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1 Observatoire de l’Action Gouvernementale, asbl Siège social: Bujumbura - Burundi B.P: 3113 Bujumbura Tél: 21 8820 E-mail : [email protected] Site Web: www.oag.bi Analyse du fonctionnement de l’Institution de l’Ombudsman au Burundi Bujumbura, juin 2011

Observatoire de l’Action Gouvernementale, asbl - Burundi · institution d’Ombudsman au Burundi. L’analyse des textes régissant le fonctionnement de l’institution de l’Ombudsman

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1

Observatoire de l’Action Gouvernementale, asbl

Siège social: Bujumbura - Burundi B.P: 3113 Bujumbura Tél: 21 8820

E-mail : [email protected] Site Web: www.oag.bi

Analyse du fonctionnement de l’Institution

de l’Ombudsman au Burundi

Bujumbura, juin 2011

2

Remerciements

Aux termes de la présente analyse, l’Observatoire de l’Action Gouvernementale tient à remercier le consultant, Monsieur DWIMA Fulgence BAKANA pour son apport très précieux dans l’élaboration de l’analyse sur le fonctionnement de l’Institution de l’Ombudsman au Burundi en vue de contribuer à la promotion de la bonne gouvernance en général et à la protection et à la défense des droits des citoyens en particulier.

Ses remerciements vont également à l’endroit des membres du comité de Pilotage et de lecture dont

les noms suivent :

Madame Floride AHITUNGIYE, Membre du Bureau de l’Observatoire de l’Action Gouvernementale ;

Monsieur Etienne NYAHOZA, Membre de l’Observatoire de l’Action Gouvernementale ;

Monsieur Melchior NDAYIMIRIJE, Secrétaire Exécutif de l’Observatoire de l’Action Gouvernementale ;

Monsieur Frédéric BAMVUNGINYUMVIRA, Lecteur critique Indépendant;

Maître Isidore RUFYIKIRI, Lecteur critique Indépendant.

Ses remerciements vont enfin à l’endroit de l’ONG « Développement et Paix» pour son appui financier

qui a permis de réaliser ce travail.

3

Table des matières

Matière………………………………………………………………………………………………

Page

Remerciements ………………………………………………………………………………. ....... 2 Table des matières ………………………………………………………………………………… 3 Résumé exécutif…………………………………………………………………………………….. 6 0.

Introduction…………………………………………………………………………………………

11

0.1. Contexte…………………………………………………………………………………………….. 11 0.2. Objectifs du rapport………………………………………………………………………………… 12 0.3. Méthodologie de travail et articulation du rapport……………………………………………….. 13 1.

Bref aperçu historique de l’Institution de l’Ombudsman, à l’étranger et au Burundi…

13

2.

Justification de l’Institution de l’Ombudsman au Burundi………………………………...

14

3.

Missions de l’Ombudsman et champ d’intervention juridiquement encadré…………..

15

3.1. Missions…………………………………………………………………………………………….. 15 3.1.1. Les fautes de gestion………………………………………………………………………………. 16 a. De la définition de la faute de gestion en droit positif burundais……………………………… 16 b. De la responsabilité pour faute de gestion………………………………………………………. 18 c. Des organes compétents pour connaître des fautes de gestion……………………………… 18 d. De la sanction actuelle inefficace des fautes de gestion………………………………………. 18 3.1.2. Les violations des droits des citoyens……………………………………………………………. 19 3.1.3. La médiation entre l’Administration et les citoyens d’une part, entre les ministères et

l’Administration d’autre part……………………………………………………………………….. 19

a. De l’omission d’une partie des missions de l’Ombudsman……………………………………. 19 b. De la limitation des missions de l’Ombudsman………………………………………………… 20 3.1.4. L’observation du fonctionnement de l’Administration publique………………………………... 20 3.1.5. Le pouvoir de saisir la Cour Constitutionnelle : pouvoir et mission…………………………… 20 3.1.6. La participation à toute action de conciliation entre l’Administration publique, les forces

sociales et professionnelles………………………………………………………………………. 20

3.1.7. Les missions spéciales de rapprochement et de réconciliation sur des questions générales et concernant les relations entre les forces politiques et sociales………………...

21

3.1.8. Les missions particulières relatives aux questions de réconciliation et de paix au niveau régional ou international……………………………………………………………………………

21

3.1.9. L’engagement de lutter contre la corruption en l’absence d’une mission spécifique clairement attribuée par la loi……………………………………………………………………...

22

3.1.10. La saisine du Conseil Supérieur de la Magistrature concernant le comportement professionnel des magistrats : une mission oubliée……………………………………………

23

3.2. Du champ d’intervention de l’Ombudsman juridiquement encadré…………………………… 23 4.

Organisation de l’Institution de l’Ombudsman déterminée par la loi……………………

23

4.1. Une loi silencieuse sur la question de l’organisation de l’Institution de l’Ombudsman……... 23 4.2. Le Règlement Intérieur et la tentative d’organisation du service de l’Ombudsman………… 24 4.2.1. De l’objet du Règlement d’Ordre Intérieur……………………………………………………….. 24 4.2.2. Des structures de l’Ombudsman : composition et missions…………………………………… 25 4.2.3. De la nécessité d’amélioration de la présentation de l’organigramme ……………………… 28

4

a. Présentation simplifiée (extrait du ROI)………………………………………………………… 28 b. Observations……………………………………………………………………………………….. 28 c. Proposition d’amélioration des structures de l’Ombudsman…………………………………… 29 5.

Fonctionnement de l’Institution de l’Ombudsman…………………………………………..

30

5.1. De la procédure applicable devant l’Institution de l’Ombudsman……………………………... 31 5.1.1. Modalités de saisine de l’Ombudsman………………………………………………………….. 31 a. La saisine de l’Ombudsman en matière de faute de gestion et de violation des droits des

citoyens……………………………………………………………………………………………… 31

b. La saisine de l’Ombudsman en matière de médiation entre l’Administration et les citoyens. 32 c. La saisine de l’Ombudsman en matière de conciliation………………………………………. 32 d. La saisine de l’Ombudsman en matière de rapprochement et de réconciliation sur des

questions générales concernant les relations avec les forces politiques et sociales………. 33

e. La saisine de l’Ombudsman pour des missions particulières relatives aux questions de réconciliation et de paix au niveau régional ou international…………………………………

33

f. L’auto-saisine de l’Ombudsman………………………………………………………………….. 33 5.1.2. Conditions de recevabilité des plaintes………………………………………………………….. 33 a. Des cas de refus facultatif de traiter les réclamations………………………………………….. 34 b. Des cas de refus obligatoire de traiter les réclamations et effets des recours juridictionnels

ou administratifs sur la recevabilité et le traitement des plaintes…………………………….. 34

5.1.3. Actes d’instruction des plaintes en matière de fautes de gestion et de violation des droits des citoyens………………………………………………………………………………………….

38

a. Des principes d’instruction retenus par la loi……………………………………………………. 38 b. Des phases d’instructions des plaintes arrêtées par le Règlement d’Ordre Intérieur………. 38 5.1.4. Assistance à l’Ombudsman dans l’accomplissement de sa mission…………………………. 39 a. L’Ombudsman, les Ministres et autorités publiques……………………………………………. 40 b. L’Ombudsman et la Cour des comptes………………………………………………………….. 40 c. L’Ombudsman, l’Inspection Générale de l’Etat et les inspections générales ministérielles... 41 d. L’Ombudsman et la Brigade Spéciale Anti-Corruption………………………………………… 41 e. L’Ombudsman et le Ministère de la Bonne Gouvernance…………………………………… 41 5.1.5. Aide de l’Ombudsman au Procureur Général de la République et aux autorités

administratives dans l’identification des actes portant atteinte à l’ordre social……………… 42

5.1.6. L’Ombudsman et la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme : complémentarité ou risque de conflits de compétence…………………………………………

42

5.1.7. Pouvoirs de l’Ombudsman………………………………………………………………………… 43 5.2. De la notification et de la portée des décisions de l’Ombudsman…………………………….. 43 5.2.1. De la notification des décisions de l’Ombudsman………………………………………………. 43 5.2.2. De la triple portée juridique, morale et politique des décisions de l’Ombudsman…………… 44 5.3. Des communications aux Pouvoirs Publics et leur publicité…………………………………. 44 5.3.1. De la nature des communications………………………………………………………………… 44 5.3.2. De la publicité des communications……………………………………………………………… 45 5.4. Des moyens budgétaires de fonctionnement des services de l’Ombudsman……………….. 45 5.4.1. De l’absence d’une disposition consacrant l’indispensable autonomie de gestion

administrative, budgétaire et financière de l’Ombudsman……………………………………... 45

5.4.2. De la justification du contrôle du compte de gestion de l’Ombudsman………………………. 46 6.

Statut de l’Ombudsman et son personnel……………………………………………………

46

6.1. Du statut de l’Ombudsman fixé par la loi………………………………………………………… 47 6.2. Du statut du personnel délégué entièrement à la compétence de l’Ombudsman en

concertation avec le Bureau de l’Assemblée Nationale ……………………………………….. 47

5

6.3. Des évaluations professionnelles des activités de l’Ombudsman…………………………….. 49 6.3.1. De l’évaluation interne……………………………………………………………………………… 49 6.3.2. De l’évaluation de la population des services offerts…………………………………………… 49 7.

Forces, faiblesses, opportunités et menaces ou risques liés au fonctionnement de l’Institution de l’Ombudsman……………………………………………………………………

50

7.1. Du bilan de la situation…………………………………………………………………………….. 50 7.2. Des commentaires………………………………………………………………………………… 51 8.

L’Ombudsman en action à l’épreuve des attentes des citoyens liées au dysfonctionnement des services publics……………………………………………………..

51

8.1. Des attentes des citoyens sur l’indépendance de l’Ombudsman d’une part et au regard de l’effectivité de ses missions………………………………………………………………………..

51

8.1.1. Des attentes contrariées sur l’indépendance de l’Institution de l’Ombudsman……………… 52 8.1.2. Des attentes des citoyens sur l’éradication des fautes de gestion……………………………. 53 8.1.3. Des attentes en matière de violation des droits des citoyens………………………………… 53 8.1.4. Des attentes en matière de médiation entre l’Administration publique et les citoyens……... 54 8.2. L’Ombudsman en action…………………………………………………………………………… 54 8.2.1. Des activités administratives d’installation de l’Ombudsman………………………………….. 54 a. Des activités réalisées…………………………………………………………………………….. 54 b. Des activités en cours de réalisation…………………………………………………………….. 55 8.2.2. Des activités d’exécution des missions de l’Ombudsman……………………………………. 55 9.

Conclusions et propositions…………………………………………………………………….

57

9.1. Conclusions………………………………………………………………………………………….. 57 9.2. Propositions…………………………………………………………………………………………. 59 Bibliographie…………………………………………………………………………………………. 62

Annexe unique : Représentation schématique du guide du plaignant…………………..

64

6

Résumé exécutif

L’institution de l’Ombudsman, empruntée de l’étranger comme son nom l’indique, est nouvelle dans le

paysage politique et institutionnel du Burundi.

La préconisation de sa mise en place découle de la volonté des négociateurs d’Arusha qui entendaient

restaurer la bonne gouvernance politique, économique et financière, le respect des droits de l’Homme

et une administration respectueuse des valeurs démocratiques et d’un Etat de droit véritable.

Le retard mis dans sa mise en place effective depuis 2005, année des institutions post-transition dont

l’Ombudsman fait partie, ne trouve pas d’explication pertinente. Elle est à rechercher dans des

spéculations politiques en totale contradiction avec les attentes des citoyens à l’endroit de cette

institution. Son rôle cardinal dans l’émergence d’une culture démocratique et d’un Etat de droit

commandait sa mise en place immédiate dès le début de la première législature post-transition. Ce ne

fut malheureusement pas le cas.

Sur base de l’Accord d’Arusha et de la Constitution du 18 mars 2005, la loi n°1/03 du 25 janvier 2010

portant organisation et fonctionnement de l’Ombudsman fut promulguée.

Le 12 novembre 2010, l’Ombudsman fut élu par le Parlement. Il prêta serment le 23 novembre 2010. Le

21 janvier 2011, il arrêta son règlement d’ordre intérieur et procéda le même jour au recrutement de son

personnel d’appui. Le 11 février 2011, il lança officiellement le début de ses activités. Depuis lors,

l’institution de l’Ombudsman burundais est action et tente de répondre aux attentes multiples des

citoyens qui ne cessent de le solliciter.

L’Observatoire de l’Action Gouvernementale, O.A.G. en sigle, en initiant ce rapport, poursuit un objectif

global de contribuer à l’amélioration du fonctionnement de cette institution et à la satisfaction des

attentes des citoyens à son endroit. De manière plus spécifique, les objectifs poursuivis consistent à :

- Faire une analyse approfondie des textes régissant le fonctionnement de l’Ombudsman ;

- Dégager les forces, les faiblesses et les opportunités du fonctionnement de l’institution

d’Ombudsman ;

- Evaluer les risques liés au fonctionnement de l’institution d’Ombudsman ;

- Relever les attentes des citoyens à l’endroit de l’institution de l’Ombudsman ;

- Faire des propositions de solutions concrètes en vue d’un meilleur fonctionnement de cette

institution d’Ombudsman au Burundi.

L’analyse des textes régissant le fonctionnement de l’institution de l’Ombudsman révèle les

constats majeurs suivants :

1. L’omission par la loi d’une mission fixée par l’Accord d’Arusha et la Constitution, à savoir le

pouvoir que ces derniers confiaient à l’Ombudsman de saisir le Conseil supérieur de la

magistrature concernant le comportement professionnel des magistrats.

7

2. L’omission par la loi d’une mission fixée par l’Accord d’Arusha et la Constitution, à savoir la

médiation entre les ministères et l’Administration publique.

3. L’inexistence dans la loi des dispositions portant organisation de l’institution de l’Ombudsman.

4. Le mauvais agencement des dispositions régissant le statut de l’Ombudsman qu’on retrouve à

travers les différents chapitres de la loi.

5. L’inexistence des dispositions régissant le statut du personnel de l’Ombudsman et la délégation

de cette compétence à l’Ombudsman et au Bureau de l’Assemblée nationale ; ce qui n’est pas

techniquement et constitutionnellement judicieux parce que les principes statutaires ne

peuvent être réglés que par la loi d’autant plus qu’un acte de l’Ombudsman ne saurait déroger

à d’autres lois notamment en ce qui concerne la question du détachement de son personnel. Le

statut de l’Ombudsman ne comporte pas non plus de dispositions lui interdisant des activités

politiques.

6. La procédure suivie devant l’Ombudsman n’est pas suffisamment étoffée. La saisine demeure

individuelle alors que des associations ou groupes de personnes peuvent être intéressés par

les missions de l’institution. La procédure en matière de médiation n’a pas été réglée ne serait-

ce que partiellement.

7. La forme des actes de l’Ombudsman n’a pas été précisée par la loi.

8. Sur la compétence de l’Ombudsman en matière de fautes de gestion, la loi n’a pas tenu compte

des lois existantes notamment la loi organique relative aux finances publiques promulguée le 4

décembre 2008 qui confère des missions précises au Ministre des Finances et à la Cour des

comptes. Bien plus, l’absence de définition des fautes de gestion a conduit à une dérive où

l’Ombudsman pense être compétent pour lutter contre la corruption alors qu’il n’a pas de place

dans le dispositif institutionnel mis en place en 2006 par la loi régissant la prévention et la

répression de la corruption et des autres infractions connexes.

9. L’absence des dispositions régissant la collaboration entre l’Ombudsman et la Commission

Nationale Indépendance des Droits de l’Homme (CNIDH).

10. Le règlement d’ordre intérieur de l’institution de l’Ombudsman règle des questions qui ne sont pas de sa compétence notamment l’organisation et le statut du personnel, questions non

traitées préalablement par la loi.

11. Le statut du personnel délégué à la compétence de l’Ombudsman et du Bureau de l’Assemblée nationale n’a pas encore vu le jour alors qu’il devait précéder son recrutement.

Après avoir fait l’état des lieux aussi bien sur les textes fondateurs de l’institution de l’Ombudsman que

sur son fonctionnement depuis le démarrage de ses activités, le rapport dresse le bilan de ses forces et

faiblesses ainsi que des opportunités et risques liés à son fonctionnement.

Sur les forces, le rapport relève (i) le fondement constitutionnel de l’institution de l’Ombudsman, (ii)

l’indépendance décisionnelle et structurelle assurée par les textes, (iii) le statut privilégié de

l’Ombudsman et sa visibilité assurée dans le paysage politique et institutionnel, (iv) la légitimité

8

conférée par le mode de son recrutement par le Parlement et (v) l’autonomie de gestion administrative,

budgétaire et financière dont jouit l’institution.

Sur les faiblesses, le rapport note (i) les textes lacunaires ou confus sur l’organisation, les procédures

et le statut du personnel, (ii) l’absence de transparence dans le recrutement de son personnel, (iii) le

mandat politique du personnel de l’Ombudsman qui a pour conséquence l’instabilité et discrédite

socialement l’institution, (iv) l’absence de moyens humains propres pour exercer la mission en rapport

avec les fautes de gestion et (v) l’absence d’une stratégie de communication efficace sur les missions et

le rôle de l’institution.

Sur les opportunités, le rapport dégage (i) les réformes du secteur de la justice et de l’Administration

publique en cours, (ii) les réformes de la gestion publique en cours, (iii) l’ouverture vers l’extérieur à

travers le réseau international des Ombudsmans qui assure le partage d’expérience en matière de

formation et (iv) la vitalité et l’éveil de la société civile et des médias.

Sur les risques, le rapport mentionne (i) l’absence de confiance suffisante de la part des citoyens, de la

société civile et de l’Administration publique, (ii) l’absence de mécanismes de collaboration avec la

CNIDH, (iii) l’ambiguïté des mécanismes de l’assistance des corps de contrôle et d’inspection et (iv)

l’énormité de la tâche due aux défaillances du fonctionnement de l’Administration publique et du service

judiciaire.

Les attentes des citoyens ont été relevées au regard de chaque mission, c’est-à-dire en matière de

fautes de gestion, de violation des droits des citoyens et de médiation entre l’Administration publique et

les citoyens d’une part et les ministères et l’Administration publique d’autre part.

Le rapport constate en premier lieu la déception des attentes sur les modalités de désignation de

l’Ombudsman. En effet, d’aucuns ont pu mentionner l’absence de transparence et d’objectivité dans la

mise en place de l’institution et ce, au regard non seulement des missions à exercer mais aussi de

l’indépendance et l’impartialité qui doivent caractériser la personne appelée à l’incarner.

Sur les deux premières missions en rapport avec les fautes de gestion et la violation des droits des

citoyens, le rapport constate l’existence des attentes accrues compte tenu de la situation actuelle de

gouvernance économique et financière d’une part et de violations constantes des droits de l’Homme

consécutives non seulement aux élections mais aussi à l’Etat de droit non encore suffisamment

consolidé dans le pays d’autre part. Le rapport regrette l’absence d’une stratégie de communication sur

les missions et le rôle de l’institution pour rendre effectifs leur exercice.

Par contre, sur la mission de médiation, le rapport relève les premières manifestations d’intérêt à saisir

l’Ombudsman non pas seulement à titre individuel comme le préconisent la loi et le règlement d’ordre

intérieur, mais par des associations et groupes de personnes s’estimant individuellement et

collectivement lésées par des actes de l’Administration. En l’absence des dispositions autorisant pareille

forme de saisine, le rapport salue la méthodologie empirique adoptée par l’Ombudsman qui ne s’est pas

enfermé dans le juridisme individualiste né certainement de l’emprunt extérieur de l’institution.

Toutefois, le rapport estime que cela est révélateur de lacunes graves de la loi qui doivent être

corrigées par le législateur sans tarder afin que l’institution dispose des moyens juridiques adéquats

pour son bon fonctionnement.

9

Face à ces observations, le rapport recommande ce qui suit :

Au Parlement :

1. Adopter une nouvelle loi portant organisation et fonctionnement de l’Ombudsman.

Cette nouvelle loi doit corriger les lacunes observées dans la loi en vigueur, en la complétant sur des

questions relatives à l’organisation de l’institution, en réorganisant les dispositions mal agencées dans

la loi en vigueur et en fixant les principes devant régir le statut du personnel de l’Ombudsman qui ne

peuvent être délégués à la compétence de ce dernier et prévoir que le statut pécuniaire sera réglé par

décret sur proposition de l’Ombudsman et après approbation du Bureau de l’Assemblée Nationale.

Les dispositions relatives à l’organisation doivent arrêter les structures nécessaires à l’exécution des

missions de l’Ombudsman et définir leurs missions respectives.

La mission de saisine du Conseil supérieur de la magistrature concernant le comportement

professionnel des magistrats lui dévolue en application de l’Accord d’Arusha et la Constitution doit être

réaffirmée par la nouvelle loi autant que celle régissant ce Conseil l’a déjà fait.

Les dispositions relatives à la procédure applicable devant l’Ombudsman doivent être étoffées et

insérées dans la loi sous un intitulé précis.

La loi doit aussi prévoir une disposition qui accorde expressément « l’autonomie de gestion

administrative, budgétaire et financière » à l’Ombudsman.

Concernant les relations de collaboration entre l’Ombudsman, la Cour des comptes et le Ministre des

Finances sur la compétence commune en matière des fautes de gestion, la nouvelle loi doit tenir

compte de la loi organique relative aux finances publiques.

De même, des dispositions particulières doivent être prises pour régler la question de collaboration

entre la CNIDH et l’Ombudsman sur leur compétence commune en matière de protection des droits de

l’homme en tenant compte des spécificités de chacune de ces deux institutions.

La loi doit interdire formellement à l’Ombudsman toute activité, démonstration ou occupation politiques

au cours de son mandat.

Elle doit, enfin, préciser la forme de ses actes. La forme d’arrêt utilisée pour l’acte de nomination de son personnel ne paraît pas adéquate.

2. Requérir les avis de l’Ombudsman, de la Cour des comptes, de la CNIDH et de la société civile sur la nouvelle loi avant son adoption.

3. Accorder les moyens budgétaires suffisants pour le bon fonctionnement de l’Ombudsman et mettre

en place un comité de députés chargé de veiller à leur bonne utilisation.

4. Respecter l’indépendance de l’Ombudsman.

Au Gouvernement :

10

1. Prendre les mesures nécessaires pour qu’une nouvelle loi portant organisation et fonctionnement

de l’Ombudsman soit préparée, adoptée et promulguée.

2. Prendre les textes d’application qui auront été prévus par la nouvelle loi dans les meilleurs délais.

3. Poursuivre les réformes dans l’Administration publique et le service judiciaire ainsi qu’en matière

comptable, budgétaire et financière afin de créer un environnement favorable au travail de

l’Ombudsman.

4. Respecter l’indépendance de l’Ombudsman.

A l’Ombudsman :

1. Prendre l’initiative de la préparation des avant- projets/propositions de la nouvelle loi régissant son

organisation et son fonctionnement et de ses textes réglementaires d’application.

2. Adopter un règlement d’ordre intérieur conforme à la nouvelle loi se limitant aux seules questions

qui relèvent habituellement d’un règlement intérieur.

3. Retirer la mission attribuée à son Cabinet de « concevoir la politique générale de l’institution » et la

confier au Bureau Exécutif.

4. Créer un service spécifique chargé des questions de médiation au sein du département de

médiation, d’éducation civique et de communication.

5. Ne pas faire participer l’auditeur interne dans des missions de conception de la politique générale

de l’institution pour qu’il se consacre aux activités de contrôle et ainsi lui éviter tout conflit d’intérêt.

6. Respecter les principes d’objectivité et de transparence dans le recrutement de son personnel de

manière à assurer la crédibilité et la stabilité de l’institution.

7. Adopter les manuels des procédures nécessaires à son bon fonctionnement.

8. Adopter un plan de gestion stratégique de l’institution pour faire face à l’ampleur de la tâche qui

l’attend au regard des attentes des citoyens.

9. Respecter les compétences attribuées aux institutions en charge de la lutte contre la corruption et

les infractions connexes et se limiter à leur apporter son aide.

10. Susciter la mise en place des mécanismes de collaboration avec la CNIDH en matière de protection des droits de l’Homme d’une part, avec la Cour des comptes et le Ministre des Finances, en matière

de fautes de gestion d’autre part, et ce, dans le respect des lois en vigueur.

11. Mettre en place une stratégie de communication, d’information et de formation sur ses missions.

A la société civile :

11

1. Appuyer l’adoption d’une nouvelle loi déterminant l’organisation et le fonctionnement de

l’Ombudsman.

2. Faire connaître les missions de l’Ombudsman à la population.

3. Convenir avec l’Ombudsman des mécanismes de collaboration en vue de l’appuyer dans la

réalisation de ses missions.

0. Introduction

0.1. Contexte

La loi n°1/03 du 25 janvier 2010 portant organisation et fonctionnement de l’Ombudsman a été édictée

pour rendre effectives la volonté des négociateurs d’Arusha et la consécration par la Constitution du 18

mars 2005 de cette nouvelle institution dans le paysage institutionnel burundais.

En novembre 2010, le processus de recrutement de l’Ombudsman a été lancé et conduit non sans

critiques sur les modalités mises en place par le Bureau de l’Assemblée nationale, d’aucuns estimant

qu’elles manquaient de transparence et d’objectivité.

Le recrutement de son personnel s’est poursuivi tandis que l’exercice effectif de ses missions a débuté

par le lancement officiel de ses activités le vendredi 11 février 2011 à l’Hôtel Source du Nil à

12

Bujumbura, soit plus d’une année après la promulgation de la loi, plus de six ans après la promulgation

de la Constitution et plus de dix ans après la signature de l’Accord d’Arusha pour la paix et la

réconciliation au Burundi. Le retard mis dans cette mise en place effective de cette institution contraste

avec les attentes des citoyens à son endroit.

Depuis son entrée en fonctions, l’Ombudsman est en action pour rendre effectives ses missions. La

question que l’on peut d’emblée se poser est de savoir si le démarrage est rassurant pour répondre aux

attentes légitimes de la population.

Aussi, faut-il - d’entrée de jeu et pour mieux comprendre les défis à relever par l’Ombudsman - garder à

l’esprit que tout Ombudsman, médiateur ou toute autre institution nationale de protection des droits de

l’homme ne saurait être efficace en l’absence d’un Etat de droit et d’une démocratie politique, de telle

manière que ses missions se réalisent dans un cadre de subsidiarité. Dans le cas contraire, c’est-à-dire

quand l’exercice des droits de l’homme n’est pas garanti et que la culture d’une bonne gestion de la

chose publique est déficitaire, croire à l’efficacité de l’Ombudsman devient illusoire.

Cette affirmation péremptoire s’explique par le rôle de l’institution de l’Ombudsman. En effet, un

ombudsman est une personne indépendante et objective qui enquête sur les plaintes des gens contre

les organismes gouvernementaux et autres organisations, tant du secteur public que privé. Après un

examen approfondi et impartial, il détermine si la plainte est fondée et formule des recommandations à

l’intention de l’organisation afin de régler le problème1.

Les caractéristiques de l’Ombudsman qu’on peut dégager de cette définition générale sont (i)

l’indépendance, (ii) l’objectivité et (iii) l’impartialité2.

Parlant d’un néologisme d’« Ombudsmédiateur », Daniel Jacoby résume le rôle et les caractéristiques

d’un Ombudsman. Il relève que l’Ombudsman met en exergue l’importance capitale que revêt

l’indépendance de cette institution publique. Indépendance par rapport aux autorités qui sont sous sa

compétence, mais aussi indépendance par rapport aux citoyens – puisqu’il n’est pas un avocat au sens

strict du terme – et par rapport aux autorités auxquelles il rend des comptes. En effet, ce n’est pas

parce que ce dernier fait rapport à la présidence et/ou au corps législatif et ultimement à la population,

que ces derniers peuvent interférer avec son instruction ou enquête, neutre et impartiale. Il doit être

présenté comme un mécanisme favorisant, facilitant le fonctionnement des pratiques de la démocratie

et de l’Etat de droit. C’est une institution facile d’accès, expéditive, crédible, démocratique, efficace,

agréée par les pouvoirs publics, non coercitive, non partisane, peu coûteuse, réformatrice, flexible,

originale. Bref, il répond non seulement aux attentes des Administrations, mais aussi à celles des

administrés3.

Il est donc possible qu’un Ombudsman/Médiateur/Protecteur du citoyen nommé par le Président de la

République soit indépendant, neutre et impartial. C’est une question d’ordre culturel pour chaque pays.

1 Forum canadien des ombudsmans (http://www.ombudsmanforum.ca/whatis_f.asp) et

http://fr.wikipedia.org/wiki/Ombudsman 2 Le caractère d’impartialité résulte des termes du serment prévu à l’article 5 de la loi n°1/03 du 25 janvier 2010

portant organisation et fonctionnement de l’Ombudsman. 3 Daniel Jacoby, « Le développement de l’ « ombudsmédiateur » à l’échelle mondiale, Colloque « La médiation :

quel avenir ? » du 5 au 6 février 1998, à l’occasion du 25ème

anniversaire du Médiateur de la République, Paris

(France), voir http ://fr.wikipedia.org/wiki/Ombudsman

13

Car, si l’on est en présence d’un parlement fagocité par des partis politiques et développant une culture

de soumission vis-à-vis de l’Exécutif lui-même caractérisé par l’opacité dans la gestion publique, il sera

difficile d’avoir un Ombudsman indépendant. Le choix de la personne qui l’incarne sera guidé par ces

réalités peu démocratiques et non enclines à l’épanouissement de l’Etat de droit.

D’abord créés comme contrepoids politique afin d’assurer la liberté et les droits des citoyens, les

Ombudsmans se sont ensuite consacrés à les aider dans leurs relations quotidiennes avec

l’Administration. Ils ont également un pouvoir de proposition de réformes4.

C’est donc évident qu’en l’absence de la démocratie et de l’Etat de droit dans le pays, l’institution de

l’Ombudsman, d’inspiration étrangère, ne peut pas répondre aux attentes des citoyens.

C’est dans ce contexte que l’Observatoire de l’Action Gouvernementale, OAG, réalise ce rapport.

0.2. Objectifs du rapport

Par ce rapport d’analyse du fonctionnement de l’Institution de l’Ombudsman au Burundi, l’O.A.G.

poursuit un objectif global de contribuer à l’amélioration du fonctionnement de cette institution et à

la satisfaction des attentes des citoyens à son endroit. De manière plus spécifique, les objectifs

poursuivis consistent à :

- Faire une analyse approfondie des textes régissant le fonctionnement de l’Ombudsman ;

- Dégager les forces, les faiblesses et les opportunités du fonctionnement de l’institution

d’Ombudsman ;

- Evaluer les risques liés au fonctionnement de l’institution d’Ombudsman ;

- Relever les attentes des citoyens à l’endroit de l’institution de l’Ombudsman ;

- Faire des propositions de solutions concrètes en vue d’un meilleur fonctionnement de cette

institution d’Ombudsman au Burundi.

0.3. Méthodologie de travail et articulation du rapport

La méthodologie adoptée s’inscrit dans la logique de la mission qui consiste dans l’analyse des textes

qui régissent l’institution de l’Ombudsman au Burundi en scrutant leur cohérence interne et externe et

les lacunes qu’ils contiennent et leur impact sur son fonctionnement optimal.

Le travail a d’abord consisté à rechercher et réunir tous les actes normatifs ainsi que les études

disponibles sur les questions intéressant l’étude. Ici, la démarche consistait à comprendre le

fonctionnement de cette institution qui, de prime abord, est d’inspiration étrangère. Dès lors, il

convenait de s’assurer que cet emprunt est légitime et conscient. Mais aussi savoir si les adaptations

apportées à cette institution pour la rendre viable et efficace au Burundi sont suffisantes et réalistes. Il a

4 Voir aussi Exposé des motifs du projet de loi portant organisation et fonctionnement de l’Ombudsman au

Burundi

14

fallu aussi recourir aux travaux préparatoires notamment l’exposé des motifs du projet de loi soumis au

Parlement.

Des interviews avec des acteurs de la société civile et le Porte-Parole de l’Ombudsman ont permis de

comprendre les attentes de la population et le travail déjà accompli pour la mise en œuvre effective de

l’institution.

Le présent rapport emprunte une articulation qui permet de répondre de manière simple à l’ensemble

des préoccupations posées par les termes de référence de sa réalisation.

Ainsi, après un bref aperçu historique de l’Ombudsman à l’étranger et au Burundi ayant permis de

retenir une définition qui a servi de fil conducteur au rapport, ce dernier aborde la question de sa

justification dans le contexte actuel du Burundi, justification sur laquelle on n’insistera jamais assez. Le

rapport se penche sur quatre questions fixées par la loi régissant l’Ombudsman, à savoir les missions

et l’encadrement juridique de son champ d’intervention, l’organisation, le fonctionnement ainsi que le

statut de l’Ombudsman et de son personnel. A l’issue de l’analyse de ces questions, le rapport présente

les forces, les faiblesses, les opportunités et les risques liés au fonctionnement de l’institution avant

d’apprécier son action depuis sa mise en place effective. Enfin, des conclusions sont dégagées et des

recommandations préconisées en vue de contribuer à l’amélioration du fonctionnement de cette

nouvelle institution et ainsi garantir la satisfaction des attentes de la population.

1. Bref aperçu historique de l’Institution de l’Ombudsman, à l’étranger et au Burundi

Le mot ombudsman est d’origine suédoise et signifie porte-parole des griefs ou homme des doléances.

Etymologiquement, il est possible que le mot ombudsman soit d’origine celtique et qu’il ait pour racine

amactos : serviteur, messager qui a également donné, en français, le mot ambassade.

L’Ombudsman est donc une institution importée des pays scandinaves. En 1809, le parlement suédois

décida de désigner une personnalité dont le rôle est de contrôler l’Administration en dehors des voies

ordinaires de recours.

A partir des années 1960, le modèle suédois commença à se répandre dans le monde. Il fut adopté par

les pays anglo-saxons bien après les pays scandinaves.

En Afrique, ce sont les pays anglophones qui l’ont adopté les premiers en emboîtant le pas de la

Grande Bretagne. Ce n’est qu’à partir des années 1990, à la faveur de la démocratisation qui a soufflé

sur le continent africain, que quelques pays francophones vont instituer l’Ombudsman qu’ils ont baptisé

Médiateur.

Il importe aussi de noter que dans le système adopté par les pays africains francophones, le Médiateur

n’est pas désigné par l’Assemblée nationale mais par le Président de la République.

Près de nous, au Rwanda l’Ombudsman, exerce également une mission spéciale de lutte contre la

corruption et les infractions connexes. Cette mission est exprimée de façon claire, explicite en ces

15

termes : « l’Office de l’Ombudsman est chargé de prévenir et combattre l’injustice, la corruption et les

autres infractions connexes dans les services publics et privés »5.

Au Burundi, l’Ombudsman figure parmi les institutions issues des négociations d’Arusha pour la Paix et

la Réconciliation au Burundi. Il exerce fondamentalement deux missions de contrôle de l’Administration

publique et du service judiciaire et de médiation. L’Accord d’Arusha suivi de la Constitution a choisi le

modèle d’Ombudsman parlementaire pour assurer son indépendance.

2. Justification de l’Institution de l’Institution de l’Ombudsman au Burundi

A la faveur de la démocratisation des années 1990, les Constitutions des pays africains ont consacré,

sans détours, des dispositions relatives aux droits de l’homme. C’est ainsi que la Constitution du 13

mars 1992 réserve le titre II aux droits de l’homme, devoirs de l’individu et du citoyen. De même, en son

article 39, elle dispose : « le pouvoir judiciaire, gardien des droits et libertés publiques, assure le respect

de ces droits dans les conditions prévues par la loi ».

Le contexte de cette période est celui de l’avènement de la démocratie multipartite et la réaffirmation de

l’Etat de droit.

Il a fallu attendre les négociations d’Arusha pour la paix et la réconciliation, pour que l’on se rende

compte que le pouvoir judiciaire n’est pas non plus infaillible et qu’il pourrait arriver que lui aussi

manifeste des dysfonctionnements entravant les droits et libertés des citoyens. Voilà pourquoi les

négociateurs d’Arusha ont imaginé une institution nouvelle pour s’assurer de l’effectivité des droits de

l’homme au Burundi. Pour ce faire, ils ne l’ont pas imaginé ex nihilo. Ils ont plutôt préféré s’inspirer de

l’expérience étrangère de l’Ombudsman, après avoir constaté qu’en l’absence à l’époque d’une

commission permanente indépendante des droits de l’homme, les droits de l’homme qu’ils venaient

d’énoncer dans l’Accord de paix signé le 28 août 20006, pouvaient demeurer lettre-morte en particulier

s’ils étaient méconnus par l’Administration publique ou le service public judiciaire.

Outre la question de violation des droits de l’homme, l’Ombudsman burundais s’est vu doter de deux

autres missions en rapport avec les fautes de gestion et la médiation entre l’Administration publique et

les citoyens. De cette façon, il est appelé à contribuer à la bonne gestion de la chose publique et à la

prévention, à la gestion et au règlement des conflits sociaux, professionnels et politiques.

En application de l’Accord d’Arusha, la Constitution du 18 mars 2005 a consacré cette institution en ses

articles 237 à 239.

C’est à la suite de ces deux instruments juridiques que la loi n°1/03 du 25 janvier 2010 portant

organisation et fonctionnement de l’Ombudsman a été adoptée et promulguée.

5 Article 7 alinéa 2 de la loi n°25/2003 du 15 août 2003 portant organisation et fonctionnement de

l’Ombudsman telle que modifiée et complétée par l’article 3 de la loi n°17/2005 du 18 août 2005. 6 La création de l’Ombudsman est envisagée dans l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation du 28 août

2000 d’abord en son Protocole I au titre des principes et mesures relatifs à la justice, article 7, point 18, littéra

g, ensuite en son Protocole II, au titre de l’Administration, article 10, points 7 à 10. Notez que le Protocole I

traite des questions de nature du conflit burundais, problèmes de génocide et d’exclusion et à leurs solutions

tandis que le Protocole II traite de la Démocratie et de la bonne gouvernance.

16

C’est donc parce que le Burundi a choisi la voie de la démocratie politique, de soumettre son

gouvernement au respect de la règle de droit et d’assurer une bonne gestion de la chose publique qu’il

était possible d’envisager la mise en place cette institution.

3. Missions de l’Ombudsman et champ d’intervention juridiquement encadré

3.1. Des missions

Les missions de l’Ombudsman ont été prévues de manière exhaustive et non énonciative par l’Accord

d’Arusha. Ce dernier déléguait à la Constitution post-transition la compétence de sa création. Cette

Constitution a effectivement édicté la création de l’institution de l’Ombudsman et repris les missions

prévues par l’Accord d’Arusha, en omettant malheureusement une d’entre elles.

Par contre, la loi portant organisation et fonctionnement de l’Ombudsman ne s’est pas contentée d’une

simple énumération. Elle a organisé une présentation différente et ajouté de nouvelles missions. Cet

état de choses impose un regroupement des missions prévues par la Constitution d’une part, et celles

prévues par la loi, en l’absence de toute base constitutionnelle. Bien plus, le Règlement d’ordre intérieur

de l’institution de l’Ombudsman reprend certaines missions en en modifiant l’intitulé constitutionnel.

La Constitution du 18 mars 2005, en son article 237, alinéa 1er, dispose : «l’Ombudsman reçoit les

plaintes et mène des enquêtes concernant des fautes de gestion et des violations des droits des

citoyens commises par des agents de la fonction publique et du judiciaire et fait des recommandations à

ce sujet aux autorités compétentes. Il assure également une médiation entre l’Administration et les

citoyens et entre les ministères et l’Administration et joue le rôle d’observateur en ce qui concerne le

fonctionnement de l’administration publique ».

Une autre mission se dégage de l’article 230, alinéa 1er qui dispose que la Cour Constitutionnelle est

saisie par … l’Ombudsman ».

Il convient de relever d’ores et déjà qu’une mission prévue par l’Accord d’Arusha a été omise par la

Constitution et par la loi. En effet, l’article 9, point 14 du Protocole II, au titre du pouvoir judiciaire,

dispose : « Le Conseil supérieur de la magistrature est la plus haute instance disciplinaire de la

magistrature. Il est saisi de plaintes de particuliers, ou de l’ombudsman, concernant le comportement

professionnel des magistrats,… ».

Il suit de ce qui précède qu’hormis cette dernière mission omise aussi bien par la Constitution que par la

loi, l’Ombudsman dispose de huit missions dont cinq constitutionnellement explicites {(i) les fautes de

gestion, (ii) les violations des droits des citoyens, (iii) la médiation entre l’Administration et les citoyens

d’une part, entre les ministères et l’administration publique d’autre part, (iv) l’observation du

fonctionnement de l’Administration publique et (v) le pouvoir de saisir la Cour constitutionnelle}. Il

dispose également de trois missions induites de l’économie générale des missions de cette institution

et inspirées par le contexte de sa création et les réalités du pays, à savoir {(i) la participation à toute

action de conciliation entre l’Administration publique, les forces sociales et professionnelles hormis les

différends ayant trait aux rapports de travail entre les Administrations publiques et leurs fonctionnaires

ou autres agents, (ii) les missions spéciales de rapprochement et de réconciliation sur des questions

17

générales concernant les relations avec les forces politiques et sociales et (iii) les missions particulières

relatives aux questions de réconciliation et de paix au niveau régional ou international.

3.1.1. Les fautes de gestion

L’Ombudsman est la seule institution qui a été investie de la mission d’examiner les fautes de gestion.

Seulement aucune disposition constitutionnelle, légale ou réglementaire n’en donne de définition

précise. Des tentatives d’en fixer la nomenclature et une ébauche de responsabilité et sanctions

existent depuis quelques années à travers les textes de lois nés de la réforme de la gestion publique en

cours7. Examiner la question de fautes de gestion revient donc à s’appesantir sur sa définition, la

responsabilité, les organes compétents et la sanction prévue par la loi.

a. De la définition de la faute de gestion en droit positif burundais

Deux textes de loi s’intéressent à la question de fautes de gestion : la loi organique n°1/35 du 4

décembre 2008 relative aux finances publiques, la loi n°1/002 du 31 mars 2004 portant création,

missions, organisation et fonctionnement de la Cour des comptes.

1° Tentative de définition de la loi organique n°1/35 du 4 décembre 2008 relative aux finances

publiques

La première considération juridique à faire est que cette loi n’est organique que de par la volonté des

bailleurs de fonds qui ont exprimé le souhait sinon la conditionnalité pour qu’elle soit organique d’autant

plus que la Constitution n’indique nulle part qu’une loi organique s’impose. Une loi ordinaire aurait donc

suffit.

Deuxièmement, cette loi n’énonce pas de définition claire. Deux articles permettent de comprendre le

sens qu’il convient de donner à la faute de gestion.

C’est d’abord l’article 60 qui dispose : « les gestionnaires et les ordonnateurs délégués sont

responsables de leur gestion budgétaire devant l’autorité hiérarchique dont ils dépendent. En cas

d’infraction aux règles budgétaires et comptables et en cas de faute de gestion pour les ministères dont

le budget et la gestion sont régis par les articles 19, 42 et 47 de la présente loi organique, ils sont

passibles des sanctions disciplinaires prévues par le statut général de la fonction publique. Dans ce

cas, quelle que soit l’autorité de rattachement du fonctionnaire concerné, le ministre des finances

dispose du pouvoir d’instruction et de sanction prévu par le statut général de la fonction publique. Il

conduit la procédure disciplinaire et arrête une sanction sur avis de la Cour des Comptes rendu après

avoir procédé à l’audition de l’intéressé. »

Ensuite, c’est l’article 61 qui dispose : « en cas de violation des règles budgétaires, financières et

comptables par un ministre, la Cour des Comptes mène une enquête et entend le ministre intéressé.

Elle adresse ses conclusions au Président de la République et à l’Assemblée Nationale qui décident,

chacun en ce qui le concerne, de la suite à donner en application des articles 142 et 203 de la

Constitution. »

7 Il s’agit de la loi n°1/oo2 du 31 mars 2004 portant création, missions, organisation et fonctionnement de la

Cour des comptes (article 33 et 98) et de la loi n°1/35 du 4 décembre 2008 relative aux finances publiques.

18

Il convient donc de comprendre que la faute de gestion est une infraction aux règles de gestion

budgétaire, financière et comptable imputable à un gestionnaire ou ordonnateur titulaire ou délégué. Il

faut vite indiquer qu’il ne s’agit pas d’une infraction prévue par le code pénal et qu’il faut la distinguer de

la gestion frauduleuse prévue par l’article 437 de la loi n°1/05 du 22 avril 2009 portant révision du code

pénal8. Dans la gestion frauduleuse, la preuve de l’élément intentionnel qui consiste dans la

commission des irrégularités à des fins frauduleuses doit être apportée par l’accusation. Tel n’est pas

le cas dans la faute de gestion. Bien plus, aucune confusion ne doit être admise entre la faute de

gestion et la corruption (au sens strict ou large).

2° Tentative de définition de la loi n°1/002 du 31 mars 2004 portant création, missions,

organisation et fonctionnement de la Cour des comptes

L’article 33 de cette loi dispose : « de manière générale sont passibles de poursuites en matière de

discipline financière :

- Le fait d’avoir, dans l’exercice de ses fonctions ou attributions, en méconnaissance de ses

obligations, procuré ou tenté de procurer à autrui ou à soi-même, directement ou indirectement,

un avantage injustifié, pécuniaire ou en nature, entraînant un préjudice pour le trésor, la

commune ou tout service public intéressé ;

- Le fait d’avoir entraîné la condamnation d’une personne morale de droit public ou une personne

de droit privé chargée de la gestion d’un service public, en raison de l’inexécution totale ou

partielle ou de l’exécution tardive d’une décision de justice ;

- Le fait d’avoir enfreint aux procédures légales ou réglementaires de passation des marchés

publics et d’octroi des subventions. »

L’utilisation des termes « de manière générale » montre toute la gêne de trouver une définition claire et

complète. Il s’agit d’une énumération exemplative qui nous ramène à toute violation des règles de

gestion comptable, budgétaire et financière. Le législateur est donc prudent et préfère laisser aux

organes compétents l’appréciation in concreto au regard des principes et règles de la gestion publique

en vigueur.

Il faut aussi relever que cet article a été jugé conforme à la Constitution par la Cour constitutionnelle

dans son arrêt RCCB 160-161 du 2 mars 20069.

8 Il s’agit de la reproduction quasi fidèle de l’article 57 de la loi n°1/12 du 18 avril 2006 portant mesures de

prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes qui dispose : « est punie d’une

servitude pénale de dix à vingt ans et d’une amende de cinquante mille à un million de francs, toute personne

dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat public

électif, tout comptable public, tout dépositaire public ou l’un de ses subordonnés, qui commet à des fins

frauduleuses des irrégularités dans l’exécution des comptes et budgets de l’Etat, des administrations

publiques, des collectivités locales, des établissements publics, des sociétés à participation publique ou

d’économie mixte, des organismes bancaires, des unités autogérées de consommation, de production

industrielle ou agricole, de tout organisme de droit privé assurant la gestion d’un service public. Les poursuites

sont engagées contre tous ceux qui ont pris part à l’infraction, en ayant connaissance de la non-authenticité

des espèces ou valeurs. » 9 La Cour constitutionnelle a ainsi jugé : « attendu que sous réserve de ce qui vient d’être décidé quant à la

mission juridictionnelle de la Cour (des comptes) établie par l’article 2, c de la loi sur la Cour des Comptes et qui

19

3° Absence de toute tentative de définition de la loi n°1/03 du 25 janvier 2010 portant

organisation et fonctionnement de l’Ombudsman

Cette loi n’a tenté aucune définition de la faute de gestion. L’Ombudsman devra donc appliquer les

définitions retenues par les lois précédentes et en particulier la loi organique précitée que l’on peut

d’ailleurs appeler notre Constitution financière.

b. De la responsabilité pour faute de gestion

La faute de gestion est imputable aux seuls gestionnaires et ordonnateurs titulaires et délégués, à

l’exclusion des comptables publics qui répondent d’une responsabilité personnelle et pécuniaire propre.

La séparation des fonctions d’ordonnateur de celles du comptable public qui est à la base de la

comptabilité publique burundaise permet d’identifier aisément les responsables des fautes de gestion.

c. Des organes compétents pour connaître des fautes de gestion

Les articles 60 et 61 de la loi organique relative aux finances publiques répartissent les compétences

entre le Ministre des Finances et la Cour des comptes pour l’instruction et l’application des sanctions

disciplinaires lorsqu’il s’agit des gestionnaires et ordonnateurs délégués et le Président de la

République et l’Assemblée Nationale pour l’application des sanctions politiques en ce qui concerne les

ordonnateurs titulaires, c’est-à-dire les Ministres, étant entendu que l’instruction est toujours assurée

par la Cour des comptes.

Désormais, l’Ombudsman compte aussi parmi les organes chargés de l’instruction, quitte à saisir le

Ministre des Finances ou la Cour des comptes selon les cas. Cette collaboration entre l’Ombudsman et

le Ministre des Finances et la Cour des comptes sera revisitée plus loin.

d. De la sanction actuelle inefficace des fautes de gestion

Cette question est réglée par deux textes de loi. C’est d’abord l’article 98 de la loi régissant la Cour des

comptes qui, comme on l’a vu a été déclaré conforme à la Constitution, et dispose : « la Cour arrête les

sommes à recouvrer à charge des ordonnateurs et des liquidateurs du chef des crédits dépensés en

violation des dispositions légales et réglementaires. » Mais, il faut vite relever que cette disposition a été

abrogée implicitement par la loi organique relative aux finances publiques qui n’édicte que des

sanctions disciplinaires prévues par le statut général de la fonction publique10 pour les gestionnaires et

ordonnateurs délégués et des sanctions politiques pour les Ministres11.

Cette abrogation est doublement justifiée. D’abord parce que la loi relative aux finances publiques

contient des normes supérieures à celles de la loi régissant la Cour des comptes qui est une loi

ordinaire. Ensuite parce que la première est postérieure à la seconde. C’est donc le principe du respect

de la hiérarchie des normes qui s’impose. Cela pour dire que même la réforme de la loi régissant la

répond et fonde aussi l’allégation d’inconstitutionnalité de l’article 32, les articles 33, 64et 98 n’ont rien de

contraire à l’article 14 alinéa 1 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques » pour enfin

« déclare(r) (ces mêmes articles) conformes à l’article 19 de la Constitution… », voir en pages 9 et 17 de l’arrêt. 10

Voir article 60 de la loi organique relative aux finances publiques précitée. 11

Voir article 61 de la loi organique relative aux finances publiques précitée.

20

Cour des comptes envisagée ne pourra pas reprendre la sanction de peine pécuniaire à charge des

ordonnateurs.

Il faut aussi noter que les législations étrangères adoptent le système d’amende non pas pénale mais

de nature financière (c’est le cas en France et dans les autres pays francophones). Il faut relever que là

où elle est appliquée, cette sanction pécuniaire semble dérisoire par rapport à la sanction édictée par la

loi régissant la Cour des comptes qui emprunte le mécanisme de réparation pécuniaire intégrale du

préjudice subi par le trésor ou autre service public à l’instar de ce qui est retenu par le droit civil.

3.1.2. Les violations des droits des citoyens

Alors que l’Accord d’Arusha et la Constitution parlent de violations des droits des citoyens, la loi

régissant l’organisation et le fonctionnement de l’Ombudsman parle de violation des droits de l’homme

tandis que le Règlement d’ordre intérieur parle de « fautes d’injustice et de violation des droits de

l’homme. Il n’y a certes pas de difficulté à comprendre la similarité des appellations « droits des

citoyens » et « droits de l’homme » au regard du titre II de la Constitution qui en donne le contenu. De

même, les « fautes d’injustice » n’apportent aucune valeur ajoutée.

3.1.3. La médiation entre l’Administration12 et les citoyens d’une part, entre les ministères et

l’Administration d’autre part

Cette troisième mission est reprise textuellement dans l’Accord d’Arusha et la Constitution sans autre

précision. Cette dernière est venue de la loi régissant l’organisation et le fonctionnement de

l’Ombudsman qui, d’abord omet toute la partie concernant la médiation « entre les ministères et

l’Administration » et ensuite ajoute, en son article 6, point 3 ce qui suit : « Dans ce contexte, il peut à la

demande du Président de la République, participer à toute action de conciliation entre l’Administration,

les forces sociales et professionnelles. Toutefois, les différends ayant trait aux rapports de travail entre

les Administrations visées au point 1 et leurs fonctionnaires ou autres agents ne peuvent faire l’objet

d’une saisine de l’Ombudsman ».

a. De l’omission d’une partie des missions de l’Ombudsman

La médiation entre les ministères et l’Administration a été omise. Il doit s’agir d’une omission

involontaire et non délibérée. Dans ce cas, l’Ombudsman doit se référer à la norme supérieure qu’est la

Constitution. Bien plus, la loi qui commet cette omission n’avait pas pour but de fixer les missions de

l’Ombudsman - question réglée par la Constitution elle-même - mais bien de déterminer l’organisation et

le fonctionnement.

La médiation entre les ministères et l’Administration concerne certainement les ministères et les entités

placées sous leur autorité ou tutelle comme les administrations personnalisées, les établissements

publics administratifs, les projets et programmes, les sociétés publiques et les sociétés mixtes.

12

La loi régissant l’organisation et le fonctionnement de l’Ombudsman a tenu à fixer le périmètre de

l’Administration publique. Elle comprend (i) la fonction publique, (ii) le service judiciaire, (iii) les collectivités

locales, (iv) les établissements publics et (v)tout organisme investi d’une mission de service public. Voir

article 6, point 1. De lege ferenda, la Constitution devrait utiliser le concept d’ « Administration publique » en

lieu et place de « fonction publique ».

21

Au chapitre des missions, la loi devait se contenter de citer la Constitution. La tentative de clarifier les

missions fixées par la Constitution a eu pour conséquence de limiter l’étendue de certaines d’entre elles

et d’en ajouter d’autres en l’absence d’une base constitutionnelle.

b. De la limitation des missions de l’Ombudsman

La loi régissant l’organisation et le fonctionnement de l’Ombudsman exclut de son intervention les

différends ayant trait aux rapports de travail entre les Administrations publiques et leurs fonctionnaires

ou autres agents. Il s’agit sans doute des conflits de travail individuels ou collectifs.

3.1.4. L’observation du fonctionnement de l’Administration publique

L’ensemble de l’Administration publique telle que circonscrite par la loi fera l’objet d’observation de

l’Ombudsman. Cela contribuera à l’émergence d’une culture de service public respectueux des

principes classiques et modernes qui le guident notamment l’intérêt général, l’égalité et la gratuité, sauf

exception justifiée par la loi.

Le travail de l’Ombudsman sera jugé à l’aune des observations qu’il en fera dans ses rapports et les

propositions de modifications constitutionnelles, législatives et réglementaires. L’exercice effectif de ses

missions fondamentales (fautes de gestion, violation des droits des citoyens et médiation) servira à

l’éclairer sur le fonctionnement réel de l’Administration publique et du service judiciaire et la qualité de

ses services.

3.1.5. Le pouvoir de saisir la Cour constitutionnelle : pouvoir et mission

Le pouvoir de saisir la Cour constitutionnelle est une des prérogatives importantes conférée à

l’Ombudsman pour lui permettre d’assurer l’effectivité des droits de l’homme en amont. Il pourra donc

saisir la Cour pour faire invalider une loi qui porte atteinte aux droits de l’homme et aux libertés

fondamentales proclamés par la Constitution.

C’est un pouvoir énorme qu’il exerce concurremment avec le Président de la République, les Présidents

de l’Assemblée nationale et du Sénat et un quart des députés ou sénateurs.

Il pourra aussi l’exercer en aval à l’occasion des saisines des particuliers s’il estime que la loi à la base

de la violation des droits de l’homme n’est pas conforme à la Constitution et que les citoyens le

saisissant n’ont pas pu y procéder eux-mêmes. Ce pouvoir est d’autant plus important qu’il l’exerce de

sa propre initiative.

3.1.6. La participation à toute action de conciliation entre l’Administration publique, les forces

sociales et professionnelles

Cette mission est importante. La seule saisine du Président de la République ne pose pas de difficultés.

En tant que premier responsable de la bonne entente entre l’Administration publique et les forces

sociales et professionnelles, il est le mieux indiqué pour saisir l’Ombudsman.

Par contre, c’est le fait d’avoir précisé que « les différends ayant trait aux rapports de travail entre les

Administrations publiques et leurs fonctionnaires ou autres agents ne peuvent faire l’objet d’une saisine

de l’Ombudsman » qui est troublant d’autant plus qu’à l’article 11.2, a sur les conditions de recevabilité

22

des réclamations, il est indiqué que « l’Ombudsman refuse une réclamation lorsque le réclamant n’a

manifestement accompli aucune démarche auprès de l’autorité administrative concernée pour obtenir

satisfaction ». Or, comme on le sait, les recours administratifs sont préalables aux recours

juridictionnels et sont rigoureusement encadrés par la loi.

Le contexte politique et social de 2009 et 2010, au moment de l’adoption et de la promulgation de la loi

régissant l’institution de l’Ombudsman, où des conflits collectifs de travail dans le secteur public ont

culminé dans des grèves récurrentes, a conduit au développement de la médiation entre l’Etat et les

syndicats. L’opinion dominante était de l’avis que l’existence d’une institution permanente chargée de la

médiation sur ce type de conflits devenait indispensable. Pour ce genre de conflit, la base légale de la

saisine de l’Ombudsman par le Président de la République réside dans les dispositions existantes sur

les missions particulières de rapprochement de l’Administration publique avec les forces

professionnelles et sociales. De lege ferenda, il serait judicieux de mener une réflexion sur l’habilitation

des syndicats à saisir l’Ombudsman.

3.1.7. Les missions spéciales de rapprochement et de réconciliation sur des questions générales

concernant les relations avec les forces politiques et sociales

Cette mission répond aux attentes exprimées en 2009 et 2010. Les questions relatives aux élections et

aux grèves de l’époque nécessitant des médiateurs ponctuels ont milité en faveur de la consécration

explicite de cette mission car face aux enjeux d’alors d’aucuns ont estimé que la présence d’un

Ombudsman dont les textes de mise en place étaient en débats, est à même d’aider à régler des

questions concernant les relations avec les forces politiques et sociales.

Le fait que la saisine soit réservée au seul Président de la République ne pose pas de problème car

c’est lui qui est responsable de la concorde nationale et qui, partant, veille à l’existence d’un climat

apaisé avec toutes ces forces.

Cependant, une possibilité de saisine par des forces politiques juridiquement encadrée constituerait une

innovation intéressante d’autant plus que ces dernières semblent s’être détournées des recours

juridictionnels.

3.1.8. Les missions particulières relatives aux questions de réconciliation et de paix au niveau

régional ou international

L’apport de la communauté internationale, régionale et sous-régionale dans le règlement du conflit

socio-politique burundais qui s’est traduit par une guerre civile a conduit le Burundi à s’intéresser à la

médiation dans la gestion et le règlement des crises dans le monde. Le législateur en confiant une

mission en la matière à l’Ombudsman a voulu marquer une reconnaissance et une institutionnalisation

de la question. Ceci n’exclut pas que ponctuellement, le Président de la République puisse confier cette

mission, s’il échet, à n’importe quel autre émissaire de bonne volonté en fonction des spécificités de

chaque cas d’espèce conformément à la Constitution.

Toutefois, l’on peut s’interroger sur la base constitutionnelle de cette mission et si elle n’alourdit pas,

sans raison valable évidente, la charge déjà encombrée de l’Ombudsman.

23

La saisine est réservée au Président de la République. Cela se justifie par son rôle de la conduite des

relations entre notre pays et la communauté internationale.

3.1.9. L’engagement de lutter contre la corruption en l’absence d’une mission spécifique

clairement attribuée par la loi

Pour clôturer ce chapitre des missions, il faut constater l’engagement solennel pris par l’Ombudsman

lors des cérémonies de lancement officiel de ses activités, de lutter énergiquement contre la corruption.

Or cette mission n’est pas constitutionnellement et légalement dévolue à l’Ombudsman.

La loi n°1/12 du 1 avril 2006 portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des

infractions connexes précise en son article 3 que « pour la mise en œuvre de la politique nationale de

lutte contre la corruption et les infractions connexes à la corruption, il est mis en place un cadre

institutionnel composé d’ :

- Une Brigade Spéciale anti-corruption ;

- Une Cour anti-corruption »13.

A ces deux institutions, il faut ajouter la Cour suprême pour les infractions reprochées aux personnes

justiciables devant cette juridiction en raison du privilège de juridiction prévue, soit par la Constitution et

la loi la régissant, soit par d’autres lois particulières.

De ce qui précède, il convient de conclure que la volonté de l’Ombudsman ne saurait se réaliser sans

avoir préalablement fait engager une réforme profonde des compétences matérielles et personnelles de

toutes les institutions chargées de lutter contre la corruption. S’il est suivi, il faudrait repenser

préalablement la politique de lutte contre la corruption.

Par contre, la lecture attentive de l’article 14, point 1 de la loi régissant l’Ombudsman qui dispose que

« l’aide de l’Ombudsman dans l’identification des actes portant atteinte à l’ordre social si, dans

l’exercice de sa fonction, l’Ombudsman constate un fait qui peut constituer une infraction pénale grave,

il en informe, conformément à la loi pénale, le Procureur Général de la République » permet de

constater le contraste saisissant entre l’engagement pris solennellement et l’absence de prérogatives

spécifiques lui dévolues en matière de lutte contre la corruption.

Donc, s’il constate des faits qualifiables de corruption ou des autres infractions connexes à la

corruption, il pourra agir en constituant un dossier circonstancié à soumettre au Procureur Général de la

République. Cela vaut aussi pour toute infraction à la loi pénale dont il pourra avoir connaissance dans

l’exercice de ses missions.

3.1.10. La saisine du Conseil supérieur de la magistrature concernant le comportement

professionnel des magistrats : une mission oubliée

13

Ces deux institutions ont été mises en place par la loi n°1/36 du 13 décembre 2006 portant création de la

Cour anti-corruption et celle n°1/37 du 22 décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement de

la Brigade spéciale anti-corruption.

24

Cette mission prévue par l’Accord d’Arusha14 et reprise par la Constitution15 a été omise aussi bien par

la Constitution que par la loi. Pourtant, elle constitue une innovation. La loi devrait la reprendre à

l’avenir. En attendant l’Ombudsman peut agir sur base de la Constitution et la loi régissant ce

Conseil16.

3.2. Du champ d’intervention de l’Ombudsman juridiquement encadré

La loi régissant l’Ombudsman, en son article 6, point 1, donne la nomenclature des entités concernées

par l’exercice de ses missions. Il s’agit de :

- la fonction publique ;

- du service judiciaire ;

- des collectivités locales ;

- des établissements publics ;

- tout organisme investi d’une mission de service public.

Le secteur privé n’entre pas donc dans le champ d’intervention de l’Ombudsman.

4. Organisation de l’Institution de l’Ombudsman non déterminée par la loi

La Constitution a effectivement créé l’institution de l’Ombudsman et renvoyé les questions de son

organisation et son fonctionnement à une loi, donc une loi ordinaire17.

4.1. Une loi silencieuse sur la question de l’organisation de l’institution de l’Ombudsman

La loi n°1/03 du 25 janvier 2010 portant organisation et fonctionnement de l’Ombudsman ne comporte

pas de chapitre18 sur l’organisation, alors qu’elle constitue l’un de ses deux objets. Cette lacune ne

s’explique pas, sinon que par des défaillances de l’Administration chargée de sa préparation et

l’inattention du Parlement. A cela, il faut ajouter le relâchement des groupes de pression (société civile

et médias) généralement actifs au Burundi.

Son étude est intervenue au moment où tous ces acteurs étaient occupés par les questions électorales

notamment la mise en place de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). Cette

tentative d’explication n’exonère pas pour autant compte tenu de l’importance de cette institution pour la

consolidation de l’Etat de droit.

14

Accor d’Arusha, Protocole II, art. 9, point 14, page 37. 15

Art. 211 de la Constitution 16

Art. 3, point 6 de la loi n°1/007 du 30 juin 2003 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur

de la magistrature 17

L’article 237, alinéa 2 de la Constitution dispose : « L’organisation et le fonctionnement de son service sont

fixés par la loi. » 18

Cette loi comporte 6 chapitres : 1. Des dispositions générales ; 2. De la nomination et de la durée du mandat

de l’Ombudsman ; 3. Des missions de l’Ombudsman ; 4. Des réclamations et des conditions de leur

recevabilité ; 5. Des moyens de fonctionnement des services de l’Ombudsman et 6. Des dispositions finales

25

Quoiqu’étant une loi ordinaire, le projet adopté par le Parlement a été soumis à la Cour

constitutionnelle, avant sa promulgation, qui, par son arrêt RCCB 225 du 07 janvier 2010 l’a déclarée

conforme à la Constitution.

Il serait tentant de s’imaginer que la loi a délégué la compétence de l’organisation de l’Ombudsman à

un texte de niveau inférieur. Ce qui n’est pas le cas dans la mesure où aucun décret n’est prévu pour

sa mise en application sur une quelconque question.

Les seules questions laissées à la compétence de l’Ombudsman sont :

- la mise en place du statut et du cadre du personnel en concertation avec le Bureau de

l’Assemblée nationale (article 19, point 2) ;

- la décentralisation du service de l’Ombudsman au niveau provincial (article 19, point 3) ;

- la mise en place du règlement intérieur avec l’approbation du Bureau de l’Assemblée nationale

(article 21). La compétence déléguée à ce dernier est de déterminer notamment les modalités

de traitement des réclamations.

4.2. Le règlement intérieur 19 et la tentative d’organisation du service de l’Ombudsman

L’article 21 de la loi précitée dispose : « l’Ombudsman arrête son règlement intérieur avec l’approbation

du Bureau de l’Assemblée Nationale. Le règlement intérieur détermine notamment les modalités de

traitement des réclamations. »

Cette disposition pose deux problèmes : l’énumération des questions à traiter en l’absence de toute

organisation de l’institution par la loi et l’usage du terme « notamment ». Les questions qui relèvent du

règlement intérieur sont généralement connues. Il ne saurait être question de l’organisation au sens que

lui donne l’article 237, alinéa 2 de la Constitution où l’on songe aux structures permettant l’exercice des

missions de l’institution.

Le règlement intérieur de l’Ombudsman a été arrêté le 21 janvier 2011, deux mois après son entrée en

fonction, après son approbation du Bureau de l’Assemblée nationale conformément à la loi. Il fixe six

structures.

Avant de parler de la composition et des missions de ces structures, il convient de s’arrêter sur l’objet

de ce règlement.

4.2.1. De l’objet du règlement intérieur

L’article 1er du règlement dispose qu’il « régit l’administration et le personnel de l’Institution de

l’Ombudsman, les procédures de suivi des réclamations et des enquêtes concernant les fautes de

19

Le règlement intérieur comprend 27 articles répartis en cinq chapitres : 1. Dispositions générales-1 article ;

2.Administration et employés de l’institution de l’Ombudsman-16 articles et 5 sections (Cabinet de

l’Ombudsman, Bureau Exécutif de l’Ombudsman, Code de conduite, Protection des employés) ; 3. Poursuite

des doléances relatives aux fautes de gestion, d’injustice et de violation des droits de l’homme-5 articles et

2sections (réception des plaintes, analyses, enquêtes et communication des résultats) ; 4. Evaluation et

rapport -3 articles; 5. Dispositions finales-2 articles.

26

gestions et violations des droits de l’homme commises par l’autorité visée à l’article 6.1 de la loi ()20,

ainsi que l’évaluation interne des services ».

Le règlement ne fait pas mention dans ses visas de l’article 21 de la loi qui lui donne compétence de

déterminer notamment les modalités de traitement des réclamations. C’est une obligation, dans un Etat

de droit, pour toute autorité qui veut prendre un acte normatif d’indiquer la norme supérieure qui lui

confère la compétence de le faire. Ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Bien plus, l’objet du règlement

devait reprendre, in extenso, les termes utilisés par la loi et non leur substituer les siens. Exploitant

l’expression « notamment », il pouvait traiter d’autres questions qui sont généralement du domaine d’un

règlement d’ordre intérieur.

En l’absence d’une organisation par la loi, il était tentant pour le règlement de vouloir combler la lacune

en mettant sur pied des structures sur base des missions développées par la Constitution et la loi.

Cette observation vaut aussi pour l’absence de statut et du cadre du personnel de l’Ombudsman. C’est

ainsi que le règlement adopté comporte des dispositions relatives au statut du personnel de

l’Ombudsman. Cela alourdit le règlement tout en le déséquilibrant en défaveur de la définition des

modalités de traitement des réclamations qui ne comprend que cinq articles organisés en deux sections

(articles 18 à 22).

4.2.2. Des structures de l’Ombudsman : composition et missions

Pour son fonctionnement, l’Ombudsman s’appuie sur les structures suivantes :

- Cabinet de l’Ombudsman ;

- Bureau Exécutif de l’Ombudsman ;

- Département Administration et Finances ;

- Département de réception, analyse, enquêtes et suivi des plaintes concernant les fautes de

gestion ;

- Département de réception, analyse, enquêtes et suivi des plaintes concernant les fautes

d’injustice et de violation des droits de l’Homme ;

- Département de médiation, d’éducation civique et communication.

Le Cabinet de l’0mbudsman comprend le :

- Chef de Cabinet ;

- Porte-parole ;

- Protocole ;

20

Par les mots « autorité visée à l’article 6.1 de la loi », l’auteur du règlement veut parler « des agents de la

fonction publique, du service judiciaire, des collectivités locales, des établissements publics et de tout

organisme investi d’une mission de service public dont parle la loi régissant l’Ombudsman.

27

- Auditeur interne ;

- Secrétaire de Cabinet ;

- Intendant.

L’article 3, dernier alinéa, les traite de mandataires politiques. C’est-à-dire que leur sort est lié à celui

de l’Ombudsman. Pour sa stabilité et son efficacité, cette institution doit se concevoir comme une

institution technique et professionnelle au lieu d’emprunter le modèle d’organisation réservées aux

superstructures de l’Etat – Présidence de la République, Vice-Présidences et Parlement - éminemment

politiques ; ce qui risque de nuire à son image d’institution indépendante, neutre et impartiale.

Aux termes de l’article 3, alinéas 2 et 3 du règlement intérieur, « le Cabinet est chargé de concevoir la

politique générale de l’Institution et de veiller à l’exécution des obligations de l’institution conformément

à la loi portant organisation et fonctionnement de l’institution de l’Ombudsman.

Le Cabinet de l’Institution de l’Ombudsman est dirigé par le Chef de Cabinet. En cas d’empêchement le

cabinet est dirigé par un agent de l’Institution désigné par l’Ombudsman ». C’est nous qui soulignons.

Il paraît paradoxal que la conception de la politique générale de l’institution soit confiée à un organe

qui délibère en dehors de l’Ombudsman. Cette disposition ainsi comprise est contraire à la Constitution

et à la loi le régissant. Au regard de sa composition, cet organe doit avoir pour rôle d’assister

quotidiennement l’Ombudsman dans l’exercice de ses missions. Cette mission devait être confiée plutôt

au Bureau Exécutif. C’est l’Ombudsman qui doit concevoir la politique générale de l’institution et définir

le plan de sa gestion stratégique. Bien plus, l’auditeur interne ne peut pas participer à la conception

pour contrôler ensuite. Il y aurait conflit d’intérêt.

Le Bureau Exécutif est régi par l’article 4 du règlement. Il comprend le :

- Ombudsman ;

- Chef de Cabinet ;

- Directeur du département d’administration et des finances ;

- Directeur du département de réception, analyses, enquêtes et suivi des plaintes concernant les

fautes de gestion ;

- Directeur du département de réception, analyse, enquêtes et suivi des plaintes concernant les

fautes d’injustice et de violation des droits de l’homme ;

- Directeur du département de médiation, éducation civique et communication.

Aux termes de l’article 4, alinéa 2 in fine, ces membres du Bureau Exécutif ont également un mandat

politique. Encore une fois le règlement mélange les questions d’organisation interne et de statut qui

doivent être édictées séparément. Le sort des directeurs est également lié à celui de l’Ombudsman.

Autrement dit, à la fin du mandat de l’Ombudsman, il risque d’y avoir un renouvellement quasi-complet

des effectifs dirigeants de l’Institution. Le mode de recrutement adopté est préjudiciable aux normes

républicaines favorables à la stabilité des institutions et à la continuité de service public. Le mode de

28

recrutement par nomination discrétionnaire et le statut de mandataire politique conféré au personnel

consacrent l’instabilité de l’institution.

Le Bureau Exécutif de l’Ombudsman est dirigé par l’Ombudsman. Il est chargé de veiller à la mise en

œuvre des missions de l’Institution de l’Ombudsman …21. C’est une mission commune au Cabinet et au

Bureau Exécutif.

Le premier département comprend le :

- Directeur ;

- Responsable de mission et de gestion des ressources humaines ;

- Responsable de la logistique ;

- Comptable ;

- Secrétaire.

Le deuxième et le troisième département comportent chacun le :

- Directeur ;

- Conseillers ;

- Secrétaire.

Le quatrième et dernier département comprend le :

- Directeur ;

- Conseiller chargé de l’éducation civique ;

- Conseiller chargé de l’information, de la communication et des publications ;

- Conseiller chargé de la documentation/bibliothèque ;

- Secrétaire.

En l’absence d’un Conseiller chargé de la médiation, c’est le Conseiller chargé de l’éducation civique

qui traite de cette question de médiation. La médiation constitue une des missions principales devant

mises en exergue dans les structures surtout que le ROI ne définit pas non plus leurs missions. Cette

lacune mérite d’être comblée par la nomination d’un Conseiller ad hoc d’autant plus que l’éducation

civique constitue un domaine aussi important pour l’institution.

En prévoyant ces structures et leurs missions, le règlement intérieur a, par nécessité et en dehors de sa

compétence, comblé un vide juridique. La solution juridiquement défendable est le recours à une loi

21

Voir article 4, alinéa 2 du règlement intérieur

29

complétant celle lacunaire en y insérant un chapitre traitant de l’organisation de l’Ombudsman

conformément à la Constitution. Pour les détails, la loi laisse la compétence à un acte réglementaire, en

l’occurrence un décret conformément à l’article 107 de la Constitution22. Le fonctionnement de l’Etat de

droit impose le respect de l’ordonnancement juridique tracé par la Constitution, c’est-à-dire la hiérarchie

des normes. Après la loi et les actes règlementaires d’application, le règlement intérieur peut alors

suivre.

L’idéal serait que la préparation des actes réglementaires bien inventoriés et du règlement d’ordre

intérieur se fasse dans le même contexte du processus d’élaboration des projets de lois et qu’en

l’absence des premiers les seconds ne soient pas programmés pour délibération en Conseil des

Ministres. Cette sanction, en vigueur dans d’autres pays, a l’avantage d’éviter la promulgation des lois

dont l’exécution est subordonnée à la mise en place de pareils actes.

4.2.3. De la nécessité d’amélioration de la présentation de l’organigramme

a. Présentation simplifiée (extrait du R.O.I.)23

22

L’article 107, alinéa 1er

de la Constitution dispose : « Le Président de la République exerce le pouvoir

réglementaire et assure l’exécution des lois. Il exercice ses pouvoirs par décrets contresignés, le cas échéant ,

par le Vice-Président et le Ministre concerné ». 23

Voir la composition des structures dans les développements qui précèdent.

Cabinet

Bureau Exécutif

Département

Administration et

Finances

Département de

réception,

analyse,

enquêtes et

suivi des

plaintes

concernant les

Département de

réception, analyse,

enquêtes et suivi

des plaintes

concernant les

fautes d’injustice et

de violations des

Département de

médiation,

d’éducation

civique et

communication

30

b. Observations

Les observations suivantes peuvent être relevées :

- L’omission de l’Ombudsman en tête de cet organigramme ;

- La place de l’Auditeur interne ne correspond pas à ses missions traditionnelles ; quoiqu’en

relations hiérarchiques avec l’Ombudsman et le Chef de Cabinet, l’organigramme doit marquer

l’indépendance qui caractérise sa mission ;

- L’absence d’un Conseiller s’occupant de la médiation au sein du département de médiation,

d’éducation civique et communication alors que les autres aspects en sont pourvus ; ceci est

d’autant important que la médiation est une des missions principales de l’Ombudsman ;

- Les rapports entre le Cabinet et le Bureau Exécutif par rapport au Chef de Cabinet et à

l’Ombudsman lui-même ne sont pas bien rendus par le dessin ;

- Le rôle de réception des plaintes mentionné dans les intitulés de deux départements crée une

certaine ambiguïté. La réception des plaintes doit être centralisée au niveau de l’Ombudsman

qui les oriente ensuite vers les départements techniquement compétents ;

- De même, le retrait de la réponse de l’Ombudsman dans ce même département ne s’explique

pas (art. 21 du R.O.I.). Tout doit partir du Cabinet vers l’extérieur.

c. Propositions d’amélioration des structures de l’Ombudsman

Sur base des observations relevées, voici une proposition d’organigramme24:

24

Les mots « fautes d’injustice » ajoutés au libellé des missions du département qui traite de la violation des

droits de l’homme ne sont pas nécessaires. Il faut garder le libellé de la loi pour ne pas induire une quelconque

omission législative. Elles sont comprises dans la violation des droits de l’homme.

Ombudsman

31

La place de l’Auditeur interne doit refléter son indépendance tandis que le département de médiation,

éducation civique et communication doit comprendre aussi un Conseiller chargé de la médiation.

Enfin, il faut garder les termes de la Constitution et parler simplement de « violation des droits des

citoyens » au lieu de « fautes d’injustice et de violations des droits de l’Homme ».

5. Fonctionnement de l’Institution de l’Ombudsman

La loi n°1/03 du 25 janvier 2010 portant organisation et fonctionnement de l’Ombudsman ne porte pas

de chapitre portant l’intitulé de « fonctionnement de l’Ombudsman ». Elle comporte, par contre, deux

chapitres qui traitent de cette question. Il s’agit d’abord du chapitre IV qui parle « des réclamations et

des conditions de leur recevabilité » et du chapitre V qui parle « des moyens de fonctionnement et des

services de l’Ombudsman ».

D’entrée de jeu, l’on peut constater que le contenu du chapitre IV ne se limite pas à ces deux questions

spécifiées mais s’étend sur d’autres questions de fonctionnement que sont :

- les actes d’instruction (art. 12) ;

- l’assistance à l’Ombudsman dans l’accomplissement de sa mission (art. 13) ;

- l’aide de l’Ombudsman dans l’identification des actes portant atteinte à l’ordre social (art. 14) ;

Cabinet (Chef de

Cabinet) Bureau Exécutif

Auditeur

interne

Protocole Porte-Parole

Secrétaire de

Direction

Intendant

Département Administration et

Finances

Dép. Analyse, Enquêtes et suivi

des plaintes concernant les fautes

de gestion

Dép. Analyse, Enquêtes et suivi

des plaintes concernant la violation des droits des citoyens

Dép. de Médiation, d’Education

civique et Communication

32

- l’Ombudsman et les recours juridictionnels ou administratifs organisés (art. 15) ;

- des pouvoirs de l’Ombudsman (art. 16) ;

- Des rapports de l’Ombudsman (art. 17) ;

- Des moyens de fonctionnement des services de l’Ombudsman (art. 18 à 21)

De même, les dispositions sur le fonctionnement ne sont pas réparties en dispositions procédurales

communes à toutes les missions d’une part et en dispositions spécifiques par type de mission d’autre

part.

L’inexistence des dispositions sur l’organisation pose deux autres questions. D’une part les dispositions

procédurales n’indiquent pas par structure les dispositions spécifiques claires et d’autre par le chapitre

V qui traite des moyens de fonctionnement des services de l’Ombudsman, aborde aussi les questions

de statut qui devaient apparaître dans l’organisation et non dans le fonctionnement.

Justement, il fallait commencer par donner la nomenclature de ces « services » avant de parler de leur

fonctionnement, c’est-à-dire les relations qui les unissent, notamment à travers certaines structures de

délibération et prise de décisions collégiales.

Enfin, les questions de statut et du cadre du personnel sont entièrement délégués à la compétence de

l’Ombudsman et du Bureau de l’Assemblée nationale.

L’article 21 de cette loi sous examen dispose : « l’Ombudsman arrête son règlement intérieur avec

l’approbation du Bureau de l’Assemblée Nationale. Le règlement intérieur détermine notamment les

modalités de traitement des réclamations ».

Le règlement intérieur qui complète la loi sur le fonctionnement des services de l’Ombudsman

comporte deux chapitres qui nous intéressent ici. Il s’agit d’abord du chapitre III qui traite de « poursuite

des doléances relatives aux fautes de gestion, d’injustice et de violations des droits de l’homme », lui-

même subdivisée en deux sections traitant respectivement de la «réception des plaintes et de

« analyses, enquêtes et communication des résultats ». Il s’agit ensuite du chapitre IV qui traite de

l’« évaluation et rapport ».

Pour être complet, il faut mentionner aussi que le chapitre III traitant des missions de l’Ombudsman

indique le mode de saisine de l’Ombudsman en matière de médiation et conciliation et de gestion des

missions particulières que la loi lui confie (art. 6, points 3 à 5).

Pour traiter du « fonctionnement de l’Ombudsman », le présent rapport regroupe les questionnements y

relatifs en quatre points suivants :

- De la procédure applicable devant l’institution de l’Ombudsman : modalités de saisine,

conditions de recevabilité, actes d’instruction, assistance à l’Ombudsman dans

l’accomplissement de sa mission, aide de l’Ombudsman dans l’identification des actes portant

atteinte à l’ordre social, l’Ombudsman et les recours juridictionnels ou administratifs organisés,

et les pouvoirs de Ombudsman ;

- De la notification des décisions de l’Ombudsman et de leur portée ;

33

- Des communications aux pouvoirs publics : évaluation et rapports de l’Ombudsman, portée des

rapports et suites ;

- Des moyens de fonctionnement des services de l’Ombudsman.

5.1. De la procédure applicable devant l’institution de l’Ombudsman

5.1.1. Modalités de saisine de l’Ombudsman

La saisine de l’Ombudsman pose les questions de forme et de compétence du plaignant selon la

matière considérée : fautes de gestion, violation des droits des citoyens et médiation ou conciliation.

a. La saisine de l’Ombudsman en matière de fautes de gestion et de violation des droits des

citoyens

En matière de fautes de gestion et de violation des droits des citoyens25, la loi parle de réclamation

individuelle écrite et de déclaration orale26 tandis que le règlement parle d’information orale ou d’écrit

individuel27.

Alors que la loi dispose que « la personne intéressée peut, le cas échéant, prendre directement contact

avec l’Ombudsman aux fins d’obtenir satisfaction, le règlement intérieur dit que l’information orale ou

l’écrit individuel parvient à l’Ombudsman à travers les départements de réception, d’analyse et de suivi

des plaintes.

La question cruciale qui se pose est celle de savoir pourquoi le législateur n’a pas voulu habiliter les

associations de défense des droits des citoyens et celles qui luttent contre les fautes de gestion à saisir

l’Ombudsman, alors qu’elle ont qualité de saisir la justice. Cette question mérite une réforme compte

tenu du rôle de la société civile en démocratie et le contexte burundais qui plaide en faveur de cette

reconnaissance.

La réclamation ne doit pas porter sur le fonctionnement de l’administration en général d’une part tandis

que les fautes de gestion et les violations des droits de l’homme doivent avoir été commises par des

agents de la fonction publique, du service judiciaire, des collectivités locales, des établissements publics

et de tout organisme investi d’une mission de service public28.

Il est étonnant que la loi exclut les réclamations portant sur le fonctionnement en général en matière de

fautes de gestion et de violations des droits des citoyens alors qu’elle lui attribue une mission

d’observation du fonctionnement de l’Administration publique ; ce qui le conduira lui-même à faire des

observations d’ordre général. Les propositions de réforme pour un bon fonctionnement des services

publics passeront par des analyses globales pour des solutions globales.

25

Tous les textes n’utilisent pas les mêmes expressions. En effet, l’Accord d’Arusha et la Constitution parlent de

fautes de gestion et de violation des droits des citoyens pendant que la loi parle de fautes de gestion de gestion

et de violations des droits de l’homme tandis que le règlement intérieur de l’Ombudsman parle de fautes de

gestion, d’injustice et de violation des droits de l’homme. 26

Vor art. 10. 27

Voir art. 18. 28

Voir art. 6, point 1 et 10 point 3.

34

Enfin, la réception des plaintes est guidée par le principe de la gratuité de la saisine29.

Il faut faire remarquer que le règlement intérieur n’a pas suivi l’articulation de la loi qui distingue les

modalités de saisine des conditions de recevabilité. C’est ainsi qu’il traite des principes qui doivent

guider la réception et le règlement des plaintes sous la section de la réception des plaintes, lesquels

principes ne concernent d’ailleurs que les conditions de recevabilité d’autant plus que le même article

19 qui traite de ces questions précise qu’ « un employé qui reçoit une lettre de plaintes l’enregistre dans

la base de données et remplit une fiche qui montre les détails suivants :

1° La date de réception de la doléance ;

2° L’identité du demandeur ainsi que la nature de plaintes ;

3° Ce qui doit être fait30 ». L’accomplissement de ce dernier détail (devoir) ne devait pas être demandé

à cet employé mais à l’Ombudsman lui-même ou celui qui le remplace pour orienter le traitement des

réclamations vers les services compétents de l’institution.

b. La saisine de l’Ombudsman en matière de médiation entre l’Administration et les citoyens

Les modalités de saisine n’ont pas été précisées ni par la loi, ni par le règlement intérieur de

l’Ombudsman. Il s’agit d’une lacune qui doit être comblée d’autant plus qu’il s’agit d’une de ses missions

principales.

c. La saisine de l’Ombudsman en matière de conciliation

Cette question est réglée par l’article 6, point 3 qui dispose : « l’Ombudsman a pour missions…

d’assurer la médiation entre l’Administration et les citoyens. Dans ce contexte, il peut à la demande du

Président de la République, participer à toute action de conciliation entre l’Administration publique, les

forces sociales et professionnelles… ». Il est donc clair ici que la compétence de saisir l’Ombudsman

pour concilier l’Administration publique, les forces sociales et professionnelle est exclusivement

réservée au Président de la République.

d. La saisine de l’Ombudsman en matière de rapprochement et de réconciliation sur des

questions générales concernant les relations avec les forces politiques et sociales.

Pour ces questions aussi, l’Ombudsman ne peut être saisi que par le Président de la République en

application de l’article 6, point 4 de la loi.

e. La saisine de l’Ombudsman pour des missions particulières relatives aux questions de

réconciliation et de paix au niveau régional ou international

Ici également, seul le Président de la République peut saisir l’Ombudsman en application de l’article 6,

point 5.

f. L’auto-saisine de l’Ombudsman

29

Voir art.10, point 2 de la loi.

30

Vor art.19, deuxième alinéa du règlement intérieur

35

Le règlement d’ordre intérieur n’est pas revenu sur l’auto-saisine de l’Ombudsman. Par contre, la loi

règle cette question en son article 11, point 4 qui dispose : « l’ombudsman peut se saisir d’office de

toute question relevant de sa compétence chaque fois qu’il a des motifs raisonnables de croire qu’une

personne ou un groupe de personnes à été lésé ou peut vraisemblablement l’être par l’acte ou

l’omission d’un organisme public ». Il pourrait donc le faire sans difficultés en matières de fautes de

gestion, de violations des droits des citoyens et de médiation. Il faut regretter que la loi traite de cette

question importante en matière de compétence et non de saisine. Ceci nous conduit à faire la synthèse

suivante : trois modes de saisine de l’Ombudsman :

- La plainte individuelle orale ou écrite,

- La demande du Président de la République dans les questions spécifiées par la loi ;

- L’auto-saisine ou saisine d’office de l’Ombudsman lui-même.

Pour clôturer cette question de saisine, rappelons que l’Ombudsman n’est pas compétent pour

connaître des différends ayant trait aux rapports de travail entre l’Administrations publiques et leurs

fonctionnaires ou autres agents31.

5.1.2. Conditions de recevabilité des plaintes

Ces conditions ont été négativement traitées par l’indication des cas de refus facultatif et ceux de refus

obligatoire de traiter les réclamations.

La loi indique les conditions dans lesquelles l’Ombudsman peut refuser de traiter une réclamation32

tandis que le règlement intérieur s’occupe des principes qui guident la réception et le règlement des

plaintes33. Après leur présentation, il sera question de vérifier leur complémentarité d’autant plus que le

rôle du règlement intérieur n’est pas de restreindre les conditions de la loi mais d’assurer leur bonne

mise en application.

a. Des cas de refus facultatif de traiter les réclamations

Aux termes de l’article 11, point 1 de la loi, « l’Ombudsman peut refuser de traiter une réclamation

lorsque 34:

- L’identité du réclamant est inconnue ;

- La réclamation se rapporte à des faits qui se sont produits plus d’un an avant l’introduction de la

réclamation. Toutefois, lorsqu’un recours administratif ou juridictionnel a été exercé, le délai

31

Voir art. 6, point 3, in fine. 32

Voir art. 11, points 1 et 2. 33

Voir art. 19, alinéa 1er

. 34

C’est nous qui soulignons.

36

exigé pour cette procédure n’est pas pris en compte pour l’application de la présente

disposition ».

Dans ces conditions, le refus n’est que facultatif. Cela est justifié par les termes « peut refuser ».

L’Ombudsman apprécie en équité s’il passe outre pour traiter la réclamation ou s’il la rejette. C’est

d’autant mieux que la prescription d’un an n’a pas de justification. Il serait absurde de faire comprendre

à un citoyen qui cherche justice auprès de l’Ombudsman qu’il est forclos par le simple fait de

computation de délais d’introduction de la saisine comme c’est le cas devant les juridictions.

Par contre, la suspension de délai due au recours juridictionnel ou administratif se trouve justifiée par le

fait que l’exercice préalable des recours juridictionnels et administratifs semble s’imposer comme on va

le voir plus loin.

b. Des cas de refus obligatoire de traiter les réclamations et effets des recours juridictionnels ou

administratifs sur la recevabilité et le traitement des plaintes

Aux termes de l’article 11, point 2 de la loi, « l’Ombudsman refuse de traiter une réclamation lorsque :

- La réclamation est manifestement non fondée ;

- Le réclamant n’a manifestement accompli aucune démarche auprès de l’autorité administrative

concernée pour obtenir satisfaction ;

- La réclamation est essentiellement la même qu’une réclamation écartée par l’Ombudsman et si

elle ne contient pas de faits nouveaux ».

C’est certainement pour l’application de ces cas que le règlement intérieur édicte des principes qui

doivent guider la réception et le règlement des litiges en ces termes35 :

- Ne pas recevoir les plaintes avant qu’elles ne soient soumises aux autorités compétentes ;

- Ne pas interférer dans les activités quotidiennes des autres institutions et ne pas prendre des

décisions à leur place ;

- Ne pas s’ingérer dans les procédures de règlement des litiges ou dans les procès des cas

ayant été soumis aux instances judiciaires ;

- Ne pas changer les décisions des instances judiciaires.

Ce tableau comparatif des cas de refus prévus par la loi et les principes de réception et de traitement

des réclamations prévus par le règlement intérieur, tels que complétés par les effets des recours

juridictionnels ou administratifs organisés, permet de mieux comprendre la complémentarité de la loi et

du règlement intérieur.

35

Voir art. 19.

37

38

Réf. Loi R.O.I. Observations

1. La réclamation est manifestement non fondée

- Aucun principe n’a été précisé pour l’application de ce cas

2. Le réclamant n’a manifestement accompli aucune démarche auprès de l’autorité administrative concernée pour obtenir satisfaction

Ne pas recevoir les plaintes avant qu’elles ne soient soumises aux autorités compétentes

Il y a cohérence entre le cas et le principe

3. La réclamation est essentiellement la même qu’une réclamation écartée par l’Ombudsman et si elle ne contient pas de faits nouveaux

- Le règlement est muet

4. L’examen d’une réclamation est suspendu lorsque les faits font l’objet (…) d’un recours administratif organisé. L’autorité concernée avertit l’Ombudsman du recours introduit (art. 15, point 1).

Ne pas interférer dans les activités quotidiennes des autres institutions et ne pas prendre des décisions à leur place

C’est logique dans le cadre du respect des attributions des uns et des autres. Cela évitera à l’Ombudsman d’entrer en conflit avec les autres pouvoirs. Le réclamant doit donc attendre la décision de l’autorité administrative sauf s’il y a des dysfonctionnements évidents : retard préjudiciable dans la prise de décision administrative. Par recours administratifs, il faut entendre le recours gracieux, le recours hiérarchique, le recours de tutelle que l’on trouve dans les textes de lois notamment le code de procédure civile, les différents statuts des personnels des Administrations publiques, etc.

5. L’Ombudsman ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction (art. 15, point 3). L’examen d’une réclamation est suspendu lorsque les faits font l’objet d’un recours juridictionnel (…) organisé. L’Autorité concernée avertit l’Ombudsman du recours introduit (…) – art. 15, point 1.

Ne pas s’ingérer dans les procédures de règlement des litiges ou dans les procès des cas ayant été soumis aux instances judiciaires

S’il y a dysfonctionnement du service judiciaire rien n’interdirait l’Ombudsman d’enquêter sur les faits à la base de cet état de choses

6. L’Ombudsman ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction, ni remettre en cause le bien fondé d’une décision juridictionnelle. Il peut, cependant, en cas d’inexécution d’une décision de justice passée en force de chose jugée

Ne pas changer les décisions des instances judiciaires

C’est pour respecter la séparation des pouvoirs qui impose aux pouvoirs publics de respecter les décisions de justice.

39

enjoindre à l’organisme mis en cause de s’y conformer dans un délai qu’il fixe ( art. 15, point 3).

Cependant, en cas de défaillance du service judiciaire, il peut intervenir pour que justice soit rendue tout en respectant l’indépendance des juges uniquement pour faire respecter les procédures.

L’introduction et l’examen d’une réclamation ne suspendent ni n’interrompent les délais de recours juridictionnels ou de recours administratifs organisés (art. 15.2)

- Le Bureau de l’Ombudsman devrait disposer d’un service juridique qui prévient les plaignants sur les risques de forclusion devant la justice ou l’administration et surtout veiller à refuser de traiter la plainte avant l’épuisement des recours juridictionnels ou administratifs lorsqu’ils existent.

40

Il suit de ce qui précède que l’exercice des missions de l’Ombudsman est guidé par le principe de

subsidiarité. Il n’agit qu’en cas d’inaction ou de défaillance de l’autorité administrative et/ou judiciaire.

La conséquence de cet état est que l’on consacre un conservatisme qui ne règle pas les problèmes

contemporains des Burundais qui se plaignent sans cesse contre la situation qui prévaut dans la

plupart de nos services publics. L’élan de l’Ombudsman risque de souffrir à la fois de ces limitations

formelles, l’absence de clarté des procédures truffées de tant d’ambiguïtés et confusions.

Un guide dont tout plaignant peut se servir pour savoir s’il peut saisir l’Ombudsman est représenté

schématiquement en annexe 1.

5.1.3. Actes d’instruction des plaintes en matière de fautes de gestion et de violation des droits

des citoyens

Les questions inhérentes aux actes d’instruction sont celles relatives à l’analyse des réclamations

(plaintes), aux enquêtes à mener et à la communication des résultats aux plaignants.

Le siège de la matière se trouve être l’article 12 de la loi régissant l’Ombudsman. Le Règlement

intérieur traite de ces questions sous sa section II (analyse, enquêtes et communication des résultats du

chapitre III (poursuite des doléances relatives aux fautes de gestion, d’injustice et de violation des droits

de l’homme) – art. 20 à 22.

a. Des principes d’instruction retenus par la loi

La loi fixe quatre principes que sont :

- La possibilité pour l’Ombudsman de fixer des délais impératifs de réponse à ses questions (art.

12, point 1) ;

- La possibilité pour l’Ombudsman d’enquêter sur place ou sur pièces (art. 12, point 2) ;

- La non-opposition du secret professionnel de la part de leurs détenteurs à l’Ombudsman (art.

12, point 3) ;

- La possibilité d’assistance des experts (art.12, point 3).

b. Des phases d’instructions des plaintes arrêtées par le règlement d’ordre intérieur

Le règlement d’ordre intérieur précise les modalités d’instruction vues de l’intérieur de l’institution.

Ainsi, l’instruction de la plainte suit les sept phases suivantes :

- L’autorisation préalable pour un membre de l’Ombudsman de recourir à l’assistance des corps

de contrôle et d’inspection (art. 20, alinéa 1er)36 ;

- L’autorisation hiérarchique préalable pour tout dessaisissement d’un dossier attribué à un

membre de l’Ombudsman (art. 20, alinéa 2) ;

36

Alors que la loi organise l’assistance des seuls corps de contrôle et d’inspection, le R.O.I. y ajoute la brigade

spéciale anti-corruption et le Ministère de la Bonne Gouvernance.

41

- La formulation des recommandations (art. 20, alinéa 3) ;

- La saisine du Directeur compétent pour délibération éventuelle (art. 20, alinéa 3) ;

- La saisine du Bureau Exécutif par le Directeur pour prise de décision (art. 20, alinéa 3) ;

- La transmission de la conclusion par l’Ombudsman lui-même à l’autorité concernée (art. 20,

alinéa 4) ;

- L’information du demandeur par le biais du département de médiation, d’éducation civique et de

la communication (art. 21).

Tout comme pour la réception des plaintes, on peut s’interroger sur le fait de la non-centralisation des

réponses alors que ces dernières sont arrêtées par le Bureau Exécutif présidé par l’Ombudsman dont le

Chef de Cabinet est chargé d’assurer l’exécution de ses décisions.

5.1.4. Assistance à l’Ombudsman dans l’accomplissement de sa mission

Aux termes de l’article 13 de la loi régissant l’Ombudsman, l’assistance à ce dernier dans

l’accomplissement de sa mission est organisée de la manière suivante :

- Les Ministres et toutes autorités publiques doivent faciliter la tâche de l’Ombudsman. Ils sont

tenus d’autoriser les agents placés sous leur autorité à répondre aux questions et

éventuellement aux convocations de l’Ombudsman.

- L’Ombudsman peut requérir tous les corps de contrôle et d’inspection en vue d’accomplir, dans

le cadre de leur compétence, des vérifications et enquêtes et de lui communiquer les résultats y

afférents.

A la première modalité d’assistance, le règlement intérieur ajoute aux corps de contrôle et d’inspection

la brigade anti-corruption (sic) et la cour des comptes ainsi que le Ministère de la Bonne Gouvernance.

Ce procédé semble difficile à mettre en œuvre.

Premièrement, le fait d’étendre l’assistance à la Brigade spéciale anti-corruption et au Ministère de la

Bonne Gouvernance ne se justifie pas. En effet, d’une part, la Brigade spéciale anti-corruption n’est ni

un corps de contrôle, ni un corps d’inspection dont parle la loi, mais bien un corps de police sous

l’autorité du Ministère de la Bonne Gouvernance et du Ministère public.

D’autre part, rien ne sert à isoler le Ministère de la Bonne Gouvernance des autres ministères d’autant

plus qu’un des corps d’inspection (l’I.G.E.) est placée sous son autorité.

Deuxièmement, le fait d’isoler la Cour des comptes des corps de contrôle ne se justifie pas non plus. En

effet, sa mission consiste à examiner et certifier les comptes de tous les services publics en exerçant un

triple contrôle de légalité, financier et de bon emploi des deniers publics. Elle assiste le Parlement dans

le contrôle de l’exécution de la loi de finances. Elle présente au Parlement un rapport sur la régularité

42

du compte général de l’Etat et confirmer si les fonds ont été utilisés conformément aux procédures

établies et au budget approuvé par le Parlement37. C’est donc un corps de contrôle par excellence.

Après ces quelques précisions, examinons systématiquement les possibilités d’assistance à

l’Ombudsman des corps visés.

a. L’Ombudsman, les Ministres et autorités publiques

L’assistance préconisée que les Ministres et les autorités publiques doivent offrir à l’Ombudsman ne

pose pas de problème particulier. Ce qui leur est demandé est de lui faciliter la tâche en faisant en sorte

qu’il ait des réponses à ses questions dans les délais qu’il prescrit, que leurs agents répondent à ses

convocations pour audition, s’il échet, et mettent à sa disposition les pièces et documents requis pour

son travail sur place ou sur pièces.

b. L’Ombudsman et la Cour des comptes

L’Ombudsman partage avec la Cour des comptes la mission de contrôle des fautes de gestion. Comme

indiqué ci-dessus, la mission de la Cour des comptes est prévue par la loi qui la crée édictée en 2004

et elle a été confirmée par la loi organique relative aux finances publiques promulguée en décembre

2008.

La loi portant organisation et fonctionnement de l’Ombudsman n’a pas pris en compte ces

développements y compris la suppression de la mission juridictionnelle de la Cour des comptes en la

matière. Ensuite, après ses investigations, la loi organique précise que désormais, elle défère les faits

au Ministre des Finances en ce qui concerne les gestionnaires et ordonnateurs délégués et au

Président de la République et à l’Assemblée nationale pour les Ministres.

Demander aujourd’hui à la Cour des comptes de collaborer avec l’Ombudsman pour accomplir des

vérifications et enquêtes et de lui en communiquer les résultats y afférents constitue un retour en

arrière. D’abord, la Cour des comptes est une institution indépendante qui élabore son propre

programme de travail. La loi qui la régit et la loi organique précitée précisent bien les cas dans lesquels

elle peut être saisie par l’Assemblée nationale et même là elle y défère quand les moyens matériels et

humains les lui permettent et que son programme d’activités n’en soit pas affecté.

Toutefois, la Cour des comptes prend en compte toute information en rapport avec ses missions dans

l’élaboration de son programme, notamment les attentes des autres institutions comme le Parlement et

désormais l’Ombudsman. Rien n’empêche que dans le respect de sa méthodologie, elle soit à l’écoute

de l’Ombudsman en ce qui est de la mission partagée : les fautes de gestion.

Cette collaboration a aussi une exigence : la maîtrise de la distinction qui existe entre les fautes de

gestion pour lesquelles la Cour des comptes est pleinement compétente et la corruption pour laquelle la

Cour des comptes et l’Ombudsman n’ont qu’une mission d’aide au Ministère public, lorsqu’ils constatent

des faits y relatifs dans l’exercice de leurs missions.

37

Voir art. 178 de la Constitution

43

La solution idéale et respectueuse de l’indépendance de la Cour serait que l’Ombudsman dispose de

ses propres ressources humaines et qu’elle saisisse la Cour des comptes d’un rapport circonstancié et

bien documenté sur les faits afin de permettre à cette dernière d’en faire le suivi conformément aux lois

qui la régissent en la matière. L’autre alternative serait que l’Ombudsman passe par le Ministre des

Finances qui est habilité par la loi organique relative aux finances publiques de saisir la Cour.

Pour l’avenir, il faut souhaiter que la Cour recouvre sa mission juridictionnelle et que l’Ombudsman

figure parmi les autorités habilitées à la saisir cette fois-ci pour arrêt exécutoire et non pour de simples

avis à déférer au Ministre des Finances, au Président de la République et à l’Assemblée nationale selon

les cas. De même les sanctions financières seraient repensées et renforcées et compléteraient le

système de simples sanctions disciplinaires ou politiques en vigueur.

c. L’Ombudsman, l’Inspection Générale de l’Etat et les Inspections Générales Ministérielles

La collaboration avec ces corps de contrôle auxquels on peut ajouter les commissaires aux comptes ne

pose pas de problème particulier puisqu’ils seront instruits par leurs ministres respectifs.

Mais, hormis le cas de l’I.G.E. dont le statut demeure attrayant, faudrait-il s’assurer de leur disponibilité

à collaborer avec une institution au statut prestigieux sans commune comparaison avec les leurs.

Les relations actuelles entre l’Inspection Générale de l’Etat et les inspections ministérielles d’une part et

celles entre la Cour suprême et la Cour anti-corruption d’autre part, peuvent aider à présager la nature

de celles que l’Ombudsman entretiendra avec les autres corps de contrôle et d’inspection.

L’harmonisation des conditions de travail dans les Administrations publiques doit être envisagée

comme une priorité des priorités par l’Ombudsman.

d. L’Ombudsman et la Brigade spéciale anti-corruption

Cette collaboration n’est envisagée que par le Règlement d’ordre intérieur en dehors des prévisions de

la loi régissant l’Ombudsman38. Elle est établie donc sans base légale. L’erreur est due au fait que

l’Ombudsman souhaite ardemment participer à la politique de lutte contre la corruption. En parlant de la

Brigade spéciale anti-corruption, on sort du simple cas de fautes de gestion en entrant de plain pied

dans le cas de corruption et des infractions connexes à la corruption ; ce qui nécessite des réformes

législatives, voire constitutionnelles, d’envergure.

Le législateur a d’ailleurs été prudent en 2010 car cette question est plutôt traitée sous l’angle de l’aide

que l’Ombudsman apporte au Procureur Général de la République (art.14, point 1).

Cette prudence est liée aux méthodes de travail du Ministère public et de la police, ici la Brigade

spéciale anti-corruption.

L’instruction secrète que les deux mènent risque de ne pas se concilier avec la démarche que veut

emprunter l’Ombudsman où la Brigade collaborerait dans l’exécution de « sa mission de lutte contre la

corruption ». Il faut noter que pour les fautes de gestion, la Brigade spéciale anti-corruption n’est pas

compétente. Il ne serait donc pas nécessaire de solliciter sa collaboration.

38

Comparer l’article 13, point 2 de la loi avec l’article 20 alinéa 1er

du Règlement intérieur.

44

e. L’Ombudsman et le Ministère de la Bonne Gouvernance

Rien n’explique pourquoi le Règlement intérieur isole ce Ministère que la loi traite dans le point

concernant l’assistance due par tous les ministres et autres autorités publiques.

5.1.5. Aide de l’Ombudsman au Procureur Général de la République et aux autorités

administratives dans l’identification des actes portant atteinte à l’ordre social

L’aide de l’Ombudsman dans l’identification des actes portant atteinte à l’ordre social est envisagée à

l’article 14 de la loi. Le Règlement intérieur n’en parle pas. Cet article envisage deux hypothèses

d’atteinte à l’ordre social. Le premier concerne les infractions à la loi pénale. Le second concerne les

fautes disciplinaires.

Ainsi, si dans l’exercice de sa fonction, l’Ombudsman constate un fait qui peut constituer une infraction

pénale grave, il en informe, conformément à la loi pénale, le Procureur Général de la République. En

matière pénale, les relations sont établies directement entre l’Ombudsman et le Ministère public par le

biais de son premier responsable.

Cette disposition corrobore un fait déjà relevé. Le législateur n’isole pas l’infraction de corruption.

L’Ombudsman est principalement compétent pour les fautes de gestion. Quant aux infractions au code

pénal, l’Ombudsman apporte son aide. Il ne sollicite pas de collaboration des corps de contrôle et

d’inspection, à la Brigade spéciale anti-corruption, à la Cour des comptes ou au Ministère de la Bonne

Gouvernance comme on le retrouve dans le règlement intérieur.

5.1.6. L’Ombudsman et la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme :

complémentarité ou risque de conflit de compétences

En l’espace d’une année, le Burundi vient de se doter de deux institutions opérant sur base des

prévisions du titre II de la Constitution (de la charte des droits et des devoirs fondamentaux de l’individu

et du citoyen).

Il s’agit d’abord de l’institution de l’Ombudsman créée par la Constitution et dont l’organisation et le

fonctionnement sont déterminés par la loi n°1/03 du 25 janvier 2010.

Il s’agit ensuite de la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH) dont

l’organisation et le fonctionnement sont déterminés par la loi n°1/04 du 05 janvier 2011 conformément

aux principes directeurs des institutions nationales des droits de l’homme de Paris (ou Principes de

Paris).

L’Ombudsman a été élu le 12 novembre 2010 tandis les membres de la CNIDH l’ont été les 18 et 19

mai 2011.

45

Les deux institutions partagent une de leurs multiples missions : recevoir et enquêter sur les cas de

violation des droits de l’homme39.

Il faut d’abord observer que cette coexistence n’est pas spécifique au Burundi.

Ensuite, cette coexistence ne saurait être un handicap pour la protection et la promotion des droits de

l’homme. Elle doit plutôt être perçue comme un atout pour chacune des deux institutions dans la

protection et la promotion des droits de l’homme.

Les deux institutions émargent toutes sur le budget général de l’Etat. Il est dès lors urgent qu’elles

s’entendent pour mettre en place un ou des mécanismes de collaboration pour éviter tout

chevauchement préjudiciable à l’image de l’une ou l’autre institution vis-à-vis des citoyens bénéficiaires

de leurs services. Aussi, les mécanismes à mettre en place doivent-ils tendre à éviter toute concurrence

dans l’exercice de leurs missions communes.

Une démarche empirique et pragmatique doit être recherchée pour y arriver en attendant des

ajustements législatifs ultérieurs au niveau des lois les régissant.

5.1.7. Pouvoirs de l’Ombudsman

Les pouvoirs de l’Ombudsman sont organisés à l’article 16 de la loi le régissant. Ils consistent à :

1. Concilier les points de vue pour un règlement amiable ;

2. Formuler des propositions visant l’amélioration du fonctionnement des services publics ;

3. Formuler des propositions de réformes législatives, réglementaires ou administratives ;

4. Formuler des propositions de règlement en équité pour éviter l’iniquité des décisions

incriminées, dans le respect des lois et règlements ;

5. Fixer des délais des suites à donner à son intervention ;

6. Publier ses recommandations en cas de non-respect de ses injonctions ;

7. Faire publier au Bulletin Officiel du Burundi son rapport spécial sur l’injonction non suivie en

matière d’inexécution des décisions de justice coulées en force de chose jugée ;

8. Saisir le Président de la République, les Présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat en

cas de refus d’obtempérer à l’injonction d’exécution d’une décision de justice coulée en force

de chose jugée ;

9. Saisir la Cour constitutionnelle40.

La question qui se pose ici est celle de savoir si ces prérogatives sont suffisantes pour assurer

l’effectivité de ses missions.

39

Voir art. 6.1 de la loi régissant l’Ombudsman et art. 4 de la loi régissant la CNIDH. 40

Voir art. 16.1 à 7 de la loi.

46

Le rang qu’occupe l’Ombudsman dans le paysage institutionnel burundais lui offre une marge de

manœuvre confortable. Il n’a pas besoin de tant de contraintes contraires à la nature de sa mission. Il a

seulement besoin d’une pédagogie pour agir dans le cadre d’une stratégie bien arrêtée.

5.2. De la notification et de la portée des décisions de l’Ombudsman

5.2.1. De la notification des décisions de l’Ombudsman

La loi et le ROI précisent les cas où la notification des décisions de l’Ombudsman s’impose.

- L’article 11.3 de la loi dispose que « l’Ombudsman informe le réclamant de sa décision de

traiter ou non la réclamation. Le refus de traiter une réclamation est motivé. L’Ombudsman

informe l’autorité administrative de la réclamation qu’il compte instruire ».

- L’article 15.1 de la loi précise qu’en cas de recours juridictionnels ou administratifs, l’autorité

concernée avertit l’Ombudsman qui, à son tour, informe le réclamant sans délais de la

suspension de l’examen de sa réclamation ;

- De même l’article 16.5 de la loi indique que « l’Ombudsman a l’obligation d’informer par écrit la

personne à l’origine de la réclamation des suites y réservées. Lorsqu’une réclamation ne lui

paraît pas justifiée, l’Ombudsman en informe le réclamant en motivant sa décision ».

- Sur la forme de la notification, elle est écrite. C’est ce que la loi précise à l’article 16.1 qui

dispose : « l’Ombudsman a l’obligation d’informer par écrit la personne à l’origine de la

réclamation des suites y réservées… ».

- La notification se fait sans délais c’est-à-dire toutes affaires cessantes d’autant plus que tout

retard peut comporter des conséquences préjudiciables.

- L’article 20, alinéa 4 du ROI dispose : « la conclusion est transmise aux instances concernées

par la plainte par l’autorité de l’Ombudsman pour qu’elle soit exécutée et le demandeur en est

informé ».

- L’article 21 du même ROI précise que « la réponse réservée à une plainte est retirée par

l’intéressé au département de médiation, d’éducation civique et de la communication.

5.2.2. De la triple portée juridique, morale et politique des décisions de l’Ombudsman

Les décisions de l’Ombudsman sont d’une grande portée juridique, morale ou politique.

D’abord, ses décisions sont sans recours. C’est ce qui est indiqué à l’article 11.5 de la loi qui dispose

que « la décision de l’Ombudsman de ne pas donner suite à une réclamation n’est pas susceptible d’un

recours devant une juridiction ».

Puis, les décisions de l’Ombudsman dessaisissent l’institution car une réintroduction de la même

demande par le réclamant est sanctionnée par le refus de recevabilité de sa réclamation. Les décisions

s’imposent donc aussi bien au plaignant qu’à l’Ombudsman.

47

Ensuite, les décisions de l’Ombudsman peuvent comporter des sanctions morales lorsqu’elles sont

publiées notamment.

Enfin, les décisions de l’Ombudsman s’imposent à l’Administration qui est tenue d’y donner suite. Cette

obligation d’y déférer est rendue possible par les sanctions politiques auxquelles peut donner lieu la

saisine du Président de la République, du Président de l’Assemblée nationale ou du Président du

Sénat.

5.3. Des communications aux pouvoirs publics et leur publicité

5.3.1. De la nature des communications

L’Ombudsman communique avec les pouvoirs publics au moyen :

- Du rapport annuel d’activité (art. 17.1 de la loi et art. 25, alinéa 1 du ROI) ;

- Des rapports trimestriels intermédiaires (art. 17.2 et art. 25, alinéa 1 du ROI) ;

- Des rapports spéciaux, chaque fois que de besoin (art. 25, alinéa 2 du ROI).

Aux termes de la loi, les destinataires des rapports sont :

- Le Président de la République ;

- Le Président de l’Assemblée Nationale ;

- Le Président du Sénat.

Par contre, le règlement parle du Président de la République et du Bureau de l’Assemblée Nationale

(art. 25, alinéa 1). Cet article doit être rendu conforme à la loi.

5.3.2. De la publicité des communications

Le rapport de l’Ombudsman est publié dans le Bulletin officiel du Burundi (art. 17. 4 de la loi).

Le rapport de l’Ombudsman peut être présenté à l’Assemblée nationale (art.17.5 de la loi) qui peut en

débattre.

5.4. Des moyens budgétaires de fonctionnement des services de l’Ombudsman

Sous ce point, seuls sont développés les moyens budgétaires tandis les moyens en personnel sont

examinés sous le point suivant relatif au statut de l’Ombudsman et de son personnel.

La question de moyens budgétaires de l’Ombudsman est traitée à l’article 18 qui dispose : « 1. Les

crédits nécessaires au fonctionnement du service de l’Ombudsman sont inscrits au budget général de

l’Etat. L’Ombudsman peut également recevoir des dons et legs. 2. L’Ombudsman n’est pas soumis au

contrôle financier du Ministère chargé des Finances ni de l’Inspection Générale de l’Etat mais présente

ses comptes au contrôle à posteriori de l’Assemblée Nationale. 3. Le service de l’Ombudsman bénéficie

de la franchise de port pour la correspondance du service ».

48

Deux questions méritent quelques développements ici. Il s’agit de l’indispensable autonomie de gestion

budgétaire et financière et de la justification du contrôle du compte de gestion de l’Ombudsman.

5.4.1. De l’absence d’une disposition consacrant l’indispensable autonomie de gestion

administrative, budgétaire et financière de l’Ombudsman

Le premier principe posé est que les crédits budgétaires de l’Ombudsman sont inscrits dans le budget

général de l’Etat. Cela se justifie par le fait que l’Ombudsman n’est pas une entité privée. C’est un

service public dont les moyens de fonctionnement doivent émarger sur le budget général de l’Etat pour

des raisons d’unicité budgétaire. Par contre, lorsque l’article 18.1 in fine dispose que « l’Ombudsman

peut également recevoir des dons et legs », il serait tentant de penser que ces derniers sont gérés hors

budget général de l’Etat. Ce ne serait ni exact, ni conforme à l’orthodoxie budgétaire qui impose que

les dons et legs accordés aux institutions étatiques soient préalablement inscrits au Budget général de

l’Etat. La plupart des donateurs en font une exigence de leur décaissement.

Par contre, cette disposition ou plutôt la loi ne consacre pas expressément l’autonomie de gestion

administrative, budgétaire et financière de l’institution de l’Ombudsman. Ce dernier aurait dû également

être habilité par une disposition légale comme gestionnaire des crédits mis à la disposition de son

institution. Il s’agit d’une lacune à combler.

Cette consécration de l’autonomie de gestion administrative, budgétaire et financière serait une

application de la Constitution qui, reprenant l’Accord d’Arusha, dispose : « L’Ombudsman dispose des

pouvoirs et des ressources nécessaires pour s’acquitter de ses fonctions…41 ». Elle est aussi le

corollaire de son indépendance42.

5.4.2. De la justification du contrôle du compte de gestion de l’Ombudsman

L’article 18.2 dispose que l’Ombudsman n’est pas soumis au contrôle financier du Ministère chargé des

Finances ni de l’Inspection Générale de l’Etat mais présente ses comptes au contrôle à posteriori de

l’Assemblée Nationale.

Pour sauvegarder son indépendance, il est logique que l’Ombudsman ne soit pas soumis au contrôle de

l’Exécutif notamment du Ministère chargé des Finances et de l’Inspection Générale de l’Etat.

Par contre, il est aussi logique que les comptes de l’Ombudsman soient présentés, pour contrôle, à

l’Assemblée nationale qui accorde les moyens de fonctionnement par le vote du budget général de

l’Etat pour que cette dernière s’assure qu’il en a été fait un bon usage.

Il convient de noter qu’un autre contrôle demeure : c’est le contrôle de la Cour des comptes en

application de l’article 178 de la Constitution, de la loi organique relative aux finances publiques et des

lois la régissant. Il s’ensuit que les comptes de l’Ombudsman doivent être déposés dans les formes et

délais prescrits à la Cour des comptes pour permettre à cette institution supérieure de contrôle des

finances publiques d’accomplir sa mission.

41

Voir art. 238 de la Constitution et art.10, point 7 (sur l’indépendance) et point 9 (sur les pouvoirs et les

ressources). 42

Il convient de relever que la Constitution n’a pas repris la disposition de l’Accord consacrant l’indépendance

de l’Ombudsman. C’est une omission regrettable mais involontaire.

49

A côté des contrôles de l’Assemblée nationale et de la Cour des comptes institués par la loi, le

Règlement d’ordre intérieur ajoute deux autres contrôles, à savoir l’audit interne et l’audit externe des

experts en audit.

Ainsi, l’article 24 dispose que chaque année, l’Institution de l’Ombudsman organise un audit interne de

son exécution budgétaire. Il ajoute que l’Institution de l’Ombudsman peut faire appel aux experts en

audit dans ses activités (sic) chaque fois qu’il le juge nécessaire.

Cette disposition contient une erreur : l’audit interne ne doit pas être organisé seulement chaque année

mais doit être permanent pour être efficace.

6. Statut de l’Ombudsman et de son personnel

La connaissance du statut de l’Ombudsman et de son personnel s’impose dans le cadre de cette étude.

En effet, une institution ne vaut que ce que valent les hommes et femmes qui sont appelées à l’animer à

travers l’exercice de ses missions.

Le recrutement des membres d’une institution obéit à des normes fixées par leur statut. Ce dernier

permet de juger de l’adéquation des profils retenus par rapport aux missions à exécuter. Le statut fixe

également les normes déontologiques et d’éthique et organise les évaluations aussi bien

administratives que professionnelles en termes de rendement.

6.1. Du statut de l’Ombudsman fixé par la loi

S’agissant de l’Ombudsman lui-même, en son chapitre II, la loi fixe clairement son mode de

nomination et la durée de son mandat (art. 3 de la loi). Elle indique aussi les conditions requises (art. 4)

ainsi que la formule du serment (art. 5).

En son chapitre III relatif aux missions de l’Ombudsman, la loi revient sur des questions statutaires

portant sur les incompatibilités (art. 7), l’indépendance et les immunités (art. 8) ainsi que la fin du

mandat de l’Ombudsman (art. 9).

Enfin, en son Vème et avant dernier chapitre relatif aux moyens de fonctionnement des services de

l’Ombudsman, la loi revient à nouveau sur les questions statutaires à l’article 19.1 de la loi au titre des

moyens en personnel où il est précisé que l’Ombudsman nomme, dirige et révoque les membres de son

personnel qui l’assistent dans l’exercice de ses fonctions. Pour terminer sur son statut, l’article 20 de la

loi fixe le rang et les avantages de l’Ombudsman c’est-à-dire ceux reconnus à un ancien Chef d’Etat.

Au total, huit articles sur les vingt-trois qui composent la loi sont consacrés au statut de l’Ombudsman.

Deux observations s’imposent :

- Premièrement, le statut conféré à l’Ombudsman est intéressant pour son meilleur

fonctionnement et constitue un levier essentiel pour assurer à la fois le prestige de l’institution

qu’il incarne et sa prééminence sur les services publics qu’il est appelé à contrôler ou à assurer

la médiation entre eux et les citoyens. Il est de ce fait le sixième personnage de l’Etat. Ce statut

est taillé à la bonne mesure des enjeux à satisfaire : renforcement de la démocratie et de l’Etat

50

de droit pour une meilleure protection des droits des citoyens et l’instauration de la bonne

gouvernance.

- Deuxièmement, l’éparpillement des dispositions qui règlent son statut en trois chapitres distincts

témoigne d’une qualité législative critiquable. Rien n’explique techniquement pourquoi des

questions de statut sont traitées sous le chapitre des missions, puis après avoir organisé les

procédures, sous l’angle du fonctionnement de l’institution, cette fois-ci comme moyens de

fonctionnement. Enfin, l’absence des dispositions lui interdisant au cours de son mandat, des

activités, manifestations et démonstrations politiques ne s’explique pas non plus.

6.2. Du statut du personnel délégué entièrement à la compétence de l’Ombudsman en

concertation avec le Bureau de l’Assemblée nationale

L’absence d’un chapitre sur l’organisation de l’Ombudsman dans la loi a eu pour conséquence le non-

traitement du statut du personnel de l’Ombudsman à l’endroit qu’il faut et de manière complète. C’est

sous l’avant dernier chapitre relatif aux moyens de fonctionnement des services de l’Ombudsman que,

de manière sommaire, la loi réserve un seul article pour finir par déléguer la compétence de sa fixation

à l’Ombudsman en concertation avec le Bureau de l’Assemblée nationale43 et ce, sans en avoir fixé les

principes.

Les principes du statut du personnel de l’Ombudsman doivent être fixés par une loi compte tenu de

leurs implications sur d’autres statuts portés par des lois ou décrets, l’acte de l’Ombudsman ne pouvant

guère y déroger.

Il a été relevé ci-dessus que la loi n’a réservé que l’article 19 au statut du personnel de l’Ombudsman.

Cet article énonce en son premier point que « l’Ombudsman nomme, dirige et révoque les membres du

personnel qui l’assistent dans l’exercice de ses fonctions ». Les termes « nomme » et « révoque »

soulignés (par nous) semblent impliquer une discrétion dans le recrutement. Cela est d’ailleurs confirmé

par le mandat politique attribué aux membres du Cabinet et à ceux du Bureau Exécutif.

Ces modalités discrétionnaires sont contraires à la transparence que l’institution est appelée à

promouvoir. Elles contrarient aussi le principe d’égalité de tous les citoyens devant les services publics.

Ce statut sera entièrement irrigué par ce principe de discrétion antinomique aux règles d’objectivité et

de transparence.

Finalement, en attendant la mise sur pied de ce statut, c’est le règlement d’ordre intérieur qui a tenté de

fournir les règles le régissant tout en comblant les lacunes de la loi sur l’organisation. Mais, ce

règlement avait-il la compétence de le faire ? Juridiquement, la réponse est négative.

43

L’article 19 de la loi dispose :

1. L’Ombudsman nomme, dirige et révoque les membres du personnel qui l’assistent dans l’exercice de

ses fonctions.

2. Le statut et le cadre du personnel sont arrêtés par l’Ombudsman en concertation avec le Bureau de

l’Assemblée Nationale.

3. L’Ombudsman peut décentraliser son service au niveau provincial.

51

Des pans entiers d’un statut digne de ce nom pour une aussi grande institution demeurent non réglés.

Quelle est par exemple la position de ceux qui étaient régis par des statuts particuliers de

l’Administration publique : sont-ils en détachement, en disponibilité, démissionnaires ou en congé

quelconque ? Présentement, c’est encore la lune de miel comme dans un mariage. Les questions qui

fâchent ne méritent pas encore d’être posées. Mais, dans un moyen ou long terme, elles se poseront

en termes de conflits de travail pouvant déboucher devant les cours et tribunaux contre l’Etat. Vaut

mieux prévenir que guérir, dit-on.

Après avoir indiqué dans deux dispositions que les membres du Cabinet et du Bureau Exécutif de

l’Ombudsman ont un mandat politique44, il consacre 12 articles sur les 27 qui le composent aux

questions du statut du personnel de l’Ombudsman. Les deux dispositions et les 12 articles sont arrêtés

sous le chapitre II intitulé « Administration et employés de l’institution de l’Ombudsman ».

Les questions de statut traitées concernent l’intérim (art. 6 et 7), le code de conduite et sanctions (art. 8

à 15) et la protection des employés (art.16 et 17).

Il a donc fallu parer au plus pressé, nécessité faisant loi, afin de procéder au recrutement du personnel

de l’Ombudsman. Il est donc urgent que le statut et le cadre du personnel de l’Ombudsman soient

arrêtés45 conformément à l’article19 de la loi.

L’idéal serait bien sûr que la loi soit complétée sur cette question de statut car, il est des questions qui

doivent être fixées par un texte législatif. Seul le statut pécuniaire pourrait être délégué non pas à un

acte de l’Ombudsman, mais à un décret.

Lorsque le ROI parle d’employés, on peut se poser la question de savoir s’ils sont régis par le code du

travail car cette catégorie renvoie à ce dernier.

6.3. Des évaluations professionnelles des activités de l’Ombudsman

Le règlement intérieur prévoit deux sortes d’évaluations professionnelles : une évaluation interne et une

évaluation de la population des services offerts par l’institution.

6.3.1. De l’évaluation interne

L’évaluation interne est prévue à l’article 23, alinéas 1 et 2 du règlement intérieur qui dispose :

« l’Institution de l’Ombudsman fait une évaluation interne de prestation des services par les employés

dans différentes unités.

L’évaluation se fait tous les 6 mois par un comité composé par le Bureau Exécutif de l’Institution de

l’Ombudsman dont le Président est l’Ombudsman, ainsi que par les directeurs des départements au

44

Voir art. 3, dernier alinéa et art. 4, deuxième alinéa in fine. 45

Il convient de noter que la loi n’a pas indiqué la forme des actes règlementaires que prend l’Ombudsman. Les

premiers actes de l’Ombudsman recourent à la formule « l’Ombudsman arrête » certainement par référence

aux articles 19 et 20. De même, la décision de nomination de son personnel est intitulée : « Arrêt

n°01/Ombudsman/11 du 21 janvier 2011 portant nomination des membres du cabinet de l’Ombudsman, des

directeurs de départements et des conseillers de l’institution de l’Ombudsman ». Il y a donc confusion avec les

arrêts des Cours.

52

sein de l’Institution. Un rapport ad hoc de cette évaluation est faite ». Cette rédaction est inutilement

lourde. Il fallait tout simplement dire : « L’évaluation se fait tous les 6 mois par le Bureau Exécutif. Un

rapport ad hoc est fait. »

L’instauration de cette pratique d’évaluation périodique des prestations est à saluer. Cependant, elle ne

pourra être efficace qu’à condition de définir correctement les critères d’évaluation, d’arrêter le cahier

des charges de chaque membre de l’Institution et de s’assurer que les profils des membres du

personnel correspondent chaque fois audit cahier des charges.

Bien plus, il faut que cette évaluation soit professionnelle et non simplement administrative.

Cette expérience pourrait inspirer les autres services publics.

6.3.2. De l’évaluation de la population des services offerts

L’évaluation de la population des services offerts par l’institution de l’Ombudsman est organisée par

l’article 23, alinéa 3 qui dispose : « l’Institution établit chaque année des mécanismes et moyens

permettant à la population d’évaluer les services offerts par écrit ou par tout autre moyen de

communication ».

Cette disposition est à saluer sauf qu’elle n’arrête pas un mécanisme d’application immédiate. Il faut

attendre que chaque année des mécanismes et moyens d’évaluation soient établis.

Ce mécanisme est intéressant et mérite d’être amélioré pour son application.

7. Forces, faiblesses, opportunités et menaces ou risques liés au fonctionnement de

l’Institution de l’Ombudsman

Après analyse des textes régissant l’institution de l’Ombudsman au Burundi et réflexion sur les

difficultés de son fonctionnement dues aux défaillances des instruments juridiques mis en place, il

convient de dresser le bilan de façon panoramique à travers une synthèse de ses forces, faiblesses,

opportunités et risques.

Des commentaires pourront éclairer davantage la compréhension de la situation ainsi établie.

7.1. Du bilan de la situation

A. Forces C. Faiblesses 1. Fondement constitutionnel de l’Ombudsman 2. Indépendance décisionnelle et structurelle assurée

par les textes 3. Statut privilégié de l’Ombudsman et visibilité assurée

dans le paysage politique et institutionnel 4. Légitimité conférée par le mode de recrutement de

l’Ombudsman par le Parlement 5. Autonomie de gestion administrative, budgétaire et

financière.

1. Textes lacunaires ou confus sur l’organisation, les procédures et le statut du personnel

2. Absence de transparence dans le recrutement de son personnel

3. Mandat politique du personnel de l’Ombudsman qui a pour conséquence l’instabilité et discrédite socialement l’institution

4. Absence de moyens humains propres pour exercer la mission en rapport avec les fautes

53

de gestion 5. Absence d’une stratégie de communication

efficace sur les missions et le rôle de l’institution.

B. Opportunités D. Risques ou menaces

1. Réformes du secteur de la justice et de l’Administration publique en cours

2. Réformes de la gestion publique en cours 3. Ouverture vers l’extérieur à travers le réseau

international des Ombudsman et partage d’expérience en matière de formation

4. Vitalité et éveil de la société civile et des médias.

1. Absence de confiance suffisante de la part des citoyens, de la société civile et de l’Administration publique

2. Absence de mécanismes de collaboration avec la CNIDH

3. Ambiguïté des mécanismes de l’assistance des corps de contrôle et d’inspection

4. Enormité de la tâche due aux défaillances du fonctionnement de l’Administration publique et du service judiciaire.

7.2. Des commentaires

Le bon exercice de ses missions de médiation entre l’Administration publique et les citoyens et de

contrôle en matière de fautes de gestion et de violation des droits des citoyens permettra à

l’Ombudsman de renforcer la démocratie et l’Etat de droit. D’où son importance consacrée par l’Accord

d’Arusha, la Constitution et la loi et saluée par tous.

Pour y parvenir, l’Ombudsman devra profiter de ses forces, saisir les opportunités qui se présentent à

lui, tout mettre en œuvre pour relever les défis liés à la fois aux faiblesses intrinsèques et aux risques

exogènes.

La compréhension du bilan retracé dans le tableau passe par le fait que la colonne A-B (à gauche)

comporte des éléments positifs qui aident à atteindre l’objectif tandis que la colonne C-D reprend les

éléments négatifs qui, si l’on n’y prend pas garde, handicapent la réalisation de l’objectif.

De même, la ligne A-C comprend des éléments positifs et négatifs internes (c’est-à-dire d’origine

organisationnelle) tandis que la ligne B-D recense les éléments positifs et négatifs externes (c’est-à-dire

d’origine environnementale).

Face aux éléments négatifs, le rapport propose des solutions. Avant d’y arriver, il convient d’observer

d’abord l’Ombudsman en action.

8. L’Ombudsman en action à l’épreuve des attentes des citoyens liées au dysfonctionnement

des services publics

L’institution de l’Ombudsman a des missions qui répondent à des préoccupations bien identifiées par

les négociateurs d’Arusha suivis par le Constituant de 2005, à savoir (i) l’instauration d’une bonne

54

gestion de la chose publique, (ii) le respect des droits des citoyens et (iii) le maintien d’un climat apaisé

entre l’Administration publique et les citoyens d’une part et entre les ministères et l’Administration

publique d’autre part, assuré par la médiation. Il convient dès lors de faire le point sur les attentes

réelles de la population sur l’apport de cette nouvelle institution dont la mise en place effective a

soulevé maintes interrogations sur son indépendance.

8.1. Des attentes des citoyens sur l’indépendance de l’Ombudsman d’une part et au regard de

l’effectivité de ses missions

La volonté des négociateurs de mettre en place l’institution de l’Ombudsman après la transition était

dictée par le fait qu’ils estimaient qu’il s’agirait d’une période de paix recouvrée, d’une démocratie

politique et d’un Etat de droit consolidés par les réformes préconisées. Bref, les conditions préalables à

son installation devaient d’abord être réunies pour s’assurer de son bon fonctionnement.

Les difficultés rencontrées dans la réalisation de ces conditions et le niveau des résultats atteint ne

manqueront pas d’influer sur le cadre des attentes réelles des citoyens au regard des missions lui

assignées.

8.1.1. Des attentes contrariées sur l’indépendance de l’Institution de l’Ombudsman

La caractéristique commune des institutions nationales de protection des droits de l’Homme, quelle que

soit l’appellation adoptée, est sans conteste l’indépendance.

Cette indépendance s’exerce à l’égard des pouvoirs politiques établis auxquels il rend compte, c’est-à-

dire le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Elle s’exerce également à l’égard des citoyens dont il est

le protecteur des droits institués par la Constitution et les conventions internationales régulièrement

ratifiées.

L’Accord d’Arusha a retenu cet attribut essentiel tandis que la Constitution ne l’a pas repris sans aucune

explication pertinente. Ce qui conduit à penser à un oubli de la part de ses rédacteurs.

Cependant, la même Constitution a retenu, à la suite de l’Accord d’Arusha, que l’Ombudsman dispose

des pouvoirs nécessaires pour s’acquitter de ses fonctions46.

Enfin, la loi ne s’est pas attardée non plus sur l’affirmation de cette caractéristique. Mais, elle se

découvre dans l’économie générale de ses dispositions et de celles de la Constitution, encore que

l’Accord d’Arusha est clair là-dessus.

Après la promulgation de la loi, d’aucuns croyaient fermement que la désignation de la personnalité

appelée à incarner l’institution obéirait à des critères de transparence et d’objectivité et que le profil de

l’Ombudsman devait correspondre à son cahier de charges.

46

Voir art. 238 de la Constitution

55

Dans son rapport d’observation de la gouvernance du deuxième semestre 2010, l’O.A.G. relève que

« l’élection de Cheik Mohamed Khalfan RUKARA à ce poste a provoqué l’indignation et le boycott de

cette élection par des députés de l’UPRONA et des députés de l’ethnie « Batwa ». Non seulement les

parlementaires issus du parti UPRONA et ceux se réclamant de l’ethnie twa ne lui ont pas accordé leurs

suffrages, mais ils ont claqué la porte de l’hémicycle au moment du vote, ce qui est une protestation

plus spectaculaire que s’ils s’étaient seulement abstenus ou avaient procédé par un vote négatif…

L’élection de l’Ombudsman a inquiété ceux qui ne sont pas membres du parti au pouvoir. Son mode

d’élection a révélé que même pour d’autres grands dossiers qui seront proposés au Parlement pour le

vote, ces derniers passeront sans susciter un débat contradictoire suite aux membres du parti au

pouvoir majoritairement représentés47 ».

Les attentes ont été certes déçues du seul double fait de sa provenance partisane et de son cursus

scolaire et académique. Des expressions sur son cursus de formation ont été entendues ici et là, sans

trouver de réponse adéquate. Mais, à partir du moment où la loi a été plus ou moins respectée, il ne

reste qu’à soutenir l’institution et de la juger aux actes accomplis étant entendu qu’il est désormais lié

par son serment et les termes de son statut, en particulier sur les incompatibilités.

Cependant, il est fort regrettable que le statut de l’Ombudsman ne lui interdise pas formellement toute

activité, démonstration ou prise de position politique au cours de son mandat.

8.1.2. Des attentes des citoyens sur l’éradication des fautes de gestion

Suite à la persistance des actes de mauvaise gestion de la chose publique en dépit de l’existence de

multiples institutions en charge de la lutte contre les malversations économiques et financières48, les

attentes de la population sont mitigées. Certains pensent que cette nouvelle institution ne pourra pas

opérer des miracles là où d’autres ont échoué.

Bien plus, l’opinion entretient souvent la même confusion entre les fautes de gestion et la corruption, ce

qui risque de conduire à une mauvaise appréciation du travail de la nouvelle institution d’autant plus

que, contrairement à l’Ombudsman du Rwanda, elle n’a été investie d’aucun moyen juridique efficace

pour lutter contre la corruption. Elle ne peut qu’apporter son aide au Procureur Général de la

République. Même pour les fautes de gestion stricto sensu, l’orientation faite est de recourir aux

ressources humaines des autres institutions et corps de contrôle et d’inspection.

Les attentes de la population sont sans nul doute évidentes. Mais, la désillusion ne tardera pas à se

manifester si le dispositif juridique ne change pas dans les meilleurs délais pour recadrer les missions

de l’Ombudsman conformément à la Constitution et à la politique nationale de lutte contre la corruption,

entendue au sens large.

8.1.3. Des attentes en matière de violation des droits des citoyens

47

O.A.G., Burundi : Les élections de 2010 et régression démocratique, Rapport d’observation de la gouvernance

du deuxième semestre 2010,Bujumbura, février 2011, pages 34-35. 48

Ici on cite généralement la Cour des comptes, la Cour anti-corruption et son Parquet Général, la Brigade

spéciale anti-corruption et l’Inspection Générale de l’Etat.

56

Malgré la proclamation par la Constitution que « le pouvoir judiciaire, gardien des droits et des libertés

publiques, assure le respect de ces droits et libertés dans les conditions prévues par la loi49 » et

l’existence de multiples structures de promotion et de protection des droits de l’Homme50 les attentes

des citoyens pour la protection de leurs droits sont réelles du fait des violences de la période post-conflit

que vit le Burundi et de l’Etat de droit défaillant à plusieurs égards et ce, dans tous les secteurs de

l’Administration publique et le secteur judiciaire dont l’indépendance n’est pas toujours garantie.

La règle de droit est souvent bafouée, ce qui pourrait conduire les citoyens à solliciter davantage la

nouvelle institution au détriment des structures classiques.

L’absence d’une communication efficace pour faire connaître les missions et le rôle de l’institution de

l’Ombudsman permet à cette dernière de ne pas être encore submergée de doléances. A ne prendre

que le secteur judiciaire où plus de 60% des détenus, dit-on, sont en situations de détenus préventifs,

on peut penser que les conditions d’un procès équitable respectueux des délais légaux et des droits de

la défense sont rarement réunies. Ce qui pourrait constituer un domaine d’ouverture des droits à saisir

l’Ombudsman.

8.1.4. Des attentes en matière de médiation entre l’Administration publique et les citoyens

Comme on va le voir dans les développements du point qui suit les attentes de la population se sont

vite manifestées en matière de recherche de médiation entre l’Administration publique et des groupes

de citoyens estimant que leurs droits étaient bafoués par l’Administration publique.

Outre que les doléances étaient présentées collectivement, dans la plupart des cas elles n’émanaient

même pas des associations agréées.

D’autres doléances furent présentées par des syndicats alors que ces derniers n’ont pas qualité de

saisir l’Ombudsman.

Si le pragmatisme qu’affiche l’Ombudsman dans la réception et les réponses réservées à certaines

doléances est à saluer, il convient de relever que cela révèle une certaine inadaptation des procédures

mises en place et risque de conduire à l’arbitraire, voire à l’intrusion de cette nouvelle institution dans le

domaine d’action des autorités politico-administratives. Cela risque de compromettre le principe de non-

immixtion de l’Ombudsman dans l’action de l’Administration publique.

L’absence des procédures en matière de médiation doit vite être comblée car il s’agit d’une lacune

grave. Il est primordial que l’Ombudsman agisse dans le respect strict du cadre juridiquement tracé et

ce, pour l’efficacité de son action et la pérennité de ses méthodes.

49

Voir art. 60 de la Constitution. 50

Consultez utilement à ce sujet M. NIYUNGEKO Gérard, Les droits de l’Homme, Cours destiné aux formateurs,

Bujumbura, juin 1994.

57

Comme l’écrit Catherine Bergeal, « toute loi mal faite – parce qu’elle nourrit l’incertitude, provoque la

désillusion ou facilite la fraude – est une atteinte à la sécurité juridique du citoyen51 ».

8.2. L’Ombudsman en action

La mise en place effective de l’institution de l’Ombudsman comprend deux phases : la phase d’activités

administratives de son installation et celle de démarrage de l’exécution de ses missions.

8.2.1. Des activités administratives d’installation de l’Ombudsman

a. Des activités réalisées

Premièrement, l’Ombudsman a arrêté son Règlement d’ordre intérieur le 21 janvier 2011 après son

approbation par le Bureau de l’Assemblée nationale, soit deux mois après son entrée en fonction par la

prestation de serment le 23 novembre 2010.

Deuxièmement, le même 21 janvier 2011, l’Ombudsman a procédé à la nomination des membres de

son personnel.

Troisièmement enfin, l’Ombudsman a lancé officiellement ses activités le 11 février 2011.

b. Des activités en cours de réalisation

L’exécution des missions de l’Ombudsman nécessite la réalisation d’autres activités administratives

présentement en cours. Il s’agit de la rédaction (i) du statut et du cadre du personnel conformément à

l’article 19.2 de la loi le régissant et (ii) d’un manuel des procédures. Sur ce dernier élément, deux

observations s’imposent.

Premièrement, il n’est pas possible de mettre sur pied un manuel des procédures avant l’organisation

par la définition des structures et de leurs missions. Ce que la loi n’a pas encore fait. L’urgence aurait

été de faire compléter la loi. Même le ROI n’a pas défini les missions de chaque service mis en place.

Deuxièmement, il est possible plutôt de mettre en place un manuel des procédures administratives,

comptables et financières – sorte de règlement comptable et financier – pour permettre à l’auditeur

interne de travailler sur base d’un référentiel connu.

Par contre, le manuel des procédures opérationnelles en matière de traitement des doléances relatives

aux fautes de gestion, à la violation des droits de l’homme que pour la médiation devrait attendre les

clarifications législatives et réglementaires des structures et de leurs missions.

51

Catherine Bergeal, Savoir rédiger un texte normatif, loi, décret, arrêté, circulaire…, 4ème

édition augmentée et

mise à jour au 1er

juin 2001, Berger-Levrault, Paris, p. 123.

58

Il convient de regretter l’absence des activités d’information et de sensibilisation de l’Administration et

de la population sur les missions et le rôle de l’Ombudsman à travers des séminaires et ateliers,

dépliants et émissions radiodiffusées à des heures de grande écoute, etc.

La nouvelleté de l’Institution impose une démarche communicationnelle permettant son appropriation

afin de recadrer les attentes des uns et des autres et ainsi éviter certaines confusions, voire des

illusions.

L’exemple simple est la confusion entretenue sur les fautes de gestion et la mission de lutte contre la

corruption. En effet, la loi portant mesures de prévention et de répression de la corruption et des

infractions connexes à la corruption édictée pour accompagner la politique nationale en matière de lutte

contre la corruption a mis en place un cadre institutionnel composé de la Brigade spéciale anti-

corruption et de la Cour anti-corruption et son Parquet Général. L’Ombudsman n’en fait pas partie.

L’autre exemple concerne les compétences de l’Ombudsman et sa saisine. La clarification doit être

portée à la connaissance de l’opinion et de la société civile en particulier que les Associations n’ont pas

qualité pour saisir l’Ombudsman en l’état actuel de notre législation. Ces dernières devraient appuyer

plutôt l’Ombudsman pour faire pression afin que la loi soit complétée et modifiée sur la question.

8.2.2. Des activités d’exécution des missions de l’Ombudsman

L’exécution des missions de l’Ombudsman a démarré dès le lancement de ses activités d’autant plus

que des doléances étaient déjà en attente depuis son entrée en fonction le jour de la prestation de

serment en novembre 2010.

Dans l’ensemble, il s’agissait des questions de demande de médiation entre l’Administration publique et

les citoyens. En vérité, il ne s’agissait pas de doléances individuelles, mais des questions concernant

des groupes de citoyens : cas des taxis-motos, cas des taxis-vélos, cas des habitants de Gasenyi de la

Commune Mutimbuzi (Province Bujumbura) en instance d’expropriation, cas du redéploiement des

enseignants soumis par les syndicats.

Il s’agissait aussi des cas en rapport avec les fautes de gestion soumises par l’OLUCOME, mais en

réalité les cas soumis constituaient plutôt des dossiers en rapport avec la corruption ou les infractions

connexes.

Ces premières plaintes ont fait l’objet d’une large médiatisation.

Que peut-on observer à ce stade ?

Premièrement, des citoyens regroupés en associations de fait ont saisi l’Ombudsman. Ce dernier a reçu

les cas auxquels il a réservé un traitement acceptable qui a permis d’apaiser les tensions entre des

populations et les administrations concernées. Il s’agit là d’un pragmatisme à saluer. A l’avenir, il faut

que ce pragmatisme qui intègre les réalités de notre société soit encadré juridiquement.

Deuxièmement, un syndicat, SLEB en l’occurrence, lui a soumis un différend opposant les

enseignants à leur Ministère. Il l’a accueilli et y a réservé une suite notamment en intercédant auprès

dudit Ministère.

59

Troisièmement enfin, l’OLUCOME a été reçue et présenté des dossiers en rapport avec les

malversations économiques et financières. Elle a été entendue. Il s’agit donc des cas pour lesquels

l’Ombudsman est compétent pour son aide instituée par la loi en faveur du Procureur Général de la

République. Il semble qu’il ait ainsi agi52.

Quels enseignements tirés de cet état de choses ?

Premièrement, la loi devrait tenir compte du rôle des syndicats dans la défense des intérêts

professionnels de leurs membres d’une part et de celui des associations de la société civile pour leur

action dans la lutte contre les malversations économiques et financières dont les fautes de gestion

d’autre part, pour leur reconnaître la qualité de saisir l’Ombudsman.

Deuxièmement, l’on doit reconnaître la qualité, dans le chef des associations ou groupe de personnes,

de saisir l’Ombudsman à partir du moment où les intérêts de leurs membres pris individuellement et/ou

collectivement sont contrariés par une mesure administrative générale et qu’aucune voie de recours

administrative ou juridictionnelle n’est prévue.

En dehors de ces cas médiatiques, l’Ombudsman a reçu d’autres doléances individuelles dont le

traitement serait en cours.

9. Conclusions et propositions

9.1. Conclusions

L’analyse critique des textes de lois et règlements régissant l’Ombudsman a fait apparaître des lacunes

graves et des incohérences dont ils regorgent. Cette situation influe négativement sur le

fonctionnement de l’Institution.

Les lacunes graves de la loi n°1/03 du 25 janvier 2010 portant organisation et fonctionnement de

l’Ombudsman sont principalement les suivantes :

- L’absence d’un chapitre portant organisation de l’Ombudsman qui aurait fixé les structures et

leurs missions ;

- L’absence de la définition des principes sur le statut du personnel de l’Ombudsman ;

- L’éparpillement des dispositions régissant le statut de l’Ombudsman à travers tous les chapitres

de la loi ;

52

Cela est confirmé par l’entretien que le Consultant a eu avec le Porte-Parole de l’Ombudsman, le 25 mai

2011.

60

- La délégation de compétences aux actes de l’Ombudsman dont elle n’a même pas indiqué la

forme et ce, pour des questions qui relèvent constitutionnellement de la seule compétence de la

loi ;

- L’insuffisance des dispositions relatives aux procédures à suivre pour l’exécution des principales

missions (l’examen des plaintes concernant les fautes de gestion, l’examen des plaintes

concernant la violation des droits des citoyens et la médiation) ;

- L’absence d’un chapitre sur le fonctionnement traitant des relations entre les structures qui

auraient été préalablement fixées dans l’organisation ;

- L’omission de la mission de médiation entre les ministères et les administrations publiques ;

- L’omission de la mission de saisine du Conseil supérieur de la magistrature concernant le

comportement professionnel des magistrats.

Quant au Règlement d’ordre intérieur du 21 janvier 2011, son analyse démontre les lacunes

suivantes :

- L’essentiel des dispositions portent sur des questions qui ne relèvent pas de sa compétence

(organisation générale, statut du personnel) ;

- L’absence d’une indication précise des missions de chaque structure mise en place ;

- L’attribution de la mission de conception de la politique générale de l’Ombudsman au Cabinet,

organe dont ce dernier n’est pas membre ;

- La participation de l’auditeur interne dans la conception de la politique générale de l’institution

alors que son rôle est de contrôler ; ce qui crée un conflit d’intérêt :

- L’absence d’un service s’occupant spécialement de la médiation au sein du département de

médiation, d’éducation civique et de communication ;

- La décentralisation de la mission de réception des doléances dans les départements et le retrait

des réponses de l’Ombudsman au département de médiation, d’éducation civique et de

communication alors que ces questions relèvent de la compétence d’un service du Cabinet de

l’Ombudsman ;

- L’attribution du mandat politique aux membres du Cabinet et du Bureau Exécutif de

l’Ombudsman alors que pour sa stabilité, sa neutralité et son indépendance, cette institution doit

suivre les normes de gestion du personnel d’une institution plutôt professionnelle et technique ;

- Les mots « fautes d’injustice » ajoutés à la violation des droits de l’homme n’apportent aucune

clarification. Il n’y avait pas d’omission dans la loi. Le ROI devrait se limiter à l’usage des termes

de la loi et la Constitution.

Certains choix opérés par la loi ont fait l’objet de critiques. Il s’agit notamment :

61

- De l’interdiction faite à l’Ombudsman de traiter les différends ayant trait aux rapports de travail

entre les Administrations publiques relevant de son champ d’intervention et leurs fonctionnaires

ou autres agents. Certes, les différends individuels doivent être traités à travers les voies de

recours administratives et juridictionnelles. Mais qu’en est-il des conflits collectifs qui dégénèrent

souvent en grève ? Même si les choses se passent ainsi à l’étranger, au Burundi, la loi aurait dû

innover en la matière ;

- L’absence de disposition habilitant les associations à saisir l’Ombudsman. Ce qui a d’ailleurs été

contrarié par les faits car dès le démarrage de ses travaux, les premières doléances étaient

présentées par des associations agréées ou non ;

- L’attribution d’une mission de réconciliation et de paix au niveau régional ou international. La loi

aurait dû ne pas le spécifier.

Les mécanismes de collaboration entre l’Ombudsman et les corps de contrôle et d’inspection ne

tiennent pas compte des spécificités de ces derniers et de certaines évolutions législatives, notamment

la loi n°1/35 du 04 décembre 2008 relative aux finances publiques. C’est le cas de la Cour des comptes

et de la Brigade spéciale anti-corruption.

De même, la promulgation de la loi n°1/04 du 05 janvier 2011 portant création de la Commission

Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH) fait songer à la nécessité d’organiser des

mécanismes de leur collaboration en matière de protection des droits de l’homme.

Enfin, sur la question ambiante de la lutte contre la corruption, la vision proclamée par l’Ombudsman ne

tient pas compte ni des missions lui conférées ni de la loi n°1/12 du 18 avril 2006 portant mesures de

prévention et de répression de la corruption et des infractions connexes qui a mis en place un cadre

institutionnel fait de la Brigade spéciale anti-corruption et de la Cour anti-corruption.

Cette erreur doit être le fait de la confusion entretenue par certains entre les fautes de gestion relevant

de sa compétence et la gestion frauduleuse considérée comme une infraction connexe à la corruption.

Sur l’exécution de sa mission en rapport avec les fautes de gestion l’Ombudsman doit rechercher des

mécanismes de collaboration avec la Cour des comptes et le Ministre des Finances.

Sur la corruption, le mécanisme de l’aide qu’il apporte au Procureur Général de la République lorsqu’il

constate des faits y afférents semble suffisant.

Sur la mise en œuvre effective de l’institution de l’Ombudsman, l’absence d’un plan préalablement

élaboré risque de conduire aux tâtonnements.

Il fallait d’abord s’assurer que la loi est complète pour permettre un fonctionnement adéquat.

Il fallait ensuite disposer d’un statut administratif et pécuniaire avant de procéder au recrutement du

personnel.

Puis, avec le personnel en place, le règlement d’ordre intérieur pouvait voir le jour.

62

Enfin, l’élaboration des manuels des procédures (manuel des procédures administratives, comptables

et financières et d’un manuel des procédures opérationnelles pour l’exécution des missions) et d’un

plan de gestion stratégique de l’Institution s’impose.

Sur le plan communicationnel, pour une nouvelle institution, il est déplorable que plus de six mois de

fonctionnement se soient écoulés depuis l’entrée en fonction de l’Ombudsman sans que des activités

d’information et/ou de formation sur les missions de l’Institution soient réalisées. Un travail de marketing

pour emprunter le langage du secteur privé s’imposait. Les services que l’Institution de l’Ombudsman

met à la disposition des citoyens doivent être maîtrisés par l’Administration publique et connus de la

population afin de recadrer les attentes de cette dernière et placer la première devant ses

responsabilités.

L’ombudsman a été institué au moment où un chantier de réformes administratives, juridiques et

judiciaires ainsi que de celles comptables, budgétaires et financières est avancé. C’est une opportunité

qui devrait faciliter l’exercice de ses missions.

De même, il y a émergence dans le pays d’une culture de médiation d’arbitrage, de conciliation et de

bons offices de la part des forces sociales, professionnelles et politiques. Ce qui rend possible l’exercice

de sa mission de médiation.

Bref, des atouts à exploiter existent bel et bien. Mais aussi des défis ne manquent pas face aux enjeux

inhérents aux missions de l’Institution. Des stratégies doivent être adoptées pour ne pas décevoir les

attentes légitimes de la population.

9.2. Propositions

Face aux observations relevées dans les développements et reprises de manière synthétique dans les

conclusions, le rapport formule les propositions suivantes :

Au Parlement :

1. Adopter une nouvelle loi portant organisation et fonctionnement de l’Ombudsman.

Cette nouvelle loi doit corriger les lacunes observées dans la loi en vigueur, en la complétant sur des

questions relatives à l’organisation de l’institution, en réorganisant les dispositions mal agencées dans

la loi en vigueur et en fixant les principes devant régir le statut du personnel de l’Ombudsman qui ne

peuvent être délégués à la compétence de ce dernier et prévoir que le statut pécuniaire sera réglé par

décret sur proposition de l’Ombudsman et après approbation du Bureau de l’Assemblée Nationale.

Les dispositions relatives à l’organisation doivent arrêter les structures nécessaires à l’exécution des

missions de l’Ombudsman et définir leurs missions respectives.

La mission de saisine du Conseil supérieur de la magistrature concernant le comportement

professionnel des magistrats, doit être restaurée en application de l’Accord d’Arusha d’autant plus que

son omission dans la Constitution résulte d’une erreur purement matérielle.

Les dispositions relatives à la procédure applicable devant l’Ombudsman doivent être étoffées et

insérées dans la loi sous un intitulé précis.

63

La loi doit aussi prévoir une disposition qui accorde expressément « l’autonomie de gestion

administrative, budgétaire et financière » à l’Ombudsman.

Concernant les relations de collaboration entre l’Ombudsman, la Cour des comptes et le Ministre des

Finances sur la compétence commune en matière des fautes de gestion, la nouvelle loi doit tenir

compte de la loi organique relative aux finances publiques.

De même, des dispositions particulières doivent être prises pour régler la question de collaboration

entre la CNIDH et l’Ombudsman sur leur compétence commune en matière de protection des droits de

l’homme en tenant compte des spécificités de chacune de ces deux institutions.

La loi doit interdire formellement à l’Ombudsman toute activité, démonstration ou occupation politiques

au cours de son mandat.

Elle doit, enfin, préciser la forme de ses actes. La forme d’arrêt utilisée pour l’acte de nomination de son

personnel ne paraît pas adéquate.

2. Requérir les avis de l’Ombudsman, de la Cour des comptes, de la CNIDH et de la société civile sur

la nouvelle loi avant son adoption.

3. Accorder les moyens budgétaires suffisants pour le bon fonctionnement de l’Ombudsman et mettre

en place un comité de députés chargé de veiller à leur bonne utilisation.

4. Respecter l’indépendance de l’Ombudsman.

Au Gouvernement :

1. Prendre les mesures nécessaires pour qu’une nouvelle loi portant organisation et fonctionnement

de l’Ombudsman soit préparée, adoptée et promulguée.

2. Prendre les textes d’application qui auront été prévus par la nouvelle loi dans les meilleurs délais.

3. Poursuivre les réformes dans l’Administration publique et le service judiciaire ainsi qu’en matière

comptable, budgétaire et financière afin de créer un environnement favorable au travail de

l’Ombudsman.

4. Respecter l’indépendance de l’Ombudsman.

A l’Ombudsman :

1. Prendre l’initiative de la préparation des avant- projets/propositions de la nouvelle loi régissant son

organisation et son fonctionnement et de ses textes réglementaires d’application.

2. Adopter un règlement d’ordre intérieur conforme à la nouvelle loi se limitant aux seules questions

qui relèvent habituellement d’un règlement intérieur.

3. Retirer la mission attribuée à son Cabinet de « concevoir la politique générale de l’institution » et

la confier au Bureau Exécutif.

64

4. Créer un service spécifique chargé des questions de médiation au sein du département de

médiation, d’éducation civique et de communication.

5. Ne pas faire participer l’auditeur interne dans des missions de conception de la politique générale

de l’institution pour qu’il se consacre aux activités de contrôle et ainsi lui éviter tout conflit d’intérêt.

6. Créer un organe largement collégial et regroupant tous les cadres de direction avec pour missions

notamment l’adoption des rapports prévus par la loi.

7. Poursuivre l’exécution de ses missions sur base des textes existant en attendant leur

amélioration.

8. Respecter les principes d’objectivité et de transparence dans le recrutement de son personnel de

manière à assurer la crédibilité et la stabilité de l’institution.

9. Adopter les manuels des procédures nécessaires à son bon fonctionnement.

10. Adopter un plan de gestion stratégique de l’institution pour faire face à l’ampleur de la tâche qui l’attend au regard des attentes de la population.

11. Respecter les compétences attribuées aux institutions en charge de la lutte contre la corruption et les infractions connexes et se limiter à leur apporter son aide.

12. Susciter la mise en place des mécanismes de collaboration avec la CNIDH en matière de protection des droits de l’Homme d’une part, avec la Cour des comptes et le Ministre des

Finances, en matière de fautes de gestion d’autre part, et ce, dans le respect des lois en vigueur.

13. Mettre en place une stratégie de communication, d’information et de formation sur ses missions.

A la société civile :

1. Appuyer l’adoption d’une nouvelle loi déterminant l’organisation et le fonctionnement de

l’Ombudsman.

2. Faire connaître les missions de l’Ombudsman à la population.

3. Convenir avec l’Ombudsman des mécanismes de collaboration en vue de l’appuyer dans la

réalisation de ses missions.

65

Bibliographie

A. textes de lois

1. Constitution du 13 mars 1992

2. Constitution du 18 mars 2005

3. Loi n°1/007 du 30 juin 2003 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la

magistrature

4. Loi n°1/002 du 31 mars 2004 portant création, missions, organisation et fonctionnement de la

Cour des comptes

5. Loi n°1/018 du 19 décembre 2002 portant organisation et fonctionnement de la Cour

constitutionnelle ainsi que la procédure suivie devant elle telle que modifiée par la loi n°1/03 du

11 janvier 2007

6. Loi n°1/12 du 18 avril 2006 portant mesures de prévention et de répression de la corruption et

des infractions connexes

7. Loi n°136 du 13 décembre 2006 portant création de la Cour anti-corruption

8. Loi n°1/37 du 22 décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement de la Brigade

spéciale anti-corruption

9. Loi n°1/35 du 4 mars 2008 relative aux finances publiques

10. Loi n°1/05 du 22 avril 2009 portant révision du code pénal

11. Loi n°1/03 du 25 janvier 2010 portant organisation et fonctionnement de l’Ombudsman

12. Loi n°1/04 du 5 janvier 2011 portant création de la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme

13. Décret n°100/09 du 15 janvier 2010 portant réorganisation de l’Inspection Générale de l’Etat

14. Règlement d’ordre intérieur de l’Institution de l’Ombudsman

B. Autres documents consultés

66

15. Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi

16. AISCCUF53, La sanction des fautes de gestion par les juridictions financières : comparaison

internationale, juin 2009, document compilé par la Cour des comptes française

17. Arrêt RCCB 160-161 du 2 mars 2006 de la Cour constitutionnelle

18. Bergeal Catherine, Savoir rédiger un texte normatif, loi, décret, arrêté, circulaire, Berger-Levrault, Paris, juillet 2001

19. JACOBY Daniel, « Le développement de l’ « ombudsmédiateur » à l’échelle mondiale, Colloque « La médiation : quel avenir ? » du 5 au 6 février 1998, à l’occasion du 25ème

anniversaire du Médiateur de la République, Paris (France)

20. NIYUNGEKO Gérard, Les droits de l’homme, Cours destiné aux formateurs, Bujumbura 1994

21. O.A.G., Burundi : Les élections de 2010 et régression démocratique, Rapport d’observation de la gouvernance du deuxième semestre 2010, Bujumbura, février 2011

22. Exposé des motifs du projet de loi portant organisation et fonctionnement de l’Ombudsman

23. Principes directeurs des institutions nationales des droits de l’Homme

24. Rwanda, Loi n°17/2005 du 18/O8/ 2005 modifiant et complétant la loi n°25/2003 du 15/08/2003 portant organisation et fonctionnement de l’Office de l’Ombudsman au Rwanda

C. Sites web

25. http://www.ombudsmanforum.ca/

26. http://fr.wikipedia.org/

53

AISCCUF = Association des Institutions Supérieures de Contrôle ayant en Commun l’Usage du Français

67

Annexe unique : Représentation schématique du guide du plaignant

Est-ce que votre doléance vous concerne personnellement

en tant que personne physique et non morale (société ou

association)

NON OUI

L’Ombudsman n’est pas

compétent pour connaître de

votre doléance

Quelle est la nature de votre doléance ?

Litige avec une administration publique

(fonction publique, service judiciaire,

collectivités locales, établissements publics ou tout organisme investi d’une mission de

service public)

Litige avec une personne

morale ou physique de

droit privé

L’Ombudsman

n’est pas

compétent pour connaître de votre

litige

Affaire en justice

Est-ce que ce litige vous oppose à

l’administration en votre qualité de

fonctionnaire/employé/ouvrier auprès de cette administration ?

Estimez-vous que les

délais de votre affaire

sont excessivement

longs ?

68

OUI NON

Vous pouvez

saisir

l’Ombudsman de

votre litige, à

condition d’avoir

accompli une démarche

préalable auprès

de

l’Administration

pour obtenir

satisfaction.

L’Ombudsman

n’est pas

compétent pour

connaître de votre

affaire. Vous

devez utiliser les

voies de recours

administratives et

juridictionnelles

prévues par la

loi.

OUI NON

Vous pouvez saisir

l’Ombudsman

Est-ce que vous estimez qu’une décision

judiciaire ou une autre mesure judiciaire

prise à votre égard est injuste ou erronée ?

OUI NON

L’Ombudsman doit

respecter le bien-fondé de

toute décision

juridictionnelle. Il ya lieu

d’entamer les voies de

recours judiciaires

(opposition, appel,

cassation, révision, tierce-

opposition). Cependant,

l’Ombudsman peut

éventuellement agir en

équité.

Est-ce qu’une décision judiciaire

prononcée en votre faveur contre

l’administration publique n’est pas exécutée par cette administration

Si « OUI », vous pouvez saisir

l’Ombudsman. Si « NON », la

réclamation est sans objet.