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Extrait de la publication

New Extrait de la publication… · 2013. 11. 7. · MONSIEUR CARRE-BENOIT A LA CAMPAGNE Elle se laissa tomber sur une chaise et, avec son index, com-mença à tracer des dessins

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  • MONSIEUR CARRE-BENOIT

    A LA CAMPAGNE

    Extrait de la publication

  • ŒUVRES DE HENRI BOSCO

    mr

    PIERRE LAMPEDOUZE.

    IRÉNÉE.

    LE QUARTIER DE SAGESSE.LE SANGLIER.

    L'ANE CULOTTE.

    LE TRESTOULAS.

    HYACINTHE.

    LE JARDIN D'HYACINTHE.MALICROIX.

    SYLVIUS, avec un frontispice par Galanis.DES SABLES A LA MER (Pages marocaines).SITES ET MIRAGES.

    LE ROSEAU ET LA SOURCE, poèmes.ANTONIN.

    LE MAS THÉOTIME.

    M. CARRE-BENOIT A LA CAMPAGNE.

    En préparation

    L'ENFANT ET LA RIVIÉRE.

    L'ANTIQUAIRE.

    Aux Terrasses de Lourmarin

    LES Poètes.

    Églogues DE LA MER.

    DEVANT UN MUR DE PIERRE.

    NOELS ET CHANSONS DE LOURMARIN.

    Aux Éditions Derche,à Casablanca

    L'Apocalypse DE SAINT JEAN (traduction).

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  • carre-benoîtA LA CAMPAGNE

    roman

    HENRI BOSCO

    MONSIEUR

    GALLIMARD

    Sixième édition

    ruy

    Extrait de la publication

  • Il a été tiré de cet ouvrage lors de sa recom position sept centcinquante exemplaires sur vélin labeur des PapeteriesNavarre de Voiron, dont sept cents numérotés de i à 700,

    et cinquante, hors commerce, numérotés de 701 à 750. Tous

    ces exemplaires sont reliés d'après la maquette de Paul Bonet.

    Tousdroits de traduction, de reproduction et d'adaptation

    réservés pour tous les pays, y compris la Russie.

    Copyright by Librairie Gallimard, 1952.

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  • A ROBERT MOREL-FRANCOZ

    A GERMAINE MOREL-FRANCOZ

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  • Quelle calamité pour le laboureur

    Papyrus Anastasi, V, 15, 6 sq.

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  • NOTE PHONÉTIQUE

    sur LE NOM DE Carre-Benoît.

    On prononce souvent ce nom propre en mettant un accent surla lettre finale de Carre, lettre qui est, non pas un é, mais lamuette e.

    L'accent tonique tombe ainsi sur le a de la première syllabeet non, à la fin du mot, sur le e.

    Il faut dire Carre comme on dit un bécarre.

  • UN HOMME SÉRIEUX.

    Extrait de la publication

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  • 1

    En trottinant, la diligence déboucha de la combe. La routedescendait on serra les freins la patache frémit et la ban-quette tressauta sous le derrière de M. Carre-Benoît.

    On arrive. Voilà Timoléon, dit quelqu'un dans la voi-ture.

    M. Carre-Benoît tendit la tête le cou tordu, avec effort,

    il regarda.C'est alors qu'il le vit. Cette vue le choqua aussitôt.Timoléon chantait. Il chantait doucement dans la brise,

    à la pointe du village, au bout d'un pré. A son pied coulaitune source. Elle s'élevait de la terre toute fraîche, entre deux

    racines. Et son eau limpide luisait dans un abreuvoir depierre polie.

    Le vent frais qui venait de la combe prenait en passantle feuillage et dix mille feuilles légères frémissaient le longdu peuplier géant, au moindre souffle.

    La diligence en gémissant dépassa l'abreuvoir et descenditdans le village.

    M. Carre-Benoît dit à sa femme

    N'oublie pas ton parapluie ni ton cache-poussière.

  • MONSIEUR CARRE-BENOIT A LA CAMPAGNE

    Ils débarquèrent devant l'auberge.Le village paraissait mort. Un chien, le nez sur le trottoir,

    dormait avec une sorte de mépris. L'auberge dormait, elleaussi, mais avec plus d'indifférence.

    Les voyageurs se hâtèrent vers leurs maisons. Les bagages,l'un après l'autre, glissèrent sur le sol. Puis la patache, enoscillant, s'éloigna vers sa remise.

    M. Carre-Benoît souleva le rideau en perles de verre etentra dans l'auberge. Elle sentait le gras, la mouche et lepoil de chien. Le silence régnait du haut en bas de la maisonmais on entendait une mouche qui essayait, saisie par unpapier collant, de se tirer d'affaire.

    M. Carre-Benoît explora le couloir et une salle sombre,puis il mit le nez dans la cuisine. Elle était déserte. Unecafetière de fer-blanc, posée sur la fonte du fourneau, exha-lait une odeur de marc rebouilli et de vieux métal.

    Il y avait une table ronde au milieu de la pièce on yvoyait un verre à bordeaux, à moitié plein, une grande tachede lait et un registre ouvert à la page 260.

    M. Carre-Benoît se retira discrètement.

    Tout le monde dort, expliqua-t-il à madame Carre-Benoît.

    Attendons, soupira-t-elle.Ils s'assirent sur une banquette et commencèrent à attendre,

    à leur façon. Car il existe cent façons d'attendre. Il y a desattentes tristes et des attentes gaies, des attentes mornes etdes attentes fébriles, des attentes basses et des attentes héroï-

    ques, des attentes qui tuent et d'autres qui exaltent. Il y al'attente de Paul qui n'est pas l'attente de Pierre. Attendreest un art difficile. Le don, la volonté, la science d'attendre

    ne sont pas le partage du vulgaire.

  • UN HOMME SÉRIEUX.

    Pour le vulgaire, l'attente n'est qu'une habitude et il nesait pas qu'il attend, alors même qu'il semble attendre.

    M. Carre-Benoît, assis à côté de sa femme, évitait de poserson dos vêtu de noir contre la paroi. Il la craignait. Pourtenir son buste en avant, il appuyait ses mains sur les genoux.Il avait l'air ainsi de vouloir se lever de la banquette, maisil n'en faisait rien. Cet acte inachevé semblait déceler l'in-

    quiétude, l'impatience, la mauvaise humeur.Et ces trois sentiments associés habitaient en effet M. Carre-

    Benoît mais ils n'y remuaient guère ce qui permettait àl'attente de se prolonger, sans incidents.

    Madame Carre-Benoît s'endormit. C'était toujours vers lesommeil que l'attente la conduisait.

    M. Carre-Benoît demeura en éveil, par principe, par tem-pérament et par méfiance. Il avait le respect de l'heure, leculte de la montre exacte, le goût du temps nettement mesuréet une appréhension innée de tout ce qui peut survenir. Ilse raidit et resta, le buste en avant, appuyé sur ses mains,jusqu'à cinq heures trente. Alors quelqu'un toussa au pre-mier étage et on entendit deux vieilles pantoufles qui setraînaient, là-haut, le long d'un corridor. Elles se rappro-chèrent du palier, puis firent un bruit mou sur la premièremarche, et l'on vit peu à peu apparaître les pieds, les jambes,le buste et la tête de l'aubergiste. C'est ainsi que M. Léonse forma, vers cinq heures trente, devant M. Carre-Benoît.

    M. Léon ne manifesta aucune surprise à la vue des deuxvoyageurs. Il leur dit avec bonhomie

    C'est M. Carre sûrement, avec sa dame ?.

    Puis, sans attendre de réponse, il se mit à fourgonnerd'une main molle dans son fourneau.

    Alors apparut une petite bonne grassouillette et déjà lasse.

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  • MONSIEUR CARRE-BENOIT A LA CAMPAGNE

    Elle se laissa tomber sur une chaise et, avec son index, com-mença à tracer des dessins sur la toile cirée de la table ronde.Elle utilisa ainsi la tache de lait.

    Il fallut attendre encore un quart d'heure. Puis vint unesorte d'avorton quinquagénaire.

    Allons, Louis, monte la valise au 14, lui cria M. Léon.Mais Louis, ayant soupesé l'objet, appela d'une voix lan-

    guissante une certaine Victorine et disparut. Victorine, unefille rouge et robuste, jeta le bagage sur son dos et gravitl'escalier. Madame Carre-Benoît la suivit aussitôt et toutes

    deux s'élevèrent à l'étage.On ne les vit plus.M. Carre-Benoît recouvrit ses mains de gants noirs et partit

    à la recherche du notaire.

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  • II

    Dehors il faisait encore très chaud, et les fenêtres restaientcloses.

    Les ruelles, toujours désertes, canalisaient de lourdes cou-lées de chaleur qui traînaient des odeurs de pain et de paille.

    M. Carre-Benoît longea d'abord les murs, qui abandon-naient un peu d'ombre. Mais les murs brûlaient, et il dutprendre le milieu de la ruelle étroite, hérissée de petits cail-loux, où il butait à chaque pas, d'un air mécontent.

    Tout l'indisposait, le sol, le ciel, les odeurs, l'aspect desmaisons, la solitude. Les Aversols semblaient inhabités. Le

    sol était chaud, le ciel bleu, les murs sentaient le roc roussi

    on entendait parfois piaffer un cheval invisible les portes,les portails, les volets restaient clos. Une impalpable poussièreflottait partout. Elle enfarinait délicatement les pantalonsrayés, noir et blanc, la jaquette, et le chapeau rond, souslesquels transpirait M. Carre-Benoît. Et parfois il éternuait.Pourtant il s'obstinait à gravir la ruelle en pente qui mèneà Place-Haute, où M" Ratou, le notaire, lui avait-on dit,habitait.

    M. Carre-Benoît ne récriminait pas. Son mécontentementétait si vaste qu'il restait diffus et inexpressif. M. Carre-Benoît

    o

  • MONSIEUR CARRE-BENOIT A LA CAMPAGNE

    n'était pas de ces gens qui se révoltent, mais il portait enlui, contre tout, préalablement, une sorte d'hostilité plate.

    C'est ainsi qu'il allait vers Me Ratou, le notaire. Sans par-ler, sans penser, mais non point sans nourrir de méfiance,il avançait en boitillant et, quand il rencontrait un rayonde soleil, en biais, son corps lançait une ombre maigre.

    Arrivé Place-Haute, il s'épongea discrètement le front.Place-Haute n'était pas grande. Six maisons suffisaient à enfaire le tour. Toutes bien closes naturellement, mais pleinesde bonhomie. Au milieu, un ormeau. Au fond, l'église,vieille, tassée, en contre-bas. Le clocher fléchissait un peu.De l'herbe sous le porche. A gauche, deux panonceaux d'or,rongés par le soleil, et une porte bleue Me Ratou.

    Cette porte étonna M. Carre-Benoît. Le bleu en était frais,tendre ce qui, sur une porte de notaire, ne lui sembla guèreséant. Pourtant la peinture était déjà vieille. Cela se voyaitaux gerçures du bois mais la couleur choisie (avec amour,et sans souci de la dépense) avait conservé tant de vie qu'àdix pas on eût dit qu'elle venait à peine de couler du pin-ceau, dans toute sa fraîcheur.

    M. Carre-Benoît tira poliment la chaînette de cuivre quipendait au mur. Et un son vint à lui du fond de la maison,un son feutré, très doux, à travers le vieux bois de la porte,un son lent et confidentiel de cloche enveloppée, au battantassourdi d'un doigt de laine. Ce son contrastait avec le bleu

    vif de la porte et y était pourtant tellement accordé quel'esprit de M. Carre-Benoît, suspendu, au repos, dans lavacuité de son crâne, en fut, malgré tout, un peu ébranlé.Et il passa tout à coup du calme à l'inquiétude.

    D'autant qu'à cet appel rien n'avait répondu, ni souffle,ni pas, ni craquement.

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    UN HOMME SÉRIEUX