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Ann Dermatol Venereol2006;133:777-80Articles scientifiques
Cas clinique
Mutation du gène CDKN2A et perte d’activité de la protéine p16 chez un malade traité par L-Dopa et atteint de mélanomes sporadiques multiplesI. TEMPLIER (1), J. CHARLES (1), M.-C. COMBE (2), B. BRESSAC DE PAILLERETS (3), D. LEROUX (4), M.-T. LECCIA (1)
Résumé
Introduction. Le mélanome est une maladie complexe dans laquelle
interviennent des facteurs génétiques et environnementaux. La L-Dopa
est un médicament qui a été impliqué dans la survenue et/ou
l’aggravation de mélanomes.
Observation. Un homme âgé de 58 ans, parkinsonien traité par lévodopa
et inhibiteur de la dopadécarboxylase, a développé 22 mélanomes sur une
période de 4 ans. Il était de phototype II et avait de multiples nævus. Une
mutation du gène de susceptibilité pour le mélanome CDKN2A était
trouvée.
Discussion. La survenue de mélanomes multiples doit faire rechercher
l’existence d’un terrain génétique prédisposant. Le nombre
exceptionnellement élevé de mélanomes chez ce malade fait suspecter
un rôle de la L-dopa, précurseur de la synthèse des mélanines. Une
surveillance dermatologique accrue et la recherche de facteurs de
prédisposition nous paraissent recommandées en cas de survenue de
mélanomes sous dopathérapie.
Summary
Background. Cutaneous melanoma is a complex disease involving
genetic and environmental factors. Levodopa has been incriminated in
the development and/or progression of melanoma.
Observation. We report the case of a man treated with levodopa and a
dopadecarboxylase inhibitor for Parkinson’s disease and presenting
22 cutaneous melanomas over a 4-year period. The patient is of
phototype II and presents multiple nevi. Genetic analysis of predisposing
genes demonstrated a CDKN2A mutation with loss of p16 activity.
Discussion. Multiple melanomas may be associated with genetic
predisposition, and screening for the latter should be performed. The
exceptionally high number of melanomas developed by our patient raised
suspicions about levodopa, a precursor in melanin synthesis, as a
potential inducer. Increased dermatologic controls and screening for
predisposing genetic factors appear to us to be warranted in the event of
melanoma development in patients on levodopa.
e mélanome est une maladie hétérogène dans ses formes
cliniques et dans son évolution. Sa pathogénie fait inter-
venir des facteurs génétiques et des facteurs environne-
mentaux qui restent mal connus à ce jour. Des mutations de deux
gènes intervenant dans la voie des cyclines, CDKN2A et CDK4,
sont associées à certaines formes de mélanomes familiaux et/ou
de mélanomes multiples d’apparence sporadique. Par ailleurs,
d’autres gènes contrôlant la pigmentation, la réparation de
l’ADN ou encore la détoxification des espèces réactives de l’oxy-
gène, joueraient un rôle important dans le développement des
mélanomes. La L-Dopa, qui est le précurseur commun de la do-
pamine et des mélanines, est une molécule qui a été incriminée
dans la survenue et/ou l’aggravation de certains mélanomes.
Nous rapportons le cas d’un malade de phototype II, ayant de
multiples nævus, qui a développé 22 mélanomes cutanés alors
qu’il était traité par L-Dopa et inhibiteur de la dopadécarboxylase
pour une maladie de Parkinson sévère et dont l’étude génétique
a permis de montrer qu’il avait une mutation du gène CDKN2A.
Observation
Un homme de 58 ans consultait en mai 1999 pour deux lé-
sions pigmentées du tronc d’apparition récente. Le malade
CDKN2A gene mutation and loss of p16 protein activity in a patient onlevodopa presenting sporadic multiple primary melanoma.I. TEMPLIER, J. CHARLES, M.-C. COMBE, B. BRESSAC DE PAILLERETS, D. LEROUX, M.-T. LECCIA
Ann Dermatol Venereol 2006;133:777-80
(1) Dermatologie, Département Pluridisciplinaire de Médecine, CHU Albert Michallon, BP 217, 38043 Grenoble Cedex 9.(2) Hôpital sud, BP 338, avenue de Kimberley, 38434 échirolles Cedex.(3) Service de Génétique, Institut Gustave Roussy, 39, rue Camille Desmoulins, 94800 Villejuif.(4) Unité d’Oncogénétique, Département de Biologie et Pathologie de la Cellule, CHU Albert Michallon, BP 217, 38043 Grenoble Cedex 9.
Tirés à part : I. TEMPLIER, Département Pluridisciplinaire de Médecine,
Service de Dermatologie, CHU La Tronche, BP 217, 38043 Grenoble Cedex 9.
E-mail : [email protected]
L
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I. TEMPLIER, J. CHARLES, M.-C. COMBE et al. Ann Dermatol Venereol2006;133:777-80
était châtain clair, avait les yeux gris-vert et un phototype II se-
lon la classification de Fitzpatrick. Il s’était beaucoup exposé
au soleil dans son enfance puisqu’il vivait à la campagne en
Haute-Savoie et s’était également exposé au soleil à l’âge adul-
te pendant ses vacances, qui avaient été l’occasion de coups de
soleil répétés. Il installait des remontées mécaniques dans le
cadre de son travail, essentiellement pendant l’automne, et se
protégeait alors avec des vêtements. Il n’avait jamais fait
de séances d’ultraviolets artificiels ni séjourné sous les tropi-
ques de façon prolongée. Il était traité depuis janvier 1996 par
L-dopa et inhibiteur de la dopadécarboxylase pour une maladie
de Parkinson dont les premiers symptômes étaient apparus en
janvier 1991 et qui s’était progressivement aggravée. Lors de
cette première consultation, la dose cumulative de lévodopa re-
çue était évaluée à 637,7 grammes. Il n’existait aucun antécé-
dent familial de mélanome ni d’autre cancer. L’examen
clinique à cette date trouvait de multiples nævus, sans caractè-
re clinique d’atypie, et deux lésions pigmentées suspectes de
mélanome respectivement situées sur la région médiodorsale
gauche et le flanc gauche. L’analyse histologique réalisée après
l’exérèse de ces lésions confirmait le diagnostic de mélanomes
de type superficiel extensif : indice de Breslow à 0,48 mm avec
présence de zones de régression, niveau II selon Clark pour
l’une, indice de Breslow à 2 mm, niveau IV selon Clark pour
l’autre. Le bilan d’extension clinique et paraclinique initial
était négatif et une exérèse chirurgicale élargie des deux
lésions était réalisée. Une tentative d’arrêt du traitement par
L-dopa était réalisée sous surveillance neurologique mais se
soldait par un échec en raison de l’aggravation rapide du ta-
bleau neurologique. Une surveillance dermatologique trimes-
trielle était alors mise en place au cours de laquelle le malade
a eu l’exérèse de 25 autres lésions pigmentées suspectes, entre
avril 2000 et octobre 2003, dont 20 se sont révélé être des mé-
lanomes primitifs de petite épaisseur (Breslow inférieur à
1 mm), développés sur nævus préexistants pour sept d’entre
eux. Le diagnostic de mélanome primitif a été confirmé pour
l’ensemble de ces lésions par le Dr Bailly, référente anatomo-
pathologiste pour le diagnostic des tumeurs pigmentées pour
la région Rhônes-Alpes (Centre Léon-Bérard, Lyon). En
août 2003, sont apparues des métastases ganglionnaires
préscapulaires gauches qui ont été traitées par chirurgie et ra-
diothérapie adjuvante. En janvier 2004, il a été examiné en
consultation d’oncogénétique et a accepté de participer à l’étu-
de coordonnée par l’Institut Gustave Roussy sur « les interac-
tions gènes-environnement dans l’expression du mélanome ».
Une analyse par séquençage direct de la totalité des séquences
codantes du gène CDKN2A et de l’exon 2 du gène CDK4 a ain-
si été réalisée sur deux prélèvements sanguins après consente-
ment éclairé du malade et a permis d’identifier une double
mutation nucléotidique du gène CDKN2A, localisée dans
l’exon 2 [c.339G > C ; c.340C > T], exon commun aux protéi-
nes p16INK4A et p14ARF. Cette mutation se traduisait en [p. L113L ;
p. P114S] pour la protéine p16INK4A et en [p. A128L] pour la pro-
téine p14ARF. Un test fonctionnel in vitro de la mutation P114S
a permis de montrer que la protéine p16INK4A mutée avait signi-
ficativement perdu sa capacité de liaison à la protéine CDK4
(26 p. 100, le 100 p. 100 étant ajusté sur la protéine p16INK4A
sauvage). Le malade, après échec d’une première ligne de chi-
miothérapie par dacarbazine a été traité par fotémustine, pour
des métastases viscérales et sous-cutanées multiples diagnos-
tiquées en octobre 2004. La dose cumulée de lévodopa reçue
au 1er août 2005 était estimée à 2 005 grammes.
Discussion
Cette observation rapporte la survenue exceptionnelle de
22 mélanomes, chez un malade traité par dopathérapie pour
une maladie de Parkinson. Elle soulève la question de l’exis-
tence d’une mutation des gènes de susceptibilité dans ce con-
texte de mélanomes multiples d’une part, et relance la
discussion sur le rôle possible de la L-Dopa dans l’apparition
et/ou la progression des mélanomes d’autre part.
Il est aujourd’hui admis que le mélanome est une maladie
polygénique et liée à des facteurs de l’environnement parmi
lesquels seul le rôle des expositions solaires intenses a été clai-
rement démontré. Les mutations germinales de deux gènes à
haute pénétrance, CDKN2A et CDK4, influencent le risque de
mélanome. CDKN2A, situé en 9p21, est un gène suppresseur
de tumeur codant deux protéines p16INK4A et p14ARF, qui régu-
lent la progression du cycle cellulaire et la survie cellulaire res-
pectivement par les voies de pRb et de p53 [1]. Une mutation
du gène CDKN2A a été trouvée dans 50 p. 100 des familles
françaises ayant recensé plus de trois cas de mélanomes cuta-
nés, dans 20 p. 100 de celles avec plus de deux cas de mélano-
mes [2] et chez 9 p. 100 des malades avec des mélanomes
multiples d’apparence sporadique [3]. Les mutations de l’onco-
gène CDK4 ont, en revanche, été mises en évidence dans un
très petit nombre de familles de mélanomes [4] et n’ont pas été
rapportées dans le contexte de mélanomes multiples [3]. Dans
le cas présenté, les études génétiques ont permis de mettre en
évidence une double mutation nucléotidique du gène
CDKN2A, localisée dans l’exon 2, commun aux protéines
p16INK4A et p14ARF. Il a été montré que cette mutation était res-
ponsable d’une perte significative de la capacité de liaison de
p16INK4A à CDK4 alors que les conséquences fonctionnelles
sur p14ARF ne sont actuellement pas connues (pas de test éva-
luant l’activité fonctionnelle de p14ARF). Des études épidémio-
logiques récentes ont montré que la pénétrance du gène
CDKN2A varie avec les taux d’incidence du mélanome dans la
population et suggèrent que les mêmes facteurs qui influen-
cent les variations d’incidence du mélanome modulent la pé-
nétrance des mutations du gène CDKN2A [5] : sensibilité au
soleil, nombre de nævus, expositions solaires [6] et génotype
MC1R [7], gène de susceptibilité pour le mélanome à faible pé-
nétrance récemment identifié, jouant un rôle crucial dans la
pigmentation cutanée. L’interrogatoire et l’examen clinique de
ce malade ont permis de trouver plusieurs de ces facteurs de
risque : phototype II, cheveux et yeux clairs, expositions solai-
res importantes dans l’enfance et à l’âge adulte, nombre élevé
de nævus. Une étude de son génotype MC1R est par ailleurs en
cours de réalisation.
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Mutation du gène CDKN2A chez un malade traité par L-Dopa et atteint de mélanomes multiples
La survenue d’un nombre élevé de mélanomes chez ce
malade alors qu’il était traité par lévodopa, soulève la ques-
tion du rôle de cette molécule dans le développement de ces
tumeurs. La lévodopa (L-3,4-dihydrophénylalanine), qui
augmente la concentration de dopamine déficitaire dans la
maladie de Parkinson, est la principale thérapeutique utili-
sée pour le traitement symptomatique de cette maladie
(fig. 1). À l’inverse de la dopamine, la lévodopa passe la bar-
rière hémato-encéphalique. Pour cette raison, cette molécu-
le est habituellement associée à un inhibiteur de la
dopadécarboxylase périphérique (benserazide ou carbido-
pa), qui ne passe pas la barrière hémato-encéphalique et li-
mite la conversion de la lévodopa en dopamine avant qu’elle
n’atteigne le système nerveux central. La lévodopa est égale-
ment un précurseur dans la synthèse des mélanines en gé-
nérant, sous l’action de la tyrosinase dans les mélanocytes,
de la dopaquinone dont l’oxydation conduit in fine à la for-
mation du pigment mélanique. Depuis 1972, soit quelques
mois après la mise sur le marché de la lévodopa, plusieurs
auteurs ont rapporté la survenue ou l’aggravation de méla-
nomes chez des malades parkinsoniens traités par L-Dopa et
ont suggéré une possible relation causale entre l’administra-
tion de cette thérapeutique et l’apparition ou le développe-
ment des mélanomes [8, 9]. De ce fait, la lévodopa est
contre-indiquée chez tout malade avec des antécédents de
mélanome dans les guides de prescription médicamenteuse
aux États-Unis depuis 1976. En France, cette contre-indica-
tion était mentionnée dans le Vidal jusqu’en 1995, date à la-
quelle elle a été retirée sur décision de l’Agence Française du
médicament. En effet, les études épidémiologiques disponi-
bles n’ont pas permis de confirmer le lien de causalité et le
nombre de cas de mélanomes survenus chez des malades
traités par dopathérapie pour une maladie de Parkinson rap-
portés dans la littérature reste très inférieur au nombre de
cas attendus par simple coïncidence compte tenu de la pré-
valence des deux pathologies [10]. Par ailleurs, le délai écou-
lé entre le début de la dopathérapie et l’apparition ou
l’évolution du mélanome est parfois de seulement quelques
semaines ou mois dans les observations publiées (48 mois
en moyenne avec des extrêmes de 21 jours à 17 ans) alors
que le délai entre l’exposition à un carcinogène et les mani-
festations tumorales est habituellement de plusieurs années
ou décennies. La majorité des observations rapportées ne
précise en outre ni l’existence d’autres facteurs de risque
pour la survenue d’un mélanome (antécédents familiaux,
phototype, nombre de nævus et exposition solaire notam-
ment), ni les doses de lévodopa prises avant et/ou après le
diagnostic de mélanome, ne permettant pas d’étudier un
éventuel effet-dose. On connaît par ailleurs l’évolution im-
prévisible, avec la possibilité de récidives tardives, et le ris-
que accru de survenue d’un deuxième mélanome chez un
malade aux antécédents de premier mélanome, en dehors
de tout traitement par dopathérapie. Se pose enfin la ques-
tion de savoir par quels mécanismes la dopathérapie pour-
rait favoriser le développement de mélanomes. Il a été
proposé que cette thérapeutique, du fait de son rôle dans la
synthèse des mélanines, puisse stimuler la mélanogenèse et
surtout la prolifération mélanocytaire. Les inhibiteurs de la
décarboxylase périphérique, favoriseraient également ces
processus en augmentant la quantité de lévodopa non trans-
formée pouvant être incorporée par les cellules pigmentées
[8]. Dans cette hypothèse, la lévodopa interviendrait comme
un facteur de promotion ou de progression, après qu’il y ait
eu initiation de la tumeur. Toutefois, les études in vitro et
in vivo ne permettent pas à ce jour de démontrer un rôle
quelconque de la lévodopa et aucun travail ne permet de dire
si l’augmentation de la concentration intra ou extra-cellulai-
re de lévodopa reflète uniquement une altération du méta-
bolisme des cellules malignes ou si elle joue un rôle dans
l’initiation, la promotion ou la progression des mélanomes
[11]. Toutefois, si la revue de la littérature ne permet pas
d’établir de lien formel entre dopathérapie et développe-
ment de mélanomes, certains cas de la littérature laissent
penser que la L-dopa pourrait jouer un rôle dans la pathogé-
nie de ces tumeurs sur un terrain génétique prédisposant.
Dans le cas présenté, la survenue des 22 mélanomes sur une
période de 4 ans, la première lésion étant apparue tardive-
ment à 58 ans, 40 mois après le début d’un traitement par
lévodopa, va dans le sens d’une imputabilité de ce traite-
ment antiparkinsonien. Le phototype d’une personne est un
facteur de risque clinique important pour la survenue de
mélanomes, et est directement corrélé à la mélanogenèse et
au type de mélanines synthétisées [12]. On admet, en effet,
que les eumélanines, polymères insolubles de couleur brun-
noir et à faible teneur en soufre, possèdent un bon pouvoir
photoprotecteur alors que les phaéomélanines solubles, de
couleur rouge et à teneur élevée en soufre, sont considérées
comme procarcinogènes, produisant sous irradiation ultra-
L-TYROSINE
L-3,4-dihydroxyphénylalanine (L-dopa)
Dopamine
Tyrosine hydroxylase(tyrosinase)
Dopa-quinone
Dopachrome
5,6-Dihydroxyindole
Indole-5,6-quinone
AromaticL-aminoaciddécarboxylase
Mélanines
Tyrosine hydroxylase(tyrosinase)
Fig. 1. Voies de synthèse de la dopamine et des mélanines.
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violette des espèces réactives de l’oxygène toxiques pour la
cellule et notamment inductrices de mutations de l’ADN
[13]. Ainsi, un rapport phaéomélanines/eumélanines élevé
conférerait une plus grande sensibilité aux radiations UV et
un risque carcinogène plus élevé [12]. Ce malade avait un
phototype II laissant penser que ses cellules mélaniques
synthétisent principalement des phaéomélanines et que le
traitement par lévodopa et inhibiteur de la dopadécarboxyla-
se a pu jouer un rôle de cofacteur dans la phase de promo-
tion tumorale en augmentant la synthèse de ces mélanines
phototoxiques générant des dommages oxydatifs dans les
cellules. La production et la proportion relative des mélani-
nes synthétisées sont contrôlées au niveau du gène MC1R,
qui code le récepteur de type 1 à la mélanocortine présent
sur les mélanocytes. Des investigations récentes ont montré
que MC1R est très polymorphe dans la population blanche.
Environ 30 variants ont été décrits, parmi lesquels neuf sont
responsables d’une perte de fonction du récepteur MC1R,
avec pour conséquence une synthèse accrue de phaéoméla-
nines aux dépens de l’eumélanine [14, 15]. Trois de ces neuf
allèles variants sont associés aux cheveux roux, à la peau clai-
re, à la présence d’éphélides et à une sensibilité importante
au soleil [16]. En France, une étude cas-témoins a montré
que les variants responsables d’une perte de fonction du
gène de MC1R sont trouvés chez 68 p. 100 des malades at-
teints de mélanome et constituent un facteur de risque fort
et indépendant des facteurs de risque cliniques (type et cou-
leur de peau, couleur des yeux et des cheveux, nombre de
nævus, lentigines solaires) et de l’exposition solaire [17]. Par
ailleurs, il a été montré que des allèles MC1R variants étaient
fréquemment trouvés chez les malades ayant des mélano-
mes primitifs sporadiques multiples [18] et que certains va-
riants modifiaient le risque de mélanome dans des familles
où des mutations de CDKN2A avaient été identifiées [7, 19].
Les résultats concernant l’étude du génotype MC1R de ce
malade seront donc particulièrement intéressants. Des étu-
des complémentaires concernant les systèmes de réparation
de l’ADN (variants XP) et les défenses anti-oxydantes (enzy-
mes glutathion peroxydases, superoxyde dismutases, catala-
se et différents piégeurs) vont également être réalisées.
L’hypothèse d’un lien de causalité entre dopathérapie et
survenue ou aggravation d’un mélanome, et par là même la
légitimité d’arrêter ce traitement en l’absence d’alternative
thérapeutique chez des malades souvent très invalidés, est
donc controversée. Chez le malade présenté, une tentative
d’arrêt de la dopathérapie a été réalisée après l’exérèse des
deux premiers mélanomes, dont l’un était à haut risque de
récidive. Celle-ci s’est soldée par un échec en raison de la gra-
vité de la maladie neurologique. Par la suite, la dopathérapie
n’a pu être interrompue malgré l’apparition des 19 autres
mélanomes puis des métastases ganglionnaires suivies des
métastases sous-cutanées et viscérales multiples. Dans tous
les cas, une surveillance dermatologique accrue et la recher-
che de facteurs de prédisposition nous paraissent indiquées
en cas de survenue de mélanome(s) chez un malade traité
par dopathérapie.
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