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MUSÉES COLLECTION PERMANENTE CAHIER THÉMATIQUE J LE DEVOIR, LES SAMEDI 28 ET DIMANCHE 29 MARS 2015 Musée des beaux- arts de Sherbrooke : au cœur de sa collectivité Page J 4 Musée de la civilisation de Québec : place au patrimoine l’immatériel Page J 2 COURTOISIE MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE MONTRÉAL La Sultane, de la photographe marocaine Lalla Essaydi, fait partie des nouvelles acquisitions du MBAM. ÉTIENNE PLAMONDON ÉMOND N athalie Bondil mime la comba- tivité à l’aide de gestes vifs. «On est des chas- seurs », répète la dynamique directrice et conservatrice en chef du Mu- sée des beaux-arts de Mont- réal (MBAM) pour illustrer de quelle façon son établisse- ment en arrive à enrichir sa collection permanente. Volubile et souriante, elle se passionne manifestement pour le « jeu » de l’acquisition d’œuvres pour le MBAM. La compétition s’accentue sur la scène internationale. Les pays émergents sont désormais dans la course et le prix des œuvres modernes grimpe. «Il ne faut pas aller chercher ce que tout le monde cherche. Quand on n’a pas les moyens, il faut être malin. » Le MBAM a franchi le cap des 40 000 œuvres en 2013. Mais plusieurs de ses maillons peuvent encore être renforcés, selon l’énergique directrice. L’établissement de la rue Sher- brooke ratisse large, car il pos- sède aujourd’hui une collection muséale encyclopédique unique au Canada. « Elle n’a pas de frontières», dit M me Bondil, rencontrée au centre adminis- tratif du MBAM. Comme le mandat du musée n’a pas été défini lors de sa fondation, vers 1860, ses murs se sont ouverts aux beaux-arts, aux arts déco- ratifs, au design et à l’archéolo- gie, au fil des ans. Aujourd’hui, la collection compte autant des tableaux du Greco, de Daumier, de Matisse qu’une statue égyp- tienne, une toile de Serge Le- moyne ou une lampe de Tif- fany. « Je considère que c’est une force et qu’il faut pousser la col- lection dans différents axes», persiste la directrice. Lorsqu’on lui de- mande si elle consi- dère une récente ac- quisition comme plus importante que les au- tres, elle assure qu’elle les aime toutes. «Il y a une grande gourmandise là-de- dans », admet-elle. La veille de l’en- trevue avec Le De- voir , M me Bondil et son équipe venaient de réaliser l’acquisi- tion du tableau L’Au- tomne, peint par Ni- colas Lancret en- tre 1725 et 1730. Cette toile viendra justement combler un jalon de l’histoire de l’art pour l’instant moins étoffé dans la collection en art international. Ce segment fera son nid dans le futur pa- villon pour la paix Michal-et- Renata-Hornstein, le cin- quième bâtiment, dont l’ouverture est prévue en 2017. Cette expansion a été rendue possible grâce au don de quelque 75 tableaux de maîtres anciens par la famille Horn- stein, en 2012. Car, outre les achats, il y a les dons. «On a des armes de persuasion sympathique » , illus- tre M me Bondil. Avec les mécènes dont les intérêts convergent, le MBAM tisse des relations sous le signe de la patience et de l’écoute. « Il faut com- prendre ce qui va motiver la personne à donner. Ce n’est pas de la manipulation, c’est vraiment de respecter ce qu’elle a en tête. Et ça marche. » Et pas seulement avec les collectionneurs. Le 18 mars dernier, le MBAM a inauguré, au niveau S2 du pavillon Jean-Noël-Desma- rais, la sculpture Au Carna- val , composée de trois sta- tues monumentales réalisées par Jim Dine. L’artiste, dont certaines œuvres étaient déjà mises en valeur par le MBAM, s’était lié d’amitié avec l’établissement et a dé- cidé de lui faire ce cadeau. « Quand on montre de l’in- térêt pour les œuvres, on les bichonne, on les explique, on fait des guides sur elles, on leur apporte des accompagne- ments pédagogiques, sonores ou musicaux, les collection- neurs sont ravis. » Durant les dernières années, M me Bon- dil a voulu envoyer un signal fort comme quoi l’établisse- ment prenait soin de toutes ses collections, aussi variées soient-elles. En prévision de l’ouverture du pavillon d’art québécois et canadien Claire-et-Marc-Bourgie en 2011, M me Bondil n’a pas li- mité les travaux aux 600 œu- vres concernées. Elle a plu- tôt lancé un vaste redéploie- ment de toute la collection permanente dans les ailes d’exposition. Le tourbillon a déplacé environ 4000 œuvres au total. Tout a bougé, sauf la salle dédiée à l’archéolo- gie gréco-romaine. En 2011, la proportion de la collection permanente exposée au pu- blic a presque doublé. Cer- taines présentations se sont élargies, comme celle dédiée aux arts décoratifs. Deux nouveaux catalogues ont été M USÉE DES BEAUX - ARTS DE M ONTRÉAL L’expansion d’une collection sans frontières Riche de 41 000 œuvres, la collection permanente du MBAM ne cesse de s’élargir VOIR PAGE J 6 : COLLECTION Le MBAM a franchi le cap des 40 000 œuvres en 2013. Mais plusieurs de ses maillons peuvent encore être renforcés.

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MUSÉESCOLLECTION PERMANENTE

C A H I E R T H É M A T I Q U E J › L E D E V O I R , L E S S A M E D I 2 8 E T D I M A N C H E 2 9 M A R S 2 0 1 5

Musée des beaux-arts de Sherbrooke :au cœur de sacollectivité Page J 4

Musée de lacivilisation deQuébec : place au patrimoinel’immatériel Page J 2

COURTOISIE MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE MONTRÉAL

La Sultane, de la photographe marocaine Lalla Essaydi, fait partie des nouvelles acquisitions du MBAM.

É T I E N N E P L A M O N D O NÉ M O N D

Nathalie Bondilmime la comba-tivité à l’aide degestes vifs. « One s t d e s c h a s -seurs », répète la

dynamique directrice etconservatrice en chef du Mu-sée des beaux-arts de Mont-réal (MBAM) pour illustrerde quelle façon son établisse-ment en arrive à enrichir sacollection permanente.

Volubile et souriante, ellese passionne manifestementpour le « jeu » de l’acquisitiond’œuvres pour le MBAM. Lacompétition s’accentue sur lascène internationale. Les paysémergents sont désormaisdans la course et le prix desœuvres modernes grimpe. « Ilne faut pas aller chercher ceque tout le monde cherche.

Quand on n’a pas les moyens,il faut être malin. »

Le MBAM a franchi le capdes 40 000 œuvres en 2013.Mais plusieurs de ses maillonspeuvent encore être renforcés,selon l’énergique directrice.L’établissement de la rue Sher-brooke ratisse large, car il pos-sède aujourd’hui une collectionmuséa le encyc lopéd iqueunique au Canada. «Elle n’a pasde frontières », dit Mme Bondil,rencontrée au centre adminis-tratif du MBAM. Comme lemandat du musée n’a pas étédéfini lors de sa fondation, vers1860, ses murs se sont ouvertsaux beaux-arts, aux arts déco-ratifs, au design et à l’archéolo-gie, au fil des ans. Aujourd’hui,la collection compte autant destableaux du Greco, de Daumier,de Matisse qu’une statue égyp-tienne, une toile de Serge Le-moyne ou une lampe de Tif-fany. «Je considère que c’est une

force et qu’il faut pousser la col-lection dans dif férents axes »,persiste la directrice.L o r s q u ’ o n l u i d e -mande si elle consi-dère une récente ac-quisition comme plusimportante que les au-t r e s , e l l e a s s u r equ’elle les aime toutes.« Il y a une grandegourmandise là-de-dans», admet-elle.

La vei l le de l ’en-trevue avec Le De-voir , Mm e Bondil etson équipe venaientde réaliser l’acquisi-tion du tableau L’Au-tomne, peint par Ni-colas Lancret en-tre 1725 et 1730.Cette toile viendra justementcombler un jalon de l’histoirede l’ar t pour l’instant moinsétof fé dans la collection enart international. Ce segment

fera son nid dans le futur pa-villon pour la paix Michal-et-Renata-Hor nstein, le cin-

quième bâtiment,dont l’ouverture estprévue en 2017.Cette expansion aété rendue possiblegrâce au don dequelque 75 tableauxde maîtres ancienspar la famille Horn-stein, en 2012.

C a r , o u t r e l e sachats, i l y a lesdons. « On a desarmes de persuasionsympathique », illus-t r e M m e B o n d i l .Avec les mécènesdont les intérêtsc o n v e r g e n t , l e

MBAM tisse des relationssous le signe de la patienceet de l’écoute. « Il faut com-prendre ce qui va motiver lapersonne à donner. Ce n’est

pas de la manipulation, c’estvraiment de respecter cequ’el le a en tête . Et çamarche. » Et pas seulementavec les collectionneurs. Le18 mars dernier, le MBAM ainauguré, au niveau S2 dupavillon Jean-Noël-Desma-rais, la sculpture Au Carna-val, composée de trois sta-tues monumentales réaliséespar Jim Dine. L’ar tiste, dontcer taines œuvres étaientdéjà mises en valeur par leMBAM, s’était l ié d’amitiéavec l’établissement et a dé-cidé de lui faire ce cadeau.

« Quand on montre de l’in-térêt pour les œuvres, on lesbichonne, on les explique, onfait des guides sur elles, onleur apporte des accompagne-ments pédagogiques, sonoresou musicaux, les collection-neurs sont ravis. » Durant lesdernières années, Mme Bon-dil a voulu envoyer un signal

for t comme quoi l’établisse-ment prenait soin de toutesses collections, aussi variéessoient-elles. En prévision del’ouverture du pavillon d’ar tq u é b é c o i s e t c a n a d i e nClaire-et-Marc-Bourgie en2011, Mme Bondil n’a pas li-mité les travaux aux 600 œu-vres concernées. Elle a plu-tôt lancé un vaste redéploie-ment de toute la collectionpermanente dans les ailesd’exposition. Le tourbillon adéplacé environ 4000 œuvresau total. Tout a bougé, saufla salle dédiée à l’archéolo-gie gréco-romaine. En 2011,la proportion de la collectionpermanente exposée au pu-blic a presque doublé. Cer-taines présentations se sontélargies, comme celle dédiéeaux ar ts décorat i fs . Deuxnouveaux catalogues ont été

MUSÉE DES BEAUX-AR TS DE MONTRÉAL

L’expansion d’une collection sans frontièresRiche de 41 000 œuvres, la collection permanente du MBAM ne cesse de s’élargir

VOIR PAGE J 6 : COLLECTION

Le MBAM afranchi le capdes 40 000œuvres en2013. Maisplusieurs deses maillonspeuventencore êtrerenforcés.

MUSÉESL E D E V O I R , L E S S A M E D I 2 8 E T D I M A N C H E 2 9 M A R S 2 0 1 5J 2

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MUSÉE DE LA CIVILISATION DE QUÉBEC

Place au patrimoine immatériel

B E N O I T R O S E

I l est vrai que traditionnellement, commenous l’explique le directeur général du

MCQ, Michel Côté, les musées se sont intéres-sés à une part non négligeable du patrimoineimmatériel en documentant les objets de leurscollections. Par exemple, il est parfois perti-nent d’enrichir le contact entre le visiteur et unobjet conservé en faisant entendre la parole decelui qui l’a fabriqué, de ceux qui l’ont utilisé àune époque donnée ou du collectionneur pas-sionné qui peut mieux vous faire saisir ce quevous observez. Ces paroles instructives font ré-gulièrement partie des éléments collectés parles établissements.

Mais, au-delà de cela, poursuit le directeur, ily a une variété de formes d’expression degrande valeur qui méritent aussi d’être conser-vées et qui intéressent beaucoup le musée desociété qu’est le MCQ, par les temps qui cou-rent. « Je pense au spectacle vivant, qui est uneforme d’expression extrêmement impor tantepour une société, de dire M. Côté. Peu de lieuxgardent la mémoire et les traces d’un art qui estsouvent éphémère, puisque c’est un art de repré-sentation. » Par exemple, l’exposition Corps re-belles invite présentement le public à « compren-dre comment la danse (le mouvement) incarnela relation de l’individu avec son environnementet la société ».

Cette exposition constitue un exercice visantà représenter le patrimoine de la danse contem-poraine sous une forme muséale et ainsi à s’as-surer que la société en conserve la mémoire,du moins certaines de ses traces essentiellesqui pourraient bien disparaître autrement, croitle directeur. Sur place, c’est évidemment en par-tie par des captations audiovisuelles qu’on peutpréserver et démystifier la danse, mais égale-ment à travers un atelier immersif créé par lestudio Moment Factory. « On invite les gens àdanser, à refaire Joe, de Jean-Pierre Perreault, àrecréer un certain nombre de mouvements. Il y aun côté participatif important », note M. Côté,qui se traduit aussi par la rencontre in situ avecdes chorégraphes.

Dans le cadre de sa démarche portant sur lespectacle vivant, le MCQ vient aussi de mettrela main sur des éléments provenant du Théâtre

de Sable, une troupe québécoise de marionnet-tistes, marquante et d’envergure internationale,résume M. Côté. « Il y a des gens comme RobertLepage qui ont appris à y travailler au début deleur carrière. On vient de collecter l’ensemble destravaux du Théâtre de Sable, marionnettes com-prises, mais aussi toutes les vidéos et toute la pré-paration des spectacles, ce qui fait qu’on pourraitles recréer totalement», affirme le directeur, quiavoue en rêver.

On connaît le souci important que porte sonétablissement à la sauvegarde, dans ses collec-tions, de traces de musiques anciennes, pou-vant dater par exemple de la Nouvelle-France,mais le musée porte aussi une attention particu-lière au vaste patrimoine de la chanson. «On esten train de collecter beaucoup d’objets qui mon-trent la valeur et l’importance de la chanson qué-bécoise et francophone. Ça va d’Alys Robi àClaude Léveillée, en passant par Dédé Fortin. »Rappelons que le fidèle piano à queue de Léveil-lée ainsi que près de 150 objets témoignant dutravail de l’auteur-compositeur-interprète dé-cédé sont venus rejoindre les collections duMCQ à l’été 2012. D’autres pianistes que luipeuvent désormais faire résonner ses touches,ses notes et son âme quand l’occasion s’y prête.

Encyclopédique et contemporainLes collections du MCQ sont nécessairement

pluridisciplinaires, puisque le musée a pourmandat complexe d’expliquer la société. Il mo-bilise donc tant l’anthropologie, la sociologieque l’histoire, pour ne nommer que quelquesdisciplines fréquentées, afin de développer salecture du monde. «Nos collections sont larges etencyclopédiques», de dire M. Côté.

« À l’heure actuelle, l’un de nos enjeux estaussi de nous intéresser au contemporain.Parce que le musée doit, bien sûr, garder destraces du passé, mais, pour nous, le patrimoine,c’est aussi le patrimoine qui se fait, et on a faitde grands ef forts au cours des dernières annéespour accentuer notre démarche contempo-raine. » Il souligne que, au chapitre des cul-tures populaires, le musée a récemment pu dé-velopper — avec l’aide des citoyens — sa col-lection de jeux vidéo, un univers âgé d’unequarantaine d’années au Québec. « C’est impor-tant de garder des traces de l’évolution de ces

jeux, tant sur le plan technologique que sur lesplans de la forme et de l’impact. »

Concepteur du vélo Bixi, du mobilier urbaindu Quartier international de Montréal et del’ensemble du mobilier destiné au public à laGrande Bibliothèque de Montréal, le designerindustriel Michel Dallaire a, pour sa part, faitdon d’un corpus de 130 pièces significatives en2013, souhaitant ainsi « laisser une trace qui ser-vira de référence à des chercheurs, des étudiants »et contribuer à sa façon à l’évolution de la pro-fession. M. Côté croit qu’une telle collectionaussi richement documentée permet «de décou-vrir et de comprendre le processus d’idéation, decréation et de réalisation du grand créateur,[qui] s’intéresse à la dimension poétique de l’ob-jet, aux évocations sensorielles et aux plaisirsqu’il procure».

L’établissement prévoit certainement faireencore appel aux citoyens pour enrichir cer-tains pans de ses collections. La préparationd’une exposition est généralement l’occasionde faire le point sur certaines d’entre elles pour

mieux les développer. « On prépare une exposi-tion sur les mouvements sociaux dans le monde— tel Occupy Wall Street — qui s’appelle pour lemoment Turbulence. Ça nous a permis de fairedes acquisitions chez les mouvements sociaux auQuébec, notamment en lien avec le Printempsérable de 2012. On a entré dans nos collectionsnon seulement des carrés rouges ayant appar-tenu aux leaders étudiants, mais aussi des pan-cartes et des affiches fabriquées alors par des étu-diants en architecture, en graphisme, etc. »

Aujourd’hui, les réserves du MCQ sont bienpleines et il faut les réaménager et les agrandir.«Mais on ne veut pas faire juste des réserves, onveut que ce soit un véritable centre d’études surles collections, où l’on pourra parfois recevoir desgroupes d’étudiants et où les chercheurs pour-raient avoir accès à des salles de consultation,avance M. Côté. Notre lien avec le monde uni-versitaire est aussi extrêmement important. »

CollaborateurLe Devoir

On a longtemps réduit les musées à des lieux permettant la conservation d’une panoplie d’ob-jets à deux ou trois dimensions. Mais la parole, la musique et le geste sont aussi des manifes-tations vivantes de notre patrimoine. Depuis quelques années, le Musée de la civilisation deQuébec (MCQ) déploie des ef forts soutenus pour mettre en valeur ce riche patrimoine immaté-riel, tout en démontrant une sensibilité accrue à conserver dans ses collections les tracescontemporaines de notre patrimoine en train de se faire.

AMÉLIE BRETON PERSPECTIVES

L’atlas Theatrum orbis terrarum de Willem Janszoon Blaeu (1571-1638)

R É G I N A L D H A R V E Y

B ranle-bas de redéploie-ment au Musée national

des beaux-ar ts du Québec(MNBAQ) : le pavillon Pierre-Lassonde, actuellement enchantier, doublera presque lasuperficie de cet espace mu-séal à son ouverture dans laGrande-Allée, en 2016. Fichetechnique et impacts sur lescollections.

Rapidement esquissé, leportrait du projet en cours deréalisation se présente commesuit : « Le nouvel édifice ajou-tera quelque 14 900 mètres car-rés aux 16 690 mètres carrés desuperficie utilisable que compteactuellement l’établissement,soit un accroissement de plus de89 %. À l’issue des travauxd’agrandissement, les surfacesd’exposition auront augmentéde près de 85 %. Des espacesfonctionnels (ateliers, zones depréparation, etc.) seront aussiaménagés. Une nouvelle aired’accueil pour les visiteurs, uncafé, un amphithéâtre à siègesfixes et des espaces locatifs vien-dront bonifier la construction. »

Directrice et conservatrice

en chef du Musée, Line Ouel-let dresse cet inventaire d’unensemble architectural qui seveut « la mémoire vivante del’art et des artistes québécois » :«Son mandat, c’est vraiment decréer, de documenter et de diffu-ser la collection de référence

pour l’ar t du Québec, des ori-gines ou de la fondation jusqu’ànos jours. » Elle fait démarrersa description au XVIIe siècle :«On a toute cette collection ini-tiale sur les arts de la Nouvelle-France, mais on possède aussides œuvres de la période qui va

suivre après la Conquête etavec le déploiement majeur quis’est passé au XIXe siècle. »

Une collection de 37 000 œuvres

Elle fournit des détails surcette période, avant de passerà d’autres dates-charnièresdans le temps : « Bien sûr, onconserve également le passageavec la photographie et, par lasuite, on se dirige vers les pre-miers mouvements de la moder-nité avec le tournant du sièclejusqu’au XXe. » Font leur appa-rition entre les murs toute lagamme des trésors de ce siè-cle de même que celle duXXIe siècle jusqu’à aujourd’hui.Elle résume : «C’est une collec-tion qui se compose en tout de37 000 œuvres et la portion surl’art contemporain se situe au-tour de 9000 numéros ; celle-cisera valorisée avec le nouveaupavillon Pierre-Lassonde. »

Deux autres collectionsprendront le chemin de cesnouveaux aménagements :« Celle des arts décoratifs et dedesign et de l’art contemporain,et celle de l’ar t inuit qui pre-nait place dans l’un des trois

pavillons qui existent actuelle-ment. » Le complexe muséals’articule autour des pavillonsCentral, Gérard-Morisset etCharles-Baillairgé.

La directrice élabore au su-jet de cet ar t inuit, dont lesœuvres totalisent autour de2600 pièces et figurent commela 4e collection en importanceau Canada : « Cet art remonteaprès 1950 et s’est développé aucontact des blancs. Il existaitauparavant sous la forme detrès petites pièces, puisqu’il pos-sédait des fonctions spirituelleset ludiques, mais essentielle-ment pour un peuple qui étaitnomade. C’est au contact desblancs que les artistes inuits ontvu qu’il y avait un véritable in-térêt pour leurs créations ; beau-coup d’échanges ont alors eulieu, si bien qu’ils se sont mis àcréer des ateliers, de sorte quecet art est maintenant devenuune partie intégrante de l’éco-nomie du Nord. »

Un redéploiement globalRetour vers les bâtiments

qui abritent le musée : les troispavillons sont associés au re-déploiement et sont de la sorte

axés sur des périodes spéci-fiques des collections. LineOuellet guide le visiteur : «Unepremière phase de ce derniers’est déroulée l’an dernier au-tour de l’art moderne et de qua-tre corpus majeurs et de quatreartistes très importants de cetar t, qui sont Jean-Paul Le-mieux, Alfred Pellan, Jean-PaulRiopelle et Fernand Leduc.Dans le pavillon de la prisonqui porte le nom de son concep-teur, Charles Baillairgé, qui estun espace splendide tout enpierres à l’extérieur et enbriques rouges à l’intérieur, il ya quatre très belles salles et cha-cune d’elles est consacrée à l’unde ces artistes. »

Elle fournit ces informationsau sujet de la deuxième phase :« Grâce à l’accroissement de lasur face of ferte par le pavillonPierre-Lassonde, il est non seu-lement possible d’exposer l’artcontemporain, l’art inuit et lesar ts décoratifs et de design,mais on pourra également dé-ployer toute la collection histo-rique. Voilà le grand projet quiva nous occuper pendant les

MUSÉE NATIONAL DES BEAUX-AR TS DU QUÉBEC

Le MNBAQ double ses surfaces d’exposition

MNBAQ JEAN-GUY KÉROUAC

Dominique Blain, Monuments, 1997-1998, émulsions sur filmmarouflées sur toile, bois et corde (sculpture avec poutres)

VOIR PAGE J 3 : MNBAQ

MUSÉESL E D E V O I R , L E S S A M E D I 2 8 E T D I M A N C H E 2 9 M A R S 2 0 1 5 J 3

241, rue Dufferin, au centre-ville de Sherbrooke

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MUSÉE DES

BEAUX-ARTSDE SHERBROOKE

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De l’historiqueau contemporain

La collection permanente du Musée

C L A U D E L A F L E U R

À l’angle des r ues Sher-brooke et Pie-IX, dans l’est

de la ville, se trouve un éton-nant petit musée. D’abord parson apparence extérieure : unereproduction du Petit Trianonde Versailles, l’édifice inaugurépar Louis XV en 1769, puis of-fert par Louis XVI à sa jeuneépouse, Marie-Antoinette. RueSherbrooke, il s’agit de l’an-cienne résidence des frèresOscar et Marius Dufresne,construite entre 1916 et 1918,qu’on appelle à présent le Châ-teau Dufresne.

Visiter cette demeure, c’estse plonger dans une capsulede temps. « C’est la seule mai-son des années 1920 dont on aconservé intégralement les inté-rieurs et le mobilier d’origine»,indique Paul Labonne, direc-teur général du Musée Du-fresne-Nincheri.

« C’est vraiment une expé-rience unique, poursuit-il. On ydécouvre l’époque où la bour-geoisie canadienne-françaisedésirait s’af firmer dans unMontréal encore très anglo-phone. Et cette bourgeoisie s’estinspirée de ce qui se faisait demieux en France, entre autresle Petit Trianon de Versailles. »

Le Château Dufresne nouspermet ainsi de visiter unevingtaine de pièces meubléesselon différents styles : beaux-ar ts, élisabéthain, Louis XV,Louis XVI, Renaissance, etc.En outre, le maître verrier etfresquiste Guido Nincheri apeint des toiles spécifiquescorrespondant au style dechaque pièce.

La renaissance du MuséeAu cours de la dernière an-

née, ce musée est devenu un«complexe muséal » avec l’ajoutde l’atelier de vitrail de GuidoNincheri (prononcer « nin-keri »). « L’année 2014 a étépour nous emballante, déclarePaul Labonne, puisque nous

avons changé de nom pour de-venir le Musée Dufresne-Nin-cheri. Nous avons en ef fet ac-quis l’atelier de celui qui a jus-tement décoré le Château Du-fresne. Nous avons inauguré lesdeux lieux en décembre. »

Par le fait même, le Châteauprésente une nouvelle exposi-tion permanente qui table surla collection mobilière de la fa-mille Dufresne et à laquelle sejouxtent 47 trésors de la col-lection Bothuri-Bédard.

Alexandre de Bothuri pos-sède l’une des plus impor-tantes collections royales etimpériales à l’extérieur de laFrance, indique M. Labonne,soit plus de 3000 objets et ta-bleaux. Le Musée Dufresneprésente 47 de ces objetschargés d’histoire, dont cer-tains auraient appar tenu àJeanne d’Arc, à Louis XV, à

Marie-Antoinette, à Napoléonet Joséphine, etc.

« Les Dufresne collection-naient des copies d’objets liés àNapoléon , indique M. La-bonne. Mais, ce qui est fantas-tique, c’est que, grâce à la col-lection Bothuri-Bédard, nousavons maintenant des origi-naux. Souvent, nous jouons lacopie et l’original ! Par exem-ple, nous avons des pièces devaisselle qui sont des copies etque nous juxtaposons aux 36assiettes ayant appar tenu àl’empereur lui-même. » Dansce dernier cas, il s’agit d’as-siettes qui ont servi à recevoirles plus grands d’Europe,ajoute-t-il.

Pour le directeur du mu-sée, la pièce de résistance del’exposition est le sucrier deNapoléon. « C’est vraimentune œuvre magnifique, dit-il,

avec deux vues d’Égypte, alorsque Napoléon s’y est fait repré-senter en Apollon. Et quatretor tues suppor tent le sucrier.C’est vraiment une pièce d’artexceptionnelle. »

De surprenants objetsAlexandre de Bothuri est un

personnage pour le moinsétonnant. « Je suis historien etma passion a toujours été decollectionner », dit-il. Il ajouteque, durant la Seconde Guerremondiale, son père avait accu-mulé de très belles collections,« mais qui lui ont été volées etpillées par les collaborateurs àla fin de la guerre».

M. de Bothuri prétendavoir le don de savoir à qui aappartenu un objet précieux,simplement en le touchant,« ce qui est vraiment formida-ble pour un collectionneur »,

lance-t-il en riant.Ce don lui aurait ainsi per-

mis d’acquérir le fameux su-crier de Napoléon. « En 1992,les quatre sucriers de l’empe-reur sont réapparus sur le mar-ché et ont été of fer ts aux en-chères, raconte-t-il. Je m’y suisdonc rendu…»

La veille de l’encan, on luipermet même de toucher lesquatre sucriers. «Or, curieuse-ment, l’un d’eux me brûle lamain, dit-il. “ C’est bizarre ”,me dis-je. » Le lendemain, ilpar ticipe à l’encan et, rap-por te-t-il, « au moment de lamise en vente, les lumières dansla salle se sont mises à cligno-ter. “ Tiens, me dis-je, mes es-prits sont là ! ” S’installe alorsun silence de mor t, les télé-phones ne marchent plus, lesgens sont complètement gelés…de sorte que j’ai pu me procurer

l’objet au prix de base. C’est à cemoment-là que je me suis renducompte que j’avais un don !»

Une autre pièce encore plussurprenante est la « croix deJeanne d’Arc ayant appartenuà l’impératrice Joséphine ». Se-lon ce que dit M. de Bothuri, ilse l’est procurée d’une façontout aussi inusitée.

Il raconte que cette croix estun jour apparue… sur eBay !« Moi, je connaissais très biencette fameuse croix et, évidem-ment, je l’ai obtenue», dit-il fiè-rement. Il rapporte que celle-ci aurait été découver te pardes Anglais, qui l’auraienttrouvée dans une boîte métal-lique cachée au fond d’une bi-bliothèque… pour finalementla mettre en vente sur eBay,mais « sans savoir ce qu’ilsavaient véritablement enmain», déclare-t-il.

«Un mariageépoustouflant !»

C’est ainsi qu’Alexandre deBothuri et son épouse, ÉlaineBédard (mannequin et anima-trice télé bien connue), ont dé-cidé d’aider le Château Du-fresne en prêtant pendant cinqans leurs précieux objets. Ilsdonnent de la sor te un boncoup de pouce à la renaissancedu Musée. « Je me suis dit quecette “ belle au bois dormant ”avait besoin d’être réveillée,lance joliment le collection-neur. C’est pourquoi nousavons confié nos objets histo-riques français à ce Château.»

« Et, tout de suite, nousavons compris qu’il serait ex-traordinaire de mettre en pa-rallèle les copies des frères Du-fresne avec les originaux, en-chaîne Paul Labonne. Et cemariage est époustouflant ! »

« Et, vous savez, Paul, avecun tout petit budget, fait desmiracles ! » , de renchérirM. de Bothuri.

CollaborateurLe Devoir

LE CHÂTEAU DUFRESNE-NINCHERI

Un étonnant petit musée

PAUL DUCHARME PHOTOGRAPHIE

Photographie d’un salon turc

projet qui va nous occuper pen-dant les trois ou quatre pro-chaines années. On planche là-dessus depuis déjà quatre ans etil faut comprendre qu’il en estainsi en raison du grand nombred’œuvres dont on dispose et de lasurface totale du musée qui vafaire plus de trois kilomètres avecl’ajout du nouveau pavillon.»

De ce vaste parcours qu’ellequalifie de magnifique, elle ditencore que c’est une prome-nade qui marie l’art, l’architec-ture et la nature puisque lemusée loge dans le parc deprestige des Champs-de-Ba-taille, aussi appelé plainesd’Abraham. Le pavillon initialGérard-Morisset de 1933 avecla colonnade beaux-arts héri-tera donc de tout le redéploie-ment de la collection histo-rique d’avant 1960.

Un enrichissementcontinu

Le Musée national regorgedéjà d’une multitude de piècesd’art témoignant de la vie artis-tique québécoise sous ses di-

verses facettes. Dans la fouléede l’expansion en cours, sa di-rection caresse-t-elle de nou-veaux projets, l’acquisitiond’autres œuvres? Line Ouelletapporte cet éclairage: «Tous lesmusées sont toujours actifs surce plan parce qu’une collectionc’est vivant. » Elle assure que«c’est la beauté d’une collectionque de vivre de toutes sortes defaçons : elle vit parce qu’on l’ex-pose, qu’on la prête, etc., et aussipar les ajouts qu’on y apporte, cequi crée de nouveaux dialogueset ce qui sert de plus à éclairerla démarche d’un artiste sousun angle différent».

Elle lève le voile sur le faitque « la portion de ce que tousles musées montrent dans leurssalles, c’est un peu la pointe vi-sible de l’iceberg. On aura biencompris qu’on a toujours beau-coup plus de pièces en réserveque ce qu’on expose. En mêmetemps, c’est la beauté de la choseparce qu’on peut constammentse renouveler et faire de nou-velles propositions.» Une fois sasuperficie pratiquement dou-blée, le MNBAQ sera bienservi dans ce sens-là.

CollaborateurLe Devoir

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MNBAQ

COURTOISIE MUSÉE NATIONAL DES BEAUX-ARTS DU QUÉBEC

Directrice et conservatrice en chef du MNBAQ, Line Ouellet

C L A U D E L A F L E U R

E n décembre dernier, la Société du Châ-teau Dufresne a fait l’acquisition du studio

de l’ar tiste italo-canadien Guido Nincheri.C’est dire que, désormais, on peut visiter deuxlieux étonnamment complémentaires : le châ-teau des bourgeois Dufresne et le studio d’ungrand artiste.

« Nous avons acheté le plus ancien atelier devitrail du Québec, relate Paul Labonne, direc-teur général du Musée Dufresne-Nincheri. OrGuido Nincheri a décoré le Château et l’immeu-ble où se trouve son studio abritait, audeuxième étage, les bureaux des entreprises desfrères Dufresne. »

Entrepreneurs, artisans et artistesCes derniers étaient de fiers et prospères en-

trepreneurs au début du XXe siècle. Ingénieur

et architecte, Marius Dufresne a entre autresexécuté les plans des plus beaux bâtiments dela Cité de Maisonneuve. Avec son frère Oscar,il fonde Dufresne Construction Co., puis Du-fresne Engineering Co. Cette dernière entre-prise a entre autres construit les ponts Sainte-Anne, Pie-IX et Viau, en plus de participer à laconstruction du pont Jacques-Cartier.

« Les Dufresne étaient également des mécènesqui ont beaucoup encouragé des ar tistes telsqu’Alfred Laliberté, Alfred Faneuf et Guido Nin-cheri, ajoute Paul Labonne. Ils ont ainsi prêté lerez-de-chaussée du 1832, boulevard Pie-IX àGuido, afin que celui-ci y aménage son atelier devitrail. En échange, l’artiste peint leur château.»Ironiquement, les deux frères sont décédés àl’âge de 61 ans, l’un en 1936 et l’autre en 1945.

Pour sa part, Guido Nincheri est peut-être l’ar-tiste qui a produit le plus grand nombre d’œu-vres religieuses au Canada durant le XXe siècle.

Il a notamment peint l’intérieur de nombreuseséglises, dont Saint-Michel-Archange, l’étonnanteéglise de la rue Saint-Urbain (angle Saint-Via-teur) qui ressemble à une sorte de minaret. Il aœuvré dans quelque 200 bâtiments, surtout deséglises, partout au Canada et en Nouvelle-Angle-terre. En effet, à partir de 1952, l’artiste s’installeà Providence (Rhode Island) afin de conquérir lemarché américain.

Une capsule de temps«Au Studio Nincheri, nous avons toutes les ma-

quettes de ce qu’il a fait, raconte Paul Labonne.Nous avons entre autres les travaux préparatoiresdes œuvres destinées aux églises et au ChâteauDufresne. On montre donc les esquisses qu’ilavait prévu faire pour le Château. C’est formida-ble, puisque vous pouvez voir comment il se pré-parait, puis voir au Château le résultat final !»

Le studio ayant fonctionné jusqu’en 1996,

tout le matériel est resté sur place, relate M. La-bonne, alors que la famille Nincheri a en outrefait don des œuvres d’ar t qui s’y trouvaient.C’est ainsi qu’au deuxième étage on a reconsti-tué l’intérieur du salon de Guido Nincheri àProvidence.

C’est comme une capsule de temps de la pre-mière moitié du XXe siècle. « Jamais je n’auraispensé un jour qu’on aurait réuni tout ça, déclareavec émerveillement Paul Labonne, le studio del’artiste qui complète si merveilleusement bien lechâteau des frères Dufresne ! »

Il souligne enfin que, lorsqu’on achète un bil-let pour visiter l’un ou l’autre de ces lieux, dis-tants de seulement 15 minutes de marche l’unde l’autre, on dispose d’un mois pour visiter lesecond.

CollaborateurLe Devoir

STUDIO NINCHERI

En visite chez l’artiste qui a peint le Château

MUSÉESL E D E V O I R , L E S S A M E D I 2 8 E T D I M A N C H E 2 9 M A R S 2 0 1 5J 4

MUSÉE DES BEAUX-AR TS DE SHERBROOKE

Un établissement muséal inscrit au cœur de sa collectivité

L U D I V I N E M A G G I

«E nviron 30 % de notre collection perma-nente est numérisée et accessible sur le

site Internet du Centre, explique la conserva-trice en chef du CCA, Giovanna Borasi. Notrebut n’est pas de la numériser dans son intégralité,mais de le faire de façon plus ciblée et plus cohé-rente pour donner un aperçu, un échantillon dutravail d’un architecte. » Comme le souligneMme Borasi, la numérisation apporte un aspectvisuel supplémentaire aux internautes, cartoutes les informations de la collection perma-

nente sont déjà répertoriées dans le catalogueen ligne.

Même si la collection permanente n’est pasprésentée aux visiteurs comme dans un muséetraditionnel où ils déambuleraient à leur gré, ilspeuvent la consulter sur Internet de chez eux,sur rendez-vous ou en avoir un aperçu lors d’ex-positions organisées par le CCA ou par d’autresmusées. En ce moment, l’exposition Merveilleset mirages de l’orientalisme, au Musée desbeaux-arts de Montréal, présente trois livres etune photographie de la collection permanente.« Ce prêt permet de toucher un autre public, de

ne pas rester isolé, car notre public est très ciblé,assure la conservatrice. Le prêt d’objets dans unautre lieu donne à voir la qualité de notre collec-tion, tout en renforçant notre visibilité. » En ef-fet, bien que la collection permanente soit da-vantage constituée pour être étudiée et utiliséedans le cadre de recherches, le CCA entendbien garantir son accessibilité au grand public.

De la Renaissance à AutocadÀ ce jour, la collection comprend plus d’un

demi-million de pièces qui reflètent la vision duCCA. « Le Centre n’acquier t pas des archives,des dessins ou des photographies d’architectespour documenter leur travail final, souligne laconser vatrice en chef. Ce que nous voulons,c’est documenter un processus d’idéation qu’unauteur, que ce soit un architecte, un écrivain ouun dessinateur, a dans le développement d’unepensée architecturale. » De l’objet précieux dela Renaissance au fichier Autocad (un logicielde dessin assisté par ordinateur qu’utilisent lesarchitectes), le Centre canadien d’architecturese demande toujours quel matériel illustreraitle mieux ce qui se cache derrière une penséearchitecturale.

Une ligne directrice à l’origine de la diversitéde la collection permanente. «Par exemple, voustrouverez des archives rassemblant toutes les com-munications d’un architecte, comme cellesconcernant la logistique d’une construction, lesmatériaux ou encore ses échanges d’idées »,avance Giovanna Borasi. Une collection perma-nente plurielle constituée grâce aux diversesdonations reçues par le CCA.

Cependant, tout n’a pas son droit d’entréeau CCA. Un choix s’impose selon la ligne di-rectrice que se donne le Centre, comme le pré-cise Mme Borasi. « Le CCA s’intéresse à une ar-chitecture por teuse d’idées. Les archives quenous cherchons viennent documenter et expli-quer ces idées. Pour donner un exemple, nous nevoulons pas de maquettes faites pour une exposi-tion, mais seulement des maquettes qui ont aidél’architecte dans sa réflexion sur le volume oules matériaux. »

Du papier au numériqueLa collection permanente agit comme le mi-

roir d’une époque et de l’évolution de la pra-tique architecturale. Actuellement, le plusgrand défi du CCA réside dans l’explorationdes années 1990. Avec l’avènement de l’utilisa-tion d’ordinateurs et de logiciels tridimension-nels, cette période marque un véritable tour-nant dans la pensée architecturale. Pour leCCA, il s’agit alors de préserver et de donner

l’accès aux fichiers issus de ces logiciels. «Celanécessite un énorme travail de recherche, car ceslogiciels étaient parfois programmés par les ar-chitectes eux-mêmes », avance la conservatriceen chef.

En plus des défis informatiques qu’il faut re-lever, le CCA doit aussi composer avec sa vo-lonté d’acquérir les œuvres complètes des ar-chitectes des années 1990. « Récemment, nousavons reçu une partie des archives de l’architecteportugais Álvaro Siza, assure Mme Borasi. Il estimportant pour nous qu’il n’y ait pas tout au Ca-nada en raison du lien de l’architecte avec le Por-tugal. Nous avons donc établi une collaborationavec la Fundação Gulbenkian et la Fundação deSerralves afin d’établir un réseau d’archives àune échelle internationale et de par tager laconnaissance avec ces établissements. »

Gardien de l’architecture internationaleReconnu pour son rayonnement et sa collec-

tion permanente au niveau international, leCCA fait figure de gardien de la pensée et dutravail des architectes. « C’est important pourun architecte ayant travaillé dans le monde en-tier de savoir que, après sa mort, son œuvre seramise en valeur dans un lieu renommé comme leCCA», convient la conservatrice.

D’après Mme Borasi, le Centre a acquis uneréputation internationale grâce à un travail delongue haleine. «Dans les premières années duCCA, des ef forts ont été faits pour bâtir une col-lection internationale. »

Une réputation qui a permis au Centre defaire voyager ses expositions, comme cellesintitulées Archéologie du numérique et Archéo-logie du numérique : environnements vir tuels,objets interactifs, à l’École d’architecture del’Université Yale, à New Haven (Connecticut),ou Architecture en uniforme : projeter etconstruire pour la Seconde Guerre mondiale,au Musée national d’ar t du XXIe siècle deRome, présentée jusqu’au 3 mai 2015. SelonMme Borasi, « quand nos expositions voyagent,c’est aussi notre lecture de la collection qui s’ex-porte ». Le caractère international des exposi-tions incite le Centre à se poser des questionsqui dépassent les frontières québécoises et ca-nadiennes. La conservatrice en chef du CCAsoutient que, lorsqu’une exposition est mon-tée, le Centre met toujours en évidence uneidée qui peut être intéressante hors de Mont-réal. « Nous parlons aussi bien au public d’icique d’ailleurs. »

CollaboratriceLe Devoir

T H I E R R Y H A R O U N

«N otre mission est de fairela promotion et la

conservation du patrimoine ar-tistique des Cantons-de-l’Est. Ilest d’ailleurs très riche, ce patri-moine. Depuis le XIXe siècle,cette région est un repère pourbeaucoup d’artistes d’ici et d’ail-leurs», note Cécile Gélinas, quirappelle au passage que le ter-ritoire dont elle parle est celuides Cantons-de-l’Est dit «histo-rique», qui s’étend de la rivièreChaudière à la rivière Riche-lieu. Et les artistes de granderéputation issus de cette ré-gion, dit-elle, sont nombreux,comme Armand Vaillancourt,Charles Daudelin ou encoreMichel Goulet. «Michel Gouleta été élevé à 200 pas de notremusée !»

Fondé en 1982 par un grouped’amateurs d’art, le Musée desbeaux-arts de Sherbrooke est leprincipal acteur sur le plan de laconservation et de la diffusiondes arts visuels dans les Can-tons-de-l’Est. Comptant troissalles, il présente une dizained’expositions par année. Il oc-cupe d’ailleurs, depuis 1996, unédifice historique datant duXIXe siècle, soit l’ancien siège so-cial de l’Eastern TownshipsBank, situé au centre-ville de

Sherbrooke. Un édifice qui adonc troqué la conservation desbillets de banque contre celledes œuvres. Et la collection duMusée est riche de 5200 œu-vres des XIXe, XXe et XXIe siè-cles produites par 920 artistes,dont 60 % sont originaires desCantons-de-l’Est, les autresétant canadiens ou américains.Sculptures, photographies, pein-tures, bref, «tous les médias sontreprésentés dans notrecollection», assure Cécile Géli-nas, qui tenait à mentionner unecollection toute particulière, soitcelle de l’artiste peintre Frede-rick Simpson Coburn (1871-1960), natif de Melbourne, tou-jours dans les Cantons-de-l’Est.

Des nusUne collection qui compte

quelque 700 œuvres de l’ar-tiste, dont son fonds d’atelier,qui a été remis au Musée parsa famille, dans les années1990. « Quand on parle dufonds d’atelier, ça veut direque nous avons ses dessins,ses croquis, ses tubes, ses pin-ceaux, ses chevalets et ses car-nets . Coburn a été célèbrepour ses magnifiques scènesd’hiver et ses travaux illus-trant les bûcherons. Il a bienvécu. Il a beaucoup vendu. Etnous avons aussi un volet

d’œuvres plus méconnues, soitdu por traitiste qu’il était. Il

était, vous savez, un grandpor traitiste. Nous avons des

nus, entre autres », soulignela directrice de ce Musée,qui est ouver t à l ’année etemploie sept personnes.

Des salonsOn notera également que le

Musée or gan ise , depu isquelques années, le Salon duprintemps des artistes des Can-tons-de-l’Est. «Nous y invitonsune vingtaine d’artistes de la ré-gion. Et, toutes les fois, on se de-mande si on a fait le tour de tousles artistes. Eh bien non, on en dé-couvre tout le temps. C’est extraor-dinaire! Et je peux vous dire que,du moment qu’un artiste est in-vité, il devient un ami du Musée.On sent que cette initiative lestouche puisque ça les fait connaî-tre», fait valoir Mme Gélinas, quisouligne que ces activités«créent un sentiment d’apparte-nance avec le Musée».

Des élèvesJustement, dans le cadre de

cette approche qui vise à créerdes liens avec son milieu, le Mu-sée des beaux-ar ts de Sher-brooke mise sur l’éducation desjeunes, du niveau primaire aupostsecondaire, avec une pro-grammation variée et des visitesadaptées aux clientèles sco-laires. Chaque visite peut êtrecomplétée par un atelier conçuen fonction des expositions tem-poraires en cours, ce qui favo-rise ainsi la découverte. «L’édu-cation est une priorité pour nous.Du moment qu’un professeurmet les pieds dans notre Musée, ily revient tout le temps. On faitd’ailleurs affaire avec les repré-

sentants culturels de la Commis-sion scolaire [de la Région-de-Sherbrooke]. Les élèves appren-nent tellement ici. Ils découvrentdes choses. On leur donne l’occa-sion de s’initier à l’art avec devraies œuvres. On les fait travail-ler en atelier avec du vrai maté-riel d’artiste.» Plus encore, dit-elle, «il y a des écoles qui achè-tent des memberships du Muséeà leurs élèves. C’est tout de mêmeimpor tant comme initiative.Cela permet de maintenir unlien avec les élèves qui viennentici n’importe quand.»

Et qui dit membership dit fi-nancement. «En effet, le finance-ment du Musée, c’est un enjeu.C’est difficile, mais le Musée toutcomme sa fondation organisentdes activités de financement »,note Mme Gélinas, rappelantque le plus récent encan d’œu-vres d’art, qui porte le nom deSalon des beaux-arts, a recueilli86 500 $. « C’était la vingt-hui-tième édition!»

Et des… estampesEt qui passe au Musée ces

jours-ci aura l’occasion de voirl’exposition Estampes inuits…Inspiration japonaise. « Cetteexposition itinérante est organi-sée en collaboration avec le Mu-sée canadien de l’histoire. D’ail-leurs, depuis que le Muséeexiste, nous avons très peu ex-posé de l’art inuit. C’est une dé-couver te pour notre clientèle,qui semble beaucoup l’appré-cier», remarque Mme Gélinas.

CollaborateurLe Devoir

Il s’agit de parler avec la directrice du Musée des beaux-artsde Sherbrooke, Cécile Gélinas, pour se convaincre que cet éta-blissement muséal des Cantons-de-l’Est est inscrit au cœur desa collectivité. Découverte d’un musée qui allie art, éducationet collection.

COURTOISIE MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE SHERBROOKE

Frederick Simpson Coburn, Non titré, 1892, fusain sur papier,Collection Newlands Coburn. Photographie Réal Bergeron.

Avec la participation

mcq.org Les Musées de la civilisation sont subventionnés par le ministère de la Culture et des Communications.

Présentée par

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Hôtel officiel

MUSÉE DE LA CIVILISATION

À Québec

Photographies, dessins, estampes, archives, études conceptuelles, dessins, plans et ma-quettes : autant de pièces qui constituent la collection permanente du Centre canadien d’archi-tecture (CCA). Des trésors le plus souvent méconnus du grand public, dont certains datent duXVe siècle. Une collection riche que le Centre essaie de rendre visible le plus largement possi-ble par l’organisation d’expositions temporaires, par le prêt de sa collection à des expositionsitinérantes ici ou à l’étranger, ainsi que par la numérisation d’une partie de ses documents.

PIERRE JEANNERET

Pierre Jeanneret, architecte. Maisons gouvernementales à deux étages, à Chandigarh, en Inde,en 1956.

CENTRE CANADIEN D’ARCHITECTURE

S’affranchir des frontières

MUSÉESL E D E V O I R , L E S S A M E D I 2 8 E T D I M A N C H E 2 9 M A R S 2 0 1 5 J 5

P I E R R E V A L L É E

L e Musée McCord, au-jourd’hui regroupé avec le

Musée Stewart, possède dansses voûtes l’une des plus im-portantes collections perma-nentes d’histoire sociale enAmérique du Nord. En ef fet,ce sont 1 445 000 artéfacts quiy trouvent refuge et échappentainsi aux ravages du temps.

« La collection permanentedu Musée McCord de la rueSherbrooke contient des ar té-facts datant du XIXe siècle et al-lant jusqu’à aujourd’hui, ex-plique Christian Vachon, chefde la gestion des collections,tandis que celle du Musée Ste-wart, sur l’île Sainte-Hélène,contient des artéfacts à partirdu XVIIIe siècle et remontantjusqu’au début de la colonisa-tion. McCord documente sur-tout le comment-vivre de notresociété, une fois cette dernièrebien installée ici, tandis queStewart documente plutôt la pé-riode de l’exploration et de ladécouver te des nouveauxmondes. Les deux collectionssont donc complémentaires,celle de McCord prenant enquelque sorte le relais de cellede Stewart. »

Les deux collections, qui aufond n’en font qu’une, sont di-visées par thématiques. Ainsi,à McCord, on trouve les collec-tions portant sur les peintures,estampes et dessins, les cos-tumes et textiles, l’ethnologieet l’archéologie, les arts déco-ratifs, les archives textuelles etles archives photographiques.« Au Musée Stewar t, on ytrouve une collection d’armes,allant de l’épée à l’arme à feu,une collection de costumes mili-taires et une collection d’objetsscientifiques, dont notammentdes cartes géographiques et desglobes terrestres.»

Faits saillantsCes collections perma-

nentes, en plus de documenterdes pans de l’histoire sociale,contiennent aussi cer tainesperles, souvent méconnues,mais qui méritent d’être souli-gnées. Ainsi, les archives pho-tographiques, riches de1 300 000 clichés, contiennentla totalité des archives photo-graphiques du photographemontréalais William Notman.

« C’est dans la collection depeintures, estampes et dessinsqu’on retrouve notre collectionde caricatures éditoriales. No-tre plus ancienne caricature estune caricature du généralWolfe, réalisée par un de ses of-ficiers, en 1759. Notre collec-tion de caricatures couvre deuxsiècles et demi d’histoire. Les

caricaturistes contemporains,comme Chapleau, Garnotte etAislin, en font aussi partie. »

La collection de costumeset textiles, comme son noml’ indique, s ’ intéresse à cequ’on por tait. « C’est la plusimportante collection au paysde costumes et textiles fabri-qués et por tés au Canada.Elle contient aussi une collec-t ion de vêtements de spor tainsi qu’une imposante collec-tion de robes de mariée. » Lacollection des arts décoratifscontient du mobil ier ainsique divers objets, dont de lavaisselle et de la céramique.« On y trouve aussi la plus im-por tante collection de jouetscanadiens au Canada. » Lacollection d’ethnologie et ar-chéologie se concentre surdes ar téfacts en provenancedes Premières Nations.« C’est la plus impor tante aupays et elle contient à la foisdes ar téfacts autochtonescomme des artéfacts inuits. »

AcquisitionFait étonnant, malgré l’im-

portance des collections per-m a n e n t e s d e s M u s é e sMcCord et Stewart, l’établisse-ment muséal ne dispose d’au-cun budget d’acquisition.« Toutes les acquisitions quenous faisons nous proviennentde personnes qui nous donnentdes objets. Ces personnes, sou-vent à la suite d’une de nos ex-positions, nous contactent pournous of frir des objets qu’ellesont en leur possession. »

Malgré ce bel élan de généro-sité, le Musée n’accepte pastout. « On fait d’abord un tridans les objets et c’est un comitéd’experts qui décide si l’objet vautla peine de figurer dans l’une denos collections. Il faut évidem-ment que l’objet en question aitun lien historique et possède unevaleur historique qu’on peut vali-der et ensuite documenter.» Mal-gré ce tri, l’établissement mu-séal acquiert entre 10 000 et15 000 artéfacts par année.

Gestion des collectionspermanentes

Une si imposante collectionpermanente exige évidem-ment une gestion assez com-plexe. « Nous consacrons 35 %du budget du Musée à la ges-tion de nos collections perma-nentes. Outre le processus d’ac-quisition, il faut documenter etcataloguer les artéfacts, faire lamise en réserve et ensuite nu-mériser les ar téfacts, ce quinous permet de rendre certainsde nos artéfacts disponibles vianotre site Internet. Finalement,il faut les restaurer lorsque celaest nécessaire. »

L’entreposage en voûte né-cessite de prendre des pré-cautions. « Les ar téfacts sontentreposés dans des conditionsclimatiques par ticulières, se-lon les principaux matériauxqui composent l’ar téfact. » Leservice de gestion des collec-tions permanentes est aussiresponsable du prêt des arté-facts pour les expositions. « Àl’interne, c’est le service desexpositions qui nous fait la de-mande pour obtenir les ar té-facts nécessaires à l ’exposi-tion. On sor t alors l’ar téfactde la voûte et on le place en-suite dans une salle de pré-montage. À l’externe, ce sontd’autres musées qui font la de-mande, mais c’est notre ser-vice de gestion qui évalue lesconditions dans lesquelles l’ar-téfact sera exposé, et nous as-surons la logistique de sontransfert. »

Dans les deux cas, parcontre, on ne peut pas prêtern’impor te quoi n’impor tequand. «Par exemple, une aqua-relle datant de 150 ans, si elle aété exposée à une lumière de 50

lux pendant six mois, doit êtreensuite remisée dans le noir pen-dant 5 à 10 ans, si nous voulonsassurer sa conservation. Tantqu’elle est au repos, cette aqua-relle ne pourra pas être prêtée.»

Faute d’espace d’exposi-tion, seulement 1 % de la col-lection permanente peut êtreexposée à un moment donné.« Par contre, le MuséeMcCord comme le Musée Ste-war t sont des établissementsmuséaux de recherche. Celaveut dire que les chercheurs,historiens et étudiants ont ac-cès à la col lection perma-nente. Il suf fit qu’ils en fassentla demande et nous seronsheureux de les accompagnerdans la voûte vers l’ar téfactqu’ils veulent consulter. »

CollaborateurLe Devoir

MUSÉE MCCORD — MUSÉE STEWAR T

Une riche collection en histoire sociale

Quatre figures de l’art moderne au Québec

Jean PaulLEMIEUX

AlfredPELLAN

FernandLEDUC

Jean-Paul RIOPELLE

Les expositions Quatre figures de l’art moderne au Québec ont bénéficié d’une contribution financière du ministère de la Culture et des Communications • Jean Paul Lemieux, Les Ursulines

(détail), 1951. Huile sur toile, 61 x 76 cm. Coll. MNBAQ, achat lors du concours artistique de la province de Québec en 1951 • Jean Paul Lemieux, 1979. Photo : Jean-Marie Villeneuve • Alfred Pellan,

Citrons ultra-violets (détail), 1947. Huile, feuille d’or et peinture fluorescente sur toile, 208 x 167,3 cm. Coll. MNBAQ. © Succession Alfred Pellan / SODRAC (2014) • Alfred Pellan, 1968. Photo : André Le Coz • Fernand Leduc, Jaune (détail), 1962. Huile sur toile, 162,4 x 129,8 cm. Promesse de don de l’artiste. © Fernand Leduc / SODRAC (2014) • Fernand Leduc, 1987. Photo : Richard-Max Tremblay •

Jean-Paul Riopelle, Poussière de soleil (détail), 1954. Huile sur toile, 245,2 x 345,3 cm. Coll. MNBAQ. © Succession Jean-Paul Riopelle / SODRAC (2014) • Jean-Paul Riopelle, 1978. Photo : Basil Zarov

PHOTOS MUSÉE MCCORD

William Notman, vue de Montréal depuis la Douane en direction est, vers 1878

Chandail de hockey, 1943-1953, don de la succession de MauriceRichard

C’est la plusimportantecollection aupays de costumeset textilesfabriqués et portés au Canada

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MUSÉESL E D E V O I R , L E S S A M E D I 2 8 E T D I M A N C H E 2 9 M A R S 2 0 1 5J 6

DE L’ARCHÉOLOGIE À L’ART CONTEMPORAIN, TANT

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ART CONTEMPORAININTERNATIONAL

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Présentant plus de 4 000 œuvres réparties dans 4 pavillons, la collection du MBAM est l’une des plus importantes au Canada.

Impressionnante par son ampleur et sa diversité, elle regorge d’œuvres exceptionnelles des plus grands artistes de tous les courants tels

Rodin, Matisse, Renoir, Picasso, Riopelle, Tiffany, Basquiat, Chihuly, Thomson, Rembrandt, Pellan et Borduas.

Parcours thématiques, activités familles, visites guidées, films, conférences et concerts, venez (re)découvrir la collection !

© Successions Jean-Paul Riopelle, Serge Lemoyne et Jean McEwen / SODRAC (2015)

Art québécois et canadien + art international ancien et moderne + arts décoratifs et design : photos Marc Cramer. Art contemporain international : photo MBAM, Denis Farley. Archéologie et cultures du monde : photo MBAM, Christine Guest

publiés — un sur l’art québé-cois et canadien et l ’autresur l’ar t décoratif et le des-ign — alors que deux autrestomes devraient paraîtrebientôt.

Depuis son arrivée à la têtedu MBAM, en 2007, NathalieBondil s’est aussi entourée deconser vateurs et de consul-tants spécialisés dans les do-maines négligés au cours desdernières décennies, commel’art asiatique, l’art précolom-bien, la photographie, l’ar tinuit ou le design et l’art déco-ratif des XVIIIe et XIXe siècle.«Quand vous voulez développer

une collection, il vous faut unexpert, parce que c’est cet expertqui va trouver les œuvres et quiva convaincre les col-lectionneurs », insisteMme Bondil.

Ces spécialistesavisés ont même re-tracé des objets devaleur… parmi lespossessions de l’éta-blissement. Un fau-teuil impérial chinoisdu XVIIe siècle, ou-blié dans la collec-tion, a récemmentété redécouver t. Ilest actuellement res-tauré, en collabora-tion avec le réputé muséeGetty de Los Angeles.

«Les cultures du monde vontvraiment être mises à l’honneur

dans les années qui viennent »,assure d’ailleurs Mme Bondil.Le chambardement qui ac-

compagnera l’ou-verture du pavillonde la paix Michal-et-Renata-Hornsteinpermettra d’ouvrirune aile pour mieuxvaloriser ce seg-m e n t a u t r e f o i snommé « culturesa n c i e n n e s » , q u iréunit entre autresl’ar t africain, asia-tique, moyen-orien-tal et précolombien.Le musée y ajouterad e s c r é a t i o n s

contemporaines en prove-nance des quatre coins duglobe, comme en fait foi le ré-cent achat, parallèlement à

l’exposition temporaire Mer-veilles et mirage de l’orienta-lisme, de photographies deYasmina Bouziane, Lalla Es-saydi et Majida Khattari, desartistes marocaines actuelles.« Je vois l’occasion d’ouvrir lemusée vers d’autres enjeux,comme l’immigration, l’inté-gration et l’ouver ture aumonde», indique Mme Bondil.

La collection permanentedu MBAM a « plus à dire quece que les historiens de l’ar tpeuvent en dire », précise-t-elle. Sa diversité constitue labase des activités éducatives,dont le projet ÉducArt. À tra-vers 17 écoles secondaires duQuébec, ce programme déve-loppera pour 2017 du contenusur 17 thématiques dif fé-rentes. Une plateforme nu-

mérique à des fins scolairessera conçue en rapport avecce regard posé sur la collec-tion, à travers le prisme d’en-jeux de société. Une dé-marche similaire est déjàamorcée autour des ques-tions sur l’apparence et lescritères de beauté corporelle.« Ce qui est magnifique, c’estque cette collection est telle-ment profonde et tel lementlarge qu’elle donne une dis-tance critique par rappor t à

des images dont on est abreuvésans arrêt. C’est pour çaqu’elle est si importante. »

Mme Bondil rappelle que, au-delà des flamboyantes exposi-tions temporaires à succès,c’est la collection permanente« qui va rester ». « C’est le cœurdu réacteur. C’est ce qui justifietout. C’est ce qui définit le Mu-sée», souligne-t-elle.

CollaborateurLe Devoir

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COLLECTION

Accès payantDepuis le 1er avril 2014, il faut payer pour visiter la collectionpermanente du MBAM. L’entrée coûte désormais 12 $,maiselle demeure gratuite le dernier dimanche de chaque mois eten tout temps pour les jeunes de moins de 31 ans.

La collectionpermanente duMBAM a «plusà dire que ceque leshistoriens del’art peuvent en dire»