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Note technique, doc. N°17.060-PRO-07 1
RESTAURATION ET VALORISATION DE L’ESPACE NATUREL DES ILES DU CHERAN – VOLET
RESTAURATION HYDRO MORPHOLOGIQUE ET BIODIVERSITE
NOTE TECHNIQUE – doc. n°17.060-PRO-07
Note synthétique concernant les justifications des opérations d’aménagement morpho-
écologique projetées à la confluence entre le Chéran et le Nant d’Aillon
► Rappel du contexte
Le Syndicat Mixte Interdépartemental d’Aménagement du Chéran (SMIAC), représenté par son président Mr Serge Petit ainsi que son chargé de mission Mr Pascal Grillet, ambitionne aujourd’hui au
travers d’une mission scindée en deux lots distincts d’œuvrer à la renaturation (lot n°01) et valorisation (lot n°02) de l’espace naturel des iles du Chéran à Lescheraines en s’intéressant au devenir et à l’effacement des impacts d’un seuil transversal situé en amont direct d’une zone renaturée en 2010 (montrant depuis une réelle tendance au retour de « l’unichenalisation »)puis ayant un impact sur le
Chéran mais également sur le Nant d’Aillon. Dans cette perspective, un prestataire pour la formalisation d’un scénario d’effacement des impacts et d’ajustement de la morpho dynamique de la zone alluviale sur le tronçon. C’est dans cette perspective, que l’équipe du bureau Biotec Biologie
appliquée était, début juin 2017, mandatée pour la réalisation d’une mission d’étude, de conception des aménagements nécessaires à la reconquête de la continuité écologique du Cheran à Lescheraines, puis de maîtrise d’œuvre du programme de travaux qui en découlera.
Les sites et tronçons de cours d’eau en question ont donc été visités et examinés le 28 juin dernier par les soins de l’équipe de Biotec. C’est sur la base et au regard des informations de terrain récoltées et
premières données rassemblées (état de l’ouvrage, topographie, conditions d’écoulement, configuration physique du lit, nature des substrats, état et nature des formations alluviales, tendances d’évolution, etc.) que les propos ci-après ont été développés. Pour mémoire, le présent document vise à faire état des premiers enseignements issus de l’appréhension du site et fait suite à la réunion de
lancement de la mission organisée dans la foulée des investigations de terrain et ce, sur le site du seuil et en présence des partenaires techniques et institutionnels de l’opération.
► Généralités
Pour mémoire : les cours d’eau sont des systèmes vivants, en évolution permanente, et dont toutes les
composantes, à la fois physique (morphologie du lit), biologique (vie animale et végétale) et chimique (qualité de l’eau), dépendent les unes des autres.
Rechercher à aménager, voire à maîtriser coûte que coûte ces milieux, tout en respectant les équilibres naturels comme le réclame le législateur à travers la promulgation de la Loi sur l’Eau et ses récents décrets d’application relève d’un exercice délicat dont les résultats sont toujours partiels, voire
décevants. Car la condition de bon fonctionnement d’un milieu d’eau courante, sa valeur patrimoniale, tiennent avant tout dans la diversité des éléments qui le composent. Afin de préserver cette diversité, il est essentiel de ménager une « marge de liberté » au cours d’eau et d’éviter autant
qu’il est possible la répétition d’interventions humaines capables d’influencer irrémédiablement les conditions naturelles de vie. Selon la nature des aménagements mis en œuvre, les pratiques ou modalités de gestion et d’entretien conduites, les conséquences sur l’hydrosystème peuvent être radicalement différentes.
Biologie appliquée sarl
Bureau technique et d’études en génie de l’environnement 92, Quai Pierre Scize 69005 Lyon Tel : 04.78.14.06.06 Fax : 04.78.14.06.07 E-Mail : [email protected]
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Dynamique fluviale et écologique
Ainsi, est-il nécessaire de rappeler que le fonctionnement et la vie que recèle une rivière sont avant tout tributaires de trois paramètres essentiels : la qualité de l’eau, le régime hydrologique et la morphologie du lit (cf. figure n°1, ci-après).
Figure 1 Modalités générales de fonctionnement d’un écosystème d’eaux courantes.
Naturellement, l’eau en mouvement dissipe son énergie, creuse, transporte, dépose des matériaux. De manière autonome, un cours d’eau recherche donc inlassablement à établir une forme adaptée pour un transit optimal de ses débits, tout à la fois liquide et solide (matériaux transportés). La
morphologie de son lit est le résultat de ce travail, le produit d’un équilibre entre une charge solide et l’énergie capable de l’évacuer. Au gré des variations hydrologiques, un cours d’eau ajuste donc les nombreux paramètres qui caractérisent sa configuration physique : largeur, profondeur moyenne, profil de pente, faciès d’écoulement, forme de son tracé. La pente globale de la vallée où il s’écoule,
les caractéristiques sédimentologiques du lit et des berges, la nature de la végétation aux abords de la rivière, conditionnent en outre les possibilités de mouvement de l’hydrosystème.
Aussi, ne doit-on pas s'étonner d'assister sur une rivière "stable", à des phénomènes d'érosion ou de dépôt, à des migrations de méandres, à l'exhaussement ou l'encaissement ponctuel du lit. Au
contraire, tous ces phénomènes, ces pulsations, sont la preuve que le cours d’eau est bel et bien à la recherche de son équilibre et conserve ses capacités d’auto-régulation. En général, lorsque les conditions morphodynamiques de la rivière demeurent stables, l'érosion des rives et du fond ont tendance à s'atténuer progressivement. Par contre, lorsque des perturbations physiques (curage,
endiguement, recalibrage...) ou hydrologiques (régime de crue) interviennent, l'hydrosystème doit s'adapter. Il effectue alors de lui-même des réajustements et prend un certain temps pour revenir à une situation d’équilibre.
On comprend donc que toute modification de l’un de ces paramètres (ce qui est généralement le
cas lors de travaux d’aménagement de rivières), est susceptible d’entraîner, par un processus
complexe d’interactions et de rétroactions, une mutation de tout ou partie du système.
Les richesses biologiques d’un cours d’eau sont, en outre, intimement liées à son fonctionnement morphodynamique. La morphologie d’une rivière et son évolution spatio-temporelle régissent en effet directement la dynamique des écosystèmes qui leur sont associés.
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Pour mémoire, rappelons ainsi que les facteurs-clés de la vie en milieu aquatique peuvent être regroupés en quatre catégories :
- les facteurs d’ordre « climatique » relatifs à la physico-chimie de l’eau,
- les facteurs « d’habitat » ou caractéristiques physiques du milieu, - les facteurs « trophiques », c’est-à-dire la nature et la quantité des ressources
nutritionnelles disponibles pour chaque type d’organisme, - les facteurs « biotiques », ou interactions directes entre les êtres vivants comme la
compétition, la prédation, etc.
Or, ces facteurs sont loin d’être indépendants et l’hétérogénéité du milieu physique est non
seulement extrêmement importante pour limiter les effets des interactions biotiques, mais conditionne aussi pour une large part la disponibilité des ressources trophiques et de l’oxygène. Les processus d’érosion, de transport de sédiments, de dépôt ont pour effet de créer, détruire, recréer, une diversité
de milieux dont la grande richesse écologique tient justement à leur fréquence de régénération et à leur assemblage sous forme de mosaïque. Le rajeunissement lié aux crues est le garant d’une diversité maximale des milieux et donc de la faune aquatique et terrestre qui leur sont associées.
Au-delà du régime hydrologique d’un cours d’eau qui est fonction du climat, et de la qualité de l’eau
qui peut être, pour partie, préservée par un contrôle drastique des rejets, la morphologie du lit est la
variable prépondérante sur laquelle doit se porter le regard des gestionnaires.
Veiller à maintenir ou restaurer son hétérogénéité naturelle, signe de son adaptation à la dynamique
fluviale, est le moyen le plus direct et le plus rentable à long terme de se prémunir d’éventuelles et
brutales évolutions du cours d’eau susceptibles de remettre en cause les usages et activités
humaines, mais aussi de protéger la ressource en eau et la vie qu’elle recèle.
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► Rappel du contexte géologique
Rivière emblématique du massif des Bauges, d’un linéaire de 51 km, le Chéran s’écoule dans un premier temps au travers de massifs calcaires et de dépôts glaciaires wurmiens avant de disparaitre (en aval du secteur d’étude) au sein d’une zone de gorge correspondant à une profonde entaille creusée par le temps au sein de molasse, résultat d’une érosion régressive mise en place dès le recul
des glaces wurmiennes. Au droit et à proximité du secteur d’étude, le Chéran traverse deux plaines
alluviales de surcreusement glaciaire (plaine de Ecole - la Compote et plaine de Lescheraines)
correspondant à des plaines d’accumulations qui alimentent le bassin versant et dont la limite
respective est marquée par le verrou du Chatelard.
Figure 2 Illustration selon la carte géologique de la « configuration » du secteur Cheran puis nant d’Aillon et vue des deux plaines d’accumulations sur le Chéran (à gauche plaine de Ecole-Compote et à droite plaine de Lescheraines).
Plaine de Ecoles Compote
Plaine de Lescheraines
Verrou du Chatelard
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Pour le Nant d’Aillon, qui constitue un des affluents principaux se trouvant en rive gauche. Guidé par des structures peu mobilisables, il poursuit un écoulement selon une orientation sud-ouest-Nord Est au
cœur de synclinaux remplis de dépôts glaciaires Wurmiens, de grés, de marnes oligocènes, de sables et grés éocène.
► L’hydrologie
Caractérisé par un étiage d’été de Juillet à Septembre (ou les débits se situent autour de 4 m3/s) et par deux périodes de hautes eaux (dont la première, au printemps, est à mettre en lien avec la fonte des neiges), le régime hydrologique du Chéran est considéré comme étant de type pluvio-nival. Le
débit moyen annuel (module), de l’ordre de 8 m3/s ne laisse pas transparaitre selon une étude antérieure l’existence d’une hydrologie très dynamique. Néanmoins, les crues, événements essentiels au renouvellement des formes de la rivière et la régénération des cortèges végétaux en place
peuvent être très marquées. Elles se produisent généralement au printemps ou à l’automne et sont souvent dictées par des épisodes orageux intenses couplés à la fusion du manteau neigeux. Pour mémoire, le plus fort évènement mesuré s’est produit le 15 février 1990 avec un débit estimé à 246 m3/s correspondant à une fréquence de retour proche de la crue centennale estimée.
Rq : Il est important de préciser que les études récentes menées par le SMIAC (diagnose) révèlent une
véritable tendance d’évolution du régime des débits et donc des crues depuis 1990. Les résultats ainsi obtenus sur la période 1990/2017 doivent donc inciter à la prudence quant aux données de références actuellement proposées par la banque Hydro.
Figure n°03 Débits moyen mensuels à la Charnia pour la période 1950-1990 et rappel des débits de crue caractéristiques (fréquences théoriques – source : banque hydro – station V1255010).
► Tendance et dynamique globale d’évolution (de 1937 jusqu’à la fin des années 2010)
Le Chéran, au droit de la plaine d’accumulation de Lescheraines présentait jusqu’au début des
années 80 les caractéristiques d’un cours d’eau « en tresse » alors très mobile donc capable de
renouveler ses formes au sein d’un large espace appelé généralement « bande active ». Ce style fluvial, très particulier et dont l’équilibre est très fragile se caractérise habituellement par un rapport
entre l’abondance très marquée de la charge de fond et la capacité du cours d’eau à la mobiliser
au gré des crues. L’hydrosystème doit alors être régulièrement remis en question modifiant ainsi la
largeur et la forme de la bande active dans un schéma assimilable à des « pulsations » ou la
fréquence et le régime des crues vont être les métronomes de ces transformations.
Concrètement, lorsque l’hydrosystème est régulièrement soumis à des crues morphogènes (globalement estimées entre Q2 et Q5), les érosions sont courantes et la bande active normalement assez large ; la rivière ne possède alors pas dans cette configuration la capacité suffisante de mise en mouvement des matériaux qui se distribuent plus « localement » sous forme de bancs (dénommés
barres fluviales) qui divisent le chenal initial et provoque la divergence régulière des flux en réduisant la vitesse des écoulements. A ce stade, la végétation visible au cœur du lit est essentiellement pionnière car régulièrement remise en cause. A contrario, lorsque le cours d’eau est moins soumis aux
Fréquence Débit (m3/s)
Q50 190
Q20 167
Q10 149
Q5 131
Q2 102
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crues, il se rapproche d’un stade « plus mature » ou les boisements, plus abondants, plus difficilement mobilisables ont pris place au droit des bancs de matériaux conduisant un phénomène de
contraction ou le cours d’eau va évoluer temporairement vers un tracé plus « chenalisé », divagant entre les iles végétalisées et où les forces sont donc concentrées au sein d’un ou deux chenaux. Cette modification des conditions de mise en mouvement de la charge permet bien souvent d’assurer une
redistribution d’une partie du capital sédimentaire au bénéfice des secteurs situés en aval. Au-delà des aspects de transport solide, indissociables du bon état écologique des rivières, cette alternance de forme voir même de style fluvial est source d’une très grande biodiversité puisque les espèces rencontrées évoluent parallèlement au stade de maturité de la rivière en étant plus ou moins
régulièrement remis en cause.
L’analyse diachronique du tracé et surtout de la bande active du Chéran au cours de la première
moitié du siècle dernier permet d’attester de cette alternance de forme et de témoigner de sa
capacité à évoluer librement au sein d’un secteur peu soumis aux contraintes d’origine anthropique. Cette période pouvant être assimilée à « l’état de référence antérieur » se caractérise par une vraie disparité temporelle de largeur de bande active offerte à la rivière. En effet, le lit du Chéran qui apparait assez contracté en 1937 par un développement important de la végétation rivulaire (qui fixe
les bancs de matériaux) se trouve être très largement remanié et élargi en 1948 puis 1956 (la bande active proposée évoluant d’une largeur moyenne de 45 à 70 mètres au droit du secteur d’étude en 1937 contre 50 à 160 mètres en 1948 et 1956). Vraisemblablement, mais sans certitudes (puisque les données d’hydrologie ne sont disponibles qu’à partir de 1950), un évènement hydrologique majeur
ou une succession d’événements suffisamment intenses ont permis le retour d’une activité « érosive » suffisante pour ouvrir la bande active et régénérer profondément les formes en présence. La végétation a d’ailleurs été clairement « balayée » du lit vif du Chéran pour laisser place à de larges
bancs et à quelques barres fluviales. Jusqu’en 1969, c’est-à-dire peu avant les premières interventions d’origine anthropique qui vont remettre en question les équilibres en place, le Cheran évolue de nouveau vers une forme intermédiaire dite en « iles tressées » où la végétation fixe les matériaux et dicte pour partie le cheminement des écoulements.
Figure n°04 illustration des différents styles fluviaux sur un gradient croissant d’instabilité. Parmi ceux-ci, les tronçons en « iles tressées », c’est-à-dire avec des iles végétalisées qui représentent un cas intermédiaire observé sur le Chéran en 1969 et dans une moindre mesure en 1937.
Du côté du Nant d’Aillon, les formes observées apparaissent globalement stables sur l’ensemble de la
période étudiée à l’exception de la confluence avec le Chéran c’est-à-dire à dire à la rencontre des alluvions plus récentes où le lit prend la forme d’un cône (après 1937) qui se rétracte progressivement par le retour de la végétation jusqu’à prendre un caractère assez rectiligne et « contracté » en 1969.
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Figure n°05 : vues aériennes successives du lit du Chéran au droit de Lescheraines (source : Géoportail)
1937 1948
1956 1969
60 mètres
58 mètres
70 mètres
Pont Picot
45 mètres
156 mètres
120 mètres
165 mètres
87 mètres
75 mètres
101 mètres
105 mètres
61 mètres
87 mètres
153 mètres
189 mètres
84 mètres
87 mètres
Surface de bande active estimée : 139 251 m2 Surface de bande active estimée : 192 731 m2
Surface de bande active estimée : 177 373 m2 Surface de bande active estimée : 182626 m2 Eperon rocheux du Villaret Rouge
Eperon rocheux du Villaret Rouge
Eperon rocheux du Villaret Rouge Eperon rocheux du Villaret Rouge
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Même s’il ne peut être écarté des interventions humaines ponctuelles antérieure (gestion des boisements et petites extractions localisées de matériaux), la première moitié des années 70 va
clairement marquer un point de rupture dans la perception et la gestion de la rivière. En effet, dès
1972, des travaux d’extractions de matériaux vont débuter en lit majeur avec la création du premier plan d’eau dénommé plan d’eau nord de Lescheraines(A). D’une surface de 2 hectares et d’une profondeur de quelques mètres, le volume estimé de cette première extraction serait de l’ordre de 60 000 m3. Les travaux vont ensuite s’accélérer entre 1977 et 1980 puisque ces trois années vont voire
la création des plans d’eau de la Motte en bauges (B-sup. 5 ha – prof. 5 mètres) puis du sud de Lescheraines (C – superficie 2 ha) pour un total d’extraction estimé à 525 000 m3. Ces prélèvements massifs, menées rapidement et combinés à des premières interventions d’endiguement, (vraisemblablement par le maintien de merlons de matériaux et ce dans l’objectif d’éviter une
recapture des plans d’eau) ont conduit aux premières « transformations » sérieuses du lit de la rivière puisque le Chéran s’est trouvé « comprimé » au sein d’un espace beaucoup plus restreint favorisant la déperdition d’énergie vers le fond du lit vif. Pour preuve, l’espace de divagation estimé à une
centaine de mètres en 1969 au droit du plan d’eau Nord (A) a été porté à une vingtaine de mètres au début des années 80.
Figure n°06 : illustration de la réduction importante de la bande active du Chéran suite aux premiers travaux d’extractions au droit du plan d’eau Nord (source : Géoportail)
Parallèlement à la gestion systématique des atterrissements (curage des accumulations au-dessus de la ligne d’eau qu’il est impossible d’évaluer), une nouvelle campagne de travaux d’extraction massive va débuter à partir de 1983 pour prendre fin au milieu des années 90. Cette dernière période,
qui a vu exporter du système près de 600 000 m3 d’alluvions a été l’amorce de la création d’un ultime plan d’eau dénommé plan d’eau des « Iles du Villaret » d’une surface de 6,5 ha et d’une profonde estimée entre 12 et 15 mètres.
Figure n°07 : illustration de la réduction importante de la bande active du Chéran suite aux derniers travaux d’extraction conduits en 1983 et 1994 et qui ont abouti à la création d’un ultime plan d’eau (source : Géoportail)
23 mètres 96 mètres
160 mètres
24 mètres
1969 1982
1982 1995
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Figure n°08 : illustration de la réduction importante de l’espace disponible pour le Chéran au cours des années 70 et 80 (source : Géoportail)
A – plan d’eau nord
1972 1983 1990
B – plan d’eau de la
Motte en Bauges
C – plan d’eau Sud
Lescheraines
D – plan d’eau des
« iles du Villaret »
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Au total, les données disponibles quant au volume d’extraction font état d’une soustraction totale de
près de 1 400 000 m3 de matériaux alluvionnaires dont 1 125 000 m3 exploités au droit du secteur
d’étude. Considérant selon l’étude géomorphologique menée en 2002 par le CNRS que la production
moyenne annuelle du haut bassin est estimée à 12 000 m3, les travaux peuvent être assimilés à une
exportation de près de 94 années de production en seulement 25 ans.
Figure n°09 : tableau de synthèse des données concernant les extractions au droit du Chéran (source : étude CNRS - 2002)
Logiquement et assez rapidement, les actions d’origines anthropiques ont imposé au cours d’eau la
recherche d’un équilibre nouveau entrainant une évolution assez radicale de son style fluvial. D’une rivière assez libre capable de remanier son cours et ses formes avant 1970, le Chéran a été contraint
de suivre un cheminement préférentiel beaucoup plus restreint ou les possibilités d’activités érosives
des surfaces et terrasses attenantes ont été anéanties par l’édification de vastes digues. Le Chéran a
alors entrepris un travail de réajustement conduisant à une incision assez importante au droit du
secteur d’étude. L’étude de l’évolution historique du profil en long sur prés de 80 ans (entre 1920 et 2001) conduite en 2002 dans le cadre de l’étude CNRS fait état d’une incision quasi-généralisée entre la plaine de la Madeleine en aval de Lescheraines et le pont d’Ecole correspondant à la première
plaine d’accumulation de la rivière. Même si le secteur d’étude apparait, en comparaison des autres
tronçons, plus modérément « atteint », les approches proposées laissent apparaitre un enfoncement
du lit variant de 0,5 à 2 mètres accompagné d’un déstockage estimé à plus 135 000 m3 au droit de la
plaine de Lescheraines.
Figure n°10 : Estimation des volumes sédimentaires déstockés sur la période 1920-2001 et comparaison des lignes d’eau (source : étude CNRS - 2002)
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Maximum connu : 224 m3/s
0
50
100
150
200
250
1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020
Débits de crue mesurés entre la période 1950-2016 (Qx-m3/s)
Q2 – 102 m3/s
Q5 – 131 m3/s
Q10 – 149 m3/s
Q50 – 190 m3/s
Au final et considérant que la formation puis le maintien de secteurs en tresses sont intimement liés à
quatre paramètres principaux (Leopold et Wolman,1957 ; Schumm,1977 ; Bravard et Petit, 1997), il est
alors possible de démontrer que la disparition des tresses au droit du secteur de Lescheraines est
intimement liée aux activités d’origines anthropiques. En effet, au moins deux critères apparaissent aujourd’hui très clairement perturbés :
■ l’abondance de la charge de fond graveleuse ou sableuse qui semble être le critère primordial du
tressage. L’analyse des données historiques montre très clairement que ce principe a été totalement remis en cause par les extractions massives portées à plus de 1 100 000 de m3 ;
■ L’érodabilité des berges qui permet le renouvellement des formes et l’introduction et/ou la
mobilisation de grandes quantités de matériaux nécessaires aux processus de formation des bancs. La encore, l’analyse historique montre que les interventions (endiguement) qui ont accompagné l’exploitation des granulats ont été de nature à figer son cours sans lui permettre de remettre en
cause les surfaces attenantes. Cette analyse est néanmoins à pondérer concernant la notion d’introduction de matériaux puisqu’il a été démontré au travers d’études antérieures que le Chéran assure l’essentiel de sa recharge par des apports issus de processus amont ;
Concernant les deux autres critères définis dans la littérature, il n’est en revanche pas possible d’affirmer qu’ils ont vécu des transformations (d’origine anthropique) de nature à « perturber » les
conditions de tressage :
■ La variabilité des débits nécessaire à l’érosion des berges et au transport irrégulier de la charge de
fond (à l’origine de la formation des bancs et des bras multiples). Considérant que les crues morphogènes peuvent être « assimilées » à des évènements correspondant à des fréquences de retour de 2 à 5 ans, il ne peut être affirmé sur la période 1950-2016 que le renouvellement des formes et la disparition progressive du caractère en tresse du secteur d’étude ait été induit par une
modification profonde de la fréquence des évènements. En effet, il ne ressort pas de réelles disparités entre les années 50 à 70 et les années 2000 correspondant grossièrement à la fin des travaux d’extraction. De plus, il n’a pas été entrepris de travaux ayant fortement modifié le régime des crues (barrages, prélèvements importants en lien avec une industrie…).
Figure n°11 : graphique des débits de crue mesurés entre la période 1950-2016 (débits de crue instantanés)
■ La présence d’un plancher alluvial à forte pente. Même si ce critère doit être relativisé puisqu’une étude menée sur plus de 40 tronçons de rivière rhodaniens (Slater ; 2007) permet d’observer des valeurs de pente très variables (entre 0,2 et 5 %), il parait selon les différents profils en long disponibles
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que la pente du secteur d’étude est vraisemblablement restée au cours du temps comprise entre des valeurs allant de 1 à 1,3%
► Rappel des travaux conduits avant les années 200
Faces aux perturbations observées et vécues par les populations (remise en question d’infrastructures
existantes), une vaste campagne d’édification de seuils a été dirigée par les gestionnaires de
l’époque. Dans un premier temps, c’est à dire dans les années 1978-80, trois seuils ont été mis en place au droit de la plaine de Ecoles-Compotes (repris et consolidés en 2000) permettant une rehausse certaine du plancher de la rivière et le retour temporaire d’une forme en tresse. Ces aménagements
qui se sont avérés bénéfiques localement ont néanmoins indirectement participé à déséquilibrer encore un peu plus le secteur aval en entrainant un nouveau retard dans le transit sédimentaire en direction de la seconde plaine d’accumulation.
Une seconde campagne d’édification de trois seuils en enrochements (liée à la remise en cause du pont Picot et à l’incision assez importante du Nant d’Aillon) dont l’objectif était de contenir le
processus d’enfoncement du lit et ce de manière à limiter les risques d’affouillement des digues existantes a été initiée entre 1995 et 2000 au droit du secteur d’étude. Le premier seuil a été érigé à la confluence avec le Nant d’Aillon (visé aujourd’hui dans le cadre de la présente étude), le second
construit en 1999 a été implanté au droit du plan d’eau du Chatelard et le dernier au droit du pont de Lescheraines.
Figure n°12 : illustration de deux seuils devenus infranchissables au droit de la plaine de Ecole-Compote (A) puis de la plaine de Lescheraines (B) (source : Géoportail)
► Dynamique d’évolution depuis 2010 : recherche du retour à un secteur en tresse (travaux de
renaturation de 2011)
Dans la volonté d’initier le retour à un style fluvial en tresse au droit de la plaine de Lescheraines, un projet de renaturation expérimental dont la « philosophie » consistait à étaler le flux du cours d’eau sur la plus grande largeur possible dans le but de diminuer les vitesses et les hauteurs et donc de favoriser les dépôts a été engagé. Concrètement, les travaux réalisés en 2011 ont consisté en une réouverture
de la bande active du Chéran par des travaux de terrassement et de devégétalisation. Situé en limite des plans d’eau dont les digues ne devaient pas être remises en question, le projet intégrait alors la mise en œuvre de protection de berge au moyen de techniques mixtes (voir plan de situation ci-
après).
L’opération ayant été conduite il y a plus de cinq années maintenant et disposant des résultats d’une
étude de suivi menée en 2015, il est aujourd’hui possible de constater que le Chéran n’a pas
véritablement retrouvé un comportement de cours d’eau en tresse et surtout il présente de nouveau
une réelle tendance à l’incision (la bande active réactivée est de nouveau en phase de contraction
et les bancs « libérés » se végétalisent de nouveau assez rapidement). Plusieurs éléments peuvent expliquer ce constat :
A B
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■ Les apports sédimentaires issus de la tête de bassin et du nant d’Aillon demeurent toujours
insuffisants (pour mémoire, le nant d’Aillon est jugé comme étant moyennement productif – source :
étude CNRS -2002). Considérant une nouvelle fois que le critère primordial du tressage et la surabondance de matériaux, il apparait peu probable de retrouver un équilibre permettant d’aboutir à terme, à un système en tresse ;
■ La valorisation d’une très large partie des matériaux terrassés (exportation des matériaux) n’a fait
qu’accroitre le déficit sédimentaire au droit du site (59 800 m3 terrassés pour 48 800 m3 exportés et seulement 11 000 m3 réinjectés soit 4 années de production exportées contre une année réinjectée) ;
■ L’ouverture de la bande active a vraisemblablement poussé le Chéran à retrouver un tracé « plus
court » entrainant alors une légère augmentation de la pente au droit du secteur. En effet à la lecture des images ariennes disponibles en 2009 puis 2013 (ci-après), il apparait que la rivière s’écoule
dorénavant au travers d’un chemin hydraulique plus court (d’une soixantaine de mètres environ. Considérant que le seuil aval constitue un point fixe ayant peu évolué, il est possible d’estimer une augmentation de la pente de l’ordre de 0.1 % au droit de la zone de travaux pouvant peut-être
expliquer pour partie l’augmentation du D50 (3,51 cm en 2015 contre 1,22 cm en 2011) et le pavage progressif du lit ;
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Figure 13 Images aériennes du Chéran eu droit des travaux de renaturation conduits en 2011 (cliché haut -2009 et cliché bas – 2013) – Cliché Biotec, juin 2017.
Chéran -2013
Travaux de terrassement et/ou scarification
Travaux de terrassement et/ou scarification
Chéran -2009
Secteur aujourd’hui « comblé »
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► Bilan et perspectives
Comme pour de nombreuses vallées françaises, le développement local a été en partie rendu possible par la présence du Chéran et en particulier de ses alluvions (les travaux menés ont essentiellement consisté à garantir l’exploitation des alluvions de la rivière et à la sécurisation des
terrains nouvellement acquis et aménagés). Ainsi et pendant près de trois décennies, c’est à dire
jusqu’au milieu des années 90, « développement » et « gestion respectueuse des cours d’eau » sont
apparus comme deux thèmes antinomiques assez peu conciliables. L’émergence rapide de problèmes liés à la remise en cause d’aménagements existant et le regard nouveau porté par les gestionnaires à la fin des années 90 ont permis l’émergence d’un nouveau cycle et d’une nouvelle « approche » plus respectueuse des équilibres du Chéran.
Concernant le secteur d’étude, particulièrement impacté puisque profondément transformé par les
activités humaines au droit d’un espace pourtant écologiquement très riche, la question primordiale
qui doit être posée avant toute nouvelle intervention est la suivante : le retour à une rivière proche de
son modèle antérieur est-il encore possible et sous quelles conditions ?
Si tel est le cas, les conditions de réussite seront implacablement liées au respect des conditions de
« tressage » à savoir l’abondance de la charge solide (imposant la restitution d’une quantité
importante de matériaux) et la reconquête d’espaces pour la rivière au droit de secteurs très
anthropisés. En revanche, si les conclusions des prospections de terrain conduisent à l’impossibilité
d’un tel retour, les réponses techniques à apporter devront permettre d’accompagner les
transformations de la rivière et ce dans l’objectif d’atteindre un nouvel équilibre, durable et source de
biodiversité.
► Contraintes et postulats ayant guidé les choix d’aménagement
De la confrontation des constats de terrain, des données topographiques relevées puis à la
compréhension des phénomènes vécus par le passé, il ressort que la recherche d’un retour à un
modèle dit « en tresse » apparait vaine et que les transformations géomorphologiques constatées en
réponse aux travaux d’extraction des alluvions du Chéran sont aujourd’hui quasi-irréversibles. Considérant ce principe, puis sur la base des enseignements ainsi que partis-pris issus des retours d’expérience en termes de restauration morpho-écologique de cours d’eau, les suggestions d’aménagement ont été guidées par les postulats suivants :
- Préserver les équilibres acquis : c’est-à-dire ne pas remettre en cause les profils en long du Chéran et
de son affluent le Nant d’Aillon en amont de l’actuel seuil (postulat permettant de protéger concomitamment les ouvrages d’art et de franchissement existants ou projetés) ; considérant ce secteur comme un « tronçon de référence » ou « modèle en voie d’équilibre ». En effet, la présence
de bancs en voie d’exhaussement puis d’une végétation rivulaire relativement mature sont autant d’indicateurs de cette « stabilité » qu’il convient de préserver. Par opposition, le tronçon aval du seuil correspond quant à lui à une zone très remaniée où la rivière demeure instable puisqu’encore en
recherche « d’équilibre ». C’est donc du modèle observé à l’amont qu’il conviendra nécessairement de s’inspirer sous peine, autrement, de favoriser le développement « post-aménagement » de processus spontanés de réadaptation physiques de la part du cours d’eau (incision, etc.), particulièrement délicats à contrôler dans un secteur présentant d’indéniables enjeux (présence
d’infrastructures, volonté de réimplanter un dispositif de franchissement de la rivière, etc.) ;
- Ne pas remettre en cause les ouvrages d’endiguement en place à l’extrémité aval de la plaine de
Lescheraines et rive gauche afin de ne pas exposer les actuels plans d’eau à un risque de capture ;
- Accompagner la dynamique de la rivière plutôt que de systématiquement la contraindre : c’est à dire développer des dispositions techniques préservant une large marge de liberté au cours d’eau
afin de lui permettre de dissiper son énergie, puis de maintenir ou rétablir son hétérogénéité physique naturelle (seul moyen de pleine adaptation à la dynamique fluviale naturelle du Chéran) ;
- Accepter, face à ce type de cours d’eau éminemment réactif, de travailler par étape et, surtout, de
ne pas être dans la maîtrise des évolutions futures des formes du lit de la rivière (au risque de
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développer des dispositions d’aménagement peu efficientes ou sources de nouveaux impacts regrettables).
► Choix de restauration défendus
Dans l’acceptation des conclusions d’analyse et propos ci-avant, l’ambition de s’inspirer des modèles
naturels et tendre vers le rétablissement d’un profil en long de pente naturelle de la rivière (proche de
1,15% antérieurement dans la plaine de Lescheraines selon les données du début de la seconde
moitié du siècle passé), tout en évitant le recours à de nouveaux ouvrages de stabilisation du lit, s’est
imposée. Pour ce faire, le ré-engraissement volontaire du lit au moyen de matériaux alluvionnaires
(galets) sur l’emprise complète du tronçon aujourd’hui incisé de la rivière en aval immédiat du seuil
anciennement établi à la confluence Chéran/Nant d’Aillon s’est révélé incontournable.
Parallèlement et au regard néanmoins des données topographiques actuelles du talweg, de la
puissance du cours d’eau puis de la nécessité de favoriser un travail autonome de ré-alluvionnement
régulier du Chéran en ce secteur à l’avenir, l’augmentation du linéaire du tronçon de cours d’eau
considéré et la confrontation des écoulements aux terrasses alluviales anciennes ont été
recherchées.
Sans dissipation des vitesses d’écoulement et de l’énergie hydraulique en période de crue, puis l’apport plus ou moins régulier d’une charge sédimentaire « excédentaire » dans la plaine de Lescheraines, aucune situation d’équilibre d’un point de vue physique ne pourra en effet être
maintenue ou restaurée de façon pérenne. Dans cette optique, et dès l’aval immédiat de la
confluence avec le Nant d’Aillon, le projet prévoit de tenter de déplacer vers l’Est et la rive droite les
flux du Chéran. Cette inflexion de tracé devra permettre de concourir à l’exagération progressive des
circonvolutions de la rivière et ainsi favoriser l’augmentation de son linéaire en favorisant l’érosion et
le recul du front d’anciennes terrasses alluviales aujourd’hui boisées.
Cette reconquête d’un profil en long d’équilibre (effacement de la hauteur de chute complète du
seuil) et d’un plus large espace de divagation rive droite nécessitera donc en premier lieu :
- d’entreprendre le rehaussement des fonds du lit de la rivière sur plusieurs centaines de mètres au
moyen d’importants volumes de matériaux alluvionnaires (de granulométrie et nature géologique
conformes aux caractéristiques des substrats du Chéran) en veillant à créer un profil dissymétrique
en section (point bas rive droite) ;
- de terrasser en déblai un chenal principal rive droite et au sein même d’anciennes terrasses
alluviales actuellement « perchées » d’un point de vue topographique (intervention permettant
d’user de matériaux graveleux issus du site pour le ré-engraissement du lit) ;
- de créer « un point dur » tel un promontoire rive gauche à l’extrémité aval du Nant d’Aillon afin
d’infléchir vers l’Est le cours du Chéran (ce point dur à la forme d’un gros éperon devra
nécessairement être efficacement conforté au moyen de techniques mixtes (génie civil et génie
végétal) coté amont afin de résister opportunément aux contraintes d’écoulement ;
- de détruire ou désassembler les éléments constitutifs de la crête de l’actuel seuil afin de ne plus le
distinguer.
De manière à parfaire ces dispositions techniques et guider/accompagner le travail du cours d’eau
en vue d’atteindre un nouvel équilibre, quatre interventions complémentaires seront requises :
- celle de créer/d’initier la trace de futurs chenaux en partie Est de la plaine et en rive droite du futur chenal principal d’écoulement (mise en scène comme des « langues » et fronts d’érosion localisés au sein des anciennes terrasses alluviales, ils faciliteront le travail d’exagération de la courbe par le Chéran et l’apport régulier d’alluvions à la rivière) ;
- celle de démonter un ancien ouvrage de protection de berge rive gauche du Chéran en aval
immédiat du « point dur/de l’éperon » susmentionné créé et de reprofiler ensuite le talus en question en déblai (soucis de reconquérir un espace de divagation plus important pour le cours d’eau et
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« effacer » un ouvrage de stabilisation, tout en récupérant des matériaux ré-employables pour le ré-engraissement du lit ou la réalisation du dit « éperon ») ;
- celle de favoriser l’émergence non seulement d’un large boisement alluvial sur l’emprise du « point
dur/de l’éperon » créé (dans un souci de fixation des remblais localisés effectués), mais aussi d’un autre boisement rive droite et en amont du seuil dont les impacts nécessitent d’être effacés, afin de guider les eaux du Chéran vers le Nant d’Aillon et éviter une confrontation brutale des écoulements avec la « structure-guide » mise en scène rive gauche ;
- celle d’extraire du lit les vestiges de l’ancien pont picot qui participent à la création de turbulences
regrettables en ce secteur aujourd’hui assez « équilibré ». Il s’agira bien d’extraire la pile centrale au cœur du lit vif mais également de reprendre les ancrages en rive impliquant nécessairement la reprise et le déplacement pour mise en sécurité du réseau aérien encore présent ;
Si, indéniablement, ces dispositions participeront à restaurer la continuité écologique et la recherche d’un nouvel équilibre, puis devraient être sources, à l’avenir, d’un relèvement de la nappe bénéfique
aux formations alluviales aux marges du lit et de l’émergence de nouveaux habitats, il reste qu’elles conserveront une nécessaire part d’expérimentation. A ce titre, elles devront faire l’objet de suivis, eux-mêmes porteur d’enseignements pour la gestion et la protection du patrimoine que représente le
Chéran.
▶ A propos de la réglementation
A priori (sous réserve de l’avis des autorités compétentes) et selon la nomenclature en vigueur, les
travaux prescrits au titre de la restauration de la continuité écologique au droit du Chéran
nécessiteront l’établissement d’un dossier préalable d’autorisation au titre du Code de
l’Environnement (selon rubriques 3.1.2.0 et 3.1.5.0).
▶ Période de travaux et organisation générale
Au-delà des contingences administratives et des échanges, tant en termes technique que d’un point de vue administratif, nécessaires avec les représentants de la Police de l’Eau et de la Pêche, les modalités d’organisation des travaux projetés et fenêtres d’interventions disponibles vis-à-vis des
périodes de migration des espèces cibles et des faibles niveaux d’eau seront bien les facteurs prédominants dans la désignation de la hiérarchisation des opérations en phase « chantier ».
Ces travaux nécessiteront donc le respect d'une planification assez précise, elle-même proposée en fonction de plusieurs facteurs tels que le respect des cycles biologiques (période de fraie des poissons), le fait de devoir profiter de la période de repos de la végétation (soit entre la fin septembre
et la mi-avril pour les mesures de végétalisation), la nature des terrassements et ouvrages à édifier (hors période de hautes eaux, etc.).
Pour mémoire, le Cheran qui dispose d’une station à Allèves (code station V1255010) présente un étiage marqué durant les mois de juillet à octobre (de 4.5 à 5.5 m3/s). Parce qu’il convient que ces interventions particulières soient menées à une période « sèche » ou, tout au moins, « clémente » d’un
point de vue météorologique (afin de régler avec soins les cotes de terrassement), la période propice correspondra donc à la période estivale ou/et automnale (entre juin et septembre pour les terrassements ; vers la fin septembre/mi-octobre ou éventuellement mars pour les interventions de
végétalisation).
Un tel chantier devrait s’étendre sur une période globale de 8 à 10 semaines (hors période de
préparation fixée généralement à deux semaines). Dans cette acceptation, le planning des principales étapes de l’opération pourrait se présenter comme suit :
Dépôt des dossiers réglementaires ▶ Printemps 2018
Etablissement du DCE ▶ Automne 2018
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Appel d'offres, consultation et choix de
l'entreprise adjudicataire ▶ Hiver 2018
Obtention de l’arrêté préfectoral ▶ Printemps 2019
Engagement des travaux ▶ Eté 2019
Parachèvement du chantier ▶ Octobre 2019
Garantie et suivi des aménagements ▶ Une saison végétative, soit jusqu'en
septembre 2020
▶ Profil de l’entreprise devant réaliser les travaux
Les qualités du personnel et de son encadrement technique réalisant ce type d'interventions
conditionnent pour une large part la réussite d'un chantier. Les compétences ainsi que les capacités en moyens et matériels nécessaires aux entreprises qui s'engagent notamment dans la mise en œuvre de ces techniques d’aménagement des cours d’eau sont hybrides et multiples, et celles maîtrisant
parfaitement l'ensemble de ces disciplines ne sont pas nombreuses. Il s'agit en effet de posséder de bonnes connaissances de botanique, de comprendre le fonctionnement d'un hydro-système, de maîtriser les domaines du génie rural et forestier, tout en se montrant capable d'effectuer des travaux plus lourds propres au génie civil (déblais/remblais, terrassements, démontage d’ouvrage, etc.).
Le savoir-faire du bon machiniste, la connaissance du végétal, le sens pratique de la construction et
une sensibilité aiguë à l'environnement constituent un amalgame certes difficile à obtenir, mais pourtant indispensable à la maîtrise des techniques. L'outillage indispensable et habituel du jardinier-paysagiste et forestier-bûcheron (tronçonneuses, cisailles d'éclaircie, masses, débroussailleuses, pelles,
pioches, serpes, etc.) doit en conséquence s'accompagner d'un niveau certain de mécanisation (pelle hydraulique, dumper, etc.).
Par expérience, une équipe de quatre à six personnes constitue un modèle d'organisation adapté pour ce type de travaux. Au-delà d'un effectif de dix, la progression du chantier et l'encadrement deviennent plus difficile.
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▶ Conclusions
Ce sont les connaissances et expériences récentes acquises dans les domaines de la restauration et le réaménagement fonctionnel des cours d’eau qui ont conduit à l’élaboration de ces analyses et prescriptions techniques. Si les avis, consignes et propositions d’intervention qui sont ici développées
sont le fruit de l’expérience et de l’observation, et sont, à ce titre, tout à fait opérationnelles, elles rappellent :
- que les problématiques de « restauration » de la continuité écologique relèvent d’un exercice parfois délicat et demeurent systématiquement attachées aux objectifs, niveaux d’ambition et contraintes que l’on se fixe ;
- que face à des cas de figure singuliers, les procédés les plus simples seront toujours les gages du
maximum de succès.
Mise au point en fonction d’enjeux et cadre stricts, puis d’une philosophie d’intervention « pragmatique » visant à tenir compte et autant qu’il est possible des conditions de fonctionnement
naturel du milieu et des pressions anthropiques antérieurement subies, le programme d’actions défendu insiste sur le fait que nul dispositif technique de type « passe à poissons rustique » ne pourra
durablement résoudre les problématiques auxquelles la rivière est aujourd’hui confrontée. Seules des
dispositions capables d’accepter les déformations et remaniements inévitablement liés aux crues
pourront permettre d’aboutir à l’ambition de restauration durable espérée.
De par son caractère quelque peu « pilote » et afin d’être « reproductible », une telle opération nécessitera imparablement suivi et ce dans l’objectif d’analyser la réponse morphologique de la rivière (sur la base de campagnes de topographie) puis d’étudier l’évolution du potentiel
habitationnel du lit renaturé, tout au moins au cours des trois premières années et évènements hydrologiques subis. Les enseignements alors livrés permettront d’améliorer la connaissance scientifique des concepteurs, puis « d’enrichir » nécessairement de futures autres réalisations.
Lyon, le 20 novembre 2017,
BIOTEC Biologie appliquée, Adrien HAMM & Nicolas DEBIAIS
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▶ Détail Quantitatif Estimatif (DQE)