à résoudre au cours des prochainesnégociations, qui ont été listées dans un pland’action.

A. La convention-cadre sur les changements clima-tiques

Précaution et responsabilité différenciée. Cetteconvention constitue la pierre angulaire des effortsmondiaux de lutte contre le réchauffement de la pla-nète. Adoptée lors de la conférence de Rio en juin1992, elle est entrée en vigueur le 21 mars 1994. Ennovembre 1998, elle était ratifiée par 176 pays.

Parmi ses principes directeurs figure le principe deprécautiont : l’absence de certitudes scientifiques abso-lues ne doit pas servir de prétexte pour différer l’adop-tion de mesures quand il y a risque de perturbationsgraves ou irréversibles. Autre principe fondamental,celui de « responsabilité commune mais différenciée »des Etats, qui impose aux pays industrialisés d’être àl’avant-garde de la lutte contre l’effet de serre, et per-met d’envisager l’inclusion d’engagements formels despays en développement. La CCCC impose également uneffort en matière de collecte et de diffusion de l’infor-mation, par exemple des données sur les sources de gazà effet de serre, à travers la communication de rapportsnationaux élaborés par les pays signataires.

Mécanisme financier. L’organe suprême de laconvention est la conférence des parties (CP), qui réunitlors de sessions annuelles tous les Etats qui ont ratifié laconvention (4 réunions ont eu lieu à cette date). Unmécanisme financier placé sous l’autorité de la CP fournitdes financements sous forme de dons ou à des conditionspréférentielles pour aider les PED à s’engager dans lavoie du développement durable. La conférence des par-ties a confié provisoirement la gestion de ce mécanismeau Fonds pour l’environnement mondial (Fem). Les paysles plus riches sont tenus de fournir des ressources finan-

cières additionnelles (c’est-à-dire sans les préleversur l’aide au développement existante) pour assurer

le bon fonctionnement de ce mécanisme

B. Le protocole de Kyoto : des engagements fermes

60 ratifications. Parmi les différents cycles denégociation postérieurs à la signature de la CCCC, celuiorganisé en décembre 1997 à Kyoto marque un véri-table tournant en matière de protection internationalede l’environnement. Plus de 10 000 participants d’hori-zons différents ont pris part à cette conférence des par-ties, où 125 ministres procédèrent à des déclarations.Au terme de plus d’une semaine d’intenses négocia-tions, les parties à la CCCC adoptèrent le protocole deKyoto, ratifié par 60 Etats en novembre 1998.

L’obligation de réduire les émissions. Le proto-cole intègre pour la première fois des objectifs quanti-tatifs fermes de réduction différenciés par pays. Cesengagements contraignants portent sur 6 gaz à effetde serre (CO2, CH4, N2O et trois substituts des CFC) etconcernent uniquement les pays dits de l’Annexe 1(pays développés de l’OCDE et pays d’Europe centraleet orientale). L’Union européenne (UE) s’est engagéesur une réduction de 8 % entre 2008 et 2012 par rap-port à son niveau de 1990. Les Etats-Unis (EU) affichentdes promesses de baisse de 7 %, le Canada, la Hongrie,la Pologne et le Japon de 6 % ; la Nouvelle-Zélande, laRussie et l’Ukraine obtiennent un objectif zéro ; la Nor-vège, l’Australie et l’Islande peuvent augmenter leursémissions, respectivement de 1, 5 et 10 %. Cumulés, cesengagements entraîneraient une diminution globaledes émissions de 5,2 % en moyenne entre 2008 et 2012par rapport à 1990.

Un marché des droits à polluer. Les parties pre-nantes ont défini de nouveaux mécanismes économiquesétablissant pour chaque pays des droits à émettre desgaz à effet de serre. Une fois ces droits acquis, les pays et,au-delà, les entreprises, pourront les échanger, créantainsi un marché des permis négociables. De fait, cetaccord entérine l’abandon de la proposition européennede mise en œuvre d’écotaxes harmonisées au plan inter-national, par exemple sur l’énergie. Le protocole prévoitégalement la création d’un « mécanisme de développe-ment propre » qui permettra aux entreprises de paysindustrialisés de financer des projets pour réduire lesémissions dans les PED en contrepartie de l’acquisition dedroits à polluer supplémentaires. Cette idée de recouriraux instruments de marché pour gérer la nature n'est pasnouvelle, mais créer de toutes pièces un marché plané-taire est un événement sans précédent.

C. Un long chemin à parcourir

Des objectifs insuffisants. Les engagementsquantifiés du protocole de Kyoto, issus du rapport desforces en présence, constituent davantage un renverse-ment de tendance qu’un objectif ambitieux. Ils se réfè-rent en effet au passé (référence 1990) alors qu’il serait

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souhaitable de définir un niveau « soutenable »d’émissions pour l’écosystème terrestre. De l’avisdes experts, l’objectif –5 % apparaît bien faible. Parailleurs, des paramètres qui auraient pu justifier del’équité des engagements, tels que le produit intérieurbrut ou la démographie, n’ont pas été pris en comptepour calculer les taux, malgré des propositions intéres-santes.

Permis négociables et équitéAnil Agarwal, président de l’ONG indienneCentre for Science and Environment, est un par-tisan convaincu du marché de permis négo-ciables. Mais il propose un mode de répartitiondes droits prenant en compte des indicateurs dudéveloppement et évitant les inégalités de trai-tement.« Le marché des droits d’émission pourrait êtrele pivot d’une coopération juste et efficace sitous les Etats de la planète se voyaient attribuerdes permis de pollution en fonction de leurpopulation. L’application de cette propositionimplique au préalable que la communauté scien-tifique définisse le volume total d’émissionsacceptable sans risque de réchauffement clima-tique majeur. Il s’agit ensuite de fragmentercette quantité en émissions annuelles, sujettes àpermis, et réparties entre les Etats en fonctionde leur population. Le système permettrait auxpays d’échanger les droits d’émission annuellenon utilisés. Ceux qui auraient dépassé leurquota pourraient acheter des droits à ceux quine l’auraient pas épuisé. Ce système aurait poureffet d’inciter immédiatement tous les pays, duNord et du Sud, à se tourner vers des modèles dedéveloppement moins consommateurs de CO2.Les pays industrialisés auraient la possibilité deracheter des droits aux pays les plus pauvres à uncoût inférieur à celui des mesures internes delutte contre l’effet de serre. En même temps, lespays en développement seraient encouragés àfaire sans attendre les bons choix énergétiquespour conserver les bénéfices de la vente des quo-tas d’émissions. Le commerce des permis à pol-luer deviendrait une source importante de res-sources financières pour les pays en développe-ment grâce auxquelles ils pourraient adopterdes modèles énergétiques propres. »Cette proposition, de loin la plus équitable, maisaussi la plus coûteuse pour les pays du Nord, apeu de chances de retenir l’intérêt des négocia-teurs.

Un marché bien flou. Le protocole est égalementambigu en ce qui concerne la régulation du marché desdroits d’émission. La transmission des droits acquis parles pays à leurs entreprises suppose de déterminer quelsseront les acteurs économiques qui détiendront les per-mis et sous quelle forme ils leur seront alloués (don ouvente aux enchères), un problème loin d’être réglé. Parailleurs, l’expérience des systèmes d’échange de permis

d’émissions négociables existants montre qu’ils nesont efficaces que dans la mesure où des contrôles

fiables et des sanctions crédibles existent.

Quelles sanctions ? La question des sanctions estun autre écueil du protocole de Kyoto. Certainsaccords, comme le protocole de Montréal sur la couched’ozone, possèdent un système fondé sur des sanctionscommerciales envers les contrevenants. Un système quis’inspirerait de telles dispositions serait inadapté à laquestion du changement climatique, les combustiblesfossiles entrant dans la fabrication de la plupart desproduits faisant l’objet d’échanges internationaux. Al’échelle internationale, en l’absence d’un « gendarmemondial », il semble donc difficile d’imposer des péna-lités économiques à des gouvernements ne respectantpas leurs engagements en matière de réduction des gazà effet de serre. Le respect du protocole repose doncsur la quête de légitimité des Etats envers la commu-nauté internationale et l’opinion publique.

Quelle participation pour les PED ? Les négocia-tions de Kyoto n’ont fait que renforcer la ligne de frac-ture entre le Nord et le Sud sur les stratégies de luttecontre l’effet de serre. C’est là un point essentiel. Lorsdes conférences des parties précédantes, il était admisque les PED n’avaient pas à prendre d’engagementscontraignants en raison de la responsabilité historiquedes pays industrialisés dans les émissions de gaz à effetde serre. A Kyoto, les Etats-Unis sont revenus sur cetteposition. Ils se sont heurtés à l’opposition catégoriquedes PED, qui estiment que les pays riches doivent mon-trer l’exemple en terme de réduction des émissions. Ilapparaît pourtant indispensable que des pays commela Chine, l’Inde et le Brésil, dont les contributions aurenforcement de l’effet de serre s’accentuent, entrentdans l’accord. Ils y auraient d’ailleurs tout intérêt, tantpour des raisons économiques que pour améliorer leursmodèles de développement. Mais pour cela, il fautdéfinir à leur participation des conditions qui tiennentjustement compte de leurs impératifs de développe-ment.

D. L’échec de la conférence de Buenos Aires

L’agenda de la conférence. En novembre 1998, àBuenos Aires, la quatrième conférence des parties à laCCCC devait fixer des règles de répartition des droits àpolluer, les modalités de sanction des contrevenants,les moyens d’élargir le marché au plus grand nombrede participants, notamment les PED, et les règles defonctionnement du mécanisme de développementpropre. Aucun de ces points n’a fait l’objet de décisionsimportantes à cette occasion. La mise en œuvre effec-tive du protocole de Kyoto a été remise à plus tard, laconférence débouchant sur un simple plan de discus-sion des questions à régler lors de la prochaine CP.

Désaccords Etats-Unis/Europe. A Buenos Aires,les Etats-Unis ont réaffirmé que les engagements deréduction des émissions de gaz à effet de serre qu’ils

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avaient pris à Kyoto ne pouvaient être obtenus quesi les parties satisfaisaient deux exigences fonda-mentales : premièrement, l’implication des PED dansles négociations sur la réduction des émissions ; deuxiè-mement, la création rapide d’un marché des droitsd’émission. De leur côté, les Européens ont réaffirméque les objectifs de réduction devaient être atteints enpriorité à l’aide d’efforts domestiques et que les autresmécanismes « flexibles », comme les droits d’émissionséchangeables, pourraient être utilisés de manière com-plémentaire. L’UE a également indiqué que les paysdéveloppés devaient s’engager dans la voie de la réduc-tion des émissions avant d’engager les pays en déve-loppement dans un accord contraignant.

Divergences intra-européennes. Lors des réu-nions préparatoires à la conférence de Buenos Aires, lesEtats membres de l’UE ont toutefois laissé apparaîtredes divergences sur la définition d’un plafond d’utilisa-tion de mécanismes flexibles. L’Allemagne, le Dane-mark et l’Autriche ont proposé que 50 % des objectifsde réduction d’émission soient obtenus à l’aide de telsmécanismes, indiquant que la fixation de ce seuil étaitindispensable pour éviter que des pays comme lesEtats-Unis n’utilisent les permis d’émission échan-geables pour se dispenser de recourir à des mesuresdomestiques de réduction.

Conflit PED/Etats-Unis. Enfin, lespays en développement ont d’entrée dejeu réaffirmé leur rejet en bloc de la pro-position américaine, qui les appelle às’engager volontairement à réduire lesémissions de gaz à effet de serre encontrepartie de la possibilité d’ac-céder aux mécanismes d’échangesde permis. Ils s’opposent à toute obli-gation contraignante tant que lespays développés n’auront pas sensi-blement réduit leurs propres émis-sions et, surtout, tant qu’ils n’aurontpas effectué des concessions plusimportantes en termes d’aide finan-cière et de transfert de technologiespropres vers les pays du Sud. Au fil desnégociations, certains d’entre eux ontexprimé leur volonté de revenir surcette position, en partie du fait desgains possibles issus de la vente desdroits d’émission. Finalement seule l’Ar-gentine, pays hôte de la conférence, aaccepté de prendre des engagements debaisse de ses émissions.

Pressions diverses. La conférencede Buenos Aires s’est donc enferméedans un triangle vicieux : pas de conces-sions américaines sur les mesures domes-tiques, donc pas d’accord européen sur lemarché des droits d’émission et pas d’en-gagement des PED tant que les deux blocs

précédents n’ont pas effectué d’efforts substan-tiels. Force est de constater que la définition de

règles du jeu présidant à la mise en œuvre d’instru-ments de lutte contre l’effet de serre fait l'objet d’ungigantesque championnat de bras de fer auquel parti-cipent non seulement les négociateurs, mais aussi denombreux groupes de pression et tous les acteurs duréseau de décision. La preuve en est la participation,pour la première fois dans une négociation internatio-nale de ce type, de 70 parlementaires du monde entier,dont quelques sénateurs américains hostiles à toutemesure contraignante qui ont certainement joué unrôle important dans l’échec des discussions.

3. UNE REGULATION PRIVEE ?

Déception des ONG. Les ONG écologistes ont ététrès présentes à toutes les étapes de la négociationinternationale sur le climat. Le Réseau action climat,qui fédère de nombreuse ONG, défendait une réduc-tion de 20 % des émissions de gaz à effet de serre d’icià 2005 par rapport au niveau de 1990. Les ONG ontdonc été déçues par la faiblesse des objectifs quantifiésde l’accord, par les modalités de fonctionnement du

marché jugées trop floues et par l’insuffisancedes contreparties financières offertes aux PED

en échange de leur engagement. Néanmoins, del’avis de nombreux négociateurs, le résultat de laconférence de Kyoto aurait pu être encore plus déce-

vant sans la mobilisation des ONG.

Firmes : le vent tourne. De leurcôté, les lobbies industriels s’affi-chent le plus souvent sous le vocable

d’ONG. Les représentants les plus viru-lents, regroupés dans la très puissante associa-tion Global Climate Coalition qui fédère notam-

ment les industries pétrolières,charbonnières et automobiles

américaines, invoquentles conséquences éco-

nomiques des mesuresde réduction des émissions pour

s’opposer à tout engage-ment contraignant. Pris de

vitesse par l’accord deKyoto ils tententdésormais de fai-re pression pour

que les mécanismes de marchéservent au mieux leurs intérêts.

Néanmoins, sentant le venttourner, un certain nombre de

firmes ont pris des mesures unilaté-rales de réduction de leurs émissions. Ducôté des multinationales du pétrole, Elfa annoncé dès fin 1997 un objectif de -15 % de rejets de CO2 d’ici à 2010 ; fin

1998, British Petroleum (BP) et RoyalDutch Shell annonçaient à leur tourdes réductions de leurs émissions de

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10 %, à l’horizon 2010 pour la première et 2002pour la seconde. Dans d’autres secteurs, de grandesentreprises papetières ont également affiché desobjectifs de réduction, comme le géant japonais dupapier Oji Paper, qui a annoncé une baisse de 30 % desémissions pour 2010 par rapport au niveau de 1990.

Alliances ONG/entreprises. Face à la lenteur desnégociations internationale, des initiatives originalesapparaissent du côté du secteur privé et des ONG, quitentent de forger ensemble de nouvelles alliancesconciliant leurs intérêts respectifs. On a ainsi vu l’ONGaméricaine Environmental Defense Fund s’associer à lamultinationale du pétrole BP pour cautionner le pro-gramme pilote d’échange de droits d’émission entredouze des unités de production BP, qui compteraientpour le quart des rejets totaux de CO2 de la firme.

Par ailleurs, la conférence des Nations uniespour le commerce et le développement et l’ONG

Earth Council, présidée par Maurice Strong, l’orga-nisateur de la conférence de Rio, ont créé débutnovembre 1998 une association de promotion du com-merce des émissions internationales (InternationalEmissions Trading Association). Son ambition est demettre en place une bourse internationale d’échangede permis d’émission qui opérerait en attendant l’éta-blissement formel d’un marché entre les Etats et servi-rait d’expérience pilote. Les firmes qui voudraientvolontairement s’engager dans cette démarche pour-raient commencer à s’échanger des titres d’émissiondès 2000. Une telle initiative pourrait bien prendre devitesse les propositions officielles, notamment concer-nant les mesures antipollution domestiques auxquellestiennent tant les Européens.

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Fiche 5.A.

Commerce international et environnementDes relations contradictoires ?

Le double mouvement d’expansion du commerce international et de renforcement desproblèmes globaux d’environnement alimente le débat entre partisans du libre-échange etécologistes. Pour les premiers, la croissance des échanges internationaux améliore l'effica-cité de la production de biens et services et favorise l’augmentation des richesses et lebien-être collectif. Pour les seconds, l’amélioration du bien-être social passe par la protec-tion de l’environnement. il convient d’analyser les arguments des deux camps et de déter-miner dans quelle mesure les deux objectifs peuvent être poursuivis simultanément.

1. LIBERALISATION DES ECHANGES ET ENVIRONNEMENT

Comprendre le débat sur la régulation internatio-nale exige de retourner aux fondements théoriques quile sous-tendent. La globalisation dans lequel prendplace la régulation repose en effet sur des présupposésthéoriques relatifs aux relations entre commerce, crois-sance et développement durable.

A. Le modèle ultralibéral

Le commerce crée de la richesse. Selon la théoriedes avantages comparatifs, une des clefs de voûte de lapensée libérale, dans une économie ouverte exempte derestrictions aux échanges, la spécialisation des pays dansla production de biens et services pour laquelle ils sontrelativement plus efficaces conduit inéluctablement àune augmentation du bien-être (entendu commerevenu) global. Plusieurs études réalisées après les der-nières négociations commerciales estiment que la libéra-lisation des échanges permettrait d’accroître le revenuannuel de 510 milliards de dollars d’ici à 2005 (valeur dol-lar de 1990). Pour les libéraux, ces ressources addition-nelles pourraient servir à financer des investissementsdans la protection de l’environnement, encourager la dif-fusion de technologies propres, réduire la pauvreté, etc.La libéralisation des échanges constituerait donc unmoteur très puissant du développement durable.

L’avantage comparatifDéveloppée au XIXe siècle par David Ricardo, lathéorie des avantages comparatifs prend encompte l’échange de deux produits entre deuxpays. Les coûts de production diffèrent entre lesdeux partenaires, reflétant les différences de pro-ductivité. Le coût comparatif est le rapportd’échange interne entre les deux produits sanséchange international. Dans l’exemple figurantdans le tableau suivant, le coût comparatif du vinpar rapport au drap est plus faible au Portugalqu’en Angleterre.

Portugal Angleterre

1 tonneau de vin 80 heures 120 heures

1 mesure de drap 90 heures 100 heures

Coût comparatif 0,88 1,2

Au Portugal, une unité de vin coûte 80/90 heuresde travail, soit 0,88 unité de drap. Inversement,une unité de drap coûte 1,125 unité de vin. EnAngleterre, une unité de vin coûte 120/100, soit1,2 unité de drap. Inversement, une unité dedrap coûte 0,83 unité de vin.En raisonnant en situation d’ouverture auxéchanges, on s’aperçoit que le Portugal vendraitune unité de vin à l’Angleterre pour 1,2 unité dedrap, et l’Angleterre vendrait une unité de drapau Portugal pour l’équivalent de 1,125 unité devin. Ricardo exprime ainsi sa théorie des avan-tages comparatifs : « Chaque pays a intérêt à sespécialiser dans les produits pour lesquels il a lemeilleur ou le moins mauvais coût comparatif. »Le commerce international est donc bénéfiquepour les deux partenaires, même si l’un d’entreeux est plus productif.

La démonstration de l’OMC et de l’OCDE. Aucours des années 80, de grandes institutions internatio-nales d’inspiration libérale comme l’Organisation mon-diale du commerce (OMC), l’Organisation de coopéra-tion et de développement économiques (OCDE) ou laBanque mondiale, étayèrent cette hypothèse au moyend’observations empiriques simples : en règle générale,au niveau macro-économique, expliquent-elles, la pol-lution croît en fonction du revenu par habitant jusqu'àun seuil au-delà duquel la relation s'inverse (cf. courbeen « U inversé »).

Pour renforcer cette démonstration, ces organisa-tions soulignent que l'existence de barrières auxéchanges a assez souvent entraîné une surexploitationdes ressources naturelles nationales à un coût très supé-

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lexique.

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rieur à celui qu’aurait eu l’importation de ressourceséquivalentes. Elles citent notamment l'exemple desincidences environnementales de la politique agricolecommune de l’Union européenne et les cas de surex-ploitation des ressources forestières dans certains payspratiquant des tarifs douaniers élevés sur les bois brutsou transformés.

B. La critique de l’approche ultralibérale

Coûts sociaux et coûts privés. Par nature, lecommerce international opère une séparation spatialeentre les lieux de production, où se posent générale-ment les problèmes environnementaux, et les lieux deconsommation. Cela signifie que ni les dommages liés àla production de biens, ni les pertes liées à l'usage nondurable des ressources ne sont supportés par les ache-teurs. Dans un cadre international, la dimension d'ex-ternalitét des problèmes environnementaux se mani-feste donc avec acuité, puisque le commerce risqued’accentuer la déconnexion entre les coûts sociaux(coûts pour l’ensemble de la société) et les coûts privés.Les partisans d’une régulation environnementale fortemenés par les organisations non gouvernementales(ONG) écologistes affichent donc leur inquiétude quantaux effets environnementaux du libre-échange.

Spécialisation et surexploitation des res-sources. Les faits leur donnent souvent raison. La spé-cialisation internationale qui découle du modèle desavantages comparatifs tend, selon la dotation en res-sources de chaque pays (capital, travail, richesses natu-relles), à modifier le volume et la répartition géogra-phique des activités de production. Dans le cas des res-sources primaires (agriculture, produits miniers), ellepeut par conséquent conduire à l’intensification desméthodes d’exploitation ou à l’extension de la mise envaleur de ressources non exploitées, non sans effets surla qualité de l’environnement. En France, par exemple,la concentration de l'élevage porcin à proximité des

ports de Bretagne s’est traduite par d’insurmon-tables problèmes de gestion des lisiers, qui sont à

l'origine de la diffusion intensive de nitrates dans lesaquifères. Mais ce sont surtout les pays en développe-ment (PED) qui, poussés à la spécialisation dans le cadredes politiques d’ajustement structurel, subissent lesconséquences sociales et environnementales les plusgraves : la spécialisation peut parfois entraîner la sub-stitution d’écosystèmes riches ou de cultures vivrièrespar des cultures d’exportation.

Ajustement structurel et développementdurablePour remédier au surendettement des pays endéveloppement (PED) et relancer leur crois-sance, le Fonds monétaire international (FMI)et la Banque mondiale ont mis en œuvre despolitiques d’ajustement structurel d’inspirationlibérale. Appliquées à partir des années 80,elles ont pour objectif principal d’inciter lespays sous ajustement à se spécialiser là où ilsont un avantage comparatif. Pour acquérir desdevises étrangères, les PED ont donc renforcéleur spécialisation dans la production de biensprimaires. A titre d’exemple, à la fin desannées 80, 98 % des exportations de la Bolivie,de l’Ethiopie, du Nigeria et du Ghana étaientconstituées par des produits de base. Pisencore, certains pays se sont spécialisés dansl’échange d’un seul et unique bien. C’est le caspar exemple de l’Ouganda et de la Zambiedont environ 90 % des exportations sontconstituées respectivement de café et decuivre.Or, dans de nombreux PED, malgré l’effort delibéralisation et de spécialisation, la chutecontinue et généralisée des prix des matièrespremières a conduit à accroître la productiondes cultures d’exportation, notamment sur lessols les plus riches, réduisant et appauvrissantles terres disponibles pour les productionsvivrières. La pauvreté et la pression environne-mentale se sont aggravées sans régler pourautant le problème de la dette ni favoriser lacroissance.

Le besoin de règles de répartition. Pour nombred’écologistes, la libéralisation des échanges se traduitdonc par une production accrue de biens et servicesgénérateurs de dégradations environnementales. Lecoût de ces dommages pourrait être bien supérieur auxbénéfices commerciaux attendus. En outre, même si lahausse des revenus due à la libéralisation des échangess’avérait supérieure à la hausse du coût écologique,rien ne garantit la répartition et l’allocation efficace deces revenus en faveur de la protection de l’environne-ment. L’histoire enseigne d’ailleurs que durant lespériodes de prospérité, les fruits de la croissance n’ontpas toujours été répartis de manière équitable. Les pro-jections ne sont guère plus rassurantes en termesd’équité : selon les estimations les plus optimistes de

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La courbe en “U inversé“

Concentration de SO2 dans l'air urbain

PIB/tête

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l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en2005, 13 % de la population mondiale se partage-rait 71 % de l’augmentation du revenu mondial.Sans un renforcement des transferts financiers vers lesPED, cette hausse des revenus liée à la libéralisationrisque de peu profiter au développement durable despays les plus pauvres.

Critiques du « U inversé ». Enfin, l’interprétationlibérale de la courbe en « U inversé » sur le lien entrerevenu par habitant et niveau de pollution a elle aussisouffert de nombreuses critiques :

n La croissance n’a pas d'effets mécaniques sur la pro-tection de l'environnement : celle-ci résulte avant tout dechoix politiques.

n La courbe passe par un sommet correspondant à unniveau d’émission de polluants élevé ; à ce stade, l'irrépa-rable peut déjà avoir été commis, certains dommages éco-logiques étant irréversibles.

n La courbe lie l’augmentation du revenu et l’aug-mentation du produit intérieur brut (PIB). Or le PIB retenune tient pas compte de l’état de l’environnement, et l’onsait que, dans la perspective d'un « PIB durable », un payspollueur est un pays qui s’est appauvri.

C. Dépassionner le débat

Des positions plus nuancées. L’affrontementclos entre partisans d'un libre-échange inconditionnelet défenseur de politiques fortes de protection del'environnement a progressivement laissé place à desapproches positives qui ont permis de sortir de cedébat stérile. Les acquis du Sommet de la Terre tenuà Rio en 1992 en témoignent. Sans remettre en causel’ouverture des économies, les textes officiels et lesdéclarations issues du milieu non gouvernementalmettent davantage l’accent sur le souci d’introduirede l’équité dans le système commercial multilatéral.

Quant aux organismes d’inspiration libérale, ilsattribuent toujours au commerce international unrôle primordial dans la protection de l’environne-ment mais admettent la nécessité de politiques del’environnement pour accompagner la libéralisationdes échanges. Ainsi, en 1994, l’OCDE reconnaissaitque « des analyses économiques des liens entre l’en-vironnement, la croissance et les échanges montrentque les relations sont complexes et que la croissanceéconomique n’entraîne pas une diminution automa-tique de la pollution. On n’observe pas non plus danstous les pays la succession des étapes que l’on repré-sente par une courbe dite en U inversé. »

Accompagner la libéralisation. Les termes dudébat ont donc changé. Les pays producteurs, commela communauté internationale, ont intérêt à ce que lecommerce international joue un rôle positif dans laconservation des ressources et que les conditions demarché permettent de prendre en compte les coûtsenvironnementaux. Puisque libre-échange il y a, ildoit être accompagné de politiques de l’environne-ment efficaces. Le débat se focalise désormais sur le

niveau d’efficacité des politiques de l’environne-ment, donc sur le choix des mesures à prendre et

sur leurs interactions avec les échanges.

2. POLITIQUE D’ENVIRONNEMENT ET ECHANGESINTERNATIONAUX : DISCORDES ET ACCORDS

Par nature, les politiques environnementales inter-viennent dans l'allocation des ressources naturellespour en favoriser l'usage raisonné et durable. Ellesinterfèrent ainsi avec la détermination des courantsd'échanges internationaux, inquiétant les partisans dulibre-échange. Pour eux, la protection de l'environne-ment donnera inéluctablement naissance à une nou-velle forme de protectionnisme, le protectionnismevert. Par ailleurs, comme on mesure plus immédiate-ment et plus facilement les coûts des politiques envi-ronnementales que leurs bénéfices, ils concluent facile-ment que ces politiques affaiblissent la compétitivitéinternationale des Etats. C’est en ces termes que sepose le débat sur les effets commerciaux des politiquesde l’environnement.

A. Politique environnementale et compétitivité

La crainte du dumpingt écologique. La mondia-lisation des échanges renforce la concurrence entre desEtats de plus en plus interdépendants. A son tour, lacompétition accrue limite la capacité des Etats à mettreen œuvre des politiques environnementales. Ils sont eneffet confrontés à un problème majeur : un pays quidéfinit une politique de l’environnement, obligeant lesentreprises domestiques, à l’aide de mesures appro-priées, à internaliser les effets externes d’environne-ment, sera plus sensible à la concurrence d’entreprisesde pays étrangers dont les pratiques commerciales relè-vent du dumping écologique, c'est-à-dire qui n'intè-grent pas la protection de l'environnement dans leursactivités productives et offrent donc des produits moinschers. Les industriels opposent souvent aux politiquesenvironnementales la menace de la perte de compétiti-vité.

La délocalisation n’aura pas lieu. En théorie,cela peut inciter certaines entreprises à délocaliser leurproduction dans des pays où les normes environne-mentales sont moins strictes, appelés aussi « havres depollution ». Les entreprises ne manquent d’ailleurs pasde brandir cette menace face au renforcement desmesures contraignantes. Néanmoins plusieurs observa-tions permettent de réfuter cette thèse :

n Au niveau macro-économique, les mesures envi-ronnementales ont peu d'incidences sur la compétiti-vité globale ou sur la structure des échanges, notam-ment sur la délocalisation des activités polluantes. Laprotection de l’environnement n’entrerait que pourenviron 2 % dans les coûts totaux de production.

n Selon certaines hypothèses, les innovations tech-nologiques dans le domaine de l’environnement, enréduisant les coûts globaux, conduiraient plutôt à lacréation d’avantages compétitifs.

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n Les secteurs des biens et services environne-mentaux sont en pleine croissance dans les paysdéveloppés et certaines entreprises trouvent de nou-velles spécialisations sur les marchés « verts ». Selon laCommission européenne, le marché global des indus-tries de l'environnement représente 250 milliards dedollars annuels et croît au rythme de 8 % par an.

Pas de danger pour les grandes firmes… Cesrésultats sont bien sûr à nuancer selon les secteurs, lesactivités ou les pays. La main-d’œuvre, le capital et latechnologie, la différenciation des produits, la natureet l'ampleur de la concurrence internationale, la tailledes entreprises, le cycle de l'investissement, la stabi-lité politique, les infrastructures de transport et decommunication… sont autant de facteurs non envi-ronnementaux déterminants qui compliquent l’éva-luation des effets des politiques d’environnement surla compétitivité et sur la localisation géographiquedes entreprises.

Les secteurs fortement pollueurs et grandsconsommateurs de ressources (industrie pétrolière,chimique, papetière...) sont confrontés à des adapta-tions particulièrement lourdes, dont on pourrait pen-ser qu’elles nuisent à leur compétitivité. Ces entre-prises, dont l'insertion sur les marchés internationauxest forte, ont toutefois les moyens de s’aligner sur lesnouvelles orientations « vertes » du marché. Pourelles, l'internalisation des effets externes environne-mentaux peut représenter une opportunité commer-ciale plutôt qu'une contrainte.

… mais pour les PME et les PED. En règle géné-rale, ce sont les petites et moyennes entreprises quisont les plus affectées par des mesures environne-mentales rigoureuses en raison de leurs plus faiblesréserves financières et de leurs difficultés à tirer partides innovations techniques et de la demande verte.Les entreprises des pays en développement ont éga-lement des difficultés d'adaptation lorsque lesnormes sont définies unilatéralement par les paysimportateurs. De telles politiques obligent parfois lesexportateurs des PED à modifier radicalement leursméthodes de production, voire à se procurer à desprix élevés de nouveaux produits ou de nouvellestechniques pour se conformer aux normes en vigueurdans les régions d’exportation.

B. Le protectionnisme vert

De nouveaux obstacles commerciaux. L’actefinal de Marrakech instituant l’OMC organise l’abais-sement généralisé des droits de douane. Mais à cetteérosion du protectionnisme tarifaire se substitue pro-gressivement un protectionnisme non tarifaire, qui semanifeste notamment par l’instauration de normessanitaires ou par le détournement de normes écolo-giques. Comme le signalent Anderson et Blackhursten 1992, « l'expérience prouve que les tenants duprotectionnisme s'allient souvent de façon très habileavec les mouvements écologistes. Outre leur effet

direct, les problèmes écologiques risquent doncd'être indirectement à l'origine de nouveaux

obstacles au commerce. »

Inquiétudes des PED. Dans les pays développés,ONG écologistes et lobbies industriels font en effetpression auprès de leurs gouvernements pour appli-quer des sanctions commerciales (taxes ou embargossur certains produits) aux pays qui font preuve de« laxisme » en matière d’environnement. Cette évolu-tion inquiète les PED, dont beaucoup sont exportateursde biens intensifs en main-d’œuvre et en ressourcesnaturelles. Ils estiment que le renforcement des normesenvironnementales, sanitaires ou sociales dans les paysdéveloppés constitue trop souvent un moyen de proté-ger leurs marchés contre la concurrence des produitsétrangers. La résurgence de ces nouvelles formes debarrière aux échanges menace de freiner les exporta-tions nécessaires à leur croissance.

Condamnation de l’OMC. Plus globalement, cenouveau protectionnisme risque de saper les efforts delibéralisation des négociations commerciales multilaté-rales passées. Les partisans du libre-échange sont donchostiles a priori à des mesures de rétorsion commercialequi s’appuient sur des arguments écologiques. Les arbi-trages rendus par le Gatt, puis par l’OMC, sur les diffé-rends commerciaux liés à des questions d’environne-ment ont tous penché en défaveur des mesures de pro-tection.

De la légitimité du protectionnisme vertLa difficulté de l'internalisation consiste à tenircompte des coûts environnementaux induits àchaque stade de la vie d'un produit (production,consommation, élimination...) alors que le type,la localisation et l'échelle des dommages causésvarient au cours de ces étapes. Or, l'évaluationdes coûts environnementaux dépend des préfé-rences collectives de chaque communauté. Ainsi,pour les produits de base qui font l'objet de fluxcommerciaux du Sud vers le Nord, la demanded'« éco-compatibilité » du produit sera plusforte dans les pays consommateurs du Nord quedans les pays producteurs du Sud. En consé-quence, un pays A qui souhaite, pour des raisonsde politique intérieure, protéger son environne-ment plus strictement que le pays B avec lequelil échange ne peut légitimement imposer auxproduits importés de ce pays une taxe propor-tionnelle aux nuisances que la production de cesbiens a pu entraîner pour les habitants du paysB. La qualité de l'environnement est un choixunilatéral du pays A, au titre duquel il ne peutexiger aucune compensation des pays qui fontdes choix différents. D'autre part, même si les pays en développe-ment s'efforcent d'internaliser les coûts environ-nementaux, ils ne peuvent, faute de moyens,prendre en charge les externalités internatio-nales liées aux biens communst globaux (climat,

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biodiversitét...). C'est pourquoi la régulationdes problèmes globaux passe par l’établisse-ment d’accords multilatéraux d’environne-ment (AME) qui jouent le rôle d’autorité mon-diale en ce domaine. Dans ce cas, exceptionnelle-ment, des mesures commerciales peuvent être uti-lisées pour veiller au respect des dispositions d’unAME (cas du protocole de Montréal sur la protec-tion de la couche d’ozone ou de la conventionCites sur les espèces sauvages menacées). La com-patibilité entre les mesures commerciales utiliséesen vertu d’un AME et les règles du système com-mercial multilatéral fait néanmoins l’objet d’undébat au sein de l’OMC (cf. fiche 5.B.)

C. Effets commerciaux des accords volontaires

Des outils compatibles avec les règles del’OMC. Les accords volontaires, lorsqu’ils sont ouverts àl’ensemble des produits, domestiques et importés, sousseule condition de respect d’un cahier des charges, sontdes instruments fréquemment proposés pour préserverles ressources naturelles sans aller à l’encontre desrègles du libre-échange. Parmi ces instruments, les pro-grammes d’éco-étiquetage ont connu un succès parti-culier. Par nature, chaque entreprise peut y recourirlibrement sans qu’il y ait théoriquement discriminationcommerciale. L’entreprise qui ne s’engage pas dans detels programmes risque simplement de voir son imagede marque se détériorer auprès des consommateurssensibilisés par l’environnement, au profit d’autres pro-ducteurs dont les produits sont labellisés.

Inquiétude des PED. Historiquement, les pro-grammes d’éco-étiquetage n’ont pas posé de réels pro-blèmes commerciaux Nord-Sud, dans la mesure où ilstouchaient exclusivement des produits peu exportéspar les pays en développement et où les critères d’at-tribution étaient liés aux seuls effets de la consomma-tion du produit (et non pas aux procédés et méthodesde production). Depuis le début des années 90, les pro-grammes d’écolabellisation en vigueur dans les paysdéveloppés s’étendent à d’autres secteurs pour lesquelsles pays en développement sont potentiellement ouréellement exportateurs

Discrimination implicite. Ces labels reposent surl’idée de cycle de viet des produits. Ils incluent lecontrôle des processus et méthodes de production desproduits, qui diffèrent en fonction des conditions socio-économiques et des préférences écologiques des pays.En conséquence, l’application d’un écolabel sur un pro-duit dans un pays donné peut engendrer une discrimi-nation commerciale implicite à l'égard de produits simi-laires importés, dans la mesure où il se réfère à des cri-tères qui reflètent les préférences environnementalesdu pays attribuant le label. En outre, les producteursnationaux peuvent influencer le choix des critères etdes catégories de produits à inscrire dans un pro-gramme national d'éco-étiquetage, de manière à seprotéger contre les importations. Dans ce cadre, les

écolabels peuvent constituer une barrière non tari-faire à l'égard des importations ou une barrière à

l'entrée du marché dans le cas d'industries natio-nales.

Coûts fixes. Via l’exclusion de certaines matièrespremières des processus de production, l’utilisation detechnologies modernes et les procédures de contrôle,les exportateurs des pays en développement font faceà des coûts croissants pour satisfaire aux conditionsd’attribution des écolabels développés par leurs parte-naires commerciaux et, in fine, conserver ou accroîtreleurs parts de marché. Ces coûts fixes sont d’autant pluslourds à assumer que l’unité de production est de faibletaille. La compétitivité des petites et moyennes entre-prises, qui caractérisent le tissu industriel des pays endéveloppement, est, de fait, affectée par ces mesures.

Le conflit thon-dauphinAu cours des années 80, alors que leur industriethonière opère une restructuration qui la rendplus vulnérable à la concurrence, les Etats-Unisaccusent les pêcheurs mexicains de massacrer lesdauphins via leurs techniques de pêche. Ils s’ap-puient sur cet argument pour décréter unembargo sur les produits thoniers en prove-nance du Mexique. Les Mexicains déposent uneplainte auprès du Gatt. Le panel chargé d’arbi-trer ce conflit donne tort aux Etats-Unis. Finale-ment, le label vient renforcer un embargocondamné par le Gatt et dont les objectifs pure-ment protectionnistes seront clairement démon-trés.Appuyés par les écologistes, les industriels amé-ricains ne désarment pas : ils mettent au point lelabel Dolphin Safe, qui apparaît sur le marché duthon en 1990, au moment précis où il sert lemieux les intérêts des grands groupes américainsde la conserve de thon. Les objectifs purementprotectionnistes de ce label sont manifestes. Lesorganisations environnementalistes elles-mêmesen conviennent, Greenpeace admettant que « cequi était une bonne idée au départ a été rapi-dement détourné par l’industrie du thon, quis’en est servi dans une campagne sophistiquéede maquillage vert pour ses propres intérêtsfinanciers. »

L’OMC préfère l’Iso… L’OMC affiche sa préférencepour la normalisation volontaire Iso 14 000 plutôt quepour les programmes nationaux d’étiquetage écolo-gique, dont on voit qu’ils peuvent avoir des effets dis-criminants. Dès sa création, l’Iso a d’ailleurs eu à cœurde faciliter les échanges internationaux en formulantet en harmonisant les normes de production.

… à l’inverse des ONG. Les ONG écologistes dou-tent cependant de la capacité de ces normes à amélio-rer la protection de l’environnement. Selon elles, lesnormes Iso constituent un soutien ambigu aux straté-gies commerciales vertes des entreprises, car elles n’im-

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posent aucun objectif d’amélioration. De nom-breuses annonces publicitaires vantent lesmérites de produits ayant obtenu un certificat Isosans que celui-ci comporte de spécification quant auxperformances environnementales des entreprises. Lecertificat ne peut théoriquement pas être utilisécomme écolabel, mais aucun contrôle de son utilisa-tion n'est effectué, les organismes certificateurs man-quant de moyens pour cela. Par ailleurs, les ONG sou-

lignent le risque que représente pour les PEDl’élaboration de normes globales de référence,

car beaucoup ne possèdent ni la technologie, ni lescompétences, ni les ressources financières pour lesrespecter. Les entreprises des PED, en particulier lespetites, sont mal informées et n’ont pas les moyensfinanciers d’accéder aux normes Iso 14 000, et pour-raient être marginalisées dans ce processus de nor-malisation internationale.

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Fiche 5.B.

L’OMC et l’environnementDepuis 1947, un forum multilatéral de concertation entre Etats s’applique à éliminer lesobstacles aux échanges. L’acte final du cycle d’Uruguay de 1994, a abouti à la création del’Organisation mondiale du commerce (OMC). Parallèlement, au cours des trente dernièresannées, les politiques environnementales et les accords multilatéraux d’environnement sesont développés de façon spectaculaire. Ces deux systèmes interfèrent l’un avec l’autre. Enl’absence d’une organisation mondiale de l’environnement, c’est à l’OMC qu’il revient d’ar-bitrer les différends entre régulation du commerce et régulation de l’environnement. Com-ment cette instance intègre-t-elle les enjeux du développement durable ?

1. LES COMPETENCES ENVIRONNEMENTALES DEL’OMC

Le cadre commercial général. Le système com-mercial multilatéral, régi depuis 1947 par l’Accordgénéral sur les tarifs douaniers et le commerce (Gatt),auquel a succédé en 1994 l’Organisation mondiale ducommerce (OMC), repose sur trois principes fondamen-taux :

1 Non-discrimination entre les membres.2 Réduction des mesures protectionnistes tarifaires

et non tarifaires.3 Interdiction du dumpingt.Les Etats membres du Gatt doivent se soumettre à

certaines règles pour créer un climat favorable auxéchanges. En vertu de l’article I (clause de la nation laplus favoriséet), chaque pays contractant doit étendreaux autres les avantages commerciaux qu’il accorde àl’un d’entre eux. D’après l’article III (traitement natio-nal), les produits importés et les produits domestiquessimilaires doivent être traités de la même manière. Aces règles fondamentales, le système de régulationcommerciale multilatéral a assorti un certain nombrede dispositions, dont certaines concernent la protectionde l’environnement.

A. L’environnement dans les accords de l’OMC

Article XX du Gatt et préambule de l’OMC. Seull’article XX des accords du Gatt fait référence à l’envi-ronnement. Il concerne les exceptions aux règles géné-rales du commerce pour des mesures visant à protégerla santé humaine, animale ou végétale et les ressourcesnon renouvelables. L’accord de Marrakech de 1994 vaun peu plus loin : il inscrit les objectifs de développe-ment durable et de protection de l’environnementdans le préambule du texte fondateur de l’OMC. Sonouverture aux questions environnementales s’est éga-lement traduite par la mise en place d’un Comité ducommerce et de l’environnement (CCE) et par la signa-ture de certains accords commerciaux liés de près ou deloin aux questions environnementales.

Compétences élargies. Parallèlement à l’objectifde libéralisation des échanges, de nouveaux accordsont été signés au terme des négociations commerciales,qui étendent le champ de compétence de l’OMC à desdomaines comme les droits de propriété intellectuelle,le commerce des services, les questions sanitaires etphytosanitaires et les investissements liés au commerce.D’autres accords, comme celui sur les obstacles tech-niques au commerce (OTC) ou sur les subventions etmesures compensatoires, ont été renforcés. Certainesdispositions ont des répercussions sur la protection del’environnement et font l’objet de discussions au seindu CCE.

Extrait du préambule de l’OMCLes parties signataires de l’accord reconnaissentque « leurs rapports dans le domaine commer-cial et économique devraient être orientés versle relèvement des niveaux de vie, [...] l’accroisse-ment de la production et du commerce des mar-chandises et des services, tout en permettantl’utilisation optimale des ressources mondialesconformément à l’objectif de développementdurable, en vue à la fois de protéger et préser-ver l’environnement et de renforcer les moyensd’y parvenir d’une manière qui soit compatibleavec leurs besoins et soucis respectifs à diffé-rents niveaux de développement économique. »

B. Le Comité du commerce et de l’environnement del’OMC

Préserver les principes du libre-échange. Dansune démarche à la fois analytique et normative, le CCEa pour objectif « d’identifier les liens entre les disposi-tions commerciales et les mesures environnementalesde manière à promouvoir le développement durable etde faire des recommandations appropriées pour déter-miner s’il y a lieu de modifier les dispositions du sys-tème commercial multilatéral, en en respectant lecaractère ouvert, équitable et non discriminatoire. »

Deux aspects fondamentaux orientent le travail du

tLire lafiche

lexique.

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CCE. Premièrement, la compétence de l’OMC enmatière de coordination des politiques est limitéeau commerce et aux aspects des politiques environ-nementales qui peuvent avoir des effets notables surles échanges entre Etats membres. En d’autres termes,l’OMC n’est pas une institution de protection de l’envi-ronnement et n’intervient pas dans l’examen des prio-rités nationales ou la fixation des normes en matièred’environnement. Ces tâches continueront de releverde la compétence des gouvernements et d’autres orga-nisations intergouvernementales mieux à même de lesaccomplir. Deuxièmement, si le CCE constate l’existencede problèmes de coordination liés au renforcement dela protection de l’environnement, ceux-ci doivent êtreréglés de façon à préserver les principes du systèmecommercial multilatéral (SCM).

Des résultats décevants. Le mandat du CCE com-porte un agenda de travail ambitieux divisé en dixpoints. Le comité a remis son premier rapport lors de laconférence ministérielle de l’OMC à Singapour endécembre 1996. Pour les organisations non gouverne-mentales (ONG) écologistes, le CCE n’a fait aucuneavancée décisive vers une plus grande synergie entreles politiques environnementale et commerciale. Enparticulier, elles ont été déçues par l’absence de recom-mandations quant à d’éventuelles modifications desrègles de l’OMC dans le sens du développementdurable. Le CCE n’a fait aucune proposition construc-tive permettant d’éclaircir le débat sur les liens entrecommerce international et environnement.

L’agenda de travail du CCE1 Rapports entre les dispositions du systèmecommercial multilatéral (SCM) et les mesurescommerciales prises à des fins de protection, ycompris celles qui relèvent d’accords multilaté-raux d’environnement (AME).2 Rapports entre les politiques environnemen-tales qui intéressent le commerce et les mesuresenvironnementales ayant des effets notables surle commerce et les dispositions du SCM.3 Rapports entre les dispositions du SCM et : a)les impositions et taxes appliquées à des finsenvironnementales ; b) les prescriptions, établiesà des fins de protection de l’environnement,relatives aux produits, y compris les normes etrèglements techniques et les prescriptions enmatière d’emballage, d’étiquetage et de recy-clage.4 Dispositions de l’OMC en matière de transpa-rence.5 Rapports entre les mécanismes de règlementdes différends du SCM et ceux prévus dans lesAME.6 Effets des mesures environnementales sur l’ac-cès aux marchés, notamment pour les PED, etavantages environnementaux de l’éliminationdes restrictions et distorsions aux échanges.7 Exportations de produits interdits sur le mar-ché intérieur.

8 Dispositions pertinentes de l’accord sur lesaspects des droits de propriété intellectuellerelatifs au commerce (ADPIC).0 Programme de travail envisagé dans la déci-sion sur le commerce des services et l’environne-ment.¡ Contribution à apporter aux organes perti-nents pour ce qui est des arrangements appro-priés concernant les relations avec les organisa-tions intergouvernementales et non gouverne-mentales.

2. LES GRANDS POINTS DE DEBAT

A. Processus et méthodes de production (PMP)

Normes de produits, normes de fabrication. Unpays peut être amené à exiger que les produits qu’ilimporte soient conformes aux normes nationales pourpréserver par exemple sa politique de protection del’environnement. Cette décision, légitime d’un point devue national, peut cependant être jugée discriminantepar les partenaires à l’échange puisqu’elle limite l’accèsau marché domestique. L’OMC peut alors être appeléeà arbitrer des différends entre les règles nationalesd’environnement et les règles commerciales générales.

Quand la production justifie les moyens. Envertu de l’article XX du Gatt, l’OMC autorise les Etats àimposer à leurs partenaires commerciaux des règlesd’environnement ou des règles sanitaires portantexclusivement sur les caractéristiques finales des pro-duits : conception, contenu, utilisation, conditionne-ment et étiquetage. En revanche, les Etats ne peuventpas imposer à leurs partenaires des normes portant surles processus et méthodes de production (PMP), desti-nées à réglementer la manière dont les produits sontfabriqués ou transformés.

L’accord sur les obstacles techniques aux commercesautorise les normes sur les processus et méthodes deproduction dans la mesure où les PMP modifient lescaractéristiques finales d’un produit (le texte cite « lescaractéristiques des produits ou les PMP connexes »).Les autres normes sur les PMP, qui peuvent par exempleconcerner les dispositions d'abattage des arbres, lataille des filets de pêche, la période de culture desvégétaux, etc., restent en dehors du champ d’applica-tion de l’accord. Mais jusqu’à présent, les panelsGatt/OMC qui ont eu à arbitrer des conflits entre com-merce et politique de l’environnement ont tous concluque l’adoption de normes PMP consistait une violationdu principe de non-discrimination et exigé la levée desmesures commerciales à finalité environnementale.

Une évolution nécessaire. Pourtant, les processuset méthodes de production non liés aux produits ontde nombreux effets environnementaux sensibles au-delà des frontières : pollution transfrontière, dégrada-tion de la conservation et de la gestion des ressourcesbiologiques transfrontières (espèces migratrices), dété-rioration des biens environnementaux globaux (chan-

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gement climatique). Si la reconnaissance par l’OMCdes PMP non liés aux produits soulève des ques-tions de politique commerciale, elle s’avère indispen-sable du point de vue de la protection de l’environne-ment et du développement durable. Pour pallier cettedifficulté, l’harmonisation ou la reconnaissancemutuelle des normes sur les PMP peut présenter unintérêt. Reste à savoir qui est en droit de décider de lalégitimité des mesures sur les PMP, et selon quels cri-tères.

B. Règlement des différends

Les panels de l’OMC. Les conflits entre commerceet environnement sont apparus à partir des années 70avec la multiplication des mesures commerciales unila-térales prises pour protéger l’environnement, commeles interdictions ou les restrictions d’importation deproduits jugés dangereux pour la santé humaine.Lorsque des différends commerciaux ne peuvent êtrerésolus par un accord bilatéral entre les parties enconflit, ils sont portés devant l’organe de règlementdes différends de l’OMC. Cette nouvelle instance éta-blit un panel d’experts chargé de rendre une décision.Les jugements de ces panels sont déterminants pourévaluer le degré d’intégration de l’environnement dansle système commercial multilatéral.

Franchir le cap du protectionnisme déguisé. Lepanel commence par regarder si les mesures de restric-tion commerciale sont conformes aux exigences du pré-ambule de l’OMC. Il vérifie donc que la discriminationentre les produits dans un but écologique n’est pas« arbitraire ou injustifiable » et ne constitue pas « unerestriction déguisée au commerce international ». Lepanel analyse ensuite la conformité des mesures auxdix exceptions au commerce contenues dans l’article XXdu Gatt.

Jusqu’à présent, toutes les procédures de règlementdes différends ont qualifié les mesures de restrictioncommerciale destinées à favoriser le développementdurable d’obstacles injustifiés aux échanges. CertainesONG estiment pourtant que ces panels ont évitéd’aborder les questions essentielles, comme l’incertitu-det ou le principe de précautiont, auxquelles l’OMC doitapporter des réponses pour mettre en place une juris-prudence commerciale favorable au développementdurable. Deux jugements récents illustrent les contra-dictions qui peuvent exister entre les règles du com-merce international et le développement durable, quele processus de règlement des différends ne peut seulrésoudre.

Le conflit crevettes/tortues. Sous la pression deslobbies écologistes américains, la loi américaine sur laprotection des espèces en voie de disparition a inclusune disposition interdisant la production et l’importa-tion de crevettes capturées par des chalutiers qui n’ap-pliquent pas certaines techniques de pêche protégeantles tortues de mer (filets Turtle Excluder Devices per-mettant de relâcher les tortues). Touchés par cette

interdiction, l’Inde, le Pakistan, la Malaisie et laThaïlande ont porté l’affaire devant l’OMC,

jugeant la loi américaine contraire aux dispositionsdu Gatt (articles I, XI et XIII).

En avril 1998, le panel de l’OMC s’est prononcécontre l’interdiction d’importer décrétée par les Etats-Unis. Tout en reconnaissant que les tortues de mer,espèce migratrice, sont une ressource naturelle com-mune, il exclut les mesures américaines du champ desexceptions environnementales reconnues par l’articleXX du Gatt parce qu’elles portent sur des PMP.

Les techniques utilisées pour la pêche à la crevetteet dénoncées par les Américains tuent cependant descentaines de tortues, espèce menacée d’extinction dontle commerce est réglementé par la convention Cites. Ladécision de l’OMC sape donc les efforts destinés à pro-téger les espèces migratrices, les biens communst d’en-vironnement, à l’encontre des AME existants. Au fond,l’issue de ce conflit révèle que les règles de l’OMC nepeuvent à elles seules assurer la régulation des pro-blèmes environnementaux liés au commerce.

Le conflit sur le bœuf aux hormones. Le conflitsur le bœuf aux hormones a opposé les Etats-Unis (EU)à l’Union européenne (UE). L’Union a décrété une inter-diction sur les importations de viande contenant deshormones de croissance en provenance des EU pour desraisons sanitaires. Elle estimait que des analysesdevaient être menées sur une longue période pour éva-luer les risques que faisait peser la consommation deviande aux hormones sur la santé humaine.

Portée devant l’OMC, l’affaire s’est conclue enfaveur des Américains. Le panel de l’OMC a déclaré l’in-terdiction d’importation de l’UE contraire aux règles del’accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires(MSP) de l’OMC. L’accord indique que pour déterminerle niveau de protection sanitaire qu’ils entendentdéfendre, les Etats doivent « tenir compte de l’objectifqui consiste à réduire au minimum les effets négatifssur le commerce. » Les MSP envisagées ne doivent pasêtre excessivement restrictives par rapport au risqueencouru, et les Etats doivent accepter les mesures sani-taires d’autres membres, même si elles diffèrent desleurs. Deux raisons principales de non-conformité ontmotivé le jugement du panel. Premièrement, la déci-sion de l’UE ne reposait pas sur une norme internatio-nale, comme celles définies par la Commission codexalimentarius créée en 1962 par la FAO et l’OMS etconsidérée comme la référence en matière de normessanitaires alimentaires internationales. Deuxièmement,la mesure européenne n’était pas « scientifiquementjustifiée » puisque le risque encouru n’a pas été évaluéprécisément. La décision du panel, essentielle dans lajurisprudence internationale, peut avoir de profondesrépercussions sur les politiques environnementales etde santé publique de nombreux Etats.

Rejet du principe de précautiont. Même si l’ac-cord sur les MSP renvoie d’une certaine façon au prin-cipe de précaution (article V-7 : « Dans les cas où lespreuves scientifiques pertinentes seront insuffisantes,

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un membre pourra adopter des MSP sur la base derenseignements pertinents disponibles... »), ensituation d’incertitude scientifique, la règle d’inter-prétation joue en faveur du libre-échange au détri-ment de la santé publique. On est loin du principe deprécaution, instrument pourtant reconnu comme indis-pensable à la régulation des problèmes environnemen-taux ou sanitaires.

C. Les interactions entre règles de l’OMC et AME

Les règles commerciales des AME. Le protocolede Montréal pour la protection de la couche d’ozone,la convention de Bâle sur le contrôle des mouvementstransfrontières de déchets dangereux et la conventionsur les espèces de faune et de flore sauvages menacéesd’extinction (Cites) prévoient des mesures commer-ciales pour atteindre leurs objectifs environnementaux.Jusqu’à présent, aucune de ces mesures n’a fait l’objetd’une procédure Gatt/OMC de règlement des diffé-rends.

Dans ses documents de présentation générale,l’OMC estime d’ailleurs qu’il n’y a pas de contradictionentre ses principes fondamentaux de non-discrimina-tion et de transparence et les mesures commercialesprises à des fins de protection de l’environnement, ycompris celles qui relèvent d’AME. Cette question estpourtant inscrite dans l’agenda de travail du CCE, oùelle est très débattue.

Deux types de contradiction. Les obligationsfondamentales liées aux dispositions du Gatt (clause dela nation la plus favorisée et traitement national) et lesmesures commerciales liées à un AME peuvent entreren contradiction dans deux cas :

1 Lorsque ces mesures visent à protéger des res-sources environnementales ne relevant pas de la com-pétence nationale d’un ou plusieurs membres del’OMC, et dont la dégradation n’affecte pas nécessaire-ment, seule ou directement, leur propre environne-ment (problèmes d’environnement transfrontières ouglobaux).

1 Lorsque ces mesures s’appliquent à des pays quin’ont pas ratifié l’AME en question. Il y a alors discrimi-nation en faveur des pays signataires de l’AME. Mais ladiscrimination entre les pays est fondée sur leur adhé-sion à l’AME ou leurs performances environnemen-tales, alors que le fondement principal du Gatt est deprévenir la discrimination en matières d’échanges.

Quelle issue ? Les discussions au sein du CCE por-tent donc sur le type de mesures commerciales prisesdans le cadre d’un AME qui pourraient être jugéesnécessaires dans l’esprit de l’article XX du Gatt. Le CCEtente également de déterminer dans quelle mesurel’OMC aurait un droit de regard sur la négociation etl’application des mesures commerciales de futurs AME.

Certains membres du CCE ont avancé des proposi-tions de résolution de ces problèmes d’articulation.D’aucuns envisagent d’amender l’article XX du Gattpour y inclure une référence aux « mesures prises

conformément aux AME ». D’autres penchent plu-tôt pour l’établissement de critères définissant les

conditions sous lesquelles des mesures commercialespourraient être prises dans le cadre d’un AME pour êtrecompatibles avec les règles du SCM. D’autres encorepréconisent une approche ex-post : l’OMC serait placéeen position d’arbitre, y compris pour les différends liésà des AME. A l’heure actuelle, aucune de ces proposi-tions n’a été retenue officiellement par l’OMC.

D. Propriété intellectuelle et développement durable

Les droits de propriété intellectuelle. Partantdu constat que de nombreux produits ne sont paséchangés uniquement parce qu’ils sont l’objet dereproductions illicites et de contrefaçons, certains Etats,essentiellement des pays développés (et en premier lieules Etats-Unis), ont encouragé la conclusion d’un accordinternational juridiquement contraignant en matièrede propriété intellectuelle. L’accord sur les aspects desdroits de propriété intellectuelle relatifs au commerce(ADPIC) est intervenu en 1994 sous l’égide de l’OMC.

L’accord sur les ADPIC a pour objectif de protéger lapropriété intellectuelle (créations, innovations, savoirs)des pays membres de l’OMC. Pour cela, il favorise l’éta-blissement, la reconnaissance et la protection juridiquede droits de propriété intellectuelle (DPI). Ces droitssont attribués à des acteurs privés pour leur contribu-tion au développement de nouvelles technologies, cequi leur permet de contrôler leur innovation. Ils peu-vent prendre différentes formes : brevets, copyrights,marques déposées, indications géographiques, secretscommerciaux, etc. Concrètement, pour atteindre sesobjectifs, l’accord sur les ADPIC contraint les membresde l’OMC à adopter des outils de protection juridiquesd’ici l’an 2000 et étend les règles clés du Gatt aux DPI(principe de non-discrimination...).

Différents systèmes de protection des DPI.n Brevet. Titre qui confère à l’auteur d’uneinvention industrielle un droit exclusif d’exploi-tation pour un temps déterminé. L’accord sur lesADPIC établit des normes internationales mini-males pour les systèmes de brevet qui incluentl’extension du brevet à la protection de micro-organismes et de processus non biologiques et àla production de plantes ou d’animaux.n Upov (Union pour la protection des obtentionsvégétales). Cette convention de 1978 définit descertificats d’obtention végétale, qui assurent àl’obtenteur d’une nouvelle variété végétale lemonopole de la commercialisation pour unepériode donnée. n Système sui generis. Système de protectionautonome, propre à un Etat, par distinction avecles régimes internationaux de protection intel-lectuelle comme l’Upov ou les brevets.

Renégociation en 1999. L’accord sur les ADPICsera entièrement renégocié dans le cadre de l’OMC àpartir de 1999. Ce sera l’occasion d’aborder la question

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de ses répercussions possibles sur le développe-ment durable, notamment l’articulation entre l’ac-cord sur les ADPIC et la convention sur la biodiversité(CDB), thème central de l’agenda de travail du CCE.

DPI et biodiversité.n Biopiratage. On estime que 90 % de l’informationgénétique et des connaissances traditionnelles sur lesespèces sont localisé dans les PED. Environ 75 % des7000 produits pharmaceutiques dérivés des plantesreposeraient sur des connaissances traditionnelles indi-gènes. Clef de la conservation de la biodiversité, cesconnaissances ne sont cependant pas protégées parl’accord sur les ADPIC. La CDB indique pourtant que lesparties doivent maintenir le savoir traditionnel pourconserver la diversité biologique. Elle stipule égale-ment que les parties qui exploitent ces ressources doi-vent partager les bénéfices avec ceux qui les leur ontfournies. Dans le même esprit, la convention sur ladésertification exige des parties la protection dessavoirs traditionnels et le partage équitable des béné-fices tirés de leur utilisation. Aucune disposition de cetype n’est prévue dans l’accord sur les ADPIC. Par consé-quent, souvent mal informées ou dépourvues desmoyens nécessaires pour acquérir des DPI, la plupartdes communautés locales ne peuvent pas protégerleurs intérêts. Leurs connaissances peuvent être libre-ment appropriées et valorisées par des multinationalesqui, elles, mettent en place des dispositifs de protectionjuridique. Ainsi, selon les Nations unies, les pratiques debiopiratage, c’est-à-dire l’exploitation de savoirs tradi-tionnels sans contrepartie (financière ou autre), repré-

senteraient pour les PED une perte annuelle de 5milliards de dollars en royalties impayées.

Le neem : un exemple de biopiratageLe neem est un arbre à croissance rapide desrégions chaudes de l’Inde. Traditionnellement,les Indiens extraient des insecticides de sesgraines et ont réussi depuis 70 ans à industriali-ser leur production. Ses vertus antiseptiques per-mettent aussi de produire des médicaments, dusavon ou du dentifrice.En 1985, un laboratoire américain a déposé unbrevet sur un extrait de neem qu’il a vendu àune entreprise chimique. Depuis, plusieurs bre-vets ont été déposés sur d’autres dérivés duneem. Pour justifier l’établissement de DPI surces dérivés, les sociétés chimiques insistent sur letravail de synthèse des procédés actifs qu’ellesont réalisé. Elles distinguent ainsi la ressourcenaturelle commune, le neem, des dérivés dontelles auraient la propriété intellectuelle car ellesen sont l’inventeur. Leurs travaux de recherchese sont pourtant inspirés des connaissances tra-ditionnelles indiennes. Mais ces dernièresn’ayant jamais fait l’objet de publication scienti-fique, elles ne constituent pas une entrave audépôt de brevets par les entreprises chimiques.La commercialisation des graines de neem, et ledéveloppement de produits dérivés ont certespermis aux producteurs locaux d’augmenterleurs profits. Mais l’industrie locale a perdu lecontrôle du développement de nouveaux pro-

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duits et tend maintenant à perdre l’accès àla ressource. La commercialisation du neemconduit à l’expropriation de la ressource desutilisateurs locaux par les entreprises multinatio-nales, et donc des savoirs accumulés au cours dessiècles sur l’utilisation du neem.

n Brevetabilité du vivant et biodiversité. Selon l’article27.2 (b) de l’accord sur les ADPIC, les Etats ont le droitd’exclure des brevets les plantes ou animaux autres queles micro-organismes. Ils doivent néanmoins obligatoi-rement trouver les moyens de protéger les variétésvégétales soit par un système de brevet, soit par un sys-tème sui generis. Cette disposition revient à légitimerl’appropriation intellectuelle du vivant, indispensableau fonctionnement d’un secteur concurrentiel où ladiversité biologique devient une marchandise comme

une autre. Cela pourrait donc nuire à la biodiver-sité et avoir des répercussions sur la sécurité ali-

mentaire mondiale : les DPI risquent de conduire àune homogénéisation des variétés végétales, à uneexpansion des monocultures au détriment des culturestraditionnelles.

n Transferts de technologie. Les producteurs et exporta-teurs de technologie semblent les véritables bénéficiairesde l’accord sur les ADPIC. Celui-ci risque d’entraver letransfert de technologies vers les PED, prévu pourtantpar la CDB (article 16). En effet, en renforçant la protec-tion de la propriété intellectuelle, l’accord donne uneposition dominante aux acteurs privés qui fixent eux-mêmes le prix que doivent payer les Etats pour pouvoiraccéder à leur innovation. Les pays en développement neseront pas toujours en mesure de supporter ces coûts.

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Fiche 6.A.

Coopération pour le développement durableL’enjeu financier Nord-Sud

Les mécanismes imaginés pour financer le développement durable au Sud ne tiennentpas leurs promesses : l’aide publique du Nord diminue, l’engagement environnemen-tal de la Banque mondiale laisse à désirer, les projets élus par le Fonds pour l’envi-ronnement mondial traduisent surtout les priorités des pays riches. Les donateursaccusent les gouvernements bénéficiaires de détourner les fonds et, en retour, sonttaxés d’ingérence. Sortir de l’impasse exige sans doute au préalable d’instaurer desrégimes démocratiques et d’améliorer la gouvernance internationale.

1. UN NOUVEL ENJEU DE COOPERATION INTERNATIONALE

Des objectifs de développement. Au niveaumondial, l’aide au développement a appuyé la réalisa-tion de grands projets au cours des décennies passées.Les efforts déployés par les pays en développement(PED), soutenus par leurs donateurs, ont ainsi permis àprès de 1,4 milliard de personnes supplémentaires d’ac-céder à des ressources en eau propre au cours desannées 80. La révolution vertet, qui a contribué au reculde la malnutrition, a largement bénéficié du soutieninternational accordé à la recherche agronomique, audéveloppement de nouvelles variétés culturales, à l'irri-gation, etc.

Au cours des années 90, la série de conférencesinternationales pilotées par les Nations unies sur lesgrands sujets de développement (l'environnement et ledéveloppement à Rio de Janeiro en 1992, les droits del'homme à Vienne en 1993, la population au Caire en1994, le développement social à Copenhague en 1995,les femmes à Pékin en 1995…) a défini un certainnombre d’objectifs au regard desquels mesurer les pro-grès du développement.

Les ambitions du Comité d’aide au déve-loppementBien-être économiqueRéduire de moitié, d’ici à 2015, le pourcentaged’habitants des pays en développement vivantdans l'extrême pauvreté.Développement socialnAssurer une éducation primaire à tous les habi-tants de tous les pays en 2015.n Faire progresser l'égalité entre les sexes et l’au-tonomie des femmes en supprimant toute discri-mination dans l'enseignement primaire etsecondaire d'ici à 2005.n Faire chuter d’ici à 2015 les taux de mortalitédes nouveaux-nés et des enfants de moins decinq ans des deux tiers, les taux de mortalitématernelle des trois quarts.

n Dans le cadre des systèmes de soins de santéprimaires, offrir à tous les individus en âge deprocréer la possibilité d’avoir accès, le plus rapi-dement possible et au plus tard en 2015, à lasanté génésique.Durabilitét et régénération de l’environne-mentMettre en œuvre d’ici à 2005 dans tous les paysen développement les stratégies nationales dedéveloppement durable pour inverser avant2015, aussi bien au niveau mondial qu’au niveaunational, la tendance actuelle à l’érosion des res-sources environnementales.

L’aide plus nécessaire que jamais. La conférence deRio a fixé à la coopération internationale de nouveauxenjeux (protection de l’environnement mondial, améliora-tion des capacités de gestion économique et de politiquesociale, respect de l'Etat de droit et des droits del'homme), qui s’avèrent plus difficilement mesurables etplus complexes que les défis traditionnels.

Selon les instances internationales, ces objectifs nepourront être atteints que si les PED prennent eux-mêmesla direction des opérations, avec la participation de tousles acteurs. Néanmoins, les transferts de technologie et,surtout, les transferts financiers en direction des pays duSud restent les principaux moyens d’amorcer le dévelop-pement durable. Le renforcement de l’aide des différentsacteurs de la coopération au développement, tant en qua-lité qu’en quantité, apparaît plus que jamais indispen-sable. Enfin, l’élimination de la dette extérieure des PEDsemble être une condition préalable à la réalisation dudéveloppement durable. Quels efforts ont été effectuésdans ce sens depuis la conférence de Rio ?

Les transferts de technologieLors de la conférence de Rio, les transferts detechnologies entre pays du Nord et du Sud ontété présentés comme l’une des clefs du dévelop-pement durable des PED. La réalisation desobjectifs d’amélioration écologique des procédés

tLire lafiche

lexique.

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de production industrielle se heurte en effetmoins à des problèmes techniques qu’à la dif-fusion des savoir-faire. Des solutions techniquesexistent, qui permettraient de promouvoir une uti-lisation plus efficace et plus prudente des res-sources naturelles, de lutter contre les gaspillages,de recycler les déchets, etc. Par ailleurs, l’accès desPED à certaines innovations technologiques est cru-cial : les biotechnologies pourraient ainsi jouer unrôle considérable dans la sécurité alimentaire àlong terme.Il apparaît donc indispensable de renforcer le dia-logue et la coopération avec le secteur industrieldes PED pour organiser les transferts de technolo-gie, notamment des procédés de production moinspolluants. La diffusion de l’information sur les nou-velles technologies, l’identification des opportuni-tés et des contraintes de diffusion des technologiesvertes, la promotion du recyclage des déchets, dessystèmes de production « en boucle » et des tech-nologies produisant peu de déchets sont autant deprogrammes de coopération technique internatio-nale qui devraient être appuyés par les pays déve-loppés. Malheureusement, leur mise en œuvre estsouvent limitée par l’insuffisance de ressourcesfinancières.

2. LE FINANCEMENT DU DEVELOPPEMENTDURABLE

Le secrétariat de la conférence de Rio a évalué lecoût global pour les PED des réalisations prévues dans

l’Agenda 21t à plus de 600 milliards de dollars paran en moyenne entre 1993 et 2000. Environ 125

milliards de dollars, soit près d’un cinquième dutotal, devraient être fournis par la communauté inter-nationale sous forme de dons ou de prêts préférentiels.Ces chiffres sont certes des estimations grossières réali-sées en à peine un mois à la demande expresse desEtats, mais ils permettent cependant de mesurer l’am-pleur des efforts à fournir. Quelques années après Rio,dans quelle mesure les différentes initiatives de finan-cement (gouvernementales ou non gouvernementales,bilatérales ou multilatérales) ont-elles contribué audéveloppement durable ? Quelles ont été les grandestendances d’évolution de l’aide ?

A. L’érosion de l’aide publique au développement

L’inaccessible 0,7 % du PNB. Les principaux paysdonateurs, membres du Comité d'aide au développe-ment (Cad) de l’OCDE, consacrent chaque année entre50 et 60 milliards de dollars à l’aide publique au déve-loppement (APD). Ce montant est inférieur à l’estima-tion grossière réalisée à Rio du supplément d’aidefinancière nécessaire à court terme pour faire face ausurcoût du développement durable (70 milliards par anjusqu'à l’an 2000). Des 21 membres du Cad, seulsquatre (Norvège, Danemark, Suède et Pays-Bas) attei-gnent régulièrement l'objectif de 0,7 % du produitnational brut (PNB) fixé à l’APD par les Nations unies en1970. De 1970 à 1992, le volume d’ADP des pays du Cada progressé lentement, passant de 0,3 à 0,4 % du PNB.Bien qu’ils aient réitéré à Rio leur engagement d’at-

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teindre l’objectif de 0,7 % du PNB, le volume d’APD arégressé depuis 1992, tant en valeur qu’en pourcentagedu PNB. Il représentait en 1997 47,6 milliards de dollars,soit 0,22 % des PNB combinés des pays du Cad, le plusbas niveau relatif jamais atteint. Cette diminution tientessentiellement aux coupes sombres réalisées par lessept pays les plus riches (pays du G7) au cours des der-nières années.

Inquiétudes. Nombre d’organismes internationauxet d’organisations non gouvernementales (ONG) affi-chent leur préoccupation face à cette érosion continuede l’APD. De l’avis du Cad, « la communauté interna-tionale doit poursuivre et intensifier l’APD afin d’inver-ser la tendance à la marginalisation des pauvres etd’obtenir des avancées vers des objectifs réalistes dedéveloppement humain (...). Les préoccupations natio-nales que connaissent certains pays membres nedevraient pas compromettre l’effort international dedéveloppement en cette période critique. »

Le poids du bilatéral. La contribution de l’aidebilatérale au développement des pays du Sud est pri-mordiale, bien qu’elle obéisse souvent aux intérêts éco-nomiques et stratégiques des pays donateurs. En parti-culier, de nombreux pays conditionnent le versementde l’aide à l’achat par le pays bénéficiaire de biens etservices provenant du pays donateur (aide liée).

Plus pour l’environnement. Les aspects environ-nementaux du développement durable représententune part croissante de l’aide des pays du Cad. Le finan-cement de la protection de l’environnement au Sud estaussi devenu un enjeu de politique étrangère pournombre de bailleurs bilatéraux. Démarrée dans les paystraditionnellement sensibles à l’environnement (pays

scandinaves, Allemagne…), l’aide bilatérale spécifiqueà l’environnement s’est ensuite étendue à l’ensembledes donateurs après la conférence de Rio.

B. Les financements multilatéraux

Moins touchés que l’aide bilatérale. Les coupesréalisées par les pays du Cad dans le volume d’APD tou-chent davantage les fonds bilatéraux que les fonds multi-latéraux, de sorte que l’aide multilatérale s’est maintenuedans une fourchette comprise entre 17 et 19 milliards dedollars depuis 1992 (18 milliards en 1997). La stagnationdes financements nationaux alloués au système desNations unies et aux banques multilatérales de dévelop-pement n’en demeure pas moins préoccupante. Les insti-tutions multilatérales restent en effet la pierre angulairedes efforts déployés par la communauté internationalepour faire avancer le développement.

Le rôle central de la Banque mondiale. Bienqu’une partie des financements du développementdurable soit allouée par les organisations onusiennes(Pnud, Pnue…), la Banque mondiale est le principalacteur de l’aide multilatérale. Depuis le début desannées 90, elle a nettement fait évoluer sa politique dedéveloppement : entre 1986 et 1994, elle a financé 120projets liés à l’environnement, soit un total de prêts de9 milliards de dollars. Dans les faits, il est très difficilede distinguer la composante strictement environne-mentale des projets, d’où le scepticisme de certainesONG sur la réelle réorientation « verte » des finance-ments de la Banque.

Quatre grands types d’activité. La Banquefinance quatre grands types d’activité liés au dévelop-pement durable :

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1 Aider les pays membres à fixer des priorités, àrenforcer les institutions et à formuler des poli-tiques environnementales et des stratégies de déve-loppement durable.

2 Faire en sorte que les activités de prêts de laBanque prennent en compte les préoccupations envi-ronnementales à chaque stade de la préparation, de laconception et de l’application des projets.

3 Aider les pays membres à tirer parti de la com-plémentarité existant entre la lutte contre la pauvretéet la protection de l’environnement : maîtrise de ladémographie, programmes de lutte contre la pauvreté,amélioration de la condition des femmes, installationsd’assainissement, eau potable, etc.

4 S’attaquer aux problèmes environnementauxinternationaux, via le Fonds pour l’environnementmondial (Fem).

Le Fonds pour l’environnement mondialCréé en 1990, le Fem, géré par la Banque mon-diale, le Pnue et le Pnud, constitue une véritableinnovation dans le financement multilatéral dudéveloppement durable. Il vise à fournir aux PEDles fonds nécessaires pour financer les surcoûts

liés à l’application des accords multilatérauxd’environnement. L’aide du Fem aux PED prendla forme de subventions à des projets d’investis-sement, d’opérations d’assistance technique, etdans une moindre mesure d’activités derecherche. Elle concerne essentiellement quatregrands types de problèmes environnementaux :la protection de la biodiversitét, les change-ments climatiques, la protection des eaux et lacouche d’ozone.Pour bénéficier d’un financement du Fem, unprojet environnemental doit posséder un carac-

tère innovant et démontrer l’efficacité d’unetechnique ou d’une méthode particulière. Descritères complémentaires sont pris en compte,comme la contribution du projet à la valorisa-tion des ressources humaines (éducation et for-mation) et les modalités prévues pour l’évalua-tion et la diffusion des résultats.On reproche au Fem d’avoir choisi son champd’intervention en fonction des préoccupationsdes pays développés et de négliger celles du Sud.Les projets sur la désertification, par exemple,seraient surtout financés dans la mesure où ilsconcernent aussi le changement climatique glo-bal. Le concept de coût incrémental dont il est àl’origine est également contesté : il s’agit du sur-coût lié à la mise en œuvre du développementdurable, calculé par rapport à une situation deréférence montrant ce que le pays aurait « nor-malement » dépensé pour préserver son envi-ronnement. Les pays du Sud ont perçu cettenotion comme un moyen pour les bailleurs defonds de limiter leur contribution au finance-ment de la protection de l’environnement glo-bal.Ces débats ont entravé les premiers pas du Fem.Tout ce qui pouvait être compris comme undéveloppement économique, social et environ-nemental « normal » a été laissé à la charge desPED et des mécanismes financiers traditionnels.Les projets éligibles auprès du Fem étaient doncsoit coûteux, soit de portée marginale. A partirde 1994, une nouvelle grille plus souple a étéadoptée, autorisant le financement de projetsoriginaux rejetés par d’autres bailleurs au profitd’options plus traditionnelles. Le Fem a égale-ment manifesté la volonté de prendre davan-tage en compte les aspects d’équité entre leNord et le Sud.

C. Le financement public au cœur du conflit Nord/Sud

Affrontements. Les nouveaux enjeux de la coopé-ration internationale pour le développement durableet l’érosion de l’APD sont au cœur des débats Nord/Sud.Les affrontements entre les pays les plus richesmembres de l’OCDE et les PED regroupées au sein dugroupe des 77 sont souvent vifs lors des négociationsinternationales sur l’environnement, avec en toile defond la question du financement du développementdurable.

Les priorités des PED. Pour les PED, la réalisationdes projets de protection ou de restauration de l’envi-ronnement global (limitation des gaz à effet de serret,conservation de la biodiversité...) exige un investisse-ment technique, scientifique et financier qu’ils ne sontpas prêts à assumer. Ils invoquent les responsabilitéshistoriques des pays développés dans la dégradationenvironnementale. Par ailleurs, ils réaffirment leurvolonté de privilégier la lutte contre la pauvreté et lasatisfaction des besoins fondamentaux. Nombre

MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - FICHE 6.A. - PAGE 4

Montant annuel des prêts de la Banque mondiale en matière d'environnement (1986-1994)

2500

2000

1500

1000

500

01986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994

25

23

25

12

18

66

21

2*

*Nombre de projets

Millions de dollars

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d’entre eux n'ont pas suffisamment accès à d'autresressources que l’aide et font pression auprès des paysdéveloppés pour qu’ils augmentent leurs finance-ments.

Les conditionnalités vertes des donateurs. Deleur côté, la majorité des bailleurs de fonds bilatérauxou multilatéraux assortissent de nouvelles conditionna-lités vertes à leurs projets de développement. Commetoutes les conditionnalités apposées à l’aide, la condi-tionnalité environnementale comporte deux volets :

nUn volet normatif. Pour accéder aux financementsétrangers, les pays récipiendaires devront se conformerà des critères de protection de l’environnement.

n Un volet positif. En contrepartie, les bailleurs defonds dégagent des ressources additionnelles permet-tant de se conformer à ces critères.

La question de l’ingérence. Dans un contexte destagnation global de l’APD, les PED assimilent souventces nouvelles conditionnalités à une réduction de leurmarge de manœuvre dans l’application de leurspropres politiques de développement. Il est vrai que lesprogrès du droit international de l’environnement mul-tiplient les mesures environnementales que doiventsatisfaire les PED. Le renforcement des conditionnalitésde financement des actions de développement liées àl’environnement confère en outre un poids détermi-nant aux bailleurs de fonds dans les politiques environ-nementales. Les pays bénéficiaires y voient souvent uneingérence, ce qui nourrit les désaccords Nord/Sud.

D. De nouveaux mécanismes financiers ?

Taxer les mouvements financiers spéculatifs. Lesmécanismes de financement du développement durablefont depuis longtemps l’objet de débats. Face à la répar-tition inégale des richesses dans le monde, nombre d’éco-nomistes ont proposé des règles et instruments d’alloca-tion des ressources financières mondiales : taxation inter-

nationale, échanges de droits à polluer contre lefinancement de projets de développement, etc. Le

prix Nobel d’économie James Tobin a ainsi lancé en1972 l’idée d’un impôt sur les transactions financièresinternationales à court terme, qui serait prélevé sur lestransactions en devises. Selon Tobin, ce mécanisme rédui-rait l’instabilité des changes et découragerait les mouve-ments purement spéculatifs. Les recettes de la taxeseraient affectées à l’aide au développement. Au taux de0,1 %, la taxe Tobin procurerait environ 166 milliards dedollars par an, soit, selon les chiffres fournis par le Pnud,deux fois plus que la somme annuelle nécessaire pouréradiquer la pauvreté extrême d'ici le début du XXIe

siècle. D’autres idées ont été proposées pour dégager desressources additionnelles, comme une taxe de 1 % sur lesbillets d’avion.

Le refus de la contrainte. La principale critique deces suggestions est leur difficulté d’application à l’échellemondiale. Ces mécanismes exigent en effet une coordi-nation internationale très étroite qui semble hors de por-tée. Certains pays, comme les Etats-Unis, s’opposent systé-matiquement à des mesures interventionnistes de ce type.Finalement, les possibilités de mise en œuvre de nou-veaux mécanismes de financement du développementdurable sont assez limitées dès qu’elles s’avèrent contrai-gnantes et dès qu’elles sortent d’un cadre de concertationinternational structuré.

La solution libérale l’emporte. Les propositionsqui ont le plus de chances d’aboutir sont celles émiseslors des négociations sur la convention-cadre sur leschangements climatiques. Le Brésil avait proposé laconstitution d’un fonds qui serait alimenté par lesamendes payées par les pays développés qui ne respec-teraient pas leurs engagements de réduction et servi-rait à financer des projets d’utilisation plus efficace del’énergie dans les pays du Sud. A cette proposition, lesnégociateurs du protocole de Kyoto ont préféré uneinitiative d’inspiration plus libérale, le mécanisme dedéveloppement propre : les Etats pourraient augmen-ter leur capital de droits à polluer en contrepartie d’in-vestissements dans les technologies non polluantesdans des PED qui n’ont pas les moyens de les acquérir.L’idée est de donner plus de souplesse aux pays indus-trialisés dans la mise en œuvre de leurs engagementstout en incitant les PED à se joindre à l’effort de pro-tection par la promesse de gains technologiques etfinanciers. Les PED ont accueilli avec intérêt cette pro-position mais ont prudemment réservé leur accord. Ilsattendent de voir le contenu des mécanismes quiseront proposés afin d’être sûrs de ne pas devenir lesprincipaux bailleurs de fonds de la lutte contre leréchauffement de la planète.

3. L’ALLEGEMENT DE LA DETTE

Un poids insupportable. Le rapport Brundtlandsoulignait l’incidence du surendettement des PED sur ledéveloppement durable : le fardeau de la dette est telque beaucoup de pays surexploitent leurs sols et leurs

MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - FICHE 6.A. - PAGE 5

Entre 1990 et 1997, Total : 1,4 milliard de dollars

Projets du Fem : répartition sectorielle des financements

biodiversité

Eaux internationales

Ozone

Changements climatiques

Mixtes :

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ce :

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n°4

0

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ressources naturelles pour l’alléger. Le service de ladette réduit considérablement la part du budgetdes Etats endettés consacrée à la protection de l’en-vironnement, la santé, l’éducation, etc. Par exemple, leservice de la dette de l’Afrique subsaharienne a repré-senté plus de 13 milliards de dollars entre 1990 et 1993,soit plus que la somme nécessaire à la satisfaction deses besoins fondamentaux en matière de santé, d’édu-cation, de nutrition, d’obstétrique et de pédiatrie (9 milliards de dollars environ selon l’Unicef).

Convertir les créances. Le développement de plu-sieurs pays pauvres lourdement endettés dépend doncd'une action internationale concertée pour alléger leurdette. Timidement, les Etats membres du club de Paris(principaux créanciers publics) ont annulé une partiedes créances détenues surtout sur les pays à faiblerevenu. A la fin des années 80, des solutions de conver-sion ont également été proposées pour alléger la dettedes PED, notamment via l’instauration d’un mécanismed’échange « dette contre nature ».

Les échanges dette contre natureSuite à l’annulation par le club de Paris d’unepartie des créances détenues par les PED, etcomprenant que leurs prêts aux pays les pluspauvres ne leur seraient pas remboursés intégra-lement, les banques ont créé un marché secon-daire où s’échangent les créances douteuses àun prix inférieur à leur valeur initiale. Unecréance de 10 dollars peut par exemple sevendre, selon la solvabilité du pays, 1,5 dollar,soit une décote de 85 %. Une ONG du Nord peut

alors acheter ces créances décotées et les céder àune ONG du pays endetté. Cette ONG vend enmonnaie locale les créances décotées à sabanque centrale, qui voit ainsi sa dette exté-rieure s’alléger et ses besoins en devises réduits.Ce mécanisme transforme donc la créance en unfonds de développement durable, dont disposel’ONG locale. L’impact de ce mécanisme sur le développementdurable a pour l’instant été très faible etcontesté, d’une part du fait de la faiblesse rela-tive des montants échangés et d’autre part dufait des piètres résultats des programmes qu’il apermis de financer. Moins de 2 % de la dette dutiers monde ont bénéficié des échanges dettecontre nature, essentiellement à des fins deconservation de la nature (parcs naturels, airesprotégées). Les ONG des pays du Sud y voientgénéralement une ingérence des ONG écolo-gistes du Nord, et estiment que la dette des PED,contractée par des gouvernements non démo-cratiques, est illégitime. Le bénéfice de cette conversion de dette n’estpas toujours évident pour le pays débiteur. Il estvrai qu’elle l’exonère du remboursement endevises, mais il doit débourser en monnaie localeune somme qu’il n’aurait sans doute pas pu rem-bourser en devises. Par ailleurs, un tel méca-nisme ne parviendrait pas à éliminer la totalitédes dettes des PED et ne doit par conséquent pasminimiser la contrainte que représente le suren-dettement pour la mise en œuvre d’un déve-loppement durable dans les PED.

MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - FICHE 6.A. - PAGE 6

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MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - FICHE 6.B. PAGE 1

Fiche 6.B.

Régulation des investissements et développement durable

L’accroissement sans précédent des investissements directs à l’étranger (IDE), phéno-mène clef de la mondialisation de l’économie, est pour certains un espoir de transitionvers le développement durable. Ces investissements permettent en effet d’importantstransferts technologiques et financiers. Mais en l’absence de règles internationales, ilsoffrent aussi à certaines firmes transnationales peu scrupuleuses la possibilité d’ex-ploiter les ressources naturelles et humaines des pays en développement.

1. L’AIDE PRIVEE, SUBSTITUT DE L’AIDE PUBLIQUE ?

Les flux privés supplantent l’aide publique….Les modes de financement du développement se diver-sifient. Au milieu des années 80, l'essentiel des res-sources destinées aux pays en développement (PED)était constitué de financements publics. Aujourd’hui,les apports du secteur privé excèdent largement ceuxdu secteur public ; l’aide privée apparaît de plus en pluscomme une possibilité de relais de l’aide publique.Après avoir chuté dans les années 80, l’aide privée aaugmenté rapidement dans les années 90. En 1992, lapart des capitaux privés dans les apports de ressourcesaux PED est redevenue supérieure à la part du finance-ment public. Mais en 1997, la crise financière en Asieorientale s’est traduite par une contraction des apportsde capitaux privés (206 milliards de dollars en 1997contre 286 milliards en 1996).

… mais privilégient l’Asie de l’Est et l’Amé-rique latine. L’aide privée prend la forme de prêts et

de dons aux conditions du marché financés par le sec-teur privé : investissements directs, prêts bancairesinternationaux, emprunts obligataires, crédits à l’ex-portation, investissements bilatéraux ou multilatérauxde portefeuille, etc. Elle est très sélective dans le choixdes pôles et des secteurs d’investissement : l'Amériquelatine et l’Asie concentrent l’essentiel des flux, au détri-ment de l’Afrique et du Moyen-Orient. Les pays les pluspetits et les moins développés ne parviennent pasencore à attirer ces capitaux, sources potentielles definancement du développement. En outre, les res-sources privées ne vont en règle générale pas directe-ment vers certains secteurs essentiels dont les besoinssont prioritaires comme la santé et l'éducation.

2. LE PROJET D’ACCORD MULTILATERAL SUR L’INVESTISSEMENT (AMI)

La préparation de l’Ami par l’OCDE. On comptede nombreux accords et conventions bilatéraux sur lesinvestissements. Au niveau multilatéral, un accord sur

0

50

100

150

200

250

300

Apports privés… APD

Autres financements

publics

… dont investissements directs

Financement du développement : évolution des apports publics et des apports privés

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997

en milliards de dollars

tLire lafiche

lexique.

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les investissements liés au commerce a été rédigé àl'Organisation mondiale du commerce (OMC). A lasuite de la réunion ministérielle de mai 1995, l’Orga-nisation de coopération et de développement écono-miques (OCDE), qui regroupe les 29 pays les plus richesdu monde, démarrait des négociations visant à établirun accord multilatéral sur les investissements (Ami). Lespays de l’OCDE totalisent près de 85 % des flux d’IDEsortants et 65 % des flux entrants. L’OCDE soulignaitdès le début des négociations que les pays nonmembres de l’OCDE, tout en étant exclus des négocia-tions, pourraient adhérer à l’Ami.

Libéraliser plutôt que réguler. Le projet del’OCDE « vise à accorder aux investisseurs une meilleureprotection contre l’expropriation et contre d’autresmesures arbitraires, à établir des mécanismes de règle-ment des différends et à créer un ensemble uniformede règles portant sur la protection des investisseurs etsur leur accès au marché qui ne sont pas actuellementincorporées dans les traités bilatéraux d’investisse-ment. » L’harmonisation des règles régissant l’IDE,encouragée par l’OCDE, a en fait pour objectif d’élimi-ner progressivement les comportements discrimina-toires de certains gouvernements envers les multinatio-nales, de manière à ce que l’accès aux marchés se fassedans les même conditions pour les firmes étrangèresque pour les firmes nationales. En ce sens, l’objectif del’Ami consiste davantage à libéraliser les investisse-ments qu’à créer un véritable cadre de régulation deceux-ci. L’examen du projet porté par l’OCDE confortecet argument.

A. L’architecture de l’Ami

Trois piliers principaux.1 Les obligations des Etats. L’Ami inclut une série de

principes inspirés du Gatt, dont l’objectif est de proté-ger et de libéraliser l’IDE (clause de la nation la plusfavoriséet, principe de traitement national, transpa-rence). Il contient de plus des dispositions spécifiquesauxquelles les Etats doivent se conformer, comme laréglementation sur les expropriations.

2 Les exceptions. Pour des raisons internes, les Etatspeuvent émettre des réserves sur des secteurs de l’éco-nomie ou des dispositions nationales auxquels ils nedésirent pas voir s’appliquer les règles de l’Ami (excep-tion pour le secteur de la culture, par exemple).

3 Le mécanisme de règlement des différends. Ins-piré de celui en vigueur à l’OMC, il instaurerait une ins-tance d’arbitrage des différends qui pourraient surgir siun investisseur estimait par exemple que les lois envigueur dans un pays ne respectent pas les règles del’Ami, sans figurer pour autant parmi es exceptions pos-sibles.

Comparaison Ami/OMC. Le projet d’Ami semblesimilaire à celui qui a conduit à la création de l’OMC. Ilva cependant bien au-delà, notamment en ce quiconcerne le règlement des différends et les exceptions :

n Le règlement des différends. A l’OMC, il s'effectue

d'Etat à Etat, alors que l'Ami permettrait deconfronter directement les investisseurs aux Etats.

n Les exceptions nationales. A l'OMC, les sec-teurs économiques ne sont pas soumis à l'accord. Il fautfaire une démarche explicite pour les intégrer. Dansl'Ami, c'est l'approche inverse qui prévaut. Tout ce quin'est pas expressément cité comme réserves est inclusde fait dans l'accord. Il faut faire une démarche expli-cite pour les exclure. Par ailleurs, l’Ami comporte unedisposition dénommée effet de cliquet, qui empêchede revenir sur une exception une fois celle-ci levée, ren-dant irréversible toute mesure allant vers davantage delibéralisation.

n Les exceptions de précaution. A l’ OMC, les objec-tifs quantifiés de réduction progressive des droits dedouane que les Etats s’engagent à respecter en vertudu Gatt peuvent être largement supérieurs aux droitsréellement appliqués, ce qui offre une sécurité aux payssignataires. Dans le cadre de l’Ami, le niveau de partici-pation étrangère dans un secteur donné, fixé par unEtat, doit correspondre au minimum au taux en vigueurau moment de la signature de l’ accord. Une fois l’ac-cord signé, les Etats n’auraient donc plus de marge demanœuvre qui leur permettrait de baisser la part desinvestissements étrangers dans le secteur en question.

Protection intégrale. Par ailleurs, sous le chapitre« obligations de résultats », l’Ami prévoit une série dedispositions supplémentaires pour assurer la protectionintégrale de l’investisseur. Aucun Etat ne peut lui impo-ser de respecter une certaine teneur en éléments natio-naux dans la production (intégrer un pourcentage debiens fabriqués localement dans sa chaîne de produc-tion), de transférer de la technologie ou d’établir sonsiège social sur son sol. L’investisseur est égalementlibre de rapatrier tous les fonds et bénéfices sans res-trictions en dehors du territoire où il a investi.

B. L’Ami face au développement durable

Trois points spécifiques. L’OCDE estime que l’Amiassure au développement durable un traitement suffi-sant grâce à trois points spécifiques :

1 Le préambule. Il fait référence aux principes envi-ronnementaux et sociaux existant mais, par définition,n’a aucune force juridique contraignante. Il serait tou-tefois pris en compte lors du règlement des différends.

2 La clause de non-abaissement des normes.Conformément au principe de non-discrimination, lalégislation environnementale devrait s’appliquer demanière uniforme à toutes les entreprises, étrangèresou nationales. Il s’agit d’une part de lutter contre ledumping socialt et environnemental et d’autre part defixer une législation plancher en reconnaissant la supé-riorité du droit international sur la législation natio-nale. Cependant l’efficacité de cette clause dépend desa force contraignante. Or de nombreux pays sontcontre une clause contraignante. Il pourrait lui êtreassortie une exception générale sur les mesures de pro-tection de l’environnement, c’est-à-dire la suspensionde l’accord lorsque les questions d’environnement et

MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - FICHE 6.B. PAGE 2

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de santé publique sont en jeu. Mais cette disposi-tion n’est pas acceptée par toutes les parties.

3 Les annexes. Des principes directeurs destinésaux multinationales en matière de protection sociale etenvironnementale pourraient être annexés à l’Ami. Cesprincipes de référence montreraient la voie à suivre etinciteraient les sociétés transnationales à promouvoir lerespect de l’environnement et la diffusion de technolo-gies propres. Mais comme pour le préambule, ces prin-cipes n’auraient pas de force juridique contraignante.

Satisfaction de l’OCDE. Selon l’OCDE, ces troispoints conditionnent une intégration positive des pré-occupations environnementales dans la régulation desinvestissements. Dès lors, la libéralisation des investis-sements permettrait de favoriser la croissance écono-mique globale, et par là même, le bien-être : les reve-nus supplémentaires issus de la croissance pourraientêtre réinvestis dans l’amélioration des conditions devie, la protection de l’environnement, etc.

La critique des ONG. De nombreuses ONG farouche-ment opposées à l’Ami soulignent que l’accord ne prendpas en compte les principes de Rio. Elles s’inquiètent deseffets sociaux et écologiques de la libéralisation des inves-tissements et regrettent que les négociateurs du projetn’aient répondu que partiellement à leurs préoccupations.Les ONG indiquent ainsi que la concurrence accrue pour-rait inciter les Etats à assouplir les normes environnemen-tales et sociales afin d’attirer les investisseurs, ce qu’uneclause non contraignante de non-abaissement des normesne permettrait pas d’éviter. Pour l’OCDE, ce scénario paraîtpeu probable car les politiques d’environnement répon-dent à une demande sociale forte que l’on ne peut pasignorer. En raison des faibles coûts environnementauxsupportés par les entreprises (1 à 2 %), l’OCDE estime queles exigences en matière d’environnement ne jouent pasun rôle fondamental dans le choix de localisation desinvestisseurs, hormis pour quelques rares secteurs. L’OCDEajoute que les IDE sont des canaux de transmission et dediffusion de technologies propres et qu’il est avantageuxpour les firmes multinationales d’appliquer des processusuniformes de production entre la maison-mère et lesfiliales à l’étranger.

Conflits Ami/environnement. Par ailleurs, plu-sieurs incompatibilités entre les instruments de politiqueenvironnementale et les dispositions de l’Ami ont étérelevées. Ainsi, des normes nationales différenciées selonl’activité d’une entreprise ou son lieu d’implantationpourraient constituer une discrimination entre investis-seurs nationaux et étrangers (cas des sites classés enFrance). Autre exemple : un Etat désireux de préserverson stock de poissons à l’équilibre pourrait décider debaisser le quota global de captures qu’il attribue auxentreprises nationales et étrangères. Ces dernières pour-raient, au titre de l’Ami, considérer la baisse de leurquota comme une expropriation indirecte. La seule pos-sibilité d’éviter un différend de ce type consisterait alors,pour les pays côtiers parties prenantes de l’Ami, à consi-dérer le secteur des pêches comme une exception aux

règles générales de l’Ami. Enfin, des accords volon-taires comme celui passé entre l’entreprise améri-

caine Intel et l’Agence américaine pour la protectionde l’environnement (APE), qui consiste en un contrat per-mettant à Intel d’éviter les lourds dispositifs de mise enconformité aux normes de pollution de l’air américaines(Clean Air Act) sous réserve de satisfaire à des objectifs deréduction d’émission de polluants atmosphériques, pour-raient conduire une entreprise étrangère qui se verraitrefuser un accord similaire avec l’APE à attaquer le gou-vernement américain au titre du non-respect de l’Ami.

Les règles d’expropriation : tous les droitsaux investisseurs, toutes les obligationsaux EtatsL’Ami considère qu’il y a expropriation dèsqu’une modification des législations nationalesconduit à priver l’investisseur de tout ou partiede ses bénéfices. Cette disposition de l’Ami estfondée sur une règle similaire de l’Accord delibre-échange nord-américain (Aléna) concluentre le Mexique, le Canada et les Etats-Unis.Cette disposition, qui pourrait être utilisée pardes firmes estimant qu’une modification des loisécologiques ou sociales d’un pays nuirait à leursintérêts financiers, ne constitue pas un casd’école. En effet, en juillet 1998, le gouvernement cana-dien décidait de lever son interdiction d’impor-tation d’essence contenant un additif jugé jus-qu’alors toxique, le MMT. La firme américaineEthyl Corporation avait, quelques mois aupara-vant, engagé une procédure judiciaire contre lesautorités canadiennes, arguant que l’interdic-tion d’importation constituait une expropriationcontraire aux règles de l’Aléna. La firme améri-caine était effectivement l’unique producteur etfournisseur en MMT du Canada. Ethyl Corpora-tion réclamait 250 millions de dollars de dom-mages et intérêts au gouvernement canadienpour le préjudice subi. Mais la levée de l’em-bargo canadien et l’entente bilatérale sur uneindemnité de 13 millions de dollars à Ethyl Corpont clos l’affaire avant le jugement. Néanmoins,elle a fait émerger de nouveaux différends demême type. Ainsi, la firme américaine S.D. Myersa récemment fait connaître son intention deréclamer 15 millions de dollars de dommages etintérêts au gouvernement canadien pour uneinterdiction d’importation canadienne d’unautre toxique, le PCB, de novembre 1995 àfévrier 1997.Le projet d’Ami pourrait déboucher sur des dif-férends similaires, qui empiètent sur les margesde manœuvre des Etats en matière d’environne-ment, notamment lorsqu’il s’agit de prendre desmesures de précautiont. Les ONG reprennent lar-gement cet argument dans leurs campagnesd’opposition à l’Ami. Elles indiquent par ailleursque la non-discrimination affichée par l’Amin’est qu’un leurre : une firme étrangère pourrait

MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - FICHE 6.B. PAGE 3

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attaquer un Etat alors qu’un investisseurnational aurait des difficultés à le faire ; lesentreprises nationales ne sont pas indemni-sées en cas de modification des lois nationalesalors que les investisseurs étrangers pourraientl’être en vertu de l’Ami.

C. L’échec des négociations

Le conflit Etats-Unis/Union européenne. Au seinde l’OCDE, le débat s’est cristallisé autour de laconfrontation entre l’Union européenne et les Etats-Unis. La discorde porte sur le déséquilibre entre la qua-lité de l’offre européenne et celle de l’offre américaine.L’Union européenne, soucieuse de préserver sonmodèle social et culturel (du moins certains Etats,comme la France), affirme être la zone la moins discri-minatoire entre les investisseurs étrangers et les inves-tisseurs nationaux. Aux Etats-Unis, il existe plus de 400lois qui seraient contraires à l’accord (subventions des-tinées aux entreprises à capitaux américains, marchéspublics attribués parfois selon la nationalité). Cetteopposition a considérablement freiné la signature del’Ami.

La mobilisation des ONG. Au fil des négociations,une mobilisation sans précédent des ONG a bloqué lesdiscussions. Aucun autre accord international à voca-tion économique n’avait jusqu’alors suscité autantd’objections et de tensions au sein de la société civile.L’organisation de la contestation, son étendue interna-tionale, sa vigueur et la rapidité de son émergence ontpris les négociateurs de vitesse. Progressivement, desélus de nombreux pays se sont penchés sur le dossier etont appuyé l’action des ONG. Le Parlement européen aainsi voté une résolution contre l’Ami.

L’abandon du projet. Lors de la réunion dugroupe de négociation d’avril 1998, l’opposition crois-sante des ONG au plan mondial et l’allongement de laliste des exceptions à l’Ami proposées par certaines par-ties ont conduit à reporter de six mois les débats offi-ciels. Durant cette trêve, plusieurs gouvernements lan-cèrent des procédures de concertation avec la sociétécivile. L’une de celles-ci, engagée par la députée euro-péenne Catherine Lalumière pour le compte du gou-vernement français, a abouti au retrait de la France desnégociations. A l’issue d’une ultime réunion organiséele 4 décembre 1998, l’OCDE a définitivement enterréson projet d’Ami, estimant que les négociations « n’ontplus lieu d’être ».

L’échec de l’AmiExtrait du rapport Lalumière : « L’Ami met enlumière un problème essentiel auquel doiventfaire face les gouvernements dans la gestion desrelations entre économies ouvertes, mais souve-raines : comment proportionner les obligationsdes États aux nécessités de l’interdépendance,sans leur imposer des contraintes inutiles quiaboutiraient, de la part des opinions publiques,

à un rejet de l’ouverture ? (...) S’agissant de l’in-vestissement international, on doit se demandersi l’on peut atteindre les objectifs de libéralisa-tion par un accord plus simple et moins attenta-toire à la souveraineté des Etats, car fondé surles seuls principes de libre accès et de non-discri-mination. A notre sens, la réponse est positive. Mais ladémarche est exigeante. Elle exclut à la fois lacontinuité pure et simple ou un aménagementlimité du texte actuel. La négociation devraitrepartir - si cela est possible - mais sur de nou-velles bases pour aboutir à un accord différent.Ce qu’il faudrait éviter :1) Laisser reprendre la négociation sur les basesactuelles. Ce serait la tendance naturelle dusecrétariat de l’OCDE et de certaines déléga-tions. Il est clair que l’opinion publique françaisene l’accepterait pas. D’une part, il serait impos-sible d’obtenir dans ces conditions le rééquili-brage des concessions que demandent les entre-prises et, d’autre part, la contestation des oppo-sants serait toujours aussi vive. Poursuivre lanégociation actuelle ne semble donc ni possible,ni souhaitable. 2) Amender le texte actuel sans changer sonarchitecture. Des améliorations sont certes indis-pensables sur les clauses sociales et environne-mentales et sur la culture (...). Mais ces aména-gements seraient, en eux-mêmes, insuffisantspour réduire la contestation fondamentale del’Ami. »

Un embryon de société civile mondiale. L’Amiaura donc marqué l’histoire des négociations internatio-nales. Alors qu’en 1992, à Rio, des milliers d’ONG ten-taient de s’organiser, de définir des positions et desmoyens d’action communs, six ans plus tard, pour la pre-mière fois, une « société civile mondiale » représentéepar des ONG de nombreux pays communique au-delà desfrontières et produit un discours cohérent et homogènesur les grands enjeux économiques internationaux.

La place d’Internet. Le développement de l’Inter-net contribue beaucoup à cette évolution. Il permet eneffet de diffuser instantanément des textes officielsdont la confidentialité est de plus en plus improbable,des synthèses pédagogiques et des critiques de cesdocuments. Les sujets des négociations économiques,pourtant très techniques, peuvent désormais êtredécortiqués par les réseaux d’experts qu’animent lesONG (juristes, économistes, etc.). Ce travail les conduitensuite à formuler des positions bien argumentées surle plan juridique, puis à les diffuser dans le monde parles réseaux électroniques. Cette évolution est sansdoute irréversible, et la société civile marquera certai-nement de son sceau les futures négociations écono-miques et, en particulier, le successeur de l’Ami.

L’inquiétude face à la mondialisation. L’am-pleur de la contestation de l’Ami a révélé une profonde

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inquiétude de la société civile à l’égard de la mon-dialisation. Ce n’est pas uniquement le contenu del’Ami qui a souffert de critiques ; la méthode denégociation a elle aussi été dénoncée. La discrétion desnégociations, le déficit démocratique et le choix desociété auquel renvoie l’Ami sont autant de points quiont renforcé la mobilisation des ONG. Quel que soit lelieu de négociation du futur Ami, les ONG ne tolére-ront pas un accord aussi asymétrique que celui proposépar l’OCDE, qui donnerait tous les droits aux multina-tionales et toutes les obligations aux Etats, tous lesdroits aux pays qui investissent et toutes les obligationsaux pays qui reçoivent, qui se concrétiserait entre paysriches et serait à prendre ou à laisser pour les PED.

D. Un nouvel accord ?

Une nécessité incontestable. Malgré cet échec,de nombreuses voix rappellent que la croissance desIDE est une logique économique inéluctable, et qu’ilconvient par conséquent d’établir des règles multilaté-rales pour minimiser les effets négatifs des investisse-ments et maximiser leurs effets positifs. L’objectif géné-ral d’une régulation internationale s’appliquant à l’in-vestissement étranger est d’ailleurs peu contesté. D’au-cuns soulignent également qu’un accord permettraitde distinguer les flux financiers à caractère spéculatifde l’investissement direct, beaucoup plus stable etmoteur possible du développement durable. Mais, si leprincipe d’un nouvel accord est accepté, son architec-ture et les modalités de négociation posent problème.

Transférer les négociations à l’OMC ? On assis-tera vraisemblablement à l’ouverture d’une négociationà l’OMC sur la libéralisation des investissements. Cetransfert à l’OMC ne pourra être officialisé que lors dela prochaine conférence ministérielle qui marquera ledébut du prochain cycle de négociations commercialesmultilatérales (le Millenium round) du 30 novembre au3 décembre 1999 aux Etats-Unis. L’OMC présente néan-moins l’avantage de représenter 132 pays (contre 29 àl’OCDE). Par ailleurs, le mécanisme de règlement desdifférends concerne uniquement les Etats, et non le sec-teur privé. Les pays développés œuvrent pour cettesolution, appuyée par certains lobbies industriels, maisrejetée par certains PED et une partie des ONG. L’OMCpasse en effet pour être une enceinte peu ouverte auxquestions sociales et environnementales (cf. fiche 5.B.).Le passage à l’OMC risque donc de susciter des résis-tances et, sans une mise à plat de la quasi-totalité despoints précédemment discutés dans le cadre de l’OCDEet l’intégration d’un certain nombre de revendicationsde la société civile, l’Ami aura des difficultés à s’imposer.

La proposition du rapport Lalumière. Le rapportLalumière a d’ores et déjà préconisé de porter un cer-tain nombre de changements radicaux au texte initial.Selon lui, l’objectif du futur accord doit être de créer uncadre international non discriminatoire et qui neremette pas en cause la souveraineté des Etats. Cecadre serait centré sur les deux principes traditionnels

de l’OMC que sont le traitement national (quiimpose à chaque pays de ne pas discriminer sur son

territoire entre les acteurs économiques nationauxet étrangers) et la clause de la nation la plus favorisée(qui oblige à accorder un traitement identique à tousles acteurs économiques étrangers, quelle que soit leurnationalité). Ces deux principes pourraient faire l’objetd’exceptions, par exemple en ce qui concerne les poli-tiques culturelles.

Sept conditions de succès. Les auteurs du rapportestiment que, techniquement, un nouvel accord peutêtre conclu si la volonté politique existe, si toutes lesdispositions qui limitent la souveraineté des Etats etleur imposent des obligations « absolues » au-delà dela seule interdiction de non-discrimination sont suppri-mées, et si certaines conditions sont respectées :

1 Limiter le champ de l’accord à l’IDE, c’est-à-direen exclure les opérations spéculatives sur les marchésfinanciers.

2 Ouvrir le mécanisme de règlement des différendsaux seuls Etats et non aux investisseurs. Ceci permet-trait de répondre à la critique selon laquelle l’Ami sertles intérêts de quelques grandes entreprises qui dispo-sent des moyens financiers pour livrer des batailles juri-diques.

3 Supprimer l’article visant à assurer une « protec-tion intégrale et constante » des investisseurs étran-gers.

4 Supprimer la notion de « mesure d’effet équiva-lent » à une nationalisation ou une expropriation, quipermet d’interpréter les législations publiques rédui-sant la valeur économique d’un investissement écono-mique étranger comme une expropriation.

5 Réduire la liste des mesures interdites en matièred’« obligations de résultats ».

6 Abandonner la clause de « cliquet » qui rend irré-versible toute mesure de libéralisation décidée par ungouvernement. La remplacer par un mécanisme de« déconsolidation » qui permettrait à un Etat, commec’est le cas à l’OMC, de revenir sur un engagement,moyennant l’octroi de compensations à ses partenairescommerciaux.

7 Promouvoir une participation effective des paysémergents et subordonner la signature finale à l’adhé-sion d’un nombre suffisant de ces pays.

Les ONG pour un grand débat public. Ces condi-tions seront-elles suffisantes pour calmer l’oppositiondes ONG ? Ces dernières se placent sur un tout autreterrain. Elles appréhendent le transfert du dossier Amià l’OMC, dont elles critiquent le caractère non transpa-rent et l’ignorance des aspects fondamentaux du déve-loppement durable qu’est la protection sociale et envi-ronnementale. Pour les ONG, les enjeux sont à la foisidéologiques et politiques : il est important de pouvoirdire non à l’Ami et au libéralisme sauvage, mais ausside faire des propositions sans être l’otage de courantsrégressifs (nationalisme).

Les ONG tentent désormais de définir les conditionsqui permettraient à l’investissement de contribuer au

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développement durable. Quelles seraient les règlessociales, environnementales et démocratiques qui,placées au centre du dispositif, devraient servir debase à tout accord sur les investissements ? Pour appro-fondir ces questions, elles plaident pour l’instaurationd’un moratoire sur la régulation des investissements etsont hostiles à toute reprise en main rapide du dossierAmi par l’OMC. Ce moratoire permettrait d’engagerune réflexion sur les attentes des citoyens, leur choix de

société. Les ONG estiment également indispen-sable d’insérer des clauses contraignantes concernant

l’abaissement des normes écologiques et sociales, ainsique des principes directeurs auxquelles les firmes multina-tionales devraient se soumettre sous peine de sanctions.Enfin, elles soulignent l’importance d’un contrôle démo-cratique : toute décision majeure prise dans les institutionsinternationales devrait faire l’objet d’un débat politiquedans les parlements nationaux.

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Agenda 21Plan d’action pour un développe-ment durable au XXIe siècle adoptélors de la conférence de Rio en juin1992.

Bien communBien libre d’accès qui fait l’objetd’une forte concurrence entre utili-sateurs. C’est le cas des ressourceshalieutiques, de certains espacesforestiers ou de certains pâturages.La compétition autour de l’exploita-tion de la ressource peut provoquerson épuisement.

Bien publicBien libre d’accès et dont laconsommation ne fait pas l’objetd’une concurrence entre utilisa-teurs. Ainsi, personne ne peut s’ap-proprier l’air, et la consommationd’un utilisateur ne gène pas celled’autres utilisateurs.

BiodiversitéOu diversité biologique. Désigne ladiversité du monde vivant à tous lesniveaux : diversité des milieux (éco-systèmes), diversité des espèces,diversité génétique au sein d’unemême espèce.

BiosphèreZone terrestre et atmosphérique oùs’épanouit le vivant.

Clause de la nation la plus favo-riséeRègle du Gatt et de l’OMC selonlaquelle tout avantage accordé parun pays signataire à un autre paysdoit être étendu à l’ensemble despays signataires. Principe qui aguidé la marche vers la libéralisa-tion des échanges.

CoévolutionThéorie inspirée par la biologie etsoulignant les interactions positiveset négatives entre l’homme et sonmilieu, qui s’adaptent l’un à l’autreen permanence.

Cycle de vie du produitDésigne les différentes phases quiconduisent un produit « du berceauà la tombe » : conception, produc-tion, distribution, consommation,élimination. L’évaluation de l’inci-dence environnementale au coursde chaque phase du cycle de vie duproduit est fréquemment utiliséepour l’attribution d’écolabels.

Détérioration des termes del’échangeLa notion de « termes de l’échan-ge » est un instrument de mesurede l’évolution du pouvoir d’achatd’un pays en quantités de mar-chandises importées. La détériora-tion des termes de l’échangedésigne généralement la chutepresque continue depuis le débutdu siècle des recettes d’exportationdes pays en développement essen-tiellement spécialisés dans la ventede produits de base, alors que dansle même temps, le coût de leursimportations, essentiellement deproduits transformés en prove-nance des pays industrialisés, serenchérit.

DumpingPratique commerciale consistant àvendre un produit à un prix infé-rieur à son coût réel de production.Par extension, on parle de dumpingécologique ou de dumping sociallorsqu’un acteur économique main-tient ses coûts de production à unniveau inférieur à ceux de sesconcurrents parce qu’il est peuregardant sur les conséquencesenvironnementales ou sociales deses méthodes de production.

DurabilitéDe l’anglais sustainability. Notionélaborée par l’Union internationalepour la conservation de la nature en1980 et reprise par le rapportBrundtland en 1987. Le développe-ment durable désigne un mode dedéveloppement « qui répond auxbesoins des génération présentessans compromettre la capacité desgénérations futures à répondre àleurs propres besoins. »

EcocertificationProcessus qui résulte par l’attribu-tion à une unité de production d’uncertificat émis par un organismeindépendant et attestant du respectde critères de qualité de gestion desressources naturelles et de l’envi-ronnement. L’écocertification fonc-tionne sur une base volontaire : lesentreprises soucieuses d’afficherune bonne image écologique sontlibres de recourir à ce processus.Pour le consommateur, la partievisible de l’écocertification est l’ap-position sur le produit fini d’un éco-label reconnu comme une garantiede qualité de gestion.

EcodéveloppementConcept développé par Ignacy Sachset Maurice Strong dans les années1970. Il propose de prendre encompte toutes les composantes del’activité humaine, et en particulierses impacts sur l’environnement,dans la gestion des sociétéshumaines. Fait figure d’ancêtre dudéveloppement durable.

EconomicisteSe dit des courants économiquesqui privilégient la rationalité éco-nomique à toute autre considéra-tion (écologique, sociale, poli-tique....).

Economie néoclassiqueRecherche les conditions et lesmoyens de la meilleure allocationdes ressources. Pour les économistesnéoclassiques, la concurrence (lemarché) conduit à une situationoptimale appelée « optimum dePareto », dans laquelle on ne peutpas améliorer le bien-être d’un indi-vidu sans détériorer celui d’un autreindividu. Appliquée aux ressourcesnaturelles, cette approche justifie lapassivité face aux problèmes d’envi-ronnement : le prix du marché re-flète à la fois l’offre et la demanded’un bien d’environnement, maisaussi l’importance attribuée à sapréservation, à sa restauration. Lemarché est donc à la fois régulateuréconomique et régulateur écolo-gique.

Effet externe ou externalitéInteractions entre agents écono-miques sans transactions sur le mar-ché. Les agents économiques, à tra-vers leurs activités de production oude consommation, peuvent êtreinvolontairement à l’origine d’ef-fets positifs ou négatifs qui affec-tent le bien-être d’autres agents.Les externalités peuvent être néga-tives : une industrie dont les rejetspolluent une rivière peut affecter lebien-être des pêcheurs. Inverse-ment, la conservation des variétésvégétales locales par les agricul-teurs, activité non rémunérée, estune externalité positive.

Effet de serreL’atmosphère terrestre agit commeun filtre qui laisse passer certainsrayons lumineux du soleil et retientsuffisamment de chaleur pour assu-rer à la Terre une température pro-pice à la vie. Certains gaz présentsen très faible quantité dans la basseatmosphère (hydrogène, dioxyde decarbone, méthane, oxyde nitreux)sont à l’origine de ce phénomène.Sans l’effet de serre, la températuremoyenne à la surface du globeserait de –18°C.

Equité intergénérationnelleLa préservation des conditions devie et des potentialités de dévelop-pement des générations futures parune gestion présente respectueusedes ressources naturelles est dési-gnée par le terme « équité intergé-nérationnelle ».

GouvernanceDe l’anglais governance. Conceptutilisé à l’origine par les spécialistesde la société médiévale anglaise,caractérisée par une coopérationentre les différentes sources depouvoir (église, noblesse, mar-chands, paysans…). Au cours desannées 1980, la Banque mondiale arepris le concept de gouvernancepour désigner la manière dont lepouvoir est exercé dans la gestiondes ressources économiques etsociales d’un pays. Au centre desdiscussions sur la gouvernance setrouvent des termes comme respon-sabilisation, information, transpa-rence, Etat de droit. La gouver-nance ne renvoie pas au pouvoirpolitique au sens strict. Elle n’estpas l’art de gérer à un niveau depouvoir donné, mais l’art d’articulerla gestion entre différentes échellesde territoire.

IncertitudeSe distingue du risque par le faitqu’il n’existe pas de fondementsscientifiques sur lequel on puisseformuler quelque raisonnementprobabiliste que ce soit. Appliquéeau champs environnemental, elledésigne les conséquences à longterme, imprévisibles dans l’étatactuel de la science, des activitéséconomiques sur l’environnementou la santé.

InternaliserDésigne les moyens permettant deprendre en compte le coût d’uneffet externe dans le prix du pro-

duit. Dans le cas de rejets industrielspolluants dans une rivière, celasignifie que l’industriel modifie sesméthodes de production et cesse depolluer, ou qu’il paie une taxe com-pensant la perte de bien-être desutilisateurs de la rivière.

Principe pollueur-payeurPrincipe selon lequel le responsabled’une pollution doit supporter lecoût de la réparation ou de la pré-vention des dommages qu’il cause àl’environnement.

Principe de précautionEn situation d’incertitude scienti-fique sur les conséquences environ-nementales ou sanitaires d’uneméthode de production, la pru-dence recommande de ne pas négli-ger les risques de dommages pos-sibles. Mais faut-il interdire uneméthode de production tant queson innocuité n’a pas été prouvée ?Peut-on l’appliquer en essayant delimiter ses conséquences éven-tuelles ? Entre précaution absolueet simple prudence, les consé-quences pratiques du principe deprécaution sont très controversées.

Révolution verteLancée dans les années 60 par lesCentres internationaux de recher-che agronomique. Objectif : amélio-rer les rendements. Moyens : diffu-ser les variétés améliorées, en parti-culier les hybrides, généraliser laconsommation d’engrais et de pes-ticides de synthèse. Après de réelssuccès, la révolution verte s’es-souffle : stagnation des rende-ments, fragilité des cultures repo-sant sur des variétés uniformes,appauvrissement des sols et cerclevicieux du recours aux fertilisants.On parle désormais d’une révolu-tion « doublement verte », quiconcilie hausse de la production etrespect de l’environnement.

ThermodynamiqueCertains économistes de l’environ-nement se sont basés sur la thermo-dynamique pour tenter d’inscrirel’environnement dans la théorieéconomique en comptabilisant leséchanges de ressources naturelles etleur transformation en énergie.

UtilitarismeDoctrine selon laquelle une action,une loi ou une institution sontbonnes si elles augmentent le bon-heur de la collectivité. Appliquée àla sphère environnementale, cettedoctrine signifie que la valeur d’uneressource est fonction des bénéficestirés de son exploitation.

Valeur économique totaleBien souvent, l’évaluation moné-taire des biens environnementauxtient uniquement compte de lavaleur liée à leur usage immédiat.La valeur économique totale étendla valeur des biens environnemen-taux à la valeur future possible et àla valeur subjective d’un bien.

MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - SIGLES ET LEXIQUE - PAGE 1

Lexique

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ADPICAccords sur les aspects des droits de pro-priété intellectuelle liés au commerce(Accords Trips en anglais). Inclus dans lesrègles de l’OMC depuis la conclusion ducycle d’Uruguay. Doivent être renégo-ciés en 1999.

AlénaAccord de libre-échange nord-améri-cain, conclu entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique. Entré en vigueur en1994.

AMEAccord multilatéral sur l’environne-ment. Il existerait plus de 300 accordsmultilatéraux concernant entièrementou partiellement l’environnement.

AmiAccord multilatéral sur l’investissement.La négociation visant à établir cetaccord sous l’égide de l’OCDE a échouéfin 1998.

APDAide publique au développement.

APEAgence américaine pour la protectionde l’environnement (EPA en anglais).

CadComité d’aide au développement.Regroupe les pays donateurs membresde l’OCDE.

CDBConvention sur la biodiversité. Elaboréepar le Pnud et adoptée lors de la confé-rence de Rio en juin 1992. La questiondu statut juridique des ressources géné-tiques (droits de propriété intellec-tuelle, droits des agriculteurs, souverai-neté nationale…) et du financement del’application de la convention fait obs-tacle à sa mise en œuvre. Non ratifiéepar les Etats-Unis.

CCCCConvention-cadre sur les changementsclimatiques. Signée en 1992 lors de laconférence de Rio. Inclut le Protocole deKyoto signé en décembre 1997, qui fixedes engagements de réduction des gazà effet de serre et des mécanismes éco-nomiques et financiers permettant deles atteindre.

CCEComité du commerce et de l’environne-ment de l’OMC.

CCIChambre de commerce internationale.

CDDCommission du développement du-rable. Organe des Nations unies créé en1992 lors de la conférence de Rio poursuperviser l’application de l’Agenda 21.

CFCChlorofluorocarbones. Gaz de synthèsesincriminés dans l’amincissement de lacouche d’ozone atmosphérique.

CH4

Méthane.

CmedCommission mondiale pour l’environne-ment et le développement. Créée en

1983. A rendu son rapport final « OurCommon Future » (ou rapport Brundt-land) en 1987.

CnucedConférence des Nations unies sur lecommerce et le développement. Crééeen 1964 à l’initiative des pays en déve-loppement, qui jugeaient le Gatt tropattaché à la défense des intérêts despays industrialisés.

CnuedConférence des Nations unies pour l’en-vironnement et le développementorganisée à Rio de Janeiro en juin 1992,vingt ans après la première Conférencedes Nations unies sur l’environnementorganisée à Stockholm. Aussi appeléeSommet de la Terre, elle a popularisé leconcept de développement durable.

CO2

Dioxyde de carbone.

CPConférence des parties. Désigne l’insti-tution représentant les Etats signatairesd’une convention. La convention-cadresur les changements climatiques a ainsidonné lieu à quatre conférence des par-ties depuis 1992.

DPIDroits de propriété intellectuelle. Ilspermettent à un acteur de protégerune invention (via les brevets, marquesdéposées, copyrights, etc.) en excluantles acteurs de certaines activités liées àl’invention ou en obtenant une rému-nération concernant certains usages del’invention par des tierces parties. Leurextension à l’ensemble du mondevivant est au cœur du débat sur la pré-servation de la biodiversité.

FAOOrganisation des Nations unies pourl’alimentation et l’agriculture. Créée en1945.

FemFonds pour l’environnement mondial(Gef en anglais). Créé en 1990 et gérépar la Banque mondiale, le Pnud et lePnue. Chargé de fournir aux pays endéveloppement les fonds nécessairespour financer les surcoûts liés aux poli-tiques de développement durable.

FMIFonds monétaire international. Crééen 1945 en même temps que laBanque mondiale pour veiller à l’ap-plication des décisions de la confé-rence monétaire et financière deBretton Woods.

FSCForest Stewardship Council. Conseil debonne gestion des forêts. Créé en 1993à l’initiative du WWF afin de promou-voir l’écocertification des forêts.

G7Le groupe des sept pays les plus indus-trialisés rassemble depuis les milieudes années 70 l’Allemagne, leCanada, les Etats-Unis, la France, l’Ita-lie, le Japon et le Royaume-Uni.

G77Le groupe des 77 a été constitué en1964 à la fin de la première Confé-

rence des Nations unies pour le com-merce et le développement par lespays en développement, qui étaientalors 77. Il réunit aujourd’hui à peuprès l’ensemble des pays en dévelop-pement (environ 130).

GattAccord général sur les tarifs douanierset le commerce. Signé en 1947. Régipar l’OMC à partir de sa création en1994.

GiecGroupe international d’experts sur leclimat (IPCC en anglais). Créé en 1988par l’Onu et l’Organisation météoro-logique mondiale, il regroupe 2500scientifiques et économistes.

IDEInvestissement direct à l’étranger.

IDHIndicateur de développement hu-main. Agrégat proposé par le Pnudpour mesurer le développement sansle réduire à la croissance économique.

IsoOrganisation internationale de nor-malisation. Fédération mondiale desorganismes nationaux de normalisa-tion des produits et des méthodes deproduction créée en 1947. La série denormes Iso 14 000 regroupent desnormes d’évaluation des procéduresenvironnementales des entreprises.

MSCMarine Stewardship Council. Conseilde bonne gestion des pêcheries. Enprojet, à l’initiative du WWF et d’Uni-lever.

MSPMesures sanitaires et phytosanitaires.L’accord sur les MSP a été signé dansle cadre de l’OMC.

N2OOxyde nitreux.

OCDEOrganisation de coopération et dedéveloppement économiques. A rem-placé en 1960 l’Organisation euro-péenne de coopération économique,créée en 1948 pour veiller à l’applica-tion du plan Marshall. Réunit 29 paysdéveloppés.

OGMOrganismes génétiquement modifiés.

OMCOrganisation mondiale du commerce.Instituée en 1994 lors de la conclusiondu dernier cycle de négociations duGatt.

OMMOrganisation météorologique mon-diale. Créée en 1950.

OMSOrganisation mondiale de la santé.Créée en 1948.

ONGOrganisation non gouvernementale.

OnuOrganisation des Nations unies.

OTCObstacles techniques au commerce.L’accord sur les OTC a été signé dansle cadre de l’OMC.

PEDPays en développement.

PIBProduit intérieur brut.

PMPProcessus et méthodes de production.

PNBProduit national brut.

PnueProgramme des Nations unies pourl’environnement. Créé en 1972.

PnudProgramme des Nations unies pour ledéveloppement. Créé en 1965.

SCMSystème commercial multilatéral.

SCNSystème de comptabilité nationale.

UEUnion européenne. Nouveau nom dela Communauté économique euro-péenne depuis l’entrée en vigueur dutraité de Maastricht en novembre1993. Compte quinze Etats membres.

UICNUnion internationale pour la conser-vation de la nature.

UnescoOrganisation des Nations unies pourl’éducation, la science et la culture.Créée en 1946.

UnstatDivision statistique des Nations unies.

UpovUnion internationale pour la protec-tion des obtentions végétales. Signéeen 1978 et révisée en 1991. Régit lesystème des droits d’obtention végé-tale, qui diffère des brevets en recon-naissant les principes d’exemption dela recherche (liberté d’utiliser unevariété protégée pour en inventerune nouvelle) et de privilège des fer-miers (droit de réensemencer unchamp avec les semences d’unevariété protégée sans payer de rede-vance). La révision de 1991 réduit laportée de ces principes.

USAIDAgence américaine responsable del’aide internationale au développe-ment.

WWFFonds mondial pour la nature (WorldWide Life Fund)

MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE -SIGLES ET LEXIQUE - PAGE 2

Sigles

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MONDIALISATION ET DEVELOPPEMENT DURABLE - BIBBLIOGRAPHIE - PAGE 1

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