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Eric Michot
OBSERVATION ET ATTENTION LORS DE L’ENTRETIEN CLINIQUE
LIENS ENTRE L’APPROCHE PSYCHOLOGIQUE, LA MTC ET LA
MEDIATION SINO- KINETIQUE
Eric MICHOT 2013
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Eric Michot
SOMMAIRE
1. Pathologie étudiée
2. Définition entretien clinique
3. Motifs de consultation
4. Anamnèse occidentale
5. Étiologies possibles
6. Observations spécifiques de la communication Bilan spécifique MSK
7. Hypothèses thérapeutiques et raisonnement MSK
8. Proposition de traitement MSK
9. résultat
10. Glossaire
11. Bibliographie
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Eric Michot
1. Pathologie étudiée
Je vous présente le cas clinique d’une jeune patiente souffrant d’oppressions thoraciques
sur un terrain d’angoisses. Dans ma pratique, je suis amené à traiter un nombre croissant de
patients qui consultent pour une symptomatologie psychologique. Après des études de
kinésithérapie, j’ai suivi une formation d’approche psychosomatique, puis la microkiné et
obtenu un D.U de gestion du stress. J’étais attiré par le vécu et l’aspect émotionnel du patient.
Je me retrouvais dans la définition de la santé de l’OMS : « la santé est un état de bien-être
physique, social et mental de la personne », du modèle bio-psycho-social d’Engel. La rencontre
avec Wilfrid Delamer et la médiation sino-kinétique m’a permis de développer une approche
plus manuelle et physique du patient. L’aspect psychologique est aussi présent en MTC, cela
me permis de faire des rapprochements avec ce que j’avais appris auparavant. Actuellement je
suis en licence de psychologie à l’université de Reims. Le cas clinique présenté ci-dessous est
typique de ma pratique quotidienne.
A travers le cas clinique d’une jeune patiente, je vais évoquer dans l’entretien, l’intérêt
d’une écoute et d’une observation attentive afin d’obtenir des informations pouvant ensuite
aider à la conduite du soin. Après avoir donné la définition de l’entretien clinique en
psychologie, défini l’approche du patient en mtc et en médiation sino-kinétique, je m’attarderai
sur la communication verbale et non verbale. L’aspect vocal de la patiente lors de l’entretien
retiendra particulièrement notre attention et servira de lien avec les autres observations que le
bilan a donné. Enfin, j’exposerai un lien possible entre ces informations recueillies et la
problématique psychologique de cette jeune patiente.
2. Entretien clinique : définition
Occident
Le petit Robert définit le nom masculin « entretien » par « échange de paroles », ce nom
provient du verbe « entretenir » qui dans un premier emploi signifiait « se soutenir
mutuellement ». Quant à « clinique », il provient du latin clinicus « médecine exercée près du
lit du malade », dérivé du grec klinikos « qui concerne le lit ». Si l’on associe les deux termes,
l’entretien clinique a la signification de « qui s’établit d’après l’observation directe du malade
et non par la théorie ». En psychologie clinique, on nomme et on distingue une clinique à mains
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nues, celle de l’entretien clinique, d’une clinique armée ou instrumentale (les tests par
exemple). Les initiales IPPA résument l’examen clinique « Inspection, Palpation, Percussion,
Auscultation » ; « dans l’entretien clinique,… on ne fait que regarder et écouter, et parler pour
mieux voir et mieux entendre. » (C.Chiland, 1983). Cet entretien est avant tout verbal, et
pourtant une communication non verbale l’accompagne. Dans l’analyse de l’entretien, le
clinicien doit tenir compte du contenu manifeste (ce que dit le sujet), du contenu latent
(significations implicites) et de la communication non verbale (silence, posture,
expression…). «Le clinicien n’est pas seulement attentif à ce qui est dit mais également à la
manière et au moment où c’est dit » (F.Faradoni, 2012).
Orient
« Cela étant, celui qui voudra utiliser les aiguilles qu’il examine donc attentivement comment
se présente le malade, pour percevoir le maintien ou la disparition des essences et des Esprits,
des Hun et des Po, et sa disposition, si elle est favorable ou défavorable. » ( C.Larre et E.Rochat
de la Vallée, 1992).
Ces deux auteurs commentent les textes classiques de la médecine traditionnelle
chinoise tels que le Lingshu et le Suwen afin de décrire la psychologie chinoise. « Fermez les
portes et bouchez les fenêtres ; connectez-vous au malade ; questionnez méthodiquement et
fréquemment sur ses dispositions intimes [sentiments], pour suivre son propos… » (Suwen,
ch.13). On retrouve dans ces deux commentaires cette observation nécessaire avant toute
entreprise thérapeutique. W.Delamer nous précise que lors d’un bilan, il nous faut percevoir
le malade avec l’ensemble de ses sens, en associant une part intellectuelle et une part intuitive.
En médiation, de prime abord, suite à l’interrogatoire, on observe, on écoute puis on palpe.
Dans notre cas, ce qui nous intéresse, c’est cette observation et cette écoute. Le caractère
chinois Wen correspond à un des piliers du diagnostic en mtc. Il signifie « entendre ainsi que
percevoir par l’odorat, sentir, flairer ». Nous nous contenterons ici d’écouter, dans le seul but
de faire lien avec l’entretien clinique occidental et non par convenance personnelle…
D’après JM.Eyssalet, l’écoute révèle le Shen du patient. Il est pour lui ce qui caractérise le
patient depuis sa conception dans cette puissance (le Shen) qui l’organise et le transforme. La
voix révèle ce Shen. Il cite le Nan Jing : « tel qui par l’audition connaît la maladie est appelé
perspicace ».
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3. Motif de consultation :
L’enfant X âgée de 13 ans consulte pour des oppressions thoraciques ainsi que pour des
angoisses lors de la présence de sa mère.
4. Anamnèse :
La patiente a été placée par l’A.S.E (Aide Sociale à l’Enfance) à l’âge de 3 semaines.
Sa mère présentait à l’époque des troubles psychiatriques, elle souffrait de dépression, a été
internée en hôpital psychiatrique et a fait plusieurs tentatives de suicide. Ces troubles
psychiques se sont déroulés en pré et post partum. Les parents de X sont aujourd’hui divorcés.
Son père s’est depuis remariée et a eu un enfant avec sa nouvelle compagne. Aujourd’hui, X
est chez la même « nourrice » depuis son placement, elle vit très bien dans son nouveau foyer
et a un attachement très important à sa nourrice. Elle va en visite chez sa mère une fois par
semaine. Son père l’emmène régulièrement pour faire certaines activités (promenade,
cinéma…). Elle a de bons résultats scolaires et présente une bonne adaptation sociale à l’école,
sans aucun trouble disciplinaire.
5. Etiologies médicales possible des douleurs thoraciques :
- Soit une cause organique avec une origine cardio-vasculaire (syndrome coronarien aigu,
dissection aortique, péricardite aigüe), pulmonaire (embolie pulmonaire, pneumopathie
infectieuse, épanchement pleural, pneumothorax spontané), abdominales irradiant vers le
thorax (cholécystite aigüe, pancréatite aigüe) ou neurologique (douleur de type radiculaire,
zona, tassement vertébral).
- Soit une cause non organique avec un contexte de stress et d’anxiété et une douleur rythmée
par ce contexte de stress avec un prodrome de symptomatologie fonctionnelle.
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6. Observations spécifiques de la communication :
La communication non verbale, définition :
Gregory Bateson, un des fondateurs de l’école Palo Alto définissait la communication
non verbale par la communication analogique. Afin de laisser s’établir cette communication
analogique le thérapeute doit être dans une attitude de « neutralité bienveillante » telle que
Freud le suggérait. « Il laisse se déposer en lui des indices qu’il perçoit consciemment ou
non.. »(C.Chiland, 1983). L’observation tient ici une place prépondérante, elle renvoie à
l’action de percevoir avec attention la réalité. Pour Pedinielli, l’observation clinique vise « à
relever des phénomènes comportementaux significatifs, de leur donner un sens en les restituant
dans la dynamique, l’histoire d’un sujet et dans le contexte ». Anne Ledoux précise que sur le
plan ontogénétique, les débuts de la communication interhumaine se sont d’abord effectués
dans le registre non verbal, et ceci par l’intermédiaire des canaux perceptifs : vue, ouïe, toucher,
sensations kinesthésiques. Il s’agit par cette observation de préciser les différents aspects
comportementaux, émotionnels et cognitifs du patient. F.Faradoni nous
éclaire par une considération des aspects vocaux qui nous renseigneront sur l’état émotionnel
du patient. L’attention sera portée sur l’intensité de la voix, son débit, les silences, les pauses
dans le discours du patient. La mimique, le regard, la gestuelle, les postures, la communication
tactile, l’investissement de l’espace, les manifestations neurovégétatives sont autant d’éléments
du registre non verbal qui fournissent des éléments de compréhension du patient.
Lors d’un bilan en médiation, tout d’abord, on observe l’attitude générale du patient
afin de percevoir par cette communication non verbale s’il paraît en vide ou en excès d’énergie.
Ensuite, l’observation se localise à la face et aux morphotypes ce qui peut permettre de déceler
une loge, un organe, une entraille, un méridien défaillant par l’association faite entre des
dysmorphysmes, une posture voire une protection tissulaire autour d’un organe. C’est par la
convergence des informations que l’hypothèse thérapeutique sera posée. Puis vient l’écoute du
motif de consultation, de l’histoire de la maladie, de son apparition chronologique et de ses
différents symptômes. L’évocation de l’historique pathologique du patient a aussi tout son
intérêt, ceci afin de percevoir l’éventuelle aggravation ou amélioration dans le temps des
différentes couches (dermique, musculaire, névralgique sur le méridien principal, au niveau de
l’entraille, de l’organe et sur la sphère psychologique).
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Arrêtons- nous un instant sur l’aspect vocal, en effet c’est ce qui frappe le plus chez
cette jeune patiente. « Les lamentations dérivent de la tristesse du métal » (Nan Jing), la voix
Ku est plaintive, mélancolique précise JM.Eyssalet. La voix de X signe le vide, elle est basse,
légère, hésitante, tremblante, brève marquée par des silences.
Le silence dans l’entretien est lourd de sens, il se doit d’être respecté afin d’en percevoir
le sens. A.Ledoux nous donne une interprétation du silence qui peut être selon elle : défensif,
agressif, « traduisant un conflit intra-psychique qui ne peut émerger … paralysant, un
sentiment d’angoisse ou de culpabilité, voire un désir agressif de rendre le clinicien
impuissant. ». De fait, le thérapeute peut se retrouver renvoyé à sa propre incapacité
d’évaluation. Cependant, cela représente également un instant fécond à une bascule cognitive.
Selon les psychologues L.Vygotski et J.Bruner, la fonction première du langage est la
communication entre pairs. E Lederlé conclue « qu’en l’absence de co- locuteurs, le besoin et
l’envie de parler n’existe pas. ». Peut-on considérer le trouble psychique de la mère de X
comme une absence ? Citons le Su Wen qui explicite le poumon : «… dans les sons, c’est le
sanglot… ». Le DSM-IV-TR décrit l’épisode dépressif majeur avec des symptômes d’humeur
dépressive (p.ex., se sent triste ou vide) et une perte de plaisir ou d’intérêt. A.Tomatis médecin
O.R.L controversé a effectué des recherches sur la réaction du fœtus à des stimuli sonores.
L’effet Tomatis avec ses trois lois, dont l’une est : « la voix ne contient que ce que l’oreille
entend » ; peut nous permettre d’envisager les silences de X comme une réaction aux troubles
maternelles. Le système auditif du fœtus est fonctionnel au dernier trimestre de la grossesse.
Celui-ci baigne dans un bruit de fond d’origine maternelle (respiration, activité cardiaque,
gastro-intestinale). Quand la mère parle à voix haute, le bébé réagirait en ralentissant son rythme
cardiaque (Labrell, 2012). Wallon définit l’individu comme social par essence et par nécessité,
le bébé fournirait aux parents les indices qui témoignent des besoins et des désirs à satisfaire.
La mère de X souffrante était en incapacité de déceler les besoins de son enfant. Aujourd’hui,
elle reste distante tactilement et garde un verbe bref, directif, manquant d’attention aux yeux de
X.
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Dans le rapport vide-plénitude, JM.Eyssalet précise que la voix faible, légère signe le
vide, il cite le Su Wen : « La voix très faible, entrecoupée est Duo Qi, une spoliation du
souffle ». C’est le poumon qui maîtrise tous les souffles, « les souffles sont le logis des Po » (Su
Wen). B.Lacourte associe les Po à la terre, au Qi, à la conception, à la mère et à la purification ;
ils se joignent au Jing pour sortir (naître) et entrer (mourir). Pour Lecanuet et Granier-Deferre
les nouveaux nés s’appuient sur des indices prosodiques (accent et durée des phonèmes) afin
de reconnaître la voix de leur mère. Dès l’âge de 3semaines, le nourrisson identifie la voix de
sa mère. Florence Labrell précise que la prosodie de l’adulte indique au bébé si l’adulte est
enclin à jouer ou pas, s’il est fâché ou pas, s’il initie l’action ou pas. Par l’attitude de sa mère et
ses symptômes dépressifs, X ne pouvait pas entrer en interaction avec sa mère. La dyade mère-
enfant n’était pas présente. Ses émotions ne recevez pas d’écho. « Les premières émotions du
nourrisson sont l’expression de son état physiologique soumis à de nombreuses stimulations
extéroceptives (chaleur, pression), intéroceptives (métaboliques) et proprioceptives….Ces
émotions primaires ont une fonction adaptative permettant d’assurer la survie car elles
provoquent des réactions immédiates de l’entourage. » (Labrell, 2012), F.Labrell conclue que
la fonction de ces émotions est de permettre une liquidation de la tension musculaire, ainsi
qu’une communication envers l’entourage. L’attitude figée, la voix faible, l’effacement naturel
et le besoin de réassurance de X peut être une conséquence de cet attachement maternel
insécure. Main (1985) a décrit différents types d’attachements (Type A : attachement secure ;
Type B : insecure évitant ; Type C : insecure ambivalent ; Type D : insecure désorganisé). Le
Type C correspond à des enfants très dépendants de leur figure d’attachement, ce qui caractérise
la patiente. Elle marque un attachement prononcée à sa nourrice et c’est d’une séparation avec
elle qu’elle angoisse. Son angoisse porte sur l’éventualité de repartir vivre chez sa mère. Mère
qui a ses yeux ne peut lui donner un environnement sécurisant et favorable à son
épanouissement.
Zheng Zhong en chinois signifie l’angoisse. Zheng se définit par : troublé, agité, effrayé,
nerveux ; Zhong par une asthénie marquée par une dépression, une nervosité, des palpitations.
En français l’angoisse tire son étymologie du mot latin angustia : serrement du cœur. B.Lacourte
redéfinit le sens de ces mots : « L’angoisse c’est le resserrement du cœur, par manque d’amour
et de tendresse reçus ; le cœur ne se dilate plus, l’être est sans joie. » Les douleurs thoraciques
de X existent uniquement en prévision d’une rencontre maternelle. « Le rôle de la mère étant
d’apporter au bébé la sécurité nécessaire pour qu’il puisse suivre son père dans une ouverture
aux autres et au monde.» (Baudier, Céleste, 2002). Cette figure sécurisante est
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aujourd’hui représentée par la nourrice, une séparation éventuelle qu’elle soit courte ou pas est
source d’angoisse pour X.
7. Raisonnement MSK :
La peur (les reins en mtc) et la peur de la mort (le poumon en mtc) sont des émotions
conscientes et inconscientes exprimées par X. La présence d’un vide de l’organe poumon en
mtc peut être une réminiscence de l’épisode dépressif maternel. Il signe également un état
dépressif passager chez cette jeune patiente caractérisé par la tristesse liée à la séparation
temporaire d’avec sa nourrice. Cette nourrice est une figure d’attachement pour elle, F.Labrell
nous indique qu’aujourd’hui on parle d’attachements multiples. J. Bowlby considère que
l’origine de l’attachement est innée et qu’il constitue un besoin primaire pour l’enfant.
B.Cyrulnik qualifierait cette nourrice de tutrice de résilience. Le teint blanchâtre et la voix faible
de la patiente nous oriente également vers cette loge Métal. Elle présente aussi une certaine
solitude dans sa problématique : « tu ne peux pas comprendre » est la phrase qu’elle répète à sa
nourrice lors de ses obligations à aller voir sa mère. Une certaine retenue caractérise X, dans le
verbe ainsi que dans l’attitude qui se veut discrète. Le 10 P point Rong est celui que préconise
B.Lacourte pour l’angoisse lors d’une absence d’expansion. Quant à G.Soulié de Morant il
définit l’insuffisance de Po comme : « émotivité, esprit tremblant, peur, angoisse ».
Le besoin de se reposer sur autrui, associé à la rumination mentale et la difficulté d’un
passage à l’acte nous amèneront à explorer également la loge Terre. D’autant que mettre la
pression sur cette jeune patiente par une rationalité n’a jusqu’alors pas eu de résultat. « La terre
au centre, reçoit les semences et donne les récoltes. C’est le lieu de vie » (Kespi, 2002)
Enfin, les peurs sont très présentes chez cette jeune patiente, avec un problème de
reconnaissance et de territoire évident du fait de l’éloignement de sa famille. Le seul lieu de
reconnaissance est pour X l’habitat de sa nourrice. Ce foyer devient alors source de protection.
Harlow par ses expériences avec de jeunes singes a démontré que le besoin affectif entre la
mère et son petit prime sur le besoin de s’alimenter. Il observe également que l’isolement social
pendant une certaine durée amène à des conduites perturbées. « Si le nourrisson pendant la
première année est en train de développer un Moi, nous pourrons dire qu’il possède un Moi
rudimentaire qui est complété par un représentatif externe du Moi qui est la mère » (Spitz,
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1948). L.Bensalah explicite cette citation à tendance psychanalytique en précisant
que : « l’enfant, privé de sa mère présenterait des troubles lors de la mise en place de la
relation objectale (stade anobjectal, de la naissance à 2 mois : plaisir est synonyme de quiétude ;
stade préobjectal, de 2 à 6 mois : premiers signes de l’activité de la pensée, les besoins
instinctuels ne sont plus exclusifs ; stade objectal, de 6 à 10-12 mois : perception de la mère
comme un objet total et reconnaissance de visages inconnus synonymes d’un éventuel abandon
par l’absence de visibilité de la mère.(L.Bensalah 2012) ), ainsi que des troubles
psychosomatiques ». C.Larre cite Zhang Zhicong pour expliquer la peur qui atteint les
essences : « Les essences du Feu font les Esprits ; les essences de l’Eau font le Vouloir. Ce dont
on a parlé : Hun, Po, Vouloir, Propos, tout cela s’enracine dans les essences et les Esprits du
cœur et des reins pour être produit. C’est pourquoi appréhension et anxiété, soucis et
préoccupation portent atteinte aux Esprits ». Pour C.Larre : « On ne saurait dire plus
clairement que cœur et reins sont atteints ; que peur et crainte ont ébranlé les assises de
l’être.. ».
Un passage du chapitre 39 du Suwen que l’on retrouve dans « Les mouvements du
cœur » nous permet d’établir clairement le lien entre les angoisses de X et ses oppressions
thoraciques : « Quand il y a peur, les essences se replient ; se repliant, alors le réchauffeur
supérieur se ferme ; se fermant, alors les souffles s’en retournent ; s’en retournant, alors le
réchauffeur supérieur est gonflé. C’est ainsi que les souffles ne circulent pas »
8. Proposition de Traitement :
Le traitement en médiation sino-kinétique va être axé sur ce vide de Rein. Tuina : frotter,
moxa, travail d’intention sur le méridien du rein, pression sur le 6 Rn (YinQuiaomai) qui
correspond entre autre à l’enracinement en terre pour JM.Kespi et sur le 1 Rn. L’énergie est
bloquée en haut lors de ces épisodes d’angoisses, je recherche donc à stimuler en priorité des
points au niveau des membres inférieurs. Le travail d’équilibrage shu/mu pour la patiente s’est
naturellement porté au niveau des points Vessie, « Terre des Reins » (Kespi, 2002).
La libération de son thorax est aussi une priorité, X présente un hémi thorax droit bloqué. Un
travail de chromathérapie associé aux techniques de médiation permet une libération de ce
thorax inférieur. Cela sera complété par les techniques de réalignement des trois réchauffeurs
en position assise.
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X a également un crâne en tension, notamment la zone du lobe frontal. Les techniques
de médiation type couronne du roi ou pieuvre libère ces tensions. J’y associe un travail de ré
harmonisation globale du crâne, avec des points d’appui sur les 8 et 1 Estomac par les pouces
et les index, les paumes de main englobant les deux hémifaces et les lobes pariétaux.
Par ailleurs, je conseille à la patiente des exercices respiratoires réguliers, à un rythme
d’au moins une fois par jour. Elle pourra le faire guidée par un CD de pleine conscience élaboré
par E.Snel : « calme et attentif comme une grenouille ». « Percevoir plutôt que de penser », A.
Comte Sponville à propos de la pleine conscience. E.Snel décrit son expérience avec sa fille
qui n’arrivait pas à trouver le sommeil. Elle lui demandait de porter son attention sur son ventre,
là où il n’y avait pas de pensées. « Essayer de remédier aux fautes par l’attention et non par la
volonté […] Quoi de plus sot que de raidir les muscles et serrer les mâchoires à propos de
vertu, de poésie ou de solution d’un problème. »( S.Weil, 1988). Il s’agit ici pour X de « lâcher »
sur ses ruminations et cette peur du pire qu’est de devoir retourner chez sa mère de façon
définitive.
J’associe également un travail d’intention sur le méridien du poumon, en maintenant les
1P et 11P. « Dans les douleurs précordiales avec seulement le souffle court au point de ne pas
pouvoir respirer, on puncture le tai yin de la main »(Milsky,Andrès, 1999). « Tai yin est mère,
accueil et réceptivité. Il est en relation avec Poumon et rate, schématiquement, respiration et
alimentation » (Kespi, 2002).
9. Résultats :
A ce jour, après 5 séances à intervalle d’un mois, l’oppression thoracique de X reste
présente avant les séjours chez sa mère. L’intensité est moins forte. Cependant la « nourrice »
de X me signale que depuis 2 mois, X est moins tendue au quotidien. Elle se libère un peu plus,
se permet un peu plus. Une certaine extériorisation se remarque dans son comportement.
Afin d’objectiver les résultats des soins, je propose à X de me préciser sur une échelle
d’évaluation le niveau de tension thoracique qu’elle ressent à l’approche de ces rencontres
maternelles. Elle place le cursus à 5-6. En se projetant dans la période de fin d’année,
l’évaluation est à 8-9. Cette amélioration est à relativiser, sachant que la période de noël est
synonyme de rencontres plus longues chez sa mère. A ce jour, après 6 séances sur un intervalle
de 10 mois, l’évaluation est à 3-4 concernant les oppressions thoraciques. Celles-ci se
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manifestent en fin de journée au domicile maternel. X assume et exprime de plus en plus à sa
mère son refus de passer plus de temps avec elle.
10. Glossaire
Hun : les âmes spirituelles. «Les esprits de la Terre, animés du mouvement des nuages ». On
parle des « allées et venues » des Hun. Ils correspondent à la verticalité. A la mort, ils retournent
au ciel.
Jing : les essences. « Au grain de riz qui éclate et se décompose, on ajoute ici, le verdoiement
». Substance pure qui soutient et nourrit la vie organique. Avec une partie originelle, « deux
êtres s’empoignent, un être est conçu »; et une partie acquise par l’alimentation.
Po : les âmes sensitives. « Les esprits de la Terre, animés du mouvement de la blancheur ».
Blancheur en opposition au verdoiement. Le blanc correspond à l’Automne, à l’Ouest, à
l’élément Métal… On parle des « entrées et sorties » des Po. Ils correspondent à l’horizontalité.
A la mort, ils retournent à la terre.
Qi : les souffles. « Le grain de céréale qui éclate sous l’effet de la cuisson ou de la digestion,
produit le dégagement d’une vapeur qui s’élève en accumulation ». Anime et fait vivre tout ce
qui existe.
Shen : les esprits. « L’expression alternante des forces naturelles se déroule sous l’autorité des
influences venant d’en haut ». Peut être traduit par conscience. « Le ciel pénètre et instruit ainsi
l’homme. Ils nous conduisent, nous gardent et nous devons les garder ».
Taiying : méridien yin, est « mère, accueil et réceptivité ». Lui correspond la respiration et
l’alimentation. Il est en relation avec poumon et rate.
Triple réchauffeur : gère les nutritions : alimentaires, respiratoires, affectives, intellectuelles,
spirituelles… Le triple réchauffeur supérieur reçoit l’alimentation ingérée et l’air inspiré.
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Thoracique, il est dit protéger le poumon et le cœur. Il met en circulation pour tiédir et nourrir
tout le corps.
« Xin Xu : Le cœur est vide quand il est capable de tout recevoir, accepter, considérer, parce
qu’il n’est pas fixé, arrêté sur une idée, un être, un désir. Ne rien exclure de ce qui existe permet
de ne pas s’émouvoir exagérément et de réagir juste. » (C. Larre et E. Rochat de la Vallée,
1992)
Angoisse : se définie par une sensation de constriction dans la région épigastrique avec
difficulté respiratoire et tristesse. Du latin angustia : étroitesse, lieu étroit, défilé.
DSM: Diagnostic and Statistical manual of Mental disorders. A pour objectif de classer et de
catégoriser les troubles mentaux dans une approche athéorique.
Dyade mère-enfant : On se réfère à la mère pour désigner le pôle adulte de la dyade, pourvu
que la composition de cette dyade présente les caractéristiques de proximité affective et de
stabilité qui permettent l’établissement des routines interactives.
Interaction : « le terme interaction fait référence à l’articulation des conduites de deux
congénères mis physiquement en présence l’un de l’autre. » (Deleau, 1990) Les situations de
communications constituent un sous-ensemble des situations interactives.
Le déni : désigne le mode de défense qui consiste en un refus par le sujet de reconnaître la
réalité d’une perception traumatique.
Le moi : issu de la deuxième topique (1923) de Freud. Il est le médiateur entre les exigences
pulsionnelles du ça, le monde extérieur et les contraintes du Surmoi. Le Moi représente « la
raison et la sagesse » alors que le ça est dominé par les passions.
Le syndrome dépressif : est caractérisé par l’altération de l’humeur, le ralentissement
psychomoteur et les signes somatiques. A cette triade symptomatologique s’associent parfois
des manifestations anxieuses ou délirantes. (Grebot, 2002)
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Prosodie : Partie de la phonétique qui étudie l’intonation, l’accentuation, les tons, le rythme, les
pauses, la durée des phonèmes.
Résilience : du latin resilire « sauter en arrière, rebondir, rejaillir ». Ce terme est employé en
physique, « qui présente une résistance aux chocs élevés ».
Routines interactives : « situations très limitées dans le temps, fortement contraintes autour d’un
enchaînement d’actes avec ou sans objet, qui présentent un caractère répétitif à court et moyen
terme, ainsi qu’un aspect ludique. » (Deleau, 1985)
Ruminations: « faire longuement et obstinément repasser dans son esprit les mêmes choses ».
Correspondent à un mode d’évitement, elles représentent une action virtuelle.
Topique : étudie les différents « lieux » de l’appareil psychique et leurs rapports. (Du grec
topos : lieu)
« Dans le domaine de l’intelligence, la vertu d’humilité n’est pas autre chose que le pouvoir
d’attention » (S.Weil, la pesanteur et la grâce, 1947)
11. Bibliographie :
André, C. (2011). Méditer jour après jour. Paris: L'iconoclaste.
Baudier, A., & Céleste, B. (1990). Le développement affectif et social du jeune enfant. Paris: Nathan
université.
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Bensalah, L. (2012). Développement de l'enfant de la naissance à 11-12 ans. Reims: Sépad.
C.Larre, E. d. (2005). Les mouvements du coeur. Paris: Desclée de Brouwer.
Chiland, C. (2008). L'entretien clinique. Paris: PUF.
Comte Sponville, A. (2010, Juillet, Aout). Méditer. Le monde des religions, p. 82.
Delamer, W. (2012). La médiation sinokinétique, supports de cours. Cambrai.
Eyssalet, J.-M. (1984, Janvier.Février.Mars). Ecouter-Sentir. revue française d'acupuncture, pp. 35-51.
Faradoni, F. (2011). Méthodologie clinique. Reims: Sépad.
Huangfu, M. (1999, Octobre.Novembre.Décembre). Zhen jiu jia yi jing, traduction de C.Milsky et
G.Andrès. revue française d'acupuncture, pp. 51-57.
Kespi, J.-M. (2002). L'homme et ses symboles en médecine traditionnelle chinoise. Paris: Albin Michel.
Labrell, F. (2012). Le développement de l'enfant de 0 à 6 ans. Reims: Sépad.
Lacourte, B. (1984, Janvier.Février.Mars). Angoisse. Revue française d'acupuncture, pp. 31-34.
Lacourte, B. (1984, Octobre.Novembre.Décembre). Coeur et Shen. revue française d'acupuncture, pp.
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