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OFFICE DE LA RECHERCE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE OUTRE - UER CENTRE DE FORT-LAMY NOTES SUR LES BOULALA ·DU FITRI F. HAGENBUCHER -------

Notes sur les Boulala du Fitri - Cadic intégralehorizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/...lMaZ'bala Tshuhunu Bagna lKulgna Am Sayal PO KaksOto Gassama ~ Dthumka (lith

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OFFICE DE LA RECHERCE SCIENTIFIQUE

ET TECHNIQUE OUTRE - UER

CENTRE DE FORT-LAMY

NOTES SUR LES BOULALA

·DU FITRI

F. HAGENBUCHER

-------

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e l N T R 0 DUC T ION -

L'aspect fragmentaire, voire disparate, présenté par cette

étude est consécutif à la suspension prématurée de nos travaux dans le

courant du mois d'évril ~967

Nous ne pouvions prétendre intégrer les éléments recueillis

en deux mois et demi de terrain, dans une étude exhaustive des connais­

sances acquises par tous les auteurs ayant traité ce sujet, ni exploiter

les i~rications évidentes qu'ils présentent sur le plan historique

avec le Kanem~ et les deux grands voisins du Fitri : le Ouadaï et le

Baguirmi.

Il incombera donc à des études ultérieures de situer cette

présentation plus que succincte de la80ciété ~ulala, dans un cadre

plus vaste.

o

o 0

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CONSIDERATIONS GENERALES SUR LA SOCIETEBOULALA

Les populationse

l ~ Le pays BOULALA, aujourd'hui érigé en canton (chef~lieu z Yao) est dé­limité au Nord par le treizième parallèle/à l'Ouest par le 17ème méridien,à l'Est par Malabe s et Alifa, au Sud par Abourdah et Guéria.

Le iac Fitri est ll'accident géographique indépendamment duquel onne saurait comprendre le mode de vie, l'organisation sociale, et la spiri­tualité d'un peuple dont les ressources et le destin historique ont long­temps tenu aux variations du niveau des eaux de la lagune dont la superfi­cie est de 420 km2 aux basses eaux, mais peut doubler ou même tripler lorsdes crues les plus importantes qui inondent la région deltaique du Bathaet envahissent la zone dunaire du .S.O(I)

Alors qu'aujourd'hui, la population Boulala est dispersée sur unesuperficie de ~.OOO km2 entre les points extrêmes d'Am-Djemena, Abourdah,Guéria et Am-Kamfouta, elle était rassemblée au X~ siècle en gros villa_ges~ situés sur les rives de la lagune et vivant repliés sur eux-mêmes.

Les Baguirmiens les appellent Lis ou L~si ainsi ~ue leurs voisinsles Kouka, les Médogo, les Abou Semen et les Mayaginé (2). Ils se prénom­ment entre eux Balala, mais sont appelés Bilala ou Boulala par les étran­gers. Nous conserverons cette dernière appellation, en usage courant dansl'ensemble du Tchad et communément employée par tous les auteurs.

La sécurité instaurée et maintenue sur la région dès le début deItère coloniale a entraîné l'éclatement de ces agglom~rations, la consti­tuti.0n de nouveaux villages, et partant, ltexploitation des zones de du­nes& propices à la culture du petit mil.

L'implantation traditionnelle de la population était la suivante:

1°) - Yao et Djiro, formant une seule unité sociologique.

2°) - Le groupe Galnoro (en arabe z naga = terrain plat) au NO du lac.avec les agglomérations de z

Dini Kabir

Dini Saxair

rn français · Grand Dini):en boulala · Dini Bo) ,•en arabe : Dini Kabir)

rn français · Dini petit·en boulala z Dini wadéen arabe : Dini Saxair (3 )

Gollo ~ Moundoumou Delta ~ Moudoumou Kourou _ Kenga - Gorko _ BourioFourkouma

(1)en Juillet et le niveau maximum en

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- 2 -

30) _ tes villages du groupe Manga, au Nord du lac avec : Bouga, Zégué,Agana, Mélémé, Chigueig, Wagna, Khach Khach, Kerfé, Ban Djedid,Zioud, Bimanga, Marsuba, Djakoua, Bézakaria, Bé Aima, Bogo, BéBobranga, Mangbatoua, B'hédima, Ab Katal, Agana •••••

4°) Les villages du Sud du Eac répartis en groupes à base familiale.

a) Groupe Tshémané (mère de l'eau) formé par deux asous-groupes" :

Djorto Nanga

)

l1)

DogolfoyoKoukiKabaraN'Golo

RabanaDoubouloroGuélaTamsaKachakaN'GorjéBeraye

b) Groupe Manmafé : Gallo Bouram, Gallo, Moudo Saxair, MoudoKabir, Ati~rdébé, Tchaga.

c) Groupe Zizoro : Daga, Ibza, Maafé, Gamsa (1), Genderbis,Alai, Rokeri, Sea-Danranga, Seita Tarsourou, Seita Dankoutch.

5°) - Les villages de l'extr~me Sud:

A la limite de Bokoro et de Mongo, Guérin et Boul, qui onttoujours vécu de façon quasi indépendante.

Parmi les modifications importantes apportées au relief dé­mographique du canton du Fitri par le processus invoqué plus haut, ilfaut distinguer :

- l'émigration saisonnière (saison des pluies) vers un vil­lage de culture qui peut parfois n'~tre qu'un campement assez rudimentaire

- 1.' implantation définitive de la population d'un "villagemère" sur un site de culture choisi en zone de goz (buttes sableuses)tandis que les personnes âgées, improductives/et les individus solidementfixés à la région originelle pour des raisons d'intérêt ou de sentimentcontinuent d'habiter le village natal. C'est à ce niveau que les infras­tructures sociales et familiales deviennent plus complexes et révèlentdes types de rapports humains et économiques entre les deux communautés,constituant selon nous une transition entre deux époques.

(1) Village aujourd'hui déserté, et autrefois réparti comme suit : G~~r~ Gamsa hi'beh N'Gare, Gamsa Awal, Gamsa Garia, Gamsa Guissimi,Gamsa AtiaGamsa Saxafr, = Gamsa Sormo, Gamsa Moudo, Gamsa Togonio, Gamsa Abi,Gamsa Tshémodo

... / ...

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- 3 -

La difficulté majeure a résidé dans l'impossibilité de dater~ sice ntest très approximativement, les différentës phases du processus, Ilest de plus évident, qu'une étude plus approfondie nous aurait livré denombreuses nuances dans les différents degrés de dépendance des nouvellesagglomérations vis-à-vis des villages mères : on peut cependant situer lescaractères principaux des liens nombreux subsistant entre l'ancien et lenouvel habitat d'une communauté villageoise d'origine, entretenus par denombreux mouvements de population.

- Le Kajala (Chef de village) du village premier continue d'yhabiter et est représenté dans le village second par un "Manjak" (Adjointdu Chef du Village) disposant généralement d'une large autonomie. Les do­maines d'intervention et le degré d'autorité conservés par le Kajala n'ontpu @tre analysés.

- Les deux communautés se retrouvent lors des fêtes.

- Une forme atténuée de mariage préférentieldeux types de collectivité.

unit encore les

- De nombreux champs sont cultivés en commun.

VILLAGES MERES NOUVEAUX VILLAGES

Gorko •.••........•••....•....•••

Bourio •.•.•.........•.•.....•••.

Youdoumou D@lta •••••••••••••••••

Moudoumou Kourou ••••••••••••••••

l MaZ'balaTshuhunuBagna

l KulgnaAm Sayal PO KaksOtoGassama

~Dthumka (lith IGN • Doumka)•Dahili

1

MoulioDarmasaliardaGogomo

( ythboulhounoro (IGN : Boul-( konoro)( Kadjal baché (IGN : Kaïdil

baché)

ZanoBilouMamaneYao YaoaBabaBaré

( Gombo

( Mtbankala

... / ...

......................

...........................Dini Saxair •••.•...•.•••.•.•••••

Dini Kabir

Gollo

Mthbéfouhourma. ••••••••••••••••••

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... 4-

Gamsa Togonio •••••••••••••.••••• (

Gam.sa Sorm.o ••••••••••••••••••••1. (Gamsa Tschemodo ••••••••••••••••• (

Gam.sa Awal •••••••••••••••••.•••• (

Gamsa Guissimi •••••.•••••••••..• (

Gamsa M'bé N'Garé ••••••••••••••• (

Gamsa Garia ••• ··················1

Ajogolo

Zagaladja

Bauda

Kilguimi

?

Bobtongo

dont les gens ont émigré enpays Kouka, près de Kunjuru,sous le règne de Mahamat Gadai(Gamsa est aujourd'hui aban­donné).

Tous ces villages n'ont pu ~tre portés sur la carte.

C~rtaines populations, conservant leur habitat primitif, ne s'endéplac~nt pas moins en juin, pour la culture du petit mil, (semailles) jus­qu'à leur village de culture, d'où elles reviennent courant octobre, aprèsles récoltes.

La population de Moyo va cultiver à Souloutou.

La population de Kouki va cultiver à Aera, Déha, Chalala, Kaharaha,

La population de N'Golo va cultiver à Dab-sili.

Les gens de Takété et de Rabana aujourd'hui unifiés en un seul vil­lage s'en vont cultiver à Malama et Ab dilissi. La moitié des gens de Mand­jala cultivent à Abourdah, Djala. La population de Kabara se déplace àOborO. .

II - Les Arabes nomades transhumant en saison sèche sur les rives du Fitriet dans l'ensemble du pays Boula constituent une part numériquement etéconomiquement importante de la population du canton.

En 1928, le Sultan du Fitri se vit confier par l'administration co­loniale la région du Harr; fief des Ouled Himet qui n'en continuèrent pasmoins à vivre de façon indépendant~. Pendant plusieurs années les incidentsse multiplièrent entre les Ouled Himet et les Boulala menés par le TshéromaAbakar, frère du Sultan Oumar.

Les Diaatnés furent, semble-t-il, toujours en excellents termesavec les Boulala et venaient seuls au Fitrr. S'arrêtant à la dune de Nassan:ils envoyaient au Sultan des émissaires chargés de cadeaux diverS. Ils en­traient alors dans le pays en payant un droit de pâturage d'un demi pourcent sur les boeufs et les moutons. Les produits des juments en pays Bou­lala revenaient au Sultad.

... / ...

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- 5 -

Ce droit de pâturage fut officiellement aboli en~7 par le Chefde Région, en dépit d1une vive opposition.

Les grands marchés du Fitri (Am Djémena, Abourdah, Yao, Gambir)reçoivent le bétail et le lait des Arabes qui slapprovisionnent eux~@mesen mil et denrées diverses. Les rapports entre sédentaires et nomades secaractérisent aussi par :

e la mise en cheptel auprès de ces derniers d1une partie du bétaildes villageois pour la durée de llhivernage, par laquelle les b@tes échap­pent aux rigueurs de la saison des pluies en allant paturer sur ItOuadiHaddad et ItOuadi Rim~.

- le transport du mil du champ jusqu1au village à llaide des boeufset des chameaux de l'arabe qui prélève une part de la charg~.

Aires de stationnement des nomades arabes en pays Boulala

Ouled Abou Gousour

Sous-groupes de la tribu Khozam dontd'importants éléments ont été localisés

Sous-groupes de la tribu O. Himet dontd'importants éléments ont été localisés

Intir.:.el-Matara

Régions habituelles destationnement

Abrania

Ati

Kouki

Bourio

Yao

Moudo

Alifa

Ati Ardebé

Régions habituelles destationnement

..............................

..........................· .· .

· .

~ ...................................

~ .

Hawarin

Ouled AliOuled Kres

Ouled Himet

Ouled Aris

Othon

KarbourKarcha

Amassara •••••.•••.•••..•....•..•••..••••••••• Bourio - et dans le Harr

Am Garanga (très peu) •••••••••••••••••••••••• Yao

• . •j . .•

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Sous-groupes de la tribu O. Rashiddont des éléments ont été localisés

Régions habituelles destationnement

Ouled Djawar (Zioud) (I)Massalit (Zédaba)Am Drouyas (? )

Ouled Abou Zeïd (Zédaba)

)) ..

1....................'.Yao

Bourio

Ouled Moussa )Ouled Abdel Krim (Hamida) )Ouled Nasour (Zioud)

................. Gamsa

Ouled Mogdam (Hamida) •••••••••••••••••••••••

MiléKat (Z@bad~) ••••••••••••••••••••••••••••

Am-Makhar (Zioud) •••••••••••••••••••••••••••

Ouled Habid (Zébada) .••••••••••••••••••••••••

Sous-groupes de la tribu Diaatnédont d'importants éléments ont été localisés

Am Brek (Ouled Malik) ••••••••••••••••••••

Hibedat (Noala) •••••.••••••••••••••••••••

AdaotlD.a ~••••••••••••••••••••••••••••••••••

Bicharat (Noala) fAhamadat (NoaIa) •••••••••••••••••••••••••

))

~

Gollo

Seita Tarsourou

Seïta Tarsourou

Gal 13. sa.

Régions habituelles destationnement

Baba MalikBaba DjimezBaba TchioutchoBaba Bornou

Wagna

MoyoDogo

Am Djéména

Fellata (2) ,.............................. YaoTakété

Al Oumar •••••••••••••••••••••••••••••••••

Djoubarat .••••••••••••••••.•••••••••••••••

Ouled Komo (Noala) ••••••••••••••••••••••1.

Harok (NoaIa) f•••••••••••••••••••••••••••~.

Hadjer l.lédogo

Kessy

Wagna

Ras Salamat

Abdeldaïm (Noala) •••••••••••••••••••••••'~

Cherafa ..................................Wagna

N'guélo•

l Nom du groupe2 Se prétendent d'origine Foulbé.

'.... / ...

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... 7 -

Sous-groupes Diaatné (suite) Localisation (suite)

NO'UD1oura •••••••••••••••••••••••••••

Ouled Wada ••...•............••....•

Balla! '••..........................•

Hamij erami •••••.•.....••.....•.••••

~KessyN'Golo

( Alifa

~YaoKessy

( Kouki

~KessyGuéla

( Ati

( Ati

( Abourdah

( Ras Salamat

............ ~ ..............................

Beni Badour •••••.••••••••.•••••..••

Kolomat

Djera'tha ~•.•.....•...•......•••...••

Amalayé •••.•.....••.........•..•••i.

Keitma

Les Arabes o. Khanaim, dont seules de petites fractions vonthiverner au Nord vers le Guetty, peuplent trois villages : Kakaro Duba,Kakaro N'Garada, Abourdah Djimez, et entretiennent des relations trèsétroites avec Yao. Le sultan Boulala nomme lui-même le Chef des OuledXhanaim, et intervient en tant que chef de canton, dans les affairesimportantes (impOts, justice). .

... / ...

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~ 8 -

CONSIDERATIONS HISTORIQUES

Quiconque séjourne quelque temps à Yao découvre des institutions,une hiérarchie et un cérémonial séculaire figeant la population et les vas­saux du sultan dans des attitudes traditionnelles dont l'observance et lasignification ont certes évolué mais suggèrent encore aujourd'hui l'exis­tence d'un long et riche passé historique.

L'histoire du peuple Boulala, dont les péripéties se déroulèrenten diverses régions du Tchad, apparti~nt encore pour une grande part audonaine de la conjecture et de la pol~miqu~.

Les Boulala forment une population composite à laquelle on accordecommunément une lointaine origine dite ·Yéménite" (conforme à un certain"snobisme historique" en vigueur chez les populations en contact avec lesnomades arabes) et semblable à celle de la dynastie Séfouwa du Kanem, àlaquelle ils disputèrent le pouvoir au cours d'interminables guerreEt. Ilscontractèrent à cet effet une alliance prolongée avec les Toubout, quiprovoqua des mélanges et a donné naissance à des Jtribus koubou qui n'ontpas oublié leur origine (1).

Si la primauté du r31e joué par les Boulala dans les années lesplus sombres qu'ait connu le Kanem n~est guère contestée, non plus que l'ef.ficacité ni la fréquence des alliances qu'ils nouèrent avec les Toubou, lalocalisation de leurs bases extérieures au Kanem lors du conflit avec cedernier, et l'époque de leur installation au Fitri, font l'objet de nombreu.ses controverses.

Selon certains auteurs, les Boulala étaient déjà fermement établisau Fitri lorsqu'ils partirent de ce payé à la conqu~te du Kanem.

Palmer (1) pense qu'ils se seraient vu très tôt confier par lesSéfouwa l'administration des régions orientales; le royaume Boulala duFitri daterait, selon lui, de la fin du XIVè siècle ou du début du XVème.

Pour Nachtigal (J); les Boulala originaires du Fitri, n'y seraientretournés qu'après avoir été défaits par les Séfouwa.

Selon Carbou; les Boulala installés au Kanem, furent refoulés auBahr-el-Ghazal par les Toundjour,venant du Ouadaï; d'où ils avaient étéchassés par Abdelkérim Ben Djamé, qui venait d'y. établir sa domination.Plus tard, ils quittèrent le Bahr-EI-Ghazal, et se lancèrent à la conquêtedu Fitri au I7ème siècl~. .

L'étude de Barth, qui se base sur des considérations étjymologiquespour identifier le royaume Kouka du Fitri (pré-boulala) au royaume de Gaogaest infirmée par Carbou dont l'argumentation; s'appuyant sur des textes deLéon l'Africain, assimile le royaume de Gao~a au Kanem(4).

Jean ~hapielle z ~mades noirs du Sahara. Paris. Plon,I957.Nacht1gal : Sahara et Soudan. Traduc~. :LJ.Wourdault. Paris Hachette ŒIVoyage de Nachtigal au Ouadaï; traduc~. Van Vollenhoven - Paris, comitéde l'Afrique Française, 1903.Palmer : Sudanese memoirs. Lagos ~vernement~ Printer I~28.Barth: Voyages et découvertes d~ns l'Afrique Septen./et Cent. pendantles années 1849-1855. A. Bohne 1861.

... / ...

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Admettre l'existence et la prééminence politique de Djil Essa Tubodepuis le départ du Kanem jusqu'à la conquête du Fitri et à fortiori la qua­rantième année de son règne sur ce pays, implique la reconnaissance à cethomme d'une longévité tout à fait invraisemblable. C'est pourquoi nous neretiendrons parmi les faits attribués à Djil EssaTubo, conformément auxrenseignements acquis à Yao, que la conquête du Fitri et son érection ensultanat BoulaIs. L'établissement des Boulala dans le Bahr~l-Ghazal neconstitue sur le. plan historique qutune simple halte qui leur fait parfoisattribuer des constructions en briques (3) dont d'importants vestiges:sub~'sistent dans la région de l'Ouadi Rimé, à Abou Hirézat.

Après avoir chassé le Sultan Daoud (I377~I385) de sa capitaleNtjimi et l'avoir tué au combat, les Boulala obligèrent son successeur à seréfugier au Bornou et restèrent mattres du Kanem pendant un siècle, jusqu'àla conqu~te effectuée par Idriss Alaoma (1) sous le ~ègne duquel le Bornoufut unifié; atteignit son apogée et acquit la province du Kanem.

Les Boulala, repliés au Kanem Oriental et théoriquement soumis~se soulevèrent encore à ~usieurs reprises avec l'aide des Toubou. Ilsfurent finalement obligés departir vers l'Est et s'arr~tèrent dans le Bahr~

el-Ghazal méridional et le Guétty (2). Selon certaines traditions du Kanem,cet exode se serait effectué sous la direction d'un dénommé Djil, Essa Tubo,de mère TouboJ~ C:'est cependant lui, qui d'après la tradition Boulala, gui­da son peuple jusqu'au Fitri qu'il conquit sur les Kouka, et sur lequel ildevait régner quelques 40 ans.

/pr

t~ ~# CJ .~

t~~ l;\~ A Djedaa~ les Œ. Rashid attribuent ces constructions aux Sao. Les~'~i( Boulala, les trouvant inoccupées lors de leur arrivée; ntauraient fait que~p '. s'y installer. Un récit qui nous fut conté à Yao et à Djedaa se rapporte

'\~ ~~ aux ruines d'Abou Hirezat : l'un des deux fils d'un Sultan Boulala quip ~~ régna sur la région, avant la conqu~te du Fitri par son peuple, habitait; r-/" à ItOuest de la demeure de son père en un lieu qui reçut plus tard le nom

dèXhabat Madelounf(en arabe Madeloum : plaignant) tandis que son frèreétait logé à l'Est de la maison paternelle, au lieu dit Dalatd. Chaque ma­tin, les deux hommes parcouraient la distance qui les séparait,du Sultanauprès duquel ils se tenaient jusqu'au début de l'après~idi~ puis s'enretournaient chez eux. Celui qui habitait à l'Ouest se serait plaint dece que chaque jour, à l'allée comme au retour, les rayons du soleil l'aveu­glaient•••• Une discorde éclatJ. Quelles en furent les conséquences? Nousn'avons pu obtenir la totalité de cette légendè.

(1) Urvoy; histoire de Itempire du Bornou : Mémoire Ifan - VII ParisLarose 1949

(2) Guétty signifie en Boulala i tamiJ. Ctest suivant une légende locale,un objet semblable qui fut oublié par une femme Boulala lors de l'émi­gration vers le Fitri, qui donna son nom à cette régiorl.

(3) Selon des renseignements recueillis à Yao et chez les arabes OuledRaschid de la Région de Djeda~.

'•.. j ..

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ID

Toujours dans la m@me tradition conservée par les Arabescirculant entre Djedaa et l'Ouadi Rimé, la famine fut la cause da l"émi­gration des Boulala vers le Fitri : un boeuf égaré, considéré comme perdudepuis de nombreux jours, revint du Sud, laissant derrière lui des excré­nmnts dont la couleur verte fit soupçonner aux Boulala l'existence de ri­ches paturages dans la région où était allé pa1tre le bovidé. Suivant lestraces de ce dernier, ils arrivèrent ainsi à proximité du Fitri •••••

Les connaissances historiques acquises aujourd'hui, montren1que la conqu@te du Fitri par les Boulala résulta du choc qu'ils subirentà la venue des Toundjour qui les délogèrent du Bah-el-Ghazal, avant decontinuer leur avance vers le Kanem. Ce fait n'est pas mentionné dans latradition ~ulala, suivant laquelle, vers 1530, les Abou Semen (considéréfcomme les premiers habitants des rives du lac) voulant tirer vengeanced'un affront, parmi beaucoup d'autres, commis par les Kouka (certainesversions mentionnent un outrage perpétré par ces derniers contre un "métifsans donner plus de précisions) envoyèrent une délégation de 7 des leursau Bahr-el-Ghazal; afin de demander leur aide militaire aux Boulala.

Les noms et les origines de quatre des ambassadeurs sontrelatés par la tradition. Il s'agit de :

- Dalla Karoua du village de Toufoulo Kabir

Laaba dé M'buru de Moudoumou d@lta

Deshi songollo de Roma a tI)

Raxa ri tin de Moyo (2)

Ils reçurent un accueil favorable de la part de Djil Essa,Tubo ~ui leur promit du secours pour l'année suivante, à la saison despluies. Afin d'indiquer la route du Fitri à leur nouvel allié, les 7 AbouSemen lui firent part d'un stratagème qu'ils mirent peu après à exécutionpendant leur retour. Ayant pris des graines d'oseilles (en arabe : Karkheignes) ils les semèrent à intervalles réguliers tout le long du trajet.La saison des pluies s'écoulant, les plantes poussèrent et les Boulalan'eurent plus qu'à suivre la route ainsi jalonnée••.•

Il semble, d'après les faits rapportés par la tradition,que les Boulala effectuèrent à ce moment un véritable déplacement de popu­lation, bien plus qu'une simple expédition militaire. Femmes, enfants etvieux furent laissés à Modom Magué (village non mentiinné sur la carte).Puis les guerriers s'arr@tèrent à Tilisi où Djil Essa Tubo "déroula sontapis de prière". Divisant ses forces, ce dernier envoya 500 cavalierscommandés par le Yérima Mahamat, vers Kabara ,et 500 autres cavaliers di­rigés par le Galadima Amir, vers Koudou.

12

Nasale vélaire: Ex : en anglais: King (KiWFricative vélaire : Ex : en allemand : Buct (Bux)

.../ ...

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- II ...

Le Yérima Mahamt fut tué par les Kouka et remplacé par sonfrère Issen qui écrasa plusieurs contingents ennemis et se dirigea versDaga résidence du Sultan Koukd.

De son cOté, le Galadima Amir fut tué à Koudou et remplacé. parson frère Abdullaye Djélil.

Issen et Abdoullaye firent leur jonction et attaquèrent le sultanKouka à Daga où ils furent tous deux battus et tués. Issen fut remplacépar un dénommé Hassan tandis qu'un certain Abdel Kader prenait le com­mandement de la troupe d'Abdullaye.

Tous deux reprirent la lutte, investirent Daga; et ayant massa­cré le sultan Ali Dinar, ils pourchassèrent les Kouka qui s'enfuirentdans deux directions : vers l'Ouest où ils se regroupèrent autour deBokoro, N'goura et Moyto

vers l'Est où ils établirent un sultanat à Koun­jourou, et échelonnèrent leurs agglomérations le long du Batha, entreAti et Oum Hadjer.

Les Boulala retournèrent à Tilisi•••• La tradition s'appliqueà rapporter le chiffre des pertes du c6té Boulala :

... parmi les alliés des Boulala : 300 morts du village de Gollo et300 autres morts d'autres villages•

... parmi les Boulala : 333 morts.

Djil Essa Tubo mena son peuple à Toufoulo dont le Goz s'avérarapidement trop petit pour nourrir tout le monde. Les Boulala levèrentune fois de plus le camp et se dirigèrent vers Yawa (non Kenga) quidevait devenir Yao.

Encadrés par le Baguirmi et le Ouadaï, les Boulala furent sou­vent traqués et persécutés par ces deux voisins aussi puissants quebelliqueui;' mais ne craignirent pas de profiter de leurs luttes intes­tines pour effectuer des coups de main et des razzias derrière leursfrontières. A la fin du XVlllème siècle, le sultan Djourab el Kabirfut vaincu et tué par les Baguirmiens à Kabara.

Le Fitri d~t reconnattre la suzeraineté du Ouadar. Le Sultan nepouvait fttre investi de ses fonctions qu'à Abéché, et payait un tributannuel. Les sultans de Yao sollicitèrent souvent l'intervention deOudai dans leurs querelles intérieures et leurs conflits avec le Baguir­mi.

Vingt Sultans se succéd~rent depuis Djil Essa Tubo jusqu'à lamor~ d'Oumar Mahamat Abba, en~uillet 1961. ~ous ne régnèrent pas àYao, mais furent suf~isamment puissants pour triompher de leurs rivauxet imposer leur souvenir à la tradition.

1>. /• •• • ••

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... 12 ...

... Mahamat Djil Essa Tubo. Régna 40 ans (Yao)

~ Tshéroma Mahamat : fils de Djil Essa Tubo. - Régna 23 ans (Yao

~ Mahamat Madgashé : fils du précédent. - Régna 30 ans (Yao)

_ Mada Saxair (également nommé Mad Kurtu) : fils du précédent." Régna 18 ans (Yao) .

... Mahamat Djourab el Kabir : fils du précédent : Régna 28 ans(Yao)

... Mahamat Mortcho : fils du précédent. Aurait régné 80 années. . ( ? ) (Yao)

- Djourab el Mongo : fils du précédent. Régna 3 ans (Yao)

... Dogo Arma: fils de Mahamat Mortchd. "Régna 3 ans à Am Sawasil(près d'Ati)

_ Mahamat Balkashé : fils de Djourab el Kabir. Régna 60 ans (Yao

~ Djourab Saxair (également dénommé Bob Gunsu: fils de laGumsu fils du précédent. Régna un an et six

mois.~ Moussa Mortho~ fils de Mahamat Morthd. Régna à Am Sawasil

pendant 7 mois.

- Djourab Saxair reprend le pouvoir pour trois ans (Yao)

- Bayé Mortho; fils de Moussa Mortch~. Régna 15 ans (Yao)

- Retour de Djourab Saxair qui conserve le pouvoir ~endant

38 ans (Yao)

... Hassan Barkouma, fils du précédent. Régna 7 ans (Yao)

... Djili, autre fils de Djourab Saxair. Régna 3 ans (Yao)

- Mahamat Gadai fils de Djourab Saxair. Régna 12 ans (Yao)

~ Hassan Absakin fils de Tschéroma Abdallah, ce dernier étantneveu de Mahamat Balkashé. Régna 22 ans (Yao)

- Mahamat Hassan Abba fils de Hassan Absakid. Régna 23 ans (Yao)

- Oumar Mahamat Abba fils du précédent. Régna 24 ans (Yao)

- Hassan Absakin : prise du pouvoir en 1967 (Yao)

Mise à part celle de Mahamat Mortcho, les durées de règnes n'of­frent pas d'invraisemblances et situent l'arrivée de Djil Essa Tuboen 1536. La durée moyenne de règne est de 22 ans•

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Généalogie du Sultan Oumar Mahamat Abba

Toubab al awal el YemeniMalikHarislamai!OumarMahamat Sef Allai YemenBrahimDikhonaFannaArisoKader\'laimaBalwaArakiBeisoAI.DjelilDOUDoumaIbrahimAli 0

OumarIdri ss Am SamiBrahimDjil Zei NebiYaidakin AbamiChagraJiliBeyraDjil KarkamiKêdaDjil GoumsoumiDounoumaAl el qâtilDj.iJ Essa TuboMat KourtouAbdul GashéMahamat Djourab el KabirMahamat Absakin BalkashéAbdullaye (Abdallah)Hassan AbsakinMahamat Hassan AbbaYabamat Abba Oumar

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- 14 -

y A 0

l DESCRIPTION

Une partie importante de la population se disperse saisonnière­ment en raison de l'éloignement souvent important des champs de sorghoet de petit mil; et de la nécessité d'y séjourner afin de les protégercontre les incursions des .éléphants.

Yao compta jadis jusqu'à 14 quartiers, aujourd'hui regroupésau nombre de quatre ;

Warda, Warna, Momoro et Tscherengd~

Chaque quartier contient un certain nombre d'anciennes divisionsdu village; portant le nom d'un anc~tre fondateur, et dont les limitessont encore connues.

Nom des anciens quartiers Nombre de cases le 10.2.67

WARDA

WARNA

MOllORO

TSHERE~GA

Zal1ônio.Q. •.•••••••••••••••••••• 20 casesBao f 27 ft...... ' ...................lVarda '••••....•..........••..• 27 It

Walia ........................ 17 n

Mana ......................... 10 If

Gombio,

12 Ito ••••••••••••••••••••••

113 cases

l.

Warna '•••••••••••••••••••••••• 39 CasesTawala t••••••••••••••••••••••• 12 n

Warna Tartéré ................ 29 "80 Cases

~Tomo ......................... 31 casesMomoro • 32 R.......................

63 cases

~Dabal Adara .................. 32 casesDabal ........................ 74 If

DAbal Bo ..................... 35 "141 cases

DABALTEHE; la vaste concession occupée par le Sultan et sesfemmes, n'est inclue dans aucun des quartiers et est située au centredu villagd. C'est devant Dabalt~h~ que se tiennent les délibérationspour la justice et les affaires intérieures.

. Les quartie~s de Tsherenga, Warna et"Momoro sont dirigés respec-t1vement par un ~ak (chef de quartier). Le quartier de Warda estdirigé par un M'barama ou adjoint du Chef de Village•

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Le village est administré par Le Kajala (Chef de Village) quirend compte de ces activités au Sultan.

Au nord-ouest de Yao, se dresse le fameux rocher de granit surlequel suivant la légende le prophète, en voyage, s'arr~ta pour prier.On montr~; à titre de curiosité; les prétendues traces de son front,.de ses mains et de ses genoux ainsi que le trou qu'il fit dans la ro~

ohe en y plantant sa lance •••• Ces marques sont en fait des polissoi­res dont le rocher est sculpté sur toute sa surfac~. C'est en cet en­droit qu'ont lïeu les prières officielles, lors desf~tes, réunissantle Sultan, ses dignitaires et la majeure partie de la population.

A l'arrivée des Boulala les populations des différents quartiersde Yao résultaient déjà d'une fusion entre Abou Semen et de nombreuxenvahisseurs aux origines diverses; dominée, politiquement par les Kouka

MOmoro fut à l'origine habité pour moitié par des Kouka dont leChef se nommait Alal Manga et pour l'autre moitié par des Toundjourvenus sous la direction d'un certain Abdel Krim Djirar.

Avant l'établissement de la suprématie Kouka; des GoranesDjarwa créèrent le quartier Warnd.'

Le quartier de Tshérenga fùt; au dire de nos informateurs, fon­dé par des Arabes dits "Sara-; venus de l'Est sous la banière d'un .dénommé -Samardén• Ils s'établirent provisoirement dans le Guéra; vrai­semblablement à Sara Arab, avant de s'installer à Yao~ puis à Kessy~Selon la tradition l'un des deux fils de Samard~,entré en conflit avecson père, resta à Sara Arab avec un groupe de partisans et ses trou~peaux.

Warda fut fondé et primitivement habité par des Abou Semene

II LES INSTITUTIONS

Les nombreux vassaux du sultan de Yao; pour la plupart investisde charges purement honorifiques; résident à la cour et ne font quede rares apparitions dans les groupes de villages dont ils assuraienttradi~ionnellement,le ~ouvernement (levées d'imp6ts, recrutement mili­taire, justice, etd••• ) Les titulaires de ces charges non héréditairessont nommés par le Sultan et appartiennent à des lignages dont l'ensem.ble est r~parti en deux clans distincts par leur origines et leurs pré.rogatives, portant chacun le nom d'un anc~tre éponyme : les BALALAet les BIRNI.

Les membres de ces deux clans se caractérisent essentiellementpar,leur posi~ion vis-à-vis du Sultan, lors de toute réunion publiqueet a la guerre'. Les Balala sont les -gens de droite". Les Birni sontles -gens de gauche".

~ /'••••••

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BatoaBurwaDalmawaTchalmawaWadawaDjulwa

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BALALA

NIGuidjim )KassawaGaswaMadawaFadwaKilitiArgumba

BIRNI

ces deux clans sont respectivement désignés dans le langagecourant par le no~ de leur lignage le plus puissant; à savoir : lesBatoa et les Ntguijim.

"Le souvenir; bien que non mentionné dans les textes, d'unnommé Djil (c. à d. Abdel Djelil) surnommé Chikomeni ou Soukoumani,qui semble avoir assis la domination politique des Boulala nomadessur les WNtguizim" du Fitr~••• " UrvoY. Histoire de l'empire du Bornou.

Il est vraisemblable qutune partie des lignages formant le clandes Birni est issue des populations soumises par les Boulala dès leur. ,.arrl.vee.

A la droite et à la gauche du Sultan se situent également uncertain nombre de dignitaires n'appartenant ni aux Balala ni aux Birni,mais aux Lafiawa qui forment le lignage du Sultan~ ainsi qu'un certainnombre de serviteur~.

Ces deux grandes divisions sociales de droite et de gauche for­ment respectivement le "Zi Dam N'Garé" (bras droit du Sultan) et le"Zi Guel N'Garé ll (bras gauche du Sultan).

"ZI DAM NtGARE"

l _ Dignitaires appartenant aux Balala

Le Yirma: Chef des Batoa ou des Burwa suivant le choix alter­natif réalisé par le Sultan. Il tient une place importante dans lès ju­gements coutumiers et dans ~es délibérations relatives aux affaires in­térieure~. Ctest chez lui que se réunissent, lors des f@tes, tous les"gens de droite" afin de consommer un repas offert par le Sultan.

Le Dima : Chef des Dalmawa et adjoint du Yirmd. Il dirige levillage de Bthédima.

Le Koxhotéma, Chef des Tchalmawa, est le deuxième adjoint duYirma!~:

Le Knnama, chef des Wadawa. Il dirigeait autrefois le villagede Madan llaga, aujourd'hui disparrl. Sa mère est une soeur du Sultan.

Le Daxama~ Chef des Djulwa" est un interprète, porte-parole parl'intermédiaire duquel on s'adresse au Sultan et par lequel ce dernierstadi-esse à la foule'. Il dirigeait autrefois le village dtAb 'Mondoaujourd'hui disparu.. '

~... / ...

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Le Fugba Damé, est Chef du clan des Gaswa (gauche) mais se tientà droite du Sultan. Nous n'avons pu définir sa fonction à la cour.

L'Aguid N'Goro nommé en arabe -Aguid al Laban" (Laban = lait).En temps de guerre, il est chargé de razzier les troupeaux de l'ennemipour le compte du Sultan. Il est choisi indépendamment de toute apparte M

nance à un quelconque lignage.

L'Aguid Warra : délégu~ du Fitri uu Ouadaï. Egalement choisidans n'imparte'quel lignage.

2 ~Dignitaires choisis dans la parenté du Sultan: Les Lafiawa

Le Tshéroma : premier fils ou frère atné du Sultan, en l'absenceduquel il assura la direction du pays. Il dirigeait traditionnellementles villages de Guela, Chiguégué, Zakaria, Aboukatal, Abli, Salama,au Nord du Lad. .

Le Kileïla : choisi parmi les fils du Sultan. Dirigeait autre­fois les villages de Bulu~ Buba, Zegué, Kengd.

foistan

Le Matalama : choisi parmi les fils du Sultan. Dirigeait autre­l'ensemble des villages du groupe Manmafé. Chargé, depuis le Sul­Barkouma du jugement des femmes malhonn~tes.

Le Kaladima : fils du Sultan. A la mort de ce dernier; le Tshé­roma prenant normalement la place du défunt, le Kaladima prend celle duTshéroma:.

Le Dangarama : choisi parmi l'ensemble des parents du Sultan.Ses fonctions doivent ~tre multiples. La Dangarama actuel est chef duvillage de Yao, Faqih, et assesseur coutumier.

Il faut également compter parmi les dignitaires se tenant àla droite du sultan un IMAM.

"ZI GUEL N'GARE"

1 ~ Dignitaires et serviteurs appartenant aux Birni

Le Galadima : porte parole des Birni auprès du Sultan. C'est leChef des Ntguidjims. C'est chez lui, que les jours de f@te, les gansde gauche viennent consommer la nourriture envoyée par le Sultan.

Le Kandakma : premier adjoint du Galadima. Il est égalementchoisi parmi les N'guidjims.

Le Djermah: deuxième adjoint du Galadjima. Il est chargé deseller le cheval du Sultan dont il vérifie et surveille les harnache­ments~ Il est choisiparmi les Ntguidjim.

Le Yérima : choisi parmi les N'g~idjim. Prépare le lit du Sultan.Sert à la table de ce dernier, dont il distribue le reste aux serviteursdu palais.

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cessaire

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2 - Dignitaires choisis parmi les Lafiawa

Le Yokoutma : fils du Sultan. Gouvernait autrefois les villages de Wagna, Am djemena, Toufoulou w~rda, Mélémé.

Le Barkouma : deuxième fils du Sultan. Chef des villagesde Gallo-Bouram, .Dogo, Kouki, Moyo, Kabara.

Des charges non définies sont attribuées aux deux NaMaremgué (fils dlune soeur du Sultan).

a) Le Katama dont la mère est une soeur du Sultan et dontle père est un étranger. Le porteur de ce titre était autrefois lefruit et la garantie dlune alliance politique.

b) Le Kanama autre fils dlune soeur du Sultan, marié à unBoulalâ.

Un certain nombre de domestiques se tiennent devant leSultan, à la gauche et à la droite de celui-ci. Ce sont les ~rNIGargué

BtHER N' GARGUE de GAUCHE

Le Ylbarama : chef des Blher Nlgargué. Sioccupait autrefoide l'èntretien et de la surveillance des prisonn~ers de guerré. Ilinvite chez lui les Bl her Nigargué les jours de f~te, afin de mangerles victuailles envoyées par le Sultan. .

L'Alifa : est un adjoint duM~barama.

Un Djermah char~é de nourrir les chevaux du Sultan. Chefdes Moskorom (palefreniers). Fait également office de ge61ier.

Le Daliama % adjoint du Djermah

Un Aguid : chargé de prélever dans le pays le bétail né­aux sacrifices.

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BfHER N'GARGUE de DROITE

Un Pacha, qui impose l'amende aux voleurs.

Un Achama, adjoint du Pachi.

Un certain nombre de serviteurs se tiennent derrière le Sultan.Ce sont les Kodo N'gargué.

Deux N'garmane : le premier surveille les femmes du Sultan,s'occupe de leur entretien, des réparations de leurs cases, et possèded'autre part un r6le de porte-parole politique du Sultan lors de lanomination du Kadjala de Yao.

le second est un intermédiaire entre le SultaIet la Gumsu (titre donné à la mère ou à la première femme du Sultan.La Gumsu commande toutes ~s femmes du pays).

Deux Aguid : l'Aguid Kayal : lève l'tmp3t (Zaka, Futra)

l'Aguid Bunduk i assure l'entretien des fusils duSultan et leur distribution encas de guerre.

Le Bob Gollo : oblige chaque année les femmes de moeurs légèreset les divorcées à se marier. C'est aussi le Bob Gollo qui fournitdes femmes aux étrangers de mar~ue.

L'occupation coloniale, l'évolution des esprits et la suppres­sion des droits coutumiers ont entratné le déclin de la cour de Yao,une diminution certaine de l'autorité du Sultan, et l'inanité des fonc­tions de tous les dignitaires.

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OBSERVATIONS DIVERSES DES CULTES TRADITIONNELS

Nous avons effectué un ensemble d'observations des formesreligieuses étrangères à l'is~am qui subsistent.en.de nom~reux points desrives du lac, au cours d'un periple dont les pr1nc1pales etapes furen~ .DINI KABIR; GOLLO; ATI-ARDEBE, GALO, MOYO, Nl-GOLLO, KABARA, GUERIA, a1ns1que l'tle de Moudo.

L'emploi du terme de Margaï ~en boulala : Mêrgu~bien quepeu satisf'aisant, nous servira à désigner une forme de spiritualité encoretrès vivante dans certaines régions, mais qui s'étiole irrésistiblementsous le s atta~ue s répétée s dés Faqihs et de s El hadj lpersonne s _lI.yanteffectué le pelerinage à la.Mecque) et a perdu nombre de ses adeptes lors-des 30 dernières années qui ont vu l'éclatement de nombreux villages dontles habitants se sont établis, parfois définitivement, sur les goz lesplus proches de leur habitat primitif. Il nous a~é possible de constaterdans les villages du groupe Tschemane, en comptant lès emplacements desanciens "E&O" délaissés (zao : lieu de prière correspondant à un quartierou à un simple groupe de cases. Un quartier peut avoir en effet plusieurszao) une diminution de plus de la moitié du nombre initial d'habitants.'Il est cependant apparu clairement que les seules populations de certaineslocalités riveraines du lac sont restées véritablement fidèles à ces cultestraditionnels destinés à faire tomber la pluie, favoriser pêches et récol­tes; éviter incendies; épidémies et autres catastrophes. Une exception im­portante conderne le village de Guéria; à la limite sud du canton, localitéproche du pays iadjarar; dont la Margaï est particulièrement connue.

Jadis un habitant de Gollo partit à la pêche en pirog~e etrencontra sur le lac une mystérieuse jeune fille assise sur une feuillede nénuphar. Séduit par sa grande beauté; il l'emmena à Gollo où il luifit une place dans sa case. Le Kadjala vint un jour trouver le pêcheur etlui ordonna d'emmener la belle créature à Yao chez le sultari. Ce qui futfait•••• Les mois passèrént et la nouvelle femme du Sultan accoucha d'ungarçon. Plus tard, elle devait donner encore quatre fils au Sultan, puisretourner un jour vers le l~c, dans les profondeurs duquel elle disparut.Personne ne la revit jamais, mais tout le monde sait qu'elle se transfor­ma en un serpent terrifiant du nom de Gashé may, le serpent du lad. Sesfils prirent le pouvoir et les sultans actuels sont les descendants decette femme. Jusqu'à une époque récente; un fils du Sultan issu d'une fem­me originàire de Gollo assurait automatiquement la suceession de son père.L'opposition de la famille du Sultan se traduisait par de nombreuses ma­noeuvres malveillantes et tentatives d'empoisonnement sur la personne del'héritier présomptif.

Le martre des eaux est ce serpent noir; puissant et redoutédispensa~eur delPêc~es et de récolte~ abondantes, ou de châtiments terri-

I

~les, su~vant 1 att1tude qu'on lui temoigne et la fréquence des sacrificesq~'o~ lU1 adress~. Les descriptions de ce serpent varient peu suivant lesd1fferentes verS10ns recueillies : long de deux à trois mètres, noirsa tête est co~verte.d'herbes lui formant une chevelure verte. Son r~gardest semblable a celu1 d'ùn hommé.

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Il est l'animal des Margaî Boulala, mais non le seul: lions,lézards sont également invoqués•. 11 est le fidèle protecteur du pro­priétaire de la Margai••• Malheur à qui causera le moindre tort à cedernier.

Le culte de la MargaI, ou du moins la compréhension incomplèteque nous en avons acquise peut se définir comme un lien spirituelunissant une collectivité à un animal au pouvoir surnaturel, habitantun lieu particulier: montagne, lac, caverne.

Monsieur POuillon (2) décrit dans son'enqu~te sur les Margaidu Guéra une "relation de possession réciproque Margai ... homme ou fem­me, particulièrement illustrée par le fait que certaines femmes peu...vent être véritablement possédées, habitées par la Margaî qui les faitentrer en transes, parler et danser en son nom". Nous n'avons rientrouvé de semblaoes en pays ~ulalà. Certaines informateurs affirmentcependant que des phénomènes semblables concernaient autrefois lesMargai de Gollo, Kabara et Guéria.

fY"" .

Les sacrifices (saaaka) se font généralement peu avant le débutde la saison des pluies. Ils peuvent cependant se dérouler à n'importequel moment de l'année, si les circonstances l'exigent. Ils sont effec­tués par les titulaires (1) de Margai ou d'anciens desservants de Mar­gai aujourd'hui délaissées. De nombreux villages en effet ne conserventplus actuellement que la pratique annuelle ou saisonnière du sacrifice,et ne gardent que le souvenir de l'emplacement et des caractéristiquesde leur ancienne Margai.

Le matériel cultuel se compose d'un ou plusieurs récipients~arres, bourmas', canaris, à cftté desquels est déposée une arme de fer{Mernj@' killi) : couteau de jet ou pointe de sagaie.

Un emplacement bien défini est réservé à la Mar~ai qui peut setrouver dans une case spécialement conçue (Kuzi M~rgu@) dont l'accès

.est interdit à tout autre que le prêtre et dont le sol, régulièrementbalayé~ est recouvert de sable fin. Le serpent de la Margai y vient detemps à autre "se reposer" et se nourrir de la bouillie de.mil et d'eaudéposée dans les bourmas.

(1) Termes qualifiant un prêtre de Margai : "Dé m@rgu~ (homme de laMargat)

"Dé M'bada" (MIBada = répa­rer, remettre en ordre)

: "Dé Na an (chef de terre).ce titre ne signifie pas que les attributions et le sacerdoce duprêtre de Margai se soient un jour étendus au r61e de chef deterre, mais constitue plut6t un substitut du terme Dé M@rgu~ re­couvrant des croyanees et des pratiques aujourd'hui frappées d'in­terdit par les religieux musulmans.

(2) J. Pouillon : La structure du pouvoir chez les Hadjerai.L'homme - septembre - Décembre 1964.

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Ges visites sont considérées comme des rappels à l'ordre con­cernant le sacrifice. Gashé May délègue parfois à cet effet ses émis­saires particuliers qui sont des lézards ou des tortuei••• La Margaipeut également se trouver dans un simple lieu découvert, entouré parune~ c16ture de charganiers (B'hé mêrguê) situé au bord du lac et où sedéroulent le plus souvent les sacrifice~. Certains informateurs évo­quent l'existence d'un grand nombre de serpents correspondant respec­tivement à chaque Margai du Fitri, et habitant chacun un RB'hul" oufosse aéparant d'anciens dépOts dunaires immergés, ou deux tles+

Les faits relatés ici sont des faits d'évolution, qu'il estmalaisé d'intégrer dans une séquence cohérentè. Cette religion tradi­tionnelle est soumise à deux courants de force~ contraires :

1) _ d'une part) un processus de dégradation caractérisée en certainslieux par une pratique sporadique du culte, le délaissement provisoi~

re ou définitif de certains sacrifices qui se déroulent aujo~d'hui

quasi clandestinement; en particulier à Yao et d'une façon généraledans les zones de contact intense avec les Arabes;

2) - d'autre partjun mouvement de résistance vivace~ quoique fonctiondes circonstances : ainsi, en dépit des critiques et des condamnations~roférées par les autorités religieuses du canton contre ce$pratiquesljugées répréhensibles mais nullement inefficaces) le Sultan ne craintpas d'envoyer de temps à autre un boeuf ou un cabri en vue du sacrifi­ce; dans tel ou tel village à l'attention duquel il désire se s.ignaler,

Que survienne une catastrophe (incendie, épidémie) et les an­ciens imposent encore facilèment un sursaut de fidélité aux anc~tres

sacrificateurs et au génie du lac. G'est ainsi que lors d'un de nosséjours à N'Golo~ s'est déroulé l~ premier sacrifice effectué depuis8 ans (chiffre appnoximatif donné par quelques notables) destiné àcalmer le serpent du lac à la suite d'un violent incendie ayant détrui1une trentaine de cases~ une semaine auparavan~. De plus, nombreux sontles villageois que nous avons entendus vociférer en attribuant les mau­vaises pêches et récoltes de ces dernières années à l'abandon forcéde leur Margai.

Bien que nous n'ayons pu, en raison de la bri~veté forcée decette enquête étudier l'aspect proprement social du culte de la Margai,il a été possible de noter une nette dissociation entre le plan politi~que et la pratique de ce culte qui n'accorde au desservant aucune pré­rogative ni pouvoir particuliers dans la vie de la collectivité, si cen 1 est une part importante de poissons lors de/la première pêche effec­tuée après le sacrifice.

Autrefois les principaux prêtres de la Margai de la laguneRriguèrent longtemps le titre de chef de tous les sanctuaires du paysfoulala. Il s'ensuivit de cette prétention générale de tels désordresqu'un s~ltan de Yao (dont la légende ne rapporte pas le nom) les invit~à se réunir au bord du lac, afin de trancher le débat. Le mattre inc'on­testé de toutes les A{argai serait l'auteur du prodige le plus remarqua­ble, effectué en présence.du Sultan.

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Les desservants des Margai de Yao, Gamsa, N'Gollo, Moyo sel 't' . tprepareren a concour1r •••••

Le "Dé m@rgu@" de Yao s'étant mis à l'écart en affirmant qu'ilrenonçait à ses prétentions" le titre se disputa entre les quatre~ au­tres.

Le candidat de Moyo plongea dans le nB'hul" de sa Margai eten revint avec une pierre que lui avait donnée le génie du lac.

Celui de Gamsa plongea égalemènt dans le "Bthul" norrespondantà sa Margaï et ressortit avec un poisson qu'il trainait à l'aide d'unecorde : le génie du lac le lui avait donné.

Le Chef de Margaï de N'gollo ayant fait de m@me, il réapparutporteur d'un poisson bien grillé.

Enfin le desservant de la Margai de Gollo ayant adressé de lon­gues incantations au génie du lac, un grand vent se leva, des vagues seformèrent qui jetèrent sur le rivage d'innombrables poissons, aussit~t

abandonnés par le reflui. ctest lui qui pour ce prodige fut déclaré Mar­tre des Margaï du lac, charge qu'il devait transmettre à tous ses SUCQes~

seurf:i••••••

C;'est pourquoi Abba Moussa wal Mahamat, titulaire actuel de laMargai de Gollo affirme encore aujourd'hui sa suprématie sur tous lesdesservants habitant les rives du Fitri••• Il effectue le sacrifice enmars. Tous les deux ans, le Sultan lui envoie un boeuf. Les autres annéesle Kadjala lui fournit un cabri. Suivi des enfants du village et de quel­ques anciens, Abba Moussa wal Mahamat se dirige à pas lents vers le lieuchoisi pour le sacrifice. Il porte sut l'épaule les deux sagaies et lecouteau de jet habituellement rangés dans la wkuzi m@rgu@" à c8té dedeux jarres et de deux calebasses~ Le vieillard psalmodie tout d'abordles noms de ses ancêtres (Laaba) qui tous avant lui accomplirent le mêmerite :

••••

- Irgui- N'gare B'hul Bamana-; N'gare B'hul Adoum~ N' gare B' huI Aguid- N'gare B'hul Foudda- N'gare B'hul Abba N'gare•••

- Abba Moussa wal Mahamat••••

Il égorge tout d'abord un poulet lui appartenant, puis le cabriavant d'offrir symboliquement au lac une bouillie composée de mil, d'eau·et d'oeufs. Il adresse enfin a,u serpent du lac une supplique en faveur dela pêche et des récoltes; à l'encontre des incendies et des maladies. Unvent léger fait frissonner la surface de l'eau: le sacrifice est agréé.La bouillie de mil est distribuée aux enfants, le cabri (ou le boeuf) estconsommé par l'ensemble de la population.

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Plusieurs vendredis dans l'année, le serpent se rend du fac àla case de~Margaï, afin de réclamer le sacrifice. Parfois, il envoie à ceteffet l'un de ses émissaires: une tortue ou un lézardl qUiJplacé sur unecalebasse pleine de mil/sera rejetée dans le lac.

Le village de Gollo a été é~alement rendu célèbre par un tamboursacré, qui résonne tout seul pour annoncer les épidémies et les incendieset avertir la population de la fin de la saison des pluies.

Ce n'est que lors de notre troisième passage à Gallo, au sud­ouest du lac que nous avons pu entamer le mutisme d'Aïkaché, prêtressedu lac, doni!les relations avec la population se sont détériorées il ya six ans, lors de son refus d'effectuer le sacrifice, consécutif à celuidu Kadjala de lui en fournir les accessoires : un caurea~(environ 2 kgs)de mil, un poulet noir et un cabri de la même couleur. Le conflit s'estenvenimé et depuis ce temps "les récoltes et les pêches sont mauvaises,et le serpent du lac met les pêcheurs en danger". Le reptile répond icià la description opérée partout ailleurs.

Après les premières pluies, dès que l'eau du marigot "gira"arrive dans le lac~ Aïkaché puise une calebasse de cette eau et se rendsur la rive du lac, à l'emplacement de l'ancienne Margai (sur laquellenous n'avons pu obtenir aucun renseignement), Suivie des enfants du vil­lage qui portent du mil, un poulet et un cabri. La femme récite tout d'a_bord les noms de tous ses parents qui sacrifièrent autrefois à l'espritdu lac :

- Moussa.:.. Fatimé- Zeitoun.:.. Fatimé- Khadidja- Oumar_ ;Aïché

- Kadoum- Fatimé- Khadidja- Aïché- Makhael•••••

(L'ensemble de ces défunts, ne couvrent, comme dans la plupartdes cas, que trois ou quatre générations). Ayant versé l'eau du "Gira" dansle Fitri, Aikaché égorge le cabri, le dépouille et jette la peau dans lelac ; la viande sera partagée entre les assistants. Enfin le poulet est jetEvivant dans l'eau dont la surface se ride peu après sous l'action d'un ventléger••• Les pêches seront bonnes, aucune calamité n'accablera le village.Aussit~t les pêcheurs mettent une pirogue à l'eau et capturent quatre pois­sons. Deux têtes et deux queues seront envoyées aux "Sao" où sont réunie lefanciens. Les corps sont cuits~ mélangés à une boule de mil, et égalementportés aux anciens. Les arêtes rendues à Aïkaché seront rejetées dans le lacAprès la première pêche collective, Aïkaché recevra douze poissons•

.../ ...

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L'exemple décrit ci-dessus constitue l'une des formes les_plu~

dégradées de ce qu'il ne convi~nt p~us d'app:ler "culte de la Marg~1.~a1s

plut6t "culte du Laaba" c'est-a-dire du prem1er anc~tre ayant sacr1f1c,dont le nom est généralement employé pour désigner et caractériser le sa­crifice effectué da~s une agglomération, ou un groupe de villages.

Le village de Kabara, situé au sud du lac, est surtout connuà cause d'une jarre mystérieuse, aujourd'hui disparue, qui autrefois si­tuée au centre de l'agglomération, pivotait sur elle-m~me et pointaitconstamment son embouchure vers le soleil tout au long de sa course. Lemouvement perpétuel de cette jarre n'était interrompu que par les annoncesde décès qu'elle effectuait en pointant subitement son embouchure vers lecentre de la place du village. Le dénommé Yahyah, Rropriétaire de cetteétrange poterie m'expliqua .que celle-ci était subitement rentrée sous terre:cinq ans auparavant sans que l'on sache exactement pourquoi. Les "El hadj"sont passés par là ••••

L'animal tutélaire est un serpent. Le sacrifice avait lieu,comme partout ailleurs, peu avant le début de la saison des pluies. Uneboule de mil était placée auprès de la jarre avant que Yahyah n'égorg~tun

mouton en disant : "Laaba Namaé Ihi rogné rahama nandargué raruré urlizégué koso ké kulu••• " (Ânc~tres, nous faisons ce sacrifice pour avoir san­té et nourriture abondante) puis il murmurait les noms de ces proches pa­rents qui avaient sacrifié ~vant lui:

- Dogo- Kaïdala Issa- Ali Kaïdala

C'est à Kabara que nous avons constaté la vindicte la plusbruyante à l'encontre des interdictions formulées par les Faqihs d'effectue]les sacrifices '••••

Autrefois le village abritait une autre Margaï desservie par unefemme nommée Lélé, et dont l'animal était un lion n'apparaissant qu'à lapr~tresse à laquelle il signifait ainsi' la proximité d'un décès dans safamillé. Lélé et sa Margaï ont disparu : leur souvenir reste cependant trèsvivant dans la population.

~---------

A Guéria, située à l'extr~me sud, et peut-on dire à l'écart du pays~ulala possède une Margaï connue pour sa grande puissance. Une jarre, bou­chée par un couvercle de boue séchée, unesagaie et une calebasse sont pla­cées sous un arbre; à c6té d'une termitière, en un lieu nommé "Bugudumsarwa". Le tout est soigneusement recouvert d'épineux.

Le sacrifice a lieu peu avant la récolte d~ sorgho, un dimanchepluvieux de septembre. Il est indispensable que la pluie y tombe le jourdu sacrifice afin d'emp~cher le mil de se transformer en poison. Le pr~tretue un coq rouge lui ap~artenant et un cabri blanc fourni par le Kadjala.Des jarres de "condro" {bière de mil) sont distribuées à la population.Des femmes confectionnent huit boules de mil dont l'une est placée à ."Bugudum sarwa" dans la calebasse de la MargaI. U~e rapide fermentation

•.. j .•.

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prouvera que le sacrifice a été agréé. Si un grand nombre de serpentsviennent se restaurer, il est certain. que de graves épidémies s'ab'~rontsur la région.

La- Margaï de "Bugudum sarwa" est connue pour son efficaci~é. contrEles voleurs: l'un d'eux jurant de son innocence sur la terre de Guet1a,meurt instatanément de m~me que s'il porte un tort quelconque au titulairede la llargaï. Un tr~pas immédiat frappera également l'individu quiLde retoulà Guérit\. après avoir juré de n'y mettre jamais les pieds, boit de l'eau duvillage.

Le pr~tre, dont les impbts sont payés par la population, sembleJŒLr d'une autorité particulière: personne n'envisage de débuter p~ches

ou récoltes avant que le "Dé mêrgu~n'ait rempli son office".

A Yoyo, sur la rive sud du lac, le sacrifice a lieu en juillet­ao~t, en un lieu dénommé "Yondoro déché-. La Margai est desservie parKhadidja bit N'gare. Avant le sacrifice,.cette dernière rev~t un pagne neufet se ceint-la taille d'un gaback (bandes d'étoffe tissées et reliées entreelles) tous deux offerts par le Kadjala qui donne égalem~nt : un cabri noirdont le front et le bout de la queue sont blancs, du mil, et un coq. Si lechef de village s'avère incapable de les fournir, les accessoires du sacri­fice sont apportés par le Galadima, qui gouverne personnellement les villa­ges du groupe Tshémané, auquel appartient Moyo.

Le cabri est égorgé~ la peau, les pattes et la t~te sont jetéesdans le lac. Un vent léger se lève.

Le coq, la boule de mil sont consommés; ainsi que le cabri; parla populatioJ. Après ce repas rituel; a lieu la prière musulmane.

Le jour même ou le lendemain, a lieu la première pêche; au débutde laquelle la prêtresse entre dans l'eau avant les pêcheurs et au termede laquelle elle recevra douze poissons qu'elle préparera, fera cuire etportera à manger aux anciens.

C'~st à Yao que notre enquête a rencontré le plus de difficultés.En effet, la présence de nombreux Faqihs, la progression lente ,mais constan­te des échanges et des contacts avec l'extérieur due à l'accroissement de lascolarisation, au développement du marché et à la politisation (encore mini­me) de la populatio~ ont relégué dans une totale clandestinité les ritesancestraux et la plupart des croyances extra-islamiques. Il ne nous a pasété possible de contacter profitablement les sacrificateurs encore en exer-cice à Yao. .

Jusqu'à une période récente~ Yao possédait trois Margaï respecti­vement situées dans trois quartiers : _ les gens de Warna effectuaient lesacrifice au lieu dit Dumuru, au bord du lac, à cinq kilomètres environ deYad. La tradition rapporte que le premier sacrifice effectué à Yao le futà Dumuru (considéré comme partie intégrante du village) par un habitant deWarna nommé N'gare Déchi.

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~ le sacrifice du quartier Warda avait lieu sur une pierre située au pieddu rocher de Yao portant le nom de "Ku.muru".

dans le quartier Momoro~ le sacrifice avait lieu au bord d'un petit étangse formant à la saison des pluies; prénommé "Maabri~. A l'approche dtenne­mis; un gigantesque serpent, vivant sous le rocher granitique de Yao;émerge des profondeurs du sol et en entoure la base.

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lA NAISSANCE

Comme dans toute société africaine, dans laquelle le temps nesaurait se concevoir indépendamment du support de la 81ccession des géné­rations, la naissance constitue chez les Boulala un Jvenement chargé designification métaphysique.

Dès son apparition, l'enfant, quoique non encore intégré dans lecorps social, est considéré comme un élément spirituel ~u'il importe deprotéger contre les forces innombrables et obsoures qui pèseront sur luijusqu'à sa mor~. Cette protection se manifeste encore aujourd'hui par toutun ensemble de coutumes pré-islamiques•••••

Dès les premières douleurs~ la mère de la femme enceinte et quelquésvieilles du quartier la font asseoir sur un "filin (trois demie sphèresd'argile cuit entre lesquelles on allume habituellement le foyer), aprèslui avoir obstrué l'anus à l'aide de chiffons torsadés. Dès la mise aumonde de l'enfant, la mère de la jeune accouchée (B'hogo = mère de la mère)le dépose sur le sol jusqu'à ce que le placenta tombe ; enfin le cordonombilical est coupé. Tandis que la jeune mère est soigneusement lavée, lebébé est placé sur une natte et n'aura droit à la toilette que le lendemainDurant deux semaines la mère et l'enfant feront toilette à l'eau chaudematin et soir.

Aussit3t après la naissance~ des excr~ments de cabri, séchés etfumés; sont placés devant la porte de la case : chaque visiteur devra yenfoncer alternativement ses deux pieds avant d'entrer, faute de quoi lenouveau-né serait mis en péril i quiconque n'aura pas satisfait cette obli­gation portera 4utomati~uement la responsabilité de la mort éventuelle del'enfant••• Un "sellé" ~instrument aratoire) et un "djédé" (harpon barbelé)sont placés devant l'entrée qu'ils interdisent aux "djins" (en arabe:diable). Un couteau placé à cOté de la tête de l'enfant le préserve desfrayeurs.

Le placenta est recueilli et enterré dans le "tshé golgo" (c3téextérieur droit du seui de la case) ou au pied du "dergdoulou" (piliercentral de la case).

Le père voit son enfant le lendemain de la naissance. L'entréede la case lui est ensuite interdite pendant une semaine, au terme de la­quelle un nom est donné au bébé. A cet effet, en ~lace du mil dans une"tarbatala" (récipient en fibres de doum tressées) à c6té de l'ênfant. Puisselon la coutume islamique, le faqih sollicité par le père~ présente à lamère deux chapelets représentant respectivement chacun des deux noms èorres.pondant au jour de la naissance. La mère désignant l'un des deux chapeletsdonne ainsi un nom à son enfant. Après avoir récité 1 verset du coran (AlFaté), le faqih se penche vers l'oreille du bébé et appelle trois fois cedernier par son nom.

Une semaine plus tard; parents et amis sont conviés à un festinde réjouissance.

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Un processus un peu plus complexe accompagne.la naissancede jumeaux; év{nement rev~tu dtune signification ambigfte, dont ltana_lyse n'a pu être véritablement entamée.

Des ré~ouissances ont lieu~ qui laissent cependant entre­voir cbJez les intéressés une certaine réserve teintée d'inquiétude.Certes il faut se réj61r de ce qu'Allah le miséricordieux ait accordédeux enfants en une seule fois, mais ne faut-il pas aussi effectuerles pratiques héritées des ancêtres, de manière à éviter les boulever­sements de tous ordres qui risquent d'accompagner cette double naissan-ce '/ .•..•

Le placenta des deux enfants, déposé dans une bourma noire,est portée à l'aide d'un "d'hada" (balancier de portage) par une fem­me, escortée par les parents et amis qui dansent devant elle au son dutam-tam. Le cortège se dirige ainsi vers une termitière située à l'ex­térieurdu village, sur laquelle on dépose la bourma et autour de la­quelle les danseurs tournent trois fois en chantant :

.' .

à un arbre.

ROY,) OM, RO~ 0 MADE 'tUO RO ~o MA •••••••• (1)

Ces jumeaux, mes jumeauxdeux personnes, mes jumeaux•••••

Dans certains villages, la bourma contenant est accrochée

--Puis la procession rentre au village, et des danses ont

lieu sur la place. On chante :

T8HE ROnO GUERINEN DA NApf (1) (II)BOB RO~'t> GUERINEN DA N\.f>fA

Mère des jumeaux, cette chose n'est pas bonne,Père des jumeaux, cette chose n'est pas bonne.

Une semaine plus tard, les parents distribuent de l'alcoolà la population réunie sur la place où des danses se déroulent.

Il est dangereux de frapper l'un des jumeaux car ce dernierenverra à son ennemi un serpent ou un scorpion't'I.qui le vengera.

Tout·.'cadeau fait à l'un des jumeaux doit ~tre fait'à l'autrsous la même forme.

(1) (~) nasale vélaire Ex en anglais :

1\ L~~\O - cÀ ~V\t-R \e -

•··.1·· .

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305~ D.. II.A.' (, .~ Co l' ,·6"\. ~

KEJEBICHI (KéJé : couper : bichi : visage joue)

Entre sa deuxième et sa sixième année, l'enfant va vivredans le MKejebichi" la première étape de son insertion sociale~ enrecevant les incisions faciales qui caractériseront son appartenanceà la nation Boulala. Rares sont encore aujourd'hui les enfants qui nesatisfont-Pas la coutume. L'opération qui avait lieu autrefois entredix et treize ans, se déroule aujourd'hui beaucoup plus t6t, de maniè­re à défendre la coutume contre les risques de délaissement d~s à lamult~plication des moyens de transport et des facteurs d'émigration.

Nos investigations ne 'nous ont pas dévoilé la significationprofonde de cette institution, dont le sens véritable ne pourrait appa­raître qu'au terme de longs et fréquents séjours au sein de la popula­tion. Toutes les réponses et explications obtenues ne font état quede la double nécessité de se différencier des autres races, de se re­connattre entre Boulala et aussi d'enlever à l'enfant un sang dangereuxet impur (Mus haram = sang mauvais).

TIe juur du Kejebichi est choisi par le devin que les parentd'un ou de plusieurs enfants en âge de subir l'opération sont venusconsulter.

L'enfant est allongé sur le dos, sa tête repose sur unpetit tas de sable et ses membres sont solidement immobilisés pardeux ou trois adultes. Le "dé kejebichi" à genoux au-dessus de l'en­fant et penché sur lui, tient dans sa main droite un canif au tranchantbien affuté. Avec des gestes et précis, l'inciseur dessine sur le visa­ge de l'enfant :

- 1) - le "kedje d'hana" (kedje = couper; dthana = front) : troispetites incisions verticales de deux à trois cm au bas du front.La médiane empiète quelque peu sur le hautldu nez.

- 2) ~ le "kedje derk kamma" (derk = sous; kamma = oeil) sous l'oeil,deux ou trois incisions de deux cm.

- 3) -' le "kedje bichi" (bichi = joues) :' partant de la racine descheveux et descendant verticalement jusqu'à la tempe, puis re­prenant sur toute la hauteur des joues est constitué par un nom­bre d'incisions variant avec la morphologie des individus.

- 4) le "kedje gono" (gono = menton) ; subi uniquement par les'filleset composé de 5 cicatrices sur le menton.

- 5) - le Wkedje dohomoto" (dohomoto = crâne) ; n'est plus pratiquéaujourd'hu~. Se composait de dix incisions sur l'arrière ducrâne : à d~oite et 5 autres à gauche.

tant àest en

En marge du Kedjebichi, la coutume du "tuk taara" consis­percer des petits trous autour de la bouche à l'aide d'une épine,très nette régrexsion (Tuk = taper : taara = bouche).

··.1...

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TERENGUE : LA CIRCONCISION

Les jeunes garçons sont habituellement circoncis ~n grouped'une dizaine environ entre leur huitième et leur onzième annee. Lescirconcis (Moun t~rengu~ = terme correspondant à une classe drâge)

A l'aube du jour choisi par le devin, les enfants se réunissent devant une case construite pour la circonstance (dap t~rengu~)entourés par les parents et amis venus les exhorter au courage. Tandisque le "dé t~renguê opère, armé drun ~~f soigneusement aigui~é, lr en­fant est debout~ la t~te maintenue en arrière. Une calebasse d'eau frai·che lui est versée, au préalable, sur le corps, destinée à amoindrirla douleur•••••

Le premier circoncis porte le titre de "n'gar t~renguê

(chef des circoncis). Le second circoncis reçoit celui de "tshéromat~rengu~ (tshéroma = titre du second personnage du sultanat). Le troi­sième à subir l'opération est le "baikouma t~renguê" (la cha~ge debaikouma est attribuée au second fils du sultan qui est le troisièmepersonnage du pays). Tous trois sont désignés ~ar le devin. Le derniercirconcis du groupe est appelé "n'gar n'doho" tchef des derniers) etbénéficie d'un statut particulier pendant la période de cl~trationconsécutive à la circoncision : avant tout autre il entame la quoti­dienne boule de mil apportée aux enfants ; ceux-ci ne doivent le frap­per ni le mécontenter en quoi que ce soit, sous peine de souffrir deleur plaie••••

L'opération aussitftt terminée, le garçon va s'accroupirsous le "dap t@rengu~~ rapidement rejoint par les suivantg.Quelquespoints de suture sergnt appliqués afin de resserer les tissus. Un bâ~

tonnet de cinq à six cm est fixé au dessus des testicules, transv.ersa­lement à la verge ainsi soutenue et protégée de tout contact douloureux,Les prépuces sont recueillis dans une calebasse qui est placée sur letoit du Dap T@rengu~.

Les nouveaux circoncis resteront pendant deux semaines dansle "dap t@rengu~, assis ou couchés, jambes écartées. Un homme les sur­veille, qui porte le titre de "sanama" et rétribué par l'ensemble desparents. Il leur porte la nourriture préparée par les familles, observel'évolu~ion de leurs plaies et désigne un responsable parmi les enfants:chargé de faire régner la discipline en son absence.

Les jeunes garçons restent en contact avec lrextérieur àl'aide d'un tambour spécialement déposé dans la case à leur intention.

Au terme de la première semaine, a lieu le premier lavage ;sept jours plus tard s'achève la retraite. Un nouveau lavage a lieuimmédiatement suivi par l'application du ~golgolo"(sorte de bague e~fibre de doum, fixée sur le prépuce, à l'aide de laquelle on fait re_monter la peau). Chaque enfant reçoit ensuite son "n'dar t@rengu~ oucac~e_se~e_en ~~au de chèvre, q~'i~ portera pour tout vêtement pe;danttro~s mo~s, pu~s rentre chez lu~ ou l'attend une petite cérémonie(Kaala t@rengu~).

1••• / •••

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. Trois mois s'étant écoulés; les enfants sont convoqués etrassemblés un matin par le devin. Après avoir eu le crâne soigneusementrasé; ils sont emmenés hors du village et groupés autour d'une termi­tièr~. Le "sanama" tape sur un petit tambour (n'diji) pendant que lesenfants enlèvent leur "n'dar t~rengu~" et les jettent sur la termitièrePuis tous se ruent vers le "dap têrenguê" dans une course efffénée dontl'enjeu est la remise en question et l'attribution définitive des titrede "n'gar t~renguê"; "tshéroma têrenguê, "baïkouma t~renguê," attribuésrespectivement au 1er; 2ème, 3ème.

Revêtus d'habits neufs, les enfants vont saluer le sultanqui leur récite quelques versets du 'or~. Puis ils s'arr@tent danschaque "zao" où un ancien leur psalmodie également quelques préoeptesdu prophètJ..

Une danse de circonstance (n'dam têrenguê) a lieu sur laplace du village et met fin au processus de la circonoision•

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QUELQUES ELEMENTS DE LITTERATURE ORALE

Lors des f~tes, ainsi que plusieurs vendredi soir dans lemois, la population de Yao se réunit devant Dabalt~h~ ou N'gare Abder­raman, griot du Sultan et dépositaire de la tradition historique,chante en s'accompagnant du tambour les exploits et les faits marquantsde la vie des monarques qui se succédèrent depuis Djil Essa Tubo. Cha­que sultan, ainsi que les principaux membres de sa famille, poss~de

une chanson attitrée••••

Alors què s'allument les premières étoiles et que retentitla voix rauque et heurtée du griot, une danseuse ondule dans ses voi­les; à pas lents et glissés; les bras largement ouverts, portée par lerythme lent et grave du tambour•••••

Longtemps encore se~ont évoqués les hauts faits du Tshéro­ma Abbakar, frère atné du sultan Oumar, le courage et la cruauté dontil fit preuve lors des nombreux combats qu'il livra autrefois auxOuled Himet dans le Harr. Certains couplets illustrent fort bien lasilhouette et le caractère d~vieux guerrier

IIZéribé borxotchon r~tch ro dété wetgb'hara nomru liti ab gashishdaafa ndal trugna katakata den dal karagna".

••••• "Les paroi~s de son trou s'écroulent sur l'intrusqu'il chasse de chez lui comme le fait le serpent du rat,il marche sur les reins comme le canard et balance lapoitrine comme le katakata.

"Urdu b'hara galgna d'hassé togn sara••• "nen sa présence tout le monde conserve ses paroles commele grenier conserve le petit mil •••• 11

Parmi les nombreux thèmes évoqués en notre présence figurela cérémonie d'intronisation du sultan Oumar dont nous rapportons quel.ques éléments :

Sentant sa fin proche, Mahamat Abba fit v.enir à son chevetle Yérimo Awadj, le Galadima Shaib; le Matalama Abba Shaib, Gada Kanet délégua Fuddaya Hassan Bob Gollo et Pacha Mahamat Zen à Ati où sé­journait Mahamat Oumar. Ce dernier avertit le chef de région qui lenomma aussit~t chef de. Canton, puis il se mit en route pour Yao où ilassista aux derniers moments de son père.

Djibrine Allacha frappe sur l'enclume, tandis que FatiméManda bo et Moussa Kaidala font des you you auprès d'Oumar Mahamat Abbéace.lamé par la population.

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Un individu choisi à l'avance, nOl,.mé Bai Zen Dougo estallongé, les yeux bandés tandis que le sultan se lave au-dessus de l~i,

avant la f~te. Plus tard Oumar lui donnera un cheval, le~~b~.porte

le jour du sacre, et le renverra/hors ~e Yao! car sa p~ésence ~a~s lam~me localité que le sultan mett~ait desorma1s ce dern1er en per11.Au soir du premier jour de f@te, après les danses et les fantasia,le sultan Oumar s'enferme pendant une semaine dans sa concession. Ilsortira un instant le troisième jour pour regarder les danses et.serenfermera pour quatre jours•••• Après sa sortie il fait tuer 12 boeufset invite 99 kadjala au festin.

Au cours de différents périples, Oumar a visité la plupartdes villages du sultanat. Réunis à Toufoulo après avoir reçu la vi­site de leur seigneur, les chefs des villages du groupe Galnoro bran­dissent leurs sagaies et le saluent en ces termes

N'gare mugul marenjétoxo bit kosuri sur b~ré

kai nang maguen hohogdarsen

Sultan, pilon de fertu casses le mortier de pierre,tes soldats sont comme une for@t

de lianes;conduits sagement ton peuple

GUERRE entre ALI DINAR et DJOURAB el MONGO

Ali Dinar, sultan Kouka établi à Yormo, près de Kounjourou,décida de venger définitivement son ancêtre tué par Djil Essa Tuboainsi que tous les siens tombés au cours des nombreux combats consécu­tifs à l'établissement des Boulala sur le Fitri.

Ali Dinar s'avance sur Dolxo, d'où il envoie un émissaireà Djourab sommer ce dernier de quitter Yao sous peine de subir l'assautde trois mille cavaliers. Djourab, dont le nombre de combattants estmoindre, envoie un ambassadeur à Ali Dinar pour lui faire la proposi­tion suivante : chaque parti engagera dans la bataille 150 cavaliersdont les pantalons auront été préalablement serrés aux chevilles etremplis de terre, montés sur de très jeunes chevaui. Il sera de cettemanière impos~ible aux lâches de s'enfuir et seuls ~es plus vaillantsl'emporteront, départagés par la seule force du bras••••

Ali Dinar acquiesce tandis que Djourab siempresse de fairecouper les queues et les crinières de ses chevaux et de faire remplirde paille les pantalons de ces soldats.

Les deux armées arrivent face à face de part et d'autredu.marig~t Tshéfélé. Djour~b, se refusant à traverser le premier, Ali,D1nar s avance dan~ l'eau, a la t~te de ces hommes. La mêlée tournea l'avantage des Boulala et Djourab tue Ali Dinar d'un coup de sagaiè.

C'est par cette ruse que les Boulala vainquirent définiti-­vement les Kouka, les obligeant à renoncer à leur droit de suzerainetésur le Fitri.

..·1· •.

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GUERRE entre DOGO ARUA et BALKASHE

Dogo Arma, à l'instar de tous les sultants d'Am Sawasil,est prétendant au tr6ne de Yao~ occupé par son oncle Mahamat Balkashé,et seule véritable consécration aux yeux des Boulala.

Dogo Arma envoie un émissaire porteur d'un ultimatum àBalkashé. Ce dernier envoie à son neveu quatre ambassadeurs : 1 Pacha,2 M'barama et un Djermah; porteurs d'un message dont les termes auto­ritaires et insultant remettent en question les origines et la santémorale du destinataire tout,en l'invitant à se déplacer jusqu'à Yaopour exposer ses prétentions•••• Ayant fait exécuter le Pacha et~

Djermah, Dogo Arma fait respectivement couper un bras et. crever un oeilaux deux M'barama avant de les renvoyer vers leur martre, porteur deses conditions de paix constituées par des revendications sur certainsvillages du groupe Tchemane : Moyo, Dogo, Kouki, Kabara Delep, N'golo,Guéla, Kessy, Kachaka~ Tamsa, Beray.

Bal~é ameute ses vassaux dont les principaux sont :l'A.guid Doud, Walla Badja, Abdelil, l'Aguid Hassan, Tschéroma Abdallah,Baikouma Djeli et Tshéroma Borno. Ce dernier avait eu jadis un gravedifférent avec Dogo Arma, au suj~t de Meram Essa, première fille deBalkashé, convoitée par les deux hommes. Il jure donc œès le début duconflit de tuer de sa main son ex-rival.

Traversant le lac, Balkashé s'arr@te à Moudo, puis arriveà Dogo Kifri où il trouve les gens de Dogo Arma occupés à danser età boire. La surprise est totale, le comhab très bref. Walla Badja,qui avait été circoncis avec Dogo Arma, saisit ce dernier, tandis queTshéroma Borno le perce de sa sagaie.

Vainqueur, Balkashé annexa les terres de Dogo Arma.

GUERRE entre MOUSSA MORTCHO et DJOURAB SAliIR

(Relaté par N'Gare Abderraman)

Partant à la rencontre de son ennemi, Moussa Mortcho quitteAm Sawasil (appelé à l'époque: Mala Koumba). Il passe sa première nuità Baaba, en pays Médogo ; au soir de la seco~de journée, le camp estdressé à Seita Korlosso (non mentionné sur la carte). Traversant Aganasans s'y arr~ter, il atteint Mélémé où il campe lors.de la troisièmenuit. Au matin suivant, Djourab, averti de sa présence par des messagersquitte Yao, suivi de ses gens, et galope jusqu'à Toufoulo. Arrivé lelendemain à Gorko dont il repart sous une pluie violente, il s'arr~teprès d'une mare appelée Mourhou, séparée de Mélémé par le village d'Agan.

Au peti~ matin, Moussa Mortcho envoie Mahamat Bub Biti,l'un de ses proches, afin de savoir si les chevaux de Djourab sont déjàsellés, tandis que ce dernier envoie dans le m~me but l'un des siensnommé Pacha Wal Djarna vers le camp de Moussa. Les deux envoyés se ren­contrent à Agana et se livrent un combat furi~ux. Pacha Wal ~arna metMahamat Bub Biti en fuite et incendie Agana.

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Moussafait le

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Alertéespar l'incendie, les deux armées, conduites parleurs chefs, se portent à la rencontre l'une de l'autre••••

Wala Badja, oncle de Djourab, jure devant tous de tuerMortcho, tandis que Outhman Mat Bomoro, Galadima de Moussa,serment de prendre Yao et de tuer Djourab••••

La bataille s'engage à Mélémé, vers midi. La rencontretournant à l'avantage de Djourab, Moussa se retrouve bientOt abandonnépar les siens, seul contre tous. Saisi par Djourab, il se transformeen un oiseau blanc (Kolokolo) et disparatt dans un grand souffle devent. Wala Badja appelle Moussa, le somme de revenir et de se battrecomme un homme. Moussa reparatt devant Djourab sous la forme d'un ser­pent puis reprend son apparence humaine. Djourab le fait saisir et li­gottet. On lui passe un turban autour du cou afin de l'étrangler.Avant de mourir, Moussa maudit le Galadima Outhman qu'il accuse detrahison; ainsi que Neba Gaga qui était venu de Yao lui dire que lacapitale était inoccupée. Mahamat But Biti, honteux de sa fuite, sur­vient, décidé à partager le sort de son mattre. Il couvre Djourabd'insultes: "toi, vieux et laid, tu veux tuer ce beau jeune homme !honte à toi ln. Il est exécuté sous les yeux de Moussa qui avant demourir s' adre sse encore à Dj ourab : ,"tu tiens le pouvoir comme un singetient un fruit dans sa gueul~. Si moi, je n'ai pu te l'enlever, per...sonne ne te le prendra. Moi fils de Mortcho, je t'abandonne Yao, ohfil s de Balkashé 1\-.

Djourab fit enterrer le vaincu dont la tombe est encorevisible à Mélémé~

GUERHE ENTRE LES VILLAGES de DAGA et d' IBZA

Ce conflit eut lieu sous le règne de Djourab el Mongo.

Gamar, Kadjala de Daga et Bub Fati Mong~, M'barama dllbzapla~é sous l'autorité du précéaent, furent un jour conviés à unè f~techez le sultan de Massenya. Ce dernier offrit à cette occasion un bou­bou noir à Gamar et un boubou bleu à Bub Fati.

De retour à Daga, Gamar emprunta pour quatre jours le bou­bou de son M1barama, afin de parader quelque peu devant la population.Ce dé~ai écoulé il garda le boubou, refusant de le rendre à son proprié.taire, qui s'en retourna à Ibza en se lamentant. La nouvelle fut bien­t~t connue/par la population d'Ibza qui prit fait et cause pour son),(Ibarama.

Bub Fati Mongo, ne se décidant pas à retourner à Daga,reprendre son bien par la force, ce fut sa fille surnommée FatiméD'hoxodéèf gaaba (Fatimé plus brave qu'un homme) qui décide d'agirArant publiquement traité son père de pleutre et annoncé sa décisi~nd affr~nter Gamar, elle alla d'abord trouver Djourab el Mongo sultand? :ao, a~quel ~lle.porta quelques boeufs chargés de mil; afi~ de sol...11C1ter 1 autor1sat10n de se battre contre Gamat'.. Ayant obtenu ..l' accord

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du sultan, Fatimé retourna à Ibza où elle prit un bouclier, s'armade sagaies, et s'en fut derechef réclamer le bien de son père à Gamar.Ce dernier répondit à la jeune fille qu'ayant porté ce boubou en publicpendant plusieurs jours~ il ne pouvait s'en dessaisir sans se ridiculi­ser aux yeux de la population. Furieuse, Fatimé insulta le Kadjala :nTu ne mérites plus de diriger Ibza; oh, toi, fils de père inconnu.Nous élirons nous-m~e un chef. J'ai planté une sagaie sur la place .demon village, autour de laquelle se rassemblent les guerriers qui vien­dront te combattre•••• "

Les deux villages s'affrontèrent en un combat terrible quitourna à l'avantage des gens de Daga•••• D'autres versions, dont cer­taines situent l'action au temps du sultan Baïkouma, font de cettebataille le point de départ d'une longue série de luttes au cours des­quelles chaque protagoniste connut la bonne fortune et la défaite

Le sultan de Yao ramena la paix dans la région en nommantun Kadjala à Ibza dont les gens furent ainsi soustraits à l'autoritédu Chef de Daga'.

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Deux Contes Boulala

l L.'ELEPHANT et l'ECUREUIL

(Bub Kéré Té But Ramé)

Un éléphant cultivateur voyait fréquemment son petit champde haricot pillé par un écureuil fort vorace••• Excédé, le pachyderme.réfléchissait à la meilleure façon de se débarasser de l'intrus, lors­qu'une idée ingénieuse lui vint : il fabtiqua avec de la gomme arabi~ue

un mannequin de jeune fille, auquel il donna les formes et l'express10nd'une féminité attrayante;' et qu'il plaça sous un abri de paille devantle cham~.

Comme prévu, peu de temps après, Bub Ramé, revenu sur leslieux pour s'approvisionner, avait à peine commencé à remplir son sacqu'il tomba en arr@t devant la merveilleuse créature. SJétant approché,il tenta~ mais en vain, d'engager la conversation. Devant le silenceinsultant de ce qu'il prenait pour une vraie femme, Bub Ramé cria: "Situ ne me réponds pas, je te frapperai avec ma main droite qui tue lesgens~. Sa menace ne rencontrant que mutisme, il frappa et sa main droiteresta collée sur le mannequiti. Effrayé et furieux tout à la fois, ilhurla" ï "Si tu ne me lâches pas immédiatement, je te frapperai avec mamain gauche qui tue les gens",. Et, de la même manière sa main gauche setrouva collée sur l'inquiétante silhouette.

C'est alors que Bub Kéré, l'éléphant, survint et trouva levoleur prisonnier. Avide de vengeance, il saisit ce dernier dans satrompe et allait le tuer lorsque non loin de là des pintades se mirentà chanter~ L'éléphant les aperçut et fut agréablement surpris par leursbelles couleurs dont il s'étonna à haute voix: c'est alors que Bub Raméle malin qui croyait sa dernière heure venue, tenta un ultime stratagème.Il s'adressa à son bourreau: "CJest moi qui leur ai donné ces bellescouleurs, et si tu le désires, je t'en donnerai de semblables". Séduitpar la proposition, l'éléphant reposa l'écureuil à terre ét lui déolara :"Si vraiment, tu peux me donner les couleurs de ces oiseaux, je te lais~

serai la vie et te pardonnerai tes vols". "Allonge-toi sur le sol, luirépondit l'écureuil, je rentrerai dans ton corps afin de te colorier dudedans jusqu'au dehors~. AussitSt dit, aussit~t fai~i profitant de sapetite taille l'écureuil s'introduisit dans l'éléphant et lui perça aus­sit~t le coeur avec son couteau.

Bub Kété mourut et Bub Ramé s'empara de son champ.

II ~ La Hyène (Kougoudoumou) ayant comme chaque jour quitté son terrierpour partir en qu@te de gibier, une femme enciente survint non loin de làqui ramassait du bois. Ressentant les premières douleurs, elle regardaautour d'elle, cherchant un lieu dissimulé où elle pourrait mettre son en~an~ au mon~e. Elle a~erçut une e~cava~ion dans un tronc d'arbre, quieta1t en fa1t le terr1er de la hyene; a l'intérieur duquel elle s'installet acC'oucha.

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La chaleur augmenta~t, la hyène s'en retourna vers l'arbrecreux et allait s'y introduire lorsqu'elle entendit un petit cri venantde l'intérieur. Prenant peur, Kougoudoumou s'enfuit et alla trouverle lion (Tubio) roi de tous les animaux, lequel s'enquit de son affo~

lement. La hyène ayant expliqué qu'Vn mystérieux occupant l'emp@chaitde rentrer dans son terrier, le monarque convoqué tous les animaux dela cour, et les ayant rassemblés~ forma un cortège qui se dirigea versle terrier de la hyèn~. Le lion ordonna tout d'abord à la girafe d'ex­plorer l'arbre creux. Celle-ci y introduisit son long cou mais ne re­mar~ua rien de suspect. Le roi des animaux se tournant vers l'autruche(A~) lui ordonna de faire de même. Celle-ci obéit. C'est alors que lafemme cachée dans le tronc d'arbre, apercevant la tête de l'autruche,saisit son couteau et la trancha d'un seul coup. La foule des animaux,apercevant le corps décapité fut prise d'une grande frayeur. Tous sesauvèrent dans le plus grand désordre. Certains tombèrent à terre etmoururent piétinés••• Le roi lui-m@me fit ce jour là une longue course.Quelque temps plus tard, la femme sortit de son refuge, son bébé surle dos, ramassa un fagot de bois et s'en retourna vers son village.

C'est depuis cette époque que le lion et l'autruche sonten désaccord.

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PHOTOGRAPHIES

A-B

C: - 1,2,3

D - 4,5

E - 1,2;3

F - 1

F - 2

Scarifications faciales (Kejebichi)

Circoncision (Têrenguê)

Circoncis sous le Dap Têrenguê

Danses Ouled Rashid

Prêtre de la Margai de Gollo

Tambour sacré à Gollo

F

J

3 Ecole Coranique (Yao)

Festivités d'Id El Kabir (Yao)

Construction d'une case

K - 1,4

K-2

K - 3

Travail de Vannerie

Séchage du Poisson

Fabrication d'une Pirogue

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Hagenbucher Sacripanti Frank (1967)

Notes sur les Boulala du Fitri

Fort-Lamy : ORSTOM, 51 p. multigr.