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DOSSIER [ [ [ NRP Février 2015, n°25 NRP Février 2017, n°35 [ Droit « Les Yeux profonds de l’Algérie » Mémoire Economie Société L’ALGÉRIE ÉCHAPPE AU CHAOS Quelle réponse aux attentes de la jeunesse? Chems Eddine CHITOUR Le Chômage en hausse selon l’ONS : Les femmes et les diplômés davantage pénalisés Nadir Iddir Loi de Finances 2017: ce qu’il faut savoir sur les principales mesures fiscales L’ENSEIGNEMENT DE L’HISTOIRE EN ALGERIE ET EN FRANCE : Entre devoir de memoire et oubli partage Farid Namane

NRP Février n°35 - CDEScdesoran.org/document/NRP35.pdfA quoi rêvent les loups de Yasmina Khadra…Boudjedra tire de ces évènements un pes-simisme radical dans fils de la haine…Abdelkader

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DossierDOSSIER

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NRP Février 2015, n°25NRP Février 2017, n°35

[

Droit

« Les Yeux profonds de l’Algérie »

Mémoire

Economie

SociétéL’ALGÉRIE ÉCHAPPE AU CHAOS

Quelle réponse aux attentes de la jeunesse?

Chems Eddine CHITOUR

Le Chômage en hausse selon l’ONS :

Les femmes et les diplômés davantage pénalisésNadir Iddir

Loi de Finances 2017:

ce qu’il faut savoir sur les principales mesures fiscales

L’ENSEIGNEMENT DE L’HISTOIRE EN ALGERIE ET EN FRANCE :

Entre devoir de memoire et oubli partageFarid Namane

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Sommaire

La NRP est la nouvelle formule de la « Revue de presse », créée en 1956 par le centre des Glycines d’Alger.

[Attestation du ministère de l’information: A1 23, 7 février 1977]

Revue bimensuelle réalisée en collaboration avec le :

Ont collaboré à ce numéroRyad CHIKHI, Bernard JANICOT, Leila TENNCI, Ghalem DOUAR, Omar AOUAB, Mokhtar MEFTAH

Halima SOUSSI, Sid Ahmed ABED, Amine BAGHDADI, Laid Nasro OUENZAR, Sofiane BELKACEM

CENTRE DE DOCUMENTATION ECONOMIQUE ET SOCIALE

3, rue Kadiri Sid Ahmed, Oran • Tel: +213 41 40 85 83 •Site web: www.cdesoran.org / Facebook : Cdes Oran

Société

L’ALGÉRIE ÉCHAPPE AU CHAOS Quelle réponse aux attentesde la jeunesse?, Chems Eddine CHITOUR,p.10

Economie

Le Chômage en hausse selon l’ONS : Les femmes et lesdiplômés davantage pénalisés, Nadir Iddir,p.11

L’Algérie à la croisée des chemins, une analyse de J.L Guigou,président du think tank IPEMED,Jean Louis Guigou,p.12

Droit

Projet de loi criminalisant la fraude aux examens : Préserverla crédibilité du baccalauréat,Salima Ettouahria,p.13

Loi de Finances 2017: ce qu’il faut savoir sur les principalesmesures fiscales,p.14

Mémoire

L’ECRITURE EN ALGERIE EST TRIBUTAIRE DEL’HISTOIRE,S.K.,p.15

L’ENSEIGNEMENT DE L’HISTOIRE EN ALGERIE ET EN FRANCE :ENTRE DEVOIR DE MEMOIRE ET OUBLI PARTAGE,FaridNamane,p.16

Bibliographie

Dossier

« DES ECRIVAINS PARLENT L’ALGERIE »

La l ittérature francophone d’Algérie, une réalitémouvante,Meriem BOUGHACHICHE ,p.4

Ecriture romanesque en tamazight : De Lwali n wedrar àTamacahutstangarut, Nadir Iddir, p.5

Entretien avec le romancier Amin Zaoui :« Défendre l’uniténationale dans sa diversité »,Mourad Mancer p.6

Anouar Benmalek :« En Afrique, il y a un déficit de mémoire» ,Leïla Slimani,p.7

l’Algérie au fond des yeux.Maïssa Bey, un combat contre lesillage,Hassina Mechaî, p.7

Rêve, enchantement et quête initiatique, Hocine Tamou,p.8

Waciny Laredj, un pont entre deux rives ,Katia GHOSN, p.8

le funambule au vertige immense « cri en papier de l’auteurYoucef Mrahi », Ali Bedrici,p.8

Yasmina Khadra et «Dieu n’habite pas La Havane»,ClaireMazaleyrat,p.8

La fin qui nous attend de Ryad Girod,Sarah H,p.9

2084, le roman qui imagine l'islamisme au pouvoir en Europe,p.9

Le mal être d’une génération sacrifiée,Samira BENDRIS,p.9

Yasmina Khadra et «Dieu n’habite pas La Havane»,NadiaGhanem,p.9

[email protected]

N° 35, Février 2017

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NRP, Février 2017, n°35

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Editorial

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NRP, Février 2017, n°35

Bernard Janicot

Il y a une bonne quinzaine d’année, AssiaDjebar, unedes plus grandes écrivaines algériennes, faisait paraitre unroman au titre fort significatif : « La disparition de la languefrançaise ».

Qu’en est-il ?Si l’on remarque en effet que la langue française cède du terrain dans l’enseignement, à

l’université, au profit de l’arabe, si l’on peut se rendre compte que la maitrise de la langue françaiseécrite est souvent assez approximative chez les étudiants, il faut aussi constater dans le mêmetemps, qu’il existe une production littéraire assez importante, et souvent de qualité, dans cettemême langue.

Que de chemin parcouru depuis la publication, en 1925,de « Zohra » de Hadj-Hammou,souvent considéré comme le premier roman algérien de langue française, langue du colonisateur ?

Tous les amateurs de littérature francophone algérienne ont en mémoire les noms deMouloud Feraoun, de Mouloud Mammeri, de Mohamed Dib, les « pères fondateurs ».

Ils ont été suivis par une génération tout aussi talentueuse, emmenée par Rachid Boudjedra,Rachid Mimouni, et bien entendu, la très grande AssiaDjebar, et tant d’autres.

Mais nous souhaitons mettre en lumière dans ce numéro une génération un peu plus jeune,voire même franchement très jeune. Une génération plus improbable à l’heure de l’arabisation, etdes années sombres traversées par l’Algérie. Beaucoup de noms vont apparaitre dans les pagesqui suivent, déjà fort connus, tel Yasmina Khadra, Maissa Bey, Kamel Daoud, Anouar Ben Malek…D’autres encore moins connus…

Mais nous avons constaté, en préparant ce numéro de la NRP, avec un certain étonnement,qu’un seul numéro, avec la pagination habituelle, était loin de pouvoir contenir tous ces auteurs,hommes et femmes, publiant actuellement des romans en Algérie. D’où l’option prise d’enmentionner plusieurs sans trop s’étaler sur eux, faute de place. Malgré tout, il en manque encorebeaucoup, qui ne sont pas nécessairement moins bons, moins lus, moins intéressants que ceux etcelles que nous avons mentionné. Il s’agit donc plutôt ici d’un panel regroupant hommes et femmes,jeunes (18 ans pour le plus jeune) et moins jeunes.

Nous avons voulu aussi donner leur place à des auteurs publiant en langue arabe, aveccomme représentant WacinyLaredj.

Un article se fait enfin l’écho d’une jeune littérature en langue berbère, tamazigh.Une littérature algérienne assez prolifique, dans les trois langues pratiquées dans le pays,

qui se fait l’écho des questions qui traversent la société, souvent sans concession, sans « languede bois », qui se fait aussi le miroir de cette société. Miroir dans lequel, parfois, on n’aime pas tropse regarder…Reste en suspens une question importante, celle du lectorat, à laquelle il est bien difficile d’apporterune réponse sérieuse. Qui lit ces romans ?Question liée à une autre : comment mieux diffuser cette littérature, la faire plus connaitre ?comment donner aux plus jeunes, envie de la lire et de la partager ?

« DES ECRIVAINS PARLENT L’ALGERIE »

Bernard JanicotBernard Janicot

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NRP, Février 2017, n°35

DOSSIER

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La littérature francophone d’Algérie, une réalité mouvanteMeriem BOUGHACHICHE

Née dans un contexte historique, lalittérature algérienne francophoneécrite par les autochtones ne cessed’animer le débat qu’engendre sonappellation. Cette littérature…donton a prédit la mort au lendemain del’indépendance, demeure bienvivante...Elle reflète la richesse del’histoire du pays. Liée à la colonisa-tion, celle-ci est devenue…matièreintarissable ou l’engagement n’ôterien à l’originalité d’une écriture quis’affirme…Le panorama de cette lit-térature rend compte des parcours

historiques…Aux alentours des an-nées 20 avance timidement une lit-térature d’assimilation de la culturede l’autre, une période au cours delaquelle les algériens sentent le be-soin de parler aux français de leur vied’indigène: Khadra, danseuse desOuledNaïl de Slimane Ben Brahim,Ahmed ben Mustapha, goumier decaïd Ben Cherif, Zohra, la femmed’un mineur d’Abdelkader Hadj-Hamou, Mériem dans les palmes deMohamed ould cheikh, étoile se-crète de Jean Amrouche, Jacinthenoire de Marguerite Louis Taos. Peuà peu le français devient directementle vecteur principal des grands dé-bats qui agitent l’Algérie suscitant,au début des années 50, l’apparitiond’une littérature ethnographique quiglisse vers l’autobiographie dont lesprincipaux ouvrages furent : le fils dupauvre de Mouloud Feraoun, la col-line oubliée de Mouloud Mammeri,la grande maison de Mohammed

Dib…La manière historique se ren-force et le sentiment nationaliste at-teint son paroxysme dans une litté-rature militante à partir de 1954.Kateb Yacine publie Nedjma, mêleharmonieusement les éléments del’oralité et une technique romanes-que moderne….Nedjma, symboled’Algérie, est l’autobiographie plu-rielle d’une génération qui a vécutragiquement les massacres du 8mai 1945... Poète de l’amour et de lapaix, Malek Haddad exprime sa dé-chirure dans des œuvres poétiques :

la dernière impres-sion, je t’offriraiune gazelle, le quiaux fleurs ne ré-pond plus. Du côtédes femmes,AssiaDjebbar pu-blie la soif, les impa-tients, les enfantsdu nouveaumonde…La littéra-ture post-indépen-dance voit une vé-ritable explosion deconflits opposantarabophones etfrancophones, unelittérature d’accul-turation ou se mê-lent la réalité amèrede garder la languede l ’occupant etl’incapacité des’exprimer enarabe. Autant de

ruptures dans l’histoire du pays ontpermis, vers la fin des années 60,l’éclosion d’une sensibilité expri-mant l’avortement de la révolution,c’est la littérature du désenchante-ment… : le fleuve détourné de Ra-chid Mimouni porte un grand « po-tentiel accusateur » face à l’idéolo-gie naissante…D’autre part, la mon-tée de la bourgeoisie corrompue, lepoids d’une société patriarcale cons-tituent autant de réalités aliénanteschez Rachid Boudjedra à traversl’état psychiatrique de ses personna-ges qui délirent au sein de l’utopie.Le muezzin de Mourad Bourbounedépeint l’hypocrisie du religieux.Djamel Ali khodja recourt à l’allégo-rie dans la mante religieuse qui re-présente la ville de Constantine dé-vorant ses mâles. Avec mémoire del’absent, NabileFarès invite son lec-teur à descendre dans le labyrinthede l’énigme des origines. Cette di-versité touche également Cours sur

la vie sauvage, qui se souvientde la mer, Dieu en barbarie, lesterrasses d’Orsol, Habel et lesommeil d’Eve de MohammedDib…La littérature actuelle(1990-2009) suit la précédenteavec de nouvellesformes…C’est la naissance del’écriture de la violence face àl’intégrisme qui habite la majo-rité des œuvres…Peurs etmensonges de AissaKhelladimet en scène un journaliste tra-qué pour avoir écrit un article.Le rythme sanguinaire marqueA quoi rêvent les loups deYasmina Khadra…Boudjedratire de ces évènements un pes-simisme radical dans fils de lahaine…Abdelkader Djemaïlutte contre la peur en adop-tant l’écriture de l’humour noirdans Un été de cendres, Sablerouge. Quant à BoualemSansal,c’est l’écriture émouvante etchoquante de la mémoire mul-tiple dans Lettres à mon peu-ple. Une littérature de l’en-fance fait place au sein de cetunivers teinté de sang : Miloudl’enfant d’Algérie de AbedCharef, Une enfancealgériennede Leïla Sebbar. Sa-lim Bachi…perpétue le cyclede la ville de Cyrtha…Une litté-rature féminine poursuit sonchemin avec l’entrée sur lascène littéraire de nouvellesécrivaines : Malika Mokaddem,Latifa Ben Mansour, MeissaBey, Salima Ghazali, Malika Al-lal, férielAssima et NinaBouraoui…De l’autre côté dumiroir, les écrivains issus demariages mixtes ou enfantsd’immigrés comme AzzouzBegag, Mehdi Charef,TssaditImache, produisent unelittérature…originale appeléebeur ou littérature de la« périphérie »…Malgré toutesles séquelles de l’histoire, la lit-térature francophone d’Algé-rie reste porteuse…d’un ta-lent littéraire spécifiquementalgérien nourri de valeurs fran-çaises.

01/2017-N°127

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NRP, Février 2017, n°35

DOSSIER

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Ecriture romanesque en tamazight :De Lwali n wedrar à Tamacahutstangarut

Si elle a permis de «rapatrier» destextes interdits par la censureofficielle, l’ouverture pluraliste adonné lieu également à la publicationde romans écrits par des écrivains quisauront creuser leur sillon ouvert parla «génération 81» avec une maîtriseparfaite du genre narratif, à l’instarde Amar Mezdad, Salem Zenia...

Le roman d’expressionberbère n’a pasquarante ans. Publiéen 1946 à l’initiativedes Pères-Blancs, Lwalin wedrar de Belaïd AthAli (1914-1950), estconsidéré comme lapremière expérienced’un texte littéraireabouti en berbère.Encouragé par J-L.Degezelle, l’auteurkabyle, originaired’AzrouKoullal, à Aïn ElHammam (TiziOuzou), commenced’abord par transcrire des récitsoraux traditionnels avant decomposer des textes de son cru…

En effet, Rachid Aliche (1953-2014)signera avec Asfel, publié en 1981,l’acte de naissance du romanberbère. «Asfel, de Rachid Aliche,brise le mutisme millénaire del’oralité et signe l’acte de naissanced’un genre nouveau dans lalittérature kabyle : le genreromanesque», trancheDahbiaAbrous dans le n° 44 de laRevue de l’Occident musulman et dela Méditerranée, 1987. Titulaire d’unDES de physique-chimie obtenu àl’université d’Alger et d’un DEUG enlettres décroché à l’université LyonII, Alliche a publié son récit auxéditions Fédérop fondées par undéfenseur des langues minoritaires,Bernard Lesfargues…

«Asalu était le premier journal enlangue berbère, mais il était aussiune maison d’édition qui a publiéavant Askuti des textes de Mammeriet Tusnakt s wurar de Hend Sadi»,se rappelle RamdaneIftini,réalisateur et ancien membre dupremier Conseil national du RCD. Le

travail de l’équipe d’Iftini ne fut pasune sinécure…

La «génération 81» fait des émules

Si elle a permis de «rapatrier» destextes interdits par la censureofficielle, l’ouverture pluraliste a

donné lieu également à la publicationde romans écrits par des écrivains quisauront creuser leur sillon ouvert parla «génération 81» avec une maîtriseparfaite du genre narratif, à l’instar

de Amar Mezdad, Salem Zenia... Unevingtaine de récits d’inégaleimportance ont été publiés depuis ledébut des années 1990. Le nombrede romans augmentera à partir desannées 2000, à la faveur de lareconnaissance de la langue

Nadir Iddir amazighe…A bien y regarder,nous n’avons pas failli malgréun système fermé à la pluralitéqui n’a cédé que parce qu’il n’apas eu d’autre choix qued’accepter l’évidence», seréjouit Tazaghat, qui a présentésa vingtaine de textes aupremier Salon international du

livre amazighqu’a organisél ’ a s s o c i a t i o n«Tayri n Wakal»dirigée par lamilitante etc h a n t e u s eamazighe FatmaTabaamrant. Enplus de Tira, ceSalon a comptéd ’ a u t r e sp a r t i c i p a n t sa l g é r i e n s(Odyssées etAchab), du paysd’accueil, unéditeur de

Tunisie et un autre de Libye.

Le roman amazigh a-t-ilretrouvé un lectorat qui n’estpas rebuté par la qualité parfoisdécevante des textes et dessupports ? Tazaghart s’appuiedans sa réponse surl’expérience retenue après sarencontre avec des lecteursmarocains : «Durant lespremiers jours de ce Salon, jene peux cacher mon bonheurde constater que la majoritédes lecteurs marocains que j’airencontrés savent que Lwali nwedrar (réédité par Tira, Ndlr)est le premier roman écrit entamazight.

Cela n’est pas rien, il signifiequ’un espace littéraireamazigh commun, partagé, esten train de s’affirmer de plusen plus.» L’écritureromanesque en tamazight aconnu un certain succès …

13 Janvier 2017

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NRP, Février 2017, n°35

DOSSIER

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Entretien avec le romancier Amin Zaoui :

« Défendre l’unité nationale dans sa diversité »

Rencontré samedi dernier à la librairie du Tiers-Monde, à l’occasion de la vente-dédicace de son nouvelouvrage intitulé un Incendie au Paradis ! Femmes, religions et cultures, paru récemment aux éditions

Tafat, l’écrivain et universitaire Amin Zaoui nous a chaleureusement accueillis et a bien accepté derépondre à nos questions. Dans cet entretien, il revient sur le mutisme qui a frappé la sphère intellectuelleet culturelle, apporte une vision nouvelle sur la société et propose une lecture analytique du monde arabo-

musulman qui s’enlise de plus en plus dans l’extrémisme islamiste, le charlatanisme religieux et lahaine.Parlez-nous de ce livre…

C’est un texte qui est écrit selon lerythme de mille et une nuits. Le butest de raconter l’Algérie, le Maghrebet le monde arabo-musulmancomme un journal nocturne. Ce livretraite de trois problématiquesessentielles.

La première tourne autour desreligions qui deviennent féroces,quand elles sont exploitéespolitiquement. Lorsque la politiques’incruste dans la religion, celle-cidevient vide de sa spiritualité et deson éclairage. Elle devient alors unfonds de commerce pour telle outelle partie. La politisation etl’idéologisation de la religiondonnent naissance à des haines dansla société. La secondeproblématique traite des femmes.

Dans cette partie, je défends d’abordla liberté de la femme, son rôle dansla vie économique, politique etculturelle. Je défends également lacitoyenneté, qui impose le respectde l’être humain, homme et femme.Malheureusement, nous avonshérité d’une grande culture quimarginalise la femme et qui diffuseson exclusion de la société. J’essaiede mettre en valeur la femme et deremettre en cause cette culture. Latroisième problématique est celledes cultures. Un pays qui jouit dediverses cultures et d’une pluralitélinguistique est un pays fort et riche.

On dénombre en Algérie au moinsquatre langues : le tamazight,l’arabe, le français et les différentsdialectes. Il faut défendre l’uniténationale mais dans sa diversitélinguistique car elle est plus forteainsi. Notre Constitution respecte leslangues et les défend. Nous allonsfaire de l’Algérie un pays où le vivreensemble est respecté.

Cet essai est à la foisphilosophique, littéraire et

politique…

C’est vrai qu’il est plutôtphilosophique et historique car il revient sur l’histoire du Maghreb,des sociétés maghrébines et tentede les décortiquer. M a l h e u r e u s e m e n t ,l’instrumentalisation de la religiondans le monde arabo-musulmanexiste toujours. C’est ce que fontjustement les groupes terroristestels que Daesh, Al-Qaïda et d’autresencore. Quand la religion devient unfusil entre les mains des politiques lasituation devient très dangereuse.

La question identitaire resurgiecomme jamais auparavant, c’est

spécifique à notre société ?

Oui, aujourd’hui il y a beaucoup dequestionnements autour del’identité et de ce qui se passe autourde nous. L’Occident vit aussi cephénomène de l’islamisme. Il estpropagé partout dans le monde. Celivre pose un débat universel.

Vous évoquez avec insistance lerôle de l’intellectuel. est-il

interpellé et concerné plus queles autres ?

Je me considère comme unintellectuel du quotidien. Je l is

Entretien réalisé par Mourad Mancer

beaucoup mais je vis au mêmetemps avec les jeunes, je suisconstamment à leur écoute. Jesuis sensible à l’angoisse quinous encercle. Pour moi, le rôlede l’ intellectuel est d’êtrevisionnaire, d’alerter l’opinionpublique et faire de laprophétie intellectuelle.

On a l’impression que notreélite se recroqueville sur

elle-même, non ?

De nos jours, il y a un silencedes intellectuels. Si on prendles intellectuels des annéescinquante comme MouloudMammeri, Kateb Yacine,Moufdi Zakaria, AssiaDjebar etd’autres, on trouvera que cettegénération était fortementimpliquée dans la société, dansla création et dans la politique.Je crois sincèrement qu’il y aun recul des intellectuels.

01 Aout 2016

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NRP, Février 2017, n°35

DOSSIER

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l’Algérie au fond des yeux.Maïssa Bey,

un combat contre le sillageOn avait découvert l’écrivain Maïssa Bey à traversune œuvre déjà dense et cohérente, faite denouvelles, pièces de théâtre, poèmes et romans :Sous le jasmin, la nuit, On dirait qu’elle danse,Entendez-vous dans les montagnes, Cette fille-là,

autant de livres qui observent, avec la minutie d’unentomologiste, la société algérienne. Des livres quientendent lutter aussi contre le silence et soncortège violent qui pèse sur cette société sicontradictoire. Plus encore, à l’instar d’AssiaDjebarou encore de Leïla Sabbar, Maïssa Bey estconsidérée comme une des premières féministesalgériennes, de celles qui pensent que la culture etl’ouverture qu’elle permet demeureront toujoursle meilleur viatique et la seule solution.Hizya enlutte contre le carcan patriarcal

Hizya a 23 ans et vit dans la Casbah grise au cœur dela ville blanche. Elle a largement l’âge de se marier,selon les canons familiaux et sociétaux, l’âged’apprendre déjà, dans une société algériennevitrif iée par les traditions, qu’on ne sort pasaisément d’une assignation à existence. Avec cedernier livre, Maïssa Bey décrit, avec férocitéparfois, toute l’intimité d’une famille algérienneperchée sur les hauteurs d’Alger. Dans sa famille àl’anormalité banale, Hizya observe, espère, attend.La jeune femme a remisé son diplôme detraductrice faute de travail, pour se résigner àtravailler dans un salon de coiffure. Là elle côtoieses collègues, la célibataire, la divorcée, la mal-mariée, toutes devant ruser avec les impératifs ducarcan patriarcal dans lequel elles évoluent poursimplement faire accepter qu’elles travaillent.Chacune subit en raison de son statut unestigmatisation : la surveillance incessante de lafamille pour la célibataire, la jalousie maladive pourla mariée et le déshonneur social pour la divorcée.L’une d’elles, Sonia, devenue coiffeuse faute depouvoir exercer son métier d’informaticienne, diramême drôlement : «Quand tu cherchesl’expression bonheur à l’Algérie, l’ordinateur terépond systématiquement Error 404, not found.»

Anouar Benmalek :« En Afrique, il y a un déficit

de mémoire »Avec Fils du Shéol, Anouar Benmalek nous plonge dèsles premières pages dans les grandes horreurs du XXesiècle. Karl, un adolescent, voyage dans un wagon àbestiaux vers les camps de Pologne, où il sera gazé.Ensuite, coincé dans un étrange séjour des morts, leShéol, il regarde évoluer les siens et tente d’influer surleur destin. Il retrouve son père, Manfred, devenu kapo.Il revoit sa mère, la lumineuse Élisa, une Juive d’Algérie.Poursuivant son effroyable voyage à rebours, Karl croiseLudwig, son grand-père, qui au début du siècle a servidans l’armée allemande en Afrique. Il découvre alorsl’indicible secret de son aïeul, qui a assisté au génocidedu peuple herero.Anouar Benmalek livre ici un romannerveux, merveilleusement documenté. Un romanhistorique en forme de thriller, qui nous tient en haleinejusqu’aux derniers mots.Né en 1956, l’Algéro-MarocainAnouar Benmalek est un écrivain engagé et passionnéd’histoire. Membre fondateur du Comité algérien contrela torture, ses romans Ô Maria (Fayard) et Le Rapt (Fayard)lui ont valu à la fois la reconnaissance internationale etdes menaces dans son pays. Interview.Jeune Afrique :Comment est née l’histoire de ce roman ?AnouarBenmalek : J’avais depuis longtemps envie d’écrire surla Shoah. Je tournais autour, je lisais, mais j’avais un

problème delégitimité : pourquoimoi ? Quel étaitmon point de vue ?Un jour, en lisantune biographie deGöring, j’ai appris audétour d’unephrase que sonpère, HeinrichGöring, avait étégouverneur de laGerman SouthWest Africa, quideviendra laNamibie. Ça a été ledéclic…BoualemSansal,Ya sm in aKha dra,KamelDaoud… Lesécrivains algérienssont à la mode. Quelregard portez-voussur cette

génération ? Je suis très content de la nouvelle visibilitédes écrivains maghrébins. Je me souviens d’une époqueoù, à la sortie de l’un de mes livres, un journaliste françaisa écrit au début d’un article : « Encore un écrivainmaghrébin ! » Nous étions toujours de trop. Aujourd’hui,le problème c’est que nous ne sommes pas lus dans nospays. Nous n’avons pas accès à la télévision mais à lapresse indépendante, qui, il faut le reconnaître, est trèspugnace. Mais nous ne pouvons nous adresser au grandpublic. Nos paroles portent moins que celles de n’importequel imam analphabète.

07 Octobre 2015

Hassina MechaîLeïla Slimani

13 Août 2015

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NRP, Février 2017, n°35

DOSSIER

8

Rêve, enchantement et quête initiatique(…) AnysMezouar a puisé dans la ré-serve fabuleuse de son imaginationpour réaliser une trilogie ou il jongleavec plusieurs genres littéraires : lafantaisie, le fantastique, la science fic-tion, et le merveilleux(…) L’objectifrecherché est de faire voyager le lec-teur, de le faire vibrer tout en l’encou-rageant à mieux comprendre lemonde et l’Homme (…) Ce mer-veilleux exercice imaginaire a com-mencé avec la proie des mondes pu-blié en 2013 s’est poursuivi avec la ter-reur des mondes (2015) et s’achève

avec L’espérance des mondes 2016 (…) Cette trilogie à l’évi-dence est une sorte de quête initiatique qui rassemble descréatures dissemblables et parfois étranges mais qui toutessont soumises aux mêmes questionnements, aux mêmes obs-tacles dans leurs vies. (…)

Le funambule au vertige immense« cri en papier de l’auteur Youcef Mrahi »

En quête d’émotions puissan-tes, de sensations abyssales,de questionnements de dé-rangements sur l’existence? (....) Le voyage tumultueuxconduit à l’amour, sourced’extase et de souffranceinexorable, à l’ivresse de l’in-saisissable et à la douleur duvrais (......) L’auteur se reven-dique l’eternel funambulequi « rêve de se fondre entoi au fon de ton nombril »L’auteur se revendique« éternel funambule quichasse sur un fil ton ombrerebelle »… C’est le face àface implacable entre l’appel de la mort et le chant de lavie, c’est la puissance de l’esprit et la tendresse extrêmedu cœur (....) l’œuvre de Mrahi est profondément hu-maniste (...).

L’Âne mort, Chawki Amari ,L’insoutenable légèreté de l’âne

Le journaliste, chroniqueur et écrivain algérienChawkiAmari signe avec L’Âne mort un roman de lamaturité, permettant à son talent d’humoriste souventnoir de se déployer avec un mélange de dérision et deprofondeur particulièrement intéressant. En

revendiquant commesource l’Ane d’Ord’Apulée, désignécomme premierécrivain algérien del’histoire, il placed’emblée son récit sousl’égide du grotesque etde la magie, de lasensualité et de lamétaphysique, de lafantaisie échevelée etde la noirceur d’uneanalyse souvent critiquedu monde. C’est en effetpar strates successivesque se révèlent les sensde cette histoire

rocambolesque, à travers les pérégrinations de troisjeunes gens et d’un âne, d’Alger aux montagnes de laKabylie et retour. La formation de géologue de ChawkiAmari donne en effet à ce récit l’allure d’une réflexionsur les lieux et le temps, sur la surface et les profondeursenfouies, sur la présence au monde de l’animal humainqui le peuple, son insignifiance à l’échelle des tempsgéologiques et sa volonté d’exister et de donner sens àses quelques décennies à passer sur terre.

Waciny Laredj, un pont entre deux rivesÉcrivain algérien de renom, WacinyLaredj se situe aucroisement de plusieurs cultures, ce dont témoignent aussibien son parcours personnel que son œuvre littéraire.

Par Katia GHOSN L’Orient Littéraire du 2010 - 12

Auteur prolifique, il a à son actif plusieurs romans dont Sayyidatal-maqâm (Les ailes de la reine), Kitâb al-amîr (Le livre de l’Émir),Nawwâr al-lawz (Fleurs d’amandiers). La nostalgie qui traverseAl-bayt al-andalousi (La Maison andalouse)…

Vous êtes bilingue. Pourtant vous vous considérez commeprofondément arabophone. En quoi l’approche de ces deuxlangues vous paraît-elle différente ?

La langue arabe supporte sans trop en pâtir la répétition, lelyrisme, la profusion d’images, tandis que le français est unelangue dégraissée, directe et ne supporte pas justement lesrépétitions, les retours et les lourdeurs. En étant dans les deuxlangues, je suis dans deux traditions d’écriture très différenteset j’ai souvent ce sentiment d’être bicéphale. Mon lien à lalangue arabe fut d’abord affectif. Ma grand-mère, pour quil’islam est inséparable de la langue, m’a poussé vers l’arabe.Apprendre l’arabe est un geste d’amour pour cette femme quia incarné pour moi les images absentes du père et de la mère.

Le roman algérien de langue arabe est relativement tardif.Pouvez-vous nous en retracer les grandes étapes ?

Le roman algérien en langue arabe a commencé en 1947 avecRida Houhou, Ghâdatumm al-qura (La belle de La Mecque).C’est un roman réformiste qui tente d’établir un certainéquilibre entre religion et amour. En 1957, NoureddinBoujedraécrit al-harîq (Le Brasier). Il était bilingue, ce qui lui a permisd’écrire un roman répondant aux critères du roman français.La naissance du roman arabe moderne a commencé en 1971avec Rîh al-janûb (Le vent du Sud) d’Abdelhamid Haddouqa, etL’As de TaherWattan. Ces deux réalisations ont fondé le romanalgérien. Il y eut ensuite la génération des années 70 et 80dont je fais moi-même partie avec Mirza Baqdash qui a écrit unroman autobiographique Tuyûrfî al-dhahîra (Les oiseaux duZénith), et KhallasAljilani dont le roman le mieux connu resteRâ’ihat al-kalb (L’odeur du chien). Aujourd’hui, une nouvellegénération d’écrivains qui a donné des noms comme ceuxd’Amara Lakhous et Samir Qasimi s’impose par la qualité del’écriture, la force de la culture et le désir de produire quelquechose de nouveau.

Ali Bedrici

31 Janvier 2017

26 Février 2015

Claire Mazaleyrat

2017-03 / NUMÉRO 129

Katia GHOSN

22 Janvier 2017Hocine Tamou

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NRP, Février 2017, n°35

DOSSIER

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La fin qui nous attendde Ryad GIROD

Un roman sculpté à même la chairSorti récemment auxéditions Barzakh, le roman de Ryad Girod, La fin qui nous attend,est un nectar doux-amer que l’on boit cul sec avec ce sentimentdiffus d’entrer dans un esprit aussi maléfique que semblable.Une œuvre sournoise et belle avec ce souci obsessionnel demettre les mots en danse et en musique. Peu importe si noussommes en Algérie ou ailleurs ; peu importe l’année oul’époque, La fin qui nous attend est un espace-temps à la foisfamilier et terrifiant qui fait de son futur macabre plus qu’uneforte probabilité : une évidence ! Narré à la première personnedu singulier, ce récit fulgurant est celui d’un monde sur lepoint de s’écrouler et qui tient encore avec cette ténacitépropre aux agonisants. Un séisme dévastateur vient de fairedes dizaines de milliers de morts dans le pays, l’apocalypse estpressentie pour bientôt et le narrateur, un commandant del’armée, doit gérer son cynisme chronique, la guerre sanglantecontre les religieux, son fils qu’il hait tant, la mort atroce de samaîtresse et son propre désir d’en finir…Cet officier sans âgeet sans remords se raconte donc avec un talent quasi inhumainpour l’introspection et l’autoflagellation car il s’intéresse à sonfor intérieur comme à une curiosité méconnue dont il exploreles zones d’ombre chaque jour avec la même fascination …RyadGirod sait retenir son souffle en allant jusqu’au bout despérégrinations mentales littéralement suffocantes de sonpersonnage et c’est ainsi qu’il parvient à nous entraîner dansune cavalcade éperdue où les clivages manichéens s’effondrentdevant la puissance d’une psychologie abyssale magistralementracontée. La langue à la fois fluide et corsée de l’auteur estsans doute le premier atout de ce texte qui combine la rigueurnarrative et la liberté formelle…Ryad Girod, comme peud’auteurs de sa génération, propose au contraire uneimmersion totale dans le corps même des lettres, conscientsans doute que les histoires ont peu d’importance du point devue créatif si elles n’habitent pas une langue sublimée… Yasmina Khadra et

«Dieu n’habite pas La Havane»Dieu n’habite pas la Havane, le tout nouveau roman deYasmina Khadra, paraitra très prochainement, le 18 août,simultanément en Algérie (Casbah eds) et en France(Julliard eds). Inspiré d’un voyage à Cuba, il vient enrichirle corpus de l’auteur, déjà composé d’un peu plus de 23romans sous ce pseudonyme depuis 1990.Une fiction quiva ravir les fans de Khadra, et ceux qui le découvrirontpour la première fois à travers le récit de Juan Del MonteJonava, alias «Don Fuego», chanteur de rumba à LaHavane…A travers ce roman composé à la premièrepersonne, Juan nous raconte toute la place de la musiquedans son monde, et son amour pour une vie qu’il accepte,quelles que soient les souffrances. Initialementnarcissique parce que le centre de son univers a étéstatique depuis des décennies, Juan se révèle unpersonnage attachant et généreux. Son sens de larépartie, et sa philosophie désintéressée sontcontagieux.Dieu n’habite pas la Havane est un texte pleind’humour et d’autodérision, qui fait des clins d’œil àl’Algérie depuis Cuba. Un récit fluide solidementconstruit, dont l’homogénéité repose sur une écritureaiguisée, lucide et affectueuse.Dans ce roman, Khadranous mène de l’auto-questionnement à l’enquête, deuxquêtes ancestrales en littérature, qui portent versl’extérieur de soi, la découverte de l’autre et versl’entendement.Dieu n’habite pas la Havane célèbre labeauté et l’acceptation, la bonté des âmes malgré lesépreuves qui les testent. Un très beau roman, à dévorer.

2084, le roman qui imaginel'islamisme au pouvoir en Europe

de Boualam SANSALLa mondialisation va conduire l’islamisme au pouvoir dans unecinquantaine d’années, notamment en Europe, prédit l’écrivainalgérien BoualemSansal qui publie 2084, un roman terrifiantinspiré du chef-d’oeuvre de George Orwell 1984. «Orwell a fait

une très bonne prédiction et ony est toujours», observe dans unentretien à l’AFP l’écrivain de 66ans qui réside dans la petite villecôtière de Boumerdès, à unecinquantaine de kilomètres à l’estd’Alger. Selon lui, «les troistotalitarismes imaginés parOrwell (l’Océania, l’Eurasia etl’Estasia) se confondentaujourd’hui dans un seul systèmetotalitaire qu’on peut appeler lamondialisation». «Nous sommesgouvernés par Wall Street»,

résume BoualemSansal. Mais «ce système totalitaire qui aécrasé toutes les cultures sur son chemin a rencontré quelquechose de totalement inattendu: la résurrection de l’islam»,analyse l’écrivain qui se dit «non croyant».

Le mal être d’une génération sa-crifiée de Samir TOUMI

…Des jeunes écrasés par des pères dont l’héroïsme estconstamment remis sur le tapis se retrouvent à suivre

une voie toute tracée etsont détenteurs de passe-droits et de privilèges quileur ouvrent toutes lesportes Un avenir ensomme tout tracé.….Quelque temps après lamort de son géniteur, no-tre narrateur… se re-trouve déstabilisé. Là s’an-nonce une remise en ques-tion de l’ordre des chosesqui l’entourent. Peu à peu,une petite descente auxenfers commence.D’abord à travers cetteglace qui refuse de lui ren-

voyer son reflet. … Un tour chez le psy s’impose…luiconseille d’aller voir le docteur B….puis une fuite versOran la radieuse s’improvise. «Je trouvais l’atmosphèredes rues moins austères qu’Alger. Hommes et femmessemblaient se mouvoir plus librement et occupaient l’es-pace public de manière plus naturelle. Les femmes déam-bulaient et s’interpellaient, alors qu’à Alger, je les voyaisraser les murs.»…. Notre fils de bonne famille commenceà perdre peu à peu la tête

Samira BENDRIS17 Janvier 2017

20 Aout 2015 04 Juin 2016Nadia Ghanem

Sarah H03 Janvier 2016

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NRP, Février 2017, n°35

[SOCIÉTÉ]

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L’ALGÉRIE ÉCHAPPE AU CHAOSQuelle réponse aux attentes de la jeunesse?

«Le mandarin a la loi et le peuple a sesconventions secrètes.» Proverbe chinois«Le meilleur moyen de contrer unerévolution est de la provoquer soi-même.» Machiavel

L’Algérie a débuté l’année 2017 enconnaissant quelques émeutes localiséessurtout à Béjaïa... Le pire a été évité etles choses semblent rentrer dans l’ordre.Dans cette contribution, nous allonsdécrire rapidement le déroulement desémeutes et ensuite analyser lephénomène des émeutes en règlegénérale du point de vue sociologiqueet proposer de notre point de vue lescauses structurelles.Parties de nulle partet coordonnées grâce aux réseauxsociaux. Lundi 02 janvier à Béjaïa, oùplusieurs communes ont répondu àl’appel de grève générale lancé lasemaine dernière sur les réseauxsociaux, une marche de quelquescentaines de personnes se dirigeant versle siège de la wilaya, a dérapé… Desrumeurs faisant état de plusieursémeutes dans des quartiers de la capitale- dont Bab Ezzouar et AïnBenian - ontcirculé dans la nuit du lundi 2 à mardi 3sur les réseaux sociaux… Devant cettedangereuse spirale il y eut de la plupartdes personnalités des appels au calme…La Toile est partagée: autant les réseauxsociaux ont participé à la diffusion demots d’ordre de déstabilisation, autantd’autres jeunes plus nombreux surInternet interviennent pour défendrel’unité du pays...

Analyse sociologique de l’émeute

On peut penser simplement que la causepremière, l’étincelle qui a mis le feu auxpoudres ou encore la goutte qui a faitdéborder le vase serait la loi de finances2017 qui, dans l’absolu, n’y est pour rientant qu’on n’aura pas expliqué le pourquoides mesures prises et leur incidence surles citoyens. Pour le sociologueNacerDjabi interviewé par Hassan Moualijournaliste d’El Watan,: «La violence a detout temps caractérisé les mouvementsde contestation en Algérie. (...) Plusieursraisons peuvent expliquer cettesituation. La faiblesse de la vie politiquepartisane, de la vie associative, l’état dela crise économique et aussil’éloignement des élites politiques etsociales de la région. D’autres causes plusprofondes liées à la reconnaissanceofficielle de la revendication amazighe.Le regard des Algériens sur la questionamazighe a nettement évolué; elle estadmise par tous. Cela marque la fin d’uncycle. (...) La plupart des mouvementsen Algérie ne sont pas accompagnés par

des partis, des associations ou dessyndicats. Toutes les institutions enmesure d’encadrer et d’organiser cesmouvements, de donner un senspolitique à leurs revendications, d’aiderà un dialogue en leur sein et avec lespouvoirs publics, sont absentes. Lesinstitutions intermédiaires sont faiblesparce que le régime politique n’en veutpas. (...) Le système politique reconnaîtlégalement le parti, l’association et lesyndicat et leur refuse d’être des acteursréels dans la vie politique et sociale (...) Ilfaut s’attendre, dans un avenir proche, àce que la violence prenne de l’ampleurlors des mouvements sociaux, en raisonde la persistance de la faiblesse desintermédiations politiques et sociales etde la dégradation de l’état économiquecomme variante qui pourrait durerpendant des années.»Le sociologuepointe du doigt l’accusation facile sur lathéorie du complot: «Les réponses dupouvoir politique, comme à chaque fois,se résument en l’accusation de mainsextérieure et intérieure qui complotentcontre l’Algérie’’, rhétorique qui revienten force, exploitant le climat politiqueet sécuritaire régional. (...) A partir de là,on pourrait comprendre la crise dusystème politique algérien devenuincapable de gérer les transformationssociales et culturelles produites par l’Etatnational lui-même. Des transformationsque le système politique et sesinstitutions ne sont pas en mesure degérer de manière graduelle etacceptable. Historiquement, le systèmepolitique algérien, avec ses élites et sesinstitutions, préfère traiter avec desmouvements sociaux violents nonorganisés. Il préfère l’émeute à unmouvement politique conscient,organisé et porteur de revendicationsclaires, sinon il sera forcé à négocier et àreconnaître ses représentants et sareprésentativité. (...) Comme je l’aiévoqué plus haut, l’Etat national a produitbeaucoup de transformations, comme lesmédias indépendants, des partis et deshommes d’affaires; maisparadoxalement, le système politique aéchoué pour le moment à travailler avecces nouveaux acteurs de manièrepositive. Les élites et institutionspolitiques n’arrivent pas se retrouver etdans le même temps elles refusent dequitter le champ rentier et populiste danslequel elles ont évolué. Elles sontdevenues en réalité un blocagehistorique contre le changementfortement requis en Algérie.»(1)Mohamed Tahar Bensaâda pour sa partappelle à se démarquer entre unerevendication légitime et

l’instrumentalisation qui obéit à d’autresattendus: «Si la contestation écrit-il desmesures antisociales contenues dans laloi de finances 2017, qui a servi dedétonateur au mouvement de grève, esttout à fait légitime, force est dereconnaître que la mobilisation socialeen vue de défendre le pouvoir d’achatdes catégories populaires gagnerait àéviter de se mélanger auxcomportements égoïstes d’une classemarchande qui a fait sa fortune à l’ombredu protectionnisme de l’Etat rentier etqui ne veut pas aujourd’hui entendreparler de taxes et d’impôts commel’illustre le chiffre effarant de l’évasionfiscale en Algérie.» …

Les causes de la mal-vie

L’une des causes incriminées dans cesémeutes serait la loi de f inances…Cependant, il existe un réel malaise carles causes sont multiples, d’oùl’inexistence d’un équilibre régional dansle développement du pays… Par ailleurs,il ne faut pas se le cacher, les émeutierssont les enfants qui ont été exclus à desniveaux différents surtout la 9e annéeavant le lycée. C’est donc l’échec dusystème éducatif qui est la premièrecause de la mal-vie… Le système actuelarrive à leur faire haïr rapidement l’écoled’autant qu’à côté, les voies de réussitessociales autrement que par le savoir ontune visibilité sociale au point que leshommes politiques envoient desmessages de félicitations à des joueursoff-shore que l’on s’approprie commeopium pour les jeunes. Que pense unjeune chômeur désoeuvré? Pour lui,l’Algérie c’est la hogra. L’Algérie c’est la«chkara». L’Algérie c’est le passe-droitL’Algérie c’est l’exclusion pour les faibles,sans aucun contrôle…

Ce sont toutes ces anomalies quiamènent la mal-vie.

Encore une fois, sans un projet de sociétéfédérateur pour le vivre ensemble d’unefaçon équitable, sans une vision du futurd’une Ecole de la modernité sans laparticipation des jeunes à leur destin, riende pérenne n’est à attendre. Cesémeutes devraient être l’occasion d’unétat des lieux sans complaisance.

12 Janvier 2017

Chems Eddine CHITOUR

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NRP, Février 2017, n°35

[ECONOMIE]

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Le Chômage en hausse selon l’ONS :Les femmes et les diplômés davantage pénalisés

Selon les chiffres repris par l’APS,cette hausse a nettement affecté lesfemmes et les diplômés del’enseignement supérieur. L’ONSnote que la population en chômagea atteint 1,272 million de personnesen septembre (contre 1,198 millionde personnes en avril), composée de792 000 hommes (contre 790 000 enavril 2016) et de 479 000 femmes(contre 408 000). Le taux dechômage était de 8,1% chez leshommes en septembre 2016 (contre

8,2% en avril 2016) et de 20% chez lesfemmes (contre 16,5%).

Il est précisé que le taux de chômageatteint par cette dernière catégorieest le plus élevé de ces dix dernièresannées. L’enquête a constaté desdisparités «signif icatives» selonl’âge, le niveau d’instruction et lediplôme obtenu. Pour les personnesâgées de 25 ans et plus, le taux dechômage est de 7,9% avec un tauxde 5,7% chez les hommes et de 16,2%chez les femmes.

Quant au taux de chômage desjeunes âgés entre 16 et 24 ans, il aaugmenté à 26,7% en septembredernier (contre 24,7% en avrildernier). Par niveau de qualification,il est observé que la hausseenregistrée dans le taux dechômage a concerné davantage lespersonnes ayant un niveaud’instruction supérieur. Le taux dechômage des diplômés del’enseignement supérieur aaugmenté à 17,7% en septembre

dernier (contre 13,2% en avril), celuides diplômés de la formationprofessionnelle à 13% (contre 12,1%),alors que le taux de chômage despersonnes sans diplôme a baissé à 7,7% en septembre (contre 8,3% enavril). L’enquête de l’ONS précisequ’au sein de la population enchômage, près de 45% sont despersonnes non diplômées (570 000chômeurs), 28,2% sont des diplômésde l’enseignement supérieur (358

000) et 27% sont t itulaires dediplômes de la formationprofessionnelle (343 000 chômeurs).

Il est indiqué que les chômeurs delongue durée (cherchant un emploidepuis une année ou plus)constituent 66,4% de la populationen chômage. La part des chômeursqui acceptent des emplois inférieursà leurs aptitudes professionnelles estde 75,3%, emplois ne correspondantpas à leur profil pour 74,4%, desemplois pénibles pour 26,7% et desemplois mal rémunérés pour 75,8%.

Selon les critères adoptés par l’ONS,les chômeurs sont les personnes quine travaillent pas, disponibles pourtravailler et qui sont à la recherched’un emploi. Le rapport de l’Officeindique qu’il existe aussi unepopulation située dans le «halo duchômage» — personnes en âged’activité (16 à 59 ans), qui déclarentêtre disponibles à travailler mais quin’ont pas effectué des démarchespour chercher un emploi durant le

mois précédant l’enquête effectuée.Cette catégorie de population aatteint797 000 personnes enseptembre 2016 (dont 54,6% sontdes femmes) qui se caractérisent parleur faible niveau d’instruction :68,8% n’ont aucun diplôme, alors que61,3% n’ont pas dépassé le cyclemoyen. Les moins de 30 ans enconstituent près de 52% alors queprès de 77% sont âgés de moins de40 ans. L’ONS précise dans sonenquête reprise par l’APS qu’enseptembre 2016 le nombre de lapopulation active étant l’ensembledes personnes en âge de travailleret disponibles sur le marché dutravail, qu’elles aient un emploi ouqu’elles soient en chômage.S’agissant de la population occupée(personnes ayant un emploi), elle aété estimée à 10,845 millions depersonnes en septembre 2016,contre 10,895 millions de personnesen avril. Cette population estcomposée de 8,933 mill ionsd’hommes (82,4% de la populationoccupée) et de 1,912 million defemmes (17,6%).

La courbe du chômage, telle quedéterminée par l’ONS, dont lestechniques et les résultats sontparfois battus en brèche par desspécialistes ou même desreprésentations syndicales oupartisanes, connaît une évolution endents de scie ces derniers mois. Unehausse a ainsi été enregistrée uneannée auparavant (septembre 2015),où le taux de chômage a atteint 11,2%contre 10,6% pour la même périodede l’année 2014. La courbe s’estinversée quelques mois après, lemême organisme a noté dans unrapport qu’en avril 2016 le taux dechômage était en baisse à 9,9%.

Le taux de chômage repart à la hausse. Selon l’Office national des statistiques (ONS), le taux de chômage aatteint 10,5% en septembre 2016 (contre 9,9% en avril 2016) avec 1,272 million de personnes sans emploi.

15 Janvier 2017s

Nadir Iddir

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NRP, Février 2017, n°35

[ECONOMIE]L’Algérie à la croisée des chemins,une analyse de J.L Guigou, président du think tank IPEMED

L’Algérie est en passe de retrouverson destin de grande puissance enMéditerranée et en Afrique. Sansbouleversements intempestifs,l’économie et les mentalités se trans-forment en profondeur. Se dessineune vision ambitieuse et historiquepour les Algériens, mais aussi une vi-sion qui doit parler aux Méditerra-néens, aux Africains, et aux Euro-péens. L’Algérie emprunte deuxchemins qui traversent son territoire.Le premier c’est celui de l’industria-lisation du Nord de l’Afrique, del’Egypte au Maroc, avec l’Algérie aucentre. Le second chemin, selon unaxe Nord-Sud, c’est celui de la Dor-sale Transsaharienne, d’Alger à La-gos, contribuant au développementdu Sahel, tout en reliant l’Afrique duNord à l’Afrique Sub-Saharienne.

Le premier chemin est horizontal.C’est celui de l’industrialisation duNord de l’Afrique, de l’Egypte auMaroc. En effet, depuis 1980, pres-que tous les pays du Sud et de l’Estde la Méditerranée s’industrialisent.Ils substituent la production inté-rieure (voiture, mécanique, biensd’équipements…) aux importations.Sans rupture, le Maroc, la Tunisie, leLiban, la Turquie, et la Jordanie (1)sont devenus exportateurs de pro-duits manufacturés, de machines etd’équipement de transport etc…Consciente de son retard, l’Algérieaccélère sa diversification économi-que. Le monde patronal et le secteurprivé font de plus en plus entendreleur voix. Le thème de la diversifica-tion industrielle est au centre desréflexions et des propositions. Sontdésormais considérées comme prio-ritaires, les industries d’assemblage(automobile et technique), les indus-tries de base (sidérurgie et pétrochi-mie), l’industrie agroalimentaire, l’in-dustrie pharmaceutique, et l’indus-trie numérique. L’Algérie rentre,ainsi, progressivement, avec uneplace centrale grâce à sa positiongéographique et à l’abondance deces matières premières et énergéti-ques, sur le chemin de l’industriali-sation de la rive Sud de la Méditerra-née. Car, il y a bien un mouvementhistorique, de grande ampleur, quipositionne le Nord de l’Afriquecomme la grande zone industrielleen complément de l’Europe.

En effet, le second chemin, en chan-tier, est vertical Nord/Sud. C’est ce-lui du transport, de la logistique de lacommunication, des connectionsgazières, et du développement duSahel. Un grand axe est en chantierqui part du nouveau port de Cher-chell, à l’ouest d’Alger, en directionde Tamanrasset, en passant par leNiger, le Mali pour aboutir à Lagos(Nigéria). Encore un grand projetd’infrastructure similaire au port de

Hambourg exigeant quelques 3 mil-liards d’investissement et la coopé-ration des Chinois. Il s’agit d’une nou-velle version de la Transsahariennemais, cette fois, enrichie de zonesindustrielles, de zones franches, detechnopoles et de clusters indus-triels. Une vraie dorsale que relieral’Afrique du Nord à l’Afriquesubsaharienne en plein booméconomique.Pour mener à bien cegrand projet géopolitique d’une Al-gérie à la croisée des chemins – ce-lui de l’industrialisation dans l’espaceeuro-méditerranéen, mais aussi ce-lui d’un ancrage africain Nord/Sud,trois difficultés sont à surmonter :

La première est de faire revenir «ses»élites algériennes de France,d’Europe et d’Amérique du Nord(SiliconValley). Le retour de ladiaspora a été opportunément utilisépar l’Inde et cela à grande échelleen leur confiant le montage et lagestion des technopoles, des parcsindustriels et des zones franches(Bangalore), transformant l’Inde enune immense technopole qui

travaille, la main dans la main, avecdes entreprises Américaines.

La seconde diff iculté est deretrouver le chemin de l’intégrationet de la coopération avec les autrespays du Maghreb, et en particulieravec le Maroc. L’Union du Maghrebpermettrait ainsi de constituer unbassin économique intégré de 100mill ions d’habitants véritableplateforme industrielle et logistique

pour aller plus au sud, vers Afriquesubsaharienne.

Enfin, la troisième difficulté, c’estpeut-être de réconcilier, enfin, cesdeux pays amis – la France etl’Algérie. Comment retrouver leschemins de la confiance si ce n’esten construisant ensemble un grandprojet historique qui est celui de «l’Algérie à la croisée des chemins ».Les Algériens et les Français sont à laMéditerranée, ce que les Allemandset les Français sont à l’Europe : desfrères ennemis qui doiventredevenir de vrais bons amiscapables de construire ensembleleur avenir mais aussi l’avenir au seind’un ensemble Afrique –Méditerranée – Europe,transformant les relations Nord/Suden relations de confiance, de co-production, et de mobilitégénéralisée.

Jean Louis Guigou

09 Décembre 2016

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NRP, Février 2017, n°35

[DROIT]Projet de loi criminalisant la fraude aux examens :

Préserver la crédibilité du baccalauréat

« Le projet de loi portant Code pénalcriminalisant la fraude aux examenset concours a pour objectif de pré-server la crédibilité des examensnationaux reconnus », a affirmé hier,la ministre de l’Education nationale,Mme Nouria Benghebrit. La ministrea précisé à ce propos, que le projetde loi est un moyen pour préserverla crédibilité des examens nationauxet éviter tout « dérapage », en met-tant l’accent, sur l’importance de ceprojet de loi qui, selon elle, « de-meure sujet à débat », pour « garan-tir le respect des valeurs en tant queréférence fondamentale dans la so-ciété ». L’intervention du gouverne-ment est nécessaire afin de proté-ger la société de tels actes négatifsqui « portent atteinte à la crédibilitéde l’examen » même s’ils sont com-mis par l’élève « inconsciemment »,a souligné la ministre de l’Education,indiquant que « la discipline » figureparmi les objectifs du secteur del’éducation. Rappelant la campagnelancée par ses services avec le con-cours des parents d’élèves pour pré-server la crédibilité du baccalauréat,la ministre a appelé les médias à évi-ter les titres à sensation à même deperturber les candidats, ces dernierspassant par une période sensible quinécessite « calme et stabilité ».

Soulignant l’impératif de réunir « unminimum de consensus » pour pré-server la crédibilité de l’examen,Mme Benghebrit a fait savoir que lesautorités concernées ont mobilisétous les moyens juridiques, matérielset pédagogiques pour préserver lacrédibilité du baccalauréat qui est laresponsabilité de tout un chacun etqui est considéré comme un définational.

Pour rappel, le ministère de la Jus-tice s’attelle à l’élaboration de plu-sieurs textes de loi s’inscrivant dansle cadre du plan d’action du gouver-nement dont un avant-projet de loimodifiant et complétant l’ordon-nance n°66-156 du 8 juin 1966 por-tant Code pénal qui prévoit lacriminalisation de certains actescomme la fraude aux examens etconcours et une reconsidération despeines prévues à cet effet ». Parailleurs, Mme Benghebrit a indiquéque l’évaluation du premier trimes-tre se fera le 28 janvier, annonçantpar la même occasion l’organisation,par son département ministériel, le31 janvier, d’une rencontre sur « lapédagogie intégrée » eu égard aux« carences » enregistrées dans cedomaine. Il faut soulignerdans le même ordre d’idéeque la question de la fraudedurant les examens de find’année, surtout au bacca-lauréat, est devenue si récur-rente qu’elle pose un réelproblème. De ce fait le minis-tère de la Justice est en traind’élaborer un avant-projet deloi pour criminaliser l’acte defraude, et ce, en reconsidé-rant notamment les peinesencourues par les fraudeurs.Même si la triche existe etexistera toujours, surtout avec lesnouvelles technologies, lacriminalisation de l’acte de fraude,qui suppose des peines plus lourdes,sera une meilleure façon de dissua-sion pour décourager les velléités detriche. Selon un document rendupublic, plusieurs textes de loi s’ins-crivant dans le cadre du plan d’ac-tion du gouvernement sont en coursde finalisation, dont un avant-projet

Salima Ettouahria

16 Janvier 2017

de loi modif iant etcomplétant l’ordon-nance n°66-156 du 8juin 1966 portantcode pénal qui pré-voit la criminalisationde certains actescomme la fraude auxexamens et concourset unereconsidération despeines prévues à ceteffet. Actuellement,la période d’exclusionde l’examen du bac-

calauréat en cas de fraude est decinq ans pour les candidats scolari-sés et de dix ans pour les candidatsnon scolarisés.

Pour rappel, le baccalauréat de juin2016 a été particulièrement marquépar une fraude massive, ce qui apoussé le département de l’Educa-tion nationale à procéder à une réor-ganisation partielle des épreuves du19 au 23 juin 2016 pour la plupart desfilières. Lors de cette session, pasmoins de 1.000 candidats au bacca-lauréat ont été exclus pour déten-tion de téléphone portable en salled’examen.

Des responsables de l’ONEC et desinspecteurs dont la responsabilité aété établie dans la fuite des épreu-

ves sur les réseaux sociaux ont étécondamnés en novembre dernierpar le tribunal d’Alger.

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NRP, Février 2017, n°35

[DROIT]Loi de Finances 2017:Ce qu’il faut savoir sur les principales mesures fiscales

La loi de f inances 2017, signéemercredi par le président de larépublique Abdelaziz Bouteflika,prévoit une hausse de certainsimpôts et taxes pour contrebalancerla baisse des recettes pétrolières.

Mesures relatives à la taxe sur lavaleur ajoutée (TVA)

Le taux de la TVA passe de 7% à 9%pour le taux réduit, et de 17% à 19%pour le taux normal.

Cette modification des taux «restesans impact direct» sur les prix dedizaines de produits tels le pain,semoules, farines panifiables, lait,médicaments, sucre, huile à base desoja, fruits et légumes à l’exclusionde ceux importés et ceuxcommercialisés par des redevablesde la TVA (les vendeurs d’étalagedans les marchés et les petitscommerçants ne sont pasconsidérés redevables de la TVA),précise la Direction générale desimpôts (DGI) dans une note dont unecopie a été obtenue par l’APS.

Les autres produits et servicesexonérés par la TVA sont, entreautres, les moissonneuses-batteuses fabriquées en Algérie etle papier destiné exclusivement à lafabrication et à l’impression du livre,les contrats d’assurances depersonnes et les opérations decrédits bancaires accordés auxménages pour l’acquisition ou laconstruction de logementsindividuels.

Selon la DGI, l’ensemble des bienset services exonérés de la TVA «neseront pas concernés parl’augmentation des prix du fait de lataxe».

Quant aux produits non exonéréspar la TVA, l’impact sur le prix est de2%: A titre d’exemple, un paquet de500 grammes de pâtes alimentairesde 50 DA passera à 51 DA, tandisqu’un flacon de liquides vaisselles de120 DA passera à 122,40 DA.

Par ailleurs, la fourniture d’accès àinternet précédemment soumise àla TVA au taux réduit sera assujettie,à compter du 1er janvier 2017, à cettetaxe au taux normal de 19%, alors quel’accès à internet f ixe (tel que

l’ADSL) demeure exonéré de la TVAjusqu’au 31 décembre 2020.

Le BUPRO (mélange butanepropane), précédemment exonéréde la TVA, est à compter du 1er janvier2017 soumis au taux réduit de 9% dela TVA sachant que c’est un produitqui n’est pas destiné aux ménages.

Taxe Intérieure de Consommation(TIC)

Les tarifs de la TIC applicable àcertains produits sont augmentéscomme suit:

- pour les tabacs: le montant de laTIC passe pour le tabac brun de 1.040DA à 1240 DA/Kg, le tabac blond de1.260 à 1.760 DA/Kg, les cigares de1.470 DA à 2.470/Kg.

Le taux proportionnel restemaintenu à 10% pour chaque paquetde cigarettes.

Selon la DGI, l’augmentation de la TICne concerne que les cigarettes et lescigares et se traduira par uneaugmentation de prix pour lescigarettes entre 5 DA et 20 DA, TVAcomprise.

- pour les véhicules de cylindrée(excédant les 2000 cm3 dont lesvéhicules tous terrains) et lesbananes fraîches, le taux de la TICest passé de 20% à 30%. Le taux de30% de la TIC est élargi aux scootersde mer (jet-ski) et aux Quad.

- Les tarifs de la TIC applicable au café(sous toutes les formes) restentinchangés.

- pour les bières: Le montant de laTIC passe de 3.610 DA/hectolitre à3.971 DA/hectolitre (soit 10%d’augmentation),

Une augmentation de 10% estprévue pour le droit de circulationapplicable sur les vins et les alcoolscontenus dans les boissonsalcoolisées.

Taxe sur les produits pétroliers (TPP)

La taxe sur les produits pétroliers aété relevée pour les carburants d’un(1) dinar pour le gasoil, et de 3 dinarspour les trois catégories d’essence(normal, super et sans plomb).

Ainsi, l’impact fiscal (TPP et TVA) seprésente comme suit: -Pour le gasoil,

les prix à la pompe passeront de18,76 à 20,23 DA/litre, d’où uneincidence fiscale de 1,47 DA.

- pour les trois catégories d’essence(normal, super et sans plomb), lesprix à la pompe passeront donc de28,45 à 32,47 DA/l pour l’essencenormal, de 31,42 à 35,49 DA/l pourl’essence super et de 31,02 à 35,08DA/l pour l’essence sans plomb. D’oùune incidence fiscale de 4 DA.

Timbre des passeports

Les droits de timbre applicablesrespectivement au passeportbiométrique ordinaire délivré enAlgérie ou au profit des membres dela communauté algérienne établie àl’étranger, ainsi que les passeportsd’urgence, «demeurent inchangésquel que soit le nombre de pages».

Néanmoins, il est institué un droit detimbre spécifique à la «Procédureaccélérée» de délivrance despasseports: Les citoyens ayant optépour la procédure accélérée, c’est-à-dire la délivrance du passeportdans un délai maximum de 5 jours,seront soumis à un droit spécifiquedont les tarifs sont fixés comme suit:

-25.000 DA pour le livret de 28 pagesdélivré dans un délai n’excédant 5jours à la demande du citoyen.

-60.000 DA pour le livret de 48 pagesdélivré dans un délai n’excédant 5jours à la demande du citoyen.

-7-Timbre de renouvellement de lacarte d’identité suite à unedéclaration de perte ou dedétérioration:

La délivrance de la carte nationaled’identité biométrique électroniquen’est pas soumise à un droit dutimbre. Mais le renouvellement deladite carte suite à une perte,détérioration ou vol, donne lieu aupaiement d’un droit de timbre de1.000 DA.

28 Décembre 2016

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NRP, Février 2017, n°35

[MÉMOIRE]L’ECRITURE EN ALGERIE

EST TRIBUTAIRE DE L’HISTOIREIl est indéniable que la littérature al-gérienne de langue française est néedans le contexte de la colonisation.Son émergence est le résultat d’unepolitique d’assimilation menée par lecolonisateur. Il s’agissait de gommerl’Autre, l’«indigène», le «barbares-que»; il fallait le «civiliser». De cefaitavec les écrivains des années 30,la littérature des autochtones posela question identitaire dans le dis-cours littéraire. Cette écriture estune parole qui s’inscrit dans une re-lation polémique; elle est la revendi-cation d’une entité algérienne dontla composante est historiquementconstituée dans ses dimensions cul-turelle, linguistique et religieuse.Cette littérature, née dans un con-texte colonial, est celle d’unengagement de l’intellec-tuel algérien pour dire sadifférence face à l’Autre.Maintenant, au plan esthé-tique, cette écriture roma-nesque est produite dans lalignée des normes occiden-tales que véhicule la littéra-ture coloniale. Ces derniersvont introduire … le romancomme un genre codif iépar la tradition littérairefrançaise. La générationsuccédant aux précurseurss’inscrit dans la continuité;en effet, sa productionporte les traces d’un com-bat dans des conditions his-toriques difficiles ne ca-chant point son aspirationindépendantiste. Cette gé-nération des années cinquante con-tinue la lutte identitaire. Les procé-dés d’écriture vont progressivementse libérer des conventions de l’artoccidental pour verser dans les trans-gressions en puisant dans l’imagi-naire algérien du patrimoine cultureld’origine…A l’indépendance, lesenjeux littéraires sont autres. Lesécrivains algériens produisent dansun pays souverain qui affronte lesdifficultés de l’édification après 132ans d’occupation coloniale…Le ro-man contemporain continue ce che-minement et le texte romanesqueest confronté aux courants littérai-res qui dominent le monde tout enétant ancré dans la réalité algériennecomme source d’inspiration. De nou-velles esthétiquesnaissent…L’écriture devient égale-

ment un lieu de réflexion. Plusieursfacteurs influent sur les procédésd’écriture. Il est tout à fait évidentque l’écriture en Algérie est tribu-taire de l’Histoire car il faudrait rap-peler que nous sommes à plus dehuit décennies d’écriture en languefrançaise. A chaque fois, l’écrivainalgérien s’est senti interpellé parl’Histoire du pays. Il ya aussi l’histoirelittéraire qui s’impose… La dépen-dance par rapport à l’histoire littéraireest visible à travers la récurrence decertains thèmes…comme la quêteidentitaire, la condition féminine, lamémoire collective, le discours surl’Histoire. Il faut noter le croisementdu champ littéraire algérien avecd’autres champs universels, une par-

ticipation à cette «littérature-monde»…La littérature dite del’«urgence» a été appréciée par lacritique littéraire. Le regard de l’ex-térieur a été virulent à son égard.Saisie dans l’incompréhension, carémergeant brutalement dans lasphère littéraire de l’instant tragique,cette « graphie de l’horreur », selonla qualification de R. Mokhtari, a euses partisans. Elle a été perçuecomme un devoir d’assister la patrieen danger, «écrire l’Algérie qui va-cille» affirme Assia Djebar…A unetelle écriture, ne pouvait correspon-dre qu’une esthétique explicite dic-tée par le désir de témoigner et sur-tout pour l’intellectuel de ne pas setaire… Mais beaucoup de textesécrits durant la décennie 90 sont debonne facture littéraire. Cette litté-rature, souvent décriée, est là, elle

est le refus du silence, un cri de cœurdes auteurs qui se sont impliqués auprix de leur vie. Elle est devoir demémoire. Il faut exploiter lasémantisation de ces textes lestésd’un discours sur la mémoire et surl’humain…Elle fait partie de la mé-moire collective et mérite le respect.La littérature… a connu différentesmouvances…Les écrivains contem-porains manifestent actuellementdes esthétiques variées… Maisl’écrivain algérien ne cesse pas deproférer une parole contestataire. Etc’est dans ce type de discours qu’ils’adapte à son temps…Il est indubi-table que la relation de l’écrivain ac-tuel à la langue française est plutôtsereine car les antagonismes se sont

dilués avec le temps. Ceconflit idéologique étantdépassé, c’est l’écritureartistique qui prend le re-lais. Les écrits actuels neportent point en eux ledébat au niveau de la lan-gue d’écriture. L’auteuralgérien n’a plus de com-plexe vis-à-vis de la lan-gue française. De plus, ilfaut noter que les textessont traversés par les lan-gues du pays, l’Arabe, leBerbère, les langues po-pulaires (l’oralité). Cettediversité du paysage lin-guistique algérien a pro-duit des effets heureuxsur la diversité littéraire.L’écrivain algérien aréussi à transgresser le

code linguistique français; il soumetle texte à des interférences quijouent sur le sens et rendent la créa-tion ludique. Il est possible que leFrançais soit considéré comme unmoyen d’expression transitaire maisil reste, pour l’instant, pour beaucoupd’écrivains, un instrument de la com-munication littéraire… En tous lescas, à notre époque, il n’est plus unoutil d’aliénation comme l’ont vécules « écrivains classiques » sous la co-lonisation...

15 Avril 2014

S.K.

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NRP, Février 2017, n°35

[MÉMOIRE]L’ENSEIGNEMENT DE L’HISTOIRE EN ALGERIE ET EN FRANCE :

ENTRE DEVOIR DE MEMOIRE ET OUBLI PARTAGEEn ce qui concerne l’enseignement del’histoire de la guerre d’indépendancealgérienne, on peut parler de ce que Ri-cœur nomme le ‘trop de mémoire’ qu’onpeut définir comme la ‘sur-mémorisa-tion’ d’un événement historique donné.Cela est-il une garantie pour que la jeunegénération connaisse l’histoire de cetteguerre ? Qui doit-on accuser? L’école ?L’enseignant ? Les responsables des pro-grammes scolaires ? On peut poser unepanoplie de questions sur ce sujet sanspouvoir esquisser une réponse finale.Dans un article de Paul Ricœur sous letitre «Le pardon peut-il guérir ?», ce phi-losophe montre comment l’enseigne-ment del’histoire peut influencer la «mé-moire partagée» d’une na-tion. En ce qui concerne l’his-toire de la guerre d’indépen-dance algérienne et son en-seignement à l’école, on peutparler de ce que Ricœurnomme le «trop de mémoire»qu’on peut définir comme la«sur-mémorisation» d’un évé-nement historique donné.Dans notre cas, l’école algé-rienne se trouve dans ce«trop de mémoire» en ce quiconcerne l’enseignement dela Guerre d’indépendance.Cela, évidemment, s’expliquepar le fait que cette guerreest le «principal» acte fonda-teur de l’Etat-nation maisl’écueil est dans la manière del’enseigner: premièrementles leçons choisies occultentdes pans entiers de cet évé-nement de peur d’ébranler lalégitimité des acteurs politi-ques de l’après-guerre. En-suite pour construire un cer-tains imaginaire national qui obéirait à lavision «unique» de l’histoire de la guerremenée par un peuple homogène etsoudé autour de valeurs révolutionnai-res afin de combattre un colonisateurinjuste et violent ! Pour AbderrahmaneMoussaoui : «Certains aspects de cetteguerre sont sur-mémorisés, tandis quebeaucoup d’autres relèvent d’un oublilargement partagé par la majorité descitoyens. Pour quasiment tous les Algé-riens, la Guerre de libération, fondementpremier de leur être ensemble, demeurele « lieu de mémoire» par excellence.C’est de cette matrice que procède lanation, et c’est de ce référent que s’auto-rise la «communauté imaginée», sélec-tionnant ainsi ce qui est digne du souve-nir et ce qui doit être oublié afin que lanation puisse exister». L’école donc, à tra-

vers cette «sur-mémorisation» ou ce«trop de mémoire», a fait de la Guerred’indépendance un lieu de mémoire quela «mémoire partagée» dans la sociétéfait perpétuer à travers les époques : enplus de cette «mémoire partagée», onpeut aussi parler de l’ «oubli partagé» ence qui concerne certains épisodes decette guerre, voire même de la périoded’avant et d’après la guerre : l’assassinatd’Abane Ramdane, le massacre deMellouza, la crise «anti-berbériste» de1949, le conflit FLN-MNA, l’assassinat deKrim Belkacem, etc. L’occultation de cesépisodes participe à la fabrication de l’«oubli partagé» qui est, selon Paul Ricœur,la principale menace qui plane sur la

mémoire et l’histoire d’une nation : lephilosophe affirme : «C’est d’abord etmassivement comme une atteinte à lafiabilité de la mémoire que l’oubli est res-senti. Une atteinte, une faiblesse, unelacune. La mémoire, à cet égard, se défi-nit elle-même, du moins en première ins-tance, comme lutte contre l’oubli.»Lesétudiants adoptent la posture de victi-mes de ces programmes d’enseigne-ment mais surtout de la méthode d’en-seignement qui encourage la devise : «lafin justif ie les moyens» : le «par-coeurisme» reste la façon avec laquelleon gobe les cours d’histoire afin de les«recracher» durant l’examen dans le butd’avoir la note qui permet d’accéder auniveau supérieur. Il s’agit d’une sorte de«complicité», consentie ou non, de la partde l’étudiant ou de l’élève qui fait partie

de ce cercle vicieux. On ne peut pas écar-ter le rôle des acteurs sociaux dans latransmission de la mémoire et l’histoirede l’Algérie, vu que les «porteurs demémoire» sont toujours en vie. SelonPierre Nora, l’histoire est avant tout un«produit social» qui renvoie à des «lieuxsociaux»: ce sont les acteurs sociaux quifont l’histoire et la transmettent à la nou-velle génération, qui sera porteuse demémoire. Nora précise que «l’histoire estun produit social, qui parle du social etrenvoie au social» Dans la société algé-rienne, les «porteurs de mémoire» doi-vent donc remplir leur rôle de transmet-teurs qui permettent aux nouvelles gé-nérations d’accéder à leur passé car cet

«espace d’expérience»(le passé) sert de fonda-tions et de base pour«l’horizon d’attente» (lefutur). De nos jours, lenon-dit et le silence ca-ractérisent les acteursde la Guerre d’indépen-dance algérienne enFrance et en Algérie : lesouvenir douloureux etle regret caractérisentcertains Français, an-ciens soldats, qui refu-sent de parler de laguerre et d’évoquer lesfaits qu’ils ont commisen Algérie. De l’autrecôté de la Méditerranée,le «trop de mémoire»touche presque la majo-rité par une sorte de sur-mémorisation qui fait del’événement un mythe.L’histoire est l’un des pi-liers sur lesquels reposel’identité d’une nation:

on ne peut pas aborder l’avenir avec uneconnaissance fausse de ses ancêtres etun passé fabriqué de nulle part. Seuls lavéracité de l’événement et le sérieuxdans la méthode d’enseignement sontcapables d’instruire les nouvelles géné-rations qui aborderont l’avenir avec unebonne connaissance de leurs passé carcomme le souligne Balzac :»Pourl’homme, le passé ressemble singulière-ment à l’avenir. Lui raconter ce qui fut,n’est-ce pas presque toujours lui dire cequi sera?».

27 Juillet 2017

Farid Namane

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EVENEMENTS DU 1/01/2017 AU 28/02/2017

D’après le quotidien « El watan » :

- Le 23/01/2017 : « Le marché du travail de plus en plus ferméaux femmes Algériennes ».

- Le 30/01/2017 : Election législative 2017 : « la hantise del’abstention ».

- Le 30/01/2017 : « Bouteflika désigné vice-président del’Union Africaine »

- Le 01/02/2017 : La triche aux examens, un délit sous-estimé.

- Le 09/02/2017 : « Mort tragique de Ali Medjdoubcorrespondant de soir d’Algérie : un humaniste et hommede savoir s’en va ».

- Le 20/02/2017 : « Angela Merkel à Alger : l’offensive desentreprises Allemandes ».

- Le 21/02/2017 : La visite de Merkel est reportée : Bouteflikaaffecté par une bronchite aigüe, selon la présidence

- Le 20/02/2017 : coopération associative : l’association«green humanity» France Algérie à pieds d’œuvre.

- Le 22/02/2017 : « les chinois en Algérie : une intégrationsans accroc ».

NRP, Février 2017, n°35

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[BIBLIOGRAPHIE]

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« Un Incendie au Paradis » se veut un écrit dans la clartépédagogique, dans la franchise intellectuelle et pour laliberté d’expression, sans nuance et sans ambigüité.Parce que je suis convaincu que la culture et l’intellec-tuel sont le réveil de la conscience, j’ai essayé d’appro-cher la crise dans toutes ses dimensions : politique, reli-gieuse, linguistique, littéraire et culturelle, mettant envaleur la diversité et le vivre ensemble.» »

Un Incendie au Paradis : Femmes, Reli-gions et Cultures

Amin ZAOUI

Editions Tafat, 2016

FreeklaneNomad, 2016

https://www.youtube.com/watch?v=7zZtfzZT3hU

Corporéité et marginalité dans le romanalgérien contemporain

Faouzia BENDJELID

Editeur CRASC 2016

[FILM]

Cette présente édition des ouvrages CRASC fait partie desobjectifs à réaliser dans le cadre de notre projet de recher-che Réception critique du roman contemporain algérien(2013/2014/2015) au sein du CRASC / UCCLLA.

CNRS 2016

L’année du Maghreb 2016-1

Musiques et Sociétés

[REVUE]

L’Algérie du possible

Réalisatrice : Viviane Candas 2016

[MUSIC]

La chanson de variété au Maghreb nous raconte deshistoires de migrati ons et de circulations... L’héritagedes écoles arabo-andalouses croise le dynamisme de latradition orale berbère, le savoir-faire des grands maî-tres de l’Andalou de confession juive, et la chanson devariété moderne qui naît en terre d’exil.