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ASSOCIATION POUR LA FORMATION, L’EXPERIMENTATION, ET LA RECHERCHE EN
TRAVAIL EDUCATIF ET SOCIAL
(AFERTES)
DIPLOME D’ETAT DE MONITEUR EDUCATEUR
(DEME)
NOTE DE REFLEXIONDomaine de Compétence N°1
Accompagnement social et éducatif spécialisé« Comment j’accompagne les adolescents en situation de handicap à
s’approprier leur identité, à se valoriser »
Avril 2012 PAUCHET Marc
SommaireIntroduction Page 1
I) Cadre Institutionnel Page 2
• 1) Historique
• 2) Cadre juridique et les missions de l’Etablissement
• 3) Les financeurs et organismes de contrôle
• 4) Les partenaires
II) Présentation de différentes situations Page 3
• 1) Sliman
• 2) Driss
• 3) Yasser
III) Travail de conceptualisation au regard des situations de Sliman, Driss et Yasser Page 6
• 1) L’adolescence
• 2) Handicap et adolescence
• 3) L’estime de soi
• 4) La valorisation
IV) Démarches d’accompagnement Page 10
Conclusion Page 14
Bibliographie
Annexes
INTRODUCTION
Je suis salarié depuis Juin 2005, dans un Institut d’Education Motrice, à Rang du
fliers, près de Berck sur mer et ce, en qualité de Surveillant de nuit. L’Etablissement accueille
des adolescents filles et garçons de 14 à 20 ans, dont les difficultés d’apprentissage scolaires,
professionnelles, dans la gestion du quotidien et le handicap physique et/ou moteur avec ou
sans troubles associés (Infirme Moteur Cérébral, Cérébro-lésé-acquis, Dyspraxique,
Traumatisé Crânien, Spina Bifida) rendent nécessaire la mise en œuvre d’un accompagnement
spécialisé. Les valeurs de l’établissement sont : l’écoute, l’empathie le respect de la personne
et de son histoire, et l’intégrité. Actuellement, je suis en formation de Moniteur Educateur à
l’AFERTES d’ARRAS. Mon stage de 20 semaines, se déroule au sein de l’Etablissement
dans lequel je suis salarié, sur un groupe de vie dit de « temps intermédiaire ou temps
moyen »1, qui accueille 11 jeunes adolescents de 16 à 20 ans. Durant ce stage, j’ai pu
approfondir mes connaissances du métier de Moniteur Educateur. Les jeunes et les équipes
pluridisciplinaires me connaissaient déjà. J’ai donc été intégré et sollicité sans aucun
problème et comme toute personne faisant partie de l’équipe éducative. J’ai participé à la vie
quotidienne au sein de l’Etablissement, aux sorties et aux activités. J’ai également
accompagné les jeunes dans leurs démarches. Je les ai écoutés, conseillés. J’ai participé aux
réunions d’équipe, institutionnelle, et à un groupe de suivi dans la mesure où je suis référent
d’un jeune du groupe. J’ai su régler des conflits et me positionner dans la prise de décisions.
Durant ce stage, je me suis beaucoup questionné concernant les jeunes et je n’ai pas hésité à
en discuter avec l’équipe. Malgré tout, j’ai retenu une problématique concernant la question
du handicap, de la valorisation et de l’estime de soi chez ces adolescents en situation de
1
1
Annexe 1 : les groupes de vie de l’Institut d’Education Motrice.
handicap. Dans tous les cas, ils sont accompagnés de façon à ce qu’ils soient valorisés, aidés
dans leurs évolutions vers la vie future. Certains commencent à faire de vrais efforts dans le
fait d’avancer, en vue d’une meilleure socialisation, mais pour une grande majorité, ils
abandonnent. Je me demande donc comment je vais pouvoir les accompagner, afin de les
aider à s’approprier leur identité, à se valoriser ? Afin de répondre à cette question, je vais
commencer par présenter l’institution, puis j’appuierai mon questionnement autour de 3
situations significatives de la problématique que je souhaite explorer. Ensuite, je fonderai ma
réflexion à partir de concepts théoriques afin d’apporter un éclairage sur « l’adolescence et le
handicap », « l’estime de soi » et « la valorisation ». Ensuite, je proposerai mes démarches
d’accompagnement mises en place, et je terminerais par une conclusion.
I) Cadre Institutionnel :
1) Historique :
L’histoire de l’Etablissement est le résultat de différentes orientations, d’une
réalité sociale de la personne en situation de handicap. Cette histoire démarre en 1914 pour
secourir les enfants qui habitent les zones de combats. Un centre d’apprentissage voit le jour à
partir de 1919 pour enseigner des métiers à ces jeunes gardant un handicap moteur. Au fil du
temps, l’Etablissement a évolué avec les nouvelles orientations : les ateliers, le handicap,
l’arrivée des éducateurs, et le souci d’intégration de la personne handicapée en milieu
professionnel. L’Institut d’Education Motrice est une association d’utilité publique à but non
lucratif et régie par la loi de 1901. Il est agréé par le Ministère des solidarités, de la Santé et
de la Famille en contrat avec le Ministère de l’Education Nationale et en convention avec le
Ministère de l’Agriculture. L’Institut d’Education Motrice fait partie de la Fondation Hopale
et en particulier du Pôle Médico-social. Cette fondation regroupe à la fois des Etablissements
Sanitaires spécialisés dans la prise en charge des pathologies de l’appareil locomoteur et
neurologique et des Etablissements Médicosociaux.2
2) le cadre juridique et les missions de l’Etablissement, les financeurs et partenaires :
L’Institut d’Education Motrice est régie par la loi d’orientation en faveur des
personnes handicapées du 30 Juin 1975, par les annexes XXIV bis, par la loi du 2 Janvier
2002, par la loi du 11 Février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et 2
2
Annexe 2 : organigramme de la Fondation Hopale.
la citoyenneté des personnes handicapées, et la loi du 5 Mars 2007 réformant la protection de
l’enfance.
« Les missions sont d’accompagner la personne, l’aider à développer son
autonomie dans la conduite de sa vie sociale, professionnelle, affective, relationnelle et
médicale et ce, en lien avec la famille. Le service médical et para médical assure une prise en
charge et complète l’éducation motrice. Le service pédagogique a pour mission de permettre
à l’élève d’acquérir, au mieux de son potentiel, les connaissances et compétences lui
permettant d’accéder à un emploi ainsi que de gérer sa vie quotidienne. Le service éducatif
assure un accompagnement qui offre à l’adolescent un itinéraire adapté à l’intérieur et à
l’extérieur de l’établissement. Il prépare à une vie autonome avec une aide dynamique pour
une solution d’insertion la mieux adaptée possible. Elle assure auprès de chacun
l’accompagnement, l’aide et le soutien en lien avec son projet personnalisé ».3
Le principal financeur est l’Agence Régionale de Santé (ARS). Depuis le 1
Janvier 2010, dans le cadre du Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens (CPOM),
l’Institut d’Education Motrice est passé à la dotation globale. L’Agence Régionale de Santé
(ARS) donne un prix global (montant octroyé à l’année), avec cette enveloppe l’Institut doit
gérer son budget de façon à ce que chaque année il soit utilisé correctement, sinon l’année
suivante l’enveloppe globale risque d’être revue à la baisse. Pour les élèves de plus de 20 ans,
un forfait journée d’un montant de 18 euros est demandé pour la participation à
l’hébergement. Le prix de journée de l’Institut d’Education Motrice est de 309,89 euros. Les
organismes de contrôle sont la Maison Départementale de la Personne Handicapée et
l’Agence Régionale de Santé.
Le Conseil Général du Pas de Calais dans le cadre de la prise en charge des
enfants confiés par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) ; La MDPH ; les structures ayant
accueillies le jeune avant son arrivée à l’IEM ; la mission locale et les différentes associations
du secteur.
L’équipe éducative est composée de 12 Educateurs Spécialisés, 9 Moniteurs
Educateurs, 2 Aide soignantes, 1 Aide Médico-psychologique, 5 Surveillants de nuit, des pré-
stagiaires et des stagiaires d’écoles ES et ME. L’équipe pluridisciplinaire compte : 1
3
3
Tiré du Projet de Service de l’établissement.
Directrice, 2 chefs de service, 15 Educateurs Techniques Spécialisés, 2 assistantes sociales, 1
chargée d’insertion, 6 professeurs des écoles Spécialisés, 2 psychologues, 1 psychiatre, 1
médecin, 2 infirmières, 1 neuro-psychologue, 2 kinés, 1 orthophoniste, 7 dames de service et
3 hommes d’entretien, du service intérieur et le service administratif (4 personnes).
J’ai pu repérer dans mon parcours professionnel, que la plupart des adolescents
en situation de handicap manquent d’estime d’eux-mêmes et ont un fort besoin d’être
valorisés dans la mesure où leur identité est fracturée en lien avec leurs problématiques. Afin
d’en faire la démonstration, j’ai choisi 3 situations significatives de ces problématiques.
L’adolescence est déjà une période difficile pour les jeunes en général, mais pour des
adolescents handicapés, d’autres difficultés se cumulent.
II) Présentation de différentes situations :
Par respect de leur anonymat, tous les prénoms de cette note ont été modifiés.
1) Sliman : Entré à l’IEM le 22 Septembre 2010, il est né à Paris en 1995, il a 15
ans. Sliman est infirme moteur cérébral « sur prématurité avec « diplégie spastique »4 des
membres inférieurs pour laquelle il présente des troubles de la marche et des troubles
d’apprentissage »5. Il est de nature très nonchalante, a tendance à mettre en avant sa
fatigabilité lorsqu’il y a manque de motivation. Il me répète souvent qu’il n’est pas motivé,
car dit-il « j’ai pas le courage de faire ce qu’on me demande, de toutes façons j’y arriverais
pas ». j’ai pu repérer qu’il était encore difficile à cerner, il parait et se revendique même assez
mature pour son âge, mais c’est l’image qu’il donne du fait de son aisance verbale. De mon
point de vue, c’est un adolescent qui se cherche, il passe beaucoup de temps hors du groupe.
Considérant que les jeunes qui l’accompagnent sont trop « gamins », il n’est pas rare de
l’entendre dire « j’ai l’impression d’être en maternelle, ils sont pires que des bébés ». J’ai
remarqué que c’est un moyen pour lui de fuir la réalité, qu’il n’affronte pas le quotidien avec
4
4
Mme Roul infirmière de l’Etablissement : Diplégie = 2à les 2 membres inférieurs et spastique = muscles qui déchargent, secousses involontaires : difficulté à la marche des 2 jambes d’origine prématurée.
5
5
Informations venant d’un entretien avec la psychologue de l’établissement.
les exigences du groupe. Lors de discussions, dans le bureau ou au petit déjeuner, Sliman
apparait surtout tourmenté, « quand je me déplace, dit il, les gens rigolent !... remarque ils ont
raison on dirait un crabe ». Il évoque son mal-être du fait des limites physiques causées par
sa problématique, mais estime largement compenser ce handicap par son intellect. Il a besoin
d’être à la fois valorisé, stimulé. Il me dit souvent qu’il aime qu’on lui dise quand il fait bien
les choses, mais il a besoin également d’être recadré dans sa façon de juger les autres jeunes
qu’il considère déficients. Il bénéficie d’une prise en charge psychologique au sein de
l’Etablissement et je l’accompagne par rapport à son image très dévalorisée. Il se dit être
inutile dans la société. Sliman affectionne particulièrement les activités HIP-HOP et RAP,
activités dans lesquelles il s’exprime et s’extériorise par le biais de textes écrits mais aussi en
« Freestyle » présentés sous forme de RAP. Je l’encourage donc vivement dans son
investissement personnel, dans cette activité. Le but est de pouvoir utiliser cette activité
comme outil de médiation, afin de favoriser l’expression de ses capacités.
2) Driss : Entré à l’IEM le 21 Août 2008, il est né à Pontoise en 1993, il a 17
ans. « Driss a été renversé par une voiture alors qu’il circulait à vélo en Avril 2001, il avait 7
ans. Il présente un Traumatisme Crânien grave ainsi qu’une Hémiplégie6 droite. Il a une
importante spasticité7 des membres inférieurs. Il marche difficilement aidé d’un
déambulateur. Sa problématique est accompagnée de séquelles. En effet, il présente
également un syndrome cérébelleux8 gauche »9. Driss se dit « nul ». Il voudrait redevenir
6
6
Mme Roul, infirmière de l’Etablissement : Hémiplégie : paralysie qui touche la moitié du corps de manière totale ou partielle
7
7
Mme Roul, infirmière de l’Etablissement : spasticité : secousses involontaires au niveau des muscles et des tendons.
8
8
Mme Roul, infirmière de l’Etablissement : syndrome cérébelleux : trouble de l’équilibre et de la marche suite à une lésion d’une partie du cervelet.
9
9
Informations venant d’un entretien avec la psychologue de l’établissement.
comme tout le monde, il se cache dans l’omnipotence pour masquer ses faiblesses. Il est
manipulateur et aime donner des ordres. Il supporte difficilement la frustration, les
contraintes, et la vie en collectivité. le fait qu’elles culpabilisent de l’état de leur enfant, les
familles le surprotège souvent, de ce fait, l’enfant est carencé et a des difficultés à se
construire de manière sereine. En traitant l’enfant handicapé comme un éternel nourrisson, en
l’empêchant de se confronter aux réalités, les parents forgent, ce que Guy DREANO, nomme
« des tyrans domestiques », des enfants pour qui la frustration devient source d’angoisse10.
Acceptant mal son intégration, et il se dévalorise souvent. Il n’est pas rare de l’entendre dire
« que veux-tu qu’un parasite comme moi fasse, à part dépenser mon argent d’handicapé », «
je suis capable de rien faire de bien à part « faire chier » le monde ». Dépenser son argent
peut-être une manière de compenser le handicap « je peux pas marcher, mais je peux
dépenser ». Aujourd’hui, il a pris ses marques, ses repères, il accepte plus facilement de
répondre aux remarques et exigences de l’équipe éducative. Il est plutôt brut en apparence,
mais derrière ses allures de petit caïd qui affirme n’avoir peur de rien, se cache en fait un
jeune sensible, de toute évidence inquiet, voire angoissé quant à son avenir personnel. Il est
encore un peu jeune pour se projeter dans le monde du travail, par contre il s’interroge
régulièrement sur sa future vie d’adulte, « crois-tu que je vais pouvoir mener une vie normale,
marcher normalement et conduire ? », « penses-tu qu’une femme voudra de moi dans cet
état ? », « serais-je capable de faire des enfants et de les élever ? ». Il se pose beaucoup de
questions concernant son avenir, les rapports avec les autres, la sexualité, son identité. Il
oscille entre se conformer au modèle représenté par l’Etablissement et celui de la cité. Il fait
de grands efforts pour maitriser son anxiété. Il a peur de l’avenir et donne une bonne image de
lui-même. Il adore l’argent, mais il dépense sans compter et n’importe comment. Lui et moi,
avons mis en place un cahier de compte, afin qu’il ne gaspille plus cet argent et qu’il apprenne
à le gérer.
3) Yasser : Entré à l’IEM le 24 Août 2009, il est né à Mitsoudjé aux Comores en
1993, il a 18 ans. « Yasser est atteint d’un Traumatisme Crânien sévère suite à une chute
d’une fenêtre survenue à l’âge de 6 mois, avec séquelles neurocognitives sévères, limitant les
apprentissages scolaires, associées à des troubles du comportement. Il est à noter qu’il a été
10
1
DREANO (G) Guide de l’Education Spécialisée (2002) éd DUNOD Paris.
victime de maltraitances physiques par son père dès son plus jeune âge11 ». Yasser a besoin de
s’affirmer, de prendre confiance en lui, quand je lui demande d’effectuer une tâche bien
précise, il n’est pas rare de l’entendre dire : « je sais pas si je vais y arriver, je suis pas
capable de faire ça moi ! ». Il a besoin d’être guidé dans ses relations aux autres et
d’apprendre à se positionner dans un groupe de jeunes. Il est timide, peu loquace, discret et
respectueux. Quelques rappels sont encore nécessaires quant à son hygiène et au rangement. Il
peut se montrer très susceptible et dans ce cas précis, il peut entrer dans un mutisme complet.
Il a beaucoup de difficultés à parler de son histoire, il ne sait pas se situer dans sa famille « je
suis vraiment naze, je sais même pas combien je suis dans ma famille ! », il ne veut d’ailleurs
pas en parler car selon ses dires, c’est très douloureux. La communication reste basique, il
manque de vocabulaire et il a quelques difficultés à s’exprimer. C’est un jeune homme qui a
besoin d’être stimulé, valorisé pour évoluer. Il est inscrit au club musique et chant de
l’Etablissement. Il pratique également le Djembé en partenariat avec une association locale et
participe activement au projet RAP du Groupe. Yasser a fait le choix de passer un CAP. Après
avoir effectué plusieurs stages, dans les différents ateliers de l’Institution, il s’avère que
l’horticulture semble être un choix judicieux quant à la valorisation par le travail ainsi que le
travail de soutien de rendu de monnaie au foyer bar. Il a pour projet de s’inscrire au permis de
conduire mais dit-il, « si ça se trouve, même ça je serais pas foutu de le faire ! ».
III) Travail de conceptualisation au regard des situations de Sliman, Driss et Yasser :
Période importante dans la vie de chacun, avec ses avantages et ses
inconvénients, il me parait important, pour construire cette partie théorique, de commencer
par apporter quelques informations concernant l’adolescence, et le handicap.
1) l’adolescence :
Selon le petit Larousse illustré, « c’est la période de la vie entre l’enfance et
l’âge adulte, pendant laquelle se produit la puberté et se forme la pensée abstraite »12, c’est
11
1
Informations venant d’un entretien avec la psychologue de l’établissement.
12
1
Dictionnaire le petit Larousse illustré année 2009 Editions Larousse p16.
aussi « un participe présent substantivé de « adolescere » : croître, donc être en
croissance »13. L’adolescence est déjà une période difficile par la recherche de sa propre
identité, il est important que l’adolescent se détache de ses parents, c’est là que se consolide
l’estime de soi. Françoise Dolto dit que « l’adolescence, c’est comme une seconde naissance
qui se ferait progressivement. Il faut quitter peu à peu la protection familiale comme on quitte
un jour son placenta protecteur. Quitter l’enfance, faire disparaitre l’enfant en nous, c’est une
mutation »14. A l’IEM, les jeunes ont entre 14 et 20 ans. Ils sont donc en pleine adolescence, il
est très difficile, pour certains jeunes, de quitter cette enfance et de devoir prendre des
responsabilités face à certains problèmes causés par eux ou non. L’adolescence est un moment
de séparation avec l’entourage mais c’est encore plus difficile, car le fait que ces adolescents
soient en institution, c’est déjà une séparation et elle se fait durant l’adolescence. C’est le cas
pour Sliman et Driss qui me demandent souvent pourquoi ils ne peuvent pas trouver un
établissement plus proche de chez eux car ils s’ennuient de leurs familles. Je leur répond aussi
souvent, que ça n’est que pour un temps donné, que ce temps est nécessaire pour eux, qu’ils
ont la possibilité de communiquer souvent avec leurs familles et qu’ils repartent un week-end
sur deux. L’adolescence, c’est aussi des changements au niveau du corps. A l’IEM, les
garçons ne réagissent pas comme les filles concernant ces changements. Ils parlent
vulgairement de la sexualité, ils ne respectent pas les corps : « elle est bonne celle-là », ou
alors « elle a un beau cul, de beaux nibards ». Lors de nos discussions, autour d’un café ou au
goûter, je reprends avec eux leur façon de parler des filles, comment les aborder. Je leur
demande comment ils perçoivent la sexualité. Les filles acceptent beaucoup plus ce
changement corporel et sont plus respectueuses envers les garçons. Pendant l’adolescence,
beaucoup de choses changent. Il est donc normal que les jeunes soient perdus et cherchent
leur identité en fonction d’autres personnes ou d’autres modèles. Pourtant chaque personne est
différente, les réactions ne sont pas les mêmes, ils se posent beaucoup de questions sur leurs
avenirs professionnels et personnels et surtout si de plus, ces jeunes sont en situation de
handicap.
13
1
LAFON (R) Vocabulaire de psychopédagogie et de psychiatrie de l’enfant Editions PUF p32.
14
1
DOLTO (F) : Paroles pour adolescents ou le complexe du homard Editions Hatier 1989 p13.
2) handicap et adolescence :
« Le handicap est un désavantage quelconque, infirmité ou déficience,
congénitale ou acquise »15. Selon la loi du 11 Février 2005, relative à l’égalité des droits et
des chances: « constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou
restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une
personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs
fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychique, d’un polyhandicap ou
d’un trouble de santé invalidant »16. Le handicap engendre des incapacités et des désavantages
divers. Des difficultés peuvent se situer au niveau de la motricité, des difficultés de
compréhension, de retard dus à une scolarité perturbée comme par exemple Sliman et Driss
dans mes observations, mais aussi peuvent amener des problèmes à se repérer ou encore des
troubles du comportement et du caractère, que je retrouve chez Yasser. A l’adolescence, le
jeune remet en question l’adulte, il demande à ce qu’on lui fasse confiance, tout comme
Sliman qui me demande souvent de lui confier des choses à faire, il demande qu’on le
rassure : « alors, c’est bien ce que j’ai fait ? Es-tu content de moi ? ». Il a besoin d’être
contrôlé, de bénéficier d’attention, mais aussi d’être libre : « laisse-moi faire, mais vérifie
quand même, je suis pas très sûr… », disait Yasser lors d’un exercice de rendu de monnaie au
foyer-bar, il me faut en tant que Moniteur Educateur, être attentif à tout ce qui peut contribuer
à leur redonner confiance en eux. Ce moment de vulnérabilité pour les jeunes n’est pas
différent pour un adolescent en situation de handicap, mais il sera davantage confronté à
l’image de son corps en transformation avec en plus des imperfections. Une image négative
de ce corps déformé, ne ressemblant pas tout à fait aux autres, à cause du handicap. L’image
du handicap est renvoyée à l’adolescent par les limites au niveau de son autonomie. Il va alors
avoir des difficultés probables au niveau relationnel de peur d’être jugé par les autres. Ce
moment de sa vie peut arriver sur des états d’angoisse qui peuvent s’exprimer par des troubles
15
1
Dictionnaire le petit Larousse illustré année 2009 Editions Larousse p491.
16
1
Site Internet : Informations.handicap.fr
divers, des comportements violents ou déviants (alcool, drogue, violence verbale et/ou
physique).
J’ai pu m’apercevoir que bien souvent l’estime de soi était une des
problématiques les plus significatives au sein du groupe de vie.
3) l’estime de soi :
« L’estime de soi est la valeur que l’autre se découvre à travers le regard de son
entourage. Elle est ce qui va lui permettre d’être existant après avoir été fait vivant »17. J’ai
remarqué que les jeunes étaient toujours en train de se dénigrer face aux autres ou même face
aux éducateurs, comme Driss qui se dit « nul » ou Yasser qui lui, pense « qu’il n’est capable
de rien », qu’il est « naze », et même Sliman qui dit « marcher comme un crabe ». Pour eux,
ils n’ont aucune valeur, ils ne s’aiment pas physiquement, mentalement. Ce manque d’estime
de soi entraine forcément un manque de confiance en soi important pour leur avenir et ce
manque de confiance en soi, fait que les jeunes ne font rien car ils disent ne rien valoir.
« L’estime de soi est une donnée fondamentale de la personnalité, placée au carrefour de
plusieurs composantes essentielles du soi, notamment cognitive (regard sur soi et réponse à
la question « qui suis-je ? »), et affective (évaluation de soi et réponse à la question « quelle
est ma valeur ? »18). Le rôle du Moniteur Educateur sera probablement, de venir combler les
déficits dans le milieu familial où les parents sont enfermés dans leur culpabilité d’avoir
donné naissance à un enfant handicapé. Le Moniteur Educateur va stimuler, encourager.
Aujourd’hui, nous vivons dans un monde où l’estime de soi est importante, notre société est
de plus en plus changeante. Mais il ne faut pas que cette estime de soi soit trop exagérée, il
faut trouver un juste milieu afin de permettre à l’individu d’avancer et d’être bien lui-même.
L’individu doit pouvoir le voir et le dire de lui-même ce qui lui permettra d’être et de se sentir
valorisé. Concernant ces jeunes, à l’IEM, ils n’arrivent pas à trouver « ce juste milieu ». A
moi, futur Moniteur Educateur et à l’équipe, de les aider à trouver ce cheminement, cette issue
17
1
GABERAN (P) : cent mots pour être éducateur Editions ERES p45.
18
1
DORTIER (JF) : Dictionnaire des Sciences Humaines Editions Sciences Humaines p206.
possible. D’après mes observations, des jeunes ayant une faible estime d’eux-mêmes sont
souvent dans le refus d’effectuer une action, ils hésitent ou la repousse à plus tard. Quand ils
décident de faire le travail, s’ils se sentent en difficulté, ils renoncent. Comme ils renoncent
facilement, ils n’ont pas de félicitations, ni d’encouragements des personnes qui les
accompagnent, ce qui fait qu’ils doutent encore plus d’eux-mêmes. Quand un projet leur est
proposé, ils ont souvent un langage négatif « je n’y arriverais pas ! Je sais pas faire ! ». Pour
que le jeune se sentent apprécié, il faut que les personnes qui sont autour de lui, l’aime comme
il est, dans sa façon d’être, avec ses qualités et ses défauts, par exemple : « prend confiance en
toi, aie confiance en toi ! ». Philippe Gaberan cite : « cette recommandation faite à l’autre
d’être plus sur de lui-même ou d’être bien dans sa peau, prend souvent la forme d’une
injonction dans la bouche de l’éducateur »19, c’est pour cela que je m’investis auprès des
jeunes pour leur faire comprendre qu’ils ont eux aussi des capacités, des qualités et qu’ils ne
sont pas « que des handicapés ». Le Moniteur Educateur sera celui qui va identifier ces
compétences et faire émerger une reprise de confiance en eux et en leurs possibilités.
4) La valorisation :
Elle constitue une étape très importante dans l’accompagnement des jeunes. « La
valorisation est l’action de valoriser. Valoriser, c’est donner de la valeur à quelque chose ou
quelqu’un, exemple : valoriser publiquement un élève qui a tendance à se déprécier »20. Elle
permet aux adolescents de ne pas se sentir inférieurs par rapport aux autres que je dirais
« valides ». Je leur ai dit que ce sentiment d’infériorité n’allait pas durer et qu’il fallait qu’il
fasse le nécessaire aussi, de leur côté, pour qu’il ne reste pas. Quand ils disent ne pas réussir
ce qu’on leur demande, il faut souvent leur parler, les rassurer pour qu’ils essayent de faire,
sans parfois réussir à aller au terme de notre demande. Je reprends donc, assez souvent avec
eux, afin de leur faire comprendre que le meilleur moyen de réussir, d’aller jusqu’au bout,
c’est au moins d’essayer même si on ne réussit pas du premier coup. Ces jeunes ont des
histoires de vie parfois très difficiles. Ils ont vécus et même vivent encore aujourd’hui, des
situations blessantes, physiques ou morales. Souvent ils sont traités de façon très
19
1
GABERAN (P) : Cent mots pour être éducateur Editions ERES p45.
20
2
Dictionnaire de la langue française, Encyclopédie Bordas, Mai 1997, Auxerre. Page 2022.
dévalorisante comme me le dit Sliman, alors qu’il allait acheter des produits alimentaires dans
un supermarché, « y a des gens qui se sont moqués de moi au magasin, le mec a dit à une
petite fille : bouge y a robot cop qui arrive ». A ce sujet un paragraphe tiré d’un site internet
m’a interpellé : « la première fois que l’on rencontre une personne polyhandicapée dans une
grande surface, sa présence sera remarquée et il est possible qu’elle en choque plus d’un.
Mais, on finit par s’habituer, si on la rencontre régulièrement, dans des endroits publics, à
faire des choses ordinaires »21. Driss quant à lui m’a raconté qu’une fois chez un débitant de
tabac, deux jeunes l’ont vu arriver et l’un a dit à voix basse : « non seulement il est arabe
mais en plus il est handicapé », cela lui a miné le moral et ce soir-là, il n’a rien pu avaler au
diner. C’est d’autant plus dur pour un adolescent en situation de handicap, de plus, né de
l’immigration, car il lui faudra trois fois plus de volonté et d’adversité qu’un autre pour
trouver une issue. Je pense qu’en tous les cas, il faut donner de l’importance aux jeunes en
situation de handicap, cela les valorise et permet de venir, en quelque sorte, combler les
défaillances et surtout stimuler ce qui a été identifié comme étant important pour le jeune et
va permettre de le valoriser.
IV) Démarches d’accompagnement :
La valorisation des jeunes est en effet très importante pour leur développement
psychologique. Erving Goffman dans « stigmate » écrit : « sachant ce qu’il risque d’affronter
dès qu’il s’intègre à une situation sociale mixte, l’individu stigmatisé peut, d’avance, se
protéger en se faisant tout petit »22. Il faut lui montrer qu’il est capable, car la personne
atteinte d’un handicap à tendance à rester dans son coin pour ne pas à avoir à subir le regard
des autres et donc il ne pourra, évidement, pas faire de nouvelles choses. D’où l’importance
de lui montrer qu’en faisant autrement il est capable de faire beaucoup. Grâce à cela
l’adolescent en situation de handicap ne se verra plus comme étant incapable. « Présentes et
potentiellement actives « parmi nous », ces personnes en risque de dévalorisation doivent
donc aussi, être soutenues pour que leur image de soi et l’image qu’elles projettent d’elles-
21
2
Site internet : www/ad-consultants.ch Le principe de la valorisation des rôles sociaux.
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mêmes soient la plus positive possible ». 23Il faut qu’il soit conscient qu’il a des limites à
cause de son handicap, qu’il ne fera jamais des choses inadaptées car cela pourrait le
dévaloriser, mais il finit par accepter que demander de l’aide n’est pas impossible. A mon
niveau, j’ai conscience que ces jeunes porteurs de handicap sont limités, et j’agis de façon à
ce que le jeune prenne lui aussi conscience de ses limites et qu’il les intègre, « il nous semble
que, si nous sympathisons sans détour avec sa condition, nous risquons d’outrepasser nos
sentiments ; mais, si nous oublions sa déficience, nous risquons d’exiger de lui des choses
impossibles »24.
Au regard de toutes les observations concernant ces jeunes et dans le but de
favoriser l’estime de soi et de leur redonner confiance en eux, de les valoriser, j’ai proposé un
accompagnement éducatif qui sera en mesure d’atténuer ces déficits, d’apporter des éléments
de réponses. Je vais donc développer cet accompagnement. Pendant mon temps de présence
sur le groupe, j’ai commencé par observer la façon de se comporter qu’ont les jeunes entre
eux. Comme, ils sont toujours dans la plainte de n’être pas comme tout le monde, j’ai décidé
de créer une activité qui consisterait à leur prouver qu’ils ne sont pas, comme ils le disent
souvent, « bons à rien ». J’ai surpris, à maintes reprises, Yasser et Sliman avec d’autres
adolescents de l’Etablissement entrain de chanter sur des musiques de style RNB, RAP, et le
fait qu’ils me voient et que j’écoute, a fait qu’ils se soient mis en colère. Je leur demandais
pourquoi cela les gênait, car pour mon compte personnel, je trouvais cela plutôt intéressant et
j’en redemandais. A la vue de mon intérêt, les questions ont fusé « tu trouves ça bien ?, tu te
moques pas de nous la ? ». Je leur ai dit sur le ton de la plaisanterie que « le Zénith de Paris »
n’était pas très loin, mais qu’il fallait encore un peu travailler pour y arriver. Alors que nous
attendions le passage du Surveillants de nuit au moment de leur prise de service, ma collègue
et moi discutions sur ce que j’avais découvert de nos petits chanteurs. A ce moment précis,
l’idée m’est venue de créer une activité autour du chant et de la musique RAP. Lors de la
réunion « jeunes » le mardi midi, j’interpelle les adolescents et je propose de mettre en place
cette activité RAP. Tout de suite Sliman saute de joie. Yasser, quant à lui, est resté sur la
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GOFFMAN (E) : Stigmate : les usages sociaux des handicaps Editions de minuit 1975 p30.
réserve, prétextant qu’il ne savait pas chanter, ni écrire, il me dit : « ça me fait peur, je sais
pas si je vais être capable ». Je lui exprime mon soutien et l’invite à s’inscrire à l’activité, je
lui dis qu’il ne restera pas seul dans son coin. Les demandes d’autorisations du projet étant
validées par la Direction de l’Etablissement, nous voilà, les jeunes, ma collègue et moi lancés
dans cette belle aventure. Le but était que les jeunes écrivent un texte sur un sujet personnel,
puis ensuite mettre les paroles en musique. Si le projet fonctionnait bien, la récompense
ultime serait de se faire connaitre auprès d’un public lors de la fête de la musique le 18 Juin,
que nous organiserions dans l’Etablissement. De par le fait d’avoir écrit ce texte, Yasser et
Sliman, ont eu la preuve que contrairement à ce qu’ils pensaient, ils étaient tout à fait capables
de bien faire les choses et qu’il suffisait juste de le vouloir. Cela les a motivé dans la mesure
où j’ai pris appui sur leur centre d’intérêt, la musique et qu’ils ont pu faire ce qu’ils
souhaitaient.
Driss, quant à lui, essaye de se valoriser auprès de ses camarades en montrant
qu’il dispose de pas mal d’argent. En effet, à chaque retour de week-end, ses parents lui
donnent une somme d’argent assez conséquente. Il aime venir me montrer ses billets et me
dire « t’as vu, je suis pété de tunes » et moi de lui rétorquer qu’il risque de les perdre ou de se
les faire voler. Il me répond « si t’en veux autant, t’as qu’à être handicapé, t’auras l’AAH ».
Je lui fais remarquer qu’il ne devrait pas parler comme ça et que de faire voir tout cet argent à
ses copains peut avoir des effets néfastes sur eux. Après qu’il m’ait demandé pourquoi je lui
disais cela, je lui suggère donc de réfléchir un peu à ses paroles et de venir m’en reparler
quand il estimera avoir une réponse. Au retour de classe, vers 17h40, Driss m’interpelle au
bureau et me dit qu’il connait déjà la réponse concernant notre discussion sur son argent. Il
me dit : « c’est vrai, tu as raison, je suis vraiment qu’un gros con, moi je fais style avec mon
pognon et y en a qui ont pas une tune, c’est dégueulasse, je m’excuse ». Driss est donc revenu
sur ce qu’il a dit et je lui fais part de ma satisfaction en le félicitant pour avoir été capable de
réfléchir et se remettre en question. Je lui fais comprendre également qu’il n’est pas
« l’inutile » qu’il croyait être et que cet argent, il est aussi capable de le gérer. En effet, ce
jeune homme arrive à dépenser cent euros en une seule journée, ensuite comme il n’a plus
rien, il emprunte à d’autres copains. Je lui lance le défi de se mettre de l’argent de côté et lui
rappelle que même les « caïds » ne dépensent pas leur argent à tort et à travers. J’emploie
volontairement le même qualificatif qu’il s’est attribué afin de ne pas lui laisser l’impression
qu’il se soumet à mon avis, mais bien que c’est lui seul qui a gardé le contrôle Sur ces propos,
la conversation s’arrête. Quelques jours plus tard, Driss demande à me parler. Je le reçois dans
le bureau et il me dit « prend un papier, un crayon et note ce que je vais te dire ». Il s’avère
qu’après avoir réfléchit sur ce qu’on s’était dit, il voulait faire un contrat dans lequel il
s’engageait à ne recevoir que deux euros par jour et dix euros une fois par semaine. Ce contrat
a été signé par nous deux et je lui ai proposé de mettre en place un cahier dans lequel ses
débits et ses crédits seront notés au jour le jour, un cahier de compte afin qu’il ne gaspille plus
cet argent et qu’il apprenne à le gérer. Depuis le moment où ce système a été mis en place,
Driss a été fier de lui. Il me dit que c’est un peu dur par moment de ne pas dépenser, mais il
tient bon. Il a même remboursé ce qu’il devait à ses collègues. J’avais parlé de ce que je
voulais mettre en place avec Driss, à l’équipe, il est bon de noter qu’elle a apprécié et a pris le
relais en mon absence pour le bon déroulement du système. J’ai également précisé à Driss,
qu’en cas de dépenses utiles, comme l’achat de vêtements ou le cadeau pour le Noël de ses
parents, il pouvait évidemment profiter de son argent. A chaque fois qu’il achète quelque
chose, il vient de lui-même m’apporter le ticket de caisse et la monnaie. Je pense que
l’objectif de le valoriser est atteint, à travers une petite chose qui aurait pu paraitre anodine,
mais qui prend tout son sens dans la démarche éducative. Je pense qu’en tant que Moniteur
Educateur, contrairement aux parents, nous avons davantage la possibilité de repérer de
manière plus distanciée, le petit « truc » chez chaque jeune sur lequel porter attention pour
une reprise d’estime de soi.
Pour revenir à l’activité Musique, après les entrainements, sur les textes, nous
avons posé les paroles sur des instrumentations que les jeunes ont dû trouver. Je voyais bien
que cette activité leur plaisait et nous nous sommes mis en quête d’organiser la fête de la
musique à l’IEM. La direction nous suivait dans les démarches et nous a gentiment fait
profiter des locaux de l’Etablissement. J’ai demandé à certains clubs de danse, de musiques de
la région de bien vouloir venir bénévolement participer à notre fête, leurs prestations l’ont
embelli. Quant à Sliman, Yasser et les autres chanteurs du groupe, ils ont réussi à surmonter
leur stress et leur trac, car j’avais mis un point d’honneur à inviter quelques centres sociaux et
médico-sociaux du secteur, afin qu’ils puissent voir le travail accompli par les jeunes. Ce fut
une réussite, à un point tel, qu’un groupe de chanteur de RAP professionnel de Béthune a
proposé de faire enregistrer les chansons en studio afin qu’ils puissent avoir une récompense
de leur travail sur CD. Devant un tel entrain, cette année, le projet RAP est reconduit, mais
avec d’autres chansons, d’autres bandes son, d’autres jeunes sont venus grossir l’effectif du
groupe, car celui-ci a fait naître des vocations. J’ai demandé aux jeunes de trouver un nom à
leur groupe, ils ont choisi de l’appeler « session invalide ». Il semble même que la formation
de ce groupe va au-delà de satisfaire leur passion. Le fait qu’ils appellent leur groupe
« session invalide » signifie à mon sens, qu’ils ont su dépasser l’image négative et
stigmatisante de leur handicap, et qu’au contraire, ils l’exposent. Pour ma part, Je suis fier de
mon travail et je peux dire maintenant, que j’ai contribué à la valorisation des jeunes par un
travail qu’au départ, ils n’étaient pas très enchantés de faire.
En tant que Moniteur Educateur, il est important pour chacun de nous de repérer,
pour chaque jeune, leur centre d’intérêt, ou ce qu’ils sont capables de faire. De ces
observations fines, je peux faire levier, en étant force de proposition, ainsi le jeune se sentira
exister. Il sera rassuré et pourra s’épanouir de manière plus significative puisqu’il partira de ce
qu’il sait faire ou de ce qu’il aime faire. C’est le plus important.
Le groupe auquel je suis rattaché possède un foyer bar. Pour qu’il fonctionne il y
a donc, chaque midi et chaque soir, des jeunes qui, à tour de rôle, endossent la « casquette »
de barman. Leur travail consiste à faire l’état des lieux à chaque début et chaque fin de
séquences. Au démarrage d’une séquence, le barman du jour doit contrôler s’il ne manque pas
de boissons dans le frigidaire et s’il en manque il est chargé de faire le remplissage. Il doit
remplir une feuille journalière avec toutes les boissons présentes et il coche dans des cases
prévues à cet effet, les consommations qui ont été vendues. Il gère également le stock et
quand celui-ci est vide, il a la charge d’accompagner l’éducateur dans les magasins afin qu’ils
puissent faire de nouveaux achats. Le plus compliqué pour eux est certainement de gérer
l’argent. En effet, quand un « client » arrive, il commande sa ou ses boissons ou barres
chocolatées, puis paye. Il arrive bien souvent avec des billets ou des pièces, ce qui oblige le
« barman » à rendre la monnaie et à ne pas se tromper sinon il risque de ne plus être bon au
moment du calcul final. Les jeunes qui sont inscrits en tant que « barman » sont tenus d’être
assidus, ce qui force à être à l’heure et respectueux du règlement. A chaque passage, leurs
noms sont inscrits sur un cahier que les éducateurs remplissent tous les soirs, et grâce à ce
cahier, nous avons un moyen de contrôle d’assiduité, ce qui permet tous les trois mois, de voir
qui sera repris au prochain tour. Nous nous arrangeons pour que le maximum de jeunes puisse
participer. Ce système est très valorisant pour eux. En effet, comme le jeune passe en
moyenne 2 heures le midi et 2heures le soir à s’occuper de son bar, il ne peut donc pas profiter
de son temps libre. Nous avons mis en place une gratification. Tous les trois mois, chaque
« barman » touche sa « paye », c’est une participation au bénéfice, et elle est attendue par
chacun. Les jeunes sont fiers de leur travail et nous le voyons par rapport aux demandes de
ceux qui veulent être « barman ». Yasser est quant à lui assidu, il ne rate jamais une séquence
bar, il est même un de ceux qui remplacent quand un autre barman est absent. Il a des
problèmes pour compter et rendre la monnaie, il en est conscient et nous sollicite très souvent.
D’ailleurs, je suis avec lui quand il est de bar, je l’accompagne tout au long de son action afin
qu’il ne se sente pas seul et que de mon côté je puisse l’aider à rendre la monnaie, afin qu’il
apprenne petit à petit. Il progresse à grands pas et cela lui fait plaisir de le faire. Driss, n’a pas
ce problème pour rendre la monnaie. Au contraire, il est doué en mathématiques et calcule
tout de tête sans se tromper. Il arrive, quelque fois, qu’il explique, qu’il donne des solutions à
Yasser, ils forment une belle équipe. Sliman n’est pas intéressé par le bar. Il dit que cela n’est
pas pour lui, qu’il n’est pas dans un bistrot, mais je compte bien le faire changer d’avis, car
quand je travaille sur le solde à rendre avec d’autres jeunes, il se mêle aux conversations et
participe activement. Je lui fais remarquer qu’il s’intéresse et que j’aimerais qu’il fasse partie
des barmans. Il sourit et son sourire est évocateur, ses yeux disent « oui », à mon avis, il ne
sera pas très long à venir grossir l’effectif du bar.
Conclusion :
Cette expérience m’a permis d’aborder la question de l’accompagnement des
jeunes dans l’estime de soi, et de l’aide que je pouvais leur amener dans leur façon d’exister
aux yeux des autres et à mieux se valoriser. Les observations que j’ai notées concernant les
trois jeunes adolescents de mon groupe m’ont permis de me rendre compte combien il est
difficile de s’ouvrir aux autres quand on est en situation de handicap « une personne
sévèrement handicapée, qui vit en permanence à l’écart de la société, n’a pas beaucoup de
chances d’être perçue positivement puisque d’une part, elle n’est pas présente dans la
communauté et que d’autre part, le fait qu’elle vive cachée ne fait que renforcer les idées que
la population se fait à son propos : si on ne la voit pas c’est qu’elle est trop laide, trop
handicapée, trop quelque chose…. ». 25Mon accompagnement s’est fait grâce à la mise en
place d’une relation de confiance. J’ai réussi à faire prendre conscience à ces jeunes que rien
n’est impossible pour eux et qu’il suffit simplement de vouloir les choses et d’aller jusqu’au
bout. L’accompagnement ne se fait pas sur une heure, sur une journée, mais c’est un long
processus. C’est un travail de longue haleine. Je ne voulais pas faire à la place de Sliman,
Driss ou Yasser, là où je voulais en arriver avec eux, c’est qu’ils trouvent la solution par eux-
25
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Site internet : www/ad-consultants.ch Le principe de la valorisation des rôles sociaux.
mêmes. Quand je sentais qu’ils n’allaient pas bien, je discutais avec eux afin de les apaiser, de
les aider à trouver une porte de sortie à leur mal-être.
J’ai repéré que pour avoir une relation qui soit forte, j’ai écouté, mais aussi je les
ai conseillé quand ils en avaient besoin. Je les ai simplement rassurés aux moments où le
moral était en perdition. Après avoir mis des activités simples en place, et le fait de les
associer à ces projets, cela a prouvé aux jeunes qu’ils étaient capables de faire des choses, et
de bien les faire, même si, il a fallu par moment batailler pour qu’ils se mettent à la tâche. Il y
a eu des moments de franche rigolade, mais aussi des moments de tristesse, les jours où le
moral n’y était pas. Il faut être armé de patience et de persévérance car dans un
accompagnement, il y a souvent des hauts et des bas. Lorsque l’on est Moniteur Educateur,
surtout auprès d’adolescents en situation de handicap, il faut être attentif et pouvoir repérer,
identifier ce qui va permettre à l’adolescent, en difficulté, de se réapproprier son existence. Le
Moniteur Educateur ne travaille pas avec des objectifs ambitieux, mais pertinents, qui
prennent sens dans l’existence de ces jeunes. Avec le recul, en analysant mon action, je crois
avoir trouvé le bon moyen d’accompagner ces jeunes, de manière assez simple mais efficace.
J’ai pris plaisir à le faire et c’est très important également pour eux. Il faut croire aussi en tant
que professionnel aux compétences des jeunes, être motivé, dans une bonne dynamique. Je
me sens plus confiant professionnellement, je pense avoir réussi à prendre des décisions
cohérentes, en lien avec ce que j’avais identifié de la problématique de ces jeunes. Concernant
ma position de Moniteur Educateur, j’ai compris le sens du travail mis en place avec ces
jeunes. Je ressors plus éclairé sur leurs difficultés. Cette note de réflexion est une aide
précieuse, elle pourra me servir dans l’accompagnement d’autres jeunes que je serais amené à
rencontrer dans l’Institution. Les apprentissages issus de cette expérience ne peuvent que
renforcer mon parcours de formation afin d’ajuster ma démarche d’accompagnement et rester
en veille professionnellement.
Bibliographie
Livres consultés
- Dictionnaire le petit Larousse illustré année 2009 Editions Larousse.
- Dictionnaire de la langue française, Encyclopédie Bordas, Mai 1997, Auxerre.
- DOLTO (F) : Paroles pour adolescents ou le complexe du homard Editions Hatier 1989.
- DORTIER (JF) : Dictionnaire des sciences humaines Editions sciences humaines.
- DREANO (G) : Guide de l’éducation spécialisée 2002 Editions Dunod Paris.
- GABERAN (P) : cent mots pour être éducateur Editions Eres Paris.
- GOFFMAN (E) : Stigmate : les usages sociaux des handicaps Editions de minuit 1975.
- LAFON (R) : Vocabulaire de psychopédagogie et de psychiatrie de l’enfant Editions Puf.
Sites Internet consultés
- www.informations.handicap.fr
- www/ad-consultants.ch
Autres documents et informations
- Règlement de fonctionnement de l’Etablissement.
- Informations venant d’un entretien avec la Psychologue de l’Etablissement.
- Mme ROUL. Infirmière diplômée d’état. Salariée de l’établissement.
Annexes
Annexe 1
Les groupes de vie de l’Institut d’Education Motrice L’IEM accueille les usagers dans différents groupes de vie en fonction du sexe, de l’âge, du projet de vie et du projet professionnel. L’accompagnement commence dés l’arrivée du jeune dans l’un des trois « temps » qui va découper son parcours à l’IEM, à savoir :
Temps d’accueil,
Temps intermédiaire ou moyen,
Temps sortant,
Temps appartement.
1) objectifs du temps d’accueil : apprendre à respecter le règlement intérieur, acquérir le sens de l’organisation, se socialiser, apprendre à vivre ensemble, instaurer une communication régulière avec la famille, sensibiliser à la notion de projet personnalisé et réfléchir sur le handicap.
2) objectifs du temps intermédiaire ou moyen : il se situe entre le temps d’accueil et le temps sortant. L’accompagnement vise la notion de groupe. Le travail s’articule autour du collectif aux travers des activités internes et externes. Les différents axes sont : prise de responsabilités internes et externes par les jeunes, respect de la personne et des valeurs de l’établissement, accompagner à la citoyenneté lors de sorties extérieures, à l’interne (élection des représentants d’élèves et participation au conseil de vie sociale), responsabiliser les jeunes par la mise en place des clubs cuisine, gestion du foyer bar, de l’argent, vivre en collectivité et s’impliquer au sein du groupe, participer aux tâches communes.
Le choix de l’orientation se profile avec le jeune en interdisciplinarité avec les différents intervenants du secteur pédagogique, médical, éducatif et de la direction. C’est la préparation du projet de sortie à laquelle la famille sera consultée. C’est une période charnière où se dessine l’orientation de vie professionnelle. Le jeune pourra opter selon son choix et ses compétences pour l’orientation en milieu occupationnel, adapté, ou ordinaire. Le jeune sera accompagné par l’assistante sociale concernant les visites et les stages en milieu occupationnel ou par la « chargée d’insertion » dans le cadre professionnel.
3) objectifs du temps sortant : la finalité de l’accompagnement en temps sortant est de préparer le jeune à la sortie de l’établissement. Les objectifs sont préparés avec le jeune
en fonction de ses possibilités et de son projet de vie. Le jeune doit savoir préparer son repas (courses, gestion de l’argent), savoir entretenir son linge, son logement, gérer les documents administratifs et financiers, à prendre en charge sa santé. Il doit également gérer son temps, prendre des initiatives, tenir ses engagements, et doit savoir faire des choix entre ses envies et ses besoins. Il doit être amené à se responsabiliser, a être acteur et non « consommateur ». Il faut accompagner le jeune face à ses questions sur l’avenir, sur le travail, sur la sexualité, sur le permis de conduire, sur « comment avoir un logement ».
L’IEM dispose d’un studio à l’interne, les jeunes du groupe sortant y font des stages avant d’intégrer « les appartements ».
4) objectifs du temps appartement : L’IEM bénéficie de 16 places en appartements à Berck sur mer. C’est une mise en situation réelle qui apporte au jeune des réponses sur des besoins tels que : l’hygiène, l’alimentation, la santé, les tâches ménagères, l’entretien du linge, le budget et les documents administratifs, les déplacements, la communication, la vie relationnelle, les loisirs et les relations avec la famille.
Informations tirées du projet de service de l’établissement